- Mardi 19 novembre 2024
- Mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France - Communication
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 60) et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Sûreté nucléaire et radioprotection » - Programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux
- Mercredi 20 novembre 2024
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 61 à 64) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport spécial
- Missions et moyens du centre de crise et de soutien du ministère de l'Europe et des affaires étrangères - Contrôle budgétaire - Communication (sera publié ultérieurement)
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales - Désignation d'un rapporteur
- Questions diverses
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Économie » et compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial
- Jeudi 21 novembre 2024
- Projet de loi de finances pour 2025 - Seconde partie - Examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés
- Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 - Examen du rapport
- Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Questions diverses
Mardi 19 novembre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous souhaitions vous réunir ce matin, car nous rendrons compte des travaux de notre mission d'information lors d'une conférence de presse qui aura lieu à 14 heures.
Vous connaissez l'origine de nos travaux : la révélation par voie de presse, le 20 mars dernier, d'un déficit public susceptible de s'établir à 5,6 % du PIB en 2023, contre une prévision en fin d'année dernière de 4,9 %. Elle nous avait conduits à créer dès le 27 mars une mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023. L'annonce, en septembre 2024, d'une dégradation du déficit public pour 2024 et 2025, d'une ampleur sans commune mesure avec celle de 2023, nous a amenés à réactiver cette mission d'information.
Il ressort tout d'abord de nos travaux que le Gouvernement connaissait en réalité l'état critique dans lequel s'enfonçaient nos finances publiques dès décembre 2023. Il aurait dû réagir vigoureusement, mais il ne l'a pas fait. Nous avions déjà relevé lors de la première conclusion de nos travaux au printemps que plusieurs alertes relatives à de mauvaises nouvelles en recettes avaient été remontées aux ministres par l'administration dès 2023. Et il était attendu et logique que la dégradation des perspectives de déficit pour 2023 se répercute sur 2024. Or aucune mesure d'ajustement n'a été prise en décembre 2023 pour modifier le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 de façon à maîtriser le déficit. Le Parlement n'a pas été prévenu d'un risque de dégradation à ce moment-là. D'ailleurs, lors de leur audition par la commission des finances les 28 et 30 mai 2024, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave ont souligné qu'aucun ajustement sur le PLF 2024 ne pouvait être envisagé sur la base des informations dont ils disposaient en fin d'année 2023.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Or, la consultation d'une note datée du 13 décembre 2023, adressée par Bruno Le Maire et Thomas Cazenave eux-mêmes à la Première ministre Élisabeth Borne, a permis à la mission d'information d'éclairer d'un jour nouveau ces affirmations. Elle permet en effet d'affirmer que les ministres ont tenu un double discours puisqu'ils défendaient, dans cette note, l'exact opposé de ce qu'ils affirmaient au printemps devant la mission d'information du Sénat. Thomas Cazenave a de nouveau tenu ces propos lors de son audition du 7 novembre dernier, ce qui ne peut même plus s'expliquer par une forme de solidarité gouvernementale.
Tout d'abord, chacun des ministres signataires de cette note avait conscience que la dégradation des perspectives de recettes en 2023 aurait un impact sur l'année 2024. Il était donc trompeur de leur part de s'appuyer sur une note des services de Bercy pour justifier leur décision de ne prendre aucune mesure pour 2024 dans le PLF en cours de discussion.
Ensuite, et surtout, alors qu'ils ont affirmé devant la représentation nationale que les informations dont ils disposaient ne constituaient pas une raison suffisante pour faire état de la dégradation attendue des finances publiques ou de modifier le budget, et que toutes les décisions possibles avaient été, selon eux, prises en temps et en heure, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave s'évertuaient, dans le même temps, à convaincre la Première ministre Élisabeth Borne du contraire, dans cette note qui lui était adressée le 13 décembre 2023.
Dans cette note, d'une part, ils l'appelaient en effet à « partager largement le caractère critique de [notre] situation, à la fois au sein du Gouvernement, mais également dans l'opinion publique ». En décembre, le caractère critique de la situation n'a pourtant jamais été mis en avant par le gouvernement, ni auprès de la représentation nationale ni auprès de l'opinion publique. De la note du 13 décembre 2023, il faut comprendre que cette absence de communication ne résulte pas de la seule responsabilité de Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, mais tout autant de celle d'Élisabeth Borne, qui n'a pas suivi les recommandations de ses ministres.
D'autre part, les ministres appelaient Élisabeth Borne à « prendre des mesures à court terme dans le PLF 2024 » dont nous estimons qu'elles auraient permis de réduire de 1,5 milliard d'euros le déficit budgétaire. Or Élisabeth Borne n'a pas retenu les mesures proposées. À cette époque, comme elle l'a répété lors de son audition devant la mission d'information, sa priorité était de trouver un compromis dans le cadre de l'examen du projet de loi Immigration, au prix de ne pas valider les propositions qui lui étaient faites par ses ministres s'agissant du budget de la France.
Ce constat illustre un attentisme et une inaction dommageables. En outre, contrairement à ce que la Première ministre a affirmé lors de son audition, la responsabilité de tout gouvernement - et le sien ne dérogeait pas à la règle - ne réside pas seulement dans la maîtrise des dépenses, mais également dans celle des recettes, un gouvernement étant responsable de l'ensemble de la trajectoire des finances publiques du pays qu'il gouverne.
M. Claude Raynal, président. - Deuxième acte de la dégradation du déficit en 2024 : au premier semestre, le gouvernement et le Président de la République ont refusé de présenter un projet de loi de finances rectificative, pourtant seul à même de redresser la situation.
Les prévisions de solde public pour l'année 2024, comme celles de l'année 2023, n'ont cessé de se dégrader à partir de l'adoption de la loi de finances pour 2024. La cible d'un déficit de 4,4 % prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023-2027 et par la loi de finances pour 2024 a été réitérée publiquement par Bruno Le Maire le 18 février, puis par Thomas Cazenave le 20 février. Pourtant, chacun d'eux disposait d'une note de la direction du Trésor datée du 16 février qui prévoyait, à politique inchangée, un déficit de 5,7 % du PIB. Ce n'est qu'au mois d'avril que les ministres ont annoncé une révision de la cible de déficit pour 2024, à 5,1 % du PIB. Dès le 17 juillet 2024, l'aggravation de la dégradation est annoncée dans une note de la direction du Trésor qui retient un solde, à politique inchangée, de 5,6 % du PIB, celui-ci passant ensuite à 6,3 % du PIB dans une note de la même direction du 11 septembre 2024.
Le Gouvernement a toujours eu un train de retard sur les prévisions de ses services. L'ampleur de la révision des prévisions remettait à l'évidence en cause les grandes lignes de l'équilibre budgétaire, situation dans laquelle, comme l'indique le Conseil constitutionnel, il appartient au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative. L'ancien ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, le reconnaissait d'ailleurs le 30 mai dernier devant la mission d'information.
Plusieurs raisons justifiaient le recours à une loi de finances rectificative. Seule une loi de finances rectificative permettait de réaliser des économies à la hauteur des enjeux de la dégradation des comptes en 2024, car un décret ne pouvait annuler plus de 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI), soit un peu plus de 12 milliards d'euros. Seule une loi de finances rectificative, prise suffisamment tôt dans l'année, pouvait permettre de prendre des mesures en recettes ayant un effet significatif sur l'année 2024, compte tenu du principe de non-rétroactivité de la loi fiscale. Enfin, seule une loi de finances rectificative aurait permis de financer les annonces et les promesses coûteuses que le gouvernement a multipliées au début d'année, alors même qu'il recevait un nombre croissant d'alertes sur la dégradation des finances publiques depuis la mi-décembre 2023.
Mais le Premier ministre et le Président de la République ont préféré contourner cet obstacle en prenant un décret d'annulation de façon précipitée et en repoussant sans cesse la soumission au Parlement des mesures qu'ils envisageaient de prendre. Dans une note du 6 février 2024, Bruno Le Maire demandait pourtant au Président de la République d'annoncer un projet de loi de finances rectificative (PLFR), qui aurait permis selon lui, après des mesures de gel, de réduire les dépenses de 10 milliards d'euros. Ces décisions sont présentées par Bruno Le Maire comme « les seules susceptibles de [nous] éviter la dégradation de la note française par Standard & Poor's le 31 mai 2024, à quelques semaines des élections européennes ». Or, à la place, un simple décret d'annulation a été pris, décidé dans la précipitation au cours d'une réunion avec le Président de la République le 13 février 2024. Celui-ci a été élaboré en l'espace d'une semaine, en catimini et sans concertation avec les ministères concernés.
D'après les auditions que nous avons menées, les discussions que conduisait à cette période l'Agence France Trésor avec les agences de notation auraient constitué le « principal facteur » expliquant cette précipitation et cette absence de concertation. Bruno Le Maire a contesté l'influence des agences de notation en indiquant qu'il ne les avait pas rencontrées à ce moment-là, mais il n'est évidemment pas nécessaire que le ministre assiste directement aux échanges qui ont lieu entre les agences de notation et ses services pour que leur pression soit effective.
De fait, le décret d'annulation du 21 février 2024, bien qu'il ait eu un impact certain sur l'utilisation des crédits par les ministères, ressemble fort à une mesure d'affichage et de communication : en effet, peu de temps après avoir annulé 10 milliards d'euros, le gouvernement redonnait aux ministères 16 milliards d'euros supplémentaires de crédits en dépenses en 2024, par reports de crédits non consommés en 2023.
En tout état de cause, la note du Trésor du 16 février 2024 soulignait que, pour atteindre la cible de déficit de 4,4 % en 2024, il fallait réaliser 30 milliards d'euros d'économies dès cette année, soit le triple de l'effort affiché de 10 milliards d'euros. Le maintien, par Bruno Le Maire, d'une communication autour de la cible de 4,4 % de déficit relevait de la mystification ou de l'espoir de convaincre le Président de la République et le Premier ministre, fermés à l'idée d'un PLFR. Quoi qu'il en soit, la confiance dans la parole publique se trouve érodée par ces déclarations aventureuses.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Plutôt qu'un PLFR, Gabriel Attal a ainsi fait le choix d'éviter le Parlement. Il a pris, avec ses ministres, des mesures massives de gels de crédits supplémentaires en cours d'année, dans le but de procéder à des annulations supplémentaires dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024.
