- Mercredi 20 novembre 2024
- Proposition de loi visant à promouvoir la conservation du patrimoine rural - Désignation d'un rapporteur
- Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs à la recherche - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs à l'Enseignement supérieur - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs à l'Enseignement scolaire - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs au Livre et aux Industries culturelles - Examen du rapport pour avis
Mercredi 20 novembre 2024
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Proposition de loi visant à promouvoir la conservation du patrimoine rural - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Pierre-Antoine Levi rapporteur sur la proposition de loi n° 78 (2024-2025) visant à promouvoir la conservation du patrimoine rural, présentée par M. Édouard Courtial.
Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs à la recherche - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen des rapports pour avis d'Alexandra Borchio Fontimp, Stéphane Piednoir et Jacques Grosperrin, consacrés respectivement aux crédits de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'enseignement scolaire et au sein du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis des crédits de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - J'interviens pour la première fois en qualité de rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la recherche, prenant la suite de notre collègue Laurence Garnier, que je remercie pour la qualité de son travail et de nos échanges sur un enjeu aussi complexe que fondamental pour notre pays.
Comme vous le savez, la politique publique de recherche fait l'objet depuis 2020 d'une programmation pluriannuelle qui couvre la période 2021-2030. Notre commission avait salué ce réarmement budgétaire tant attendu après des années de sous-investissement chronique, tout en émettant des réserves à la fois sur la durée de cette programmation et sur son niveau d'intensité. Celles-ci trouvent une résonance certaine aujourd'hui avec le budget de la recherche qui nous est proposé pour 2025.
Je le dis d'emblée avec beaucoup de conviction - étant élue des Alpes-Maritimes, un département où l'enseignement supérieur et la recherche occupent une place prépondérante grâce notamment à la technopole de Sophia-Antipolis et à l'université Côte d'Azur labellisée « Initiative d'excellence » (Idex) : la recherche constitue la source principale de progrès économique, social et culturel, le socle de l'excellence académique, et le meilleur gage de compétitivité pour notre pays. C'est donc un investissement d'avenir sur lequel il n'est pas possible de transiger. La France ne peut se permettre de prendre à nouveau du retard dans un contexte international très concurrentiel.
Pour toutes ces raisons, la dynamique de réinvestissement engagée par la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR) doit être sanctuarisée. Et justement, dans un contexte de contrainte globale pesant sur les finances publiques, le secteur de la recherche est préservé des coupes budgétaires. Le programme 172, qui est son principal financeur, progressera d'une soixantaine de millions d'euros en 2025 pour atteindre 8,3 milliards d'euros. Sur la période 2020-2025, son enveloppe annuelle aura augmenté de 1,4 milliard d'euros, reflet d'un réel effort budgétaire.
Toutefois, compte tenu de l'effort de maîtrise financière collectivement demandé, la programmation prévue par la LPR ne pourra pas être tenue dans son intégralité. Entre le programme 172 et le programme 150 - dont parlera mon collègue Stéphane Piednoir -, le budget proposé concrétise une cinquième « marche » de 154 millions d'euros, soit près d'un tiers de celle qui est prévue par la LPR. Autrement dit, celle-ci va continuer à produire ses effets, mais avec une intensité moindre que celle qui est programmée. Après quatre années de respect de la trajectoire, cette inflexion de dynamique inquiète fortement les acteurs de la recherche, qui m'ont tous dit craindre un « retour en arrière ».
J'entends les déceptions qui s'expriment et les doutes qui s'installent. C'est pourquoi je crois nécessaire que la clause de revoyure, qui aurait dû être activée en 2023, le soit très rapidement par le nouveau ministre. Ce rendez-vous doit être l'occasion de dresser un bilan exhaustif de la LPR, de faire le point sur la trajectoire au regard des aléas conjoncturels qui l'affectent et surtout, de rassurer le monde de la recherche de l'engagement commun du Gouvernement et du Parlement à poursuivre la dynamique de réinvestissement public.
Ce cadre général posé, je souhaite insister sur trois aspects de ce budget 2025.
Le premier concerne la priorité qui est donnée à la préservation des mesures de revalorisation des métiers de la recherche. Je souscris pleinement à ce choix pour trois raisons : d'abord, le décrochage de la France en termes de niveau de rémunération de ses personnels de recherche n'est pas acceptable ; ensuite, le besoin de revalorisation est amplifié par le contexte inflationniste qui absorbe une part des augmentations salariales permises par la LPR ; enfin, il s'agit d'une question de respect de l'engagement pris à l'égard des organisations représentatives du personnel signataires du protocole « RH » du 12 octobre 2020.
Pour poursuivre sur ce volet « emploi », je regrette que le financement du dispositif des chaires de professeur junior (CPJ) ne soit, à ce jour, pas assuré pour 2025. Alors que cette nouvelle voie de recrutement est en plein déploiement avec de premiers résultats satisfaisants, son « gel » constituerait un mauvais signal à la fois pour la confiance en la parole donnée par l'État et pour l'attractivité de la recherche française aux yeux de profils scientifiques bien spécifiques.
J'appelle donc le nouveau le ministère à ne pas faire de 2025 une année blanche pour les CPJ. Comme l'ont suggéré plusieurs opérateurs de recherche, une solution intermédiaire consisterait à « basculer » les postes de CPJ non pourvus en 2024 sur 2025, ce qui permettrait de maintenir le dispositif avec un calibrage moins ambitieux que celui qui est prévu initialement.
Le deuxième sujet que je souhaite soulever concerne la situation financière des grands opérateurs nationaux de recherche. Malgré le contexte budgétaire que nous connaissons, ceux-ci verront leur subvention versée depuis le programme 172 progresser, à hauteur d'une dizaine de millions d'euros pour l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et d'une trentaine de millions d'euros pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Leurs dirigeants, que j'ai reçus, sont évidemment satisfaits de l'absence de « coup de rabot », mais tous m'ont alertée sur le niveau de leur subvention respective qui ne permet pas de couvrir les dépenses de masse salariale induites par les mesures de revalorisation « fonction publique » de 2022 et de 2023 et par la mesure « CAS Pensions » prévue pour 2025.
À la sollicitation de leurs fonds de roulement et de leurs trésoreries, pourraient succéder des mesures d'économies de fonctionnement, voire des restrictions budgétaires sur des programmes d'investissement et sur certaines activités de recherche. L'Inrae envisage ainsi de redimensionner à la baisse ses investissements dans la rénovation énergétique, et l'Inserm de réduire la voilure de son plan d'équipement immobilier, voire de diminuer ses dotations à certaines unités de recherche. Il me semble que nous atteignons là un stade très critique qui doit collectivement nous interroger...
Troisième problématique de ce budget, les moyens dédiés à l'Agence nationale de la recherche (ANR). Comme vous le savez, sa montée en charge financière grâce à la LPR a deux effets très significatifs : l'augmentation du taux de succès aux appels à projets, qui est aujourd'hui de 25,2 % ; le relèvement du préciput, qui atteint les 30 %, avec une clef de répartition profitant à l'ensemble des parties prenantes aux projets de recherche.
Le PLF pour 2025 poursuit la trajectoire d'augmentation du budget d'intervention de l'ANR, mais dans une proportion inférieure à celle qui était prévue par la LPR. Je veux souligner un autre constat : l'ANR fait face à un décalage entre les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP), dont le niveau ne « suit » pas. Elle chiffre ainsi à 210 millions d'euros son besoin en CP supplémentaires pour honorer les engagements pris jusqu'en 2024. Un travail est en cours avec le ministère pour tenter de rectifier le tir. Il me semble que notre commission pourrait intercéder auprès du ministre pour garantir un budget soutenable à l'ANR en 2025.
Au-delà de ce panorama budgétaire, j'ai souhaité profiter de cet avis pour m'intéresser à trois sujets plus structurels, qui concernent l'organisation de notre écosystème de recherche. Sans les détailler - je vous renvoie pour cela à mon rapport écrit -, je tiens à partager quelques remarques sur chacun d'entre eux.
La gouvernance, tout d'abord, avec le déploiement depuis le début de cette année de sept agences de programmes pilotées par les grands opérateurs de recherche. Si cette première phase d'installation semble s'être globalement bien déroulée, j'appelle à la vigilance sur un point particulier : les agences de programmes ne doivent pas devenir des monopoles pour les organismes nationaux de recherche (ONR) pilotes ; leur mission première est d'assurer une meilleure coordination entre les acteurs, sans en exclure certains ou se substituer à d'autres.
La simplification de la recherche, ensuite, avec la mise en place de mesures expérimentales sur 17 sites universitaires. Il me semble indispensable de poursuivre, voire amplifier, ce chantier, lancé par la précédente ministre : il devient urgent de redonner du temps et du sens à la recherche et d'alléger les contraintes administratives qui pèsent sur nos chercheurs - je crois que le nouveau ministre en est pleinement convaincu.
La collaboration entre la recherche publique et le secteur privé, enfin, avec l'annonce d'un travail sur « un pacte public-privé pour la recherche », initiative dont je me réjouis. Malgré une réelle évolution des mentalités, une méconnaissance mutuelle, voire une certaine défiance persiste entre ces « deux mondes », qui ont pourtant tant à gagner d'une coopération plus poussée.
J'espère que le Sénat sera associé à la concertation souhaitée par le ministre, car je crois beaucoup aux synergies qui peuvent naître, dans nos territoires, entre les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche et ceux de la sphère économique. Les opérateurs de recherche que j'ai auditionnés se disent d'ailleurs convaincus du bien-fondé et de la nécessité d'une telle démarche.
Tels sont les constats et remarques dont je souhaitais vous faire part dans le cadre de l'examen de ce projet de budget de la recherche pour 2025. Je vous propose de donner un avis favorable, assorti des points des vigilances que j'ai mentionnés.
M. Stéphane Piednoir. - Je vous félicite, madame la rapporteure, pour la maîtrise dont vous faites preuve dans ce premier exercice du genre. Votre rapport est approfondi et balaie l'ensemble des sujets.
Vous avez évoqué la poursuite de la LPR. Chacun se souvient des débats que nous avons eus lors de l'examen de ce texte et de la volonté du Sénat de concentrer les moyens sur un délai plus court de sept ans, au lieu des dix ans retenus. Nous en sommes à la cinquième année... Autrement dit, nous serions presque à la fin du parcours et tous les crédits auraient déjà été consommés !
Les mesures salariales ont été préservées en dépit du contexte budgétaire, c'est une bonne chose En revanche, la clause de revoyure, qui devait avoir lieu en 2023, mériterait d'être activée - a fortiori sur un délai de dix ans. Cela fait partie des sujets que nous devons soutenir auprès du nouveau ministre de la recherche.
Je partage votre constat sur l'arrêt provisoire des CPJ, qui pourrait devenir définitif. Cette forme originale de recrutement a pourtant montré son utilité dans nombre d'universités.
Concernant les opérateurs de recherche, je suis étonné de la variation à la hausse qui figure sur le tableau, concomitamment à une volonté d'économie envisagée par ces mêmes opérateurs sur certains postes budgétaires. J'y vois une sorte de schizophrénie, et ceux-ci risquent in fine de ne pas échapper au « coup de rabot » général dans le PLF. Avez-vous examiné en détail le fonds de roulement de chacun ? Qu'en est-il de l'augmentation prévue dans le programme 172 ?
J'en viens au décalage entre les AE et les CP de l'ANR. Est-ce une pratique commerciale ? J'ai du mal à identifier la manoeuvre qui la sous-tend.
Enfin, sur les agences de programme, vous avez parlé de monopole. C'est ainsi que le vivent les opérateurs non désignés comme pilotes. Quid de la simplification de la recherche ? Pourra-t-on un jour parler sereinement du nombre de tutelles maximum autorisées pour un programme de recherche ? Quand il existe sept tutelles différentes, les chercheurs eux-mêmes ne savent plus pour qui ils travaillent. Il y va de la lisibilité à l'étranger de notre recherche française.
Eu égard au travail réalisé par la rapporteure, nous suivrons son avis favorable.
M. David Ros. - Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER), je remercie la rapporteure de la teneur des différentes auditions et du temps accordé à chacun pour poser toutes les questions nécessaires. J'ai aussi apprécié que nos débats s'enrichissent de nouveaux acteurs.
Je partage totalement son diagnostic, complété par les réserves de Stéphane Piednoir. En revanche, en cette période de fortes contraintes budgétaires, je n'aboutis pas du tout à la même conclusion. Lors de son audition devant notre commission l'année dernière, la ministre nous avait fait part d'une année d'efforts remarquables de la part des différents acteurs concernés, qui sont extrêmement raisonnables et responsables. Or une deuxième année exceptionnelle devient du quotidien, qui fait prendre énormément de retard sur la programmation de la LPR. Je rejoins mes collègues sur la clause de revoyure : elle est nécessaire, même à la baisse. C'est une question de lisibilité. Et la morosité ambiante n'est pas bon signe pour la suite...
Le groupe donnera un avis défavorable à l'adoption des crédits de la recherche.
Mme Laure Darcos. - À mon tour de saluer le travail de la rapporteure. J'ai regardé attentivement la LPR, et comme David Ros, je suis très inquiète de l'absence de clause de revoyure et de cette tendance à baisser certains moyens de l'ANR. Nous avions accepté que la programmation dure dix ans, à condition que les premières années soient davantage abondées. Cela fut le cas seulement pour deux exercices. Aujourd'hui, malgré les succès d'appels à projets de plus en plus importants de l'ANR, l'avenir s'assombrit.
Je déplore également la possible disparition des CPJ, qui commençaient à trouver leur rythme de croisière et ont apporté une vision différente du recrutement au sein des universités et des organismes de recherche.
