- Mardi 15 octobre 2024
- Mercredi 16 octobre 2024
- Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023 - Examen du rapport
- L'accès à l'interruption volontaire de grossesse - Examen du rapport d'information
- Proposition de loi visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité - Désignation d'un rapporteur
- Jeudi 17 octobre 2024
Mardi 15 octobre 2024
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 14 h 15.
Proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves - Examen de l'amendement au texte de la commission
M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons l'amendement au texte de la commission sur la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves, déposé par notre collègue Daniel Chasseing.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - L'amendement n° 2 rectifié bis est cohérent avec les travaux de la commission des affaires sociales, qui a souhaité que la procédure dérogatoire s'applique dès l'ouverture des droits et l'attribution des prestations. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2 rectifié bis.
La réunion est close à 14 h 20.
Mercredi 16 octobre 2024
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023 - Examen du rapport
M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour l'année 2023.
Ce texte, rejeté hier par l'Assemblée nationale en première lecture, sera examiné en séance, mardi 22 octobre, en fin d'après-midi ou en soirée.
Le calendrier d'examen du Placss a été bouleversé par la dissolution de l'Assemblée nationale. Les députés n'ayant pas achevé l'examen du projet de loi le 9 juin dernier, le texte a dû être de nouveau déposé par le Gouvernement et la procédure a dû repartir de zéro.
Ainsi, au lieu de l'examiner à la fin du printemps ou au début de l'été, selon le calendrier annuel prévu, le Sénat devra procéder à l'examen du Placss juste avant celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Avant de laisser la parole à nos rapporteurs, je précise que, si la rapporteure générale est, formellement, rapporteure de droit de ce texte, chaque rapporteur de branche du PLFSS a néanmoins souhaité présenter le bilan d'une mesure issue d'une récente loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ayant trait à sa branche.
Cette démarche s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss) et de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss).
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous examinons, pour la deuxième fois, un Placss. Comme vous le savez, les Placss sont issus d'une initiative de mon prédécesseur Jean-Marie Vanlerenberghe, reprise par Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de la loi du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. (Mme la rappporteure générale projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.)
Le Placss doit être déposé au printemps, afin de permettre son examen, en principe, en juin ou en juillet. Il s'agit de profiter de l'approbation des comptes pour susciter un « chaînage vertueux » entre le Placss et le PLFSS, en s'interrogeant sur l'efficacité de la dépense. Pour cette raison, le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, l'est désormais lors du dépôt du Placss.
En termes de calendrier, le Placss doit être déposé avant le 1er juin. Aucune date limite n'est fixée pour son examen, mais une assemblée ne peut examiner le PLFSS avant de s'être prononcée sur le Placss. L'examen du Placss suffit ; il n'est pas nécessaire de l'adopter. Ainsi le Parlement a-t-il rejeté le Placss l'année dernière. Pour ce qui concerne le calendrier du Placss 2023, celui-ci est évidemment bouleversé par la dissolution, qui a imposé un second dépôt du projet de loi, en juillet, en raison du principe dit de la « table rase ».
S'agissant des questions de calendrier, j'attire votre attention sur le fait que la date de production des comptes par les caisses d'assurance maladie ne permet pas au comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie de rendre son avis sur l'exécution de l'année en cours avant le 1er juin, comme il est censé le faire.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les deux sujets sont liés, car la date de production des comptes conditionne celle de certification de ces comptes par la Cour des comptes et, par conséquent, celle de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).
Or le rapport à la CCSS et l'avis du comité d'alerte mettent à contribution les mêmes personnes ou services : le secrétaire général de la CCSS, un magistrat de la Cour des comptes qui est, de droit, l'un des trois membres du comité d'alerte et qui est chargé d'organiser les travaux de celui-ci ; et, bien sûr, la direction de la sécurité sociale (DSS).
Pour toutes ces raisons, le comité d'alerte ne peut pas respecter, dans les faits, l'échéance du 1er juin et le Parlement, ou, comme l'année dernière, à tout le moins, l'Assemblée nationale, peut donc ne pas être informé des perspectives d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) lors de l'examen du Placss, qui est censé être l'occasion de se projeter vers l'avenir. Dans le Ralfss 2023 puis Ralfss 2024, la Cour des comptes demandait d'anticiper la production des comptes de quinze jours, selon le premier rapport, ou de dix jours, pour le second.
Afin que la discussion du Placss ne se réduise pas à l'approbation des comptes, nous sommes convenus cette année que les rapporteurs de branche présenteraient des contributions sur divers sujets. Toutefois, on peut craindre - c'est un euphémisme - que celles-ci ne suscitent pas un écho similaire à celui qu'elles auraient obtenu si le Placss avait été examiné dans des circonstances normales.
Cette année, examiner le Placss juste avant le PLFSS constitue de facto un retour à la situation d'avant la réforme, où la première partie du PLFSS tenait lieu de Placss. Dans ces conditions, il est difficile de percevoir comment un « chaînage vertueux » entre le Placss et le PLFSS serait possible. Mais nous connaissons un contexte particulier, je l'entends.
J'en viens à l'exécution pour l'année 2023. Le déficit a été réduit à 10,8 milliards d'euros. Au regard des quelque 20 milliards d'euros en 2022, on pourrait se dire que c'est encourageant. Toutefois, le PLFSS pour 2025 ne prévoit pas d'amélioration par rapport à la trajectoire définie par la LFSS 2024, en dépit de l'importance des mesures de redressement qu'il comprend, la nouvelle trajectoire étant même un peu plus dégradée. En effet, le dérapage du déficit pour l'année 2024 par rapport à la LFSS est tel que les mesures de redressement ne parviendraient pas à compenser complètement cette dégradation.
On remarque aussi que, par une curieuse coïncidence ou, peut-être aussi, pour éviter d'afficher une dégradation par rapport à la LFSS 2024, le déficit de 17,2 milliards d'euros prévu pour l'année 2027 est identique à celui qui a été défini par la LFSS 2024 - nous y reviendrons dans les prochaines semaines.
Le projet de rapport comprend un graphique décomposant, pour 2023, l'évolution du solde des Robss et du FSV entre ses différents facteurs. Il repose sur une analyse du solde structurel et de l'effort structurel et s'appuie sur le PIB potentiel tel que l'évalue la Commission européenne. De façon schématique, l'amélioration du solde de quelque 10 milliards d'euros entre 2022 et 2023 est due à trois principaux facteurs (deux dans le sens d'une amélioration, un dans celui d'une dégradation), représentant chacun une dizaine de milliards d'euros et qui montrent l'absence d'effort particulier réalisé par le Gouvernement.
En premier lieu, les dépenses liées au covid ont mécaniquement diminué de 10,6 milliards d'euros.
En deuxième lieu, diverses prestations, en particulier les retraites, ont été revalorisées le 1er juillet 2022, au lieu du 1er janvier 2023. Pour le seul cas des retraites, les dépenses de 2022 ont ainsi été majorées de 5 milliards d'euros, réduisant à due concurrence l'augmentation en 2023.
En troisième lieu, à l'inverse, la croissance spontanée des recettes a été inférieure à celle du PIB, ce qui a majoré le déficit de 13 milliards d'euros. Cette situation résulte d'un double phénomène, qui contribue à expliquer l'erreur de prévision de la fin de l'année 2024, sur laquelle je reviendrai. Tout d'abord, alors que la masse salariale augmente d'habitude selon un taux similaire à celui du PIB, celle-ci a progressé nettement moins rapidement. Ensuite, les cotisations sociales ont crû moins vite que la masse salariale, alors que, en principe, elles augmentent à peu près à la même vitesse. En effet, la forte inflation en 2022 a provoqué une importante revalorisation du Smic. Aussi nombre de salariés ont-ils vu leur rémunération « rattrapée » par le Smic, alors qu'elle était jusqu'alors supérieure à ce dernier. Une forte croissance des allégements dégressifs de cotisations patronales en a résulté.
Pour ce qui concerne, non pas les déterminants de l'évolution du solde, mais la comparaison entre prévision et exécution, le déficit s'élevait à 10,8 milliards d'euros en 2023, soit 3,7 milliards d'euros de plus que la prévision de la LFSS 2023. En effet, si les recettes ont été supérieures de 5,2 milliards d'euros aux prévisions, le dérapage des dépenses a été encore plus important et atteint 8,8 milliards d'euros.
À la fin de l'année 2023, la LFSS 2024 a revu trop à la hausse les prévisions de recettes pour 2023, qui se sont révélées finalement inférieures de plus de 2 milliards d'euros à ces dernières prévisions - j'y reviendrai.
Le dérapage des dépenses provient essentiellement de la branche maladie, en particulier de l'Ondam. Pour ce qui concerne les recettes, le supplément de 5,2 milliards d'euros par rapport à la LFSS 2023 est lié à la forte croissance de la masse salariale pendant les trois premiers trimestres. Vous vous en souvenez, au premier semestre 2024, les prévisions de finances publiques de l'automne 2023 ont fait l'objet d'une polémique, le déficit de l'ensemble des administrations publiques ayant finalement été en 2023 de 5,5 points de PIB, alors qu'à l'automne 2023 le Gouvernement prévoyait un déficit de 4,9 points. Notre collègue Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, a exercé un contrôle sur pièces et sur place à Bercy en mars dernier, avant de publier un rapport en juin. Le supplément de déficit s'expliquait essentiellement par de moindres recettes, en particulier de TVA et de cotisations sociales.
S'agissant des administrations de sécurité sociale, Jean-François Husson soulignait, dans son rapport, l'optimisme des prévisions de masse salariale. En effet, le Gouvernement a revu à la hausse sa prévision de masse salariale à l'automne 2023, alors que l'Insee revoyait la sienne à la baisse. Par conséquent, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a souligné l'optimisme de la prévision de masse salariale pour l'année 2023 du PLFSS pour 2024.
Le Gouvernement a, par ailleurs, sous-estimé le dynamisme des allégements généraux de cotisations patronales.
J'en viens au respect des obligations organiques.
L'an passé, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette année, on peut constater un « progrès », puisque la Cour des comptes s'est déclarée seulement dans l'impossibilité de le faire. Ce changement terminologique signifie que, désormais, la Cour ne déclare plus que les comptes sont faux, mais qu'elle n'est pas en mesure d'affirmer qu'ils sont justes. Le principal motif de ce refus, puis de cette impossibilité de certifier, correspond aux erreurs de paiement. En effet, neuf mois après le paiement, les erreurs, qui sont essentiellement à la hausse, représentent 10,9 % du montant des prestations et encore 7,4 % de ce montant vingt-quatre mois après le paiement. Par rapport à 2022, la situation s'améliore dans le cas de l'indicateur à vingt-quatre mois, ce qui contribue à expliquer la moindre sévérité de la Cour, mais elle se dégrade dans le cas de l'indicateur à neuf mois.
La qualité des comptes sociaux se dégrade depuis plusieurs années, avec chaque année depuis 2020 au moins une impossibilité ou un refus de certifier.
L'an passé, l'actualisation des indicateurs des rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), relatifs aux objectifs et aux résultats des politiques menées par les différentes branches, était très insuffisante. En effet, ceux-ci n'allaient pas au-delà, en moyenne, de l'année 2020, soit deux ans avant l'exercice 2022. Cette année, la situation n'est toujours pas optimale, mais elle s'améliore : les indicateurs sont valables, en moyenne, jusqu'à l'année 2022, soit une année avant l'exercice concerné. À mon sens, s'il est compréhensible que certains indicateurs ne soient actualisés que de manière périodique, à l'instar des données épidémiologiques, il est légitime de s'interroger sur la signification d'indicateurs datant de 2016 ou 2018.
Par ailleurs, l'indicateur sur les créations de places en établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) ne permet toujours pas de déterminer si l'objectif de 30 000 places supplémentaires de la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour la période 2018-2022 a été atteint. On le sait, c'est loin d'être le cas selon la synthèse du Repss « Famille », selon laquelle « environ la moitié de l'objectif de la précédente COG était atteint à fin 2022 ».
Enfin, j'en viens à l'« arlésienne » qu'est l'évaluation de l'efficacité des niches sociales.
Selon la Lolfss, l'annexe sur les niches devrait comprendre chaque année l'évaluation d'un tiers, en nombre, des 120 niches, soit 40 niches. L'année dernière, aucune niche n'était évaluée. Cette année, lors du dépôt du Placss, seules 16 niches l'étaient, soit 13 % d'entre elles. Il s'agit, pour la quasi-totalité d'entre elles, des niches relatives aux compléments de salaire, qui ont fait l'objet d'un chapitre du Ralfss de la Cour des comptes cette année.
Ce constat doit toutefois être relativisé. En effet, le 3 octobre dernier, le rapport de la mission conduite par Antoine Bozio et Étienne Wasmer, intitulé Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, a enfin été publié. Je vous le rappelle, j'avais interrogé à ce sujet le directeur de la DSS, lors de son audition par la commission le 2 octobre dernier. En effet, seul un rapport d'étape, sans propositions, avait été publié en avril et la publication du rapport définitif, prévue en juin, avait été reportée en raison de la dissolution. Après prise en compte des trois niches correspondant aux allègements généraux, les évaluations réalisées en 2024 correspondent à environ 95 % du montant total des niches, pour 16 % du nombre de niches.
Au total, si par rapport au précédent Placss la situation s'améliore dans tous les domaines - qualité des comptes, actualisation des indicateurs, évaluation des niches -, il reste encore une importante marge de progression. Par ailleurs, le Gouvernement précédent lègue une situation des comptes sociaux très dégradée. C'est pourquoi je vous propose de rejeter le Placss, comme l'année dernière par une motion tendant à opposer la question préalable.
Mme Corinne Imbert, pour la branche maladie. - En complément de l'analyse que vient de nous livrer Mme la rapporteure générale sur l'exécution de l'exercice 2023, j'interviendrai au titre de la branche maladie.
Concernant l'Ondam, je souligne à mon tour le montant de 247,8 milliards d'euros atteint en 2023. Je constate que si le dépassement de fin d'exercice est cette année limité, l'Ondam voté en LFSS a été une fois encore, et malgré deux révisions en cours d'année, substantiellement dépassé.
Nous avions refusé de voter l'Ondam 2023, l'estimant ni crédible ni sincère. Force est de constater que nous avions raison : l'Ondam exécuté est supérieur de 3,7 milliards d'euros à l'Ondam initial, principalement du fait du contexte inflationniste. En outre, l'Ondam 2023, qui devait être inférieur à l'Ondam 2022 du fait de la résorption des dépenses de crise, est finalement supérieur. À mon sens, il nous faut disposer de prévisions plus solides et, avec l'appui du comité d'alerte, renforcer les mécanismes de suivi infra-annuel.
J'appelle plus particulièrement votre attention sur trois politiques rattachées à la branche maladie par les dernières LFSS.
Affiché comme une priorité d'action, le « virage de la prévention » devait trouver à s'incarner dans les rendez-vous de prévention. Que dire de cette mesure, près de deux ans après leur création dans la LFSS pour 2023 ? Nous ne disposons que de peu de recul sur sa mise en oeuvre, et pour cause : après une publication tardive des textes d'application réglementaires, le dispositif entre tout juste dans sa phase de généralisation.
Le Sénat avait soutenu le principe de cette mesure tout en alertant sur certains prérequis : tout d'abord, l'importance d'associer les professionnels de santé à sa déclinaison opérationnelle pour garantir leur adhésion au dispositif ; ensuite, la nécessité de penser l'articulation de ces rendez-vous avec un suivi d'aval structuré et de cibler les personnes les plus éloignées du soin. C'est à ces conditions que les rendez-vous de prévention pourront, à leur modeste mesure, contribuer à améliorer les résultats de la France en matière de prévention, que la Cour des comptes qualifiait de médiocres en 2021.
Par ailleurs, le Sénat avait soutenu l'allongement du troisième cycle de médecine générale par la LFSS pour 2023, laquelle reprenait à ce titre une proposition de loi de Bruno Retailleau. Applicable aux étudiants entrant en troisième cycle à compter de la rentrée universitaire 2023, l'ajout d'une quatrième année devait améliorer la formation des étudiants, grâce à la réalisation d'un stage long en ambulatoire et en autonomie supervisée, prioritairement dans les zones sous-denses.
Or, près de deux ans après la promulgation de la loi, cette réforme demeure largement incomplète. La maquette a été tardivement mise à jour, en août 2023, et fait encore l'objet de vifs débats. Les conditions d'appariement entre étudiants et terrains de stage, comme le statut et les modalités de rémunération des docteurs juniors, ne sont toujours pas définies. Il faut souligner le très haut niveau d'incertitude avec lequel les étudiants se trouvent contraints de réaliser un choix de spécialité qui les engagera pour le reste de leur carrière. Les multiples retards subis par la parution des textes deviennent alarmants : c'est pourquoi nous appelons à engager les dernières concertations nécessaires et à conclure au plus vite ces travaux.
Enfin, la LFSS pour 2023 avait prévu la fin de la garantie de financement des établissements de santé au profit d'un nouveau dispositif de sécurisation des ressources, modulé à l'activité. En 2023, une sécurisation de base était ainsi appliquée sur 70 % du financement de 2022 ; 30 % étaient valorisés sur l'activité 2023.
Presque exclusivement sur le champ « médecine, chirurgie, obstétrique », la sécurisation modulée à l'activité représente pour 2023 un coût de l'ordre de 1,4 milliard d'euros par rapport à une valorisation de la seule activité réalisée. Pour un montant substantiel, ce mécanisme d'appui aux ressources n'a pas permis d'assurer aux hôpitaux une situation financière saine. Ainsi, dans un contexte de reprise encore difficile de l'activité, ont été décidés à la fin de l'exercice et de la campagne budgétaire 2023 des dégels tarifaires et de dotations, ainsi qu'une restitution de la sous-exécution tarifaire. Cet ensemble de mesures ne permet pourtant pas d'éviter des montants records de déficits.