Par ailleurs, l'ancien Premier ministre souhaitait intégrer dans le PLF pour 2025 des mesures fiscales rétroactives. Pour défendre l'absence de PLFR, Gabriel Attal a prétexté devant la mission d'information l'encombrement de l'ordre du jour du Parlement et le souhait du gouvernement de porter devant lui d'autres sujets que celui des finances publiques. Le plus probable est toutefois que le refus de déposer un PLFR ait tenu à des calculs à courte vue afin d'éviter, d'une part, la prise de mesures difficiles à l'approche des élections européennes, et, d'autre part, la menace d'une éventuelle motion de censure. Quelles que soient les motivations réelles ayant présidé au refus de déposer un PLFR, cette décision porte une responsabilité essentielle dans la poursuite de la dégradation du déficit public.
Troisième et dernier acte de cette dégradation inédite, la dissolution de l'Assemblée nationale, après le refus d'un collectif budgétaire, montre que le Président de la République a choisi de repousser à plus tard les difficultés budgétaires auxquelles l'État était confronté, alors que la situation catastrophique de nos finances publiques imposait une action rapide.
Même après les élections, la nomination d'un gouvernement de plein exercice a tardé, ce qui a empêché la prise de mesures fortes pour réduire, dans la mesure où cela était encore possible, la dégradation des comptes. La vacance du pouvoir pendant plus de deux mois n'a fait que contribuer à la poursuite de cette dégradation, témoignant de l'absence de réaction des pouvoirs publics. Pendant l'été, les services du ministère de l'économie et des finances ont été contraints de travailler dans l'isolement le plus total, et sans décision politique, tant pour l'exécution 2024 que pour la préparation du budget 2025.
De toutes nos auditions ressort très nettement le sentiment général de déni collectif sur la situation des finances publiques qu'avait déjà constaté notre mission d'information au printemps dernier, auquel s'ajoute désormais un sentiment d'irresponsabilité de ceux qui étaient alors au gouvernement. Les ministres auditionnés ont cherché à masquer leur inaction passée par une tentative de détournement de responsabilité en direction du nouveau gouvernement, à qui a été laissée la charge de combler les déficits creusés au cours des années passées. Dès le début de son intervention devant la mission, le 7 novembre, Bruno Le Maire a affirmé que « le déficit pour 2024 sera à 6,1 % du fait du choix du gouvernement actuel », alors même que ce dernier n'a été nommé qu'à la fin septembre, après les dernières alertes de l'administration sur la dégradation des comptes.
En effet, avant la constitution même du gouvernement de Michel Barnier, une note du Trésor du 11 septembre prévoyait, si rien n'était fait, un déficit public à 6,3 % en 2024 : on voit donc difficilement comment le nouveau gouvernement en porterait la responsabilité.
Tous les ministres ont souligné que les mesures qu'ils préconisaient auraient permis de contrecarrer la dérive du déficit. Pourtant, alors le déficit de 5,5 % du PIB qui, selon eux, en aurait résulté, aurait été, de toute manière, très supérieur à celui de 4,4 % prévu par la loi de finances initiale qu'ils avaient eux-mêmes fait adopter, en recourant à la procédure du 49.3 à l'Assemblée nationale. En outre, aucun de ces responsables n'explique pourquoi les gouvernements successifs depuis 2017, notamment ceux au sein desquels ils ont tenu les fonctions les plus élevées depuis les alertes de la fin 2023, n'ont pas pris plus tôt des mesures fortes pour préserver l'équilibre budgétaire, au-delà même de la période de la crise sanitaire. Au fond, au moment où le déficit budgétaire s'envolait dangereusement, le changement de Premier ministre par deux fois, le ralentissement de l'action publique pour cause d'élection puis de dissolution et, enfin, une trop longue attente dans la désignation du nouveau Premier ministre ont été autant de mois perdus pour le rétablissement de nos comptes publics.
Le nouveau gouvernement sera jugé sur ses actes. Quant aux faits passés depuis décembre 2023, il était essentiel d'en établir la réalité, et nous pensons que cette mission d'information contribue à objectiver le déroulement chronologique des événements et l'état des décisions politiques prises ou reportées. Puisque la dégradation s'est accélérée, il s'agit aussi d'éviter que les mêmes erreurs ne se reproduisent à l'avenir. Car le prix à payer reste trop élevé pour notre pays dans un contexte politique particulièrement tendu.
M. Claude Raynal, président. - La réactivation de la mission d'information fait suite aux travaux réalisés au printemps et qui avaient abouti à un certain nombre de propositions pour l'avenir, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Un Essentiel va être publié.
Mme Christine Lavarde. - Merci pour cette restitution et pour avoir organisé les auditions dans un délai extrêmement contraint. En dépit de toutes les actions que nous menons depuis six mois pour comprendre les raisons de la dérive des comptes sur les exercices 2023 et 2024, j'ai le sentiment que nous n'avons aucune garantie que les événements ne puissent pas se reproduire en 2025 et 2026.
J'ai pris note que le ministre de l'économie et des finances avait missionné l'Inspection générale des finances (IGF) pour qu'elle formule des propositions en vue d'améliorer les outils de prévision des recettes. Mais si les ministres persistent à dire qu'ils n'ont pas un regard technique - ou politique ! - sur les trajectoires qui leur sont proposées, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Ils semblent avoir découvert la dérive des dépenses des collectivités au mois de juillet dernier, alors que tout le monde connaissait déjà cette trajectoire financière.
Ma seconde remarque porte sur l'impossibilité de pouvoir convoquer le Président de la République. Une ombre plane sur les décisions prises, notamment sur celle de ne pas proposer un PLFR pour 2024. Il manque une pièce au puzzle, et cette mission d'information s'achève avec l'idée que la seule personne que nous n'avons pu interroger est peut-être la responsable.
M. Olivier Paccaud. - Le tout-puissant ministre des finances, le Colbert actuel, a au-dessus de lui un Louis XIV encore plus puissant. On connaît la fameuse phrase de M. Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l'ouvrir, ça démissionne. » De son côté, M. Le Maire a beaucoup parlé, mais n'a pas dit ce qu'il aurait fallu dire.
M. Michel Canévet. - Des questions subsistent après cette mission d'information, sachant l'écart inhabituel entre les prévisions et la réalisation. Sur le sujet des responsabilités, j'observe que le ministre de l'économie et des finances s'est défaussé sur les services en déclarant qu'il n'intervenait pas dans l'élaboration des prévisions de recettes. Cela me laisse assez perplexe.
Concernant les recettes, si l'on compare les chiffres de 2023 et ceux du PLFG pour 2024, on arrive à peu près au même niveau. La question est de savoir si les recettes n'ont pas été volontairement surestimées pour enjoliver la situation. Un écart aussi important entre les prévisions et la réalisation me paraît surprenant. On peut accuser les modèles économétriques, les responsabilités de chacun ne sont pas éclaircies à l'issue des auditions. Au-delà des responsables politiques, sans doute aurait-il été intéressant d'auditionner certains responsables des services, notamment ceux qui sont chargés des prévisions.
Une telle situation appelle une vigilance accrue du Parlement. Un suivi plus régulier de l'évolution des recettes et des dépenses me semble nécessaire. En mars dernier, lorsque nous avons auditionné le ministre de l'économie et des finances ainsi que celui des comptes publics, j'avais déjà identifié, à la lecture des premières dépenses de fonctionnement de l'année, un problème concernant l'exécution effective du budget ; cela s'est confirmé plus tard.
M. Stéphane Sautarel. - Même s'il demeure des zones d'ombre, cette mission d'information a permis d'apporter de nombreux éclairages. Ma seule question est la suivante : comment peut-on qualifier les prévisions de recettes ? Sont-elles erronées ou insincères ?
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je suis animé par un double sentiment de honte et de colère. Les auditions organisées dans le cadre de cette mission d'information ont été parmi les plus instructives pour comprendre le fonctionnement de notre pays. Ce qui s'est fait sous nos yeux, sans que nous puissions agir, est insupportable. J'ignore si nos concitoyens se doutent du niveau de délitement actuel. De nombreux propos tenus lors des auditions relèvent du mensonge. Des ministres nous ont menti pour sauver leur peau, sans aucun sens des responsabilités.
Ainsi, M. Le Maire, archevêque des équilibres financiers, qui ne venait au Sénat que lors des discussions générales, au début et à la fin des débats sur le budget, a répondu à nos questions sans broncher, ce qui, je l'avoue, m'a stupéfié.
De son côté, l'attitude de M. Cazenave est révélatrice de sa génération. Il s'imagine supérieur, car il appartient à une élite, alors qu'elle entraîne notre pays vers le fond. Pour rappel, il a osé affirmer au Sénat que les collectivités étaient responsables de la situation ; de tels propos sont inadmissibles.
J'espère que cette colère va transparaître lors de la communication des conclusions de notre mission d'information. Peut-être pourrons-nous rappeler à cette occasion la phrase célèbre du plus grand des sénateurs, Victor Hugo, qui écrivait dans Ruy Blas : « Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! Voilà votre façon de servir, serviteurs qui pillez la maison ! »
Mme Isabelle Briquet. - Cette mission d'information a permis de déterminer les responsabilités de chacun. Une suite de décisions, prises sciemment, a entraîné la situation actuelle. On a vu comment s'est organisée, année après année, la faillite de nos comptes publics, en réduisant la fiscalité, tout en augmentant massivement les dépenses.
Je rejoins M. Canévet sur la nécessité de mieux associer le Parlement afin de ne pas reproduire ce genre de situation.
M. Claude Raynal, président. - Tous les éléments recueillis dans le cadre de cette mission d'information conduisent à pointer des responsabilités à des niveaux importants. Ce qui ressort de nos auditions est assez clair sur le sujet. Pour autant, dans un moment où toutes les autorités sont remises en cause, nous devons faire preuve de responsabilité. Il s'agit de ne pas réagir de manière excessive. S'agissant de la responsabilité du Président de la République, à chacun de faire le cheminement qui convient à partir des éléments exposés. Nous verrons également ce qui ressortira de la mission d'enquête de l'Assemblée nationale.
Monsieur Canévet, nous avons auditionné, le rapporteur et moi-même, l'ensemble des administrations et des directeurs de cabinet. Cela nous permet de déterminer clairement ce qui relève de l'accident industriel ou d'une putative volonté. Les défaillances techniques ne suffisent pas à tout expliquer, notamment concernant les mesures de redressement qu'il aurait fallu prendre plus tôt.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Vos observations laissent percer un sentiment d'inachevé. Nous intervenons dans le cadre d'une mission d'information ; le choix de réactiver cette mission, et de ne pas la mener sous forme de commission d'enquête, se justifiait par le fait d'aller vite. Nous avons obtenu un certain nombre d'informations, avec une différence notable entre le printemps et l'automne : M. Le Maire, ayant recouvré sa liberté de parole dans l'intervalle, a lui-même déclaré que la vérité allait apparaître ; en effet, progressivement, nos concitoyens vont la découvrir.