Je vous remercie de vos propos sur les agences de programmes, qui ne doivent pas se substituer aux établissements de recherche. J'avais posé la question au ministre lors d'une audition, et il nous avait donné des assurances à ce sujet.
Vous n'avez rien dit des sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt), qui sont très inquiètes car elles risquent de disparaître. Or il s'agit d'un levier important au moment où les projets de recherche doivent passer à la pré-industrialisation.
Je m'interroge aussi sur le crédit d'impôt recherche (CIR). À l'heure des économies, je suggère de revoir les crédits d'impôts des très grosses entreprises et de continuer à abonder ceux des PME-TPE, qui en ont le plus besoin.
Nous suivrons l'avis de la rapporteure, mais resterons critiques au moment de la discussion en séance publique.
M. Pierre Ouzoulias. - La recherche étant un monde complexe, je remercie la rapporteure pour la qualité de son travail.
Je partage son point de vue : la recherche est source de progrès, à la fois pour l'innovation technologique et la connaissance. Il est fondamental de ne pas dissocier ces deux éléments.
Certes, les crédits relatifs à la recherche ne diminuent pas, mais le budget ne respecte pas les engagements de la LPR, et il y a là un souci majeur.
Une telle disparité entre les AE et les CP attribués à l'ANR porte à croire qu'une partie de ces autorisations sera gelée ou annulée à la fin de l'année. Nous verrons cela fin 2025, mais nous connaissons le fonctionnement de Bercy.
Un certain nombre de dispositifs importants de la LPR sont aujourd'hui mis sous le boisseau.
Je souhaite notamment une analyse qualitative sur les CPJ. Le projet initial consistait à faire venir en France les grands noms de la recherche à l'étranger ; ce que j'ai observé ne correspond pas à cela. Ces chaires ont plutôt nourri une forme de localisme, en permettant à des présidents d'université d'embaucher en interne, sans tenir compte des critères habituels de recrutement.
Par ailleurs, je partage les propos du président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin, concernant l'ANR et les crédits européens. La différence entre les deux dispositifs d'appels à projets tient au préciput : non pas que les chercheurs choisissent la facilité, mais leur administration préfère les diriger vers l'ANR, qui rapporte le préciput, plutôt que vers des crédits européens, qui ne leur rapportent rien. Sans doute faut-il repenser la coordination entre ces dispositifs.
Un amendement de la commission des finances prévoit un redimensionnement du CIR, aux dépens, notamment, du dispositif pour les jeunes docteurs. S'il venait à être adopté, ce serait catastrophique. En supprimant la prime pour les jeunes docteurs, on aggraverait le problème fondamental de la recherche française. On ne peut plus accepter que, chaque année, le nombre de docteurs diminue de 5 %. La France est en train de décrocher par rapport aux autres pays.
Il y a dans notre pays un problème dans la manière de coordonner la recherche et l'innovation. Cela est dû à la structure industrielle de la France, avec des PME faiblement représentées ; en Allemagne, ces dernières sont les plus demandeuses en innovation et recherche, et elles ont noué avec les universités des liens qui n'existent pas dans notre pays.
Les chercheurs ont changé d'état d'esprit par rapport au secteur privé. Il s'agit maintenant de favoriser une meilleure écoute du côté de l'industrie.
Nous avons devant nous un grand chantier de simplification. Le Président de la République n'a toujours pas désigné de candidat pour la fonction de président du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres). Nous aurons à auditionner le candidat choisi. J'invite à profiter de cette future audition pour remettre sur la table le sujet de l'évaluation excessive qui encombre les chercheurs. Le système est ubuesque, il faut poser les choses à nouveaux frais.
Au moment de donner l'avis de notre groupe, je suis sincèrement partagé. Je souscris à l'ambition affichée par la rapporteure pour la recherche, mais je ne peux admettre le détricotage de la LPR. Il faut une loi de programmation de la défense pour protéger notre souveraineté ; il en va de même pour la recherche, qui contribue à la défense de notre souveraineté et de la rationalité dans un monde de plus en plus irrationnel ! Dans la mesure où les engagements de la LPR ne sont pas respectés, je ne serai pas favorable à l'adoption des crédits du programme.
Mme Mathilde Ollivier. - Je partage les constats de la rapporteure, mais diverge sur la conclusion. À quoi bon voter des objectifs dans le cadre d'une LPR si, ensuite, les réalisations ne suivent pas ? Alors que ces objectifs étaient une augmentation de 501 millions d'euros du budget pour 2025, la version actuelle du PLF ne prévoit qu'une augmentation de 169 millions d'euros, avec, notamment, un manque de 288 millions d'euros sur le programme 172 consacré au financement de la recherche.
Manquent également 150 millions d'euros pour compenser les mesures salariales décidées en 2023, notamment la revalorisation du point d'indice. Cela contraindra un certain nombre d'organismes et d'universités à piocher dans leur fonds de roulement. Après plusieurs années d'efforts importants, leur situation budgétaire risque d'être encore compliquée.
La situation de l'ANR est préoccupante. Le décalage entre les AE et les CP interroge quant à la trajectoire et la réalisation des objectifs.
Je m'inquiète également des conséquences sur les fonds propres des universités et m'interroge sur la place des entreprises privées dans les investissements de ces mêmes universités, avec le développement des contrats de mécénat. Nous souhaitons, en France, une recherche indépendante et reconnue comme telle par le public. Cette part croissante des entreprises privées me semble problématique pour l'indépendance de notre recherche.
Enfin, il faut revoir notre approche concernant le CIR. Nous apportons un soutien trop important aux grandes entreprises par rapport aux PME qui, pourtant, portent de nombreux investissements pour la recherche. Le soutien aux doctorants permet d'effectuer le lien entre public et privé. À moyen terme, ces derniers intègreront le monde de l'entreprise. Si l'on souhaite que notre écosystème de la recherche et de l'innovation soit à la hauteur des besoins et des enjeux en Europe, il est nécessaire d'encourager la croissance de la recherche privée.
En conséquence, je ne suis pas favorable à l'adoption des crédits du programme.
M. Jean Hingray. - Je félicite la rapporteure pour ce rapport, qui permet de mettre en perspective les évolutions nationales avec des exemples à l'échelle locale. Même si tout n'est pas parfait dans ce budget- je pense notamment au gel des CPJ -, nous suivrons son avis.
Je relève des notes d'optimisme, autour du rapprochement entre secteurs public et privé, entre recherche et monde industriel. Je m'étonne du chiffre présenté sur les opérateurs, qui ne semblent pas concernés par les mesures d'économies. Je m'interroge également sur le fait que ne soit pas évoqué l'amendement du rapporteur spécial de la commission des finances, concernant le financement de la recherche par les fonds européens.
M. Bernard Fialaire. - Si l'on peut se réjouir de l'augmentation du budget dans le contexte actuel, de nombreux investissements restent encore à réaliser, notamment en matière de simplification.
Je partage les réflexions sur le CIR et l'intérêt de se focaliser sur les PME.
Alors que les investissements de l'État dans la recherche progressent, on observe un retard dans l'engagement du secteur privé. Nous devons mieux analyser et encourager les investissements privés dans la recherche.
Je ne souhaite pas forcément de clause de revoyure pour ce budget. Cette année, l'exercice est particulier, et nous ignorons ce qu'il en restera après les débats en séance publique. Nous allons soutenir une augmentation, sans aucune garantie quant au résultat. Peut-être aurons-nous à revoir notre position.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis. - Le ton de ma présentation se voulait réaliste plus qu'enjoué. Sans être alarmiste, j'ai conscience des enjeux et, dans un contexte de récession budgétaire, je reste vigilante. Mais, comme l'a exprimé Jean Hingray, cela aurait pu être pire et il convient de rester positif.
Concernant le fonctionnement des unités de recherche et des laboratoires, je m'engage à poursuivre nos échanges avec le ministère sur le dossier de la simplification Il existe sans doute un nombre trop important d'organismes de tutelle.
Je fais de la clause de revoyure une priorité. En séance, j'interpellerai le ministre à ce sujet, afin que nous puissions rapidement mener un bilan de la LPR et faire le point sur la poursuite de la programmation.
Concernant la situation financière des ONR, comme je l'ai évoqué dans ma présentation, leurs subventions pour charges de service publics augmentent, mais à un niveau qui ne couvre pas les surcoûts de masse salariales et d'énergie. Ils sont donc contraints, depuis plusieurs années déjà, à puiser dans leur trésorerie.
Lors de son audition, j'avais interrogé le ministre sur les Satt. Il s'était montré rassurant, indiquant que les crédits pour 2025 s'élèveraient à hauteur de 45 millions d'euros.
Comme plusieurs d'entre vous, je crois nécessaire d'avoir une réflexion sur les possibles évolutions du CIR, pour qu'il s'adresse davantage aux PME notamment. Le ministre s'est positionné sur une conditionnalité du dispositif. Ouvrons le débat !
Concernant le financement de l'ANR, on observe effectivement un décalage entre les AE et les CP. La réalisation ne suit pas les engagements ; il manque 210 millions d'euros pour honorer les engagements pris jusqu'en 2024. Nous avons conscience du problème et poursuivons nos échanges sur le sujet avec le ministère pour rectifier le tir.
La future audition du candidat à la présidence du Hcéres a été évoquée. Le sujet de l'évaluation des travaux de recherche est effectivement l'une des dimensions du chantier de la simplification. À l'occasion de cette audition, nous pourrons approfondir le sujet avec l'intéressé.
Enfin, concernant l'amendement du rapporteur spécial des finances, il n'appartient pas à notre commission de l'examiner. Nous aurons le débat en séance, mais sachez que je suis favorable à un outil facilitant l'accès de nos chercheurs aux fonds européens.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2025.
Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs à l'Enseignement supérieur - Examen du rapport pour avis
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Après plusieurs années de hausse, le projet de loi de finances pour 2025 nous propose de reconduire les crédits de l'enseignement supérieur au niveau atteint en 2024, soit 18,5 milliards d'euros.
Cette reconduction n'est cependant pas synonyme d'immobilisme. Le PLF porte en effet plusieurs abondements budgétaires, notamment sur la restauration étudiante. En sens inverse, l'impératif de maîtrise des finances publiques conduit le Gouvernement à réduire légèrement son soutien aux établissements, et à différer une partie des évolutions prévues par la loi de programmation de la recherche (LPR).
Ce cadre général étant posé, permettez-moi de vous présenter les grands enjeux des programmes 150 et 231.
Le programme 150, consacré aux formations supérieures et à la recherche universitaire, est principalement marqué par l'application partielle de la cinquième annuité de la LPR. Dans le contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a en effet choisi de privilégier l'application du protocole salarial conclu en 2020. Près de 95 millions d'euros sont ainsi prévus pour revaloriser le régime statutaire et indemnitaire des différents professionnels exerçant dans les universités.
À l'inverse, les mesures non salariales de la cinquième marche de la LPR pour l'enseignement supérieur ne bénéficient pas des crédits attendus. Il s'agit principalement des mesures de sécurisation des débuts de carrière des enseignants-chercheurs, notamment les chaires de professeur junior, pour un écart à la trajectoire d'environ 32 millions d'euros.
Sans me réjouir de ce choix, j'observe que l'essentiel de la progression prévue par la LPR sera bien appliqué, puisque les trois quarts des crédits programmés trouvent une traduction budgétaire. J'observe également que le ministre a pris l'engagement de maintenir ses orientations : les mesures programmées ne seront donc pas annulées.
La décision de ne pas compenser aux établissements la hausse de la contribution au compte d'affectation spéciale des pensions, ou CAS Pensions, appelle davantage d'observations. Le Gouvernement choisit ainsi de faire contribuer les universités à l'effort global d'économies, ce qui n'est pas nécessairement inopportun. Il me semble cependant que nous devons faire preuve d'une grande vigilance sur ce sujet, et ce pour deux raisons :
- tout d'abord, cette mise à contribution des universités n'est pas la première. En 2022 et 2023, la revalorisation du point d'indice puis les mesures dites « Guerini » avaient été laissées à la charge des établissements pendant six mois. Les mesures « Guerini » n'ont ensuite été compensées qu'à 50 %, ce qui a laissé aux établissements un reste à charge pérenne de 145 millions d'euros annuels, auquel viendront désormais s'ajouter les 200 millions du CAS Pensions. Si l'on prend également en compte le glissement vieillesse technicité (GVT) ainsi que la hausse des coûts de fonctionnement des universités, la hausse cumulée atteint plus de 500 millions d'euros annuels, soit 3,5 % de leur subvention pour charge de service public (SCSP) ;
- cette augmentation intervient dans un contexte de détérioration de la situation financière des universités, qui puisent déjà depuis plusieurs années dans la part disponible de leur trésorerie pour faire face à ces dépenses supplémentaires. Selon le ministère, 40 établissements devraient se trouver en difficulté financière en 2024 et 2025, avec de fortes différences entre eux.
Il en résulte que la SCSP, qui est notamment destinée à couvrir la masse salariale des universités, couvre en réalité de plus en plus imparfaitement leur dépense de personnels.
Ce recul n'est pour l'heure pas compensé par le déploiement de leurs ressources contractuelles, puisque le financement à la performance issu des contrats d'objectifs, de moyens et de performances (COMP) représente 35 millions d'euros annuels, soit 0,8 % du montant de la SCSP.
Sur la base de ces équilibres, l'augmentation des dépenses assumée par les universités depuis 2022 ne pourra être absorbée à moyen et long termes sans entraîner une altération des conditions d'exercice de leurs missions fondamentales, un recul de leur capacité d'investissement, et même une remise en question de leur autonomie, dès lors que leur situation financière peut justifier leur placement sous le contrôle renforcé du rectorat.