Ces observations permettront, je l'espère, de préparer notre grille de lecture du PLFSS pour 2025.
Mme Pascale Gruny, pour la branche vieillesse. - Je me suis intéressée, pour ma part, au non-recours au minimum vieillesse.
Le minimum vieillesse est le plus ancien minimum social : il a été instauré en 1956 afin de garantir un socle de ressources aux personnes âgées de plus de 65 ans percevant de faibles revenus. Initialement, il était composé de huit allocations, mais ces dernières ont été fusionnées à des fins de lisibilité pour former l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) au 1er janvier 2006. Il s'agit d'une allocation différentielle, ce qui signifie que le montant auquel a droit le bénéficiaire est déterminé par la différence entre le plafond de la prestation, aujourd'hui fixé à 1 571 euros, et les revenus de l'assuré.
Alors même que la fusion visait à faciliter les démarches des bénéficiaires potentiels, le taux de non-recours à l'Aspa s'élève à 50 %. Concrètement, cela signifie qu'un assuré éligible sur deux ne perçoit pas l'Aspa, souvent parce qu'il n'en a pas fait la demande.
Cette situation s'explique en partie par la hausse des minima de pensions de retraite que sont le minimum contributif pour les salariés des régimes alignés et la pension majorée de référence pour les non-salariés agricoles.
On peut se féliciter de ces revalorisations, qui, en augmentant le niveau de vie des retraités à taux plein, ont rendu moins nécessaire le recours au minimum vieillesse, en recul depuis les années 1960. Néanmoins, l'Aspa a fait l'objet de plusieurs revalorisations entre 2018 et 2021, lesquelles se sont traduites par une hausse de son montant de 100 euros par mois, ce qui n'est pas négligeable. Le spectre des assurés éligibles s'en est trouvé élargi ; pour autant, le taux de non-recours à l'Aspa est toujours estimé à 50 %.
Comment l'expliquer ? Les analyses statistiques menées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) sur des données de 2016 ont dressé des portraits types de non-recourants.
La première catégorie est constituée de pensionnés propriétaires, dont les revenus sont proches du seuil d'éligibilité et qui percevraient donc un montant d'Aspa inférieur à 100 euros. Ces personnes n'ont peut-être pas connaissance de la revalorisation du plafond de l'Aspa, ou alors ne souhaitent pas y recourir, car elles savent que les sommes qu'elles toucheront à ce titre pourront être récupérées sur leur succession.
Lors de la réforme des retraites de 2023, le législateur a souhaité faciliter le recours au minimum vieillesse en portant à 105 300 euros le seuil au-delà duquel les actifs successoraux sont saisissables. Toutefois, la crainte que le patrimoine soit saisi et ne puisse dès lors être transmis constitue un frein important au recours à l'Aspa, notamment chez les non-salariés agricoles, comme nous l'a indiqué la Mutualité sociale agricole (MSA). Si le législateur a exclu de l'actif successoral saisissable tous les biens mobiliers et immobiliers servant l'activité agricole, notamment les bâtiments d'exploitation et les vignes, les agriculteurs sont aussi propriétaires d'autres terrains et ont, à ce titre, un patrimoine à transmettre.
La seconde catégorie est constituée de femmes seules, âgées de plus de 85 ans et titulaires d'une pension de réversion. Nous pouvons aisément imaginer qu'elles n'ont pas toujours connaissance de leur droit à l'Aspa et que les démarches administratives requises sont rendues complexes par leur grand âge, sans parler de la fracture numérique. Le taux de non-recours pour les personnes qui bénéficieraient d'une allocation supérieure à 700 euros par mois est de 43 %. Ce taux n'est pas négligeable. Il faut s'efforcer, par tous les moyens, d'aller vers ces bénéficiaires potentiels.
À cet égard, je me dois de saluer les démarches accomplies par les caisses nationales des différents régimes. Ces dernières mettent en oeuvre des campagnes d'information de plus en plus fournies auprès de leurs assurés pour leur faire connaître leurs droits, avant même qu'ils n'y soient éligibles. La MSA appelle ainsi ses pensionnés l'année précédant celle au cours de laquelle ils seraient éligibles à l'Aspa. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) procède à des analyses poussées pour identifier, parmi ses pensionnés, ceux qui seraient susceptibles de remplir les conditions d'ouverture du droit à l'Aspa. Les caisses régionales les contactent ensuite et leur proposent de les accompagner dans leurs démarches.
Ces efforts sont salutaires, mais la lutte contre le non-recours au minimum vieillesse doit être intensifiée, car nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un taux de 50 %.
Il faudrait tout d'abord recenser régulièrement le taux de non-recours au minimum vieillesse pour mieux comprendre encore ce phénomène et toujours mieux identifier les personnes qu'il touche. J'y insiste, les données statistiques les plus pertinentes que nous ayons portent sur l'année 2016. Elles commencent donc à dater.
Je ne pense pas en revanche qu'il faille encore augmenter le seuil de récupération sur succession. Le législateur l'a fait récemment : attendons de mesurer les effets de cette mesure.
Enfin, il me semble nécessaire d'intensifier les actions d'information et de démarchage menées par les caisses de retraite. En effet, si nous comprenons que certaines personnes refusent d'elles-mêmes de demander une allocation à laquelle elles ont droit, il n'est pas acceptable que d'autres n'y recourent pas au motif qu'elles n'en ont pas connaissance. C'est pourquoi je fais mienne la préconisation de la Cour des comptes qui incite à renforcer le suivi des campagnes nationales tendant à réduire le non-recours et à en mesurer l'efficacité. Cela étant, j'observe que la prolifération des démarchages téléphoniques en tout genre peut constituer un frein.
Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - L'examen du présent texte m'a conduit à étudier les relations financières entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les départements, lesquelles sont pour le moins complexes.
Comme vous le savez, la CNSA est l'organisme gestionnaire de la branche autonomie, mais le fonctionnement de cette branche est décentralisé et relève en grande partie de l'échelon départemental.
Cette large compétence se traduit par un certain nombre de concours financiers versés par la CNSA aux départements pour garantir une compensation financière. Les plus importants, en termes financiers, compensent notamment les dépenses relatives à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), à la prestation de compensation du handicap (PCH), à la dotation qualité et au tarif plancher des services à domicile. Aujourd'hui, on dénombre une douzaine de concours financiers pour un montant total de 5,5 milliards d'euros. Au fil des réformes, ces concours se sont en effet multipliés et diversifiés, dégradant peu à peu la lisibilité de leur architecture globale.
Au-delà de la multiplication des concours financiers versés par la CNSA aux départements, l'objectif de compensation financière n'est plus rempli de manière satisfaisante.
Tout d'abord, certains concours sont aujourd'hui déconnectés des besoins réels. C'est par exemple le cas du concours APA 2, dont les critères de répartition n'ont pas été actualisés depuis 2016, ou encore des concours MDPH - maisons départementales des personnes handicapées -, qui ne reflètent plus que partiellement l'activité réelle des structures.
Ensuite, la couverture des dépenses des départements est insuffisante. Ces derniers demandent une couverture minimale de 50 % de leurs dépenses relatives à l'APA et à la PCH. Or, en 2022, le taux n'atteignait que 41,5 % pour l'APA et 33,4 % pour la PCH, avec d'importantes disparités entre départements.
Enfin, au cours de mes travaux, j'ai pu constater que les concours financiers récemment créés l'ont été sans garantir la cohérence d'ensemble.
Par exemple, les mécanismes de compensation des mesures financières et salariales introduites par les LFSS 2021 et 2022 n'ont pas été coordonnés avec les concours existants. En résulte, pour la CNSA comme pour les départements, une charge de gestion disproportionnée pour éviter les doubles financements.
La mise en place du tarif plancher pour les services d'aide à domicile constitue un autre exemple. Les départements qui pratiquaient volontairement des tarifs plus élevés n'ont bénéficié d'aucun financement au titre de cette mesure. À l'inverse, ceux dont les efforts étaient moindres ont bénéficié d'une compensation à 100 % des dépenses liées à l'atteinte du tarif plancher. Cette situation pose une vraie question d'équité.
Vous l'avez compris, dans ce contexte, une réforme des concours financiers s'impose. Elle est d'ailleurs défendue tant par les départements que par la CNSA. Un comité des financeurs s'est récemment tenu et, selon les informations qui m'ont été transmises par la CNSA, deux grands scénarios ont été proposés. Ils reposent tous deux sur une fusion des principaux concours.
Dans le premier scénario, la logique des concours historiques serait conservée, avec une répartition selon des critères de population, de dépenses et de péréquation. Ces critères seraient toutefois améliorés pour adapter les concours aux besoins des départements en fonction de leurs dépenses réelles.
Dans le second scénario, les montants des concours versés aujourd'hui seraient « cristallisés » et complétés d'une enveloppe particulière pour couvrir à 50 % la hausse des dépenses d'APA et de PCH. Pour rappel, les départements revendiquent plus généralement une couverture minimale de 50 % de l'ensemble de ces dépenses.
Une modulation sur objectif d'une partie des concours, en fonction d'indicateurs de qualité des services rendus, a également été évoquée.
En tant que rapporteur, je ne peux qu'encourager la CNSA et les départements à poursuivre leurs concertations pour aboutir à une réforme. Cette dernière doit impérativement viser des objectifs de simplification, de lisibilité et de cohérence, tout en répondant aux besoins territoriaux. Il y va du bon fonctionnement de la cinquième branche.
Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Pour ma part, j'ai souhaité me pencher plus spécifiquement sur la politique d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui n'est pas soumise, comme vous allez le voir, aux règles s'appliquant habituellement à la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).
Cette question a fait l'objet, en 2005, d'un important rapport d'information sénatorial - je tiens tout particulièrement à saluer la mémoire de son auteur, notre ancien collègue Gérard Dériot.
Ce travail souligne qu'« on en savait assez pour gérer le risque amiante en 1965 ». Le recours à ce matériau aux propriétés physiques exceptionnelles - résistance à la chaleur, faible conductivité thermique, résistance mécanique et chimique - et aux usages industriels nombreux n'en a pas moins triplé dans le troisième quart du XXe siècle, et pour cause : il a fallu attendre 1977 pour que l'usage de l'amiante soit réglementé et 1996 pour que son utilisation soit définitivement interdite en France.
Pendant plus de trente ans, des travailleurs de l'amiante, du bâtiment, du textile ou des chantiers navals ont donc été exposés à l'amiante malgré ses effets néfastes avérés. Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont développé des pathologies caractéristiques, qu'elles soient bénignes, comme les plaques pleurales, ou malignes, comme le mésothéliome.
C'est dans ce contexte que le législateur a créé, en 1999 et 2001, des fonds instituant un régime de prise en charge dérogatoire pour les victimes de l'amiante.
Le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), créé en 1999, finance des mécanismes de préretraite au bénéfice des victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante et des travailleurs ayant été exposés à ce matériau. Ces assurés peuvent cesser leur activité entre 50 ans et 60 ans, selon leur durée d'exposition et leur statut, et bénéficient jusqu'à la liquidation de leurs droits d'un revenu de remplacement correspondant à 65 % de leur salaire.
Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé en 2001, a quant à lui vocation à assurer la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis par les victimes de l'amiante et leurs ayants droit. Les victimes environnementales ou non éligibles par ailleurs à la réparation AT-MP sont également couvertes. La politique d'indemnisation du fonds est plus favorable que la réparation AT-MP : elle présente un caractère intégral et non forfaitaire. De plus, le champ des préjudices indemnisables est considérablement plus étendu puisqu'il ne comprend pas seulement le déficit professionnel, mais aussi le déficit fonctionnel et les préjudices physique, moral, esthétique et d'agrément. Au total, depuis sa création, ce fonds a indemnisé plus de 110 000 victimes, pour un montant total de 7,3 milliards d'euros.
Les travaux que j'ai conduits mettent en lumière les résultats remarquables du fonds : les victimes sont mieux indemnisées et la qualité du service proposé par le Fiva est soulignée tant par les statistiques - le taux de satisfaction atteint 94 % - que par les associations de victimes. Ces structures louent notamment le rôle du fonds dans l'information des victimes et leur accompagnement dans les procédures. Les délais de traitement du Fiva sont, en outre, nettement inférieurs aux durées réglementaires.
Pour autant, le Fiva doit aujourd'hui relever deux défis majeurs.
Premièrement, le non-recours aux prestations concerne 35 % à 40 % des demandeurs potentiels. De l'aveu même des responsables du fonds, c'est la conséquence d'un manque d'information, d'accompagnement ou d'intérêt des demandeurs. Le Fiva a pris les choses en main : la loi lui confère symboliquement, depuis la LFSS 2024, une mission d' « identification » des demandeurs potentiels, à laquelle le fonds entend répondre par une politique d'aller vers. Il souhaite en effet obtenir des pouvoirs publics - notamment des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) - les coordonnées de patients traités pour des pathologies caractéristiques de l'amiante, afin d'entrer en contact avec eux et de leur présenter l'action du fonds. Il reste toutefois en attente d'un texte réglementaire initialement prévu pour l'été dernier et dont on espère la publication prochaine.
Deuxièmement, la situation financière du fonds, naguère confortable, est désormais alarmante à cause d'un effet de ciseaux. Sa subvention a été longtemps fixée à un niveau volontairement insuffisant afin de consommer ses réserves financières, mais le rebond des dépenses lié à la revalorisation des barèmes l'a conduit, en 2023, à déplorer un déficit de 80 millions d'euros. Les dotations prévues pour 2024 et 2025 sont en hausse, mais l'effort est concentré uniquement sur la branche AT-MP, ce qui est regrettable : il conviendrait que l'État, reconnu responsable du scandale de l'amiante et cofinanceur aujourd'hui mineur, intensifie lui aussi son effort financier en faveur du fonds.
M. Olivier Henno, pour la branche famille. - Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, j'interviendrai brièvement sur la mise en oeuvre de la réforme du congé de paternité inscrite dans la LFSS 2021.
Pour rappel, la LFSS 2021 a allongé à compter du 1er juillet 2021 la durée du congé de paternité et d'accueil de l'enfant de onze à vingt-cinq jours et de dix-huit à trente-deux jours en cas de naissance multiple. Elle a aussi rendu obligatoire le congé de naissance de trois jours immédiatement après la naissance ainsi que les quatre premiers jours du congé de paternité, instaurant ainsi une période de sept jours de congés obligatoires juste après la naissance. Les autres jours de congé de paternité sont pris à la discrétion du bénéficiaire dans les six mois qui suivent la naissance. Cette réforme a connu depuis lors deux ajustements. La LFSS 2022 a étendu le congé de paternité et d'accueil de l'enfant aux collaborateurs des professions libérales. La LFSS 2024 a assoupli, conformément aux recommandations de notre commission, les règles de prise du congé de paternité pour les non-salariés agricoles afin de mieux répondre aux difficultés constatées sur le terrain de remplacement dans les exploitations agricoles.
L'évolution du congé de paternité visait initialement deux objectifs : accroître le taux de recours au congé de paternité, c'est-à-dire la part des pères, parmi ceux éligibles au dispositif, qui ont effectivement recours au dispositif, et améliorer le partage des tâches entre les deux parents et l'entrée dans la parentalité. Concernant le taux de recours, ce dernier n'augmentait effectivement quasiment plus depuis sa montée en charge très rapide à la suite de la création du congé de paternité, passant ainsi de 66 % en 2003 à 71 % en 2021.
Mais après deux années pleines de mise en oeuvre de la réforme, son principal effet semble consister dans le seul allongement de la durée moyenne du congé de paternité, qui est ainsi passée de onze jours en 2020 à vingt-trois jours en 2023.
En effet, si le coût de la réforme s'inscrit dans les prévisions budgétaires initiales, soit environ 400 millions d'euros de prestations supplémentaires pour 2023, cela semble avant tout dû à une faible amélioration du taux de recours ainsi qu'à une diminution du nombre de pères bénéficiaires liée à la baisse la natalité. C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle est également arrivée la commission des comptes de la sécurité sociale qui indique, dans son rapport de mai 2024, que « l'allongement du congé de paternité en 2021 n'a pas conduit les pères qui ne recourent pas au congé de paternité à y recourir davantage ». Les pertes de revenus, notamment pour les indépendants et les professions libérales, la précarité du statut professionnel ou encore la crainte d'être mal perçu restent des limites structurelles fortes au recours au congé de paternité.
Par ailleurs, je regrette le peu de données actualisées disponibles concernant les différents régimes ainsi que l'impossibilité de procéder, à ce stade, à une analyse fine par catégorie socioprofessionnelle ou par statut d'emploi de l'évolution du recours au congé de paternité. Ces données sont pourtant essentielles au pilotage d'une telle réforme et à la bonne évaluation de son efficacité. Dès lors, il m'apparaît nécessaire de poursuivre l'évaluation de l'impact de cette réforme sur les comportements au sein des différents régimes avant toute nouvelle adaptation législative et réglementaire.
Enfin, notre commission avait accueilli favorablement la réforme tout en regrettant que cette évolution ne s'inscrive pas dans une réflexion plus large sur l'efficacité et la pertinence des congés parentaux dans leur ensemble. À ce titre, et alors qu'aucune mesure nouvelle relative à la branche famille ne figure dans le PLFSS pour 2025, j'estime nécessaire d'apporter une attention particulière aux politiques mises en place et aux orientations prises par le Gouvernement dans ce domaine.