Nous avons formulé des recommandations ; certaines ont été suivies d'un premier effet, mais la situation est à géométrie variable. Le 18 juillet dernier, nous avons demandé des documents aux ministres, mais la réponse ne nous est parvenue que le 2 septembre, par un envoi sous forme de colis. Le Gouvernement ne devrait pas choisir les informations qu'il communique, surtout dans la période actuelle.
Dans le cadre de cette mission d'information, nous disposons d'un pouvoir de contrôle. Il s'agit de faire émerger les faits, d'autres instances sont également susceptibles d'intervenir sur le sujet. Notre avons témoigné d'une exigence de transparence, y compris quand nos interlocuteurs ont essayé de nous ramener à des débats d'hémicycle ; le sujet était de répondre aux questions que l'on posait.
Sur le sujet de la démission, je vous rappelle, en substance, la réponse de M. Le Maire, disant qu'on ne démissionne pas à cause d'un arbitrage perdu. Je vous laisse réfléchir à l'importance de l'arbitrage en question.
Concernant l'idée d'une défausse sur les services, j'ai également pensé que ces derniers avaient bon dos. Mais j'ai découvert, par l'intermédiaire de M. Le Maire, qu'il existait une étanchéité. Le ministre a autorité sur ses services, mais, pour le dire de manière provocatrice, ceux-ci n'ont pas de comptes à lui rendre.
À plusieurs reprises, nous avons estimé que les prévisions de recettes s'efforçaient de rendre la mariée plus belle. Était-ce prudent d'imaginer que l'excédent de recettes des années 2021-2022 allait se poursuivre alors que l'on déversait moins d'argent public pour faire tourner l'économie ?
Avant les auditions des ministres, nous avons auditionné les directions de Bercy. On a bien senti, dans les informations que nous avons alors recueillies, qu'une tendance se dégageait.
Je souscris pleinement à la mission de contrôle du Parlement. Je note la mise en place d'un comité scientifique par le ministre de l'économie et des finances. Cela ne me pose pas de problème, mais il revient d'abord au Parlement d'être exigeant avec le pouvoir exécutif. Au-delà du respect de nos institutions, sachant la diversité des sensibilités politiques représentées, cela s'avère la meilleure des sécurités.
Pour rappel, jusqu'au 21 mars, les ministres nous expliquaient que la situation était sous contrôle et qu'il convenait de leur faire confiance. J'ai posé cinq questions d'actualité au Gouvernement en six mois et à aucun moment les ministres n'ont manifesté des alertes. Lors de son audition, Mme Borne s'est interrogée sur le fait que nous disposions d'informations, alors qu'il suffisait d'observer la dégradation des comptes publics et les perspectives de croissance.
Les prévisions de recettes sont-elles erronées ou insincères ? Chacun peut se faire son idée. À titre personnel, je pense que celles-ci sont, pour le moins, erronées. Entre la LFI de 2024 et le PLFG pour 2024, on constate une diminution de 40 milliards d'euros des recettes. Lors de certaines auditions, nous avons parfois constaté une forme d'impunité budgétaire après les recettes excédentaires des années 2021-2022.
Monsieur Hugonet, vous avez évoqué un sentiment de honte et de colère. Le Parlement a été contourné. Lorsque M. Attal a été nommé Premier ministre au début de cette année, il a signé des décrets de suppression de crédits dès le mois de février, et la stratégie a ensuite consisté à reporter les décisions au PLFG pour 2024 et au PLF pour 2025. Quand on voit l'addition aujourd'hui, cette stratégie semble surprenante de la part d'un Premier ministre qui, sur d'autres sujets, apparaît plus engagé. Un ministre du précédent Gouvernement a récemment déclaré que celui-ci n'avait pas déposé de PLFR parce qu'il craignait la censure. Sans doute n'était-il pas évident d'aborder certaines échéances avec un couteau dans les reins.
Nous avons fait notre travail sans confusion des genres. Celui-ci est d'autant plus utile que nos concitoyens sont devenus exigeants ; ils ont raison de l'être et doivent connaître la réalité des faits. Chacun devra assumer sa part de responsabilité, y compris à la tête de notre pays.
M. Claude Raynal, président. - Un document de type Essentiel regroupant les informations et les conclusions que nous venons de vous présenter va vous être transmis. Le rapport d'information reprendra ce document complété des comptes rendus des auditions et de la liste des personnes auditionnées.
La commission autorise la publication de cette communication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est close à 9 h 55.
- Présidence de M. Stéphane Sautarel, vice-président -
La réunion est ouverte à 15 h 00.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 60) et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Sûreté nucléaire et radioprotection » - Programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux
M. Stéphane Sautarel, président. - Nous examinons cet après-midi le rapport spécial de notre collègue Christine Lavarde sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Sûreté nucléaire et radioprotection » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». - Les crédits proposés dans le projet de loi de finances pour les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », hors dépenses relatives aux transports, à l'information géographique et à la météorologie, sont en baisse par rapport à 2024.
À périmètre constant, en tenant compte du transfert des crédits de MaPrimeRénov' à la mission « Cohésion de territoires » et de l'augmentation substantielle des crédits du programme 345 « Service public de l'énergie », liée à la réforme des accises sur l'énergie et au reflux des prix de marché, les autorisations d'engagement (AE) diminuent de 20,4 % et les crédits de paiement (CP) de 9 %.
Un amendement du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale prévoyait d'amplifier encore cette baisse, à 24,5 % pour les autorisations d'engagement et 14,6 % pour les crédits de paiement. Toutefois, à la suite du rejet de la première partie du projet de loi de finances (PLF), cet amendement n'a pas été examiné en séance publique par les députés.
La mission « Écologie, développement et mobilités durables » contribue donc déjà largement à l'effort de réduction du déficit pour 2025, mais il est sans doute possible de faire encore un peu mieux.
Si le solde du schéma d'emploi de la mission est nul pour 2025, alors qu'il était légèrement positif en 2023 et 2024, les effectifs de certains opérateurs continuent d'augmenter. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) gagne ainsi 35 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une croissance de ses effectifs de presque 27 % en cinq ans.
Les crédits du programme 113, qui met en oeuvre la politique de l'eau, ainsi que les politiques relatives au littoral, au milieu marin et à la biodiversité, diminuent de 24 % en AE et de 13 % en CP. Cette réduction concerne principalement l'action n° 07 « Gestion des milieux et biodiversité », qui regroupe néanmoins toujours près de 95 % des crédits du programme.
C'est principalement le financement de la Stratégie nationale biodiversité qui en pâtit. À l'avenir, il conviendrait de redéfinir la trajectoire financière de cette politique pour l'adapter aux contraintes budgétaires, en identifiant les actions les plus urgentes et les plus efficaces à mener.
S'agissant de la politique de l'eau, l'année 2025 sera la première année d'application du douzième programme d'intervention des agences de l'eau, mais, là encore, on constate dès la première année une mise en oeuvre partielle de la réforme, sans redéfinition de la trajectoire financière.
La subvention pour charges de service public de l'Office français de la biodiversité (OFB) augmente, pour sa part, de 15 millions d'euros dans le PLF 2025. Je reviendrai ultérieurement sur ce cas particulier.
En ce qui concerne la politique de prévention des risques, portée par le programme 181, notre principal problème reste le fonds Barnier, l'abondement de 70 millions d'euros promis par le Premier ministre ne figurant pas dans l'amendement de crédits du Gouvernement. Par ailleurs, le rendement de l'impôt prévu à l'article 235 ter ZE du code général des impôts n'apparaît pas dans les Voies et Moyens annexés au projet de loi de finances, ce qui est incompréhensible alors qu'il doit rapporter environ 450 millions d'euros en 2025, contre 300 millions d'euros en 2024.
Nous proposerons donc un amendement visant à porter à 450 millions d'euros les crédits alloués à la politique de prévention des risques naturels de l'État. Il s'agira bien entendu de rehausser l'enveloppe du fonds Barnier (action n° 14), mais aussi d'abonder l'action n° 10, qui permet de subventionner des travaux dans des communes dépourvues de plan de prévention des risques naturels (PPRN), mais qui peuvent être atteintes, par ruissellement ou en cascade, en cas d'événement climatique extrême.
Nous demandons également la création d'une action nouvelle spécifiquement consacrée à la prévention du retrait-gonflement des argiles (RGA), un risque qui n'est pas pris en charge par le fonds Barnier. Cette idée, esquissée par les rédacteurs du projet annuel de performances du programme 181, n'avait finalement pas été retenue. Nous voulons donc aider l'administration à concrétiser ses projets !
En ce qui concerne les risques industriels, nous nous félicitons que les 387 plans de prévention des risques technologiques (PPRT) soient enfin achevés. Il aura fallu attendre vingt-trois ans après le drame d'AZF... L'enjeu réside désormais dans leur mise en oeuvre effective. Entre 2009 et 2023, 273 millions d'euros ont été engagés et 180 millions d'euros ont été versés pour soutenir cette politique de prévention.
Le Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, ou fonds vert, qui nous avait été vendu à grand renfort de communication il y a deux ans, est à l'abandon. Pour 2025, les AE baissent de 60 %, quand les CP augmentent légèrement, de 1,7 %. Ces crédits, que le Gouvernement prévoit par ailleurs de réduire de 216 millions d'euros par voie d'amendement, seront juste suffisants pour payer les dépenses engagées en 2023 et 2024. La capacité à financer de nouveaux projets avec le fonds vert est nulle.
D'après nos informations, des réflexions sont en cours pour fusionner le fonds vert avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Les collectivités éligibles pourraient ainsi s'adresser à un guichet unique pour bénéficier de l'une de ces aides. En pratique, l'étanchéité entre les enveloppes des différents fonds n'a jamais été totale, comme l'a montré mon rapport de l'an dernier.
Le fonds vert devait être plus facile d'accès, entièrement déconcentré, adapté à la réalité des territoires... Trois ans après sa création, il n'a pas tenu sa promesse, sans compter que la diversité des politiques qu'il finance met à mal le principe de spécialité budgétaire.