Dans ces conditions, il me semble que l'enjeu est moins de débattre année après année de l'opportunité de compenser les mesures salariales qui s'imposent aux universités, que de nous interroger plus globalement sur leur mode de financement, et donc sur le périmètre de leurs dépenses que nous souhaitons voir pris en charge par le budget de l'État - et, à l'inverse, sur les contours de ce qui pourrait relever de leur autonomie. Les conclusions de la mission d'inspection sur le modèle économique des universités, attendues pour la fin de l'année, constitueront à ce titre un éclairage précieux, et il me semble primordial que notre commission assure un suivi attentif de ce sujet fondamental.
J'en viens à présent aux crédits du programme 231 consacré à la vie étudiante.
L'ensemble des professionnels que j'ai entendus m'ont alerté sur la dégradation de la situation matérielle et sanitaire des étudiants, qui sont notamment touchés par des difficultés psychologiques et relationnelles depuis la pandémie de Covid. Le programme 231 comporte une ligne de crédits permettant de financer plusieurs actions de soutien à la santé mentale ; il me semble que ces crédits constituent une base indispensable qui doit être préservée.
Dans le contexte d'inflation, de nombreux étudiants se trouvent par ailleurs en situation de précarité économique - même s'il existe de fortes disparités dans le niveau de vie des étudiants, selon notamment qu'ils cohabitent ou non avec leur famille. Les derniers travaux de l'Observatoire de la vie étudiante montrent que certains profils sont plus fortement touchés par la précarité, notamment les étudiants internationaux et les étudiants des formations privées non éligibles aux bourses. La deuxième édition du baromètre annuel sur les conditions de vie des étudiants pointe en particulier « une situation de précarité alimentaire sévèrement ancrée dans la population étudiante » : plus d'un tiers des jeunes interrogés déclarent sauter des repas par manque d'argent (36 %).
Ce constat préoccupant se reflète dans la fréquentation des restaurants universitaires, qui font face à une très forte hausse de la demande. Cette hausse porte principalement sur le repas à 1€, mis en place lors de la crise sanitaire et pérennisé depuis 2023 pour les étudiants boursiers et les non-boursiers précaires, avec une augmentation de 23 % du nombre de repas servis entre 2023 et 2024. Elle concerne également, quoique dans de moindres proportions, le repas à 3,30 € - le coût réel de chaque repas étant évalué à 8 euros pour le réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et sociales, les Crous. Lors de son audition, la présidente de leur tête de réseau, le Cnous, m'a indiqué que cette situation représentait un véritable défi logistique et de ressources humaines pour son organisation.
Il me semble que le budget qui nous est proposé prend la mesure de la situation en allouant plus de 42 millions de crédits nouveaux à la restauration étudiante. 3 millions sont prévus pour compenser le coût du repas à 1€, 9 millions pour faire face à l'inflation, et 17 millions pour financer de nouvelles places et structures de restauration. 13 millions sont enfin budgétés pour la montée en charge de la loi d'initiative sénatoriale du 13 avril 2023, connue sous le nom de loi « Levi ».
Permettez-moi de consacrer quelques instants au premier bilan de cette mesure, qui a été salué comme très positif par tous mes interlocuteurs, qu'ils viennent de l'université ou des établissements privés. Pour mémoire, cette loi garantit l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, y compris ceux dont le lieu de formation n'est pas couvert par un point de vente du Crous. Dans ce cas, les établissements doivent mettre en place un conventionnement avec des restaurants collectifs tiers pour les habiliter à accueillir les étudiants aux tarifs Crous ou, à défaut, leur proposer un soutien financier sous la forme de chèques alimentaires. Un an après l'entrée en vigueur de la loi, 171 structures ont été agréées et une cinquantaine le seront prochainement, selon des modalités unanimement décrites comme fluides et satisfaisantes. La mise en oeuvre de l'aide financière interviendra dès l'année prochaine, la publication des arrêtés ministériels et rectoraux nécessaires étant prévue pour la fin 2024.
Les moyens prévus pour la restauration permettront ainsi de couvrir entièrement la hausse de la demande, ce dont je me félicite. Alors que des débats ont pu avoir lieu sur l'extension du repas à 1€ à tous les étudiants, j'estime pour ma part qu'il serait opportun de le réserver aux seuls étudiants boursiers, en raison de la charge financière et du défi organisationnel que représente ce dispositif pour les Crous.
Je quitte à présent le champ des aides indirectes aux étudiants pour passer à celui des aides directes, c'est-à-dire aux bourses sur critères sociaux.
Je souhaite tout d'abord exprimer quelques réserves sur la projection budgétaire qui nous est proposée, avec, à dispositif constant, l'anticipation d'une baisse de 105 millions. Le ministère justifie cette anticipation par la baisse de la démographie étudiante, la montée en puissance de l'apprentissage et l'évolution des salaires. Il me semble qu'une augmentation de plus de 1 % de la population étudiante est au contraire attendue pour 2024-2025 ; je relève par ailleurs que d'autres mesures du PLF pourraient freiner le développement de l'apprentissage. La baisse devra donc principalement découler de l'évolution des salaires, c'est-à-dire de l'absence d'indexation du barème des bourses sur l'inflation.
Je m'interroge sur la cohérence de cette non-indexation avec les mesures prises il y a un an dans le cadre de la première phase de la réforme des bourses, qui a abouti à une hausse du nombre de boursiers. Si l'on peut comprendre que la deuxième phase de la réforme, qui devait être annoncée pour la fin de l'année, ait été mise en suspens dans le contexte budgétaire et politique, j'appelle le Gouvernement à clarifier rapidement ses intentions afin d'assurer la lisibilité de la politique menée.
J'ai enfin souhaité me pencher sur la situation particulière de l'enseignement supérieur privé, en distinguant entre la sphère du privé d'intérêt général (représentée par les EESPIG, c'est-à-dire les établissements d'enseignement supérieur d'intérêt général) et celle du privé à but lucratif.
En ce qui concerne tout d'abord les EESPIG, je souhaite attirer votre attention sur la baisse d'attractivité que connaît désormais ce statut. Les EESPIG sont des établissements de grande qualité, qui accueillent près de 160 000 étudiants, et dont le fonctionnement se rapproche sur plusieurs points de celui des établissements publics - ils bénéficient en effet de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) et leurs formations sont accessibles via Parcoursup ; surtout, ils sont soumis à une évaluation périodique, notamment par le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) ou la commission des titres d'ingénieur (CTI). En contrepartie, ils reçoivent une subvention de l'État.
Nous sommes, je crois, nombreux à observer que tandis que ces obligations leur imposent une charge croissante, le montant de cette subvention, lorsqu'on le rapporte au nombre d'étudiants accueillis, est en constante et rapide diminution ; de 925 euros par étudiant en 2013, il est aujourd'hui passé à 485 euros. La tendance à la hausse des contraintes par rapport aux bénéfices retirés du statut débouche logiquement sur la tentation pour certains établissements d'en sortir, d'autant que des groupes financiers leur présentent des offres de rachat.
Il me semble dès lors important de réaffirmer notre attachement au statut d'EESPIG - lequel avait d'ailleurs été mis en place à l'initiative du Sénat dans la loi « Fioraso » de 2013 -, synonyme d'un enseignement privé de qualité, indispensable aux filières économiques de notre pays. Je déposerai donc, à titre personnel, plusieurs amendements visant à préserver son attractivité.
En dehors des EESPIG, l'enseignement privé lucratif, qui recrute aujourd'hui 26 % des étudiants, connaît un développement massif porté par des établissements dispensant des formations de qualité variable. À l'autre bout du spectre de la qualité, on trouve ainsi des écoles détenues par des fonds d'investissement et aux pratiques concurrentielles incontrôlées. Leur communication, centrée sur des diplômes non reconnus à l'échelle nationale et la mise en avant de simples certifications professionnelles offrant des perspectives limitées, n'est pas toujours décryptée par les jeunes et leurs familles, tandis que l'absence d'obligations législatives ou réglementaires relatives au taux d'encadrement ou au taux de cours assurés en présentiel favorise de graves dérives. Certaines de ces écoles ont pu être créées grâce à la location de titres professionnels, qui est à ce jour autorisée par la loi ; toutes ou presque prospèrent grâce à la massification de l'apprentissage dans le supérieur, qui leur a permis d'accéder à des financements publics aussi importants que peu contrôlés.
Face à cette situation, deux rapports ont récemment tiré la sonnette d'alarme. En juin 2023, Laurent Batsch a ainsi établi que le marché de l'enseignement supérieur lucratif se distinguait, dans le paysage économique, par une absence complète de régulation par les pouvoirs publics, alors même qu'il est marqué par une forte asymétrie entre des jeunes souvent très vulnérables d'une part, et des établissements dont le but principal est de réaliser des profits d'autre part. Une image utilisée par l'auteur est particulièrement parlante : il est aujourd'hui plus difficile d'ouvrir un salon de coiffure qu'une école d'enseignement supérieur, qui est soumise à un simple régime de déclaration.
Partageant largement ces constats, les anciennes députées Béatrice Descamps et Estelle Folest ont formulé en avril dernier 22 propositions visant à mieux réguler et à mieux piloter ce secteur économique.
J'appelle le Gouvernement à s'emparer au plus vite de ces recommandations pour mettre fin à cette anomalie et aux dommages considérables infligés aux étudiants et à leurs familles, aux établissements de qualité soumis à une concurrence inégale, mais aussi aux comptes publics. Je crois pour ma part que cette régulation doit moins passer par la création d'un nouveau label, qui contribuerait à brouiller encore la lisibilité du paysage du supérieur, que par la mise en place de conditions minimales pour l'ouverture et le fonctionnement d'un établissement, ainsi que par un encadrement plus strict de l'accès aux financements de l'apprentissage.
Telles sont, mes chers collègues, les observations dont je souhaitais vous faire part sur ces crédits. J'analyse au total ce budget comme un budget préservé (puisque ses crédits sont reconduits sur le haut niveau atteint en 2024) et comme un budget d'attente (puisque plusieurs évolutions attendues, sans être annulées, sont renvoyées à des arbitrages ultérieurs).
Dans ces conditions, et en souhaitant que certaines des pistes que j'ai évoquées devant vous puissent rapidement trouver une traduction concrète, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Mme Catherine Belrhiti. - Ce PLF 2025 traduit une tension entre ambitions et contraintes, étroitement liée à la situation financière sans précédent de notre pays. Dans ce contexte inédit, j'insiste sur le fait que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche aura augmenté de 4,3 milliards d'euros entre 2017 et 2025, et de 2,7 milliards d'euros depuis le début de la mise en oeuvre de la LPR. C'est un constat dont on ne peut que se réjouir.
Il est vrai que les objectifs initiaux de la LPR fixés pour 2025 ne seront atteints qu'à hauteur d'un tiers, ce qui n'est toutefois pas catastrophique compte tenu des nombreuses perturbations économiques et sociales que nous connaissons.
Si des efforts sont perceptibles pour préserver certaines priorités, d'autres chantiers nécessitent une réponse plus audacieuse : la soutenabilité financière des universités, la lutte contre la précarité étudiante, ou encore le positionnement de la France dans la compétition scientifique mondiale. Tous ces sujets appellent des solutions durables.
Je tiens à saluer le Gouvernement d'avoir réussi, malgré tout, à maintenir un cap et de s'être fixé les priorités suivantes : la revalorisation des carrières scientifiques, l'amélioration de la réussite des étudiants et la modernisation des établissements d'enseignement supérieur.
Face à ces défis, il est impératif de continuer le travail pour tenter de bâtir un modèle d'enseignement supérieur et de recherche à la hauteur des enjeux de notre époque et de notre pays.
Dans ce contexte sous tension, je m'interroge tout de même sur la manière d'assurer la pérennité financière des universités, compte tenu de l'augmentation du nombre d'étudiants et de la disparité de leurs ressources propres, et plus globalement, sur le risque de perte de compétitivité scientifique de notre pays.
M. Yan Chantrel. - Je félicite le rapporteur pour cet avis budgétaire, dont je partage un certain nombre de diagnostics mais pas la conclusion.
La situation financière des établissements d'enseignement supérieur s'aggrave. Selon France Universités, 60 universités sur 75 sont en déficit. Rappelons que 80 % de leur budget est constitué de la masse salariale. Pour la financer, elles sont obligées d'aller puiser dans leurs fonds propres, car les dotations de l'État ne suivent pas. Souvenez-vous, en février dernier, le secteur de l'ESR a subi d'importes coupes budgétaires ! Il y a les mesures « Guerini », le GVT, les surcoûts énergétiques... auxquels viennent désormais s'ajouter 200 millions d'euros supplémentaires du fait de la mesure « CAS Pensions ». En deux ans, 500 millions d'euros de dépenses ont donc été imposés par l'État aux universités, sans compensation. Bercy continue à s'en prendre à leurs fonds de roulement, espérant y trouver un trésor caché. Or les trois quarts de ces fonds sont fléchés ! Leur part vraiment disponible sert la plupart du temps à des investissements ou à des achats de matériels non programmés.
Un autre enjeu fondamental est la baisse du taux d'encadrement des étudiants, qui suit la même pente que la dépense par étudiant, qui accuse une perte de 15 %.
Nous avons bien conscience que ce budget est contraint. Mais l'ESR, comme l'a dit le ministre lors de sa prise de fonction, est un investissement et non une dépense. Certains pays, pourtant en difficulté financière, ont su porter leurs efforts sur l'ESR, estimant à juste titre que ce secteur est un puissant relais de croissance. La bonne gestion des finances publiques implique de mettre l'accent sur les secteurs décisifs pour l'avenir. Ne pas les abonder revient à s'exposer à des budgets potentiellement récessifs à moyen et long terme.
