Mercredi 20 novembre 2024

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 09 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs au logement et à la politique de la ville de la mission « Cohésion des territoires » - Examen des rapports pour avis

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous avons un ordre de jour extrêmement, extrêmement chargé. Je vais tout de suite laisser la parole à nos deux rapporteures, Amel Gacquerre pour les crédits logement et Viviane Artigalas pour les crédits politique de la ville, sur la mission cohésion des territoires dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Mesdames, je vous laisse la parole.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - Merci Madame la présidente, mes chers collègues, j'ai donc le plaisir de vous présenter ce matin pour la première fois le rapport pour avis sur les crédits dédiés au logement. Je vais dans un premier temps m'attacher aux crédits puis souligner la volonté de changement de cap qui marque ce budget. J'aborderai ensuite la question de la rénovation énergétique du parc social et du parc privé, sujet sur lequel j'ai effectué un déplacement vendredi dernier auprès de l'office public HLM Pas-de-Calais Habitat et de la communauté urbaine d'Arras.

Je débute donc par la présentation des crédits 2025. Les trois programmes consacrés au logement sont les programmes 109, 135 et 177. Ils représentent 22,9 milliards d'euros sur les 23,8 milliards de la mission cohésion des territoires. Ils augmenteront globalement de 26,3 % en 2025.

Cette augmentation particulièrement marquée est en réalité largement technique et ne recouvre pas de nouvelles dépenses.

Le programme 109 pour l'aide à l'accès au logement finance les aides personnelles au logement, les APL. Il représente l'essentiel des dépenses avec plus de 17 milliards d'euros. Il représente également l'essentiel de la hausse du budget puisqu'il connaîtra une augmentation de plus de 3,3 milliards d'euros en 2025. Il ne s'agira pourtant pas d'augmenter les APL, mais juste de modifier le circuit de financement du Fonds national des aides au logement, le FNAL, qui assure le paiement des APL. En application de l'article 2 de la LOLF qui pose le principe de non-affectation des ressources, les cotisations employeurs et une part de la taxe sur les bureaux ne seront plus affectés directement au FNAL, mais au budget de l'État qui, en conséquence, contribuera seul au FNAL. L'augmentation du programme 109 résulte donc d'un « jeu de tuyauterie ».

J'en viens au programme 177 qui assure le financement de l'hébergement et du parcours vers le logement et l'insertion des personnes vulnérables. Il pèse désormais plus de 2,9 milliards d'euros et sera stable par rapport à 2024.

Malgré ce niveau élevé de dépenses et les 203 000 places d'hébergement d'urgence maintenues au plus haut depuis la Covid, le budget est structurellement sous-doté d'au moins 250 millions d'euros. C'est ce qui a été constaté dans le projet de loi de finances de fin de gestion 2024 où ce montant a été versé et correspond à la prise en charge des 203 000 places, ce qui s'explique par le fait qu'un nombre inférieur de places est budgété en début d'année et par le fait que les primes du Ségur s'étendent maintenant aux personnels du programme 177 - vous vous souviendrez en effet, Madame la présidente, que vous aviez proposé des amendements en ce sens. Le coût de l'accueil des réfugiés ukrainiens est intégré dans ce qui a été versé fin 2024. En 2025, ce montant ne figure pour l'instant pas au budget. Il conviendrait même d'y ajouter 29 millions d'euros afin de poursuivre l'amplification du plan « logement d'abord » qui a permis de reloger près de 550 000 personnes depuis 2018. Les tensions sur le programme devraient d'ailleurs s'aggraver car plus de 9 000 places vont être supprimées dans le dispositif national d'accueil géré par le ministère de l'intérieur et destiné à héberger les demandeurs d'asile qui ne sont a priori pas moins nombreux.

Ainsi, au moins 280 millions d'euros manquent à l'appel dès le 1er janvier. Cette situation fragilise tout le tissu associatif et les professionnels qui prennent en charge des personnes en grande détresse alors même que, chaque soir, le 115 ne peut proposer de solution d'hébergement à plus de 2 000 enfants selon les données de l'Unicef.

En réalité, ce sous-financement structurel est la réponse du ministère des finances à l'impossibilité dans laquelle il se trouve de geler 8 % des crédits inscrits en LFI en début d'année comme c'est le cas dans les autres ministères en raison du caractère des dépenses. Ainsi, Bercy passe outre les recommandations de la Cour des comptes qui, dans son rapport d'octobre 2024, demande un gel maximum de 0,5 % et une trajectoire garantie de paiement de subvention annuelle et pluriannuelle aux gestionnaires de centres d'hébergement.

À titre personnel, je trouve cette situation choquante et même cynique. Je maintiens ce terme. C'est pourquoi, malgré la situation budgétaire, je vous proposerai un amendement de principe et de contestation pour abonder les crédits.

Enfin, j'en viens au troisième programme, le 135. Il est consacré à l'urbanisme, aux territoires et à l'amélioration de l'habitat et connaît une augmentation de plus de1,4 milliards d'euros, soit + 89 % pour atteindre presque 3 milliards d'euros.

Mais comme précédemment pour le programme 109, cette augmentation n'est que de façade. Elle s'explique par le fait que les crédits de l'Anah, précédemment inscrits au programme 174 (énergie, climat et après-mines), sont désormais versés sur le programme 135. En réalité, les crédits baissent par rapport à la loi de finances pour 2024 d'environ un milliard, ce même milliard qui a été supprimé en gestion en début d'année.

Par ailleurs, le gouvernement n'inscrira pas comme en 2024 une deuxième tranche de 400 millions d'euros pour la rénovation des HLM. 1,2 milliard d'euros avaient pourtant été promis sur trois ans l'an passé. Seule la moitié des crédits inscrits l'an passé, soit 200 millions environ qui ont été gelés, pourront être reportés en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros sont inscrits en crédits de paiement.

Cette présentation budgétaire étant faite, je voudrais maintenant m'attacher à deux points : le changement de cap impulsé par le Gouvernement et la question de la rénovation énergétique.

Vous le savez, la crise du logement n'est pas en régression. Les chiffres de la construction sont les plus mauvais depuis 20 ans. Plus de 30 000 emplois ont été supprimés dans le secteur du bâtiment l'an passé. La construction de nouveaux logements sociaux, très liée à la promotion privée, est, elle aussi, en berne avec 80 000 engagements environ cette année, loin de répondre aux 2,7 millions de demandes de logements sociaux enregistrées. Tout cela n'avait pas suffi à ce que les gouvernements précédents prennent conscience de la gravité de la situation et de son impact politique que nous avions souligné avec la présidente et Viviane Artigalas dans notre rapport du printemps.

Or, le rapport sur l'état de la France du Conseil économique et social, qui vient d'être publié et qui s'intitule Sortir de la crise démocratique, le confirme de manière éloquente. 58 % des Français ont des difficultés à accéder au logement, c'est même 84 % dans les DROM ! Alors que le logement représente maintenant 26,7 % de leur budget contre 19,7 % il y a cinq ans, la difficulté d'accès au logement est devenue la première de leur préoccupation devant l'emploi, la santé, la justice et la sécurité. Au final, le CESE écrit très justement : « L'absence de perspective, le sentiment de subir davantage d'inégalités que la moyenne, et les difficultés d'accès à certains services publics peuvent alimenter un sentiment d'injustice et d'exclusion. En résulte un moindre attachement au système démocratique. »

Face à la gravité de la situation, je veux saluer le changement de cap impulsé par le Premier ministre et la nouvelle ministre du logement. Dans sa déclaration de politique générale, Michel Barnier a placé le logement parmi ses priorités, indiquant justement sa volonté de prendre des mesures de relance de la construction et de l'accession. Valérie Létard a fait plusieurs annonces importantes devant notre commission : l'extension du PTZ pour le neuf sur tout le territoire en individuel comme en collectif, la création d'une mesure exceptionnelle de donation exonérée en faveur de la primo-accession dans le neuf, la baisse de la réduction de loyer de solidarité, la RLS, de 200 millions d'euros et l'obtention du report de 200 millions d'euros de crédits de rénovations HLM gelés en 2024. Certains n'y ont vu que quelques cuillères dans l'océan. J'y vois, moi, la volonté de changer de braquet. Dans une commission qui s'oppose depuis sept ans à la RLS, nous savons parfaitement que la ministre vient, en tout cas nous l'espérons, de mettre fin à une époque où le logement était synonyme de rente sans impact économique et de « dodus dormants ». Pour ma part en tout cas, je m'en félicite !

Je voudrais, enfin, aborder la question de la poursuite de l'effort de rénovation énergétique.

Dans le parc HLM où les bailleurs gèrent leur patrimoine de manière proactive et disposent des savoir-faire techniques, c'est essentiellement une question de moyens financiers. Au niveau national, le rapport de la Banque des territoires sur les Perspectives du secteur fait référence. L'édition 2024 indique qu'à l'horizon 2030 le secteur serait à même de produire 72 000 logements neufs et d'en rénover 90 000 par an, soit bien loin des objectifs. Il est donc crucial, comme vient de le faire la ministre, de redonner des fonds propres aux bailleurs.

C'est tout à fait ce que j'ai constaté lors de ma visite à Arras où Pas-de-Calais Habitat m'a fait découvrir la rénovation de la Tour Cézanne haute de 54 mètres, datant de 1961 et comportant 17 étages et 102 logements. Des travaux en site occupé ont permis de passer de la classe E à la classe B du DPE et de créer des loggias dans les appartements, soit un gain de surface d'environ 12 m², par des déports des façades d'1,20 mètre. Le coût global est de 9,2 millions d'euros. C'est véritablement une seconde vie qui a été offerte à cet immeuble emblématique. D'autres immeubles alentour vont également bénéficier de rénovations d'ampleur, avec notamment l'adjonction de balcons. La démarche est tout à fait exemplaire. On redonne de la qualité de vie aux habitants et de l'attractivité à ce parc ancien et défraichi voire dégradé.

Concernant l'habitat privé, la réduction des moyens de l'Anah est certainement regrettable, mais, en fait, l'Anah n'a jamais réellement disposé du milliard supplémentaire qui a été immédiatement gelé puis annulé alors que les crédits délégués ont été préservés. Les crédits de l'Anah ont, en outre, souffert d'une forte sous-consommation en raison des modifications des conditions des aides et notamment début 2024 à l'égard des mono-gestes de rénovation. Aujourd'hui, ce qui est essentiel, c'est la stabilité et j'espère que c'est ce qui prévaudra selon la volonté de la ministre du logement lorsque le budget de l'Anah sera fixé début 2025. Il est également très important de maintenir la priorité aux rénovations globales, telle que voulue par la réforme de 2024, pour densifier les rénovations et être prêt à monter en charge le moment venu.

Car, en effet, dans le parc privé, la question des moyens financiers est importante, mais elle n'est pas toujours suffisante : les particuliers et les entreprises ont besoin d'être accompagnés.

C'est ce que m'a confirmé ma visite à la Communauté urbaine d'Arras qui est volontaire sur ce sujet depuis 20 ans et dispose d'une large délégation des aides à la pierre. Une « Maison de l'habitat durable » y a été créé pour recevoir, informer et guider les usagers. Elle dispose également d'un dispositif mobile pour être notamment présente sur les marchés et les salons. Pour sensibiliser le public et agir, la communauté urbaine a fait réaliser une carte thermographique et un cadastre solaire qui permet à chaque propriétaire d'évaluer la situation de son logement. Sur le terrain, les équipes constatent une augmentation du nombre des projets et des montants demandés pour des rénovations globales. C'est très positif.

En revanche, elles m'ont fait remonter, ainsi qu'à la directrice générale de l'Anah qui m'accompagnait, le retard pris à cause des atermoiements du premier semestre 2024 ainsi que de nouveaux cas de fraudes opérées par des MAR, les accompagnateurs Rénov', qui sont en fait des margoulins. Souvent basés loin du territoire et travaillant avec des entreprises complices, ils abusent de la crédulité de victimes de bonne foi, parfois même en promettant une rénovation sans reste à charge contre des commentaires flatteurs sur les réseaux sociaux... Cela n'empêche pas, grâce à l'accompagnement et aux aides, la réalisation de rénovations efficaces soit par des bailleurs dans le cadre de Loc'Avantages (avantage fiscal et aides à la rénovation contre loyer réduit) ou par des propriétaires occupants comme j'ai pu le constater et cela est très encourageant. Cela montre aussi combien il est important que le réseau des entreprises et des accompagnateurs soient animés et contrôlés localement.

D'ailleurs, que ce soit sur le parc privé ou sur le parc social, mes observations confirment le bien-fondé des préconisations de la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique des logements.

En conclusion, Madame la Présidente, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis favorable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires » afin d'encourager et conforter ce changement de cap en matière de politique du logement que nous attendions tous.

Je vous remercie.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci Madame la rapporteure. Sans plus tarder, je cède la parole à notre rapporteure sur les crédits politique de la ville, Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - Merci Madame la présidente. Mes chers collègues, à la suite d'Amel Gacquerre, je vais vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits de la politique de la ville au sein de la mission « Cohésion des territoires ».

Pour préparer ce rapport et selon la méthode que j'ai adoptée il y a désormais quatre ans, j'ai souhaité croiser les réflexions de responsables nationaux entendus au Sénat avec des visites de terrain. Cette année, je me suis concentrée sur deux thèmes qui sont l'action et le financement de l'ANRU, l'agence nationale de rénovation urbaine, et l'enseignement de la musique classique comme exemple d'action de la politique de la ville.

Ainsi, je me suis d'abord rendue à La Courneuve avec Anne-Claire Mialot, directrice générale de l'ANRU, pour y rencontrer le maire Gilles Poux et voir la restructuration de l'emblématique Cité des 4 000 et de la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis. Je me suis aussi rendue à Saint-Nazaire, où j'ai été accueillie par notre collègue Philippe Grosvalet et le maire David Samzun, ainsi que Philippe Hui, chef d'orchestre et fondateur de la Philharmonie des quartiers. Mon rapport est le donc fruit de ces visites de terrain.

Je commencerai mon propos par une présentation des principaux éléments du budget avant d'évoquer, comme annoncé, le financement de l'ANRU et le rôle de l'enseignement de la musique classique dans la politique de la ville.

Ces dernières années, il ne faut pas l'oublier, des efforts réels ont été faits pour la politique de la ville et l'année 2024 a marqué une nouvelle étape grâce à l'actualisation de la géographie prioritaire et la signature des nouveaux contrats de ville. Mais, d'un point de vue budgétaire, 2024 et vraisemblablement 2025 marquent une régression.

Le PLF 2025 prévoit que les crédits de la politique de la ville s'élèveront à 550 millions d'euros, soit une diminution de 14 % et de 90 millions d'euros par rapport à la loi de finance pour 2024.

Mais, en réalité, ces crédits 2024 ont fait l'objet de deux annulations respectivement de 49 millions d'euros, fin février, puis de 50 millions d'euros, dévolus à l'ANRU dans le PLF de fin de gestion il y a quelques jours. Les crédits 2025 ont donc été programmés comme ceux exécutés en 2024 et du fait des annulations un peu en deçà de ceux de 2023.

Dans le projet de budget pour 2025, en dehors de l'ANRU, le principal poste touché est celui des cités éducatives. Le Président de la République avait annoncé en juin 2023 la généralisation des cités éducatives à tous les QPV. Ainsi, elles avaient été dotées de 29 millions d'euros supplémentaires en 2024. Mais, aujourd'hui, le PLF pour 2025 prévoit une réduction de 20 millions d'euros et l'objectif de généralisation a été abandonné. Préférer une logique de projet au cas par cas ne me choque pas, vous vous souvenez de mes doutes l'an passé sur cette généralisation et sur sa soutenabilité sans s'appuyer sur le ministère de l'éducation nationale. Mais comme pour les bataillons de la prévention et les cités de l'emploi, dispositifs arrêtés, je ne peux que regretter cet énième stop and go dont la politique de la ville est trop souvent victime.

En ce qui concerne l'ANRU maintenant, le PLF ne prévoit pour l'instant aucune contribution de l'État, mais Valérie Létard nous a confirmé la semaine dernière que le Gouvernement allait proposer un amendement pour verser à l'ANRU une somme de 50 millions d'euros et je vous proposerai également un amendement en ce sens.

Toutefois, comme l'a aussi indiqué la ministre, cette somme ne suffira pas pour répondre aux besoins de l'ANRU et reste en deçà des engagements de l'État. En effet, la dotation du nouveau programme national de renouvellement urbain s'élève à 12 milliards. Sur ces 12 milliards, l'État s'est engagé à hauteur de 1,2 milliards d'euros d'ici 2033. Sur le quinquennal 2023-2027, l'État ne s'est engagé à verser que 300 millions d'euros, repoussant la charge financière au-delà de 2027.

Or, au 31 décembre 2024, l'État n'aura versé que 107 millions d'euros, soit à peine 9 % du montant prévu d'ici 2033. En comparaison, Action Logement et les bailleurs sociaux ont respectivement versé 24 et 31 % de leur contribution totale. Cette situation devient très problématique, à deux titres.

D'abord, le refus par l'État d'honorer ses engagements n'est pas acceptable sur le plan des principes alors que les autres partenaires sont au rendez-vous.

Ensuite, la carence de l'État risque de provoquer de réelles difficultés de trésorerie. Le NPNRU se trouve aujourd'hui en phase opérationnelle, ce qui implique des dépenses importantes. L'ANRU a engagé 1,8 milliard d'euros de dépenses en 2023. Ce montant devrait atteindre 2,3 milliards en 2024. Sur le triennal 2024-2026, l'ANRU doit, pour continuer la mise en oeuvre des opérations au rythme prévu, décaisser environ 1 milliard d'euros par an.

Mais, sans contribution suffisante de l'État, ce ne sera pas soutenable à moyen terme. L'ANRU pourrait être contrainte de ralentir la cadence, voire être en déficit en 2027, la mettant dans l'impossibilité d'honorer ses engagements.

Maintenant que le diagnostic est posé, quelles sont les solutions ?

Je voudrais vous en proposer trois qui pourraient être associées.