Je reviens à la proposition de créer un fonds territorial climat, adoptée à l'unanimité du Sénat l'an dernier, et finalement intégrée dans la loi de finances de 2024. On nous dit aujourd'hui que les gels budgétaires n'ont pas permis de le mettre en oeuvre, alors que c'est clairement le retard dans la planification écologique qui n'a pas permis de passer à l'action. Nous voulions de la simplification ; la logique de guichet s'est encore imposée.
Les crédits consacrés aux politiques de soutien aux consommateurs diminuent assez sensiblement, avec une baisse de 38,5 % des AE et de 26 % des CP. Cette évolution s'explique par la diminution de 530 millions d'euros des aides à l'acquisition de véhicules propres, la minoration de 180 millions d'euros des crédits alloués au chèque énergie ainsi que la non-reconduction de l'aide au carburant pour les actifs.
L'article 60 du PLF pour 2025, rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », prévoit une refonte du dispositif du chèque énergie pour tenir compte de la suppression de la taxe d'habitation. Bien qu'inévitable, cette révision se traduira certainement par un phénomène de non-recours assez important, l'attribution du chèque cessant d'être entièrement automatisée. Il ne serait donc pas surprenant de constater des annulations assez importantes de crédits en fin de gestion pour ce dispositif d'aide, dont les frais de gestion - 35 millions d'euros pour 2025 - nous alertent également. Après les surcoûts liés aux chèques exceptionnels et au développement du nouveau système d'attribution, espérons que ces frais pourront être contenus à l'avenir.
Le succès de la politique d'aide à l'achat de véhicules propres a dépassé toutes les attentes, notamment grâce au mécanisme de leasing social ouvert par la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Dès janvier, plus de 50 000 dossiers avaient été déposés, alors que le Gouvernement en attendait entre 10 000 et 20 000 pour l'ensemble de l'année. En conséquence, selon les dernières prévisions, les crédits consommés en 2024 pourraient atteindre 1 846 millions d'euros, soit 346 millions d'euros de plus que les crédits adoptés en LFI pour 2024. Pour 2025, ces crédits s'établiraient à 670 millions seulement, en baisse de 64 %.
La refonte des soutiens publics à la mobilité durable devrait se traduire par la suppression de la prime à la conversion et l'utilisation des certificats d'économies d'énergie (C2E) pour financer le leasing. Le programme 174 ne comprendrait donc plus que les crédits du « bonus écologique », ce dispositif faisant lui-même l'objet d'une diminution de l'aide accordée par véhicule.
Le soutien au consommateur est aussi passé, pendant la crise des prix de l'énergie, par le programme 345 « Service public de l'énergie ». De 2021 à 2024, cette politique de soutien a coûté au total 50 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros pour le volet fiscal du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité et 30 milliards d'euros pour les dépenses budgétaires résultant des autres dispositifs.
En 2024, avec des prix de marché encore assez élevés, le soutien aux énergies renouvelables n'a pas été trop coûteux, l'éolien terrestre ayant même contribué positivement, en rapportant 250 millions d'euros à l'État. L'année 2025 marquera le retour à un rythme plus classique : la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a estimé en juillet dernier que les charges de soutien aux énergies renouvelables s'élèveraient à 4,3 milliards d'euros l'an prochain.
La filière biométhane, qui se développe très rapidement, représentera un coût budgétaire de 1,2 milliard d'euros, vingt fois plus qu'en 2018. En revanche, la filière de l'hydrogène ne décolle pas. Aucun des crédits inscrits en LFI de 2024 n'a été consommé. Je propose donc de supprimer les crédits prévus dans le PLF pour 2025 : l'appel d'offres n'a toujours pas été lancé, et il faut compter environ un an entre sa publication et le décaissement des premières autorisations d'engagement.
Le programme 345 portait aussi les crédits de la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, évalués à 3 millions d'euros pour 2025. Ces derniers seront désormais financés par une fraction du produit des accises sur l'énergie, à l'exception des 70 millions d'euros concernant Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Déduction faite des dépenses de péréquation, en se limitant au périmètre des énergies renouvelables, les charges de soutien au service public de l'énergie s'élèvent donc à 6,7 milliards d'euros pour 2025, un montant quasiment identique à celui qui avait été constaté en 2020. La filière photovoltaïque représente à elle seule 43 % de ce montant.
Le Gouvernement prévoit de réduire de 214 millions d'euros les fonds du programme 345, en annulant les crédits destinés à soutenir la production d'hydrogène décarboné, mais aussi en incitant les producteurs d'énergies renouvelables à réduire leur production en période de prix de marché négatifs. Ces mesures feront l'objet de deux articles additionnels rattachés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
En matière d'énergie, je ne peux pas ne pas évoquer le nucléaire, et la modification de périmètre liée à la création du programme 235. On y regroupe l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dont les crédits entraient déjà dans la mission, et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont les crédits figuraient dans la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Cette opération est l'exemple même d'une fusion qui commence par coûter : les crédits de la nouvelle entité - l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) - sont supérieurs de près de 62 millions d'euros à 2024, du fait d'une revalorisation du personnel et d'un certain nombre d'opérations à financer, notamment en matière de systèmes d'information. Il faudra donc veiller à l'évolution de ces crédits, et ce d'autant qu'il manque déjà plus de 19,4 millions d'euros à la nouvelle structure, alors même qu'elle n'est pas encore créée, pour accomplir ses missions. La question pourrait être résolue grâce à des rescrits fiscaux, mais nous en attendons encore la publication.
Par ailleurs, vous avez sans doute tous été mobilisés autour de la diminution conséquente des crédits du fonds Chaleur. L'efficacité de ces crédits ne faisant pas de doute - ils ont un rôle important dans le déclenchement des programmes d'investissement des collectivités territoriales -, je porterai un amendement pour abonder les CP à hauteur de 10 millions d'euros et les AE à hauteur de 300 millions d'euros. Conjuguées à une réorganisation des critères d'attribution, ces évolutions permettront de financer plus de projets.
J'en viens au compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », le CAS Facé. Je suis certaine que, sur ce sujet aussi, vous avez été sollicités... Je vous invite à la prudence. Deux décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) viennent fragiliser le mode de financement actuel du CAS Facé : qu'un contentieux éclate, et le système s'écroule ! En revanche, il n'y a rien à craindre du changement de règles de financement. Au lieu de passer par les distributeurs, nous passons par une affectation budgétaire, mais à la même hauteur que précédemment et toujours avec le même différentiel d'une vingtaine de millions d'euros entre les recettes affectées et les crédits ouverts, afin d'apurer la dette. Autrement dit, nous ne faisons que lever le risque juridique sur le financement du CAS dans la durée.
Enfin, le Gouvernement supprime à la hache des crédits d'intervention : c'est le plus facile à faire ! Si nous voulons respecter nos objectifs écologiques sans créer une trop forte dette écologique, il va falloir s'attaquer à la rationalisation du fonctionnement du ministère et de ses opérateurs.
À ce titre, je présente plusieurs amendements ayant valeur de signaux. Je propose notamment la suppression de subventions pour 6 millions d'euros dans la gestion des filières à responsabilité élargie du producteur (REP). Je propose également, alors que les emplois de l'Ademe ont augmenté de 25 % du fait des crédits de relance confiés à l'agence - ces crédits ayant forcément vocation à s'éteindre assez rapidement -, de ne pas accepter un nouvel accroissement d'effectifs et de diminuer les crédits de la structure. J'attire l'attention sur le fait que l'Ademe et les éco-organismes réalisent des publications très similaires et que, ces derniers échappant à tout contrôle budgétaire du Parlement, malgré l'importance des montants qu'ils gèrent, je ne peux intervenir que sur l'Ademe. Je propose enfin de réduire les crédits de l'OFB et de ralentir le rythme de déploiement des Atlas de la biodiversité communale.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Le nouveau programme 235 répond au besoin d'avoir une lisibilité parfaite sur la création, effective au 1er janvier prochain, de l'ASNR, autorité administrative indépendante (AAI) issue de la fusion de l'IRSN et de l'ASN.
Effectivement, on imagine qu'une fusion, à court ou moyen terme, est source d'économies. Je rappelle néanmoins que la relance de la filière nucléaire supposera des charges croissantes pour ce futur organisme dans les prochaines années. Je citerai notamment le réexamen de sûreté des centrales de 900 et 1 300 mégawatts, la création d'une piscine pour Orano, l'étude de douze projets de petits réacteurs modulaires (SMR), la poursuite du projet Cigéo et le démarrage des travaux de construction du premier des nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR2). Cette charge croissante est incontestable et s'imposera à l'ASNR.
Or, cela a été rappelé, il manquerait aujourd'hui 19,4 millions d'euros pour assurer des dépenses qui, en très grande majorité, sont incompressibles et obligatoires. Je ne voudrais pas que l'objectif premier de la réforme, qu'une majorité de sénateurs a votée, soit de rationaliser les moyens dédiés à la sûreté nucléaire et que les activités de recherche aient à pâtir des réductions de crédits. Nous attendons effectivement des réponses pour des rescrits fiscaux à hauteur de 20 millions d'euros ; s'ils étaient octroyés, le problème serait résolu.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Je concentrerai mon intervention sur les crédits du fonds Chaleur. Le déclenchement de la guerre en Ukraine a engendré une dynamique de la chaleur décarbonée et le fonds Chaleur a augmenté en conséquence. En dépit de cette hausse, le portefeuille de projets pouvant être financés reste très important. Voir ce fonds diminuer de 820 millions d'euros à 500 millions d'euros est donc une mauvaise nouvelle, d'autant qu'avec les futures élections municipales en 2026, l'année 2025 aurait été une année importante pour mener à bien de tels projets au sein des collectivités. J'attends donc les propositions de Mme le rapporteur spécial. Si nous pouvons trouver des améliorations dans le cadre des discussions parlementaires, ce serait une bonne chose.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - La commission des affaires économiques n'examinera mon rapport pour avis que la semaine prochaine. Mais je tiens à vous remercier de votre invitation à partager ma réflexion avec vous.
Sur le fonds Chaleur, je pense que nous parviendrons, ensemble, à trouver des solutions pour conforter le soutien apporté à ces solutions vertueuses de décarbonation.
Le CAS Facé est un autre sujet très sensible, et j'ai apprécié les remarques de Mme le rapporteur spécial à ce propos. Nous allons faire en sorte, là aussi, de trouver une voie pour ne pas déclencher des contentieux européens inutiles.
En matière de revitalisation des territoires, je rappelle que des engagements avaient été pris pour accompagner les territoires concernés par les fermetures de centrales à charbon. Ce serait important d'y veiller dans le cadre du budget pour 2025...