Pour toutes ces raisons, notre groupe donne un avis défavorable à ce budget.
M. Pierre Ouzoulias. - Je félicite le rapporteur pour sa connaissance fine du secteur. Il a mis le doigt sur les incohérences et les difficultés que ce Gouvernement ne veut pas résoudre.
D'autres pays, dans des circonstances budgétaires plus compliquées que celles que nous connaissons, ont fait des choix différents. Je pense notamment au Royaume-Uni qui a décidé d'investir massivement dans l'ESR, mais aussi à l'Allemagne ou à la Corée du Sud. Nous faisons l'inverse. Le budget de l'ESR est tout juste stabilisé. J'aimerais comprendre pourquoi. Il y a un problème entre la France et ses chercheurs, entre la France et ses universités, que j'impute à une forme de mépris et de méconnaissance de nos élites vis-à-vis du monde académique. Quelque chose est à changer dans la perception qu'a notre pays de l'ESR. Dans la recherche privée, nous avons l'un des taux de docteurs les plus bas au monde, moins de 10 % me semble-t-il. Le titre de docteur bénéficie à l'international d'une reconnaissance qu'il n'a pas en France.
Merci d'avoir évalué à 500 millions d'euros la non-compensation par l'État des mesures liées à la masse salariale des établissements.
L'État est dans l'incapacité de résoudre le problème de la sous-dotation des plus petits d'entre eux, qui présentent pourtant de très bons résultats en termes de réussite étudiante. Ce sont ces établissements que nous devrions aider !
J'alerte sur la nécessité de donner une visibilité aux étudiants engagés en doctorat : ils ont besoin de savoir quels seront leurs débouchés sur le marché de l'emploi. Je rappelle aussi que la moitié des doctorants en France sont étrangers, ce qui montre bien le caractère très peu attractif de ce diplôme aux yeux de nos étudiants. Or ce sujet n'avance pas...
Sur les bourses, j'avais exprimé un très fort soutien à la réforme proposée par la précédente ministre, Sylvie Retailleau. Ce qu'elle proposait était intelligent et tenait compte de l'ensemble des difficultés structurelles du système actuel. Je suis d'accord avec le rapporteur : nous ne connaissons pas les intentions du Gouvernement sur sujet. Nous devrons obtenir des précisions en séance publique.
Enfin, le rapporteur a eu tout à fait raison de mettre l'accent sur le dossier de l'enseignement privé. La différence de traitement entre le privé non lucratif et le privé lucratif est incompréhensible : l'État défavorise le premier au profit du second. Il y a là une forme de désinvolture coupable de la part du ministère. La création d'un label ne suffira pas ; l'on reportera ainsi sur les parents la charge qui incombe normalement à l'État.
Pour l'ensemble de ces raisons, et en dépit du travail remarquable du rapporteur, je ne peux souscrire au budget qui nous est soumis.
M. Jean Hingray. - Je félicite à mon tour le rapporteur dont nous partageons les constats et la conclusion.
Le modèle économique des universités suscite beaucoup d'interrogations dans nos territoires, car les collectivités sont des partenaires importants sur un certain nombre de projets. La coupe de 5 milliards d'euros sur les recettes de ces dernières ne sera donc pas sans conséquence.
Malgré le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons, beaucoup de bonnes choses sont poursuivies.
Un point de vigilance toutefois : en 2024, le financement des bourses sur critères sociaux avait nécessité une ligne supplémentaire de crédits en fin d'année. Il faudrait que cela ne se reproduise pas l'année prochaine, donc que leur montant soit bien budgété dès maintenant.
Je me félicite que la loi Levi, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, trouve sa pleine effectivité avec 171 conventions partenariales signées. Dans les Vosges, ce dispositif permet enfin un égal accès de tous les étudiants à une offre de restauration. C'était très attendu !
Mme Mathilde Ollivier. - J'adresse mes félicitations au rapporteur. Comme j'ai pu le dire tout à l'heure à propos de la recherche, les budgets qui nous sont proposés pour l'ESR sont insuffisants pour compenser les surcoûts liés aux mesures salariales.
Alors qu'une première phase de la réforme structurelle des bourses était en cours, le budget qui leur est consacré est en baisse de 120 millions d'euros, ce qui suscite des interrogations sur le devenir de la deuxième phase. Nous avions proposé à la précédente ministre de travailler à la création d'une allocation universelle d'étude ; elle s'y était opposée, en indiquant que le deuxième volet de la réforme allait permettre de répondre à la précarité étudiante. Son premier volet, auquel nous souscrivons, n'a pas réglé le problème des sorties du système des bourses : ils étaient 30 000 étudiants en 2021 et 50 000 en 2022. Il serait intéressant d'avoir le chiffre pour 2024 et la prévision pour 2025.
La santé mentale des étudiants est une problématique majeure : 39 % d'entre eux présentent des signes de détresse psychologique. Alors que le Premier ministre a fait de la santé mentale une grande Cause nationale en 2025, je ne vois aucun engagement dans ce budget en faveur de la santé mentale des étudiants. Je rappelle que 55 % d'entre eux ne connaissent pas le dispositif Santé Psy Étudiant et que le ratio est d'un psychologue pour 16 000 étudiants.
Un autre point d'attention concerne la rénovation du patrimoine immobilier. Les communautés universitaire et étudiante s'étaient fortement mobilisées pour lutter contre l'insalubrité de certains établissements. Or il n'y a pas d'enveloppe particulière prévue dans ce budget.
Je souscris pleinement aux propos de Pierre Ouzoulias sur la trop faible valorisation du doctorat en France. Nous devons avoir une réflexion de fond sur ce sujet. Dans l'espace germanique, que je connais bien, le fait d'être docteur est très valorisé. En France, ce n'est pas le cas ; il y a peu de docteurs dans les entreprises, la haute administration et en politique.
L'avis de notre groupe sera défavorable.
M. Bernard Fialaire. - Je souhaite insister sur la question du bien-être des étudiants : faire des études dans de bonnes conditions est un gage de réussite.
Les possibilités offertes par la CVEC, qui avait fait l'objet d'un rapport de notre commission, sont mal connues. Au moment de la rentrée universitaire, davantage d'informations doivent être délivrées aux étudiants, dans un cadre qui mériterait d'être un peu plus solennisé. Ce serait aussi l'occasion de rappeler aux étudiants certaines règles de comportement qu'il leur faut respecter - je renvoie notamment aux conclusions de notre récent rapport d'information sur la question de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.
S'agissant des officines privées délivrant des pseudo-diplômes, il faut davantage de contrôles. Ces structures n'ont rien à voir avec les EESPIG. En première année de médecine, ces officines sont devenues incontournables. C'est aux universités de prendre en charge l'accompagnement de leurs étudiants.
Sur la question du doctorat, je remarque qu'il est presque discriminant d'en être titulaire ! Lorsqu'un ingénieur annonce à son entreprise vouloir faire un doctorat, cela est presque perçu comme suspect. Il nous faut travailler sur la plus-value de ce diplôme.
Notre avis sur ce budget est favorable.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Plusieurs d'entre vous ont évoqué le sujet des bourses sur critères sociaux, pour lesquelles une baisse de dépenses de l'ordre de 105 millions d'euros est en effet anticipée. La réforme de 2023 a conduit à une augmentation du nombre de boursiers après plusieurs années de baisse ; en particulier, 30 000 étudiants qui ne satisfaisaient pas aux critères précédemment en vigueur ont intégré le dispositif. L'absence d'indexation des barèmes sur l'inflation pourra effectivement conduire certains d'entre eux à en sortir cette année, d'autant que les revenus pris en compte dans les dossiers sont ceux de l'année n-2 - or, il y a deux ans, le contexte d'inflation a pu pousser à une hausse des salaires.
Dans sa feuille de route rendue publique hier, le ministre évoque désormais une mise en oeuvre de la seconde phase de la réforme à la rentrée 2026. L'évolution visée soulève un problème mathématique intéressant : pour lisser les effets de seuil, il faudra définir une fonction affine par morceaux, ce qui entraînera mécaniquement un surcoût.
Jean Hingray a évoqué une insincérité budgétaire sur les crédits des bourses ; je crois en tous cas qu'il faudra être attentifs à l'exécution des financements inscrits dans le PLF.
Il faudra nous faire préciser ces différents points par le ministre en séance, notamment en ce qui concerne le nombre de sorties du dispositif cette année.
Sur l'enseignement privé, je voudrais tout d'abord redire que je n'ai pas d'opposition de principe au statut privé. On trouve cependant parmi les établissements privés des formations de grande qualité et d'autres dont les pratiques posent problème. À l'image des écoles privées sous contrat de l'enseignement secondaire, les EESPIG représentent le privé de qualité.
Ce que je souhaite pointer, c'est le privé très lucratif qui n'observe pas de règles déontologiques, par exemple sur l'encadrement des étudiants. On ne pourra probablement pas interdire la création de tels établissements, mais il faut au moins empêcher qu'ils aient accès aux financements publics de l'apprentissage.
Il me semble difficile de faire des comparaisons entre notre système d'enseignement supérieur et ses équivalents internationaux, quand le statut et le financement des établissements sont très spécifiques en France. Les établissements anglais sont privés et demandent des droits d'inscription incomparables avec ceux des universités françaises. Le modèle français doit accepter de bouger quelques lignes pour trouver des financements supplémentaires, notamment en ce qui concerne leurs ressources propres.
La baisse de la subvention par étudiant des EESPIG vient aussi de l'intégration récente de nouveaux établissements dans ce statut, tandis que le montant de la subvention n'évolue pas aussi rapidement. J'ai plusieurs fois défendu un amendement au PLF visant à ce que cette ligne budgétaire couvre 10 % du coût de la scolarité de chaque étudiant ; je ne le ferai pas cette année en raison de l'impératif de maîtrise des finances publiques, mais je continuerai à travailler sur ce sujet, qui suscite des interrogations.
Je souhaite enfin rappeler que mon parcours me pousse à défendre avec la même force l'université publique que l'enseignement supérieur privé de qualité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2025.
Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs à l'Enseignement scolaire - Examen du rapport pour avis
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement scolaire. - Les crédits de la mission « enseignement scolaire » hors enseignement agricole sont en hausse de 1,6 milliard d'euros. Je suis conscient de la spécificité de cette mission : 92 % de ses crédits sont consacrés à des dépenses de personnel. Le glissement vieillesse technicité ainsi que l'augmentation du taux de contribution de l'État aux pensions expliquent une large partie de cette augmentation.
Hors enseignement agricole, et hors CAS pension, le budget est de 63 milliards d'euros. C'est une hausse de 98 millions d'euros, soit de 0,2 %. Cette augmentation est symbolique mais réelle. Nombreux de mes collègues rapporteurs budgétaires se réjouiraient d'une hausse d'un montant similaire !
Avant d'évoquer la suppression d'ETP, qui est le fait saillant de ce PLF, je souhaite vous indiquer les 3 principales mesures d'augmentation et de diminution au sein de cette mission.
Au titre des augmentations, il y a tout d'abord 82 millions d'euros pour le renouvellement des manuels de 6ème en français et en mathématiques. Cette mesure s'inscrit dans le cadre du choc des savoirs. Elle fait suite à une mesure similaire pour les manuels de CP l'année dernière.
Par ailleurs, 19 millions d'euros supplémentaires sont consacrés aux bourses sociales. Il s'agit de tenir compte de la revalorisation des échelons ainsi que de l'automatisation de l'attribution des bourses depuis la rentrée 2024 pour les élèves du public. Cette mesure sera étendue aux élèves du privé sous contrat en 2025.
Enfin 10 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à la part collective du pass Culture.
J'en viens maintenant aux principales diminutions - hors suppression des postes enseignants.
Le PLF 2025 acte l'extinction du fonds de soutien au développement des activités périscolaires à partir de la rentrée 2025, soit une économie de 22 millions d'euros.
Par ailleurs, l'augmentation de 30 millions d'euros en faveur de la médecine scolaire que nous avions votée l'année dernière n'est pas reconduite.
Enfin, les crédits de formation diminuent de 8 millions d'euros. Cela ne signifiera pas une diminution des formations proposées aux personnels de l'éducation nationale : en effet, les crédits de formation souffrent d'une sous-consommation chronique importante : en 2023, 63 % n'ont pas été consommés. Cette sous-utilisation doit nous interroger sur l'écart entre le discours affiché par les gouvernements successifs de renforcer la formation des enseignants et la consommation réelle des crédits. Or, nous sommes tous convaincus de la nécessité d'un renforcement de la formation initiale et continue de nos enseignants.
J'en viens maintenant à la suppression de 4 035 ETP d'enseignants sur fond de baisse démographique scolaire. Le premier degré est le niveau le plus fortement mis à contribution avec plus de 90 % des suppressions.
Comme vous le savez, les effectifs sont en forte baisse. Près de 74 000 élèves dans le premier degré en moins sont attendus entre la rentrée 2024 et la rentrée 2025. Le nombre d'élèves dans le primaire a baissé de 522 000 entre 2017 et 2024. Sur la même période, le nombre d'équivalent temps plein travaillé a augmenté de 6 100.
Il me semble important d'avoir une attention toute particulière pour les écoles rurales. Si le nombre d'élèves par classe y est légèrement plus faible que la moyenne nationale, la fermeture d'une classe dans des écoles de petite taille entraîne une forte hausse du nombre d'élèves par classe l'année suivante.
Par ailleurs, l'école est souvent le dernier service public présent dans de nombreuses communes. Prenons garde à ne pas donner l'impression d'abandonner ces territoires et leurs populations.