La première est de décaler la date de fin d'engagement des crédits du NPNRU, actuellement prévue en 2026, afin de permettre le lissage de la charge pour l'État. Le risque serait toutefois de reculer le problème.

La deuxième est de prévoir le report de certains programmes à un programme de renouvellement urbain de troisième génération, comme cela avait été fait entre le PNRU et le NPNRU. Mais ce troisième PNRU n'est ni défini, ni acté, ni financé pour le moment.

La troisième piste est de réaliser une évaluation du NPNRU pour prioriser et, en fait, identifier les programmes qui peuvent attendre dans le cadre du NPNRU et ceux qui doivent être renvoyer à un troisième PNRU.

Évidemment, j'aurais souhaité que d'autres arbitrages soient faits. Car ce que je veux souligner ce matin, c'est que la politique de rénovation urbaine est utile. J'ai pu le constater à La Courneuve avec la restructuration des 4 000. C'est vraiment spectaculaire. Les grandes barres emblématiques de la construction le long du chemin de grue ont laissé la place à de petits immeubles et des rues arborées. Aux Francs-Moisins, des démolitions et reconstructions de grande ampleur sont également en cours pour remplacer des immeubles dégradés inaugurés en 1974 et construits à la hâte pour faire disparaître un des plus grands bidonvilles de France. J'ai vu également de très belles réalisations à Saint-Nazaire avec des QPV rénovés, bien reliés et dotés de services publics. Pour autant, nous le savons, ces rénovations nécessaires ne règlent pas tous les problèmes. Le maire m'a ainsi fait part de sa grande inquiétude quant au développement du trafic de cocaïne et la circulation d'armes de guerre dans plusieurs zones qui sont des plaques tournantes pour la métropole nantaise, bien au-delà des QPV eux-mêmes.

Je viens de parler longuement les bâtiments, je voudrais aborder maintenant les politiques à l'égard des habitants car vous m'avez toujours entendu dire qu'il fallait que la politique de la ville marche sur deux jambes : les bâtiments et les habitants. Plus spécifiquement, c'est l'enseignement de la musique classique que je voudrais aborder. Cela vous paraît peut-être anecdotique au regard des trafics, mais cela peut-être un outil puissant et structurant pour les jeunes et les parents.

C'est tout d'abord sortir ces populations de leur ghetto culturel et leur donner le droit et la possibilité d'accéder à la musique d'un répertoire dont ils se sentent exclus. Ensuite, un orchestre est une sorte de société idéale avec ses règles strictes qu'il faut respecter. Ce sont énormément de savoir et de savoir-être qui peuvent être transposés, de la discipline à la confiance et la fierté du chemin accompli. Je vais me fonder sur deux exemples, le projet Démos, qui est national, et la Philharmonie des quartiers, qui est local.

Le projet Démos, piloté par la Philharmonie de Paris, vise à faciliter l'apprentissage de la musique classique à des enfants de sept à douze ans habitant dans des quartiers prioritaires ou dans des zones de revitalisation rurale, les ZRR. Le projet compte 45 orchestres répartis sur l'ensemble de l'Hexagone et en Outre-mer et a accompagné plus de 10 000 enfants. Très concrètement, chaque enfant se voit confier un instrument de musique pour trois ans. Les enfants, réunis par groupes d'une quinzaine, suivent trois à quatre heures d'ateliers hebdomadaires, encadrés par deux intervenants artistiques et un professionnel du champ social. Vous le voyez, un tel programme suppose des moyens humains, et donc financiers, importants. Financé par des crédits du ministère de la culture essentiellement, mais aussi par crédits de l'éducation nationale, des Outre-mer et de la ville, le coût annuel est d'environ 4 millions d'euros pour l'État. C'est loin d'être négligeable, mais les résultats sont là, au-delà de l'apprentissage de la musique classique. D'abord, sur le plan scolaire, des évaluations font ressortir le fait que les enfants des quartiers participant au programme Démos connaissent une progression remarquable. À Strasbourg, les résultats scolaires des enfants des quartiers étaient, après 3 ans de participation au projet, meilleurs que la moyenne des autres enfants scolarisés dans la ville. À Marseille, le même phénomène de progression a pu être observé sur des enfants qui connaissent de très grandes difficultés scolaires. C'est aussi le lien social et associatif qui en sortent renforcés. À Clermont par exemple, un orchestre Démos avait été institué pour trois ans. À la fin du programme, des mères de famille se sont associées pour créer leur propre orchestre car les familles sont de plus en plus parties prenantes.

À Saint-Nazaire, grâce à la belle initiative qu'est la Philharmonie des quartiers qui constituent des orchestres d'une trentaine d'élèves, la pratique est moins intensive que dans Démos, mais des résultats sont également là. Un instrument à corde est confié aux enfants et cela vous étonnera peut-être, mais ils en prennent soin et il n'est jamais rendu abimé ! Un autre aspect positif est le travail avec l'école et les maisons de quartier dans le cadre des cités éducatives. Ce travail interdisciplinaire paye. Ces projets font coopérer des acteurs au service des enfants et des familles alors que, sinon, ils ne coopèrent pas naturellement.

Quand on voit de telles réussites, on ne peut que se dire que la politique de la ville peut être efficace et être un tremplin pour les habitants, comme nous le soulignions dans notre rapport avec la Présidente et Valérie Létard.

Pour conclure, Madame la présidente, mes chers collègues, je ne peux que regretter que l'effort budgétaire frappe aussi fortement les crédits de la politique de la ville et de la rénovation urbaine. Cela ne me paraît ni juste au regard des résultats obtenus, ni équitable au regard des besoins des zones les plus pauvres de notre pays. Bien entendu, je reconnais les efforts de Valérie Létard pour dégager des moyens nouveaux pour l'ANRU comme nous le réclamons depuis plusieurs années, mais cela n'est pas suffisant. Mais c'est bien entendu sur l'ensemble de crédits de la mission que la commission va se prononcer.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci beaucoup pour cette présentation du rapport sur le programme politique de la ville. Vous avez relaté ce que vous avez pu voir à Saint-Nazaire, mais aussi ce qui se passe dans bon nombre d'autres grandes villes. Rappelez-vous, quand nous avions fait notre rapport sur la politique de la ville avec Valérie Létard, nous sommes allées à Allonnes, où le maire est engagé depuis très longtemps dans les actions en lien avec la musique. Il nous parlait de cette cheffe d'orchestre que j'ai l'ambition de faire venir à Nice, au niveau de la mission locale dont je suis la présidente. Il s'agit de Zahia Ziouani, qui est née de parents algériens, a grandi dans la banlieue parisienne et, avec sa soeur, a formé et mis en place ce formidable orchestre qui est Divertimento. Il y a d'ailleurs un film là-dessus et c'est extrêmement enthousiasmant.

J'ouvre maintenant le débat. La parole est à Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. - J'entends le propos du changement de cap et je pense qu'en effet personne ne doute des convictions de la ministre. Mais cela n'en fait pas une politique.

Le changement de cap, je ne le vois pas dans ce projet de loi de finances. Je ne le vois pas à plusieurs titres.

Pour l'hébergement d'urgence, cela a été bien présenté par Amel Gacquerre, le budget est en deçà des besoins. Pour les demandeurs d'asile, cela sera beaucoup plus compliqué alors que les demandeurs d'asile sont en augmentation et qu'il faut bien accompagner dignement ceux qui recherchent protection dans notre pays avant de pouvoir, ou pas, être déclaré réfugié.

J'entendais le propos de la ministre sur la fluidification de l'hébergement d'urgence, ce qui me pose beaucoup de questions. La fluidification de l'hébergement d'urgence, mais pour aller où ? Le logement social est bloqué. L'hébergement d'urgence ne pourra être fluidifié que lorsque chacun des maillons de la chaîne sera effectivement efficace pour pouvoir accueillir et accompagner la sortie de l'hébergement d'urgence, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Sinon, on risque de donner un public captif à des marchands de sommeil qui s'en font les choux gras.

Sur la question du logement social, cela a été dit, on est à 80 000 logements agrées, ce qui est bien loin de l'objectif des 120 000 et bien loin des besoins qui sont entre 200 000 et 300 000 logements selon diverses organisations. On est donc bien loin d'un choc de financement, bien loin d'un choc politique pour le logement social. Il suffit de voir qu'il n'y a pas de mesure sur la TVA, que le fonds d'aide à la pierre n'est pas alimenté par l'État et qu'il le sera d'autant moins qu'Action Logement va arrêter son financement et qu'on va vivre en 2025 sur les réserves de la FNAP. La RLS, certes il y a eu un geste, mais qui est en bien deçà de la capacité de financement qu'il faudrait redonner aux bailleurs.

Je voudrais aussi faire le lien avec l'austérité imposée aux communes et aux collectivités qui sont des acteurs essentiels pour accompagner la création de logements, qu'il s'agisse des départements, parfois via leurs opérateurs départementaux, ou des communes en apportant des financements sur les questions de foncier et tous les équipements publics. Cette austérité contribue à assécher la création de logements et l'aide aux bailleurs.

Sur la question du logement privé, le PTZ est une bonne chose, nous en sommes d'accord, mais il reste des vraies questions sur l'encadrement des loyers dont on a parlé. J'entends en tout cas en perspective la question de la simplification, pourquoi pas, mais au service de quels objectifs ? Parce que la simplification n'est pas un mantra en soi, cela dépend des objectifs qu'elle sert. Et là-dessus, il faudrait en effet que cela soit plus clair.

Également, sur la question du logement des salariés du privé, dans le cadre d'une politique de réindustrialisation, il faut bien placer des logements auprès des entreprises qui vont se créer. Aujourd'hui, il n'y a pas de perspective, comme il n'y a pas de perspective pour ces agents essentiels que sont les agents des services publics. Un rapport a été commis sur cette question. Il faudra passer à l'acte, sinon, on va contribuer à abîmer nos services publics si on n'est pas capable d'assurer le logement de ses agents.

Je voudrais finir par une note plus positive. Je partage ce qu'a dit Viviane Artigalas. Ma commune a pu bénéficier du projet Démos et je peux vous dire la grande fierté que cela donne à une commune, à ses enfants, à sa population, que d'accéder à la musique classique, que d'aller faire un concert à la Philharmonie. C'est une fierté pour toute une ville, pour toute une population. Et rien n'est trop beau pour nos habitants.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci. Je salue Nadia Sollogoub, qui est rapporteure pour avis au titre de la commission des affaires sociales sur les crédits 177, sur l'hébergement, à qui je laisse la parole.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteure pour avis. - Merci pour l'invitation à participer à votre réunion. C'est très constructif, très intéressant pour moi.

Mes auditions et mon analyse vont dans le même sens, bien évidemment, que celle d'Amel Gacquerre.

Première chose à constater : un budget qui est maintenu et un nombre de places qui est maintenu. C'est à souligner, au moment où on voit que tous les budgets ont subi des coups de rabot. C'est le signe de la volonté du gouvernement sur ce sujet. Après, je voudrais faire trois observations, car la situation est bancale et on va faire de la casse.

La première des choses, et Amel Gacquerre l'a très bien dit, le budget est chroniquement sous-doté. Mais ce n'est pas de cette année. Depuis deux exercices déjà, on commence l'année budgétaire en sachant qu'il va manquer 250 millions et on voit en fin d'année si on les trouve. Et on annonce aux opérateurs du sans-abrisme, en décembre à peu près, qu'ils vont toucher les 250 millions pour boucher le trou.

La plupart des personnes auditionnées nous parle de situations de trésorerie complètement délirantes. Une association me disait qu'il leur manquait 9 millions d'euros. Elle ne peut plus fonctionner comme ça. L'année prochaine, il manquera la moitié des opérateurs parce qu'on les met dans une telle situation d'incertitude et de danger.

En réalité, ce n'est pas un glissement budgétaire. C'est une dette antérieure qu'on trimballe d'année en année. Donc soit une année, on remet les pendules à zéro et on démarre avec des comptes qui sont assainis, soit on va continuer pareil et on verra en décembre 2025 si on trouve les 250 millions d'euros.

Je le vois sur mon territoire, on va se priver d'opérateurs qui sont absolument essentiels parce qu'ils sont le dernier filet de sécurité. Et après, les gens sont dans la rue. Ces 250 millions, je le souligne, ce n'est pas un glissement budgétaire. Il faut rétablir la situation.

Deuxième chose, sur les 203 000 places qu'on veut maintenir à budget constant, il y a quelque chose qui cloche dans le programme que nous propose le gouvernement. Ce programme est très vertueux : on souhaite une montée en qualité de l'offre. Des chambres d'hôtel à 19 euros, ce n'est pas satisfaisant. On le sait très bien. Il y a des gens qui ne mangent pas à leur faim. Ce sont des conditions d'accueil qui sont complètement épouvantables. C'est juste un toit sur la tête. On ne règle absolument rien de cette manière. Donc, un certain nombre de places doivent basculer en ce qu'on appelle les CHRS, c'est-à-dire avec un accompagnement social, etc.

Sauf que c'est très simple : à budget constant, maintenir 203 000 places alors qu'il y en a certaines qui vont coûter deux fois plus cher, ce n'est pas possible. Donc là, pour réaliser cette augmentation de la qualité de l'hébergement, il manque 70 millions d'euros, il faut bien se le dire, car il est vrai que ce serait vraiment l'idéal de pouvoir aller vers des places plus qualitatives.

Et dernier sujet, je ne peux pas m'empêcher d'en parler : c'est l'accueil des Ukrainiens. C'est vrai que parmi les Ukrainiens qui ont été accueillis grâce au système de l'intermédiation locative, un grand nombre d'entre eux a pu trouver leur autonomie, travailler, etc.

Mais on sait très bien qu'on a accueilli aussi des personnes âgées, des personnes handicapées, des gens qui n'ont pas pu retourner à l'emploi. On démarre avec zéro sur ce budget-là. La communauté ukrainienne le sait très bien. Ils sont tous en train de demander l'asile.

Juste un chiffre, ils sont 45 000 à ne pas avoir trouvé leur autonomie en France. Et en moyenne, ils ont l'asile à 85 %, de telle sorte qu'on va faire exploser les demandes d'asile et qu'on ne va rien régler à la situation de leur hébergement.

M. Yannick Jadot. - Merci, Madame la présidente. Et merci aux deux rapporteures. Ce qui vient d'être dit sur l'hébergement d'urgence est un signal d'alerte extrêmement fort pour des personnes et parfois des femmes avec enfants qui ne trouvent pas d'hébergement et qui dorment dans la rue, cela a été dit.

De manière générale, on attendait un sursaut au regard du diagnostic qui a été posé sur le parcours résidentiel, sur le logement social, sur les difficultés de logement de beaucoup de nos compatriotes. En fait, la fin de la dégringolade ne constitue pas en soi-même un sursaut.

Cela a été dit, on a une ministre engagée incontestablement qui arrache des décisions ici ou là. 200 millions sur la RLS, c'est une rupture par rapport à ce qui se faisait avant. Cela ne constitue pas non plus une politique proactive car cela ne permettra pas de relancer le logement social dans notre pays.

C'est-à-dire qu'on peut faire de la méthode Coué en disant « j'ai arraché 200 millions ». Et donc tout le monde se met maintenant à refaire du logement social. Malheureusement, cela ne va pas être suffisant.

Madame la présidente, vous avez pris l'initiative l'année dernière de réunir tous les acteurs du logement. Ils avaient aussi dit, et c'est tant mieux, que le Pinel n'est pas parfait, que le PTZ n'est pas parfait, mais que les supprimer serait une catastrophe.

Donc on retrouve ces outils-là. Là aussi, tant mieux. Mais au regard encore une fois du diagnostic qui est posé, on ne peut pas s'en satisfaire.

On ne peut pas considérer que c'est la première préoccupation des Françaises et des Français, que trop de gens, aujourd'hui, sont en réelle difficulté matin, midi et soir du fait de leur logement, du fait des difficultés de pouvoir d'achat, pour se satisfaire de ce volet-là.

Quant aux collectivités, cela a été dit aussi, si on prend à la fois la politique de la ville et tous les budgets qui leurs sont dévolus et qui sont en réduction, on voit bien que les capacités d'investissement des collectivités sont sacrément reniées. Là aussi, on ne peut pas être satisfait de ce qui est proposé. Il y a là une forme de cynisme sur la politique de la ville qui n'est pas à la hauteur des difficultés de nos compatriotes et du sursaut nécessaire. Donc pour nous, ce sera un vote contre les deux volets des crédits de la mission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je rappelle tout de même le temps extrêmement court qu'a eu la ministre du logement pour faire ces quelques avancées, entre le moment de sa nomination et le moment où nous discutons dans le cadre du PLF, et où nous présentons ces rapports sur les différentes missions.

M. Jean-Marc Boyer. - Merci, Madame la présidente. La loi de rénovation urbaine impacte aujourd'hui fortement certaines communes et, en particulier des communes touristiques et thermales, en leur imposant un nombre important de réalisations de logements sociaux, qu'elles ne peuvent pas réaliser financièrement parce que le différentiel est beaucoup trop important.

Je prends un exemple : jusqu'à 300 000 euros par an de pénalités ! Alors, avec la meilleure volonté du monde, ils n'y arriveront pas. Donc quelles solutions ?

Premièrement, la possibilité d'étaler dans le temps. C'est la première chose. Et la deuxième chose, est-ce qu'il ne serait pas plus judicieux de consacrer ces sommes à de la rénovation de logements sociaux plutôt qu'à des pénalités ?

M. Philippe Grosvalet. - Merci madame la présidente. Dans la même veine de ce que disait notre collègue Yannick Jadot, entre l'océan à vider ou remplir à la petite cuillère, et le verre à moitié vide ou à moitié plein dont on pourrait se contenter sur une politique aussi nécessaire pour nos concitoyens, quand on voit aujourd'hui l'ampleur de la tâche, qui avait été maintes fois soulignée dans cette commission et dans cette assemblée sur le nombre de logements à construire, des dizaines de milliers de demandes de logements, dans mon département par exemple, qui s'accumulent et qui ne trouvent pas de réponse, quand on voit le parc de logements, Amel Gacquerre évoquait la réhabilitation d'une tour sans doute exemplaire, mais il y a des centaines de milliers de logements à réhabiliter, l'enjeu est tel qu'effectivement, les mesures annoncées, aussi positives soient-elles, aussi attendues qu'elles étaient, ne sont absolument pas à la hauteur du défi que nous avons, tous ici, soulevés.