Le nombre de bénéficiaires du chèque énergie est en très forte diminution. C'est dû, notamment, à la suppression de la taxe d'habitation, qui ne permet plus de croiser certaines informations pour identifier de potentiels bénéficiaires. Je proposerai une solution sur ce sujet.
Je terminerai mon propos en évoquant les taxes. Sur l'électricité, je partage la proposition de revenir au niveau d'avant la crise et, sur le gaz, je suivrai aussi la proposition de Mme le rapporteur spécial. Certes, cela peut concerner des familles aux revenus plutôt faibles, mais le décalage positif est tel pour le gaz que l'évolution est pertinente.
M. Thomas Dossus. - Merci à Mme le rapporteur spécial de sa présentation précise dans un temps limité. Elle parlait d'envoyer des signaux... Je pense qu'ils sont clairs ! Il ne faut pas être trop éco-anxieux quand on regarde l'enchaînement des événements climatiques récents et le budget que l'on met en face pour l'atténuer. C'est clairement un sabotage budgétaire !
En plus de l'abandon du fonds vert, un véritable dénigrement des actions portées par les collectivités territoriales a eu lieu dans la presse. Pourquoi saborder, d'abord, le fonds vert avant de songer à le mutualiser avec la DSIL et la DETR ? Je déplore également l'abandon du fonds territorial climat, pour lequel nous nous étions beaucoup battus.
De nouveau, c'est un budget de capitulation face à ceux qui ont, tout à la fois, les moyens de contribuer et l'empreinte écologique la plus forte. Aucune des pistes de financement d'une politique écologique envisagées par le rapport Pisani-Ferry n'est à l'ordre du jour. Pis, les moyens sont en recul. Tout ce que nous économisons aujourd'hui, nous le paierons bien plus cher dans l'avenir. J'exprime donc, à titre général, un net regret.
M. Vincent Delahaye. - Je partage le point de vue de Mme le rapporteur spécial sur la limitation de la possibilité donnée au Gouvernement d'augmenter l'accise sur l'électricité. On veut encourager l'électricité, décarboner notre consommation d'énergie et réindustrialiser ; dans un tel contexte, une augmentation trop forte du prix de l'électricité ne serait pas un bon signal.
Au sein du groupe d'études Énergie, présidé par Daniel Gremillet, nous avons récemment auditionné le président directeur général d'EDF, qui s'interrogeait sur la nécessité de continuer à soutenir avec des prix garantis la filière photovoltaïque. Quel est l'avis de Mme le rapporteur spécial sur le sujet ? Ne pourrait-on pas honorer les contrats existants et en rester là ?
M. Marc Laménie. - Merci, madame le rapporteur spécial, pour la présentation du premier rapport sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » qui, cela a été souligné, présente des masses financières importantes. Les opérateurs semblent très nombreux. À combien sont-ils estimés, pour quels ETP ?
Mme Florence Blatrix Contat. - À mon tour, je remercie Mme le rapporteur spécial pour son rapport très étayé. Plus d'un an après la présentation de la planification écologique par le Président de la République, nous en sommes au renoncement... Certes, nous saluons le fait qu'on limite la baisse du fonds Chaleur, mais le sacrifice du fonds vert - il est supprimé deux ans après sa mise en place - prive les collectivités territoriales de visibilité. Autre sacrifiée : la stratégie nationale pour la biodiversité, alors même qu'elle est essentielle.
Je partage les regrets exprimés sur la trop faible utilisation du chèque énergie. Nous attendons les propositions. Il a été question du coût de ce chèque énergie : s'agit-il de coûts sur une seule année ou de coûts récurrents ?
Sur les dispositifs d'aide à l'acquisition des véhicules propres, l'impact carbone des véhicules a-t-il été pris dans son ensemble ? Autrement dit, quid des véhicules propres venant de l'autre bout du monde ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce rapport me paraît exhaustif, synthétique et précis sur un pan assez large de la mission. On peut regretter les montants de crédits dont nous disposons. Mais nous avons aussi pu constater un certain manque de cohérence dans la gestion du fonds vert avec, notamment, des actions émargeant à différents programmes.
En outre, on a assez souvent entendu dans l'hémicycle que les règles en matière de dotations variaient d'un département à l'autre, alors même que ces dotations reposent sur les mêmes textes juridiques. Cela justifie-t-il une réduction des moyens ? Oui, mais pas exclusivement. Cela impose-t-il de faire converger ces crédits vers des objectifs de verdissement des investissements portés par la puissance publique ? Oui, certainement, d'ailleurs, avec une meilleure coordination et en recherchant la simplification. C'est en tout cas une préoccupation réelle.
En ce qui concerne la prévention des risques, les rapports commis par le Sénat au fil du temps doivent conduire à trouver une réponse. Le Gouvernement doit entendre ce que nous proposerons pour enclencher un effort supplémentaire. Il y a une vingtaine d'années, Nîmes a connu de fortes inondations, et la ville a su mettre en place des dispositifs dont elle recueille aujourd'hui les fruits.
Entre Christine Lavarde et les rapporteurs pour avis, j'ai noté une convergence de vues, et nous tenterons de rester ambitieux, même si les crédits affichés sont en baisse. Il faut simplifier les dispositifs inutilement coûteux et privilégier les bons investissements, qui répondent davantage aux préoccupations environnementales des Français.
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - En ce qui concerne le soutien à la filière photovoltaïque, les mesures liées aux tarifs étant d'ordre réglementaire, il sera possible d'en prendre dès le début de l'année 2025. Des travaux actuellement menés par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) vont dans ce sens. Pour autant, ces décisions n'auront aucun impact sur le budget 2025, puisque l'attribution d'un tarif dépend de la date de demande complète de raccordement. Ainsi, les charges de service public diminueront dans le futur. Je rappelle que les dépenses du programme 345 sont liées à des activités des années antérieures. Il faudra notamment aligner tous les tarifs sur ceux qui sont les plus bas.
Monsieur Laménie, vous trouverez le détail des effectifs des opérateurs dans le « jaune budgétaire ». Cette politique publique a une spécificité : un certain nombre d'établissements et d'organismes font cohabiter des agents de l'État et des agents de collectivités locales.
En ce qui concerne l'attribution du chèque énergie et son coût de fonctionnement, l'étiage s'élève à 20 millions d'euros, en raison notamment du coût de l'impression sur des titres sécurisés. Nous faisons face à un ressaut d'environ 15 millions d'euros, qui devrait diminuer les prochaines années, quand les développements informatiques auront été menés à leur terme. Par ailleurs, nous avons considéré toutes les mesures qui pourraient permettre une concomitance entre la déclaration d'éligibilité et la récupération de l'information du point de livraison : c'est strictement impossible d'y parvenir. Nous avons interrogé les services fiscaux et des problèmes techniques se posent.
Enfin, j'ai consacré un long développement à l'impact carbone des véhicules électriques dans mon rapport. Il y a deux ans, j'avais prôné une réorientation des aides dédiées au soutien de la mobilité durable. Je n'avais pas été entendue en 2022, mais avais fini par l'être en 2023. Fin 2023, l'écoscore a été mis en place et, aujourd'hui, les véhicules éligibles à un bonus doivent obtenir la note de 60 sur 100. Ainsi, les caractéristiques globales des véhicules sont bien prises en compte. Je ne m'interdis pas de déposer des amendements complémentaires pour parfaire le dispositif.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». - L'essentiel des investissements de l'État dans les infrastructures de transport passe par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) avait prévu la trajectoire de dépenses de l'Agence jusqu'à 2023. En l'absence de nouvelle loi de programmation, il n'existe plus de trajectoire pluriannuelle d'investissement pour ces infrastructures.
Afin de contribuer à l'effort nécessaire de redressement de nos finances publiques, d'importantes économies vont être réalisées, et ce dès 2024, puisque le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) prévoit de réduire de 393 millions d'euros les moyens affectés en 2024 à l'Afit France. L'effet de cette baisse sur le budget de l'Agence est en partie atténué par le versement de 188 millions d'euros par les sociétés d'autoroutes, que ces dernières refusaient de régler depuis 2021 ; j'y reviendrai.
En 2025, l'effort d'économies sera nettement plus important puisque le PLF prévoit déjà de réduire de 750 millions d'euros les moyens de l'Afit France par rapport aux montants alloués en LFI de 2024. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite accentuer cet effort en baissant encore ces moyens de 60 millions d'euros. Il faut rappeler que les ressources financières de l'Agence avaient nettement augmenté en 2024. Ainsi, en 2025, les investissements de l'État dans les infrastructures de transport retrouveraient globalement leur niveau de 2023, soit environ 3,7 milliards d'euros.
Ce budget a été calibré pour permettre d'honorer les restes à payer pour 2025, liés aux programmes déjà engagés pour lesquels des appels de fonds étaient prévus l'an prochain. Les projets qui n'étaient pas engagés avant 2025 ne pourront pas être financés. Cette situation se traduira notamment par un décalage dans le temps de la réalisation d'opérations prévues dans les volets « transport » des contrats de plan État-régions (CPER), alors que les avenants correspondants viennent tout juste d'être signés. Ce ralentissement de la mise en oeuvre des CPER sera vraisemblablement amplifié par la situation financière des collectivités, notamment par celle des régions, qui seront sûrement appelées à revoir leur participation à la baisse.
Les sociétés d'autoroutes, en conflit avec l'État au sujet de l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT), retenaient en otage l'Afit France depuis trois ans, en refusant de payer une contribution annuelle de 60 millions d'euros. Après avoir été déboutées en première instance, ces sociétés ont dû verser à l'Agence les sommes qu'elles lui devaient pour 2021, 2022 et 2023, soit 188 millions d'euros. Toutefois, elles ont fait appel de la décision et ont de nouveau refusé de payer l'échéance pour 2024. Le sujet est donc encore loin d'être clos.
Concernant les crédits prévus pour le programme 203, une logique globale de reconduction des crédits de 2024 a prévalu, selon un principe de continuité des services publics, qui s'appliquera avec difficulté puisque l'inflation n'a pas été prise en compte.
Nous constatons une exception notable à ce principe : les investissements d'entretien et de régénération dans les infrastructures déjà existantes. Compte tenu de l'état de dégradation inquiétant de ces réseaux, qu'ils soient ferroviaires, routiers ou fluviaux, ces investissements ont été sanctuarisés et vont progresser en 2025 à un rythme supérieur à l'inflation, ce qui représente plutôt une bonne nouvelle. En effet, les crédits actuels ne permettent même pas d'enrayer la tendance à la dégradation. Les crédits alloués à l'entretien des ponts routiers, insuffisants en 2024, devraient augmenter en 2025.