Mme Annick Petrus. - On constate un écart de 2,1 milliards d'euros entre les prévisions de la LFSS 2024 et le déficit réel en 2023. Le PLFSS vous semble-t-il à la hauteur des enjeux en ce qui concerne les recettes ?
En outre, les branches vieillesse et autonomie sont également déficitaires. Compte tenu du vieillissement de la population, comment répondre au défi à long terme du financement de ces branches tout en assurant une prise en charge suffisante des retraités et des personnes dépendantes ?
M. Alain Milon. - J'ai participé, lundi dernier, à la commission des comptes de la sécurité sociale où n'étaient présents en tout et pour tout que trois parlementaires, dont Bernard Jomier et moi-même. En revanche, toutes les administrations, toutes les branches et tous les syndicats étaient représentés. Le plus étonnant, pour ne pas dire le plus révoltant, tient au fait que chacun a admis de manière très passive le principe d'un déficit croissant dans des proportions abyssales dans les années à venir jusqu'en 2033. Cette passivité est pour le moins inquiétante.
Si l'on regarde de près le PLFSS pour 2025, l'on constate qu'il n'est pas l'oeuvre des politiques, mais de Bercy et du ministère de la santé. Il faudrait y remédier.
J'ai l'intention de rappeler au Gouvernement cette maxime : « qui aime bien, châtie bien. » En effet, je souhaite que l'on réfléchisse sérieusement à l'avenir de la santé en France plutôt que d'aller, par passivité, vers une financiarisation totale de la santé sur le modèle américain. Je souhaite que l'on envisage très rapidement des réformes structurelles plutôt que d'accepter sans mot dire les déficits. J'espère que vous vous révolterez avec moi.
M. Bernard Jomier. - Ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale a été déposé au mois de juillet dernier, après un premier texte présenté au mois de mai. Ce calendrier est important, car il n'avait rien d'inéluctable, le dépôt du premier projet de loi au mois de mai étant déjà très tardif. Il aurait fallu le faire au moins un mois plus tôt. Certes, les jeux Olympiques et la dissolution sont venus perturber le calendrier du gouvernement d'alors, mais c'est surtout par choix politique que nous délibérons seulement à la fin du mois d'octobre de ce texte. Encore une fois, un tel retard est contraire à l'esprit de la loi organique.
La Cour des comptes, dans son rapport de mai 2024, dénonce la gestion préoccupante des comptes de la sécurité sociale et note une perte manifeste de contrôle des comptes sociaux. La trajectoire des déficits échappe désormais à toute maîtrise. La cour qualifie de « floues » les perspectives de redressement du Gouvernement et elle estime que celles-ci laissent présager une aggravation de la situation. Le mauvais pilotage des comptes favorise un déficit structurel de la sécurité sociale qui semble s'installer de manière durable.
Lors de l'examen des deux précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, j'avais déjà attiré votre attention sur la dégradation de la trajectoire des comptes de la sécurité sociale, qui ne porte pas de retour à l'équilibre. Faut-il y voir l'effet d'une gestion à court terme qui part à vau-l'eau ou bien le résultat d'un choix politique délibéré ? L'installation du déficit au cours des années successives penche pour la deuxième option. Je rappelle que la gauche avait ramené les comptes sociaux quasiment à l'équilibre en 2017. Nous pouvons avoir des divergences sur l'analyse des recettes, des dépenses ou des moyens à mettre en oeuvre, mais ce fait est incontestable.
Y a-t-il une volonté du Gouvernement de masquer la dégradation des comptes sociaux ? Alors que les institutions non gouvernementales ont régulièrement estimé que la croissance ne serait que modérée, les gouvernements successifs ont élaboré tous leurs projets budgétaires sur des estimations optimistes qui ont faussé la visibilité des comptes.
Comme l'a rappelé Élisabeth Doineau, l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille est un motif de préoccupation. Je rappelle que le montant des préjudices financiers persistant après les opérations de contrôle interne a été estimé à 5,5 milliards d'euros, essentiellement d'indus. Toutefois, il faut noter que pour les comptes de 2023, un certain nombre d'actions ont été mises en oeuvre par le réseau des caisses d'allocations familiales pour fiabiliser les données déclaratives. En tout état de cause, cette vision court-termiste a des conséquences lourdes sur l'avenir des comptes.
J'ai bien noté que, dans le cadre de la CCSS, la ministre du travail avait expliqué que l'inflexion donnée par le Gouvernement pour favoriser les recettes serait de court terme. Le court-termisme est donc revendiqué. Mais comment pourrons-nous revenir à l'avenir sur des suppressions d'exonération sans creuser le déficit ? Cette revendication du court terme est délétère pour les comptes sociaux.
En matière de recettes, la stratégie de Bruno Le Maire s'est articulée, depuis 2018, autour d'une baisse des prélèvements obligatoires. La part des cotisations sociales dans le financement des comptes sociaux est passée en deux décennies à 48 % en 2023, tandis que celle des impôts et des taxes affectées a augmenté. Les exonérations de cotisations sociales sur certains compléments de salaire non compensées par l'État ont privé le budget de la sécurité sociale de plusieurs milliards d'euros. La Cour des comptes a pointé ce déséquilibre croissant entre les cotisations et la fiscalité, qui entraîne un glissement vers un financement de la sécurité sociale de plus en plus dépendant des impôts. En effet, l'enjeu est celui du choix politique quant à l'évolution de notre modèle social.
Enfin, le transfert de la dette de l'État vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) maintient les comptes de la sécurité sociale en déficit. Compte tenu d'une trajectoire sans perspective de redressement dans le PLFSS pour 2025, qui s'inscrit même en dégradation, la Cades ne pourra pas être éteinte en 2033.
Telle est la situation. La rapporteure générale a rappelé les progrès dont témoignent le Repss ainsi que l'évaluation des niches sociales, alors que ces deux sujets avaient justifié, l'an dernier, le dépôt d'une question préalable sur le texte. Toutefois, ces progrès restent insuffisants, car quand bien même elle aurait progressé, une évaluation qui n'aboutit pas à des mesures concrètes reste insatisfaisante.
Nous souscrivons, bien évidemment, à la proposition qui nous a été faite de rejeter ce texte en adoptant la question préalable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez pointé que les salaires augmentaient moins vite que le PIB. Dans la mesure où celui-ci se définit comme la somme des valeurs ajoutées, cela signifie que le partage de la valeur ajoutée se fait en défaveur des salaires.
Pour ce qui est de la justification du report au 1er juillet 2025 de la revalorisation des retraites, certains soulignent que le salaire moyen par tête progresse moins vite que l'inflation. Cela réveille la vieille opposition, un peu facile, entre les actifs et les retraités.
Vous avez expliqué le déficit par la forte croissance du Smic, destinée à provoquer un effet levier, compte tenu des exonérations que cela génère pour les entreprises. Certains en avaient même fait le point central de leur programme politique.
Les niches sociales doivent être financées par le budget de l'État. Or on observe depuis 2018, comme le souligne la Cour des comptes, une croissance inédite des exonérations non compensées par l'État. La loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise a ainsi exclu une partie des rémunérations de l'assiette soumise à cotisations. Entre 2018 et 2022, les exonérations non compensées, c'est-à-dire les pertes de recettes liées à l'absence de cotisation sur certains compléments de rémunération, tels que la prime de partage de la valeur, dont le plafond a été relevé à 6 000 euros, ont ainsi atteint le niveau record de 8,1 milliards d'euros, tandis que le déficit n'a augmenté que de 6 milliards d'euros.
Je souhaiterais d'ailleurs, comme je l'avais déjà demandé à notre président, que nous ayons connaissance de la répartition de ces 8,1 milliards d'euros par branche.
Les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, qui n'ont pourtant pas d'efficacité économique, comme l'ont montré plusieurs rapports officiels, ont été rétablies, et cela pénalise la branche vieillesse. Nous devons être vigilants sur ce point, car le budget ne reprend qu'une toute petite partie d'entre elles, pour un montant de 0,7 milliard d'euros sur un total de plus de 8 milliards.
Ce désarmement social, cette politique des caisses vides, résulte bien d'une volonté politique. Le Conseil d'analyse économique et l'Insee ont d'ailleurs montré qu'un tiers des sommes versées au titre du partage de la valeur étaient des substitutions de salaire.
Je considère en outre que l'Ondam est insincère.
M. Philippe Mouiller, président. - Je précise que j'ai relayé votre demande auprès du Gouvernement pour obtenir les éléments que vous demandez.
Mme Florence Lassarade. - Le congé de paternité n'est que partiellement appliqué. Peut-on évaluer son impact sur le bien-être de l'enfant ? C'était le principal intérêt de la mesure à mon sens. La mission d'information sénatoriale sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale a publié son rapport. J'observe que le rôle du père y est très peu évoqué.
M. Daniel Chasseing. - Je suis d'accord avec Alain Milon : on sait qu'il y a des déficits, mais on n'essaie pas vraiment de les résoudre. Il est pourtant important d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale, car celle-ci constitue la colonne vertébrale de notre société.
Ma question portera sur la création de la quatrième année en internat de médecine consacrée à la réalisation de stages. Les choses avancent lentement. On nous dit que le nombre d'internes l'an prochain sera plus faible, mais je n'ai pas compris pourquoi. Les stagiaires de quatrième année ne commenceront à exercer qu'en 2026. Un maître de stage pourra-t-il prendre en charge deux stagiaires ? Parfois les médecins sont surchargés et n'ont pas eu le temps de devenir maîtres de stages. Peut-être faut-il adapter les formations aux emplois du temps.
En ce qui concerne l'autonomie, les départements peuvent opter pour la fusion des sections soins et dépendance à titre expérimental. Pour que le dispositif puisse être généralisé, il faudra que l'APA représente la totalité des frais de séjour du pensionnaire avant déduction du ticket modérateur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Les tableaux de notre rapporteure générale sont très clairs et l'analyse par branche est limpide.
L'assurance maladie et la branche vieillesse connaissent un déficit important. Il est de notre devoir d'alerter sur les soins inutiles et redondants, qui représentent, selon l'OCDE et l'Académie de médecine, 20 % des soins. Or le Gouvernement ne prévoit de récupérer que 900 millions d'euros à ce titre. C'est peu. Il en va de même en matière de lutte contre la fraude, alors que cette dernière s'élève à 13 milliards d'euros selon l'inspection générale des affaires sociales (Igas), voire à 15 milliards d'euros selon la Cour des comptes. On ne fait pas un effort suffisant. Il faudrait mobiliser davantage de contrôleurs. C'est pourquoi il ne saurait être question pour moi d'approuver les comptes. Certes des évolutions ont eu lieu en radiologie et en biologie, mais le problème de fond est la redondance entre les prescriptions du médecin généraliste et du spécialiste, de l'hôpital ou de la clinique : chacun prescrit la même mesure et finalement on fait plusieurs fois le même examen pour un même problème ! Voilà ce qui coûte cher. Il faut assurer l'effectivité de l'obligation du dossier médical partagé (DMP) et y verser automatiquement tous les résultats des examens.
Il faudrait aussi se pencher sur le rôle des mutuelles et de la sécurité sociale. À force de multiplier les financements croisés, on va tuer la sécurité sociale ! Les mutuelles doivent se concentrer sur certains secteurs et sur la prévention.
M. Alain Milon. - Absolument !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Les chiffres du Conseil d'orientation des retraites (COR) régime par régime montrent que ce sont surtout les retraites du public qui coûtent cher : elles constituent en fait un salaire différé qui n'est pas financé. Leur montant s'élève à 45 milliards d'euros et l'État s'endette pour les payer. C'est un déficit masqué. La convention « équilibre permanent des régimes » (EPR) du COR prévoit une intervention financière de l'État pour équilibrer les comptes des régimes de la fonction publique. C'est pertinent s'il dispose de l'argent nécessaire, mais en réalité il s'endette pour payer ce salaire différé. Le risque de faillite est donc réel. Pourquoi ne pas demander à la Cour des comptes de faire le point sur ce sujet ?
Nous devons donc repenser notre système de santé et de retraite. Et je n'ai pas parlé de la branche autonomie, qui est encore à l'équilibre, mais pour combien de temps...
Mme Céline Brulin. - Les interventions des uns et des autres préfigurent les débats que nous aurons lors de l'examen du PLFSS. Les orientations politiques exprimées sont très différentes.
Nous souscrivons à la proposition de rejet des comptes qui a été présentée. Les recettes ont été moins dynamiques en 2023, car les exonérations de cotisations non compensées ont progressé deux fois plus vite que les salaires. Cette question mérite d'être approfondie, même si le PLFSS lève certains tabous à cet égard.
Alors que l'on entend souvent un discours culpabilisant sur le fait que nos concitoyens abuseraient de certains droits, nos rapporteurs ont bien montré l'importance du non-recours à certaines prestations, comme à celles du Fiva ou encore au minimum vieillesse. Ils mettent aussi en évidence le niveau insuffisant des compensations à l'égard des départements.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Il était intéressant de montrer que coût de la réforme du congé de paternité s'est révélé conforme aux prévisions, à hauteur de 400 millions d'euros. Le taux de recours des pères progresse faiblement. Sans doute est-ce dû à un effet prix. Le montant de l'allocation de remplacement semble insuffisant pour inciter davantage de pères à recourir à ce dispositif. Alors que 76 % des mères qui ne sont pas en activité recourent au congé de maternité, 13 % des pères dans la même situation demandent un congé paternité. Comment expliquer cette différence de comportement ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Les rapporteurs des différentes branches ont complété avantageusement les informations qui figurent dans le rapport de la Cour des comptes et dans d'autres rapports. Ils ont bien souligné, de manière factuelle, l'importance du non-recours, notamment aux prestations du Fiva. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au travail de notre ancienne collègue Aline Archimbaud, qui avait beaucoup travaillé sur l'amiante.
Madame Petrus, l'écart de 2,1 milliards d'euros que vous évoquez devrait être bien pire en 2024. Le PLFSS pour 2025 comprend d'importantes mesures relatives aux recettes, sur lesquelles nous reviendront d'ici quelques semaines.
Je partage le coup de sang d'Alain Milon. J'ai siégé à la CCSS, et j'ai pu observer une certaine forme de passivité, comme si l'on pouvait continuer sur cette voie indéfiniment. Or la crédibilité de la France est entamée, car notre deuxième poste de dépenses est le remboursement de la dette. Notre modèle social est menacé et nul ne s'en émeut.
M. Jomier a déploré à juste titre un court-termisme délétère. Le HCFP nous incite chaque année, dans ses avis, à revenir à une trajectoire soutenable. La ministre pourrait s'appuyer sur ces rapports pour faire en sorte de réduire des déficits et de garantir la soutenabilité de nos comptes. Nous devons nous demander quel modèle nous voulons mettre en oeuvre à l'avenir et trouver les réformes adéquates. On n'a jamais dépensé autant pour l'hôpital et pourtant le taux de satisfaction baisse. C'est la preuve que quelque chose ne va pas.
Madame Poncet Monge, nous aurons l'occasion de débattre des allégements de cotisations lors de l'examen du PLFSS. Le rapport Bozio-Wasmer comporte des pistes. La masse salariale n'a pas atteint le niveau prévu, et les revalorisations du Smic ont suscité une forte augmentation des allégements de cotisations patronales. C'est ce qui explique la situation actuelle. La forte croissance des allégements généraux pénalise les caisses de retraite, mais elle a aussi un impact sur les branches famille et maladie.
La fusion entre les sections soins et dépendance n'a pas encore été mise en oeuvre. J'ai l'impression que nombre de départements étaient désireux de se débarrasser de cette charge, ce qui explique la rallonge budgétaire.
Monsieur Vanlerenberghe, en 2023, le déficit de la branche maladie était de plus de 11 milliards d'euros, tandis que celui de la branche vieillesse s'élevait à 2,6 milliards. Toutefois, au cours des années à venir, le déficit de cette dernière s'accentuera. En l'absence de mesure, en 2027 les deux tiers du déficit de la branche vieillesse seraient dus au déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Vous avez donc raison, nous devons repenser nos modèles. L'impact du vieillissement de la population a été sous-estimé. Nous sommes face à un mur en la matière et les conséquences sont nombreuses. N'oublions pas que les allégements de cotisations concernent beaucoup les emplois à bas salaire de l'aide à la personne. Or nous aurons de plus en plus besoin de ces emplois.
Oui, Madame Brulin, nous aurons de grands débats sur les recettes lors de l'examen du PLFSS et je m'en réjouis.
Mme Corinne Imbert, pour la branche assurance maladie. - La quatrième année d'internat en médecine générale a été créée en 2022. Elle ne pourra donc produire des effets sur le terrain qu'à partir du 1er novembre 2026. La réforme concernera les étudiants rentrés en première année en 2023, qui seront en quatrième année en 2026. Tous les textes d'application n'ont toutefois pas encore été publiés. Il serait souhaitable que les étudiants aient de la visibilité sur le dispositif. Cette quatrième année se déroulera en autonomie sous la supervision d'un maître de stage. Nous devons augmenter le nombre de ces derniers. On compte davantage de maîtres de stage universitaires, mais il faut poursuivre l'effort en la matière. De même, des désaccords sur la rémunération des docteurs juniors persistent entre la conférence des doyens de médecine et le collège national des généralistes enseignants, lequel soutient les étudiants. Ces points de blocage devront être levés pour que cette réforme, attendue dans les territoires, aboutisse.