Je suis inquiet parce que, effectivement, c'est compliqué de construire des politiques de très long terme sur des sujets qui nous engagent et sur des investissements qui vont évidemment bien au-delà de l'immédiat.

Alors, on souligne tous évidemment à la fois la bonne foi et surtout la détermination de notre ministre et elle a, de ce fait, reçu un crédit de la part de tous les acteurs, les parlementaires mais aussi des acteurs du logement. Mais je crains alors le paradoxe qui serait qu'elle cache au fond, par ses engagements, la difficulté à répondre à l'ampleur de la tâche.

Sur la politique que nous a présentée Viviane Artigalas, je voudrais d'abord la remercier de sa visite. C'est toujours important pour nos élus locaux, je vous le dis Madame la présidente, quand nous recevons des parlementaires en mission, à la fois de faire la démonstration de ce qu'ils font et de souligner les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Après avoir ramené Viviane Artiglas, qui parlait de narcotrafic, à la gare, j'ai discuté avec deux policiers qui venaient d'assister à une fusillade à l'arme lourde dans une ville somme toute moyenne et à quelques centaines de mètres de la gare. Donc, on a effectivement des difficultés.

Je voudrais aussi souligner la difficulté dans laquelle nous allons nous retrouver sur les questions de politique de la ville pour financer l'ensemble des actions qu'elle évoquait, par exemple en matière de musique classique, en raison du désengagement de nos collectivités locales. Nous aurons sans doute l'occasion de parler beaucoup des finances des départements, mais, ce matin dans la presse régionale, la présidente de la région des Pays de la Loire, qui n'est pas de ma famille politique, annonce des suppressions colossales. Je rappelle que c'est la région que Bruno Retailleau a présidée. Mais ces suppressions de subventions dans le domaine culturel, puisque c'était l'objet de ce rapport, sont bien au-delà, je le dis, bien au-delà des difficultés financières.

Alors si on ajoute l'État, les régions, les départements et demain nos communes elles-mêmes, je suis très inquiet pour toutes les politiques d'accompagnement social et culturel dans nos quartiers qui, au-delà des aspects qui étaient évoqués, permettent de tenir. C'est la trame du tissu social qui se construit et qui risque d'être mise à mal. Et si la trame cède, nous allons au-devant de difficultés importantes dans nos villes et dans nos quartiers.

Ainsi, nous nous abstiendrons pour tenir compte des progrès, mais aussi pour dire combien le chemin est encore long.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - Je vais commencer par aborder trois points sur lesquels nous sommes d'accord.

Le premier, c'est la gravité de la crise du logement. Marianne Margaté l'a rappelé, en évoquant aujourd'hui tous les sujets qui font cette crise. C'est un constat unanimement partagé sur tous les bancs de cet hémicycle et à l'Assemblée nationale également d'ailleurs. On a vraiment aujourd'hui un consensus là-dessus.

Deuxième point sur lequel on peut être d'accord, c'est le déni du gouvernement pendant des années sur cette crise qui s'est aggravée.

Et puis le troisième, c'est l'unanimité dans l'accueil des premières mesures aujourd'hui portées par le gouvernement, notamment par le Premier ministre, mais également par la ministre Létard. Pourquoi est-ce important de rappeler tous ces points-là ? Parce que ça permet aussi de mesurer à quel point ce qui est en train de se passer aujourd'hui est quelque chose d'assez inattendu.

Sur la RLS, je vais prendre ce point-là parce que c'est un sujet sur lequel on a eu l'occasion de débattre à plusieurs reprises. Pendant six ans, on a été tous unanimes pour dire qu'il fallait absolument faire quelque chose. S'il y a trois mois ou six mois, on nous avait dit qu'on allait réussir à bouger sur ce point-là, je pense qu'on l'aurait difficilement cru et pourtant, la ministre Létard a réussi à le faire.

Ce que j'essaye de dire là maintenant, c'est que oui, vous avez raison, le chantier est énorme, il va demander des mesures structurelles, mais il y a aussi des mesures d'urgence à prendre. Aujourd'hui, force est de constater que quelques mesures sont portées de façon assez unanime par la plupart des acteurs que nous rencontrons très régulièrement. Il n'y en a pas cinquante. Tous les acteurs aussi ont bien compris qu'ils ne pouvaient pas tout demander. Et ça, c'est quelque chose aussi d'exceptionnel, de formidable et qu'on peut reconnaître à tous les acteurs. C'est d'avoir été capable aujourd'hui de dire écoutez, on comprend. Il y a un contexte budgétaire et politique compliqué. Et donc, dans ce contexte-là, voilà nous ce qui nous paraît extrêmement important ce sont ces mesures essentielles.

Il y avait, je le redis, la RLS, avec donc la possibilité de dégager des fonds propres pour les bailleurs sociaux. Il y avait le PTZ, sur tout le territoire, sur le neuf, notamment sur du collectif mais aussi sur l'individuel. Et, il y a aussi la fin du Pinel, sur laquelle on avait tous des discussions compte tenu de son importance pour la construction. Pour remédier en partie à son arrêt, il y a aujourd'hui sur la table cette exonération des donations, notamment sur de l'achat en primo-accession. Or, nous avons eu, sur tous ces points un engagement de la ministre et donc du gouvernement sur ces points-là.

Et donc, ce que je dis au travers de ce rapport, c'est oui, bien sûr, encore une fois, on a un travail et des chantiers énormes. Mais je pense sincèrement qu'il faut saluer ce changement de cap que nous attendions tous et auquel nous avions encore du mal à croire il y a encore quelques temps.

Merci beaucoup en tout cas, j'ai entendu l'abstention et je pense que c'est judicieux et c'est intéressant d'avoir cette position-là.

Je comprends tout à fait aussi votre position qui veut dire que ce n'est pas suffisant. Mais je pense qu'il faut encore une fois reconnaître qu'il y a un vrai pas qui a été fait.

Je ne vais pas rebondir sur ce qu'a très bien dit Nadia Sollogoub avec des éléments très précis sur l'hébergement d'urgence. Son propos est clair et je le partage. On a pu avoir des auditions et des rencontres aussi sur le terrain, puisqu'on vit sur le terrain, extrêmement préoccupantes. Je ne vais pas revenir là-dessus. Un amendement, de toute façon, va dans le sens évoqué par Nadia Sollogoub.

Je pense qu'aujourd'hui qu'on est tous d'accord pour arrêter cette situation où il n'est pas possible de donner à nos acteurs associatifs bénévoles d'avoir de la lisibilité et de visibilité sur un travail ô combien aujourd'hui essentiel, parce qu'humain.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je voudrais également signaler que la ministre du Logement a aussi obtenu, avant la baisse des 200 millions d'euros sur la RLS, la non-indexation de la RLS. Ce n'est pas neutre non plus.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - Merci Madame la présidente. Pour répondre à Philippe Grosvalet sur la question des collectivités locales et les programmes culturels, je voulais rappeler que le programme Démos est aussi implanté dans les zones rurales et qu'on voit bien aussi que cet accompagnement des collectivités est important pour tout ce qui concerne la culture. On voit bien que cet accompagnement risque de manquer au développement de la culture sur tous nos territoires, quels qu'ils soient, quartiers politiques de la ville certes, comme les territoires ruraux et les villes moyennes.

Philippe Grosvalet l'a dit, on a bien vu, lors des émeutes, que les difficultés se sont aussi portées sur des villes moyennes qui n'ont pas de quartier politique de la ville. Il y a là vraiment un souci et une attention particulière à avoir.

On voit comment, dans les quartiers, la politique de la ville progresse quand même et améliore la vie des habitants. Mais des problèmes sont encore à résoudre.

Madame la présidente, je vais dire un mot pour mon groupe, et non pas en tant que rapporteure. Je reconnais aussi les efforts qui sont faits par la ministre en peu de temps pour obtenir des résultats. Mais ce budget est aussi la concrétisation d'années de désengagement de l'État sur ce sujet du logement comme de la politique de la ville et de la rénovation urbaine.

Donc, mon groupe et moi, nous voterons contre les crédits de cette mission cohésion des territoires. Je rappelle bien que ce sont des crédits groupés. Nous votons sur la mission, donc sur les deux rapports, de telle sorte que notre groupe votera contre ces crédits.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Concernant la loi SRU, c'est un sujet qui ne relève pas aujourd'hui, bien évidemment, du PLF, ni de la question de la crise du logement en tant que telle.

Pour autant, la ministre du logement en a bien conscience. Elle a commis avec moi un rapport qui nous a permis d'avancer un petit peu sur ce sujet, de trouver plus d'assouplissement, plus de différenciation entre les collectivités. Nous verrons comment elle entend cheminer sur ce sujet, dont on sait qu'il reste, pour un grand nombre d'élus dans un certain nombre de territoires, une grosse difficulté et qui, bien évidemment, n'est pas neutre pour les finances locales.

Nous passons à la présentation des amendements.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - Cet amendement vise, je viens de l'aborder, à augmenter de 280 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 12 « Hébergement et logement adapté » du programme 177. Nous l'avons dit et redit, ce programme est sous-doté d'au moins 250 millions d'euros, ce qui avait été constaté dans le projet de loi de finances de fin de gestion 2024, où ce montant a été ajouté.

Cela recoupe la prise en charge des 203 000 places pour 130 millions d'euros ; les primes du Ségur qui s'étendent maintenant au personnel du programme 177 pour un montant de 88 millions d'euros, comme l'avait demandé la commission des affaires économiques les années passées, et le coût de l'accueil des réfugiés ukrainiens pour un montant de 30 millions d'euros.

Je vous le redis, au moins 280 millions d'euros manquent à l'appel dès le 1er janvier 2025, fragilisant tout le tissu associatif. Donc, logiquement et de manière très documentée, je rejoins encore une fois les propos Nadia Sollogoub, la commission propose aujourd'hui d'y remédier en procédant au rebasage des crédits du programme 177, pour un montant de 280 millions d'euros.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - Comme dit dans ma présentation, je vous propose d'augmenter de 50 millions d'euros les crédits de paiement de l'action 4 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » du programme 147 pour la politique de la ville.

L'État s'était engagé d'ici à 2023 à verser 10 % des montants affectés au nouveau programme national de renouvellement urbain, soit 1,2 milliard d'euros sur 12 milliards au total. Or, à ce jour, seuls 107 millions d'euros ont été versés à l'ANRU par l'État. Ce financement insuffisant du NPNRU par l'État va, à moyen terme, perturber la mise en oeuvre du programme. Cela ne suffira pas mais cet amendement est aussi symbolique, pour montrer qu'il faut accompagner l'ANRU dans l'objectif de finir le NPNRU.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » de notre collègue Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Au total, pour 2025, les crédits de cette mission sont en baisse d'environ 2 % par rapport à ceux de l'an dernier et devraient s'élever à 31,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 31,3 milliards d'euros en crédits de paiement.

Toutefois, le périmètre suivi depuis plusieurs années par la commission des affaires économiques ne porte pas sur l'ensemble de cette mission mais correspond aux crédits alloués à la recherche par le programme 172 dédié aux recherches pluridisciplinaires, le programme 190 dédié à la recherche énergétique, le programme 191 dédié à la recherche duale, le programme 192 dédié à la recherche économique et industrielle et le programme 193 dédié à la politique spatiale.

Sur ce périmètre, la tendance est plutôt à la stabilisation, et non à la baisse. Les budgets alloués aux grands opérateurs de recherche sont même en légère hausse, ce qui n'est pas négligeable dans le contexte budgétaire actuel et dans la mesure où 90 % des crédits alloués à la recherche publique sont d'abord octroyés aux opérateurs de recherche.

Alors que mes prédécesseurs avaient pris l'habitude de dire qu'ils n'auditionnaient que des gens heureux, je dois quand même reconnaître que ce n'est plus le sentiment qui prédomine aujourd'hui. J'évoquerais le soulagement et l'inquiétude.

D'abord, le soulagement car, en comparaison des économies budgétaires réalisées sur d'autres postes de dépenses, la recherche publique est plutôt préservée au sein du budget général de l'État, même si des efforts importants ont été consentis en gestion au cours de l'année 2024.

Ensuite, l'inquiétude car, pour la première fois depuis son application, la loi de programmation de la recherche est sous-exécutée tandis que sa clause de revoyure n'a toujours pas été activée. Jusqu'à présent, les trajectoires budgétaires et d'emplois étaient respectées. Pour l'exercice 2025, les trajectoires sont en hausse, mais moins ambitieuses que prévu. Par exemple, la sous-exécution est de l'ordre de 136 millions d'euros pour le financement du programme 172 dédié aux opérateurs de recherche, soit 16 % de moins que la cible prévue par la loi de programmation.

L'inquiétude des opérateurs s'explique aussi au regard d'une plus forte mobilisation budgétaire au cours de l'année 2024 afin d'absorber le « choc de redressement ». Ainsi, le décret du 21 février 2024 annule près de 700 millions d'euros dédiés à la recherche tandis que le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 en annule près de 260 millions.

Si les opérateurs ont la capacité d'absorber un tel choc ponctuel, par des prélèvements sur leur fonds de roulement ou par le décalage de versements et de contributions, la question se pose plutôt au-delà de la période 2024-2025. En effet, à moyen terme, il est primordial de préserver l'objectif de 3 % du produit intérieur brut (PIB) en dépenses de recherche et développement (R&D) afin de se conformer aux standards d'investissement d'autres pays se situant à la frontière de l'innovation technologique. Dans les années à venir, il convient de préserver une dynamique de réinvestissement dans la recherche publique.

De ce point de vue, n'oublions pas non plus que l'écosystème de la recherche et les entreprises bénéficient aussi des moyens alloués par les plans d'investissement d'avenir et par France 2030, qui amplifient les effets de la loi de programmation de la recherche. La dispersion des crédits au sein des projets de loi de finances nous amène parfois à l'oublier.

Dans le contexte budgétaire actuel, je crois que nous ne devons pas être timides et que nous devons plaider pour un mode de financement de la recherche publique plus sélectif, davantage en adéquation avec les priorités énergétiques, numériques, économiques, technologiques et industrielles. C'est pourquoi je souhaiterais insister sur trois politiques sectorielles de recherche qui me paraissent nécessiter un soutien ciblé, continu et appuyé : le nucléaire, le spatial et le numérique.

Sur la politique de recherche nucléaire, d'abord. Alors que la filière française subissait un regrettable déclin depuis les années 2010, faute d'une stratégie appropriée pour atteindre l'objectif de décarbonation de notre production d'énergie à horizon 2050, le renouveau engagé ces dernières années continue de trouver des traductions budgétaires significatives dans ce projet de loi de finances, dans la suite des observations formulées par notre commission l'an dernier.

Ainsi, le renforcement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) se poursuit, avec par exemple une hausse prévue de 88 postes dédiés à la recherche, après une première hausse de 146 postes l'an dernier. Même si ce renforcement est moins ambitieux qu'espéré, les moyens alloués à la recherche nucléaire civile augmentent, notamment grâce à l'affectation d'une fraction de la taxe sur les installations nucléaires de base (INB), à hauteur de 240 millions d'euros pour l'an prochain.

Parce que je suis convaincu de l'impérieuse nécessité de renforcer les capacités de recherche du CEA, je me permets quand même de partager avec vous quelques points d'attention budgétaire : le changement de jurisprudence relatif à la fin d'exonération de taxe foncière pour les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) pourrait se traduire par un surcoût non compensé de 20 millions d'euros ; l'équilibre économique du projet de réacteur expérimental sur le site de Cadarache demeure conditionné au bon versement par les industriels d'une enveloppe de 100 millions d'euros ; le transfert de l'activité de dosimétrie passive au CEA, qui permet de mesurer le niveau d'exposition aux rayonnements ionisants, consécutive à la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), à compter du 1er janvier 2025, s'accompagne d'une baisse budgétaire injustifiée de 2,5 millions d'euros. Ce n'est pas de nature à mettre en péril le budget du CEA, mais je souhaitais quand même le signaler car les discussions se poursuivent avec le ministère.

Ensuite, je souhaiterais également évoquer le financement de la politique spatiale, qui est aujourd'hui à la croisée des chemins.

En gestion, l'effort budgétaire a été significatif, puisqu'environ 292 millions d'euros de crédits ont été annulés. Cet effort budgétaire est sans conséquence opérationnelle sur les programmes spatiaux du Centre national d'études spatiales (Cnes) dans la mesure où ce sont les versements au budget de l'Agence spatiale européenne (ESA) qui ont été décalés.

Ainsi, pour l'année 2024, alors que la contribution française devait être supérieure à 1 milliard d'euros, elle a finalement été abaissée à 864 millions d'euros. Le différentiel sera dû dans tous les cas, puisque la France s'engage sur sa souscription pour une période de trois ans. Mais je m'interroge sur notre future capacité de souscription, la France étant déjà le deuxième contributeur au budget de l'ESA après l'Allemagne.

Dans la perspective de la prochaine conférence ministérielle de l'ESA, en 2025, l'enjeu pour la France est surtout de s'assurer d'un juste « retour sur investissement » en fonction de nos priorités qui seront, au cas par cas, mieux défendues par l'ESA ou par la Commission européenne. Sur ce point, je crois qu'il y a un grand besoin de déterminer la nouvelle stratégie de la politique spatiale française, surtout en termes de gouvernance.

Je ne peux terminer la présentation de mon rapport sans vous dire quelques mots du numérique. Je suis convaincu depuis longtemps de la nécessité d'investir dans la recherche, les infrastructures et les technologies numériques pour assurer notre souveraineté, notre sécurité et notre compétitivité.