M. Jean-Baptiste Olivier, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». - Concernant le domaine ferroviaire, deux évolutions me semblent notables. D'abord, le PLF prévoit l'ouverture de 797 millions d'euros de crédits pour financer un contrat de location de matériel roulant, qui doit permettre de renouveler les rames de trains de nuit. Ensuite, les soutiens consacrés au fret ferroviaire et plus particulièrement à l'aide à l'activité de wagon isolé augmenteront de 30 millions d'euros.
Le rapport d'information sur la SNCF et le système ferroviaire de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, déposé en mars 2022, a été précurseur pour identifier et évaluer le manque d'investissement dans la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire. Depuis, leurs constats et recommandations ont été repris par un rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), puis par la Première ministre un an plus tard. L'État a pris l'engagement de revaloriser progressivement les investissements de régénération et de modernisation du réseau. À l'horizon 2027, cette revalorisation doit atteindre 1,5 milliard d'euros : 1 milliard d'euros en régénération et 500 millions d'euros en modernisation.
À la demande de l'État, la SNCF s'est engagée à financer intégralement cette montée en puissance des investissements dans le réseau jusqu'en 2027. Cette modalité de financement présente l'avantage, particulièrement dans les conditions actuelles, de ne pas peser sur les finances publiques. Cependant, elle n'est pas viable sur le long terme et un nouvel équilibre devra être trouvé, pour plusieurs raisons.
Premièrement, pérenniser cette modalité de financement conduirait à accroître dans des proportions déraisonnables le lien de dépendance financière entre l'opérateur de transport historique qu'est SNCF Voyageurs et le gestionnaire d'infrastructures, SNCF Réseau, dans un univers qui devient concurrentiel.
Deuxièmement, SNCF Voyageurs financerait un réseau utilisé aussi par ses concurrents, qui ne seraient pas astreints à pareille obligation.
Surtout, en pesant sur les résultats de SNCF Voyageurs, ce mode de financement pourrait à terme contraindre les capacités d'investissement de la filiale et avoir un effet inflationniste sur le prix des billets, nuisant ainsi à sa compétitivité face à la concurrence.
En fin d'année dernière, la Société du Grand Paris a été rebaptisée Société des grands projets (SGP), et ce changement de nom n'est pas anodin. Il accompagne une transformation plus profonde des missions de cet établissement, qui va désormais pouvoir accompagner les collectivités sur l'ensemble du territoire, dans la conception, la maîtrise d'ouvrage et le financement des projets de services express régionaux métropolitains (Serm). La Société a déjà signé cinq conventions de financement à ce titre.
Par ailleurs, Voies navigables de France (VNF) a actualisé son contrat de performance à la fin de l'année dernière. Sa trajectoire pluriannuelle d'investissement a été revalorisée afin d'accélérer la régénération et la modernisation du réseau fluvial existant, qui a souffert pendant des décennies d'un sous-investissement chronique. Contrairement à ce qui avait été prévu, le Gouvernement vient de décider de diminuer les effectifs de VNF de 37 ETP sur 4 028, ce qui représente une baisse d'1 %.
Concernant cet opérateur, deux problématiques méritent notre attention et des évolutions seront sans doute nécessaires dans les années à venir. Il faudra réfléchir aux règles relatives à la redevance hydraulique, principale ressource propre de l'établissement, et aux modalités de financement de nouvelles demandes adressées à VNF en matière de prévention des inondations. En effet, les missions de l'opérateur dépassent aujourd'hui ses missions traditionnelles de transport.
J'en viens aux crédits du programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture », qui baisseront sensiblement en 2025, pour plusieurs raisons. D'abord, des dispositifs de soutien aux entreprises de transport maritime sont supprimés, notamment au travers d'un ciblage des exonérations de charges sur le transport de passagers. Ensuite, il faut noter la disparition du fonds d'intervention maritime, qui participait à financer des projets portés par les collectivités locales. Enfin, la subvention annuelle à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) baisse de 2,6 millions d'euros.
Ces mesures d'économies s'expliquent toutes par la situation désastreuse de nos finances publiques. Leurs effets devront néanmoins être surveillés dans la durée, notamment en ce qui concerne la compétitivité du pavillon maritime français, qui a été soutenue par les dispositifs d'exonération de charges patronales ces dix dernières années.
En baisse relative, les crédits des programmes 203 et 205 sont très largement préservés et permettent d'assurer l'entretien indispensable de nos infrastructures de transport. Nous proposons donc de les adopter.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » et sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». - Le programme 159 regroupe les subventions pour charges de service public (SCSP) du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.
Des épisodes récents et malheureusement de plus en plus récurrents nous montrent à quel point nous avons besoin que Météo-France soit au rendez-vous. Je vois donc d'un bon oeil la stabilisation de ses moyens financiers et de ses effectifs en 2025. Je vous rappelle que, pendant dix ans et jusqu'en 2023, l'établissement avait subi une cure d'amaigrissement significative et qu'il ne fallait pas aller plus loin.
Je voudrais insister sur l'IGN, qui se retrouve dans une situation d'impasse budgétaire. L'année dernière déjà, l'établissement ne pouvait pas faire adopter son budget et, à mon initiative notamment, la loi de finances de fin de gestion (LFG) avait permis d'attribuer une majoration de 4 millions d'euros de sa subvention. L'analyse partagée alors par l'établissement et ses tutelles faisait état d'une difficulté passagère liée à des financements promis par certains ministères, qui n'avaient pas été honorés dans les délais anticipés. L'IGN réalise en effet des prestations pour d'autres ministères au titre de grands programmes.
Cependant, il apparaît cette année que les difficultés financières de l'établissement sont plus graves et structurelles. Un rapport de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) réalisé l'été dernier a démontré un déficit structurel de 15 millions d'euros par an des missions de base de l'établissement, qui ont vocation à être couvertes par la SCSP. L'augmentation des coûts de production de ces missions et la mise à disposition gratuite des données publiques de l'IGN ont creusé ce déficit dans des proportions aujourd'hui insoutenables.
Ces dernières années, cette problématique était masquée par les avances reçues par l'établissement dans le cadre de sa participation aux grands projets financés en dehors de sa SCSP.
Dans les conditions actuelles, l'IGN aurait du mal à faire adopter par son conseil d'administration un budget pour 2025, l'impasse étant clairement indiquée. D'après les analyses de ses services financiers, l'Institut pourrait ne plus être en mesure d'assurer la paye de ses agents à partir du mois d'octobre 2025. L'inquiétude est grande et je poursuivrai mes investigations avec le Gouvernement pour tenter de trouver une solution.
En 2025, un effort substantiel a également été demandé au Cerema, de l'ordre de 10 millions d'euros si l'on tient compte de la baisse prévue de sa subvention et de la hausse des charges résultant d'obligations décidées par l'État.
Je voudrais rappeler que le Cerema a réalisé ces dernières années ce que l'État n'a jamais fait : une réforme structurelle de ses missions. Après avoir passé en revue toutes les tâches qu'il réalisait, il a abandonné toutes celles pour lesquelles d'autres acteurs, privés ou publics, pouvaient tout aussi bien intervenir. Le Centre a ainsi réduit de 25 % ses effectifs et ses dépenses, dans un effort considérable de bonne gestion. Il est paradoxal de demander les efforts les plus conséquents aux meilleurs élèves. De plus, les crédits de personnel du ministère de l'administration centrale progressent de près de 4 %, prenant en compte les mesures nationales qui conduiront à majorer les charges, dont celles du Cerema. L'administration bénéficie donc d'une augmentation de 4 %, qu'elle refuse à l'établissement public placé sous sa tutelle. Entre un État qui ne se réforme pas et un opérateur dont il pourrait s'inspirer, ce deux poids deux mesures semble particulièrement critiquable.
J'en viens au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea), dont les recettes dépendent du trafic. Si ce dernier a retrouvé ses niveaux d'avant la crise du covid, cette évolution doit être nuancée tant les difficultés se font sentir sur les vols intérieurs. En effet, le trafic intérieur ne représente que 74 % de son niveau d'avant la crise et se trouve sur une trajectoire déclinante.
Cette situation ne manquera pas d'être aggravée par le projet du Gouvernement d'augmenter de 1 milliard d'euros la fiscalité sur le transport aérien. Tel qu'il a été annoncé, le projet se traduirait par des plans sociaux pour les compagnies aériennes et réduirait la connectivité des territoires en métropole et en outre-mer. Pour atténuer ces effets récessifs, il m'apparaît nécessaire, a minima, de réduire la hausse prévue pour les vols intérieurs et à destination des territoires ultra-marins.
De plus, le projet annoncé signerait l'arrêt de mort en France de l'aviation à la demande, dite « aviation d'affaires », entraînant d'importantes destructions d'emplois. En effet, cette augmentation de la taxe reviendrait à doubler les tarifs, ce qu'aucun marché ne peut supporter.
Le transport aérien sera aussi confronté en 2025 à une hausse sensible des redevances aériennes, qui vont notamment inclure les coûts du dernier protocole social de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), que je vous ai présenté en octobre dernier dans le cadre d'une mission de contrôle. Ces redevances visent aussi à rattraper les conséquences de la crise sanitaire et devraient atteindre le niveau exceptionnellement élevé de 2,1 milliards d'euros en 2025.
Les charges de personnel du Bacea seront fortement affectées par les mesures catégorielles comprises dans le nouveau protocole social. Ce protocole m'était apparu comme la moins mauvaise des solutions à court terme, afin de poursuivre les réformes amorcées récemment par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA). Son coût sera cependant très élevé : 100 millions d'euros par an d'ici à 2027.
Une des mesures prévues dans le protocole ne figure pas dans le PLF, pour ne pas l'alourdir. Cette mesure n'ayant pas été examinée à l'Assemblée en première partie, il reviendra sans doute à un sénateur de proposer qu'on s'y attarde. Il s'agit de la création d'un corps unique de contrôleurs aériens, qui constitue une mesure centrale du dialogue social. Cette perspective nécessite la mise en oeuvre d'un plan de requalification des techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC) dans le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA). Il a été convenu de cette mesure avec l'ensemble des syndicats et il ne faut pas manquer à la parole donnée. L'attractivité de ce plan de requalification nécessite de prendre une mesure législative ; j'y reviendrai.