M. Olivier Henno, pour la branche famille. - La question centrale est celle du pilotage de notre système de solidarité. Notre pays est parmi ceux qui dépensent le plus pour leur politique familiale : 2,2 % du PIB en 2021, quand d'autres pays européens n'y consacrent que 1,5 %. Nous dépensons de même 12,5 % de notre PIB pour notre système de santé : ce taux n'est que de 10 % dans la majorité des autres pays européens. De même, nous allouons 14 % de notre PIB aux retraites, quand nos voisins y consacrent moins de 12 %. La question des moyens n'est donc pas première. On ne peut pas parler de « désarmement » lorsque l'on dépense autant. Avant de dépenser plus, il faut commencer par dépenser mieux.
Le texte prévoit peu de mesures relatives à la mesure de la qualité dans la branche famille. La question majeure est celle de la régulation et de l'amélioration de la qualité. Concernant le congé de paternité, la Drees a mis en place une étude longue afin de suivre l'évolution des pratiques et des représentations paternelles au cours des trois premières années de l'enfant.
Madame Aeschlimann, les chiffres que vous citez sont ceux de 2021 et ne prennent donc pas pleinement en compte les effets de la réforme du congé de paternité. On note une amélioration, mais on se heurte au mur des mentalités. Les hommes au chômage sont davantage gênés de recourir au congé de paternité. Il est pourtant essentiel, comme le montre le livre de Victor Castanet, Les Ogres, de réformer nos systèmes de la petite enfance et des modes de garde. Là encore cela pose la question de la qualité, du pilotage et des modes d'organisation.
Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - Le financement de la branche autonomie constitue un véritable défi. Nous sommes confrontés à un mur du vieillissement. Même si les crédits de la branche devraient augmenter de 6 % en 2025, la trajectoire ne nous incite pas à l'optimisme, car elle aboutira vite à un déficit. Nous venons de publier, avec Solanges Nadille et Anne Souyris, un rapport d'information sur la situation des Ehpad. Nous proposons notamment de créer une seconde journée de solidarité, pour financer la branche autonomie, et de fusionner les sections soins et dépendance, afin d'améliorer l'efficience du système. Il s'agit de redorer le blason des Ehpad, après le scandale de l'affaire Orpea qui a suivi la parution du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet.
EXAMEN DES ARTICLES
Motion
La motion n° 1 est adoptée.
La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023.
L'accès à l'interruption volontaire de grossesse - Examen du rapport d'information
M. Philippe Mouiller, président. - Nous allons entendre la communication d'Alain Milon, Brigitte Devésa et Cathy Apourceau-Poly à l'issue des travaux qu'ils ont conduits sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Je vous rappelle que notre commission a lancé cette mission d'information le 6 mars dernier, juste après que le Parlement, réuni en Congrès, a définitivement adopté le projet de loi visant à inscrire dans la Constitution la liberté des femmes de recourir à l'IVG.
Il s'agissait, au-delà des principes proclamés de la manière la plus solennelle, de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles les femmes peuvent accéder, sur le territoire, à des professionnels de santé susceptibles de réaliser une IVG.
Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Le 8 mars dernier, la France est devenue le premier pays au monde à inscrire dans sa Constitution la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le projet de loi constitutionnelle avait pour objectif affiché de mieux protéger cette liberté d'éventuelles remises en cause législatives, après que la décision prise par la Cour suprême des États-Unis en juin 2022 et les diverses restrictions légales adoptées, depuis, par certains États fédérés américains ont démontré sa fragilité.
Si cette révision a fait l'objet d'importants débats au sein de notre assemblée, nous devrions pouvoir nous accorder sur une affirmation : renforcer son niveau de protection juridique ne suffit pas à assurer l'effectivité d'une liberté. C'est pourquoi notre commission a souhaité s'intéresser aux conditions concrètes dans lesquelles l'IVG est aujourd'hui accessible, dans la diversité de nos territoires, aux femmes qui en font la demande.
À l'issue de nos travaux et compte tenu des données disponibles, nous constatons que l'accès à l'avortement demeure, en France, fragile et inégal. Notre rapport fait état de fortes disparités territoriales dans l'offre d'IVG et souligne les risques attachés aux campagnes de désinformation. Il formule, pour lutter contre ces deux écueils, dix propositions destinées à améliorer, concrètement et à droit constant, l'accès des femmes à cette liberté constitutionnelle.
Commençons par quelques éléments de constat sur les transformations récentes de l'IVG dans notre pays.
Il faut d'abord souligner que le recours à l'IVG a considérablement augmenté, en France, depuis trente ans. Le nombre d'IVG recensées en 2023 s'élève, ainsi, à 243 000, contre 226 000 en 2019. Il ne dépassait, avant l'an 2000, que rarement 210 000. Cette augmentation n'est pas proportionnelle à celle de la population concernée : le taux de recours à l'IVG parmi les femmes de 15 à 49 ans a également augmenté pour s'établir, en 2023, à 17,6 IVG pour 1 000 femmes, contre 15 en 2017 et 13,7 en 2000.
Les taux de recours observés diffèrent sensiblement selon l'âge et le territoire.
L'essentiel de la hausse observée depuis dix ans concerne les femmes âgées de plus de 25 ans. Les taux de recours chez les mineures, à l'inverse, demeurent faibles et inférieurs à ceux que nous connaissions au milieu des années 2000.
Par ailleurs, le taux de recours est sensiblement plus élevé dans les départements et régions d'outre-mer et dans certaines régions hexagonales, en particulier en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Île-de-France, y compris après neutralisation des différences expliquées par les écarts de structure d'âge entre territoires.
Enfin, malgré l'allongement progressif du délai légal de recours - jusqu'à la fin de la douzième semaine de grossesse en 2001, puis jusqu'à la fin de la quatorzième semaine en 2022 -, les IVG enregistrées demeurent concentrées dans les premières semaines de grossesse.
Parmi les IVG réalisées en établissement de santé, 80 % le sont à moins de huit semaines de grossesse. La part des IVG réalisées au-delà de 12 semaines de grossesse, et bénéficiant donc de l'allongement récent du délai légal, n'aurait pas dépassé 2,5 % à 3 % des IVG hospitalières en 2023.
Surtout, les parcours de soins des femmes concernées ont connu des mutations profondes ces dernières années. D'abord, parce que les techniques employées et les professionnels impliqués se sont diversifiés.
En substitution à la méthode instrumentale traditionnelle, l'IVG médicamenteuse s'est, ainsi, progressivement développée ces dernières années. Pratiquée à l'hôpital depuis 1989, elle est autorisée en ville par la loi de 2001 relative à l'IVG. Le délai dans lequel cette technique est accessible a été porté, durant la crise sanitaire puis, de manière pérenne, par la loi de 2022, de la fin de la cinquième semaine à la fin de la septième semaine de grossesse. Grâce à cette ouverture progressive, la part des IVG médicamenteuses dans le total a beaucoup augmenté pour devenir majoritaire : en 2023, elles représentaient 79 % des IVG réalisées, contre 68 % en 2019 et 31 % en 2000.
D'autres évolutions législatives ont facilité le recours à l'IVG. La loi Santé de 2016 a, notamment, permis la réalisation d'IVG médicamenteuses par les sages-femmes, à l'hôpital comme en ambulatoire. Elle a également autorisé la réalisation d'IVG instrumentales en ville, dans les centres de santé, mais cette pratique demeure pour le moment résiduelle. Enfin, la loi de 2022 a permis aux sages-femmes de réaliser, en établissement de santé et après formation, des IVG instrumentales.
Du fait de ces évolutions et parallèlement à la montée en charge de la technique médicamenteuse, la part des hôpitaux dans la réalisation des IVG a fortement diminué. Celle-ci n'a pas, en 2023, dépassé 60 %, alors que les hôpitaux concentraient encore plus de 90 % de l'activité d'IVG en 2008.
Il faut, enfin, rappeler qu'aucun professionnel de santé n'est jamais contraint de réaliser une IVG : une clause de conscience légale les autorise à refuser de le faire, en communiquant à la patiente le nom de professionnels susceptibles de répondre à sa demande. De la même manière, la loi autorise les établissements de santé privés à refuser que des IVG soient pratiquées dans leurs locaux, lorsque d'autres établissements sont en mesure de répondre localement aux besoins.
Aucune donnée ne permet de mesurer la part des professionnels de santé refusant de pratiquer une IVG. Toutefois, un récent sondage publié par le planning familial révèle que 27 % des femmes interrogées ayant eu recours à l'IVG déclarent avoir été confrontées à un refus.
Enfin, le parcours de soins des femmes concernées a progressivement été simplifié ces dernières années. Le délai de réflexion obligatoire entre la première et la deuxième consultation a été supprimé en 2022. Par ailleurs, la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation a été permise et facilitée. La protection de l'anonymat des patientes et la prise en charge financière de l'IVG ont, enfin, été renforcées : depuis 2016, l'IVG et les actes qui y sont associés sont intégralement pris en charge.
M. Alain Milon, rapporteur. - Malgré l'ensemble de ces avancées, de fortes inégalités territoriales demeurent dans l'accès à l'IVG. D'importantes disparités sont observées, d'abord, dans l'offre disponible en ville.
En 2021, ainsi, la part prise par l'activité de ville dans l'offre totale d'IVG s'établissait à 10 % dans les Pays de la Loire, contre 43,5 % en région Sud. Les écarts sont encore plus marqués au niveau départemental.
L'inégale répartition des professionnels de santé libéraux sur le territoire national n'explique que très partiellement ces disparités. Ainsi, parmi les cinq régions présentant le plus faible taux de contribution de la ville, figurent les régions Grand Est, Bretagne et Corse, qui ne sont pas marquées par une densité de professionnels inférieure à la moyenne nationale. Les disparités observées semblent davantage tenir, d'une part, à l'inégale propension des femmes à recourir à l'offre de ville et, d'autre part, à l'inégal engagement des professionnels.
Sur le premier point, il faut observer que l'offre de ville demeure parfois méconnue des patientes, ou que certaines d'entre elles peuvent juger, en particulier dans les zones rurales, que les établissements de santé offrent de meilleures garanties d'anonymat.
Par ailleurs, l'implication des professionnels de santé demeure fortement minoritaire : en 2023, 3 170 professionnels exerçant en ville ont pratiqué au moins une IVG, représentant 14 % des sages-femmes, 19 % des gynécologues et 1,5 % des médecins généralistes libéraux. Plusieurs facteurs sont susceptibles d'expliquer l'engagement mesuré et inégal des professionnels : le faible niveau de tarification associé à cet acte ; les difficultés liées au conventionnement avec un établissement de santé, nécessaire pour pratiquer l'IVG en ville ; les politiques plus ou moins volontaristes portées par les agences régionales de santé (ARS), enfin, en matière de sensibilisation et d'accompagnement des professionnels de santé.
C'est pourquoi le rapport recommande de fixer aux ARS des objectifs de croissance du nombre de professionnels de ville impliqués et de mieux accompagner ces derniers dans les procédures de conventionnement.
L'offre hospitalière, par ailleurs, tend à se concentrer fortement ces dernières années. Le nombre d'établissements de santé ayant réalisé au moins une IVG dans l'année s'établit à 526 en 2021, en diminution de presque 24 % depuis 2005.
Le désengagement du secteur privé est particulièrement spectaculaire : 4,5 % des IVG hospitalières ont été réalisées, en 2023, dans le secteur privé lucratif, contre 39 % en 2001 et 19 % en 2010. Là encore, la faiblesse des tarifs associés à l'IVG est mise en avant parmi les principaux facteurs explicatifs.
Cette concentration éloigne considérablement certaines femmes des établissements susceptibles de répondre à leurs besoins et, parfois, de toute offre d'IVG. Elle résulte souvent, dans le secteur public, de la fermeture de services de gynécologie-obstétrique non compensée par la mise en place de centres périnataux de proximité (CPP). Notre rapport recommande de systématiser l'ouverture de ces centres lorsque l'offre locale apparaît insuffisante pour compenser la fermeture d'un service.
Enfin, l'effet de la concentration de l'offre hospitalière sur l'accès à l'IVG est d'autant plus important que l'ensemble des établissements impliqués ne proposent pas une offre complète. Ainsi, un quart environ des hôpitaux contribuant à l'offre d'IVG ne proposent que l'une des deux techniques et, le plus souvent, que la technique médicamenteuse. Les tensions démographiques touchant les anesthésistes et gynécologues, les difficultés capacitaires en bloc opératoire et les besoins de formation figurent parmi les principaux facteurs explicatifs mis en avant.
De la même manière, une minorité d'établissements seulement semble en mesure de prendre en charge les IVG tardives, au-delà de la douzième semaine de grossesse. Le ministère n'en identifiait, en mai 2023, que 232, soit 44 % environ des structures qui contribuent à l'activité d'IVG. Les besoins de formation sont, là encore, importants.
Cette raréfaction de l'offre a des effets concrets : d'après le sondage publié par le planning familial, 54 % des femmes ayant eu recours à l'IVG déclarent avoir attendu plus de sept jours pour un rendez-vous. C'est pourquoi le rapport invite à renforcer la formation des sages-femmes à la technique instrumentale et, plus largement, à soutenir la formation des équipes hospitalières.
Ces disparités dans l'offre d'IVG alimentent les difficultés d'accès observées localement. Treize ARS déclarent, en 2023, constater des difficultés durables dans certains territoires, et six estiment que certaines zones de leur ressort territorial sont éloignées de plus d'une heure de toute offre d'IVG. Les difficultés de transport associées se révèlent particulièrement problématiques pour les mineurs ou les populations précaires, ainsi que dans les territoires d'outre-mer. Le cas des îles du Sud à la Guadeloupe est parlant : depuis Marie-Galante, l'accès au plateau technique du CHU ne peut se faire que par voie maritime ou aérienne et, d'après le ministère, l'équipe du CPP ne réalise que des IVG jusqu'à cinq semaines de grossesse.
Les données manquent pour objectiver ces difficultés. Le ministère mesure seulement, chaque année, la part des femmes réalisant une IVG dans leur département de résidence. Si celle-ci est supérieure à 80 % au niveau national, elle ne dépasse pas, en revanche 60 % en Seine-Saint-Denis ou en Ardèche. Le rapport propose la mise en place d'indicateurs plus précis et pertinents, tels que la distance entre le lieu de l'IVG et le domicile ou le délai de réalisation, suivis par les ARS.
Par ailleurs, le recueil des événements indésirables graves (EIG) apparaît, de l'aveu du Gouvernement, inégal entre les régions. Le rapport propose de le systématiser et d'y associer, chaque année, une analyse des difficultés d'accès que ces événements révèlent.
Enfin, il faut souligner que l'accès à l'IVG ne recouvre pas seulement la faculté d'interrompre, dans un délai raisonnable, sa grossesse, mais également celle de choisir la méthode d'interruption. La loi dispose, ainsi, que « toute personne doit être informée sur les méthodes abortives et a le droit d'en choisir librement. »
Or l'exercice de ce droit apparaît, en pratique, limité dans certains territoires. Dix ARS font état de zones de leur ressort territorial dans lesquelles une seule technique est proposée et 31 % des femmes ayant avorté affirment ne pas avoir eu le choix de la méthode.
La concentration de l'offre hospitalière d'IVG instrumentale, les difficultés de certains centres de santé ou établissements à proposer une anesthésie générale, le manque d'équipes susceptibles de prendre en charge des IVG tardives et les obstacles rencontrés par les établissements de santé dans la réalisation d'IVG médicamenteuses à domicile par téléconsultation sont autant d'obstacles au libre choix par les femmes des conditions de leur IVG.
En conséquence, le rapport propose d'exiger des ARS l'identification des structures permettant, dans leur ressort territorial, la réalisation d'IVG tardives et un appui renforcé à la formation des professionnels et à l'équipement des établissements dans les territoires qui en sont dépourvus. Il recommande également de faciliter les IVG médicamenteuses en téléconsultation pour les professionnels hospitaliers.
Enfin, pour fixer des pratiques aujourd'hui disparates au-delà de douze semaines de grossesse, le rapport propose de demander à la HAS de mettre à jour ses recommandations de bonnes pratiques pour tenir compte de la récente extension du délai légal.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. - Notre rapport s'attarde, enfin, sur les enjeux entourant l'information des femmes. Il s'agit d'un sujet crucial, particulièrement pour les publics les plus fragiles. Plusieurs organisations que nous avons auditionnées classent, ainsi, parmi les principaux obstacles à l'accès à l'IVG, la méconnaissance du droit, la barrière de la langue ou l'illettrisme.
Or, en matière d'information, il faut d'abord observer que d'importants progrès ont été accomplis ces dernières années.
Le site ivg.gouv.fr, créé en 2015, met à disposition du grand public une information fiable sur l'IVG, ainsi qu'un annuaire des centres de santé sexuelle. Il a été refondu en 2023, dans l'objectif d'améliorer son référencement pour contrecarrer les stratégies des sites anti-choix. D'après le ministère, le nombre de visites mensuelles a été multiplié par presque huit entre le début de l'année 2023 et le début de l'année 2024, probablement alimenté par les débats relatifs à la constitutionnalisation.
Par ailleurs, un numéro vert national « Sexualités, contraception, IVG » a été mis en place en 2015, et assorti d'un tchat confidentiel depuis 2023.
La loi prévoit, en outre, qu'un dossier-guide doit être remis par le médecin ou la sage-femme à toute femme sollicitant une IVG. Mis à jour au moins une fois par an, celui-ci rappelle les principales dispositions légales et dresse la liste des établissements réalisant des IVG.
Enfin, la loi de 2022 a prévu la mise en place par les ARS d'un répertoire librement accessible recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé et les structures pratiquant l'IVG.
Pour autant, de nombreuses difficultés demeurent. D'abord, plusieurs obstacles rencontrés dans la mise en place des nouveaux répertoires nous ont été signalés.