C'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure un amendement pour revenir partiellement sur les suppressions de poste dans le premier degré.
J'en viens maintenant à l'école inclusive : le PLF pour 2025 prévoit la création de 2 000 ETP d'AESH qui s'ajoute aux fortes progressions des années précédentes. Dans le même temps, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés a progressé de 5,6 % en 2024 par rapport à la rentrée 2023.
Vous le savez, l'année dernière, nous nous étions opposés à la transformation des PIAL en PAS - les pôles d'appui à la scolarisation. Depuis la rentrée 2024, les PAS sont expérimentés dans 4 départements. S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan, des éléments seront connus en février 2025 - il nous appartiendra d'être attentifs à ces premiers retours.
Nous devrons également être vigilants au taux de couverture en matériel pédagogique, essentiel pour apporter la réponse de premier niveau souhaitée par les PAS. Or ce taux, déjà faible en 2022, s'est effondré en 2023.
Quant à l'objectif d'une couverture des besoins en matériel pédagogique fixé à 85 %, celui-ci ne cesse de reculer d'année en année. Il est désormais fixé à 2027.
Deux points appellent mon attention concernant les réformes annoncées par le Gouvernement.
Le premier concerne la mise en oeuvre des groupes de besoins. Leur déploiement pour les classes de sixième et de cinquième en mathématiques et en français a mobilisé 2 330 ETP. Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé de la mise en oeuvre de cette mesure. À titre personnel, j'y suis favorable. Je conviens toutefois qu'elle a conduit à des difficultés organisationnelles pour les collèges, similaires d'ailleurs à celles que connaissent les lycées pour la mise en oeuvre des spécialités. Tous les cours de mathématiques et de français de sixième et de cinquième doivent avoir lieu en même temps afin de regrouper les élèves de plusieurs classes. Pour les établissements de petite taille, où les enseignants interviennent dans plusieurs collèges, cela implique une organisation coordonnée des emplois du temps entre les différents établissements.
La ministre vient d'annoncer l'extension partielle du dispositif aux classes de quatrième et de troisième : des groupes de besoins seront créés, à raison d'une heure par semaine, en alternant les mathématiques et le français.
Il me semble préférable de prévoir une organisation souple, à la main des principaux et des équipes pédagogiques, dans le respect des autonomies des établissements.
Mon deuxième point d'attention concerne le diplôme national du brevet. Celui-ci deviendrait obligatoire à partir de la session 2027.
Comme vous le savez, le ministère a créé des classes « prépa-seconde ». Elles ont vocation à accueillir pendant un an des élèves n'ayant pas eu leur brevet. Une de ces classes a été créée dans chaque département. 1 500 places ont été ouvertes, pour 150 ETP. Or lors de la session 2024, plus de 120 800 élèves n'ont pas eu leur brevet. Les 1500 places actuellement ouvertes seront insuffisantes. Par ailleurs, il est urgent de définir un programme et un volume horaire communs à ces classes. Aujourd'hui, ceux-ci varient dans chaque établissement en fonction des moyens et enseignants disponibles.
Je m'interroge également sur l'opportunité de rendre obligatoire l'obtention du brevet pour les élèves se destinant à la voie professionnelle. Si tel est le cas, il conviendra de prévoir une obligation similaire pour les lycéens professionnels faisant le choix de l'apprentissage. Comme ils ne relèvent plus du statut scolaire, la condition du brevet ne s'y appliquerait pas.
Ce budget est pour moi l'occasion d'évoquer un sujet majeur : il devient urgent d'anticiper le choc démographique à venir.
Comme vous le savez, le nombre de naissances est en forte diminution depuis 2010. Deux chiffres illustrent mon propos : en 2006, soit l'année de naissance de lycéens qui ont passé leur bac en 2024 et viennent de sortir du système scolaire, le nombre de naissances était de 829 000. La génération née en 2023, qui entrera en maternelle en 2026, comptabilise 678 000 naissances. Ce sont 151 000 naissances de moins en l'espace d'une génération scolaire.
Entre 2022 et 2028, 360 000 élèves en moins fréquenteront les bancs des écoles primaires. Cette baisse atteint désormais le collège. Sur cette même période, il y aura 139 000 collégiens en moins. Des collèges pourraient ainsi être amenés à fermer : pour rappel, aujourd'hui environ 345 collèges ont moins de 200 élèves.
Ce constat appelle à une réflexion sur le futur maillage territorial scolaire. Toutes les académies, à l'exception de Mayotte, sont concernées.
Il faut désormais sortir d'une construction court-termiste de la carte scolaire. Un premier pas a été fait en 2023 dans le cadre du plan France ruralités : Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé vouloir changer de méthode et donner une vision à trois ans.
Des observatoires des dynamiques rurales devaient être déployés dans chaque département. Ils ont vocation à mettre autour de la table élus locaux, préfecture et rectorat, afin de partager un constat et établir conjointement une carte scolaire pluriannuelle sur trois ans.
Or, le déploiement de ces observatoires est inégal selon les territoires. L'ensemble de ces instances doivent devenir une réalité et constituer un véritable espace de dialogue.
Par ailleurs, il me semble important d'étendre cette démarche pluriannuelle à tous les territoires, y compris urbains et périurbains. Les départements et régions doivent également être davantage associés : les collèges et lycées vont être concernés très rapidement par la baisse de leurs effectifs. En outre, les transports scolaires seront sollicités par la modification de la carte scolaire.
Enfin, faisons de la baisse démographique un levier pour une meilleure mise en réseau des établissements scolaires. Vous connaissez mon attachement pour l'école du socle. Profitons des réflexions actuelles sur les mutualisations et sur le maillage territorial pour penser le rapprochement école-collège ainsi qu'une meilleure articulation de services entre professeurs des écoles et de collèges.
L'une des missions du Pacte enseignant permet aux enseignants du premier degré de s'engager pour une mission de soutien ou d'approfondissement en mathématiques et en français en 6ème. J'y vois un premier renforcement de cette articulation qu'il faut encourager.
Chers collègues, les crédits de la mission « enseignement scolaire » sont en augmentation de plus de 1,6 milliard d'euros, dans un contexte de forte contrainte sur nos finances publiques et de baisse importante du nombre d'élèves.
Pour ces raisons, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de cette mission. Au regard de la baisse démographique scolaire qui va s'accentuer ces prochaines années, nous risquons de nous retrouver face à des débats similaires lors des prochains PLF. Aussi, il me parait essentiel de penser dès à présent avec l'ensemble des acteurs concernés le maillage territorial scolaire de la prochaine décennie.
Mme Annick Billon. - Merci au rapporteur pour son travail. Avec une hausse symbolique de 98 millions d'euros, le budget de l'enseignement scolaire se maintient à 63 milliards d'euros. Je soulignerai quelques points positifs et des points de vigilance.
L'effort budgétaire est constant malgré un contexte contraint. Parmi les points positifs, je note l'accent mis sur les manuels scolaires et sur les bourses, ainsi que la création de 2 000 postes d'AESH. La revalorisation du métier d'AESH, grâce aux travaux du Sénat et notamment à la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, est une bonne nouvelle, de même que l'extension des « territoires éducatifs ruraux » et le soutien aux internats thématiques.
Toutefois, ce budget acte la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Le gouvernement invoque la baisse démographique. Mais ces suppressions risquent d'affaiblir les dynamiques éducatives locales. J'espère que nous parviendrons à les réduire de façon significative.
Par ailleurs, le métier d'AESH reste précaire, peu attractif. Les postes créés ne sont pas tous pourvus alors qu'il y a une augmentation de la demande. La prise en charge des enfants pendant la pause méridienne peine à se mettre en place en raison de contraintes organisationnelles et de lourdeurs administratives imposant des conventions tripartites.
Le Pacte enseignant demeure controversé. Certains syndicats dénoncent sa complexité et l'existence d'une pression hiérarchique. Il est plus utilisé dans l'enseignement privé sous contrat que dans les établissements publics. La formation continue des enseignants reste sous-financée et sous-utilisée. Enfin, nous partageons les remarques du rapporteur sur les expérimentations des PAS.
Ce budget est stable. Dans le contexte de recherche d'économies, le groupe UC le soutiendra, avec toutefois la volonté de revoir à la baisse le nombre de suppressions de postes. Quatre ministres de l'éducation nationale se sont succédé en un an. La stratégie est difficilement lisible alors que l'enseignement scolaire a besoin d'une vision.
Mme Catherine Belrhiti. - Il est à mon sens important de souligner que le budget de l'éducation nationale reste le principal poste de dépenses de l'État. Depuis 2017, ce poste a connu une augmentation significative de 30 %, passant de 48,8 milliards d'euros à 63 milliards d'euros. Cette hausse traduit notre volonté collective de miser sur l'enseignement qui est un investissement pour le futur. D'après les calculs du ministère, la baisse démographique, avec près de 100 000 élèves en moins, aurait justifié une réduction de 5 000 postes d'enseignants en 2025. Finalement, le projet de loi de finances prévoit la suppression de 4 000 postes, principalement dans le premier degré. Il va sans dire que nous sommes dans une situation financière sans précédent et que les efforts budgétaires doivent être partagés par tous les secteurs. Cependant les inquiétudes sont parfaitement légitimes, je les entends et je les partage.
Le budget pour l'école inclusive a doublé depuis 2017, atteignant 4,6 milliards d'euros en 2025. Cette augmentation permettra la création de 2 000 postes d'AESH, portant à 13 000 le nombre de postes créés depuis 2022. Il faut aussi saluer des augmentations de rémunérations dans certains secteurs comme l'enseignement professionnel ou encore l'augmentation d'un million d'euros en faveur des « territoires éducatifs ruraux ».
Je souhaite alerter sur l'impact des suppressions de postes sur les conditions d'enseignement. Nous savons que le personnel enseignant est déjà sous tension : quel message envoie-t-on aux futurs enseignants alors que l'attractivité de ce métier est déjà remise en cause ?
Mme Marie-Pierre Monier. - Je souhaitais avant tout remercier notre rapporteur pour le travail et les auditions menées dans le cadre de ce rapport.
D'une année sur l'autre, nous pointons l'inadéquation de ce budget aux besoins de notre école. Un nouveau cap a été franchi. Le gouvernement nous propose un nombre de suppressions de postes inédit depuis 2012. L'éducation nationale est le principal budget mis à contribution, à hauteur de 90%, s'agissant des coupes prévues par ce budget 2025 dans la fonction publique.
Rappelons que pour le second degré, les 181 ETP supprimés s'inscrivent à la suite de 7500 suppressions d'emplois effectuées de 2018 à 2021, alors même que les effectifs ont enregistré une hausse de 68 000 élèves sur la période.
L'éventualité de nouveaux postes créés dans le cadre de l'extension des groupes de besoins aux élèves de quatrième et troisième ne saurait être une perspective satisfaisante, étant donné notre opposition à la logique de tri des élèves qu'incarne cette politique publique qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucun bilan réel.
Exercice budgétaire après exercice budgétaire, les pertes sèches dans le second degré étaient jusqu'ici justifiées par une priorité allouée au premier degré : cette illusion s'estompe aujourd'hui, au regard des 3155 suppressions de postes prévues dans le premier degré. Nous connaissons l'argument de la baisse démographique. Ce dernier ne tient pas, dans un contexte où la France est l'un des pays de l'Union européenne dont les effectifs par classe sont les plus élevés. Dans le premier degré, en dépit des dédoublements de classes en éducation prioritaire, on compte toujours en moyenne 21,4 élèves par classe, contre 19 dans l'UE ; plus d'un quart des classes de maternelle et d'élémentaire dépassent encore les 25 élèves. Dans le second degré, les effectifs moyens par classe n'ont jamais été aussi élevés depuis 1980.
L'argument démographique ne tient pas non plus si nous sommes sincères dans notre volonté d'améliorer les conditions de travail de nos professeurs, alors que la crise d'attractivité est sans précédent : en 2024, ce sont, à nouveau, 3 000 postes qui n'ont pas été pourvus à l'issue des concours enseignants.
Sur le plan de la revalorisation salariale des professeurs, aucun nouvel effort significatif n'est prévu : avec un salaire médian de début de carrière de 30 935 euros bruts pour un enseignant du secondaire, la France reste en queue de peloton au sein des pays d'Europe de l'ouest. Nous sommes opposés à la logique du « travailler plus pour gagner plus » qu'incarne le Pacte enseignant, auquel ne peuvent souscrire des personnels qui travaillent déjà, pour plus de la moitié d'entre eux, plus de quarante-trois heures par semaine et dont le temps d'enseignement annuel est parmi les plus élevés des pays de l'UE. La mise en oeuvre du Pacte s'est accompagnée de dysfonctionnements notables. Je regrette que le gouvernement se soit borné dans son premier bilan à une approche purement quantitative et non qualitative. La surreprésentation des enseignants du privé sous contrat parmi les signataires du Pacte doit nous interroger, alors qu'un rapport de l'Assemblée nationale a alerté sur un potentiel détournement du dispositif.
Enfin, les lacunes de l'inclusion scolaire ont été pointées par un récent rapport de la Cour des comptes. Si nous saluons le recrutement de 2 000 AESH, la marche reste encore haute pour répondre à l'ensemble des notifications émises par les Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH).
Les PAS, censurés par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif à l'issue du dernier projet de loi de finances, sont actuellement expérimentés dans quatre départements. Toute réorganisation profonde de l'école inclusive devra faire l'objet d'un débat parlementaire et ne saurait faire l'impasse sur une meilleure articulation avec le médico-social et une amélioration significative des conditions de travail des AESH.