Depuis 2024, la trajectoire pluriannuelle des investissements du Bacea a été réévaluée à la hausse. De grands programmes de mise à niveau informatique et numérique continuent de se déployer. Dans le même temps, je l'avais souligné devant la commission, l'ensemble des infrastructures de base ont une dette technique, ce qui nécessite de fournir un effort d'investissement pour éviter l'obsolescence et la dégradation, ce qui explique l'augmentation des dépenses d'investissement observée en 2025.
Enfin, après avoir culminé à 2,7 milliards d'euros en 2022, la dette du Bacea a amorcé un repli en 2023. Elle pourrait passer sous la barre des 2 milliards d'euros l'année prochaine et la DGAC a pour objectif qu'elle soit inférieure à 1,5 milliard d'euros à l'horizon 2027. Avant la crise du covid et l'effondrement du trafic, cette dette représentait moins de 700 millions d'euros. La volonté de la faire baisser est à saluer.
Je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe et de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Cependant, j'ai quelques regrets, dont l'accumulation de taxes sur le secteur aérien et la situation de l'IGN.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - La responsabilité face au contexte a guidé mes travaux préparatoires et je n'ai pas déposé d'amendements visant à créer de nouvelles dépenses ou des baisses de fiscalité, contrairement aux années précédentes. Je n'ai donc pas proposé de moyens supplémentaires pour la modernisation pourtant indispensable du réseau ferroviaire et pour l'Autorité de régulation des transports (ART), notre gendarme du rail et des autoroutes dont les missions se sont considérablement développées. Je n'ai pas non plus proposé de suramortissement fiscal pour l'acquisition d'équipement ferroviaire et de matériel roulant peu polluant, alors que la décarbonation est essentielle, ni de baisse de la TVA dans les transports du quotidien, qui viendrait pourtant donner une bouffée d'oxygène aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
En revanche, il me semble nécessaire de flécher davantage certaines recettes fiscales vers le secteur des transports, qui reçoit trop peu de financements alors que sa charge fiscale s'alourdit sans cesse. La distorsion est peu compréhensible. À cet égard, la diminution de l'affectation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l'Afit France d'un peu plus de 700 millions d'euros paraît trop brutale, et je souhaiterais revenir au moins en partie sur cette mesure.
Le dispositif envisagé par le Gouvernement sur la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) est perfectible et deux orientations semblent possibles. D'une part, nous pourrions transformer cette augmentation pérenne en mesure exceptionnelle. D'autre part, si la mesure devait rester pérenne, une partie des bénéfices pourrait profiter au secteur des transports, notamment à l'Afit France et, pour le secteur aérien, à un crédit d'impôt sur les carburants d'aviation durable.
Il me paraît également pertinent de pérenniser la possibilité pour les employeurs de prendre en charge 75 % des abonnements de transport de leurs salariés au lieu de 50 %.
Enfin, le Gouvernement a déclaré être ouvert à ce que nous portions une augmentation raisonnable du versement mobilité (VM) à deux conditions : financer une augmentation de l'offre par le biais des Serm et assurer une concertation avec les employeurs. J'envisage donc de proposer une augmentation du taux de plafond du VM pour les intercommunalités ayant obtenu la labélisation d'un Serm et de créer une part de VM régionale, ce qui faciliterait le financement des investissements dans le transport ferroviaire.
En dépit de ces propositions, 2025 sera une année blanche pour le réseau ferroviaire. La conférence nationale sur le financement des mobilités et la conférence sur le financement des Serm, qui auront lieu en début d'année, nous permettront, je l'espère, de trouver d'autres sources de financement pour lutter contre le vieillissement de nos infrastructures. Je pense notamment aux recettes du marché carbone et aux concessions autoroutières quand les contrats arriveront à leur terme.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits relatifs aux transports routiers. - Je me focaliserai sur deux sujets qui me tiennent à coeur : l'avenir du financement des infrastructures de transport et les mobilités en zones peu denses.
Je ne reviendrai pas sur les propos de Philippe Tabarot relatifs à l'idée d'attribuer une part de VM aux régions, avec lesquels je suis en accord. Mes propositions sont modérées du point de vue des dépenses.
D'abord, en matière d'infrastructures de transport, ce PLF marque une rupture. Les recettes de l'Afit France, qui commençait enfin à entrevoir une dynamique positive grâce à l'instauration de la nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, diminueront de 900 millions d'euros en 2025. À cette situation s'ajoute l'incertitude structurelle pesant sur le financement de l'Agence, qui n'a toujours pas été levée.
Dans ce contexte, les dépenses de l'Afit France seront revues à la baisse. Bien que la ventilation précise de cet affaissement de moyens ne soit pas encore connue, nous savons déjà que le plan Vélo et marche 2023-2027 fera partie des sacrifiés puisqu'aucune AE nouvelle ne sera ouverte. En parallèle, s'il est légitime que les collectivités participent à l'effort collectif de redressement des finances publiques, nous craignons que la route ne soit la variable d'ajustement budgétaire au niveau local. Pourtant, les besoins se chiffrent en milliards d'euros, ne serait-ce que pour assurer l'entretien du réseau routier, dont l'état sera encore aggravé par les effets du changement climatique. Il est impératif que la conférence nationale sur le financement des mobilités permette une remise à plat du modèle de financement des transports et l'identification de nouvelles recettes pérennes. À ce titre, le moment est venu d'envisager la généralisation de la possibilité pour les régions de mettre en place une écocontribution sur le transport de marchandises, comme l'a fait la région Grand Est.
J'en viens aux mobilités en zones peu denses. Le droit actuel conditionne la possibilité de lever le VM à l'organisation de services réguliers de transport public de personnes, ce qui empêche en pratique les petites AOM d'en bénéficier. Afin d'aller au bout de l'ambition portée par la LOM de mettre fin aux zones blanches de la mobilité, je proposerai d'assouplir ces conditions pour permettre aux AOM de lever le VM afin d'organiser un panel de services plus large, intégrant les mobilités partagées, souvent plus pertinentes que les transports collectifs dans les espaces peu denses.
Je souhaiterais aussi avancer sur la question des AOM, qui ne disposent pas des bases fiscales suffisantes pour lever le VM. Le Sénat avait été précurseur, lors de l'examen de la LOM, en proposant d'instaurer une dotation spécifique pour ces collectivités. Malheureusement, cette piste n'avait pas survécu à la navette parlementaire. Je souhaite que cette question figure parmi nos priorités lors de la future conférence nationale sur le financement des mobilités.
Enfin, l'ART a besoin d'un petit soutien en 2025. En effet, elle est pourvue de nouvelles missions et doit travailler sur la question de la fin des contrats de concessions autoroutières. Ce régulateur important doit retrouver une recette stable.
M. Jean-Raymond Hugonet. - La taxation aveugle dont va souffrir le transport aérien équivaut à « se mettre une balle dans le pied » même si l'on comprend qu'il y a derrière une volonté de rendement et sans doute des intentions politiques. La trajectoire vertueuse de l'avion du futur a-t-elle été prise en compte avant de prendre cette décision ? Peut-elle encore permettre au transport aérien de voir se dessiner une perspective plus positive que celle qui semble émerger à l'issue de ce budget ?
M. Marc Laménie. - En ce qui concerne le volet ferroviaire, j'ai en mémoire le rapport d'information important qu'avaient remis Stéphane Sautarel et Hervé Maurey ; qu'en est-il de leurs recommandations, notamment en matière de régénération du réseau ? Comment envisagez-vous le devenir de l'Afit France et de ses moyens d'intervention ? Enfin, quelle est votre position sur le devenir du fret ferroviaire ?
M. Pascal Savoldelli. - L'IGN est maintenant une société commerciale. En dix ans, sa SCSP a baissé de 10 %. Son modèle économique ne cesse de changer. L'an dernier, le rapporteur spécial avait déposé un amendement visant à augmenter les crédits de 4 millions d'euros et j'en avais déposé un prévoyant une hausse de 6 millions d'euros. Proposerez-vous cette année un abondement conséquent pour l'IGN, dont les missions sont de plus en plus complexes et importantes, au regard des guerres probables et du changement climatique ?
M. Arnaud Bazin. - J'aurai une demande de précision pour Vincent Capo-Canellas sur les conséquences de la taxe sur l'aviation civile, en mettant de côté l'aviation à la demande. Quel sera son impact différentiel sur la compagnie nationale par rapport aux autres compagnies opérant sur notre territoire ?
Mme Florence Blatrix Contat. - Je déplore la baisse des moyens de l'Afit France et ses conséquences sur nos infrastructures ferroviaires. La décarbonation de la mobilité routière ne pourra pas se faire sans renforcer la mobilité ferroviaire et les mobilités douces. Vous avez évoqué les conséquences de cette baisse sur les CPER et de probables décalages dans le temps de leur réalisation. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette temporalité et sur les projets qui pourraient être abandonnés ?
En ce qui concerne le développement des Serm, vous avez évoqué des conventions de financement signées pour cinq projets ; quels sont-ils ? À quelle échéance pourraient-il aboutir ? Avec quels financements ?
M. Stéphane Sautarel. - S'agissant de la taxe sur l'aviation, une mesure spéciale est-elle prévue pour les lignes d'aménagement du territoire (LAT) ?
La question d'un rapprochement entre le Cerema et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a-t-elle été évoquée lors des auditions que vous avez menées ? Quelle sera l'incidence de la baisse des moyens de l'Afit France sur les CPER ? Je me réjouis des moyens alloués aux trains d'équilibre du territoire (TET). Enfin, quel regard portez-vous sur les Serm et la transformation de la SGP pour répondre à ces enjeux ?
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Je commencerai par répondre à certains propos des rapporteurs pour avis. Je trouve sage de ne pas proposer de dépenses nouvelles même si, dans certains cas, notamment pour l'ART, ce serait utile.
En ce qui concerne l'idée d'affecter des ressources supplémentaires aux infrastructures, j'y suis favorable. Je suis en accord aussi avec ce qu'a dit M. Jacquin sur les VM, notamment pour les territoires ruraux.
J'en viens aux autoroutes. Dans le rapport que j'ai présenté récemment, j'ai émis l'idée qu'à terme, une partie des recettes liées aux péages soit affectée à l'ensemble des mobilités, notamment à la régénération des infrastructures, en particulier ferroviaires. Sans cela, nous serons confrontés à un phénomène d'aggravation et le président de l'ART n'a pas hésité, lors de son audition, à employer le mot « paupérisation », qui est celui qui convient.