L'identification des professionnels de ville par les ARS n'est pas exhaustive : du fait de la sensibilité de cet acte, des professionnels réalisant des IVG ont indiqué ne pas souhaiter apparaître, et préférer réserver leur activité d'IVG à leur seule patientèle.
Par ailleurs, la mise en place de certains répertoires a pris du retard : au mois de mars 2024, cinq ARS ne disposaient pas encore d'un répertoire opérationnel.
Enfin, certaines ARS signalent des difficultés attachées à l'actualisation régulière de ces annuaires, pourtant indispensable. Elles soulignent qu'elles ne sont que rarement informées des départs à la retraite ou changements d'activité des professionnels de santé impliqués. Afin de faciliter ce suivi et de favoriser l'actualisation des annuaires, notre rapport propose de permettre aux ARS de prendre connaissance des conventions conclues entre les établissements de santé et les professionnels de ville exerçant dans leur ressort territorial.
Plusieurs organisations auditionnées nous ont, par ailleurs, alertés sur l'ampleur et l'audience des publications anti-avortement en ligne, visant à décourager le recours à l'IVG.
De tels discours peuvent avoir un effet important. D'après le sondage récemment publié par le Planning familial, 63 % des femmes ayant récemment eu recours à l'IVG mentionnent, parmi les freins à l'accès à l'avortement en France, la peur d'être jugée, et 37 % font état de pressions exercées sur les femmes qui souhaitent avorter.
Un rapport récent de la Fondation des femmes souligne également la virulence des discours anti-avortement. Certaines opérations récentes ont été très médiatisées, telles que la campagne d'autocollants « Et si vous l'aviez laissé vivre ? » apposés sur les Vélib' à Paris. La Fondation souligne la recrudescence des fausses informations et des contenus choquants ou dissuasifs en ligne depuis la récente décision de la Cour suprême américaine.
Le délit d'entrave à l'IVG ne permet qu'imparfaitement de prévenir ce type de désinformation. Si depuis 2017, il vise désormais le fait d'empêcher une femme de pratiquer ou de s'informer sur une IVG par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé que la seule diffusion d'informations à destination d'un public indéterminé ne peut être regardée comme constitutive de ce délit. Le ministère nous a confirmé qu'aucune condamnation sur le fondement du délit d'entrave n'a été recensée depuis 2014.
En conséquence, la lutte contre la désinformation en ligne doit passer par la diffusion active et fréquente d'informations fiables sur l'IVG. Nous recommandons l'organisation régulière de campagnes de communication, permettant non seulement d'informer sur les modalités d'accès à l'IVG mais également de sensibiliser le grand public au risque de désinformation en ligne.
Vous l'aurez compris, le rapport que nous vous présentons aujourd'hui dresse un bilan mitigé de l'accès à l'IVG dans notre pays. Si les évolutions récentes de la législation ont toutes visé à faciliter l'exercice de cette liberté, force est de constater que les femmes, dans nos territoires, demeurent en pratique confrontées à de multiples obstacles.
Il nous semble que, pour améliorer concrètement l'accès des femmes à l'ensemble des modalités d'avortement, une nouvelle loi est moins nécessaire qu'un effort prononcé visant à mieux accompagner les professionnels de santé, mieux informer les patientes et mieux mesurer, chaque année, l'évolution des difficultés rencontrées.
M. Philippe Mouiller, président. - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail de qualité. Le rapport me semble parfaitement bien illustré par le titre retenu : IVG, une liberté garantie, mais un accès fragile.
Mme Florence Lassarade. - Dans quelle mesure la diminution de l'offre privée en matière d'IVG est-elle liée à la fermeture des maternités privées ? À cette question, j'en ajoute une seconde, quelque peu hors sujet. Pour être entourée de nombreuses jeunes femmes, j'ai l'impression que la contraception hormonale est en désaffection. Qu'en pensez-vous ?
Mme Nadia Sollogoub. - L'accès à l'IVG me tient beaucoup à coeur, y compris dans le sens littéral du terme, c'est-à-dire sur le plan du transport. L'ordre des sages-femmes - je pense que ce problème n'est pas propre à la Nièvre - m'a signalé une difficulté dans le transport des mineures du lieu de vie jusqu'à l'endroit où l'IVG est pratiquée. Pour certaines, il est absolument vital que les parents ne soient pas au courant. Pourrait-on envisager des bons de transport anonymisés pour pouvoir garantir le secret ?
Mme Annick Petrus. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Je voudrais également évoquer la question de l'accès. Dans certains territoires d'outre-mer - M. Milon a évoqué Marie-Galante, je pense aussi aux Saintes -, l'IVG n'est pas accessible. On pourrait envisager, pour permettre un accès à l'IVG médicamenteuse dans les zones non dotées de professionnels de santé, de passer par la télémédecine. Or, sur les territoires que j'ai évoqués, il n'est pas du tout certain que celle-ci soit une réalité. Si même la télémédecine, qui peut apparaître comme une solution, ne fonctionne pas, il y a véritablement un problème d'accès !
M. Khalifé Khalifé. - À mon tour, je remercie nos collègues pour la qualité de ce travail, qui confirme malheureusement ce que nous avions dénoncé avant le vote de la constitutionnalisation par le Parlement : on a mis la charrue avant les boeufs !
Dans les recommandations, il n'a pas été fait mention du rôle de la protection maternelle et infantile (PMI), en tout cas pour les départements où celle-ci existe. Sachant que certains hôpitaux ont débauché des médecins de PMI pour réaliser des IVG, ne peut-on rendre tout cela un peu plus officiel ?
Mme Silvana Silvani. - Je salue le travail des rapporteurs, notamment pour les données contenues dans le rapport. Il est intéressant de disposer d'éléments factuels sur un sujet, qui, nous le savons, a donné lieu à d'autres types d'arguments. Je trouve tout à fait pertinent, après avoir légiféré pour garantir une liberté, d'en vérifier l'effectivité. À ce propos, on note un certain nombre de freins. Prenons le taux de 27 % de femmes ayant essuyé un refus : je ne remets pas en cause la clause de conscience, mais ce chiffre relativement élevé m'étonne. Cela vient s'ajouter à une liste considérable de freins de nature différente : tarification, conventionnement, équipement, offre, information, ainsi que les contraintes matérielles et géographiques. C'est considérable !
Que des soignants, selon leurs convictions, puissent pratiquer un acte, ou pas, est une chose, mais que les ARS n'établissent pas de répertoire ou ne fassent pas leur travail est complètement anormal. Nous sommes là, clairement, face à une mission de service public non accomplie, ce qui laisse libre cours à toutes les désinformations et dérapages possibles. Sans banaliser l'IVG, si cette liberté est mentionnée dans la Constitution, les ARS n'ont pas à décider de ce qu'elles font ou pas !
Mme Anne Souyris. - Ce rapport est essentiel pour la suite. Quand j'entends le constat selon lequel le nombre d'avortements croît plus rapidement que la démographie - et ce, sans compter les refus opposés -, je m'interroge sur l'éducation à la sexualité dans les collèges et lycées, qui figure normalement dans les programmes. Les établissements scolaires sont des lieux essentiels pour délivrer de l'information sur les méthodes de contraception, mais aussi sur l'avortement, notamment à destination des jeunes filles et jeunes femmes éloignées géographiquement et culturellement de ces questions.
Le nombre très faible d'avortements dans les cliniques à but lucratif soulève chaque fois la même question : au-delà de la clause de conscience stricto sensu, ne faudrait-il pas imposer des cahiers des charges à ces cliniques ?
Mme Laurence Rossignol. - Je remercie l'auteur et les autrices de ce rapport, qui fait le point sur la situation actuelle et contient des observations importantes.
Je pense notamment à la régression très nette en matière de libre choix de la méthode d'IVG. La forte prégnance de la technique médicamenteuse procède, je pense, non pas d'un choix des femmes, mais des propositions qui leur sont faites en fonction du territoire où elles se trouvent. C'est gênant, car l'IVG médicamenteuse n'est pas un acte anodin et suppose un accompagnement sérieux. Je vois trop de jeunes filles et jeunes femmes laissées seules avec leur fausse-couche provoquée.
Je constate, comme le fait le rapport, une absence totale de pilotage du côté du ministère comme des ARS. Quand on demande des chiffres, on ne trouve face à soi que deux pauvres fonctionnaires dans un bureau... Agnès Buzyn, du temps où elle était ministre, s'était engagée à demander aux ARS un relevé des établissements et médecins ayant recours à la clause de conscience ; je n'ai jamais vu une quelconque enquête sur le sujet.
Dans un rapport rejeté par le Sénat - je reviendrai sur les positions arrêtées par notre assemblée sur la question de l'IVG -, j'avais proposé la création d'une agence nationale de la santé sexuelle et reproductive, sur le modèle de l'agence nationale contre le cancer. Mais ce sujet est totalement ignoré par les politiques publiques.
Le rôle des lobbys anti-IVG a été relevé. Peut-être pourrait-on ajouter dans les diverses recommandations la mobilisation des pouvoirs publics face au poids de ces lobbys et à l'impact sur les femmes des informations qu'ils diffusent. De même, il me semble qu'il manque une référence au rôle du planning familial, eu égard au volume des femmes accueillies. Pour certaines, le planning familial est bien souvent le premier recours. Cela mériterait d'être souligné.
Enfin ce rapport, défendu de manière consensuelle par les trois rapporteurs, mentionne tous les progrès réalisés en matière d'accès à l'IVG. Je me réjouis que le Sénat juge positivement des évolutions législatives dont aucune n'a recueilli son appui !
Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Oui, madame Sollogoub, il faut garantir l'anonymat des jeunes filles qui demandent un transport. Le point a été évoqué lors des auditions, et il faudra faire quelque chose sur le sujet - peut-être par amendement au moment de l'examen du PLFSS, si tant est que cela relève de ce périmètre.
De mon point de vue, il n'y a effectivement pas de pilotage par l'État depuis de très nombreuses années ; de ce fait, il n'y en a pas non plus de la part des ARS. Les agences nous disent toutes qu'elles travaillent à la mise en place de répertoires, mais certaines n'ont pas été en mesure de les publier dans les délais prévus. Elles mettent également en avant les difficultés à procéder aux recensements.
Enfin, la fermeture de maternités privées a évidemment entraîné la baisse du nombre d'actes réalisés.
M. Alain Milon, rapporteur. - Dans cette étude, nous considérons tout de même qu'une femme demandant l'IVG est une femme en difficulté, une femme qui n'a pas eu d'autres solutions que celle-là. Il faudrait donc avant tout, pour permettre la meilleure information possible, améliorer le système d'éducation, notamment d'éducation sexuelle.
L'absence de pilotage, je la constate à tous les niveaux depuis vingt ans, depuis que je suis sénateur. S'il n'y a pas de pilotage au niveau des ARS, c'est qu'il n'y en a ni au ministère de la santé ni au ministère de l'éducation nationale, et cela est sans doute dû à une absence de volonté politique. Comme je l'ai dit, nous sommes élus par nos concitoyens pour prendre des décisions, qu'elles plaisent ou non. Or nous ne savons plus prendre de décisions depuis de nombreuses années.
Nous constatons effectivement une baisse de l'offre privée, que l'on nous justifie par des éléments essentiellement financiers.
Le sujet de l'accès à l'IVG médicamenteuse par téléconsultation pour certains territoires insulaires doit être mis sur la table. Aujourd'hui, la situation n'est pas idéale. Mais notre rapport n'établit que des constats et des propositions, même si nous espérons, évidemment, que celles-ci soient suivies d'effets.
S'agissant des transports, on ne peut pas implanter des centres d'IVG partout. Il faut donc que les femmes puissent y avoir accès. Dans ce cadre, la difficulté majeure est effectivement le respect de l'anonymat. Nous sommes preneurs de toutes les pistes sur cette question, sachant tout de même que les transports demeurent un poste important de dépenses dans le PLFSS.
Je rejoins M. Khalifé sur son intervention sur les PMI. Malheureusement, notre travail a été perturbé par tous les événements politiques et politiciens qui ont eu lieu depuis le mois de juin et, par manque de temps, nous n'avons pas pu effectuer les déplacements prévus dans deux PMI - des Bouches-du-Rhône et du Pas-de-Calais. Cela étant, la question doit effectivement être examinée.
Le libre choix de la technique d'IVG dépend aussi de la consultation avec le médecin. C'est à lui de conseiller, en fonction de l'état de santé de la femme qui se trouve face à lui.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. - De nombreux points ont été évoqués. Je pense notamment au décalage constaté entre la constitutionnalisation et la réalité d'une liberté : bon nombre de femmes ne sont pas suffisamment informées pour pouvoir accéder à l'IVG. C'est un sujet crucial pour les plus fragiles.
Vous avez raison, madame Rossignol, il faut poursuivre l'information du public. La lutte contre la désinformation par des campagnes régulières figure dans la proposition n° 10 du rapport. De même, madame Petrus, que la possibilité de téléconsulter en l'absence de solutions dans certains territoires éloignés.
J'ai eu plaisir à travailler sur ce sujet éminemment important. Comme l'a indiqué Alain Milon, nous dressons un constat, mais il est aussi de notre rôle de parlementaire de monter au créneau pour aller plus vite, plus loin, et pour apporter des réponses appropriées à toutes ces femmes.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
Proposition de loi visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité - Désignation d'un rapporteur
M. Philippe Mouiller, président. - Le Gouvernement m'a indiqué qu'il pourrait inscrire à l'ordre du jour de la semaine du 4 novembre 2024 la proposition de loi visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.
Comme les auditions, devront être organisées en même temps que l'examen pour avis de la mission budgétaire « Travail et emploi », je vous propose de désigner Frédérique Puissat rapporteur.
La commission désigne Mme Frédérique Puissat rapporteur sur la proposition de loi n° 265 (2023-2024) visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.
La réunion est close à 12 h 00.
Jeudi 17 octobre 2024
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 - Audition de M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous débutons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 en accueillant M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez présenté ce PLFSS le 10 octobre dernier, avec neuf jours de retard sur le calendrier prévu par la loi organique du fait des suites de la dissolution de l'Assemblée nationale, dans un contexte financier délicat.
Ainsi, alors que la sécurité sociale semblait engagée sur la voie du rétablissement de ses comptes, la crise du covid-19 a entraîné l'accumulation de déficits très lourds et surtout durables.
De fait, malgré les mesures parfois difficiles qui figurent dans le présent PLFSS, la trajectoire financière jusqu'en 2028, annexée à ce texte, reste préoccupante. Pour tout dire, elle ne semble pas compatible avec le maintien de l'objectif d'une extinction de la dette sociale en 2033.
Monsieur le ministre, je vous laisse détailler le contenu de ce PLFSS ainsi que, plus largement, votre vision des comptes de la sécurité sociale. Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, en commençant par notre rapporteure générale Élisabeth Doineau.
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. - Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis d'être devant vous ce matin. Je commencerai, si vous le voulez bien, par un point de calendrier et de méthode.
Vous l'avez rappelé, monsieur le président, ce texte a été déposé tardivement. Par définition, tout projet de loi est perfectible, puisqu'il est amendable, mais, au regard de ses conditions de préparation, celui-ci l'est sans doute un peu plus qu'à l'accoutumée - je le dis en toute humilité. Il sera bien évidemment soumis à la discussion parlementaire, mais nous sommes aussi en lien avec les partenaires sociaux, organisations patronales comme syndicales. D'ailleurs, dès lundi dernier, devant la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), j'ai répété que nous entendions être à l'écoute de toutes les propositions dès lors qu'elles concourent au redressement des finances sociales.
Les textes financiers présentés cet automne ont en effet pour cap le redressement de nos comptes publics, préalable indispensable à l'avenir de nos politiques publiques, en particulier de nos politiques sociales.
C'est autant à la lumière de la situation globale de nos finances publiques, toutes administrations publiques confondues, que de la situation spécifique des comptes sociaux que le présent PLFSS prend sens. Le Premier ministre l'a affirmé dès sa prise de fonction, la situation de nos finances publiques est grave. Il ne s'agit pas de céder à l'anxiété, mais de faire preuve de gravité ; le redressement de nos comptes publics est une nécessité.
Nous devons dès 2025 fournir un effort exceptionnellement ambitieux de deux points de PIB si nous voulons ramener le déficit public à 5 % en 2025, condition elle-même nécessaire à un retour sous les 3 % à l'horizon 2029 - vous aurez noté, évidemment, le report de l'échéance. Cela représente un effort inédit, mais nécessaire, de l'ordre de 60 milliards d'euros. La dette, qui dépasse 3 220 milliards d'euros cette année, et le déficit, estimé à 6 % pour 2024, sont bien l'affaire de toutes les administrations publiques - j'insiste sur ce point.
C'est pourquoi nous proposons, dans les différents textes financiers que nous présentons, un effort partagé : l'État et ses opérateurs contribueraient à hauteur de 52 % à l'effort de maîtrise de la dépense publique, la protection sociale à hauteur de 36 % et les collectivités locales à hauteur de 12 %. Autrement dit, la dépense primaire de l'État diminuerait de 1 %, celle des collectivités locales serait stable et celle des administrations sociales progresserait de 0,6 %.
S'agissant des comptes sociaux, le rapport présenté par le secrétaire général de la CCSS lundi dernier illustre très clairement la gravité de la situation. Le déficit de la sécurité sociale dépassera en 2024 de près de 8 milliards d'euros le niveau des crédits votés en loi de financement initiale. En 2025, sans mesures nouvelles, le déficit de la sécurité sociale s'élèverait à 28 milliards d'euros. Tout le monde comprendra qu'un tel niveau n'est pas soutenable et qu'il y a urgence à renverser la vapeur.
Le PLFSS pour 2025 marque donc une étape importante dans le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux, mais une étape seulement, car l'effort de rééquilibrage devra se poursuivre sur plusieurs exercices.