Pour toutes ces raisons, le groupe SER se prononcera contre l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
M. Pierre Ouzoulias. - Merci au rapporteur qui a bien mis en évidence les points de faiblesse de ce budget. Je souhaiterais insister sur l'extrême fragilité du corps enseignant et sur sa vulnérabilité, alors que la loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires est remise en cause par un nombre croissant d'élèves, dans un climat communautariste. Je regrette les attaques dont sont victimes les enseignants ces derniers mois. Nous devons les soutenir beaucoup plus fortement. Je suis peiné de la baisse de l'attractivité de ce métier. Il y a une perte de sens. Jusqu'à présent, on devenait enseignant pour défendre la connaissance, le savoir et la République. Aujourd'hui, ce métier est considéré comme un parmi d'autres, avec une forte proportion de contractuels susceptibles de partir du jour au lendemain.
Dans les Hauts-de-Seine, je constate qu'il y a beaucoup d'établissements où il manque encore des enseignants, trois mois après la rentrée. La gestion des remplacements est catastrophique. Comment faire comprendre aux élèves et aux parents qu'il faut respecter les valeurs de la République si la République n'est pas exemplaire ? Je ne peux pas comprendre que l'on puisse envisager des suppressions de postes alors que le ministère de l'éducation nationale est dans l'incapacité d'assurer les remplacements.
Sur la réforme du lycée, on accumule les incohérences. Je comprends qu'une épreuve anticipée de mathématiques pourrait être organisée en classe de première. La classe de terminale risque d'être vidée de son sens. Seul le contrôle continu comptera pour Parcoursup et encore, pour le premier trimestre seulement. Cette impasse montre l'incapacité du gouvernement à penser le continuum bac-3 à bac+3. Si le baccalauréat n'a plus d'intérêt, il faut nous dire par quel dispositif on le remplace. Au lieu de cela, on nous propose tous les ans une réforme qui ajoute de la complexité. Sur Parcoursup, la ministre Sylvie Retailleau était favorable à l'anonymisation du lycée d'origine, mais l'éducation nationale est incapable de définir une cohérence des notes en première et en terminale.
Je regrette que vous n'évoquiez pas suffisamment l'enseignement privé : combien coûte-t-il à l'État ? On parle de 8 à 15 milliards d'euros. La diminution du nombre d'enseignants est-elle appliquée à l'enseignement privé avec la même rigueur que dans l'enseignement public ?
En conclusion, le groupe CRCE-K salue le travail du rapporteur mais ne votera pas ce budget.
Mme Monique de Marco. - Merci, Monsieur le rapporteur. En quatre ans, nous avons eu six ministres de l'éducation nationale... Les crédits proposés sont stables. Mais la médecine scolaire régresse. Les formations ne correspondent pas aux attentes des enseignants. Pour rappel, le budget de l'Éducation nationale a subi une baisse de 700 millions d'euros par décret en février dernier.
Ce budget reste très largement insuffisant. Il n'y a aucune nouvelle mesure salariale, alors que c'est la question qui pèse le plus sur l'attractivité. Cette année encore, 3 000 enseignants manquaient à l'appel des concours de recrutement pour la rentrée 2024. Si l'OCDE indique que cette pénurie ne touche pas que la France, particulièrement en mathématiques et en sciences, elle pointe une solution dans la revalorisation des salaires et des allocations ainsi que dans l'amélioration des conditions de travail. Fait nouveau, une forte hausse des démissions en cours de carrière conduit à une déperdition du savoir-faire.
Surtout, ce budget est malheureusement marqué par la suppression historique de 4 000 postes d'enseignants, justifiée par l'évolution démographique, alors que le taux d'encadrement des élèves français est l'un des plus mauvais de l'OCDE.
La ministre de l'éducation nationale ne tient donc pas les promesses de sa prédécesseure, qui souhaitait sanctuariser le budget de l'éducation nationale et refuser toute suppression de postes. L'incohérence est flagrante avec le discours de Gabriel Attal, qui voulait faire de l'éducation la « mère des batailles ».
Si la création de 2 000 postes d'AESH est à saluer, elle ne permettra malheureusement pas un accompagnement satisfaisant de l'ensemble des élèves en situation de handicap, dont le nombre ne cesse d'augmenter chaque année. Le métier d'AESH est toujours extrêmement précaire. Le séparatisme scolaire demeure. Les écoles privées continuent d'être sous perfusion publique sans aucune contrepartie en termes de mixité sociale et scolaire. Le « choc des savoirs » semble être remis en cause. Le Conseil d'État tient une audience aujourd'hui au sujet des groupes de besoins. La ministre a une position prudente, s'agissant du prolongement des groupes de besoins en quatrième et en troisième. Le brevet obligatoire, la création de classes préparatoires à la seconde et l'orientation vers des filières professionnelles en fonction des résultats et non des appétences constituent un tri social indigne des jeunes dès l'âge de 16 ans.
Le Premier ministre a affirmé que l'école resterait sa priorité. Ce budget n'en est pas l'illustration. C'est pourquoi le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne le votera pas.
Mme Béatrice Gosselin. - Je souhaite également féliciter le rapporteur pour son travail. Je tiens toutefois à souligner, à la suite de l'intervention de mon collègue que le budget de l'enseignement privé sous contrat est en diminution de 1,07 %. C'est le seul budget en baisse. Par ailleurs, lors de son audition, Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique nous a confirmé être favorable aux contrôles des établissements catholiques.
En ce qui concerne l'école inclusive, je me félicite de la création de nouveaux postes. Toutefois, la complexité des contrats pour la prise en charge des élèves en situation de handicap sur la pause méridienne rend le processus difficile à mettre en oeuvre. C'est un point de vigilance que nous devons avoir.
La formation doit se moderniser pour l'enseignement professionnel, notamment par un renforcement des partenariats entre les établissements et les entreprises : les élèves rencontrent de nombreuses difficultés pour trouver des stages.
Enfin, le PLF prévoit 4 035 suppressions de postes. Cela m'inquiète, notamment pour les territoires ruraux. Certes les services de l'éducation nationale nous indiquent qu'il y a une baisse démographique. Mais les chiffres qui nous sont transmis sont des moyennes. Celles-ci ne reflètent pas la réalité des territoires ni les conditions de travail des enseignants : pour pouvoir garder des postes dans une école, les classes seront surchargées dans une autre avec des doubles voire des triples niveaux.
Par ailleurs, certains de nos enseignants sont en grande difficulté : la formation initiale doit être changée. Je suis favorable à une formation à bac+3 complétée par deux ans de formation sur le terrain afin qu'ils s'approprient le métier.
Mme Colombe Brossel. - Je félicite le rapporteur pour son travail et sa présentation tout en subtilité. Nous souhaiterions pouvoir vous accompagner sur votre position ; toutefois nous ne pourrons pas voter ce budget.
Nous avons voté l'année dernière un budget qui a été ensuite détricoté avec des annonces sur le choc des savoirs postérieures à l'examen du PLF par le Parlement. Cela m'interroge sur notre rôle vis-à-vis du premier budget de la Nation. Cette année, la situation n'est pas malheureusement pas si différente.
Ce budget n'est pas construit pour le temps long. : d'ailleurs il est accueilli par les personnes que nous avons auditionnées avec tristesse ou colère.
Il justifie la diminution du nombre d'enseignants par la démographie. Cet argument est utilisé uniquement lorsque cela va dans le sens du gouvernement. Je note d'ailleurs un manque de cohérence car les ETP baissent également pour l'enseignement privé sous contrat alors que ses effectifs augmentent.
Par ailleurs, lorsque l'on évoque la démographie scolaire, une donnée est systématiquement oubliée : en 2030, 320 000 enseignants seront partis à la retraite. Peut-être est-il temps que le ministère s'empare de ce sujet, à moins qu'il attende le budget 2030 pour s'en préoccuper ?
La détresse et le sentiment de dénigrement des enseignants, notamment du fait de l'absence totale de revalorisation salariale, a déjà été évoqués. J'ajoute que cela touche également les personnels administratifs, qui sont eux aussi pas assez nombreux et en souffrance.
Je ne comprends pas la baisse des fonds sociaux collégiens et lycéens. On ne peut pas dans le même temps s'inquiéter du niveau de paupérisation de certaines familles et baisser les fonds sociaux. L'année dernière, ce sont les crédits alloués aux bourses qui ont été baissés, sans aucune explication de la part du ministère ; au final, ils ont dû être réévalués a posteriori.
Enfin on ne peut pas avoir un premier ministre qui annonce comme grande cause nationale pour 2025 la santé mentale et avoir une baisse des financements au sein du premier budget de la Nation sur la médecine scolaire.
Les politiques publiques ne peuvent pas être que des annonces.
Enfin, Monsieur le rapporteur, vous nous avez annoncé un amendement pour limiter la baisse du nombre de postes dans le premier degré. Nous serons ravis de le soutenir. Toutefois, j'ai entendu la ministre dire faire confiance aux débats parlementaires pour accompagner l'étape II du choc des savoirs. Or, il me semble que votre amendement porte uniquement sur le premier degré. Il ne faudrait pas que ces ETP préservés soient au final basculés sur le second degré. Dans le cas contraire, la raison même du débat parlementaire serait remise en question.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Je souhaite remercier l'ensemble des collègues qui ont participé aux auditions.
Concernant mon amendement, j'aurai besoin de la mobilisation de l'ensemble de la commission pour le défendre en séance. À ce jour, la position du Gouvernement n'est pas tranchée. Nous avons besoin de l'unanimité pour envoyer un signal clair afin d'essayer de faire infléchir les positions actuelles. Nous montrons également notre sérieux car nous ne revenons pas sur l'intégralité des suppressions - nous prenons en compte la démographie.
Nos enseignants ont besoin du soutien de la Nation. Je crois que les propos d'un ancien Président de la République sont maladroits. Les enseignants travaillent bien plus de 24 heures par semaine - celle-ci dure plutôt 38, 40 voire 43 heures -, ils travaillent pendant leurs vacances ; par ailleurs, les années de maternelle sont fondamentales pour la suite du développement de l'enfant. Il me parait important de le souligner : nous avons besoin d'unité dans notre pays fracturé.
La question de la rémunération a été évoquée. Certes, la désaffection vis-à-vis des concours est due aux salaires, mais aussi à la déconsidération du métier.
En ce qui concerne l'inclusion scolaire, la ministre est consciente des difficultés dans la mise en oeuvre de la loi Vial. Celles-ci sont dues dans certains territoires à des pratiques d'accompagnement antérieures sur la pause méridienne qui allaient au-delà de la notification des MDPH alors que l'éducation nationale se limite strictement à celles-ci. Enfin, en cas de manque d'AESH, le ministère fait parfois des arbitrages entre accompagnement sur le temps scolaire et hors temps scolaire. La loi Vial est une première étape. Le combat n'est pas encore gagné à ce jour.
La vulnérabilité du corps enseignant est une réalité, tristement mise en lumière au moment où se déroule le procès de l'attentat contre Samuel Paty. En 2015, j'étais rapporteur de la commission d'enquête pour faire revenir la République à l'école - vous étiez plusieurs à avoir participé à ses travaux. Nous avions déjà dénoncé certaines pratiques qui sont toujours d'actualité.
J'avais été rapporteur de la loi mettant en place de Parcoursup. Celui-ci devait créer un continuum entre le bac-3 et le bac+3. Malheureusement ce n'est toujours pas le cas.
En ce qui concerne l'enseignement privé sous contrat, permettez-moi d'apporter une précision : si les effectifs de l'enseignement privé sous contrat augmentent dans certains territoires, comme à Paris, à l'échelle nationale, ils sont en diminution. Le programme 139 « enseignement privé du premier et du second degrés » diminue de 1,07 %. Ceux pour l'enseignement scolaire public - premier et second degrés - augmentent de plus de 2 %. Le projet de budget prévoit une suppression de 700 postes dans l'enseignement privé sous contrat privé, pour 12 000 élèves de moins. Dans le public, il y a 3 155 postes en moins dans le premier degré pour 74 000 élèves de moins. Comme vous le voyez, l'enseignement privé sous contrat n'est pas avantagé dans ce projet de loi de finances.
La médecine scolaire ne connait pas une baisse de crédits. Toutefois, la prime accordée l'année dernière n'a pas été reconduite cette année. Nous sommes dans un contexte budgétaire difficile. Je rappelle que le budget prévoit malgré tout 98 millions d'euros de plus.
Il est nécessaire de revoir la formation initiale des enseignants. La formation purement universitaire est parfois déconnectée du terrain. Ce rapprochement avec l'université a permis la masterisation mais désormais la pratique pédagogique doit être renforcée.
Avant de vous présenter mon amendement, j'insiste sur la nécessité d'avoir votre appui, car la partie est loin d'être gagnée. La position de notre commission sera un signal fort pour tous nos territoires.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, je vous propose de revenir partiellement sur la suppression des postes dans le premier degré public. Actuellement, la suppression de 3 155 postes est prévue. Je vous propose de réduire cette suppression de 2 000 ETP.
Le nombre d'ETP supprimés dans le premier degré public s'établirait ainsi à 1 155.
Pour respecter les règles de recevabilité financière, cet amendement doit être gagé, mais nous demanderons au gouvernement de lever le gage.
Mme Marie-Pierre Monier. - Le groupe socialiste votera cet amendement. Toutefois, il s'agit pour nous d'un amendement de repli. Nous déposerons en séance des amendements pour revenir sur l'ensemble des suppressions d'ETP.
L'amendement est adopté à l'unanimité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement scolaire au sein de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2025.
La réunion est close à 11 h 45.