Je salue les actions mises en oeuvre par les grands opérateurs de recherche, notamment l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), le CEA, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'Agence nationale de la recherche (ANR), pour orienter et adapter leurs projets de recherche en fonction des grandes priorités nationales définies en matière de numérique, en particulier pour poursuivre les objectifs fixés par la stratégie nationale d'intelligence artificielle. Encore une fois, je crois que la recherche devrait être plus ciblée et mieux alignée avec les priorités politiques, scientifiques et technologiques nécessaires à l'avenir du pays.

Enfin, au-delà d'un soutien public affirmé, une politique efficace de soutien à la recherche repose aussi sur une politique partenariale d'ampleur avec les entreprises innovantes, qui bénéficient aujourd'hui de nombreuses incitations budgétaires et fiscales, et en premier lieu du crédit d'impôt recherche (CIR) dont les dépenses devraient être supérieures à 7,5 milliards d'euros pour l'année 2025.

Dans le contexte budgétaire actuel, je crois que les débats parlementaires sont enfin mûrs pour réformer le CIR, qui n'a pas connu de modification significative depuis 2008.

Alors que les gouvernements précédents s'étaient engagés à présenter une réforme du CIR, qui n'a jamais eu lieu, je souhaite rappeler que le Sénat propose depuis plusieurs années des pistes de réforme.

Surtout, la semaine dernière, la commission des finances a adopté, sur proposition de son rapporteur général, un amendement visant à modifier le CIR, notamment pour exclure de son assiette les frais liés aux brevets, à la normalisation et à la veille technologique et pour réduire le taux de prise en compte des frais de fonctionnement.

De telles propositions vont dans le bon sens et permettront de « briser le tabou » de la modification du CIR afin d'envisager une réforme plus ambitieuse dans les années à venir, notamment au bénéfice des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME).

Même si l'ambition est moindre que prévu, je vous propose d'adopter les crédits de la mission, car la dynamique de réinvestissement dans la recherche publique demeure confortée, au moins pour 2025, par ce projet de loi de finances.

Mme Micheline Jacques. - La délégation sénatoriale aux outre-mer s'est rendue en octobre dernier en Polynésie dans le cadre d'une mission sur l'adaptation des modes d'action de l'État aux réalités des territoires. La Polynésie compte 78 îles, réparties sur 5,6 millions de km2. Le numérique y est indispensable pour assurer les communications. Faute de solution française, certains maires ont malheureusement dû se tourner vers les États-Unis et faire appel à Starlink. Il est donc nécessaire de poursuivre nos efforts en ce domaine.

M. Daniel Salmon. - Un point n'a pas été abordé, celui de l'enseignement supérieur agricole public, dont les crédits baissent de 2,6 %. Les dépenses de personnel diminuent ainsi de 6 millions d'euros, les bourses de 4 millions d'euros. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux, quand l'enseignement privé agricole voit ses crédits augmenter de 17 %. L'enseignement public doit prendre toute sa place.

M. Franck Montaugé. - Le rapporteur pour avis a relevé quelques points préoccupants, notamment en matière de numérique, pour l'avenir et la souveraineté du pays. Compte tenu de ces difficultés, nous ne pourrons pas approuver ces crédits.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Notre groupe approuvera les crédits de cette mission. Nous avons mené avec la commission des affaires européennes une mission sur la recherche spatiale et les enjeux des satellites. Où en sont les projets Iris et OneWeb ? Les Américains, de leur côté, avancent très vite et nous risquons de laisser passer des opportunités. Quel est votre point de vue, Monsieur le rapporteur ?

M. Fabien Gay. - Une réflexion, d'abord. Dans le domaine spatial, nous, Européens, somme des nains, et le soutien que les Américains peuvent apporter à certaines entreprises privées est sans commune mesure avec ce que nous pouvons faire.

Une question, ensuite, qui porte sur le CIR. Quelle modification proposez-vous, Monsieur le rapporteur ? Chaque fois que nous entendons un grand patron, il nous explique qu'il n'y faut rien changer. Pour autant, l'exemple de Sanofi et d'autres encore nous amènent à nous demander, comme le Premier ministre, où passe l'argent. Il faudrait conditionner le dispositif au maintien de l'emploi.

Notre groupe se prononcera contre les crédits de cette mission.

M. Daniel Gremillet. - S'agissant du CIR, il est indispensable que les entreprises qui en bénéficient investissent en France.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Je répondrai d'abord à M. Salmon que l'enseignement supérieur agricole ne relève pas des attributions de la commission des affaires économiques, mais de celles de la commission de la culture.

Pour le déploiement du spatial numérique, nous atteignons un point de bascule : tout retard vis-à-vis des Américains deviendra vite irrattrapable. J'ajoute que Starlink pose des questions de sécurité et de souveraineté. Nous devons disposer au niveau européen, dans ce domaine qui a beaucoup évolué, de nos propres outils.

Concernant le CIR, qui est une mesure fiscale, le débat se tiendra en séance plénière, à l'occasion de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Certains témoignages portant sur des abus du dispositif sont troublants. Nous devons parvenir à un nouvel équilibre et dissiper toute ambiguïté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Groupe de suivi des lois dites Egalim - Examen du rapport et vote sur les propositions

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à présent au rapport de Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier au nom du groupe de suivi des lois Egalim.

M. Daniel Gremillet, rapporteur du groupe de suivi. - Le groupe de suivi dont Anne-Catherine Loisier et moi-même sommes rapporteurs a été créé dans la foulée de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim 1). Il s'agissait d'évaluer la mise en oeuvre de ce texte. Trois lois Egalim et six ans plus tard, nous sommes toujours là : c'est peu dire que notre groupe de suivi s'inscrit dans le temps long. Chaque année, nous menons un travail d'évaluation du déroulement des négociations commerciales et de l'application des lois Egalim, de l'amont à l'aval de la chaîne de valeur agricole. Depuis mars 2024, nous avons mené 22 auditions.

Cette année, les spécificités du contexte nous ont appelés à formuler des propositions d'évolutions du cadre issu des lois Egalim.

D'abord, nous sortons d'une période de forte inflation des coûts des matières premières agricoles et industrielles qui a fortement impacté les relations entre producteurs, industriels et distributeurs.

Cette année a aussi été marquée par une contestation agricole, symptomatique d'une lassitude voire d'un découragement d'agriculteurs qui ne parviennent pas à se rémunérer correctement.

Enfin, les tensions sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens persistent, ce qui conforte les enseignes de la grande distribution dans leur « guerre des prix » dommageable à notre « ferme France ».

Je le rappelle, l'objectif des lois Egalim était de construire le prix de vente des produits alimentaires dans la grande distribution en partant de l'amont agricole, pour protéger la rémunération du producteur. Tout au long de la chaîne de valeur, le prix de la matière première agricole (MPA) est sanctuarisé. C'est ce qu'on appelle la construction du prix « marche en avant ».

Depuis 2022, notre groupe de suivi observe que ces lois Egalim sont assez inadaptées au contexte de volatilité des prix. Elles ont été pensées dans le contexte de stabilité des prix que nous avons connue pendant plus d'une décennie.

À l'inverse, dans un contexte inflationniste, la loi Egalim intervient avec retard pour soutenir le revenu agricole : les hausses de coûts subies par les agriculteurs ne sont répercutées qu'a posteriori auprès de leurs acheteurs. En période inflationniste, l'agriculteur « court toujours » après les hausses, notamment lorsque les indicateurs utilisés pour construire les prix sont actualisés, eux aussi, en décalage - celui-ci pouvant parfois aller jusqu'à deux ans.

En 2022, nous en avons vu les conséquences sur l'aval agricole : les tarifs négociés au 1er mars entre industriels et distributeurs ont été rendus caducs par la forte inflation consécutive à l'invasion de l'Ukraine. De nouvelles négociations ont eu lieu à l'été afin de faire passer des hausses.

L'année 2023 nous a confirmé l'inadaptation des lois Egalim au contexte de volatilité. Le mécanisme inverse de 2022 s'est produit : le Gouvernement de l'époque a souhaité utiliser les négociations commerciales comme outil « anti-inflation ». Il a demandé l'avancement des négociations commerciales pour obtenir des baisses de prix un mois plus tôt que prévu. Tous les acteurs que nous avons auditionnés ont fait état d'un climat de négociation particulièrement délétère au cours de ce cycle 2023-2024, caractérisé par le retour du rapport de force « pur et dur ». En effet, le Gouvernement a mis une forte pression sur les distributeurs pour obtenir des baisses de prix. C'est exactement l'inverse de la logique Egalim : on est partis du prix de vente au consommateur pour négocier le tarif avec les industriels et donc, in fine, rémunérer l'agriculteur.

Ce renversement de la logique Egalim a conduit à amoindrir la sanctuarisation de la MPA. Cette année, nous avons en effet constaté que des hausses du coût des matières premières agricoles ont pu entraîner... des baisses de tarifs ! Comment l'expliquer dès lors que le coût de la MPA est désormais sanctuarisé ? Par l'absence totale de prise en compte du coût des matières premières industrielles (MPI) comme l'énergie ou le transport ! On a donc eu affaire à une sanctuarisation totalement artificielle de la MPA. En 2022, la sanctuarisation avait été mieux respectée. Entre les négociations de 2022 et celles de 2023, l'institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec) nous a indiqué que le taux de sanctuarisation de la MPA au sein des tarifs de ses adhérents avait chuté de 20 points ! De manière générale, nos industriels aboutissent en France à une prise en compte des coûts certes meilleure au niveau de la MPA, mais bien moindre sur les autres postes de coûts comme l'énergie, l'emballage, les transports ou les salaires. Au total, la prise en compte de leurs coûts globaux de production est moins bonne que pour les industriels travaillant avec des filières étrangères. Finalement, cela se fait au détriment de l'amont agricole...

En effet, les travaux de notre groupe de suivi dressent en sous-jacent le constat d'un décrochage de la « ferme France » dans les rayons. Je ne vais pas m'étendre sur la réduction progressive de notre excédent commercial en matière agricole, passé de 12 milliards en 2011 à 6 milliards en 2023. Au niveau plus « micro », au sein des rayons de nos grandes surfaces, il faut prêter attention à la progression des produits « d'origine Union européenne (UE) ». Comme nous l'avons constaté avec ma collègue rapporteure, le petit logo « France » pour indiquer l'origine des matières est désormais parfois remplacé par un logo « UE » (Union européenne). Cela concerne notamment les produits vendus sous « marques de distributeur ». Nos marques nationales sont moins substituables, ont une identité forte et des relations avec leurs fournisseurs établies de longue date au sein d'un territoire.

Les produits vendus sous marque de distributeur (MDD) représentent plus de 34 % en valeur des produits commercialisés en grande distribution. Et d'ici 2026, leur part pourrait atteindre 40 %, compte tenu des objectifs récemment affichés par Carrefour ou Intermarché, pour ne citer qu'eux ! Or les distributeurs passent des appels d'offres internationaux pour leurs produits de MDD : dans un contexte de guerre des prix, cela ne se fait pas au bénéfice de l'origine France. Il ne s'agit pas de critiquer les MDD dans l'absolu, mais plutôt de nous faire réfléchir : si le critère du prix bas prime pour le consommateur comme pour le distributeur, au détriment de la « ferme France », cela pose question sur les orientations prises il y a quelques années sur la montée en gamme de l'agriculture française. Il ne faut pas l'oublier, en 2018, la première loi Egalim a fixé des objectifs ambitieux d'approvisionnement de la restauration collective publique en produits bios qui sont très loin d'être atteints six ans plus tard : on parle de 6 à 7 % de produits bios, contre un objectif à 20 % en 2022.

Nous préconisons donc de mieux suivre l'origine de ces produits de MDD grâce à un observatoire dédié. Il faut bien évidemment suivre aussi l'évolution de leur prix. En 2023, l'inflation a généré un recul de la consommation de 3,5 % en volume qui a pénalisé beaucoup plus les produits de marque nationale que les produits sous MDD, qui se sont stabilisés. On l'a vu - les médias en ont beaucoup parlé -, les « paniers anti-inflation » étaient composés à 100 % de produits MDD. Certains industriels auditionnés nous ont rapporté, sur certains produits, une décorrélation entre la hausse du prix de vente en rayon et la hausse de tarif qui leur avait été consentie. Selon certains, c'était un moyen pour le distributeur de compenser des baisses de prix sur les MDD par des hausses de prix sur les marques nationales. Entre mars et mai 2023, l'inflation sur les MDD était sur une trajectoire de baisse tandis que l'inflation sur les produits de marque nationale continuait de remonter. Bien sûr, le distributeur est maître de sa stratégie commerciale, mais il n'est pas acceptable que les industriels aient été désignés comme responsables de la dégradation du pouvoir d'achat des Français, alors même que les évolutions de leurs tarifs ne reflétaient pas toujours celles des prix en rayon.

Je vous rappelle que le Sénat a été à l'origine de l'extension de la sanctuarisation de la matière première agricole aux produits vendus sous MDD - elle était avant réservée uniquement aux produits de marques nationales.

Voilà pour le contexte, qui n'est guère réjouissant. Une chose est sûre, les lois Egalim n'ont pas empêché le décrochage de notre « ferme France ». En quelque sorte, nous sommes tout doucement en train de perdre pied. Cela ne signifie pas que tout est à jeter.

À ce sujet, plusieurs acteurs que nous avons auditionnés adoptaient un discours que nous estimons contradictoire : on ne peut pas à la fois critiquer Egalim, lui faire un procès en inefficacité et, en même temps, réclamer son extension à tous les débouchés de l'agroalimentaire. Ce n'est pas cohérent. Nous estimons qu'il faut d'abord mieux appliquer les lois Egalim que nous avons votées en 2018, 2021 et 2023, mieux évaluer leurs dispositifs et améliorer ce qui peut l'être. C'est le sens de nos recommandations.

Je laisse la parole à Anne-Catherine Loisier qui va vous présenter le détail de notre diagnostic sur l'application des dernières lois Egalim et nos recommandations.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure du groupe de suivi. - Les deux principales faiblesses du cadre Egalim tiennent à son application lacunaire - notamment la contractualisation amont - ainsi qu'aux trop nombreux contournements délibérés - notamment ceux opérés par les centrales internationales d'achat et de services. D'autres mécanismes fonctionnent déjà bien, mais pourraient être améliorés. Rappelons que certains dispositifs ne sont applicables que depuis moins d'un an. Il faut l'avouer, les mécanismes prévus par la loi en matière de relations commerciales sont complexes ! Les acteurs de l'amont comme de l'aval aspirent aujourd'hui à de la stabilité juridique. Loin de détricoter la logique Egalim, nous proposons de mieux l'appliquer, de l'améliorer et surtout de mieux l'évaluer.

La contractualisation écrite, généralisée par la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (loi Egalim 2), est faiblement appliquée - comme le relèvent souvent les agriculteurs. Elle n'est véritablement ancrée que dans la filière laitière alors que la quasi-totalité des filières animales y sont soumises. Dans la filière bovine, le taux de contractualisation est passé de seulement 17 % en 2022 à 25 % en 2023. Nous appelons les interprofessions à poursuivre leurs efforts d'accompagnement et de suivi. Nous appelons aussi la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à partager les résultats des contrôles pour dresser un état des lieux de la contractualisation. Enfin, plusieurs filières ont exprimé récemment leur souhait d'entrer dans le champ de la contractualisation obligatoire alors qu'elles en sont aujourd'hui exemptées. Nous préconisons de réexaminer la liste, assez longue, des exemptions.

Autre sujet dont l'application est lacunaire : les indicateurs de référence. Leur intérêt est unanimement salué : ils fournissent une base de discussion fiable et objective pour les discussions entre organisations de producteurs et entreprises. Mais de nombreux indicateurs ne sont tout simplement pas publiés par les interprofessions, faute d'accord entre les acteurs. Nous appelons les interprofessions à la responsabilité à ce sujet. S'il n'y a pas d'indicateurs de référence, ni le Sénat ni la loi ne pourront régler ce point : le risque est que les acteurs cherchent à imposer des indicateurs qui ne sont pas représentatifs des structures de coût. Enfin, afin de sécuriser les producteurs face à la volatilité des prix - cela a souvent été demandé -un poids prépondérant pourrait être donné aux indicateurs de coût de production dans les formules de détermination et de révision du prix. Cependant, il est essentiel que ces indicateurs soient mis en place de manière sérieuse et approfondie, avec une évaluation par l'ensemble des acteurs des interprofessions.

Au-delà de l'application imparfaite d'Egalim, nous souhaitons souligner les contournements malheureusement délibérés des centrales d'achat basées à l'étranger. Elles sont aussi parfois le support de pratiques commerciales abusives. Les chiffres que nous avons collectés ne sont pas unanimes - ce qui témoigne de l'opacité des pratiques et notamment de la difficulté à obtenir des informations fiables sur ces secteurs d'activité -, mais environ 20 % en valeur et 50 % en volume des produits commercialisés par la grande distribution pourraient être négociés à l'étranger. Ces centrales ne se limitent plus aux multinationales, mais intègrent désormais des PME et des ETI.

Les centrales de services se développent aussi. Le problème est que certains services commerciaux - ristournes, opérations publicitaires ciblées, rangements en rayon, etc -ne sont pas pris en compte dans la construction du tarif, se superposent à des services déjà payés au niveau national par les entreprises, voire sont fictifs et s'apparentent à un droit d'entrée en négociations sans contrepartie économique réelle. Les centrales d'achats sont donc aujourd'hui un lieu où se négocie une grande partie du plan d'affaires.