La responsabilité impose d'abord de renouer avec une trajectoire soutenable de finances sociales, première condition de la pérennité de notre modèle de protection sociale fondé sur la solidarité intergénérationnelle et cher à tous les Français.
Vous connaissez les raisons du déséquilibre actuel. Nous avons fait le choix, nécessaire et juste - j'en suis profondément convaincu - de dépenser ces dernières années pour protéger nos concitoyens contre les crises sanitaire et économique, mais aussi pour renforcer un certain nombre de services publics liés à nos dépenses sociales, notamment au travers du Ségur de la santé.
Ces crises étant à présent derrière nous, la croissance attendue l'an prochain à 1,1 %, le chômage au plus bas depuis quarante ans, tutoyant la barre des 7 %, l'inflation revenant sous les 2 %, nous proposons donc pour 2025 un effort de freinage proportionné de la dépense sociale.
Les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) afficheraient ainsi une progression maîtrisée de 2,8 %, contre 5,3 % en 2024, soit 18 milliards d'euros. Le PLFSS prévoit des premières mesures visant à redresser le solde dès 2024 et, pour 2025, quatre piliers équilibrés permettront de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d'euros, tout en finançant des mesures nouvelles.
Premier pilier, le report de l'indexation des pensions de retraite - les minima seront quant à eux revalorisés selon le calendrier habituel - permettra de dégager plus de 3 milliards d'euros. S'y ajouteront plus de 2 milliards d'euros au titre du relèvement de quatre points du taux de cotisation des employeurs publics à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Deuxième pilier, il importe de se préoccuper de la maîtrise de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), dont la progression sera ramenée à son niveau spontané de 2,8 %. Les engagements pris par le Gouvernement, qui avoisineront 5 milliards d'euros, seront donc financés à due concurrence par des efforts de maîtrise de la dépense d'un montant équivalent, lesquels devront reposer de façon équilibrée sur les différents acteurs du système de santé.
Concrètement, cet effort passera par le relèvement du ticket modérateur à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Cette mesure, qui devrait être invisible pour les assurés, permettra en revanche un juste rééquilibrage des dépenses de santé entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires, dont il faut rappeler que la part dans la consommation de soins et de biens médicaux baisse tendanciellement. Je rappelle par ailleurs que le reste à charge des Français, qui a baissé de deux points au cours des dix dernières années, est le plus faible de tous les pays de l'OCDE.
La baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières, qui sera sans effet sur les salariés rémunérés en deçà de 1,4 Smic, permettra de dégager 600 millions d'euros d'économies dès 2025. Enfin, le relèvement des franchises et des participations forfaitaires, acté dès 2024, montera en charge pour atteindre 300 millions d'euros en 2025.
Des mesures d'efficience sont également prises. Les plans de maîtrise du prix des produits de santé, pour 1,2 milliard d'euros, et de sobriété des usages, à hauteur de 400 millions d'euros, permettront de contenir à 2,3 % la progression des dépenses de produits de santé. Des économies de 700 millions d'euros sont attendues de la rationalisation des achats à l'hôpital et dans les établissements médico-sociaux ; 300 millions d'euros des mesures de maîtrise des dépenses de radiologie et d'imagerie médicale ; 300 millions d'euros enfin de la régulation des soins de ville et des dépenses liées au covid-19.
Au-delà de ces 4,9 milliards d'euros d'économies que je viens de résumer brièvement, les efforts de lutte contre la fraude doivent s'intensifier. Nous ne pouvons, d'un côté, nous satisfaire du niveau de fraude dans certaines branches, en particulier la branche famille, et expliquer de l'autre qu'il faut freiner les dépenses. Nous poursuivrons donc les actions engagées avec les caisses du régime général pour renforcer de manière significative les moyens consacrés à cette politique, suivant le programme engagé pour la période 2023-2027. La lutte contre la fraude nécessite des investissements, mais ce sont des dépenses nécessaires. À l'horizon 2027, les effectifs auront augmenté de 20 % par rapport à 2022, nous aurons formé 450 cyberenquêteurs et modernisé les systèmes d'information. Nous nous donnons également les moyens de lutter contre la fraude aux cotisations sociales en lien avec l'Urssaf et la Mutualité sociale agricole (MSA).
Troisième pilier, les réformes d'efficience comme la refonte des allégements généraux doivent nous permettre de lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaire tout en dépensant moins. Mme la ministre du travail et de l'emploi aura l'occasion de vous en parler plus longuement, mais nous pourrons évidemment évoquer ce sujet.
Quatrième et dernier pilier, il convient de réviser les niches socio-fiscales dans le cadre des réformes portées notamment au travers des dispositifs sectoriels prévus à l'article 7 de ce texte. Il s'agit, par exemple, de mieux prendre en compte les avantages en nature tels que les véhicules de fonction et, plus globalement, de lutter contre l'optimisation socio-fiscale.
Le présent PLFSS assume donc un coup de frein réel, mais un coup de frein que nous estimons raisonnable et qui nous laisse suffisamment de marges de manoeuvre pour préserver, d'une part, le système de protection sociale lui-même, et, d'autre part, le financement de mesures nouvelles. Parmi celles-ci, les revalorisations accordées aux professionnels de santé libéraux représenteront 1,6 milliard d'euros de dépenses nouvelles en 2025. Nous continuerons aussi à agir pour l'hôpital, dont le budget progressera de plus de 3 milliards d'euros, et pour les établissements sociaux et médico-sociaux, dont le budget sera rehaussé de plus de 2 milliards d'euros pour honorer les engagements pris dans le champ du handicap et du grand âge.
En conclusion, notre texte prévoit, je le crois, un effort juste de maîtrise de la dépense, partagé entre les branches, et surtout cohérent avec les besoins identifiés et les priorités du Gouvernement.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'aurai trois questions.
Première question : le PLFSS pour 2025 prévoit, pour l'exercice 2024, un déficit de 18 milliards d'euros, c'est-à-dire de 8 milliards de plus, dites-vous, par rapport à ce qui figurait dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2024 ; les chiffres sont de plus en plus vertigineux. Selon le rapport de la CCSS, cela s'expliquerait en quasi-totalité par des recettes, essentiellement fiscales - notamment de TVA -, inférieures aux prévisions. En outre, les emplois créés au cours des dernières années étant souvent des emplois bas salaires, la politique d'allégements généraux a entraîné de moindres recettes de cotisations. Pouvez-vous expliquer cette erreur de prévision ? De nouvelles mauvaises surprises sur les recettes sont-elles à craindre sur la période de programmation ? Ou vous semble-t-il au contraire que ces moindres recettes en 2024 peuvent se traduire par un rebond spontané des recettes, au moins fiscales ?
Ma deuxième question concerne les allégements de cotisations patronales, sans préjudice des explications que nous donnera la ministre du travail et de l'emploi. Le rapport d'Antoine Bozio et Étienne Wasmer est très intéressant, mais les solutions dont il fait état sont à moyens constants, alors que le Gouvernement envisage de réduire ces allégements. Dans une récente interview au journal Les Échos, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef) s'est dit « totalement opposé à cette mesure », considérant qu'elle détruirait « plusieurs centaines de milliers de postes, dans les secteurs très pourvoyeurs d'emploi sur les territoires, en proximité : la propreté, la restauration collective, l'aide à la personne... » Les prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publiées hier, avancent le chiffre de 50 000 emplois détruits en trois ans, ordre de grandeur qui me paraît plus réaliste. Le Gouvernement a-t-il chiffré, de son côté, l'impact de la mesure sur l'emploi ? Des ajustements vous semblent-ils envisageables pour minorer cet impact ?
Enfin, dernière question, si la sécurité sociale est amenée à connaître un déficit durable d'environ 20 milliards d'euros, la dette sociale va continuer d'augmenter. J'ai bien noté que le PLFSS prévoit de permettre à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de s'endetter à deux ans, et non plus seulement à un an, mais il s'agit tout de même d'endettement de court terme. Si l'on veut éviter de se retrouver dans la même situation qu'en 2020, quand l'Acoss s'était trouvée dans l'incapacité d'emprunter sur les marchés, il faudra réaliser de nouveaux transferts de dette sociale à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui emprunte à long terme. Ces nouveaux transferts impliqueront de repousser l'échéance d'amortissement de la dette sociale au-delà de 2033, ce qui nécessitera une loi organique. Où en sont les réflexions du Gouvernement sur cette question ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je commencerai par répondre à votre question sur les prévisions de recettes, car, c'est vrai, les moindres recettes fiscales ont un impact non seulement sur les comptes de l'État, mais également sur les comptes sociaux, notamment, en effet, au travers de la TVA. La composition de la croissance a été différente de celle qui avait été estimée l'année dernière : il y a eu plus d'exportations - c'est une bonne nouvelle pour notre solde commercial -, mais il y a eu moins de consommation, ce qui a un effet immédiat sur la TVA, dont les recettes ont été plus faibles que prévu. À cela s'ajoute le ralentissement économique que l'on a connu à l'échelle européenne. Tout cela a des conséquences sur nos comptes sociaux, vous avez raison.
Toutefois, je le rappelle, les recettes de la sécurité sociale sont bien en hausse ; simplement, nos dépenses sociales sont en forte hausse. Il nous faut considérer cette situation avec lucidité, mais le travail continue néanmoins à financer grandement notre système de protection sociale, ainsi que celui-ci a été conçu. Les allégements généraux ont permis de créer de l'emploi dans notre pays : si le chômage a baissé de plus de 2 points, c'est notamment parce que nous avons amélioré notre compétitivité-coût, donc diminué le coût du travail. Il faut prendre la mesure des volumes d'économies et de dépenses que cela représente pour l'État : les allégements généraux représentent quelque 80 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros sur les quatre dernières années. Si vous me demandez personnellement si je pense que cette politique a été bonne pour l'emploi, je vous répondrai oui. Mais si vous me demandez si le fait de freiner cette dépense à hauteur de 4 milliards d'euros, ainsi que nous le proposons dans ce PLFSS, est une mesure raisonnable, je vous répondrai oui également. Nous pouvons donc demander aux entreprises, tout en luttant contre la « démiscardisation » - c'est le sujet du rapport Bozio-Wasmer -, d'absorber un freinage des aides publiques en matière d'allégements généraux à hauteur de 4 milliards d'euros ; rapporté aux 80 milliards d'euros, cela ne me paraît pas excessif. Cette contribution des entreprises ne devrait pas avoir un impact trop important sur l'emploi. Telle est ma conviction.
La réflexion initiale des économistes Bozio et Wasmer n'en perd pas pour autant sa pertinence, à savoir comment lutter contre la trappe à bas salaire que représente le nombre trop important d'emplois au Smic. En effet, les allégements généraux totaux, combinés à la prime d'activité, ont probablement contribué à maintenir l'emploi à ce niveau de salaire. L'enjeu est donc d'augmenter les salaires, car la différence entre le salaire médian et le Smic demeure trop faible.
Nous pensons qu'il faut inciter les employeurs à augmenter les salaires, notamment en rendant plus incitatifs, par la baisse des cotisations patronales, les salaires compris entre 1,3 et 1,8 Smic. C'est ce qui sera proposé, en deux temps - en 2025 et 2026 -, afin d'inciter à embaucher ou à augmenter les salaires jusqu'à cette tranche. Je le reconnais, il y a eu sans nul doute des effets pervers liés à l'absence totale de charges au niveau du Smic, à laquelle s'est ajouté, je le répète, l'effet de la prime d'activité. Cette réforme est donc nécessaire.
Je comprends donc les inquiétudes du président du Medef ; même si ses termes me semblent excessifs, il faut prendre ses propos avec sérieux, pour éviter de faire un zigzag complet et devenir un pays dont le coût du travail serait confiscatoire et contraire à la politique d'attractivité que nous avons menée au cours des dernières années. En revanche, on peut considérer qu'une économie à hauteur de 4 milliards d'euros, rapportée au montant des aides octroyées au cours des dernières années et à la réalité de nos finances publiques, serait équilibrée, raisonnable, et ne remettrait en question ni la politique pour l'emploi, qui a été une réussite, ni la lutte contre la désmicardisation selon le schéma « Bozio-Wasmer ».
J'en viens à la question de la dette sociale. La loi organique de 2020 permettait de prolonger l'amortissement de notre dette sociale jusqu'en 2033. Aujourd'hui, nous amortissons la dette à hauteur d'environ 16 milliards d'euros par an et, si tout se passe bien, nous devrions l'avoir amortie d'ici à 2032. Il n'y a donc pas de raison d'examiner un nouveau projet de loi organique pour prolonger la durée de vie de la Cades et l'amortissement de notre dette sociale. Néanmoins, il faut rester vigilant, car la spécificité des finances sociales réside dans le fait qu'il s'agit de dépenses de guichet et de dépenses de nécessité, qui nécessitent parfois une adaptation de l'amortissement de notre dette.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Le PLFSS pour 2025 actualise la prévision de déficit de la branche maladie en 2024 à hauteur de 14,6 milliards d'euros, contre 8,5 milliards prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2024. Il laisse espérer un léger redressement en 2025, avec un déficit qui atteindrait 13,4 milliards d'euros, puis prévoit une nouvelle dégradation dans les années suivantes, jusqu'à un déficit de près de 15 milliards d'euros en 2028. En parallèle, le PLFSS fixe une progression de l'Ondam à hauteur de 2,8 %, que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) considère comme très optimiste en raison de prévisions d'économie jugées incertaines.
J'aurai donc trois questions.
La première porte sur la situation préoccupante de la branche maladie. Les trajectoires pluriannuelles conduisent à s'interroger depuis plusieurs années sur la soutenabilité financière de cette branche. Prenons l'exemple des dépenses du Ségur de la santé. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que les mesures devaient être financées. Or les dépenses liées au Ségur, supportées par la branche assurance maladie à hauteur de 11 milliards d'euros par an pour les revalorisations salariales, ne sont toujours pas financées ; je ne dis pas qu'il ne fallait pas procéder à cette revalorisation, je dis juste qu'elles ne sont pas financées. Ces dépenses ne seront pas les seules à peser dans le déficit de la branche, mais elles constituent des dépenses structurelles, et il s'agit tout de même d'un montant de 11 milliards d'euros. Quelles marges de manoeuvre le Gouvernement envisage-t-il pour financer les dépenses structurelles de la branche assurance maladie dans un horizon pluriannuel ?
Ma deuxième question porte, comme la troisième, sur l'Ondam. Les précédents gouvernements nous ont habitués à un dépassement systématique de cet objectif ; comment convaincre les parlementaires que la trajectoire fixée par ce PLFSS peut être, cette fois-ci, respectée ?
Enfin, l'Ondam est un objectif prévisionnel, qui ne constitue pas un plafond de dépenses ; est-il toujours un outil de régulation et de pilotage efficace ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - J'aurai deux questions concernant la branche autonomie, dont les perspectives financières sont très dégradées.
L'exercice 2024 devrait s'achever sur un excédent de 900 millions d'euros, mais, ensuite, la situation va se dégrader, avec un déficit de 400 millions en 2025 et qui se poursuivra pour atteindre 1,5 milliard en 2028. C'est particulièrement inquiétant au regard du défi que nous avons à relever concernant l'autonomie. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette dégradation des prévisions et les pistes que vous envisagez pour préserver l'équilibre budgétaire de la branche ?
Ma deuxième question concerne les relations entre la branche autonomie et les départements. La branche ne verse rien de moins que douze concours différents à ces derniers ; le système est donc assez illisible. Ainsi, tant les départements que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) demandent une réforme de ces concours pour en améliorer l'efficience. Envisagez-vous d'étudier une telle réforme ?
M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Ma première question concerne les indemnités journalières (IJ) du congé de maternité postnatal. Ces indemnités ont été transférées l'année dernière à la branche famille, alors qu'elles relevaient précédemment de la branche assurance maladie. Cela me semble illogique, car figure, sur les feuilles de paie, la mention « Assurance maladie, maternité, décès ». Ce transfert, représentant une somme de 2 milliards d'euros, ne devait concerner qu'une année. Quel est votre point de vue sur ce sujet ? La branche famille, privée de ces 2 milliards d'euros par an, ne peut plus tenir ses engagements précédents, notamment la réforme du mode de garde et le service public de la petite enfance.
Ma deuxième question est de portée plus générale. Avec de tels déficits, nous sommes en train de faire payer nos dépenses sociales à nos enfants. Un chiffre me préoccupe particulièrement : nous allons rembourser 16 milliards d'euros à la Cades l'année prochaine, mais nous risquons d'emprunter d'un autre côté 20 milliards. Cela n'est pas durable ! Quelle est votre vision à moyen terme concernant la Cades et notre niveau d'endettement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je commencerai par la branche maladie.
L'Ondam est-il trop optimiste ? Objectivement, au cours des dernières années, le dépassement de l'Ondam a été réduit ; il faut continuer dans cette voie et faire en sorte que les dépenses exécutées s'approchent le plus possible de l'Ondam, qui reste un objectif.
Est-ce un bon outil de pilotage ? C'est en tout cas celui qu'a défini le législateur organique. En tout état de cause, nous avons besoin d'un pilotage fin et nous devons garder une ambition politique ferme pour respecter cet objectif. Faut-il aller jusqu'à en faire un plafond de dépenses ? Je vous renvoie la question ! Selon moi, on peut aujourd'hui travailler avec l'Ondam de façon responsable, tout en ayant des politiques publiques claires en matière de dépenses sociales. Cela ne me semble pas être la priorité du moment, bien que ce débat existe et ait refait surface au moment de la révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss) ; je relève qu'à l'occasion de cette révision a été instauré l'équivalent d'une loi de règlement, qui permet d'instaurer un enchaînement, vertueux à mes yeux, entre l'autorisation et la certification des comptes.