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs au Livre et aux Industries culturelles - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Je vais présenter cette année le rapport consacré au programme « Livre et industries culturelles » en l'absence du rapporteur Mikaele Kulimoetoke. Comme certains d'entre vous l'ont souligné, cette situation n'est pas satisfaisante car aucune audition n'a pu être conduite au nom de la commission sur ces sujets structurants. Je le regrette tout comme vous.
Après une période marquée par une pandémie qui a fait vaciller leur modèle, les industries culturelles rentrent dans une phase de normalisation. Elles n'en ont pas moins été profondément marquées par l'accélération de la numérisation des échanges, qui remet en cause, par bien des aspects, leur équilibre traditionnel.
L'heure est cependant plutôt aux bonnes nouvelles.
Entre 2022 et 2023, les industries culturelles, dans lesquelles j'inclus la musique enregistrée, l'édition, la vidéo et le jeu vidéo, ainsi que l'audiovisuel et le cinéma, ont progressé de 6 %, soit 6 fois plus vite que le PIB. Il s'agit donc d'un secteur dynamique, qui représente 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Au-delà des chiffres, je vois dans cet attrait des Français peut-être un moyen d'échapper à une actualité nationale et internationale un peu sombre.
Les différents secteurs qui composent les industries culturelles bénéficient cependant inégalement de cette croissance.
Grand vainqueur de l'année, le cinéma, qui progresse de 22 %, ce qui n'est pas si surprenant après une année 2022 très compliquée. Je renvoie bien sûr à l'excellent rapport que notre collègue Jérémy Bacchi a présenté la semaine dernière en commission.
Sur la seconde marche du podium de la croissance, on trouve le jeu vidéo, sur lequel je reviendrai dans quelques instants, qui s'impose plus que jamais comme la première industrie culturelle, en progression de 6 %. Enfin, je mentionne la musique enregistrée, qui affiche une belle progression de 5,2 %, signe de la vitalité de la création française.
Je ne m'étendrai pas outre mesure sur les crédits budgétaires, qui à vrai dire évoluent fort peu. Le budget affiche une légère baisse de 0,4 %, résultat des efforts des opérateurs comme la Bibliothèque publique d'information, la BPI, le Centre national du livre, le CNL, et le Centre national de la musique, le CNM, sur lequel je reviendrai également dans quelques instants.
Finalement, le plus intéressent est ce qui ne figure pas dans ce budget, ou devrais-je dire, ce qui n'y figure plus, à savoir les 12,6 millions d'euros qui devaient être inscrits pour la Maison du dessin de presse. Notre collègue Michel Laugier a interrogé la ministre de la culture à ce sujet le 5 novembre dernier, et sa réponse a été pour le moins évasive, trahissant une gêne que je vois fondée non seulement sur des considérations budgétaires, mais également de fond : faut-il exposer des caricatures, au risque de créer des polémiques et des enjeux d'ordre public ? Le projet semble en tout cas repoussé aux calendes grecques.
J'en viens maintenant à quelques coups de projecteur sur certaines thématiques d'actualité.
Je vais commencer par le Centre national de la musique.
Nous avons entendu son président Jean-Philippe Thiellay en commission le 30 octobre dernier, soit 5 ans jour pour jour après la promulgation de la loi d'origine parlementaire qui l'a créée.
C'est bien sûr une grande satisfaction pour nous de voir cette institution que nous avons littéralement mise au monde conforter sa place dans le monde de la musique. Après des années de pandémie qui, paradoxalement, lui ont été très favorables et ont permis au CNM de faire la preuve de son efficacité et de sa compétence, les temps sont cependant venus pour lui de rentrer dans une forme de normalité et de poser soigneusement les bases pour les années à venir.
Cependant, et à notre grand regret, le Centre joue toujours d'une certaine manière en défense, avec beaucoup de temps consacré au développement de ses ressources. Le Président Thiellay nous a ainsi longuement parlé des taxes qui lui sont affectées et qui représentent les deux tiers de ses ressources. Elles posent toutes deux des difficultés.
D'une part, la taxe sur le streaming, dont vous vous rappelez qu'elle a été adoptée de haute lutte et à notre initiative l'année dernière. Comme cela était prévisible, elle connait un démarrage un peu plus lent qu'escompté, avec des recettes qui devraient s'établir à un peu moins de 10 millions d'euros contre 18 dans l'estimation initiale.
Le fait est qu'elle a suscité une forte incompréhension dans la profession, comme l'avait laissé présager la violence des échanges lors de la table ronde devant la commission le 19 octobre 2022. Il faudra probablement attendre 2025 pour se faire une idée correcte de son rendement, et pour que les cicatrices soient pleinement refermées.
D'autre part, la taxe sur les spectacles.
Héritière de la taxe affectée au Centre national de la chanson, son fonctionnement est un peu particulier, puisque 65 % du montant versé est crédité sur un compte qui permet au producteur de monter un nouveau spectacle, les 35 % restants étant affectés à des aides sélectives. Or, et il faut nous en réjouir, le spectacle connait un succès croissant, à tel point que le rendement de cette taxe est bien meilleur qu'escompté. Initialement fixé à 32 millions d'euros en 2024, il devrait se rapprocher, voire dépasser les 50 millions.
Cela est donc une excellente nouvelle pour le CNM, mais pose une vraie difficulté car ce montant de 50 millions est également celui auquel la taxe est plafonnée.
Dès lors, au-delà de 50 millions, les producteurs ne peuvent plus compter sur un retour de 65 %, ce qui pose une question d'équité. Le secteur se trouverait de surcroit frappé d'une imposition qui lui serait propre.
Face à cette situation, il n'existe que deux solutions :
- ou bien le principe du plafonnement à ce niveau est maintenu, et dans ce cas, le CNM doit rapidement configurer différemment la structure de la taxe, en abaissant par exemple le taux de retour et en aménageant une réserve de précaution ;
- ou bien en déplafonnant cette taxe au-delà de 50 millions d'euros, voire en supprimant purement et simplement le plafond dans la première partie de la loi de finances.
Je formule maintenant le souhait, que nous partageons tous ici, je crois, que le CNM, puisse maintenant consacrer son énergie et son temps non plus à conforter ses financements, mais à s'insérer de manière durable dans l'écosystème musical et à soutenir la création française.
J'en viens maintenant au monde de l'édition.
Si les industries culturelles sont florissantes, l'édition parait en 2023 un peu en retrait, avec une croissance de 1,2 %. Cela n'est pas surprenant tant ce marché est cyclique, avec notamment la forte influence des changements de programmes scolaires, qui représentent 10 % des ventes.
Je voudrais attirer votre attention sur trois points.
Premier point, les efforts faits par les éditeurs pour limiter la véritable crise de surproduction qui frappe le secteur. Elle a déjà été longuement évoquée dans les rapports pour avis, et constitue une caractéristique de l'édition. Or il semble bien que la profession revienne peu à peu à une pratique plus sage. Ainsi, après un pic de 45 000 nouveautés en 2019, l'année 2023 n'a vu « que » 37 000 nouveautés, soit une baisse de 18 % en 5 ans.
Deuxième point, qui va tout particulièrement intéresser notre collègue Laure Darcos, la récente décision de la société Amazon d'interpréter de manière très libérale la loi du 30 décembre 2021, adoptée à l'initiative de notre commission. En proposant de retirer gratuitement les livres dans les centres commerciaux qui disposent d'un petit étal de livres, Amazon met un sérieux coup de canif dans les finalités de cette loi, qui, je le rappelle, a pour objectif de protéger les libraires des conséquences des actions prédatrices d'Amazon. La ministre, interrogée sur ce point, a indiqué suivre de près ce dossier et avoir saisi le médiateur du livre. Des actions contentieuses devraient suivre, et je les soutiens pleinement pour que non seulement le texte, mais aussi l'esprit de la loi soit respecté.
Troisième et dernier sujet sur l'édition, la question toujours complexe des relations entre auteurs et éditeurs.
Le rapporteur avait fait état l'année dernière des avancées sur de nombreux sujets, comme la reddition des comptes, en vous indiquant qu'il restait maintenant sur la table le sujet le plus inflammable, la question de la rémunération. Le Syndicat des éditeurs a cherché à objectiver la situation en publiant en février dernier une étude sur la répartition de la valeur, qui montre que les droits d'auteurs représentent environ le quart du prix du livre et que la part des éditeurs s'établit à 17,8 %, dont 12,9 % de frais de structure.
Or ces conclusions, qui semblent aller dans le sens d'un statu quo en soulignant l'équilibre du partage de la valeur, n'ont pas été appréciées par les auteurs, qui ont immédiatement dénoncé le caractère biaisé de l'étude, car elle n'aborderait pas les gains issus de la diffusion ainsi que les disparités de rémunération entre auteurs. Face à cette fronde, la ministre a annoncé lors du Festival du livre de Paris le lancement d'une nouvelle étude, dont les conclusions seront rendues publiques d'ici la fin de l'année.
En un mot, mes chers collègues, ce dossier n'a pas vraiment avancé cette année, sauf en créant un peu plus de tension entre les éditeurs et les auteurs. Il faudra être attentifs aux conclusions de ce rapport, d'autant plus que le résultat nécessitera certainement des modifications législatives, comme les accords déjà passés entre les auteurs et les éditeurs.
Je vais maintenant aborder le plus important poste budgétaire : la bibliothèque nationale de France (BnF).
À elle seule, elle représente 70 % des crédits du programme, avec une dotation de 251,6 millions d'euros.
Je note d'ailleurs que les crédits de la BnF ont progressé de 16 % depuis 2021, année où notre ancien collègue Julien Bargeton, alors rapporteur pour avis, avait émis un « cri d'alarme » sur les finances de l'établissement.
Le paradoxe de la BnF est que sa capacité d'initiative est de fait bridée, malgré son budget, par des éléments sur lesquels elle n'a que faiblement la main, comme la masse salariale ou bien les travaux d'entretien indispensables. Elle va ainsi devoir affronter dans les années à venir un véritable « mur d'investissement », avec des travaux très conséquents sur le site François Mitterrand, qui se détériore plus vite que prévu. Je souligne cependant le record historique de fréquentation en 2023, avec 1,5 million de visiteurs, 400 000 pour la salle Ovale du Quadrilatère Richelieu, qui a d'ailleurs été mis à l'honneur lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques.
Dans les années à venir, la BnF est confrontée à deux chantiers :
- d'une part, la construction du centre de stockage à Amiens, pour lequel les travaux débuteront en 2026. Les travaux doivent s'achever en 2029, pour un coût initialement estimé à 96,2 millions d'euros. Comme c'est souvent le cas dans ce type d'opération, il faudra cependant sans doute revoir à la hausse l'enveloppe prévue de 10 à 15 % pour permettre le bon déroulement de ce chantier emblématique ;
- d'autre part, la mise en place du dépôt légal numérique, tel que prévu à l'article 5 de la loi « Darcos ». Il s'agit, comme nous l'avions souligné à l'époque, d'un chantier juridiquement et techniquement très complexe, à tel point que ses modalités d'application, 4 ans après l'adoption de la loi, ne sont pas prévues avant le premier semestre 2025.
Il nous faudra donc suivre avec attention l'évolution de la situation de la BnF, confrontée à la dégradation de son patrimoine et maitresse d'oeuvre sur de grands projets structurants.
J'en viens enfin avant de conclure au secteur du jeu vidéo, qui n'avait pas été abordé l'année dernière.
Avec un chiffre d'affaires de 3,7 milliards d'euros pour les logiciels et 6,1 milliards en comptant les achats de matériels, le jeu vidéo est la première industrie culturelle du pays.
Il a connu une progression tout compris de 10 % en 2023, ce qui est exceptionnel. Depuis 2013, sa taille a plus que doublé. 72 % des Français de plus de 10 ans jouent à un jeu vidéo, que ce soit sur console, ordinateur, ou sur téléphone portable.
La pratique s'est donc profondément enracinée et n'est plus réservée à un public de jeunes joueurs.
Le jeu vidéo bénéficie d'un seul dispositif d'aide, sous la forme d'un crédit d'impôt que nous avons toujours défendu, et qui s'élève à environ 70 millions d'euros.
Cependant, loin de ce discours triomphaliste, l'ambiance à la dernière Paris Games Week en octobre était plutôt morose. De fait, la presse s'est largement faite l'écho des difficultés du secteur, en particulier celles de la plus grande société française Ubisoft. L'année 2024 devrait donc signer la fin de la croissance explosive du jeu vidéo.
Je voudrais nuancer ce point de vue avec trois éléments :
- tout d'abord, le jeu vidéo rentre enfin dans une période de normalisation. 2023 a été exceptionnelle, avec de très nombreuses sorties qui avaient été décalées après la pandémie, et la disponibilité des nouvelles consoles de Sony et Microsoft. 2024 et 2025 ne devraient pas bénéficier de ces « boost » et enregistrer une activité plus normale ;
- ensuite, les coûts de production ont explosé ces dernières années, avec des développements pour plusieurs centaines de millions de dollars.
Or il s'agit aussi d'une industrie où le succès est très concentré sur quelques titres. Dès lors, il suffit que la production d'un studio ne rencontre pas le succès escompté pour le voir en grande difficulté. On estime ainsi dans le monde à environ 13 000 les licenciements cette année ;
- enfin, et en conséquence, le secteur est entré en phase de concentration, ce dont a témoigné de manière spectaculaire le rachat du studio Blizzard par Microsoft pour 75 milliards de dollars.
L'année 2025 pourrait cependant réserver de bonnes surprises, avec la sortie de la nouvelle console de Nintendo et du nouvel opus de la saga « GTA », dont le coût de développement est estimé à plus d'un milliard d'euros.