L'essor de ces centrales d'achat comme de services s'explique par deux raisons principales. D'une part, les distributeurs considèrent que ceux qui n'y ont pas recours subissent un désavantage concurrentiel : en septembre dernier, Intermarché a rejoint la centrale Everest aux côtés d'Auchan et de Casino. Nous avons d'ailleurs vraiment l'impression que ceux qui n'ont pas de centrale d'achats internationale sont en situation de difficultés dans la guerre des prix que se livrent les grands distributeurs. D'autre part, même si la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs a affirmé le caractère d'ordre public du cadre Egalim, applicable à tout produit commercialisé en France, les pratiques des distributeurs ne sont pas systématiquement sanctionnées. Il semblerait que les autorités aient adopté une position de prudence, à la suite de contentieux et de conflits de compétences au niveau européen. C'est regrettable, car cela affaiblit la portée de ce que nous avions voté en mars 2023. Certes un « Egalim européen » permettrait de réguler ces pratiques dans un cadre commun et de renforcer la coopération des autorités nationales, mais nous sommes conscients que cela ne pourra advenir qu'à moyen terme. Il faut d'ores et déjà que le ministre prononce systématiquement des sanctions. Nous appelons aussi à la responsabilité des entreprises et recommandons la conclusion d'une charte des industriels et des distributeurs visant à exclure les produits à forte composante de MPA des négociations internationales. Il s'agit là peut-être d'un voeu pieux, néanmoins nous observons chez certains de nos voisins européens une bonne entente et de bonnes pratiques entre industriels et distributeurs. Il serait souhaitable qu'il en soit de même en France, et ce dans l'intérêt de nos agriculteurs. Enfin, pour en finir avec l'opacité actuelle, nous demandons la transmission par la DGCCRF de données relatives à la part des produits dont les négociations sont menées en droit étranger.

Je développerai maintenant le reste de nos recommandations.

? l'amont, nous souhaitons éviter toute rigidification des relations entre les producteurs et leur acheteur alors même que la contractualisation écrite est loin d'être généralisée. Bien sûr, il est souhaitable que le fournisseur de la grande distribution ait conclu son contrat avec l'amont agricole avant d'entrer en négociations avec les enseignes, afin de disposer du coût de la MPA et des indicateurs associés. Ce séquençage matérialise la construction du prix « marche en avant » du dispositif Egalim. Pour la concrétiser, nous préconisons que l'industriel mentionne dans ses conditions générales de vente (CGV) les indicateurs utilisés à l'amont pour déterminer le prix de la MPA. Cela permettra une traçabilité des indicateurs et donc un meilleur appui pour la sanctuarisation de la MPA.

Passons maintenant à nos propositions concernant les négociations de l'aval agricole.

Principal jalon des négociations commerciales, la date « butoir » annuelle de conclusion des conventions entre industriels et les distributeurs ne doit pas être remise en cause. Elle est désormais bien ancrée dans les pratiques. Tous les acteurs auditionnés par notre groupe de suivi sont favorables à son maintien. Ils ne sont pas opposés à une modification paramétrique sous réserve de disposer d'un délai de prévenance suffisant pour s'organiser et ne pas revivre l'impréparation du cycle 2023-2024. Dans des conditions d'application normales, un délai de négociation de deux mois, de décembre à fin janvier au lieu de fin février, est plus pertinent : la négociation est souvent bloquée pendant un mois avant de s'accélérer avant la date butoir. Raccourcir la négociation d'un mois permettrait d'alléger les ressources qu'une entreprise y dédie, un quart de l'année. À des fins de simplicité, il nous semble important que cette date soit la même pour tout le monde. L'année dernière, nous avions eu un grand débat sur ce sujet. Les négociations de 2024 ont fait office d'expérimentation : or les PME qui ont conclu leurs contrats au 15 janvier n'en ont pas tiré un bénéfice majeur. Pour les PME qui le veulent, la négociation anticipée - avant les grands groupes - est déjà formalisée notamment au moyen de chartes avec la grande distribution : cela doit être poursuivi pour celles qui le souhaitent, mais il n'est pas pour autant nécessaire de rendre obligatoire cette négociation anticipée avec un seuil de chiffre d'affaires dans la loi. Nous préconisons donc de conserver une date butoir fixe, sans différenciation de la taille des entreprises, tout en prévoyant, pour les cycles postérieurs à 2025, des négociations plus courtes, s'achevant le 1er février.

Au sein des contrats aval, il existe un sujet récurrent : les clauses de révision automatique du prix en fonction de l'évolution de la MPA, rendues obligatoires par la loi Egalim 2. La période de volatilité des prix que nous venons de connaître a montré leur intérêt, mais, si elles avaient fonctionné de manière satisfaisante, nous n'aurions pas assisté à des renégociations en cours d'année. D'après le médiateur des relations commerciales, elles ont été activées dans seulement 20 % des cas en 2023. Leur principal défaut est qu'elles font l'objet d'une « négociation dans la négociation » visant des seuils souvent élevés de déclenchement ou l'utilisation d'indicateurs non-représentatifs des prix d'achat réels des industriels. Nous préconisons donc qu'elles figurent au sein des CGV de l'industriel afin d'être soumises à un principe de non-discrimination et incluses au « socle unique » de la négociation. En conséquence, l'obligation d'insérer une clause de « renégociation » - peu utilisée et source de confusion avec la clause de révision - pourrait être remplacée par une clause prenant en compte l'évolution du coût des MPI comme l'énergie et le transport.

De manière générale, en ce qui concerne le contenu du contrat aval, nous constatons que la DGCRF s'en tient à des contrôles du formalisme du contrat - par exemple le respect des dates butoirs. Mais ce qui pêche aujourd'hui concerne l'économie du contrat : on l'a vu cette année avec la sanctuarisation parfois relative de la MPA. Or la DGCRF devrait être en capacité de contrôler et de sanctionner cela.

En matière de points positifs, j'évoquerai une avancée notable dans l'encadrement des pénalités logistiques. Les déductions d'office des pénalités de la facture ont quasiment disparu. Il reste des progrès à accomplir concernant la preuve du préjudice - nécessaire pour que la pénalité s'applique - et l'interprétation, parfois divergente entre distributeurs et fournisseurs, de l'assiette des pénalités et du taux que nous avions fixé à 2 % en 2023, qui est un plafond et non un forfait.

Enfin, nous déplorons l'absence d'évaluation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10 %). Dès 2018, le Sénat avait émis des doutes sur ce dispositif par nature inflationniste, qui n'a pas démontré son effet bénéfique « en cascade » - le « ruissellement » - sur la rémunération du producteur. Le rapport d'évaluation remis en mai dernier aux présidents des commissions des affaires économiques - soit bien en retard par rapport à la date initialement prévue de septembre 2023 - ne nous dit rien ; il ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage de ce surplus de chiffre d'affaires depuis 2019. Selon différentes estimations, ce dernier représenterait de 600 à 800 millions d'euros par an depuis 2019, ce qui représente un total de plusieurs milliards d'euros. Nous demandons donc qu'une véritable évaluation soit faite de ce dispositif qui arrive à échéance en 2025. Bien sûr, sa suppression inquiète un certain nombre d'acteurs - notamment les agriculteurs - qui craignent un effet boomerang et un renforcement de la guerre des prix des distributeurs. Il n'empêche, nous ne pouvons pas nous contenter d'une absence de chiffres. C'est pour cette raison que nous préconisons une prolongation et non une pérennisation du dispositif : il est en effet essentiel d'avoir, dans notre travail de contrôle de législateur, une évaluation effective et chiffrée de l'usage du SRP + 10 %.

À l'inverse, l'extension de l'encadrement des promotions à tous les produits de grande consommation a porté ses fruits. Nous sommes donc favorables à sa prolongation au-delà de 2026. Il faut cependant être vigilant au cagnottage largement développé par les distributeurs sous forme notamment de bons de fidélité en alternative aux promotions encadrées. Il n'a pas le même intérêt pour l'industriel en termes de développement des volumes.

Enfin, nous sommes préoccupés par l'explosion, ces dernières années, de la publicité comparative sur le prix des denrées alimentaires. Aujourd'hui, les plus grands annonceurs médias sont les distributeurs - devenus très offensifs grâce à des budgets communication très conséquents -, ce qui nous amène à nous interroger sur l'utilisation du SRP + 10 %. Nous souhaitons rester vigilants et approfondir la question des effets de cette publicité comparative, notamment sur la valorisation de la MPA, ainsi que sur les possibilités de l'encadrer.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je tiens à remercier les deux rapporteurs pour leur immense travail, entamé en février 2024, qui n'a pas pu être présenté en juin en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale. Cependant, vous avez mentionné que le délai supplémentaire vous a permis de poursuivre les auditions et d'enrichir encore le rapport que vous nous présentez aujourd'hui.

M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie les rapporteurs pour leur présentation.

Pour toutes les lois Egalim, nous constatons les mêmes difficultés d'application, d'appréhension, d'analyse et d'amélioration. Vos propositions nous semblent judicieuses et nous les voterons.

Tout d'abord, il me paraît essentiel de créer un observatoire des prix des MDD en raison de l'inflation. Sans outil approprié, nous continuerons à fonctionner de la même manière qu'aujourd'hui.

Par ailleurs, je me permets de rappeler que nous avions déjà fait, l'année dernière, le constat que les centrales d'achat détournent la règle de notre pays en passant par l'international. Il est nécessaire que la DGCCRF partage les éléments en sa possession de sorte que nous puissions modifier la loi Egalim.

Je constate que vous n'avez pas abordé la difficulté que rencontrent les collectivités territoriales pour appliquer cette loi. Contraintes notamment de servir une part de produits biologiques dans les cantines, elles sont aujourd'hui confrontées à un problème d'approvisionnement plus important que lors de l'entrée en vigueur d'Egalim 1 en raison du nombre important de déconventionnements. Peut-être faudrait-il adapter la loi et ajouter ce point dans vos propositions ?

Pour ma part, je pense que la conclusion d'une charte des industriels et des distributeurs est un voeu pieux.

J'en viens à présent aux négociations commerciales : nous n'étions pas d'accord l'année dernière sur l'idée de dates butoirs en fonction du chiffre d'affaires, mais force est de constater que les plus petites entreprises ne seront pas pénalisées dans les négociations si nous retenons votre proposition d'une seule date butoir et de l'inscription d'une clause de révision dans les CGV de l'industriel. Il me semble judicieux de continuer à tester ce mode opératoire pendant une année encore.

S'agissant de la volatilité des prix, il sera peut-être difficile de déclencher la clause de révision. Quel coût de MPI sera l'élément déclencheur ? S'agira-t-il prioritairement de l'énergie ?

Par ailleurs, vous soulignez une avancée notable en matière de pénalités logistiques. Or j'ai découvert qu'une palette entière pouvait être refusée au motif qu'une seule bouteille n'est pas en conformité. Est-il possible de réviser ce dispositif ?

Enfin, j'adhère - nous adhérons - complètement au principe de prolonger et non pérenniser le dispositif SRP + 10 %.

M. Gérard Lahellec. - Je tiens à remercier nos rapporteurs pour leur travail et aussi parce qu'ils ont rappelé les spécificités du contexte et du climat pour cette année en matière d'application des lois Egalim. Un véritable chantier nous attend puisqu'une loi Egalim 4 est en préparation : les recommandations formulées sont donc utiles. Il est également important d'avoir rappelé le déphasage important entre la mise en oeuvre de la loi et l'évolution du contexte : cela pèse sur le réel.

Je constate que les lois Egalim ont produit plus d'effets vers l'aval - pour les consommateurs et les distributeurs - que pour les producteurs : la question du retour de la valeur ajoutée à la « ferme » reste donc entière. ? cela s'ajoutent évidemment les pratiques des centrales d'achat. Il me semble important de souligner que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) produit un effet qui ne sert pas la cause du retour de la valeur ajoutée au lieu où celle-ci est produite, singulièrement s'agissant des denrées alimentaires.

Telles sont les quelques observations que m'inspire votre rapport : elles ne retirent rien à la pertinence de vos recommandations.

M. Franck Montaugé. - Je remercie nos rapporteurs pour leurs propositions utiles.

Il me semble important de constater - et je pense que nous serons d'accord sur ce point - qu'en matière de revenu agricole, les choses ne progressent pas de manière suffisamment rapide et significative. Les manifestations qui se déroulent actuellement dans le pays en sont la preuve et montrent toute l'importance de ce sujet.

Je tiens à rappeler qu'en juin 2016, le Sénat avait adopté à l'unanimité la proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture présentée par Henri Cabanel et moi-même. Cette proposition de loi vise à mettre en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles dans les conditions fixées par le règlement européen du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). La question d'un revenu décent pour tous les agriculteurs en France se pose en effet et le fonds de stabilisation des revenus agricoles proposé permettrait d'y répondre en partie, sans remettre en question le dispositif Egalim actuel et à venir : les deux dispositifs sont tout à fait complémentaires et cette complémentarité me semble nécessaire. J'invite ceux qui n'étaient pas membres de notre commission à l'époque à prendre connaissance de ce texte qui comporte une dizaine d'articles, impliquant - sans les obliger - tant le FEADER que les collectivités territoriales et visant à garantir un revenu minimum.

La question du revenu agricole et de l'agriculture en général doit rester une grande cause nationale. Elle me semble tout à fait conciliable avec les évolutions de la loi Egalim telles que vous les proposez. Nous voterons vos recommandations.

M. Henri Cabanel. - Je souscris entièrement au propos de notre collègue Franck Montaugé.

Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour leur travail sur les lois Egalim. Je constate que les craintes qu'ils avaient exprimées au début se sont avérées assez justifiées au fil du temps.

Pour mémoire, la loi Egalim et les États généraux de l'alimentation visaient bien sûr à donner un revenu aux agriculteurs, mais aussi à éviter la guerre des prix. Force est de constater que nous en sommes encore loin puisque les centrales d'achat internationales contournent la loi française.

L'idée d'une loi Egalim européenne est séduisante, mais il est difficile de prédire quand nous y parviendrons.

La loi Egalim n'est d'ailleurs pas une fin en soi. En amont, il est essentiel que les filières mettent en place des stratégies pour assurer un revenu aux agriculteurs. Certaines - comme la viticulture - refusent cette loi : en effet, tous les vignobles n'y sont pas favorables, car bénéficier de certaines garanties sur les prix ne les assure pas de vendre leurs vins.

Nous sommes d'accord avec vos propositions et nous continuerons à travailler avec vous, comme j'ai moi-même pu le faire lors de nombreuses auditions.

M. Laurent Duplomb. - Je tiens tout d'abord à féliciter les rapporteurs pour leur assiduité depuis plusieurs années. Avec eux, aux grandes heures du macronisme rugissant, nous avions combattu l'idée que la première loi Egalim pouvait régler la question des prix des agriculteurs par le ruissellement : sans pompe, cela ne fonctionne pas de l'aval vers l'amont ! En bon paysan et avec bon sens, je ne comprenais pas cette stratégie et je constate que l'avenir m'a donné raison. Pour autant, tout n'est pas à jeter dans la loi Egalim. Pour preuve, et comme l'indique Anne-Catherine Loisier, il faudrait creuser davantage la problématique du lait : c'est certainement la filière où la loi Egalim a été la plus performante. Aujourd'hui, le groupe Lactalis a prévu de réduire la collecte de lait et il est obligé de recourir à une communication tonitruante pour justifier le plan social qui va toucher les éleveurs français. Il se voit aujourd'hui contraint de payer aux producteurs de lait des sommes qu'il avait pour habitude de garder, afin d'être au même prix que les coopératives. Celles-ci ont d'ailleurs toujours joué un rôle de locomotive des prix, notamment grâce à la loi Egalim. Tandis que le président-directeur général du groupe, M. Emmanuel Besnier, rechigne à verser les 100 millions d'euros promis pour calmer la colère des agriculteurs qui s'est exprimée en début d'année, des centaines d'éleveurs sont aujourd'hui très inquiets pour leur avenir, en particulier dans l'Est de la France. Je tiens à dénoncer ce projet sur lequel Lactalis communique très peu et qui risque de complexifier fortement la situation.

Par ailleurs, je suis heureux d'entendre que, finalement, des avancées ont été réalisées en matière de pénalités logistiques - la martingale des Grandes et moyennes surfaces (GMS) habituées à contourner les règles dans le but de pressuriser les fournisseurs par des moyens pas toujours recommandables.

S'agissant du SRP + 10 %, si nous ne parvenons pas à l'évaluer, nous pourrions considérer qu'il se situe entre 700 millions et 1 milliard d'euros, voire un peu plus. Cela correspond à la réalité. La création du SRP + 10 % a engendré une hausse de 10 % du prix de tous les produits alimentaires ; par conséquent, il a été financé par les Français alors qu'il devait constituer le ruissellement nécessaire vers l'amont agricole. En revanche, si les centrales d'achat se déportent à l'étranger pour échapper aux règles fixées par Egalim, en quoi est-il utile de donner aux distributeurs 700 millions à 1 milliard d'euros pour améliorer leurs pratiques vis-à-vis des fournisseurs et des paysans et pourquoi les Français devraient-ils financer cela ?

En matière de pénalités logistiques, je tiens à préciser qu'il est interdit de prononcer une sanction à l'encontre d'un fournisseur si rien ne peut lui être reproché. Nous avions déjà dénoncé ce type de pratique.

Vous avez raison de continuer à creuser tous les sujets. La pire des choses serait d'oublier. Oublier, c'est risquer d'accepter un changement de pratiques qui peut sembler pertinent au début, mais qui peut s'avérer contre-productif. Je vous invite à analyser les coopératives laitières pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la situation actuelle et leur mode de fonctionnement. Ce type d'entreprise a redonné ses lettres de noblesse à la coopération, censée faire évoluer le prix de sorte que chacun y retrouve son intérêt.

M. Daniel Salmon. - Lors des quelques auditions auxquelles j'ai participé, j'ai pu mesurer la difficulté de la tâche : les réponses aux questions pourtant très précises des rapporteurs étaient souvent très évasives, j'avais parfois l'impression d'assister à un jeu de poker menteur entre les industriels et la grande distribution. Il est difficile de savoir ce qu'il se passe réellement.

Je salue votre travail et je partage vos préconisations.

Néanmoins, il serait utile de préciser notamment la définition du prix abusivement bas et celle de la construction de l'indicateur du coût de production.

En outre, en matière de dates butoirs, les négociations commerciales ne semblent effectivement pas avoir porté les fruits attendus : peut-être faudrait-il attendre encore un peu pour juger du résultat dans la mesure où aucune tendance nette ne se dégage pour l'instant ?