Il y a en effet une prévision d'augmentation du déficit de l'assurance maladie à partir de 2026. Il faudra donc poursuivre les efforts, vous avez raison, et c'est un processus pluriannuel. C'est d'ailleurs vrai pour l'ensemble des branches ; il conviendra de remettre les dépenses en perspective en fonction de la réalité des recettes, c'est la spécificité des finances sociales, je le disais précédemment. J'y insiste, nous tenons tous à ce modèle et, pour le préserver, il faut le rendre soutenable, en ayant la capacité de freiner la dépense par rapport à la réalité des recettes.
J'en viens aux questions portant sur la branche autonomie.
Tout le monde le sait, cette cinquième branche, nouvellement créée, va connaître une augmentation des dépenses. La question est donc de savoir quelles recettes mettre en face. Je ne veux pas parler à la place de Paul Christophe, mais je pense qu'il ne faut s'interdire aucun débat à ce sujet. Le Gouvernement veut tenir un discours de vérité ; donc il faut dire que, face aux besoins de l'autonomie, nous avons besoin de réfléchir au financement de la branche. Ce financement passe-t-il nécessairement par une nouvelle cotisation ? Pas forcément, mais il faudra trouver des sources de financement, c'est une réalité objective, implacable, et le déficit ne saurait constituer une réponse acceptable. Je ne doute pas que Paul Christophe propose des réformes à ce sujet.
Vous évoquez, madame Deseyne, la situation des relations de cette branche avec les départements. Je suis également favorable à la simplification, notamment à la fusion des secteurs de soins et d'autonomie, étape nécessaire, mais non suffisante.
J'en viens à la branche famille. Vous me posez la question, monsieur Henno, du transfert des IJ de la branche assurance maladie à cette branche et qui, me dites-vous, ne devait porter que sur une année. Avant de vous répondre, je vais me renseigner sur ce point. Cela dit, le fait que ces indemnités relèvent de la branche famille ne me paraît pas totalement contre-intuitif, cela a du sens. Ensuite, sur le fond, pourquoi a-t-on fait cette réforme ? Pour que ces dépenses ne grèvent pas la branche assurance maladie, qui est en déficit. Aussi, il me paraît nécessaire que la part employeur pour les salaires supérieurs à 1,4 Smic soit plus importante.
D'ailleurs, pour revenir à une question de Mme Imbert, qui me demandait pourquoi, cette fois-ci, on croirait à cet Ondam, je précise qu'il faut, évidemment, que les mesures réglementaires suivent et soient à la hauteur des enjeux.
Vous soulevez ensuite, monsieur le sénateur, la question de la Cades et de la dette sociale. Précisément, la maîtrise nécessaire de nos comptes sociaux vise aussi à ne pas prolonger l'amortissement de notre dette. Prévoir une trajectoire de remboursement de notre dette sociale est sain, c'était une sage décision, et je ne crois pas que l'on se prive de recettes pour notre sécurité sociale en remboursant la dette sociale ; cela relève de l'esprit de responsabilité. Si l'on se traînait indéfiniment une dette publique collective - dette sociale et dette de l'État -, cela coûterait probablement plus cher et cela nous empêcherait de continuer à financer nos priorités sociales. Le meilleur moyen d'éviter une prolongation de la Cades est de rétablir l'équilibre de nos comptes sociaux ; pardon pour cette lapalissade, mais la priorité doit être celle-là et c'est celle du Gouvernement. Nous n'élaborons pas un projet de budget comportant une augmentation des dépenses et une prévision de recettes incertaines en nous disant qu'il suffira de reprolonger la Cades. Nous souhaitons respecter le calendrier prévu, même si, Mme Imbert l'a dit, il n'y a pas beaucoup de marges de manoeuvre : notre objectif politique est d'abord de réduire le déficit, il ne s'agit en aucun cas de prolonger la Cades.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je me félicite que le PLFSS amorce une remise à plat, quoique timide, de la politique d'exonérations massives et croissantes de cotisations sociales, d'autant que celle-ci n'était associée à aucune conditionnalité et qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre évaluation. Cela dit, pour redresser nos finances publiques, nous avons plus d'ambition que vous du côté des recettes. Vous le savez, la révision des allégements généraux proposée dans ce PLFSS, suivant les préconisations de MM. Bozio et Wasmer, sera insuffisante, puisqu'elle ne rapportera que 4 milliards d'euros, sur une politique d'exonérations qui représente 80 milliards d'euros.
Surtout, pour ce qui concerne le budget de la sécurité sociale, qui nous intéresse ici, ce reprofilage ne s'attaque guère aux réels problèmes que constituent les exemptions d'assiettes et les exonérations non compensées des dispositifs de complément de salaire désocialisés. Or, selon la Cour des comptes, ces niches sociales, notamment les compléments de salaire désocialisés et l'exonération non compensée des heures supplémentaires, ont augmenté de 8 milliards d'euros entre 2018 et 2022 et de 9,4 milliards entre 2018 et 2023. Sans ces pertes de recettes, l'évolution des dépenses n'aurait pas conduit à des déficits : la dynamique des recettes a été délibérément entravée. Aussi, pensez-vous que la réduction de seulement 700 millions d'euros des niches sociales soit à la hauteur des enjeux ? D'ailleurs, comment avez-vous calculé cette économie ?
Deuxième question : le report, du 1er janvier au 1er juillet, de la revalorisation des retraites est-il pérenne ? Si cette revalorisation est toujours basée sur douze mois glissants, indépendamment des six mois non revalorisés, qui représenteront une perte sèche de 3 milliards d'euros puisque l'inflation suit une tendance baissière, la revalorisation sera-t-elle inférieure à celle qu'elle aurait été en se fondant sur l'indice des prix au 1er janvier ?
Par ailleurs, je souhaiterais que l'on remette à plat les forfaits sociaux censés compenser les exemptions d'assiettes. Cet objectif n'est pas atteint, puisque le rendement est passé de 43 % en 2017 à 35 % en 2023. Comptez-vous compenser ces 8 points perdus ?
Quand mettrons-nous réellement en application la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite Veil, pour contrer toutes les exonérations non compensées et les exemptions d'assiette injustifiées ?
Par ailleurs, avez-vous pris en compte, dans votre prévision de croissance de 1,1 %, l'impact récessif estimé par l'OFCE de 0,8 point de croissance qu'entraînera votre plan de 40 milliards d'euros de réduction des dépenses ? Ou bien la croissance ne sera-t-elle que de 0,3 % ?
Enfin, il existe des fraudes sociales à la cotisation et à la prestation. Comment se répartissent les économies que vous escomptez de la lutte contre la fraude entre ces deux types de fraude ? Je le rappelle, ces fraudes sont majoritairement constituées de fraudes à la cotisation.
Mme Céline Brulin. - Vous avez indiqué que le redressement des comptes publics était l'affaire de toutes les administrations publiques ; je pense qu'il sera surtout l'affaire de nos concitoyens.
Je pense d'abord aux retraités, dont la revalorisation de la pension sera reportée du 1er janvier au 1er juillet, ce qui représente une contribution de leur part de près de 4 milliards d'euros, plus importante donc que celle des entreprises, via le réaménagement des exonérations de cotisations sociales, qui sera partiellement compensé - à hauteur de 1 milliard d'euros - par la diminution de l'impôt sur les sociétés.
Je pense ensuite aux patients, qui subiront la hausse du ticket modérateur, après le doublement des franchises médicales et l'augmentation du ticket modérateur pour les soins dentaires. Vous indiquez que cela sera invisible pour les assurés ; c'est faux. Les complémentaires ont déjà augmenté leurs tarifs - peut-être même au-delà de ce qu'elles auraient dû faire - et risquent de les augmenter encore, ce que les cotisants ressentiront, à moins de souscrire un contrat qui les couvrent moins bien.
Je pense enfin aux collectivités. L'augmentation de 4 points de la cotisation retraite des agents des collectivités, pour la CNRACL - c'est d'ailleurs également vrai pour les agents hospitaliers - entraînera une hausse considérable des dépenses de fonctionnement de nos collectivités, ce qui risque de nuire aux services qu'elles rendent au quotidien. C'est particulièrement injuste parce que le secteur privé ne sera pas mis à contribution de cette manière-là. En outre, le déséquilibre de la CNRACL est lié à des contributions de cette caisse en faveur d'autres caisses déficitaires et au fait qu'il y a de plus en plus d'agents contractuels, pour lesquels les employeurs ne cotisent pas à la même caisse.
Il faut absolument revenir sur ces éléments. Notre système de protection sociale est historiquement assis sur des cotisations liées au travail, mais, toute une partie de l'économie étant financiarisée, pourquoi ne pas mettre à contribution, pour notre système de protection sociale, les revenus considérables qui en sont tirés ?
M. Bernard Jomier. - Monsieur le ministre, je ne vous cache pas ma perplexité : en vous écoutant, j'ai l'impression de vivre une dystopie. Il y a trois jours, devant la CCSS, il y avait quatre ministres, tous issus de la mouvance présidentielle. Vous gérez donc les finances sociales depuis 2017, vous n'êtes pas issus d'une génération spontanée. L'an dernier, déjà, vous nous aviez présenté une évolution prévisionnelle des finances sociales qui ne comportait aucune perspective de retour à l'équilibre après la crise covid. Vous portez donc depuis bientôt huit ans cette politique, qui conduit les comptes sociaux droit dans le mur.
En effet, que proposez-vous ?
En ce qui concerne les recettes, nous demandons depuis des années, non la suppression de toutes les exonérations - certaines nous semblent justifiées -, mais l'évaluation de leur impact sur l'économie et l'emploi. Or, si ces évaluations commencent à poindre, elles sont loin d'être achevées et le lien entre les évaluations et la décision de maintenir ou de supprimer les exonérations n'est toujours pas établi. Vous faites un choix politique, le choix de ne pas reprendre trop de transferts aux entreprises, mais ce choix n'est pas fondé sur l'efficacité de la défense publique et sur l'équilibre de notre système social. Nous verrons donc ce qu'il ressort du débat parlementaire, nous entendons vos arguments et vos propositions. Sans doute, nous pouvons vous donner acte d'ouvrir enfin le débat sur le sujet, mais avec quel retard ! Et au prix de quel gaspillage d'argent public ! Car tout cet argent transféré sans garantie d'efficacité a manqué à nos services publics au cours des dernières années.
En ce qui concerne les dépenses, vous ne changez pas le cadre. Prenons l'exemple de l'hôpital. Les fédérations hospitalières nous indiquent qu'une hausse de 6 % de leurs ressources est nécessaire au regard de leurs missions actuelles, et un rapport sénatorial, rédigé par Catherine Deroche il y a deux ans, démontrait la nécessité de redéfinir le périmètre de l'hôpital public pour mettre ses moyens en adéquation avec ses missions. Or vous ne changez pas le cadre : vous proposez une augmentation des crédits affectés à l'hôpital de quelque 3 %, mais en y intégrant des transferts, de sorte que la hausse à périmètre constant ne dépassera pas 2 %, en gros le niveau de l'inflation. On sait donc d'ores et déjà que l'hôpital n'y arrivera pas. Chaque ministre des comptes publics affirme tous les ans qu'il n'y a pas de problème et que les hôpitaux ne sont pas soumis à l'inflation. Résultat : le déficit hospitalier ne cesse de croître et vient de dépasser 1 milliard d'euros.
M. Philippe Mouiller, président. - Deux milliards !
M. Bernard Jomier. - Vous voyez, je suis modéré, je suis même en dessous de la réalité !
Bref, le budget des hôpitaux ne tiendra pas avec cette augmentation de 1,8 % ou 1,9 %. En un mot, on n'avance pas plus sur le volet des dépenses.
En janvier 2018, j'avais applaudi au discours « Ma santé 2022 », parce qu'il s'agissait de penser le budget de santé autrement, de discuter des objectifs de santé, non seulement entre Bercy et le ministre de la santé, mais avec les territoires, les acteurs, les élus. Or, en huit ans, vous n'avez mené aucune réforme structurelle. Vous ne faites que transférer de l'argent vers les entreprises ou vers l'État, tout en transférant la dette de celui-ci vers la Cades. Comprenez donc que nous nous interrogions sur la direction que vous entendez donner à notre système de protection sociale.
Vous avez abordé la question du financement par le travail ou par la fiscalité, c'est un véritable sujet ; vous avez effleuré, sans aller plus loin, celle des organismes complémentaires. Un rapport, issu des rangs de votre majorité, indique que les mutuelles ne fonctionnent pas ; si le périmètre de la sécurité sociale est réduit et que les mutuelles ne fonctionnent pas, qui va financer la santé ? Voilà où nous en sommes. Nous n'en sommes plus à discuter de l'affectation du budget sur tel ou tel poste, car les prévisions pluriannuelles sont alarmantes. Et, ne nous racontons pas de fables, il faudra prolonger la Cades de vingt ans : vous financez la sécurité sociale par l'emprunt !
Bref, quel modèle de protection sociale voulez-vous ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Mon intervention portera sur les retraites agricoles.
Le Sénat a adopté une proposition de loi de notre collègue Philippe Mouiller visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles. Cette réforme devait s'appliquer à compter de 2026, mais le PLFSS pour 2025 repousse la mise en oeuvre de cette mesure à 2028. Pouvez-vous expliquer pourquoi et nous dire ce qui nous garantit qu'elle sera appliquée à cette date ?
Le groupe CRCE-K s'est toujours opposé aux allégements de cotisations sociales, car il sait que de telles mesures érodent le budget de la sécurité sociale. Elles ont coûté près de 80 milliards d'euros en 2023, sans avoir un impact réel sur les salaires et l'emploi. J'aimerais obtenir la liste des entreprises concernées par la suppression d'allégements de charges, si vous l'avez en votre possession.
Enfin, vous prévoyez d'abaisser le plafond d'indemnisation des arrêts de travail par la sécurité sociale, qui passerait de 1,8 à 1,4 Smic. Concrètement, un salarié touchant 1 900 euros net par mois percevrait donc 41 euros par jour. Or la plupart des salariés n'ont pas souscrit une mutuelle, car cela représente un coût supplémentaire. Ne pensez-vous pas nécessaire de revenir sur cette décision ? 41 euros par jour, c'est bien peu...
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je répondrai aux questions en tant que ministre des comptes publics, car je ne suis ministre ni de la santé, ni du travail, ni des solidarités.
Sur la dynamique des recettes, vous me demandez si la politique économique et sociale de baisse d'impôts et de baisse de charges a permis à notre protection sociale d'avoir suffisamment de recettes. Le consensus des économistes est que, objectivement, la baisse du coût du travail - les allégements généraux - a un impact sur l'emploi ; le chômage a baissé de plus de 2 points dans notre pays, on a tendance à l'oublier assez facilement, alors que personne n'y parvenait jusque-là. On peut débattre de la nature de l'emploi créé, mais on ne peut pas nier le lien évident entre compétitivité des entreprises, baisse du coût du travail et emploi. Les recettes affectées à la protection sociale de notre pays ont augmenté - et largement - au cours des dernières années. Simplement, il se trouve que les dépenses aussi et que la crise covid a eu un impact que l'on ne peut négliger. Je le rappelle, juste avant cette crise, les comptes sociaux étaient à l'équilibre.
M. Bernard Jomier. - Non, cela a commencé en 2018 !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Tout le monde reconnaît, je crois, que la crise covid a marqué le début des déficits massifs, même si les dépenses engagées étaient nécessaires.
M. Bernard Jomier. - Cela a commencé avec les « gilets jaunes ».
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Le surcroît de 30 % de dépenses supplémentaires liées à la crise covid, nous les avons souhaitées et assumées ; elles concernaient la revalorisation, le fonctionnement, l'investissement, la reprise de dette. Ces moyens étaient nécessaires pour répondre à la crise, mais, de fait, elles sont devenues structurelles. Il faut donc assumer ce déficit. Le travail continue de financer notre protection sociale et je considère que supprimer des allégements généraux de charges à hauteur de 4 milliards d'euros, c'est raisonnable, cela ne grèvera pas notre politique d'emploi ; après 80 milliards d'euros d'allégements, dont 20 milliards au cours des quatre dernières années, il est important de redresser nos comptes publics.
En revanche, cela ne me paraît pas pouvoir être mis en relation avec d'autres efforts, comme le report de l'indexation des pensions - lesquelles restent indexées, je le rappelle -, qui n'a pas grand-chose à voir, madame Brulin, mais j'y reviendrai.
Vous évoquez, madame Poncet Monge, la question des fraudes. Vous avez raison, toutes les fraudes sont visées, la prestation et la cotisation, et cela concerne également toutes les branches ; cela ne vise d'ailleurs pas que la fraude sociale, la fraude fiscale est aussi ciblée. Le député Thomas Cazenave, mon prédécesseur, a déposé une proposition de loi pour poursuivre les travaux qu'il avait entamés lorsqu'il était ministre, et cela me paraît très positif.
Par ailleurs, si nous demandons une augmentation de quatre points de la cotisation employeur à la CNRACL, c'est parce qu'elle ne contribuera plus aux autres caisses. Je ne nie pas sa contribution passée, mais nous ne pouvons ignorer la réalité du déficit et de la courbe démographique. Il serait déraisonnable de mettre ce sujet sous le tapis. Au reste, ni les collectivités ni les hôpitaux ne le demandent.