En résumé, je voudrais souligner que dans le domaine du jeu vidéo, la France dispose d'une expertise mondialement reconnue, de studios de taille mondiale, et de formations d'excellence - il n'y a pas tant que cela de domaines dans le numérique où nous brillons autant. Cela rend d'autant plus nécessaire la poursuite de notre soutien, somme toute modeste au secteur.
En conclusion de cette présentation, mes chers collègues, les industries culturelles se portent relativement bien, même si des difficultés perdurent comme dans le domaine des librairies par exemple. Il nous appartient de continuer à soutenir ces secteurs qui représentent à la fois une activité économique très significative, mais offrent également à tous culture et évasion !
Je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme « Livre et industries culturelles » pour 2025.
Mme Else Joseph. - Ce programme pose la question fondamentale de notre rapport à la lecture, dans un contexte croissant de numérisation des échanges et de l'accès aux contenus. Dans ce cadre, nous devons accorder une grande attention à la question des bibliothèques, qui est étroitement liée à celle des collectivités territoriales. Je rappelle en effet que ce sont ces dernières qui font l'acquisition des ouvrages pour les bibliothèques. Or ces établissements sont pour beaucoup de nos concitoyens le premier accès à la culture. Ainsi, je rejoins pleinement les objectifs de la politique d'extension des horaires d'ouverture, qui ne doit cependant pas être réservée aux grandes villes. J'attends donc beaucoup du plan en faveur de la ruralité annoncé par la ministre.
Les libraires sont également des acteurs majeurs de la vie culturelle et il faut trouver des moyens de les encourager à ouvrir dans les territoires ruraux. De manière générale, il faut donner non seulement le goût de la lecture aux plus jeunes mais également sensibiliser aux métiers du livre et de la culture.
Je me réjouis de la hausse de la fréquentation de la BnF et de la BPI. La BnF est cependant, comme vous le disiez, confrontée à un mur d'investissements et je souhaiterais savoir si la hausse des entrées lui permettra d'y faire face. Je me félicite du succès des dispositifs d'accessibilité de la lecture pour les personnes en situation de handicap et j'insiste sur la nécessité de développer un accès numérique à la presse ancienne.
Enfin, en ce qui concerne le CNM, et dans la lignée du rapport de notre ancien collègue Julien Bargeton, je souhaite que le Centre, enfin assuré dans ses financements, puisse mener à bien ses missions.
Mme Sylvie Robert. - Je vais revenir sur le CNM, encore confronté à la question de la sécurisation de son financement. Il est urgent de fixer le cadre réglementaire afin d'assurer en particulier le bon rendement de la taxe streaming. Mais il faut également nous interroger sur le plafonnement de la taxe sur les spectacles. Mon groupe va déposer un amendement pour y mettre un terme. Il me parait cohérent que le produit de cette taxe, qui s'avère meilleur qu'initialement estimé, abonde les crédits du CNM. Je renouvelle par ailleurs ma préoccupation sur la concentration dans le secteur musical, alertée par les principaux acteurs. J'attire également l'attention sur la pratique, de plus en plus répandue, de la tarification « dynamique », qui consiste à faire évoluer le prix du billet en fonction de l'évolution de la demande. Nous en avons vu un exemple récent avec les concerts du groupe Oasis en Angleterre. Il nous faut absolument éviter qu'un tel système soit mis en place dans notre pays.
Je suis également préoccupée par la situation des festivals de musique, surtout les plus petits, qui sont fragilisés par la hausse des coûts et notamment celle du cachet des artistes.
En ce qui concerne le livre, je suis, comme Else Joseph, inquiète des conséquences pour les budgets d'acquisition des bibliothèques de la situation financière des collectivités territoriales. Dans beaucoup de cas, les bibliothèques acquièrent dorénavant des livres d'occasion, ce qui pose évidemment des questions en termes de droits d'auteur. Enfin, j'attends des précisions, que l'on ne m'a toujours pas communiquées, sur le plan en faveur de la ruralité, dont le montant réservé aux bibliothèques me parait pour l'heure extrêmement faible. Mon groupe s'abstiendra sur les crédits de ce programme, sous réserve de l'adoption d'un amendement sur le déplafonnement des taxes affectées au CNM.
M. Pierre-Antoine Levi. - Mes chers collègues, nous devons rester vigilants sur l'évolution des crédits de ce programme dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.
Plusieurs éléments paraissent positifs, comme le maintien du soutien aux grands établissements publics, en particulier la BnF qui voit ses moyens renforcés de 4,7 M€, ou le CNL, qui conserve sa capacité d'intervention. Nous saluons l'ambition maintenue en faveur de la lecture publique avec le développement des contrats départementaux de lecture et le soutien aux bibliothèques départementales.
S'agissant des industries culturelles, je me félicite de la création de la taxe streaming, qui témoigne de l'adaptation de nos outils de financements aux mutations numériques.
Nous partageons également le diagnostic de faire évoluer le pass Culture, notamment avec une modulation selon les ressources et l'orientation d'une part de ces dépenses vers le spectacle vivant. Je souligne cependant à ce sujet trois points de vigilance : l'accompagnement des petites librairies indépendantes, le maintien d'une liberté de choix suffisante pour les jeunes, et enfin le soutien aux librairies en zones rurales qui doit demeurer une priorité absolue.
Pour finir, je voudrais mettre l'accent sur deux enjeux. D'une part, celui de la réduction des emplois des opérateurs avec 82 ETP en moins qui devra être accompagnée. D'autre part, l'accompagnement de la transition numérique du secteur avec les 1,8 M€ consacré à la découvrabilité des contenus culturels francophones, qui devra faire l'objet d'une évaluation de son efficacité. Le groupe UC votera en faveur des crédits de ce programme.
Mme Laure Darcos. - Je dénonce bien entendu le contournement de la loi du 30 décembre 2021 au sujet de laquelle j'ai dû subir des attaques personnelles. J'ai demandé aux grands acteurs de la filière des études fiables pour dénoncer les propos mensongers de la société Amazon, qui nous accuse d'avoir augmenté le prix des livres dans les zones rurales. La position de cette société qui, je le rappelle, gagne de l'argent avec les frais de port me parait témoigner de sa volonté d'exercer une position monopolistique sur ce marché.
En ce qui concerne les livres d'occasion, je vous alerte sur un amendement qui a pu vous être communiqué par un représentant des auteurs et qui vise à imposer une taxe sur ces ouvrages. Cette taxe pose de graves difficultés juridiques, d'une part car elle ne frapperait que les acteurs du commerce en ligne, ce qui constitue une rupture d'égalité, d'autre part, car il n'est pas possible d'affecter les ressources ainsi dégagées au profit des auteurs et des éditeurs. Je renvoie d'ailleurs à une étude récente de la Sofia qui montre que les acheteurs de livres d'occasion sont surtout les plus grands lecteurs et que les acquisitions concernent avant tout certains genres comme le polar. Nous devrons mener un travail collectif pour parvenir à trouver un équilibre satisfaisant avec les auteurs.
Je ne suis pas surprise par ailleurs par les difficultés de mise en place du dépôt légal numérique. Il existe en particulier une difficulté identifiée de longue date dans la délimitation des tâches avec l'INA. Notre groupe votera en faveur des crédits du programme.
M. Pierre Ouzoulias. - L'examen de ce programme est pour nous l'occasion d'aborder une grande diversité de secteurs qui obéissent à des logiques différentes. Nous sommes très inquiets de la nouvelle offensive d'Amazon qui devrait, j'en suis persuadé, s'amplifier avec l'élection de Donald Trump. La France est isolée dans son combat pour la souveraineté culturelle et je suis très inquiet pour toutes ces industries.
Je voudrais insister sur la question cruciale de l'intelligence artificielle. Cette technologie se nourrit en moissonnant des contenus pourtant protégés par les droits d'auteur et il me semble que nous pourrions envisager un système de droits voisins. Il nous faut en particulier défendre les éditeurs scientifiques afin de préserver la diversité des publications.
Je regrette l'absence de politique interministérielle en faveur du livre. On n'observe à ce sujet aucune synergies entre les ministères. Sur le pass Culture, je rappelle l'importance de la médiation. Comme vous le savez, des départements ont cessé d'abonder ces dispositifs dont les objectifs étaient remplis par le pass Culture. Si ce dernier venait à être profondément réformé, on pourrait ne pas retrouver ce même niveau de subvention. Mon groupe s'abstiendra sur les crédits de ce programme, sous réserve de l'adoption d'un amendement sur le déplafonnement des taxes affectées au CNM.
Mme Monique de Marco. - Je regrette à mon tour l'absence du rapporteur, qui ne nous a pas permis de participer à des auditions. Si les industries culturelles se portent bien, je note cependant que le budget est en baisse. Ainsi le CNM a vu sa subvention diminuer alors même que la taxe streaming qui devait rapporter 15 M€ devrait finalement s'établir à un peu moins de 10 M€. Je suis très favorable à un amendement sur le déplafonnement des taxes affectées. Je suis inquiète pour le sort des bibliothèques en milieu rural, il est nécessaire que la ministre mène une vraie politique en faveur de la lecture publique. Je suis également circonspecte sur l'amendement qui nous est proposé sur les livres d'occasion.
Mme Laure Darcos. - Je précise d'ailleurs que le premier vendeur de livres d'occasion en ligne, après Amazon est Emmaüs.
Mme Monique de Marco. - Cela conforte mes préventions sur cette initiative. Il existe toute une économie autour du livre d'occasion. Notre groupe s'abstiendra sur ces crédits.
M. Jean-Gérard Paumier. - Le programme que nous examinons affiche des crédits relativement stables. Je tiens à souligner le défi posé par le monde numérique, en particulier les plateformes de streaming, à notre modèle culturel, ce qui se perçoit notamment avec les stratégies déployées pour échapper à la taxe sur le streaming. Cette préoccupation s'étend à la question de la diffusion de l'information, désormais souvent relayée par les réseaux sociaux. Dernier sujet pour le futur, la question loin d'être résolue des liens entre l'intelligence artificielle et le respect des droits d'auteur.
Je déplore que le rapport des Français à la lecture se dégrade, ce qui se constate avec la faiblesse du marché de l'édition, selon une étude du CNL, 30 % des jeunes ne lisent pas du tout, ce qui constitue un vrai sujet d'inquiétudes. Je suggère une mission d'information qui pourrait, dans quelques départements, nous aider à appréhender l'accès aux livres et à la lecture, en particulier dans le monde rural. Mon groupe votera en faveur des crédits du programme.
M. Laurent Lafon, président. - Je renouvelle mes regrets sur la façon dont l'examen des crédits de ce programme a dû être mené. Je partage les préoccupations exprimées sur la place des bibliothèques ainsi que sur celle des librairies. Le secteur du livre demeure fragile et doit pouvoir compter sur nos politiques publiques. Je note cependant que le phénomène de fermeture des librairies semble stoppé avec plus de créations que de suppressions. C'est un signal très positif car nous connaissons tous l'importance des librairies dans l'animation des centres-villes et des centres-bourgs. Je demeure également vigilant sur les conséquences de la réforme du pass Culture. Il constitue un élément important de l'équilibre économique de certains acteurs, dont les libraires, et l'impact de changements le concernant ne doit pas être sous-estimé. Il constitue également un outil qui a pris une grande importance pour l'accès à la lecture des jeunes. Contrairement à ce qui a pu être dit au moment du lancement, ils n'achètent pas que des mangas...
En ce qui concerne la BnF, je précise que la hausse de sa fréquentation ne pourra pas compenser la progression de ses coûts. L'établissement est confronté à de vrais enjeux en matière d'investissements. Ainsi le centre de stockage d'Amiens devrait entrainer des surcoûts pour un montant qui reste à arrêter. Plus important encore, le site François Mitterrand doit faire l'objet de lourds travaux, notamment pour assurer son isolation thermique ou encore pour faire évoluer ses infrastructures techniques et informatiques.
En ce qui concerne le CNM, je distingue deux sujets. D'une part sur la taxe streaming, il faudrait savoir pourquoi son rendement s'avère très inférieur à ce qui était prévu. Nous ne pouvons nous satisfaire sans explication d'un tel écart. D'autre part, nous aurons un débat sur le plafonnement de la taxe sur le spectacle, tout en gardant à l'esprit qu'il est en général difficile dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances de supprimer un plafond. Ce sujet est à vrai dire nouveau, car, les recettes de cette taxe étaient jusqu'à présent très en dessous de 50 M€. Je suis également préoccupé de la situation des festivals, car peu d'entre eux ne sont pas en déficit. Cette situation repose à mon avis sur plusieurs facteurs, dont la hausse du cachet des artistes mais également le nombre de festivals sur lequel on pourrait également s'interroger.
Sur le livre d'occasion, la question de la mise en place d'une taxation pose la question de la rémunération des auteurs, sur un modèle qui n'est pas sans évoquer celui de la copie privée. Il me semble par ailleurs que certaines personnes peu scrupuleuses revendent les livres d'occasion déposés dans les boîtes à livres...
Je me félicite tout comme vous de la préservation des moyens des grands opérateurs. Sur la loi « Darcos », la stratégie de contournement d'Amazon me parait relativement claire, toutefois j'y vois également une remise en cause plus profonde de notre système de régulation, en particulier, la loi sur le prix unique du livre. Sur l'intelligence artificielle, si je partage les inquiétudes de Pierre Ouzoulias, je m'interroge sur la pertinence de la mise en place d'un système de droits voisins dont nous n'ignorons pas les failles. Bruno Patino que nous auditionnerons dans quelques semaines pourra utilement nous éclairer sur ce point. Enfin, j'attends tout comme vous des précisions sur le plan en faveur de la ruralité annoncé par la ministre.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au Livre et aux industries culturelles au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2025.
La réunion est close à 17 h 30.