Que pensez-vous d'un « tunnel de prix » ? Cette pratique utilisée dans la filière laitière permet d'assurer un revenu décent au producteur et d'intervenir lorsque les conditions sont défavorables, au moyen d'une baisse de la production. C'est donc une forme de régulation.

Enfin, je relève une divergence dans nos points de vue : elle concerne la montée en gamme. Celle-ci me semble indispensable pour garantir une nourriture de qualité. C'est une question de santé publique et surtout de protection de nos marchés intérieurs. Pour parvenir à cette montée en gamme, il faut attaquer, comme vous l'avez précisé, les plateformes établies à l'étranger qui permettent de contourner complètement la loi Egalim.

M. Bernard Buis. - Je remercie les rapporteurs pour le travail fourni tout au long de cette année et les axes de proposition documentés qu'ils nous ont présentés.

Je tiens à souligner combien le prononcé systématique des sanctions est essentiel pour marquer les esprits et en finir avec le sentiment d'impunité qui règne aujourd'hui. Si nous y parvenons, nous aurons bien avancé.

M. Laurent Duplomb. - Je souhaite m'opposer à ce que vient de dire notre collègue Daniel Salmon. Il n'est pas sérieux de promouvoir une montée en gamme sans s'intéresser aux évolutions du marché !

Pendant 30 ans, j'ai contribué en tant que producteur de lait à l'installation et au soutien des agriculteurs bio : aujourd'hui, j'en ai assez !

Pendant 20 ans, j'ai accepté le prix du lait qu'avait fixé ma coopérative de manière à verser 100 euros de plus aux agriculteurs bio. Leur lait était alors mélangé à celui que je produisais et recueilli dans une même citerne, car les coûts étaient trop élevés pour assurer des collectes distinctes. En outre, le lait bio n'était pas mis en vente, car la consommation n'était pas en adéquation avec la production. À l'époque, je trouvais normal de contribuer pour le développement d'une nouvelle activité. Or, ces dix dernières années, 50 % du lait bio a été déclassé pour devenir du lait conventionnel, car la demande n'était pas en adéquation avec la production. Ainsi, pendant 20 ans, un certain prix a été payé parce qu'il était plus facile de collecter deux types de lait en les mélangeant et, à présent, le prix payé tient compte des deux collectes séparées, mais une partie du lait bio est finalement mélangé au lait conventionnel. En termes d'empreinte carbone, j'imagine que c'est catastrophique !

Aujourd'hui, je suis las d'entendre des discours truffés de contre-vérités ! Tout produit doit correspondre à la réalité des besoins de consommation. Faire de l'agriculture une posture politique, proposer à des fins démagogiques des produits qui ne sont pas consommés et expliquer ce qu'il faudrait faire finit par être contre-productif !

Lactalis dit très clairement que si les producteurs bio ne se « déconventionnent » pas, ils ne seront plus collectés.

Pendant combien de temps allons-nous persévérer dans ce dogme ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Voilà qui est dit. Nos rapporteurs vont apporter un peu d'apaisement.

M. Olivier Rietmann. - Je souhaite rebondir sur le propos de notre collègue Laurent Duplomb pour évoquer la situation de la volaille, car elle est aujourd'hui particulièrement préoccupante : plus de 50 % de la volaille consommée est importée. Les États généraux de l'alimentation ont impulsé très fortement une montée en gamme dans ce secteur, délaissant complètement la production de volaille sanitairement et qualitativement irréprochable, mais plutôt de premier prix. Contraint de choisir entre la montée en gamme et son porte-monnaie, le consommateur a opté pour la solution la moins chère - ce qui est compréhensible - et achète de la volaille importée !

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure- Je remercie Jean-Claude Tissot pour ses remarques que je vais compléter.

Le présent rapport porte exclusivement sur le titre Ier de la loi Egalim 1, consacré à l'amélioration de l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Or celle loi traite en effet d'autres sujets : le titre II porte sur une alimentation saine, de qualité, durable, accessible à tous et respectueuse du bien-être animal ; le titre III concerne des mesures de simplification dans le domaine agricole.

Compte tenu de l'actualité, nous n'avons pas eu le temps de nous intéresser au volet cantines et restauration hors domicile. Cependant, un débat est en cours pour étendre Egalim à la restauration privée et ce sera notre sujet à venir.

Je suis d'accord sur le fait que depuis la première loi Egalim, nous avons un temps de retard sur les acteurs qui, eux, renouvellent très rapidement leurs pratiques : les distributeurs ont développé des centrales d'achat et de services, et il est difficile de savoir ce qui y est négocié. Or, comme il s'agit de plans d'affaires, les conséquences peuvent être lourdes pour les opérateurs malgré l'amélioration de la gestion des pénalités logistiques.

Par ailleurs, il est important de noter que deux principes prévalent en matière de pénalités : la preuve et la proportionnalité. La pénalité doit en effet être proportionnelle au préjudice subi. Cependant, nous avons des difficultés à nous assurer que ces deux éléments de la définition de la pénalité sont bien respectés. Il nous faut approfondir ce sujet.

J'en viens à présent aux clauses de révision. Lorsque ces dispositifs ont été introduits dans la loi Egalim 2, nous nous intéressions exclusivement à la MPA, en prenant appui sur les seuls indicateurs de coût de production initiaux. Il ne faut pas en rester là, car les industriels récupèrent sur les MPI et ne prennent pas en compte les hausses d'énergie et de transport que subissent les producteurs. En fait, tous les acteurs - fournisseurs, industriels et producteurs - sont en difficulté parce que l'ensemble de leurs charges n'est pas pris en compte. On en revient au débat de la première loi Egalim : le revenu des agriculteurs ne dépend pas que des prix : si les charges sont élevées, le compte n'y est pas ! La faiblesse de la loi Egalim réside dans le fait qu'elle n'aborde que le prix, ignorant tous les éléments de fragilité qui se sont développés entretemps.

Enfin, s'agissant des effets induits de la LME, nous sommes tous conscients que, dès son entrée en vigueur, cette loi qui porte en substance la guerre des prix et les publicités comparatives a orienté la stratégie et la posture des différents acteurs, notamment celle des distributeurs.

M. Daniel Gremillet, rapporteur du groupe de suivi. - Je voudrais remercier celles et ceux qui ont pu se rendre disponibles pour nos auditions, puisqu'elles étaient ouvertes. Certains ont pu constater qu'il n'était pas toujours aisé d'obtenir des réponses à nos questions pourtant très précises.

Tout d'abord, comme nous l'avions souligné dès le début de nos travaux, quel que soit le secteur et cela vaut aussi pour une famille, un revenu se calcule toujours en tenant compte des charges.

Par ailleurs - et c'est la première fois que nous le faisons de manière aussi claire, nous tenons à vous alerter sur le fait que la loi Egalim peut s'avérer dangereuse pour l'agriculture française : en effet, le contexte n'est plus national, mais européen, et l'agriculture française n'est pas seule en Europe. Or l'idée de la montée en gamme a fait oublier la compétitivité de la ferme France qui, rappelons-le, est composée à la fois d'agriculteurs et d'entreprises. Certaines gammes de produits ne sont plus fabriquées en France, en termes de matières premières agricoles, et parfois même plus du tout par l'industrie française, d'où le remplacement du logo « France » par le logo « UE ». Il s'agit d'une lame de fond et c'est très inquiétant. Je pense que nous devrions avoir pour ambition que l'agriculture française soit en capacité de répondre à toutes les attentes des consommateurs français, tant en termes de types de consommation que de gammes. N'oublions pas que pour faire vivre les campagnes, les marchés doivent être au rendez-vous !

J'en viens à une autre tendance qui devrait nous alerter. Certes, notre volonté de réglementer a abouti puisque les pénalités logistiques ont été intégrées dans la loi et c'est une bonne chose. En revanche, depuis la première loi Egalim, de nombreuses centrales d'achat se sont formées. Elles sont aujourd'hui en position dominante tandis que nous avons toujours un temps de retard.

S'agissant du prix tunnel, il faudrait tout d'abord que les interprofessions produisent des indicateurs plus rapidement : en effet, malgré nos demandes réitérées, nous manquons d'indicateurs dynamiques et, pour certains produits, les données remontent à un an, voire deux ans. Tout peut être écrit dans une loi, mais, si les bons chiffres n'arrivent pas au bon moment, le résultat n'est pas celui escompté. Par ailleurs, les agriculteurs devraient s'engager davantage en matière de contractualisation : force est de constater que la situation n'a pas beaucoup avancé depuis Egalim 1, comme le rappelait notre collègue Henri Cabanel.

Il me semble aussi que sortir du schéma franco-français - si vous nous y autorisez, madame la présidente - pour observer la situation dans d'autres pays, par exemple en matière de contrats et d'achats, pourrait s'avérer judicieux. En Allemagne, le prix du lait payé au producteur, sans loi Egalim, est le même à l'euro près que le prix français et il est même plus élevé que celui-ci - en ce moment même - rapporté au mois. Et si je reprends les prix au moment de la crise, le différentiel s'élevait à 100, voire 150 euros de plus dans certains pays comme l'Irlande, l'Allemagne et les Pays-Bas, et ce toujours sans loi Egalim.

S'agissant de l'agriculture biologique, je souhaite apporter un peu d'apaisement. Je connais des producteurs bio qui sont mieux rémunérés lorsque leurs produits - lait ou viande - sont vendus en tant que produits issus de l'agriculture conventionnelle. Pour autant, ils ne décident pas d'abandonner leur certification bio. Cela me paraît tout à fait compatible et montre qu'il ne s'agit pas d'un problème de déconventionnement. Je pense qu'il est positif de retrouver sur nos territoires une certaine liberté d'entreprendre et de schéma de production. Ne mettons pas le secteur bio en situation de fragilité, car la compétitivité s'intensifie sur ce marché au sein de l'Union européenne !

Concernant les collectivités, un certain nombre d'auditions ont eu lieu, mais nous n'abordons pas ce sujet dans le rapport par crainte d'être incomplets, car il est complexe. Nous le traiterons bien sûr prochainement. Nous avons d'ores et déjà pu constater que les communes, les départements et les régions consacrent beaucoup d'énergie, de temps et de moyens pour appliquer la loi Egalim. Peut-être serait-il judicieux de réfléchir à une simplification en proposant par exemple le recours à des produits issus du territoire ? Nous avons prévu de travailler sur les autres titres des lois Egalim comme l'a rappelé Anne-Catherine Loisier.

Enfin, comme notre collègue Bernard Buis, je suis favorable à un prononcé systématique des sanctions et cela figure dans nos recommandations. Jusqu'à présent, la DGCCRF nous avait semblé plutôt timide en la matière, mais il semble qu'un cap supérieur a été franchi récemment puisque le nombre de sanctions et de pénalités augmente. Il me paraît nécessaire de renforcer les contrôles et de prononcer des pénalités dès lors qu'une anomalie est constatée.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure du groupe de suivi. - Je souhaite apporter deux compléments.

Le sujet des marges des MPI était difficile à appréhender dans les phases précédentes, car la loi Egalim se concentre sur la MPA. Il s'agit donc d'une question de rééquilibrage. Nous proposons de remplacer la clause de renégociation par une clause tenant compte de l'évolution du coût des MPI. S'agissant de la procédure, il faudra rajouter un élément relatif aux MPI et surtout pas se concentrer uniquement sur la MPA.

Concernant le SRP + 10 %, nous avons eu un débat important il y a deux ans. Je suis convaincue qu'il est de notre responsabilité de législateur d'éclaircir ce point. Cela représente des milliards et nous ne pouvons pas continuer à verser ces sommes sans nous assurer que l'objectif fixé est atteint. Il est donc crucial que nous approfondissions ce sujet. J'ose suggérer que la commission se dote de pouvoirs d'enquête, car il est souvent difficile d'obtenir des données, notamment en raison des centrales d'achat à l'étranger. Nous devons réfléchir à la manière de nous procurer ces chiffres.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous allons procéder au vote sur ce rapport et sur les recommandations formulées afin de permettre sa publication.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport à l'unanimité et en autorise la publication.

Proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie - Désignation d'un rapporteur

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, avant de nous séparer, il nous reste à procéder à une désignation de rapporteur. Nous devons désigner un rapporteur sur la proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, déposée par notre collègue Daniel Salmon. Elle sera examinée en commission le 4 décembre prochain, juste après la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. L'examen en séance publique aura lieu le jeudi 19 décembre, à partir de 10 h 30, dans l'espace réservé du groupe Écologiste-Solidarité et Territoires.

Je vous propose la candidature notre collègue Bernard Buis.

La commission désigne M. Bernard Buis rapporteur sur la proposition de loi n° 839 (2022-2023) en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, présentée par M. Daniel Salmon et plusieurs de ses collègues.

La réunion est close à 11 h 55.

La réunion est ouverte à 16 h 45.

Audition de M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous accueillir au sein de notre commission des affaires économiques. Le dernier ministre des outre-mer entendu, dans le cadre du budget, dans cette salle de commission était Madame George Pau-Langevin en 2015. Aujourd'hui, au regard des enjeux socio-économiques auxquels font face nos départements et régions d'outre-mer, nos collectivités d'outre-mer, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, il m'a paru important de vous entendre et nous le referons dans les mois à venir, en coordination avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par notre collègue sénateur de Saint-Barthélemy Micheline Jacques, que je salue et qui est membre de notre commission.

Il n'est pas possible de décrire les enjeux des outre-mer de façon globale et univoque, tant chaque territoire est unique, de par son histoire, sa géographie, ses problématiques et ses aspirations.

Aussi, Monsieur le ministre, je ne donnerai que quelques coups de projecteurs et je commencerai logiquement par évoquer la crise du pouvoir d'achat en Martinique, d'où vous revenez d'une visite de quatre jours. Si un amendement du Gouvernement visant à exempter de TVA certains produits de première nécessité en Martinique et en Guadeloupe est un signal positif, de même que la signature du protocole de lutte contre la vie chère le 16 octobre, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter sur le long terme au fléau de la vie chère, vécue comme une profonde injustice par certains de nos compatriotes ?

Concernant plus spécifiquement les actions de la mission outre-mer, j'évoquerai un sujet qui me tient à coeur et pour lequel je sais que la délégation avait rendu un important rapport en 2021, celui du logement. Les chiffres en la matière sont assez inquiétants : la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (Erom) prévoyait la construction de 15 000 logements sociaux par an pendant 10 ans, la réalité est que moins de 4 000 logements sont en moyenne livrés chaque année depuis 2017, et du côté de la réhabilitation, les chiffres ne sont guère plus encourageants. Or, nous savons que ces territoires, pour des raisons démographiques et de faiblesse des revenus, ont un besoin crucial de logements sociaux, je pense à Mayotte ou à la Guyane, quand d'autres, pour des raisons également démographiques, tenant au vieillissement de la population, sont en demande de réhabilitation et de transformation des logements, je pense notamment à la Guadeloupe, à la Martinique, voire à la Réunion, où les besoins sont plutôt mixtes.

Enfin, un autre sujet de préoccupation concerne l'avenir du tissu économique ultramarin, au moment où des dispositions du PLFSS, si elles venaient à figurer dans le texte final, font craindre un effet boule de neige sur les entreprises ultramarines et où les crédits en loi de finances destinés à soutenir le « prêt développement outre-mer », qui intervient pour les besoins en fonds de roulement des entreprises, affichent une baisse spectaculaire.

Dans le contexte budgétaire que chacun sait délicat, et alors même que les besoins des territoires ultramarins sont parfois urgents, quelles sont les lignes de force du budget de votre ministère pour 2025 ? Vous avez déclaré devant la délégation aux outre-mer que la baisse de 37 % du programme 123, qui supporte l'essentiel des interventions de la mission en faveur des territoires ultramarins, n'était « pas négligeable », alors qu'il fallait respecter le lien de confiance entre l'État et ces territoires.

Et par-delà le débat budgétaire, quelle est votre vision des priorités pour les années à venir de la politique en faveur des outre-mer ? Je sais que vous êtes attaché à travailler à une meilleure adaptation des normes aux réalités ultramarines, de même qu'à l'importance d'éviter de produire de la norme non concertée depuis Paris, c'est sans doute là votre côté sénatorial qui s'exprime !

Monsieur le ministre, je vous cède sans plus tarder la parole en vous rappelant que cette audition est diffusée en direct sur le site internet et les réseaux sociaux du Sénat. Ce sont ensuite nos collègues qui vous interrogeront en commençant par Micheline Jacques, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer et rapporteur pour avis des crédits de la mission outre-mer.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. - Merci pour cet accueil, c'est un grand plaisir d'être parmi vous, ici au Sénat, et dans cette salle où j'ai parfois siégé. Je commencerai par vous présenter ma feuille de route, qui est en construction.

Les crédits de la mission « Outre-mer » viennent en appui des politiques sectorielles pour prendre en compte les spécificités ultramarines et des enjeux prioritaires. Les objets d'intervention sont très nombreux, très interministériels, ils concernent en particulier la politique du logement, le soutien aux collectivités territoriales dans le portage de leurs projets structurants, dans le redressement de leurs finances, ou encore dans le financement d'infrastructures essentielles. La situation actuelle demande des réponses rapides, dont certaines relèvent du bon sens et d'autres de l'urgence, dans le cadre de l'examen budgétaire.

Dans le PLF pour 2025, les crédits de cette mission baissent de 12 % en autorisations d'engagements (AE) et de 9 % en crédits de paiements (CP), par rapport à la loi initiale 2024. Cette baisse est beaucoup plus forte pour le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », avec - 37 % en AE, alors que pour le programme 138 « Emploi outre-mer » il y a une légère hausse liée à l'augmentation du montant du remboursement des exonérations de charges sociales à la sécurité sociale.

Face à cette baisse annoncée des crédits, j'ai dit clairement que j'entendais bâtir un budget autour d'une priorité simple : tenir les engagements de l'État, c'est sur cette ligne que l'on peut construire une relation de confiance entre l'État, les territoires d'outre-mer et leurs élus - je ne vous apprends rien, au Sénat, mais ce devrait être la base des relations entre l'État et les territoires. Je tiens un langage de vérité en prônant le nécessaire équilibre entre la juste contribution des outre-mer à l'effort national de redressement de nos comptes publics, dont vous savez la situation très dégradée, et la préservation des intérêts essentiels de nos territoires ultramarins, en faveur desquels je suis à l'ouvrage depuis mon arrivée, il y a deux mois.