Ce texte vise à corriger la trajectoire de déficit, et les quatre points d'augmentation en 2025 n'y suffiront pas, dans la mesure ou une augmentation de dix points serait nécessaire à court terme. Ce PLFSS doit traduire un discours de responsabilité, ce qui implique d'écrire une trajectoire de rééquilibrage de la caisse, sans quoi le déficit de la CNRACL finira par représenter les trois quarts du déficit des caisses de retraite. Il est nécessaire de faire preuve de courage, quitte à prendre des mesures impopulaires. C'est la seule façon de redresser les comptes sociaux dans leur ensemble.
En ce qui concerne la hausse de la part remboursée par les mutuelles, je précise que les personnes bénéficiant d'une complémentaire santé solidaire (C2S) ou de l'affection de longue durée (ALD) seront toujours exonérées à 100 %. Je rappelle que la C2S protège les 7 millions de Français les plus modestes, hors transfert et hors augmentation du ticket modérateur.
Monsieur Jomier, vous nous dites que nous ne sommes pas une génération spontanée... Soit, mais que dois-je en conclure ? Que nous ne pouvons pas prendre nos responsabilités pour redresser les comptes publics ? Je revendique la ligne politique que les gouvernements successifs suivent depuis 2017, et j'estime qu'elle a abouti à des mesures efficaces. Certes, on peut considérer que la politique de l'offre n'a eu que des méfaits, en particulier sur les comptes sociaux. Mais on peut aussi reconnaître que nous avons créé des entreprises et de l'emploi, que nous avons rouvert des usines...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Ah bon ?...
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - ... et que notre pays est devenu le plus attractif d'Europe depuis cinq ans.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - On voit plutôt des usines fermer...
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - On en ouvre plus qu'on en ferme, madame la sénatrice. Nous devons porter un regard objectif sur les progrès économiques et sociaux qu'a permis cette politique.
La hausse de la dépense publique consécutive aux récentes crises a-t-elle entraîné un défi en matière de finances publiques ? Oui, il serait idiot de le nier ! Et le fait d'appartenir à une famille politique qui soutient la politique menée depuis sept ans ne m'empêche pas de regarder avec lucidité et gravité la situation de nos comptes publics, qu'il est urgent de redresser pour ne pas mettre notre pays en difficulté.
Pour ce qui concerne les comptes sociaux, cela doit passer par un freinage de la dépense, car le déséquilibre provient en premier lieu de l'accélération de celle-ci. Or cela ne peut pas se faire de manière paramétrique. C'est pourquoi ce texte ne suffira pas, vous avez raison. Des réformes sont nécessaires : c'est vrai pour l'hôpital, pour le travail, pour la solidarité, pour l'autonomie. Que les textes budgétaires, qui sont examinés après un mois d'existence de ce gouvernement, manquent d'ambition réformatrice, je vous le concède. Nous devrons définir un agenda réformateur pour que des réformes de structure nous permettent de mieux dépenser.
Certains d'entre vous ont mis en cause l'efficacité de la dépense que représentent les allégements généraux ; je vous renvoie le même argument sur l'ensemble de la dépense sociale. Chacun sait qu'il y a beaucoup à faire à cet égard, à condition de faire preuve de courage, de lucidité et de collégialité.
Les allégements généraux relèvent certes d'un choix politique, mais vous ne pouvez pas nier qu'ils ont eu des effets. Fallait-il les porter à 80 milliards d'euros ? Sommes-nous allés trop loin ? Voilà un autre débat, qu'il est légitime d'avoir, à l'aune de l'évaluation de ces mesures.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous parlons de la sécurité sociale, ce qui nous intéresse, ce sont les exonérations non compensées !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Madame la sénatrice, la création d'emplois induit des recettes pour la sécurité sociale. Nous avons fait baisser le chômage de deux points.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce n'est pas ma question !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - C'est pourtant lié...
Ensuite, il est quelque peu paradoxal de vouloir aller plus loin dans la baisse des allégements généraux, tout en craignant les effets récessifs de celle que nous proposons. Ce qui aurait un effet récessif, ce serait une hausse de la fiscalité mal ciblée et mal pensée. Les économies que nous réalisons sur le coût du travail sont raisonnables et permettent de soutenir l'emploi tout en maintenant la croissance.
Je ne remets pas en cause les travaux des économistes de l'OFCE, qui sont très sérieux, mais notre projection de croissance à 1,1 % tient bel et bien compte des effets récessifs. Je suis convaincu que, en répartissant l'effort entre deux tiers d'économies et un tiers d'impôts, nous poursuivons une politique de l'offre offensive, à même de maintenir une croissance supérieure à celle de nos voisins européens.
Madame Apourceau-Poly, la réforme des retraites des non-salariés agricoles n'entrera en vigueur qu'en 2028 à cause de contraintes opérationnelles, mais elle aura un effet rétroactif. Les assurés percevront un rattrapage du manque à gagner sur les deux années précédentes.
Enfin, je rappelle que 60 % des travailleurs ne seront pas concernés par la baisse des indemnités journalières - seuls ceux qui touchent plus de 1,4 Smic le seront - et que celle-ci sera prise en charge par les employeurs à hauteur de 90 %. Cela relève également de l'équilibre que nous avons trouvé entre coût du travail et compétitivité.
M. Daniel Chasseing. - Monsieur le ministre, nous partageons votre volonté de redresser les finances publiques pour conserver la sécurité sociale, qui est la colonne vertébrale de notre République.
Je suis favorable à la politique de l'offre, qui, comme vous l'avez dit, a créé des emplois, lesquels sont source de cotisations. Comme l'a dit Mme la rapporteure générale, certaines entreprises s'inquiètent de la faiblesse de leurs marges. J'espère que la baisse de 4 milliards d'euros des allégements généraux n'enrayera pas la baisse du chômage.
Le déficit est en effet dû aux crises et au Ségur de la santé. Je rappelle que ce dernier a permis d'augmenter les salaires des aides-soignants de 400 euros par mois, ce qui est positif.
Le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, en faveur duquel vote le Sénat depuis quatre ou cinq ans, aura des effets dans les années à venir. Bien sûr, il conviendra de définir avec les partenaires sociaux des aides pour que des seniors puissent retrouver un emploi, comme cela se fait ailleurs en Europe.
Les pensions de retraite ont été indexées sur l'inflation en 2024, ce qui a coûté 14 milliards d'euros. Vous demandez désormais un effort de 4 milliards d'euros aux retraités. Vous avez déclaré que certains minima sociaux seront indexés ; à quel niveau le seront-ils ? Le ticket modérateur augmente, mais il convient de souligner que ce n'est pas le cas pour les personnes en ALD.
En ce qui concerne la branche autonomie, vous ne voulez pas parler à la place de Paul Christophe, mais ce dernier devra se contenter des crédits que vous lui accorderez pour financer le médico-social. Le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus va doubler entre 2020 et 2040. Nous sommes donc confrontés à un défi en matière de dépendance. Il est prévu de créer 50 000 emplois à domicile et en établissements d'ici à 2030 pour y répondre. Si 35 000 de ces emplois sont créés dans les Ehpad, cela revient à plus de quatre postes par établissement. Cet effort est absolument nécessaire et doit se poursuivre progressivement pour mieux prendre en charge nos aînés.
Mme Annick Petrus. - Je vous invite à faire un tour dans les outre-mer. Alors que les entreprises y sont déjà confrontées à des surcoûts structurels importants, le Gouvernement propose, à l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, une réforme profonde des allégements généraux de cotisations sociales patronales. Cela affectera de manière intense, directe et brutale les régimes spécifiques d'exonération applicables dans les départements et régions d'outre-mer (Drom), à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Les entreprises ultramarines soumises au régime général seront directement affectées, et celles qui bénéficient des exonérations prévues dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom), les plus exposées à la concurrence nationale et internationale, seront encore plus durement frappées
En effet, l'application automatique de la baisse de deux points en 2025, puis de deux points supplémentaires en 2026 du montant maximal d'exonérations de la réduction générale affectera directement le coefficient d'exonération Lodéom, rendant encore plus difficile la survie de ces entreprises, dans un contexte déjà très fragile.
Je rappelle que, en 2023, le taux de chômage dans les Drom dépassait 14 %, contre 7,3 % à l'échelle nationale, et même 30 % pour les 15-24 ans, contre 17,2 % en métropole.
L'article 6 du PLFSS pour 2025 précise qu'une ordonnance permettra au Gouvernement, sans le moindre contrôle préalable du Parlement - c'est problématique d'un point de vue démocratique -, de revenir ou pas sur les effets qui s'annoncent désastreux de l'application immédiate de cette réforme.
Les entreprises ultramarines vont subir une double peine : non seulement cette réforme va écraser l'avantage comparatif du dispositif applicable outre-mer, mais elle intervient dans un contexte économique et social explosif, dans lequel les entreprises sont structurellement fragilisées par l'accumulation de crises - ouragans, crises sociales, sanitaires, migratoires, et même institutionnelles, comme le traduisent les récentes émeutes.
Laissez-moi vous dire ce qu'il va se passer à Saint-Martin : les entreprises les plus fragiles vont fermer et les plus courageuses iront s'installer sur la partie néerlandaise de l'île.
Dans ce contexte, n'est-il pas indispensable de suspendre cette réforme des allégements généraux le temps de mener une concertation approfondie avec les acteurs économiques des outre-mer, afin de mieux tenir compte des réalités locales ?
Mme Anne-Sophie Romagny. - Monsieur le ministre, vous avez mentionné un allégement de charges patronales pour les salariés percevant entre 1,3 et 1,8 Smic, mais vous ne vous êtes pas exprimés sur les salariés percevant entre 1 et 1,3 Smic. Est-il question de diminuer les exonérations de charges ? De revaloriser les cotisations patronales ?
Je rappelle que les bas salaires concernent plus de 7 millions de Français. Avez-vous mené des études d'impact pour mesurer l'effet de telles mesures sur le monde économique et la compétitivité des entreprises ?
J'ai bien noté que la lutte contre la fraude sociale constituait un axe fort de votre politique, et que vous comptez déployer des moyens à cet effet. Il est urgent d'agir. Des sites internet, et je pourrais vous citer des noms précis, vendent des arrêts de travail garantis authentiques pour neuf euros, et cela ne prend pas plus de trois minutes pour les acheter... C'est scandaleux !
Mme Annie Le Houerou. - Monsieur le ministre, vous nous dites que vous répondez avec votre casquette de ministre du budget et des comptes publics, mais j'imagine que vous êtes solidaire de vos collègues. Derrière les chiffres, il y a des actions. Vous prétendez que votre cap est de préserver le système de sécurité sociale, mais 50 % des dépenses de santé ne sont plus financées par notre système de sécurité sociale. Dès lors, vous comprendrez que nous doutions de la sincérité de ce cap et que nous nous interrogions sur le modèle que vous construisez depuis 2017. En effet, le covid-19 n'explique pas tout.
Ce budget est cohérent avec les priorités qui ont été définies, notamment la santé mentale, qui a été érigée en grande cause nationale pour 2025, la loi de programmation sur le grand âge et la question de la prévention. Je suis heureuse d'entendre que des réformes sont à venir, mais ce PLFSS ne traduit aucunement de telles évolutions, qui sont pourtant très attendues.
Hier, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que le Ségur de la santé n'était pas financé. Pourtant, il se traduit par des dépenses à hauteur de 11 milliards d'euros, notamment pour financer des revalorisations indiciaires dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux. Pouvez-vous nous éclairer sur cette affirmation ?
Par ailleurs, le PLF prévoit des coupes franches dans le budget des collectivités locales, en particulier pour ce qui concerne les départements, qui se répercuteront sur les dépenses sociales ou médico-sociales et sur l'application du Ségur, ce qui est source d'une grande inquiétude. Vous dites qu'il faudra évaluer l'effet récessif de ces baisses de dépenses, mais nous sentons déjà un ralentissement de la consommation et de l'activité économique. Aussi, je me demande si vos recettes ne sont pas surévaluées et je m'interroge sur la sincérité de votre budget.
Mme Anne Souyris. - Monsieur le ministre, je m'associe aux rapporteurs et à mes collègues, qui se sont légitimement inquiétés du dramatique manque de propositions budgétaires pour l'hôpital et de la faiblesse des propositions pour le grand âge, ainsi que sur la pérennité de la branche autonomie, par la voix de Chantal Deseyne. En outre, l'augmentation du taux de remboursement des consultations à la charge des mutuelles est un facteur d'inégalité budgétaire supplémentaire pour l'accès aux soins. Je déplore également l'absence totale des questions de prévention dans ce texte, en particulier en matière de santé environnementale. De même, l'absence, à ce stade, de trajectoire pour résorber le déficit est préoccupante.
À l'article 27, qui fixe le montant de l'Ondam pour 2025, il manque un point final à l'exposé des motifs, comme si le Gouvernement n'avait pas circonscrit les économies qu'il comptait faire peser sur notre système de santé. Pourtant, le texte qui a été envoyé au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) mentionnait des économies supplémentaires, notamment « une mesure de transfert des dépenses de santé prises en charge par la Sécurité sociale vers les complémentaires ». Que le Gouvernement fasse évoluer les mesures d'économies du PLFSS entre deux versions s'entend, mais en ce cas, comment justifiez-vous que le montant de l'Ondam soit identique dans les deux versions, à savoir 263,9 milliards d'euros ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Permettez-moi de commencer par la fin. Madame Souyris, il me semble avoir détaillé tout au long de mon propos liminaire ce que recouvraient les 2,8 % d'augmentation de l'Ondam et décrit les mesures qui devront être prises par voie réglementaire pour y parvenir. Cela ne ferme bien sûr pas la porte au dialogue, notamment avec les mutuelles, mais j'ai été transparent sur nos objectifs.
Y aura-t-il une hausse du ticket modérateur et un transfert vers les complémentaires ? Oui, je n'en fais pas mystère. La question est de savoir comment ce transfert de 1,1 milliard se transcrira par voie réglementaire, en accord avec les mutuelles.
Monsieur Chasseing, le minimum vieillesse et l'allocation veuvage seront indexés au 1er janvier, ce qui devrait se traduire par une revalorisation de 2,3 %, et les autres minima, tels que le revenu de solidarité active (RSA) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) , seront indexés au 1er avril et devraient augmenter de 1,9 %, sous réserve d'un changement des prévisions de l'Insee. Les règles d'indexation ne changent pas par ailleurs.
Madame Petrus, je vous remercie de votre alerte : vous avez raison d'appeler notre vigilance sur ce sujet, dont j'ai parlé très récemment avec le ministre des outre-mer. Nous devons nous assurer que les régimes d'exonérations sociales continuent bien de progresser en 2025 - ils doivent s'élever à 1,6 milliard d'euros. Pour ce qui concerne l'impact sur l'emploi des allégements généraux, je suis prêt à discuter de la manière de traiter les territoires les plus fragiles au cours de la discussion budgétaire.
Madame Romagny, nous cherchons à désmicardiser l'emploi. Pour cela, nous suivons les recommandations du rapport d'Antoine Bozio et Étienne Wasmer sur les exonérations de charges : nous augmentons les charges patronales sur les salaires compris entre 1 et 1,3 Smic, tout en les baissant en 2026 sur les salaires compris entre 1,3 et 1,8 Smic, l'objectif étant d'inciter les employeurs à augmenter les petits salaires. En effet, il est démontré que la modification des paramètres a un effet sur les salaires.
Il est intéressant de relever qu'une partie d'entre vous trouve que la diminution de 4 milliards d'euros sur les allégements généraux est insuffisante, tandis que d'autres pointent - à raison, selon moi -, le risque qu'elle comporte pour l'emploi.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Lesquels ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je n'ai pas l'immodestie de prétendre détenir la vérité absolue, mais nous proposons des mesures d'augmentation de salaire par l'incitation, préconisées dans le rapport Bozio-Wasmer, tout en réalisant des économies raisonnables - 4 milliards d'euros sur les 80 milliards d'euros d'allégement généraux. On ne peut pas à la fois pointer le problème des finances publiques et rejeter toutes les mesures envisageables pour y remédier. Nous défendons un budget courageux, dont certaines mesures ne sont pas faciles. Je ne serai pas un ministre des comptes publics qui fuira ses responsabilités. Peut-être ne suis-je pas un ministre spontané, mais je suis un ministre responsable.
Par ailleurs, c'est peut-être une lapalissade, mais il convient d'affirmer que les sites frauduleux sont illégaux. Il s'agit d'un fléau, car il s'en ouvre autant qu'il s'en ferme. C'est pourquoi nous embauchons des agents pour mieux les contrôler. De telles pratiques minent le consentement de nos concitoyens face aux cotisations. La branche famille accuse 5,5 milliards d'euros d'indus, ce qui a empêché la Cour des comptes de certifier les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ; c'est énorme en comparaison des économies que nous proposons de réaliser, et les Français en sont conscients. Pour être crédibles lorsque nous demandons des efforts à nos concitoyens, il convient de lutter contre la fraude.
Madame Le Houerou, je veux simplement dire qu'aucun nouveau mode de financement n'a été adossé au Ségur de la santé pour compenser les dépenses supplémentaires.
Mme Émilienne Poumirol. - Il y a tout de même l'Ondam...
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Il s'agit d'une bonne réforme, que nous souhaitions tous voir s'appliquer, mais je regarde la situation objectivement : la branche maladie est en déficit en 2024. Pour la rendre soutenable, il nous faut donc prendre des mesures de freinage des dépenses de l'assurance maladie, qui dépendent en effet de l'Ondam, tout en finançant des mesures nouvelles. Voilà ce que nous faisons au travers de ce PLFSS.
M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous recevrons mardi prochain Antoine Bozio. Ce sera l'occasion de poursuivre le débat sur les allégements généraux. Sachez, monsieur le ministre, que le Sénat sera force de proposition sur ce texte.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 10.