Avant de vous parler du PLF 2025, je voudrais insister sur les crédits que j'ai obtenus auprès du ministre en charge des comptes publics, très attentif à mes demandes, pour assurer la fin de gestion 2024 et tenir les engagements de l'État : 220 millions d'euros en AE et 225 millions d'euros en CP ont été « dégelés » et nous avons obtenu des crédits nouveaux, pour 55 millions d'AE et 33 millions d'euros de CP.

Sur le PLF 2025 lui-même, nos échanges se poursuivent avec le ministre du budget et des comptes publics, j'ai bon espoir que mon budget soit rehaussé pour tenir les engagements de l'État, c'est une ligne forte. L'objectif est, en toute transparence, d'atteindre le niveau de crédits de 2024, même si, toujours en toute transparence, nous serons probablement légèrement en dessous, au titre de la participation de la mission au redressement des comptes de la France. Les négociations se poursuivent autour des besoins essentiels identifiés et nous convergeons sur cette ligne directrice consistant à préserver la continuité territoriale, les contrats de convergence et de transformation, les contrats de redressement en outre-mer (Corom), la ligne budgétaire unique (LBU) et les crédits d'intervention de l'Agence française du développement (AFD).

Comme vous le savez, les collectivités contribuent cette année à la réduction de la dépense publique à travers la mise en place d'un fonds de précaution inscrit à l'article 64 du PLF 2025. L'application de ce dispositif aurait conduit à prélever près de 86 millions d'euros aux collectivités ultramarines. Avec ma collègue aux collectivités locales, nous avons obtenu d'en écarter presque toutes les communes ultramarines ; il reste trois intercommunalités, dont deux à La Réunion, je ne suis pas sûr que nous parvenions à leur éviter de participer à ce fonds.

Mais je le dis aussi très simplement : les crédits obtenus doivent correspondre à la capacité des acteurs locaux de les dépenser dans de bonnes conditions. Nous constatons que des crédits disponibles ne sont pas utilisés, on doit s'interroger sur les raisons de cette situation. En particulier sur la consommation des fonds européens, on se demande parfois pourquoi des dossiers pourtant bien partis n'avancent pas et je pense qu'on fera des progrès en accompagnant les élus, en mettant à leur disposition une équipe technique réduite mais efficace, pour les aider à débloquer une procédure - parce que le problème, aussi, est que si les projets financés ne se font pas, les financements eux-mêmes risquent d'être repris...

Je veux vous présenter ma feuille de route autour de quatre axes.

Premier axe, je veux renforcer l'appui de l'État au développement des territoires et à la création de valeur - cette notion de création de valeur est décisive, nous devons optimiser le développement économique, il y a des pépites dans nos territoires, il y a aussi des pans entiers où nous avons des marges de progression claire, par exemple en matière agricole : l'autosuffisance alimentaire en Martinique est de 20 %, on peut créer les conditions pour faire largement mieux. L'investissement des collectivités est un moyen essentiel pour préparer l'avenir des outre-mer et réunir les conditions d'une croissance durable créatrice d'emplois - le chômage est très élevé dans les outre-mer. Cet investissement répond aux attentes légitimes de nos concitoyens, qu'il s'agisse d'infrastructures de transports ou d'équipement de santé.

Dans ce cadre, la nouvelle génération des contrats de convergence et de transformation (CCT) vient d'être signée avec un engagement de l'État à hauteur de 794 millions d'euros sur la période 2024-2027. Ces contrats contribuent au développement économique, social ainsi qu'à la transition écologique et énergétique des territoires ultramarins en cofinançant les projets d'investissements structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer. La transition écologique et énergétique est décisive, parce qu'on part d'assez bas outre-mer et parce qu'on a une capacité de progrès importante, c'est intéressant pour les outre-mer.

Pour 2025, je souhaite que les crédits que nous allons mobiliser répondent à la capacité effective d'engagement des projets et qu'ils soient lissés sur une plus longue période, par exemple 6 ans, à l'instar des contrats de plan État-Régions. Ensuite, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) est un levier pour financer des équipements structurants des territoires ultramarins et y améliorer les conditions de vie des populations, avec un fort impact sur l'emploi et la commande publique ; le PLF pour 2025 l'abonde de 110 millions d'euros en AE, c'était 160 millions d'euros l'an passé, mais nous avons constaté que des crédits n'étaient pas consommés - l'enjeu de se mettre au niveau de consommation effectif des crédits, c'est aussi de pouvoir les allouer d'autres secteurs.

Les communes les plus fragiles seront accompagnées dans l'assainissement de leurs finances au titre des Corom, contrats qui fonctionnent très bien - 12 contrats sont en cours, ils représentent 9,9 millions d'euros en AE et 21,7 millions d'euros en CP. Les maires qui se sont engagés dans ces contrats, parfois sans trop y croire, en sont contents.

Je souhaite que les moyens de l'AFD dédiés tant au financement des collectivités territoriales avec des prêts favorisant le développement durable des outre-mer, qu'au soutien à l'ingénierie locale, soient sanctuarisés.

Je n'oublie pas non plus les dispositifs fiscaux portés par la mission outre-mer et qui participent de cette croissance. La défiscalisation des investissements productifs est ainsi prolongée jusqu'en 2029.

Deuxième axe de ma feuille de route : donner des perspectives à la jeunesse. La jeunesse ultramarine rencontre des obstacles importants pour se former, trouver un emploi et tout simplement vivre dans leur propre territoire. Les besoins sont immenses et les réponses doivent être multiples -pour faire face aussi bien à la croissance démographique à Mayotte et en Guyane, qu'aux départs massifs de Martinique, de Guadeloupe ou encore de Wallis-et-Futuna, qui se traduisent par une diminution marquée de la population de ces territoires. En Martinique, on est passé en dix ans de 380 000 à 340 000 habitants, le recul démographique s'accélère, c'est un point d'alerte très important. En conséquence, l'État mobilise 115 millions d'euros pour financer des projets de construction, de rénovation ou d'extension d'établissements scolaires déjà existants pour accueillir, dans de bonnes conditions, l'ensemble des élèves du premier degré à Mayotte et en Guyane et du second degré en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, hors reconstruction des bâtiments détruits dans le cadre des événements du 13 mai dernier.

Parallèlement à cela, je souhaite porter un effort appuyé à la valorisation des talents et des résultats des jeunes ultramarins qui effectuent des parcours remarquables, mais également au développement du vivier des cadres locaux au travers du développement du programme « Cadres d'avenir », qui accompagne cette année près de 110 talents vers l'excellence. L'aide au retour des forces vives et l'accompagnement des étudiants seront également au centre des nouvelles mesures portées par l'Agence de mobilité des Ultramarins (Ladom). Au total, 22 millions d'euros financeront l'aide à la formation professionnelle, dont 11 millions d'euros seront dédiés aux dispositifs locaux de formation des cadres. Les moyens du service militaire adapté (SMA) s'élèveront à 73 millions d'euros en AE et 59 millions d'euros en CP. Fleuron de l'insertion professionnelle des publics les plus éloignés du marché de l'emploi, l'efficacité du SMA n'est plus à démontrer : il a su atteindre un taux d'insertion supérieur aux trois-quarts de ses 6 000 jeunes volontaires stagiaires, c'est un dispositif qui réussit et qu'il faut soutenir.

Plus largement en matière d'emploi, je suis particulièrement attentif à l'efficacité du dispositif d'exonération des cotisations sociales issu de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodeom). Vous le savez, le fameux article 6 du PLFSS pour 2025 entendait réformer cette exonération, les députés s'y sont opposés, mais l'article est réapparu hier au Sénat, dans une rédaction un peu différente, nous suivons cela de très près.

Troisième axe de ma feuille de route : conforter le pouvoir d'achat des Ultramarins. Nous constatons un écart de prix de 40 % sur certains produits avec l'Hexagone, c'est inacceptable, il faut dire les choses telles qu'elles sont - je ne vois pas comment nous l'accepterions, nous, dans l'Hexagone. Le protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère pour la Martinique, signé le 16 octobre dernier entre le monde économique martiniquais, la collectivité territoriale de Martinique et l'État, vise quelque 6 000 produits
- pas seulement alimentaires, il y a d'autres produits de première nécessité, en tout, 69 familles de produits -, avec l'engagement que leur prix baisse de 20 % à compter du 1er janvier prochain. La mécanique est en route, c'est essentiel, les conditions de son adaptation à d'autres territoires ultramarins doivent être étudiées, car cette dynamique est fondée sur la synergie des efforts de chacun.

Ces orientations complètent les outils déjà portés par mon ministère : appui à la négociation des « boucliers qualité-prix », moyens dédiés aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), dont les moyens d'étude s'élèveront à 600 000 euros en AE et CP l'an prochain. Ce montant sera revu pour tenir les engagements pris au profit de l'OPMR des Antilles. En parallèle de la mise en oeuvre de l'accord, il faut contrôler les choses, voir s'il n'y a pas d'effet d'aubaine. Il faut la vérité des prix, la vérité des situations, nous allons faire un audit de la vie chère, piloté par l'OPMR de Martinique, pour collationner les études qui existent déjà, je sais que la délégation sénatoriale aux outre-mer y travaille également : nous allons travailler ensemble et trouver une solution, dans le cadre d'un « Oudinot de la vie chère », contre ces écarts de prix - les prix ne peuvent pas être identiques, mais l'écart actuel n'est pas acceptable.

Quatrième axe : améliorer les conditions de vie du quotidien. Et d'abord par le logement ; les crédits inscrits à la ligne budgétaire unique (LBU) s'élèvent pour 2025 à 260 millions d'euros en AE et à 184 millions d'euros en CP, soit un recul de 32 millions d'euros en AE par rapport à cette année. Cette diminution des crédits ne remet en question ni le niveau d'intervention de l'État, ni la dynamique engagée depuis plusieurs années pour soutenir la construction et la réhabilitation de logements sociaux - nous avons, cette année, financé la construction et la réhabilitation de plus de 8 500 logements et il faut aussi compter, en plus de la LBU, avec les dispositifs fiscaux spécifiques, la TVA réduite et les crédits d'impôt. Cependant, nous demeurerons en deçà des objectifs, le nombre de logements financés n'augmente guère, car les opérations coûtent plus cher en raison notamment de l'augmentation des coûts des matériaux, de la rareté du foncier aménagé et du nombre plus important des opérations de réhabilitation en coeur de villes, qui sont plus onéreuses. Il y a la volonté de construire, mais il y a trop souvent un obstacle - il peut être foncier, ou normatif, ou encore budgétaire avec le décalage de coût entre le projet et la réalisation, les matériaux s'étant de beaucoup enchéris depuis la crise sanitaire. Une des pistes de maîtrise du coût des matériaux consiste à faciliter l'importation de produits en provenance d'États voisins. Pourquoi faire venir du bout du Rhône des matériaux à Papeete ou à Fort-de-France ? Pour cela, nous avons obtenu des institutions européennes la possibilité de nous affranchir du marquage « CE », avec un nouveau marquage « RUP » - régions ultrapériphériques -, pour les produits du BTP. Par ailleurs, je reste convaincu que l'action conjointe de l'ensemble des parties prenantes, dont les collectivités et les bailleurs, doit permettre d'innover, d'associer de nouveaux partenaires et de trouver des solutions moins coûteuses. D'ici le début de l'année, le troisième Plan logement outre-mer permettra de fixer les priorités de cette action commune et une stratégie pour y répondre.

S'agissant de la continuité territoriale, enjeu majeur d'équité et de solidarité à l'égard de nos compatriotes ultramarins, le nombre de ses bénéficiaires a quasiment doublé entre 2018 et 2023, passant de 38 879 à 78 810, du fait du relèvement du seuil de ressources
- je vous l'ai dit, j'ai toutes les assurances que les moyens de la continuité territoriale seront maintenus l'an prochain.

Je veille aussi à ce que les crédits dédiés aux plans Chlordécone et Sargasse, - issus du programme 162 « Cohésion des territoires » - soient maintenus à un niveau compatible avec l'avancée de ces plans, ils fonctionnent très bien, je l'avais constaté dans le cadre des travaux de la commission des lois du Sénat en 2023, au sein de laquelle je siégeais.

Au-delà des crédits du ministère chargé des outre-mer, d'autres missions budgétaires ont un impact outre-mer, il faut y prêter attention dans le débat actuel sur la situation dans nos outre-mer. Je pense en particulier à Mayotte, un effort particulier de convergence est en cours de définition - une enveloppe de 100 millions d'euros devrait être mobilisée, soit dans la mission « Outre-mer », soit dans la mission « Collectivités territoriales ». Je pense également à l'effort de reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, qui devra aussi faire l'objet d'un traitement budgétaire spécifique.

Le Comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui se tiendra en mars prochain, sera l'occasion de réajuster notre action autour de quatre thèmes principaux : la création de valeur ; la jeunesse et l'insertion professionnelle ; la transition écologique et ses filières de décarbonation, l'énergie et les transports ; l'accès aux services publics : le logement, la santé et l'eau. Nous aurons l'occasion d'y revenir, je suis très attaché au développement économique de nos territoires, je crois aux opportunités de ce qu'on appelle « l'économie bleue » et je suis mobilisé contre la vie chère.

Nous avons besoin collectivement de mieux faire connaître nos outre-mer, c'est un lieu commun de le dire mais ils sont une chance pour la France, de même que la France est une chance pour les outre-mer, il faut en être conscient. Certaines filières sont très développées outre-mer, nos territoires ultramarins, au nombre de 13, dont 12 sont habités, ont un potentiel de développement sur l'économie bleue, sur l'agriculture, il faut aider à la création de valeur - attention à la fragilité de nos outre-mer, le recul démographique traduit un malaise, attention aussi à l'illusion que certaines réformes institutionnelles pourraient suffire à résoudre les problèmes, les évolutions institutionnelles sont un outil au service des projets des territoires, pas une fin en soi. Le projet doit donc venir en premier.

Le prochain Ciom sera accompagné d'un document stratégique qui fixera les grandes lignes du développement de nos outre-mer, globalement et par territoire ; il sera rédigé en collaboration avec les élus des territoires et il esquissera la ligne d'horizon à cinq ou dix ans. Ce document répondra à un besoin de clarifier les stratégies, il aidera à lire les actions actuelles et facilitera la contractualisation, pour donner plus de perspective, de stabilité et, comme le dit le Premier ministre, pour « lever la ligne d'horizon », nous en avons besoin. Peu importe le temps que le ministre reste en place, ce qui compte c'est de commencer par la stratégie, en espérant sa pérennité, au service de nos compatriotes ultramarins.

Mme Micheline Jacques. - Les crédits de la mission « Outre-mer » baissent cette année, comme ceux de bien d'autres missions budgétaires. Ce budget pour 2025 est difficile, et je suis déterminée, Monsieur le ministre, à soutenir votre action et vos demandes d'augmenter certains de vos crédits budgétaires.

Je pense, en particulier, aux crédits pour la continuité territoriale : leur baisse de près de 14 millions d'euros est incompatible avec le respect des engagements que l'État a pris l'année passée lors du dernier Ciom et qu'il a commencé à honorer cette année. Ma première question est donc simple : soutiendrez-vous mon amendement visant à rétablir ces crédits ? Vous pouvez compter sur mon plein soutien sur ce sujet, de même que pour rétablir les crédits de Ladom, bras armé de la réforme de la continuité territoriale, et qui pourrait connaître un effondrement de ses dotations de près de 40 %.

Par ailleurs, le 10 avril dernier, le Parlement européen a ouvert la voie à la possibilité pour nos territoires de s'approvisionner en matériaux locaux, mieux adaptés à nos besoins et souvent moins onéreux - ces produits seront labellisés « RUP ». C'est un levier pour améliorer le rythme des constructions de logements, il ne coûte pas un centime à l'État : confirmez-vous votre engagement à faire aboutir rapidement ce dossier, que notre délégation aux outre-mer porte depuis 2017 ?

Enfin, nos collectivités d'outre-mer n'ont pas toujours les moyens pour abonder les fonds complémentaires aux subventions européennes - quand bien même le taux de subvention européen atteint 80 %. Dans ces conditions, je proposerai d'exonérer les collectivités d'outre-mer de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ; cela représente entre 30 et 35 millions d'euros par an, que les collectivités pourront utiliser pour leurs projets, en particulier ceux que l'Europe subventionne pour revaloriser les déchets : qu'en pensez-vous ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - Je veux rappeler le prêt développement outre-mer (PDOM) porté par Bpifrance, financé par le programme 138 et qui représente 2,4 millions d'euros pour 2025 : c'est insuffisant, je veux augmenter ce montant et je compte sur votre soutien pour y parvenir.

La continuité territoriale est un enjeu fort, l'aide a été élargie ces dernières années, elle prend en charge les frais de billets d'avion longue distance jusqu'à 100 % pour les étudiants ; nous maintenons cette action, elle est prioritaire, et si le prix des billets augmente, nous suivrons l'augmentation. La ligne budgétaire passe de 76 à 63 millions d'euros l'an prochain - si on peut revenir au montant de l'an dernier, nous le ferons.

Le marquage « RUP » est important, nous attendons la désignation du commissaire européen en charge de ce dossier, elle doit intervenir dans la première semaine de décembre. Nous le contacterons aussitôt pour plaider notre cause, et bien marquer que nos territoires ultramarins aussi ont besoin des financements européens.

La TGAP outre-mer fait l'objet d'une évaluation, si l'on peut avancer sur le sujet, nous le ferons.

M. Frédéric Buval. - Madame la présidente, je tiens à saluer vos propos sur la Martinique.

Monsieur le ministre, votre venue récente en Martinique vous a montré les défis mais aussi les extraordinaires potentialités de développement économique de notre territoire. Les mobilisations contre la vie chère révèlent des dysfonctionnements résultant de notre histoire commune, mais également la sous-capitalisation de nos entreprises, - qui sont à 90 % des PME -, et la sous-dotation systémique des collectivités territoriales, alors qu'elles sont les véritables moteurs de l'investissement local.

Vous comprendrez donc bien que ce projet de loi de finances nous inquiète, tant sur les moyens mobilisés par l'État pour la reconstruction des entreprises et des équipements détruits lors des manifestations contre la vie chère, que sur le maintien des niveaux d'investissements accordés par le précédent gouvernement, en particulier dans le cadre des Corom.

Je prendrai l'exemple des investissements annoncés pour la reconstruction de l'hôpital de la Trinité, attendue depuis déjà 17 ans, alors que ce projet structurant fait l'unanimité. L'Agence régionale de santé (ARS), le 9 février 2024, a validé une aide de l'État de 90 millions d'euros pour la reconstruction de cet hôpital : l'État va-t-il tenir son engagement ?

M. Patrick Chaize. - Nous avons, l'an passé, voté des crédits pour que Mayotte déploie son plan de desserte du numérique à très haut débit sur l'ensemble du territoire ; or, ces crédits ont été annulés par le décret désormais bien connu de février dernier, alors même qu'il s'agissait d'autorisations d'engagement, et non de crédits de paiement. Trois ministres, dont votre prédécesseur, se sont engagés à ce que ces autorisations d'engagement figurent dans le PLF pour 2025, ce n'est pas le cas. Nous allons proposer d'y remédier par amendement : nous soutiendrez-vous ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - Tout ce que pourra faire le Gouvernement pour soutenir les territoires ultramarins sera fait. Concernant plus spécifiquement la Martinique, les événements très violents qui se sont produits ne sont pas neutres, j'ai eu des commerçants au téléphone qui ont été pillés, ce n'est pas supportable. Il y a un sujet d'assurance, puisque si les assureurs couvrent les dégâts causés, ils posent des problèmes pour assurer de nouveau. En commun avec le ministère de l'économie et des finances, nous demandons aux assureurs de tenir leurs engagements, et nous travaillons sur la poursuite de l'assurance ; il y a un dispositif à l'échelon européen, mais il ne concerne que les catastrophes naturelles, pas les émeutes, il faut trouver une solution. Il y a d'autres pistes, nous en avions évoqué, au Sénat, dans un rapport d'information publié en avril dernier par la commission d'enquête sur les émeutes urbaines de juin 2023 - en particulier à Nanterre -, par exemple la création d'un fonds national de secours en cas d'émeutes : il serait peut-être temps d'initier un tel fonds. En attendant, nous avons mis en place du chômage partiel, et allongé les délais de paiement pour les charges sociales et fiscales, c'est une aide supplémentaire.

Je n'ai pas la réponse sur l'hôpital de La Trinité, je vous répondrai ultérieurement. Il y a de toute évidence un besoin. Je note d'ailleurs que dans le cadre du Corom en court pour la commune de La Trinité, il est prévu 2 640 000 euros d'aide.

Sur les contrats de convergence et les Corom, les chiffres montrent que l'ensemble fonctionne assez bien, on est à pleine charge pour la commande publique, mais il faut aussi que les collectivités assurent le paiement de leurs fournisseurs et l'engagement des projets. Les crédits sont parfois sous-consommés, pour diverses raisons qu'il faut regarder, mais qui ont toutes pour effet de priver l'économie locale d'un levier de création de valeur, il faut y faire attention. Pour la Martinique, le contrat de convergence 2024-2027 porte sur 23 365 000 euros, c'est loin d'être négligeable. Les montants sont proches de ceux du contrat précédent, pour lequel tout avait été consommé.

Quant au développement de la fibre à Mayotte, l'objectif est maintenu d'une couverture complète en 2028-2030, c'est une action du plan France Très Haut Débit, qui déploie plus de 50 millions d'euros, l'État s'était engagé à mobiliser des crédits additionnels pour 2025, c'est un sujet essentiel sur lequel allons tenir les crédits. La fibre fait partie des sujets fondamentaux de développement de ce territoire, tout comme la gestion de l'eau.

M. Fabien Gay. - Vous ne niez pas la baisse des crédits et vous voulez faire face à une situation complexe et diverse - je ne connais pour ma part que la Guyane et la Guadeloupe, je ne me permettrais donc pas de faire comme si je connaissais tous les outre-mer. Je suis élu de Seine-Saint-Denis, un département où la population est jeune et qui est discriminé en matière de services publics, Édouard Philippe l'a reconnu, car nous recevons proportionnellement moins de service public que les autres départements, alors que nous payons notre quote-part d'impôts. Je connais donc ce qu'est le manque de services publics ; cependant, lorsque je me rends en Guyane, j'ai le sentiment d'un autre monde - il y a des similitudes, on essaie de nous opposer entre mal lotis, mais nous avons en commun de subir le recul et la carence des services publics. On le vit différemment entre territoires et je trouve les élus ultramarins bien patients face à l'État : si j'étais sénateur d'un de ces territoires en souffrance, vous m'entendriez davantage encore ! En Guyane, on parle de 10 000 enfants non scolarisés, la ville de Maripasoula, la plus étendue du territoire, n'est pas reliée par la route - en Guadeloupe, 30 % de la population n'a pas accès à l'eau courante, c'est hors norme, et on ne peut le comprendre qu'en allant sur place ! J'ai passé une semaine avec des Amérindiens à Saint-Laurent-du-Maroni, je peux vous dire qu'en revenant, j'ai relativisé pendant quelques semaines au moins les problèmes que nous avons en métropole...

En sortant un peu du débat budgétaire de cette année, on devrait prendre la mesure de la situation outre-mer, se mettre autour de la table et voir qu'avant d'en arriver à appliquer nos politiques publiques ordinaires, il y a besoin d'un vaste, d'un très vaste plan de rattrapage pour certains territoires ultramarins ! Je ne saurais le chiffrer, mais je pense qu'il faudra compter en milliards d'euros, voire en dizaines de milliards d'euros, ou bien on n'y arrivera pas, ou bien on ne fera que poser quelques pansements ici ou là...

Cependant, vous le dites, tout n'est pas qu'une question de moyens : sur la construction par exemple, des crédits disponibles ne sont pas dépensés, faute de matériaux, d'entreprises, de savoir-faire. Alors, il faut commencer par arrêter des aberrations que l'on connaît, comme ces normes qui obligent à tout faire passer par Paris - il y a un travail réglementaire à faire, il est long et fastidieux, mais il est nécessaire.

Une question sur le projet de réserver 20 000 hectares en Guyane pour la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), tel qu'il résulte d'un accord passé en 2017 ; un amendement avait été adopté à l'Assemblée nationale, nous allons le représenter en séance publique : allez-vous le soutenir ? Il y a une vraie question d'autonomie alimentaire en Guyane.

M. Gilbert Favreau. - Les habitants des territoires d'outre-mer doivent faire face, ce n'est pas nouveau, à une inflation très importante du coût des transports - en particulier aériens, ce qui est décisif dans la mobilité et les liens économiques avec la métropole. Or, le PLF 2025 augmente la taxe de solidarité sur les billets d'avion : quelle est votre position sur ce sujet et comment garantir une meilleure accessibilité des Ultramarins à la métropole ?

La gestion de l'eau, ensuite, entre dans vos compétences, elle est défaillante outre-mer. Dans les Antilles, l'eau potable est diffusée de manière intermittente. À Mayotte, la mauvaise gestion de l'eau a même fait ressurgir, cet été, une maladie qu'on ne connaissait plus que dans les pays du tiers-monde : le choléra. Ces difficultés d'infrastructures freinent le développement économique de ces territoires. Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer ce service public ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - Je partage votre constat, Monsieur Gay. Le fleuve Maroni étant à sec, toute une partie de Guyane se trouve isolée, nous avons dû déclencher le plan Orsec pour répondre aux urgences, notamment par voie aérienne ; une étude va être rendue publique sur la modernisation d'une alternative routière aujourd'hui impraticable. De manière générale, les équipements publics demandent des travaux importants mais on ne sait même pas précisément où l'on en est, c'est pourquoi je veux de la méthode - l'objectif est de contractualiser sur des objectifs et un rythme de consommation des crédits. Vous le dites aussi, parfois on a les crédits, mais des procédures freinent, des volontés manquent - il faut débloquer des freins, cela ne coûtera pas et accélérera les choses. On a de quoi s'étonner quand on découvre le problème, je veux y mettre de la méthode.

Sur le projet concernant la Safer en Guyane, un effort est en cours pour le transfert de foncier, on prévoit un amorçage sur trois ans avec 250 000 euros annuels.

La taxe de solidarité sur les billets d'avion va passer de 2,63 euros à 9 euros par trajet : nous compenserons intégralement cette hausse par l'intermédiaire de Ladom, c'est une première réponse.

Les problèmes de gestion de l'eau dans les outre-mer ont diverses origines ; à Mayotte, c'est un problème de retenues collinaires ; en Guadeloupe, nous sommes face surtout à un problème de gestion, nous avons légiféré en 2021 pour constituer un syndicat de gestion de l'eau, il a été mis en place, son président vient tout juste d'être élu ; à La Réunion, les mouvements de terrain coupent les réseaux, il faut les réparer. À chaque territoire sa complexité ! Les conséquences sont importantes : en Martinique, on a parfois 26 jours de coupure d'eau, je défie quiconque d'accepter cela dans l'Hexagone. On a les outils pour avancer, il faut aller plus vite dans leur application.

Faudrait-il une sorte de plan Marshall pour les outre-mer ? Le budget des outre-mer représente plus de 25 milliards d'euros lorsqu'on comptabilise l'ensemble des transferts, mon ministère n'en gère que 15 %. Les transferts vers la Nouvelle-Calédonie représentent, en dehors de toute crise, 1,7 milliard d'euros, c'est considérable... Je crois que nous devons définir et mettre en place une stratégie, avec une forte détermination financière et qui passe par tous les leviers possibles. Ils sont là, je pense au port de Fort-de-France, l'État participe à hauteur de 35 millions d'euros, cet équipement portuaire sera un levier pour La Martinique tout entière, ne serait-ce que parce que de plus grands bateaux vont pouvoir apporter des produits à moindre coût, au-delà des emplois liés au port modernisé. Je pense aussi à l'usine de désalinisation prévue à Mayotte, c'est un atout de développement, de même que la construction d'une nouvelle piste pour son aéroport. On peut relever le défi mais il faut de la méthode et, c'est ma conviction, un plan à 5 ou 6 ans pour mettre l'action publique en perspective.

M. Philippe Grosvalet. - Un grand port maritime est un atout, effectivement, à condition que les grands armateurs français n'imposent pas leurs conditions en menaçant de passer par une autre route - je parle d'expérience à Nantes-Saint-Nazaire, mais cela vaut pour les Antilles.

On s'émeut de la cherté de la vie, mais nos compatriotes ultramarins subissent une double peine, parce que non seulement les prix sont plus élevés outre-mer, mais les revenus y sont plus faibles qu'en métropole. Les taux d'allocataires du RSA pour les 15-69 ans est de 2,63 % en Ille-et-Vilaine, 8,63 % en Seine-Saint-Denis, 15,29 % à La Martinique, et 19,59 % à La Réunion, les écarts sont comparables sur le taux de chômage, la proportion de familles monoparentales, qui s'élève à 41 % : tous ces indicateurs auraient dû, depuis longtemps, nous alerter sur les risques majeurs d'explosion sociale. L'information que je vais vous donner, vous fera faire des économies en bureau d'études : des citoyens ont créé un comparateur de prix entre les outre-mer et la métropole, il s'appelle Kiprix et il compare les prix de plus de 12 000 produits en direct - chacun peut y constater les écarts.

Nos compatriotes ultramarins subissent même une triple peine, quand certains s'emparent d'une colère citoyenne légitime et la transforment en violences insupportables, des milliers d'emplois sont alors menacés par les destructions, les incendies, l'insécurité d'ensemble - et il y a des conséquences sur le tourisme, dans un moment où certains territoires ultramarins retrouvaient de l'attractivité.

L'année dernière, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les mécanismes qui concourent à la vie chère outre-mer, a détaillé le fonctionnement de la chaîne logistique et de la distribution, en particulier la situation d'oligopole en Martinique. Il y a eu depuis des discussions avec le préfet, un accord a été signé, mais l'État se donne-t-il les moyens d'enquête pour objectiver cette chaîne logistique ? Quand les prix sont à ce point plus chers, on a de quoi s'interroger sur la raison d'être de l'écart...

Ensuite, il faut donner de l'espoir à la jeunesse, les jeunes martiniquais qui peuvent étudier partent et ne reviennent plus vivre à La Martinique, ceux qui ne le peuvent pas restent et n'accèdent pas à l'emploi : qu'est-ce que cela va donner dans le temps ? Ne faut-il pas lancer un plan d'ensemble, un plan « Buffet » ? Donnons de l'espoir aux jeunes par l'emploi, ou bien nous aurons davantage de révoltes, légitimes dans leurs causes.

M. Éric Dumoulin. - Une seule question sur la Nouvelle-Calédonie, préoccupation majeure du Gouvernement et d'où reviennent d'ailleurs la présidente de l'Assemblée nationale et le président du Sénat : quelles sont vos lignes d'horizon ?

Mme Annick Jacquemet. - Ma fille, qui habitait en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans, revient vivre en métropole, j'ai donc suivi la situation locale au quotidien - on a vu les entreprises pillées et détruites, la mise au chômage de 25 000 salariés, soit l'équivalent de 6 millions de personnes à l'échelle de l'Hexagone, les hôpitaux se vident - deux blocs opératoires ont déjà fermés - , la tribu Saint-Louis bloque la route entre Nouméa et le Mont-Dore, au point qu'il a fallu organiser des navettes par voie de mer, on parle de manifestations contre la faim, le pouvoir d'achat diminue drastiquement : quel est votre calendrier d'action ? Va-t-il falloir recommencer tous les dix, vingt ou trente ans car la prochaine génération sera en désaccord avec les décisions prises maintenant ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - À La Martinique, dans un lycée où l'enseignement est de très bonne qualité, des jeunes m'ont dit leur peu d'espoir de trouver du travail sur place et la difficulté qu'ils auraient à revenir s'ils trouvaient un travail ailleurs. Tout l'enjeu, c'est que les jeunes formés dans les lycées et les centres de formation professionnels sur place puissent travailler sur place, mais il faut aussi permettre la mobilité et pouvoir revenir pour un poste à la hauteur de leurs qualifications. Tout ne va pas mal cependant, il faut relativiser, les élus travaillent - mais je suis convaincu qu'on ne fera progresser la situation que par la relance économique, pour générer de la valeur, des emplois sur place. L'agriculture est un bon exemple.

L'accord du 16 octobre sur les prix prévoit de comparer l'évolution des prix entre les outre-mer et la métropole, il faut des contrôles en continu, l'Autorité de la concurrence en est saisie et 13 ETP assureront ce travail. Au-delà, il faudra se poser la question de la vie chère, c'est l'objet du « Oudinot de la vie chère » que j'organiserai. Quant aux armateurs, sachez que nous leur parlons, c'est ce que je peux vous dire.

Les événements du 13 mai dernier en Nouvelle-Calédonie ont fait baisser le PIB calédonien de 15 %, des dégâts matériels sont considérables, dans le privé et le public, en particulier les écoles. On a été au bord du chaos. Beaucoup de nos compatriotes sont partis, en particulier le personnel médical, ils sont allés en Nouvelle-Zélande, en Australie, dans l'Hexagone, certains ne veulent pas revenir, d'autres l'envisagent. L'État a immédiatement mobilisé 400 millions d'euros pour aider les entreprises et les collectivités, puis, en octobre, je suis allé sur place, on a ajouté 250 millions d'euros de soutien aux collectivités locales, en prolongeant l'indemnisation du chômage partiel, nous avons aussi aidé la province Sud pour les navettes maritimes à hauteur de quatre millions d'euros. Aujourd'hui les choses sont apaisées, les forces de l'ordre ont fait un travail remarquable, il faut le souligner, la route de Saint-Louis vient de rouvrir, l'usine de nickel au sud vient d'être remise en route, celle du nord est toujours fermée, les fours sont froids - mais des repreneurs se présentent, c'est bon signe. En revanche, les installations de la mine de Thio ont été détruites. En plus des crédits d'intervention, nous avons assoupli les règles pour que les collectivités puissent payer directement leurs fournisseurs, sans passer par le gouvernement local. En recevant avant-hier le président du gouvernement calédonien Louis Mapou, le Premier ministre vient de rehausser à 1 milliard d'euros le volume de prêts garantis, initialement fixé à 500 millions d'euros. Une enveloppe de 170 millions d'euros sera également bientôt discutée. Ces prêts s'ajoutent à la prise en charge par l'État de la reconstruction des bâtiments publics, à 100 % pour les écoles pour 2025. Va-t-on s'arrêter là ? Je crois qu'il faut s'inscrire dans la durée, et entrer dans une démarche contractuelle ; le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie a présenté un Plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (PS2R) sur trois ans, il comprend aussi des réformes institutionnelles et fiscales, l'État accompagne le mouvement. Le congrès calédonien porte lui-même un projet de plan, nous allons faire la synthèse pour une contractualisation avec l'État.

L'hôpital est un sujet d'inquiétude, des médecins sont partis, d'autres en ont le projet - certains peuvent venir mais ils attendent de voir comment évolue la situation et comment se profile l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Emmanuel Moulin a été mandaté par le Premier ministre pour préfigurer et accompagner ce PS2R, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont mis en place un calendrier de discussions sur le volet institutionnel avec une première étape le 5 décembre prochain. L'objectif, c'est d'arriver à une solution l'an prochain. Nous sommes parvenus à renouer le dialogue et à remettre chacun autour de la table, nous progressons par étapes, tout le monde est conscient que la Nouvelle-Calédonie a frôlé la catastrophe et que ce sera la catastrophe si on ne se mobilise pas - nous avançons.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour l'ensemble de vos réponses, nous vous souhaitons succès et courage !

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 30.