Monsieur Laménie, pour l'évolution des investissements dans les infrastructures, nous avions évoqué le chiffre de 1,5 milliard d'euros par an dans notre rapport. Cependant, rien de concret ne se produit si ce n'est que, chaque année, on prélève davantage sur les résultats de SNCF Voyageurs pour financer SNCF Réseau, ce qui n'est ni sain ni satisfaisant.
Pour le fret ferroviaire, à la suite d'une demande des instances européennes, nous avons récemment procédé à une opération de dissociation entre l'opérateur ferroviaire Hexafret, qui a dû renoncer à 30 % de son activité, et Technis, chargé de la maintenance des locomotives. C'est à ce prix que nous avons pu éviter d'avoir à rembourser des sommes colossales.
M. Jean-Baptiste Olivier, rapporteur spécial. - Selon notre analyse, la baisse des investissements aura des conséquences sur les CPER. Cependant, cela ne signifie pas que les contrats soient remis en question et il s'agit bien de maintenir les engagements de l'État. Je ne suis pas en mesure de dire quel sera le décalage dans la mise en oeuvre.
Pour les Serm, cinq projets sont en cours, trois dans le Grand Est, deux dans les Hauts-de-France. La carte figurera dans notre rapport.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Effectivement, cinq conventions de financement ont été signées. J'ajouterai que vingt-quatre projets ont été labellisés.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - L'IGN est bien un établissement public, qui perçoit une SCSP. L'année dernière, nous avions trouvé une solution, fruit d'un arbitrage et d'une négociation difficiles. Nous avions trouvé le vecteur de la LFG. Les 4 millions d'euros que nous avions ajoutés sont rebasés dans le PLF pour 2025. J'avais commencé les négociations en demandant 8 millions. Il y a un sujet de fond : l'IGN travaille sur les données géographiques et la donnée constitue aujourd'hui un élément central, auquel il faut consacrer des moyens. J'avais remis un rapport il y a deux ans environ, en prédisant qu'il y aurait un jour un trou d'air parce que l'IGN était financé par les grands programmes et que les ministères impliqués finiraient par rencontrer des difficultés financières. À l'époque, mon analyse semblait bizarre, mais, aujourd'hui, l'Institut est en apnée et il lui manque 15 millions d'euros tous les ans. Je n'ai pas encore la solution, mais nous pourrons la trouver ensemble.
Une note circule sur le possible regroupement du Cerema, de l'ANCT et de l'Ademe, qui ne serait pas dépourvu de sens. Il faut étudier ce qu'on peut y gagner en efficacité, notamment pour les collectivités et la transition écologique, et quels seront les effets budgétaires.
Concernant la taxation du secteur aérien, il n'y a pas eu d'étude d'impact et cette mesure nous parvient par voie d'amendement. Il faudrait faire un état des lieux exhaustif des taxes du transport aérien. Le budget de la DGAC s'élève à 2,7 milliards d'euros, qui sont prélevés sur le secteur, par le biais de taxes, de redevances, de certifications et de services fournis. Il s'agit d'ajouter 1 milliard d'euros à la TSBA, qui s'élevait déjà à 340 millions. Quelles seront les conséquences ? Air France a chiffré entre 250 et 300 millions d'euros l'impact supplémentaire de cette taxe. La première version de la taxe était très importante pour les longs courriers et les classes avant, ce qui agressait le modèle économique de la compagnie nationale et sa capacité à générer du profit. Le Gouvernement en a pris conscience et a modéré son envie. Cependant, en ce qui concerne les courts et moyens courriers, la taxation pourrait passer de 2,63 à 9,50 euros. Or pour les compagnies présentes en France métropolitaine et dans les outre-mer, la sensibilité au prix est très importante. Selon tous les modèles que j'ai pu consulter, il y aura des plans sociaux, des fermetures de lignes et de bases. De nombreuses compagnies sont en train de chiffrer les licenciements. Au-delà du débat de fond sur la pertinence de la taxation, l'impact pose problème. Il y aura moins de dessertes dans les territoires, notamment dans les outre-mer. Il faut trouver des solutions pour modérer les effets sociaux et économiques d'une telle augmentation.
La question de l'avion du futur et de la décarbonation aurait dû être prise en compte. Nous allons affaiblir les capacités contributives des compagnies, qui vont devoir décaler le renouvellement de leurs flottes.
Les LAT seront dénoncées par les exploitants. Nous en avons déjà perdu deux ou trois l'an dernier, parce que nous ne savions pas les faire tourner financièrement. Aujourd'hui, des patrons de compagnie exploitant des LAT subventionnées disent qu'elles vont perdre plus de 1 million d'euros. Il faut trouver le bon équilibre pour éviter la casse sociale et territoriale.
Enfin, monsieur Tabarot, il serait logique que cette taxe aide à la décarbonation du secteur aérien. Cependant, nous n'en sommes pas là ; il nous faut d'abord vérifier que nous n'allons pas détruire la base taxable.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 prévoit d'abonder les crédits du fonds Chaleur en réduisant ceux qui ne sont pas dépensés dans le cadre du soutien à l'hydrogène décarbonée.
L'amendement FINC.1 (II-22)est adopté.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.2 vise à réduire de 20 millions d'euros les crédits versés à l'Ademe, afin notamment de l'inciter à réduire ses frais de fonctionnement et de communication.
L'amendement FINC.2 (II-23) est adopté.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.3 prévoit de diminuer la subvention attribuée à l'OFB.
L'amendement FINC.3 (II-24) est adopté.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.4 prévoit de réduire les subventions versées à des associations qui interviennent dans la gestion des filières à responsabilité élargie du producteur.
L'amendement FINC.4 (II-25) est adopté.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.5 contribue à la mise en place de la politique de prévention des risques que nous appelons de nos voeux, avec notamment un abondement du fonds Barnier, un renforcement de l'action sur les risques hydrauliques et la création d'une action sur le retrait-gonflement des argiles.
L'amendement FINC.5 (II-26) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.6 concerne les modalités d'attribution du chèque énergie. Il prévoit de ne pas retirer de la liste des signataires le ministre chargé des affaires sociales. Dans mon esprit, le chèque énergie correspond aussi à un dispositif social. Il ne s'agit pas d'un soutien à l'énergie, mais aux consommateurs.
L'amendement FINC.6 (II-27) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 60, sous réserve de l'adoption de son amendement.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». Si vous pouviez, chacun dans vos groupes respectifs, convaincre vos collègues que le plus grand risque serait de supprimer les quatre alinéas de l'article 7, tout le monde y gagnerait.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
La réunion est close à 17 h 10.
Mercredi 20 novembre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 61 à 64) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport de nos collègues Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), les articles 61 à 64 et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Comme vous le savez, les crédits de la mission RCT ne représentent qu'une petite partie des transferts financiers de l'État aux collectivités. Ils s'élèvent à 4 milliards d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 quand les transferts de l'État sont estimés à près de 104 milliards d'euros, et même 151 milliards d'euros, au sens large, si l'on inclut les fractions compensatrices de TVA accordées en contrepartie des réformes fiscales.
Les crédits du programme 119, qui porte les dotations de soutien à l'investissement local ainsi que les dotations de décentralisation, ont été maintenus en autorisations d'engagement (AE) à leur niveau de 2024 et enregistrent une légère hausse en crédits de paiement (CP). Ainsi, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville (DPV) restent stables par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024.
Il en est de même pour les dotations de décentralisation des communes, des départements et des régions. Je signalerai ici toutefois que, depuis la LFI de 2024, les dotations des régions ont diminué de 467 millions d'euros, soit près d'un tiers de leur montant, avec la création d'un vecteur de compensation unique de la compétence des régions en matière de formation professionnelle, qui prend la forme d'une part fixe du produit de l'accise sur les énergies revenant à l'État.
Enfin, le projet de loi de finances ne revient pas sur les hausses récentes de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) et de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, qui ont chacune vu leurs crédits rehaussés à hauteur de 100 millions d'euros. Pour mémoire, la DTS avait été augmentée par le projet de loi de fin de gestion (PLFG) pour 2023 afin de traiter l'afflux des demandes de titres d'identité dans un délai raisonnable, montant repris en LFI pour 2024. Quant à la dotation aménités rurales, ancienne dotation de biodiversité, elle est passée de 41,6 millions d'euros à 100 millions d'euros en loi de finances pour 2024. Sur ce point, Stéphane Sautarel et moi-même saluons une réforme qui s'inscrit dans le sens des conclusions du rapport d'information de la commission des finances sur le verdissement des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. La dotation aménités rurales offre désormais une reconnaissance de l'importance du travail réalisé par les communes rurales dans les zones classées, et gagnerait sans doute à être étoffée.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Sur ce point, si je partage le satisfecit d'Isabelle Briquet, je note que ce sont trop souvent les communes les plus vulnérables qui supportent cette charge de ruralité au bénéfice de tous. C'est pourquoi j'ai souhaité porter un amendement en vue d'augmenter l'enveloppe de la dotation de 10 millions d'euros, afin de leur confier des moyens supplémentaires pour accomplir leur mission.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Les dotations d'investissement affectées aux collectivités dans ce PLF pour 2025 sont donc stables par rapport à la LFI pour 2024. Je ne saurais m'en contenter à titre personnel. D'abord, cette stabilité constitue malgré tout un effort des collectivités, en n'intégrant pas le coût de l'inflation, dont le taux est prévu à 1,8 % en 2025 par ce PLF. Surtout, ces crédits s'inscrivent dans un PLF qui, dans son ensemble, demande un effort sans précédent aux collectivités pour combler un déficit qu'elles n'ont pas créé. Le simple maintien des dotations d'investissement du programme 119 n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels les collectivités sont confrontées.
En effet, les collectivités devront faire face, dans les prochaines années, à des investissements colossaux, d'une part, sur leurs bâtiments pour répondre aux enjeux du réchauffement climatique et de la transition écologique et, d'autre part, sur les transports pour répondre aux nécessités de nouvelles mobilités.
C'est l'occasion pour moi de saluer la nouvelle loi du 29 mars 2024 sur les investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, qui représentent 50 % du parc immobilier des collectivités. Cette loi, issue de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique, permet désormais de diminuer de moitié le reste à charge de la collectivité maître d'ouvrage et ainsi de mieux mobiliser les fonds accordés par l'État.
Je souhaite aborder l'avancée du plan Marseille en grand et notamment son volet écoles, pour lequel une dotation de 254 millions d'euros avait été ouverte en LFI pour 2022 au programme 119. Dans le cadre de notre mission d'information réalisée cette année sur le sujet, nous avions émis des doutes sur la capacité de la société publique des écoles marseillaises (SPEM), société créée dans le cadre de ce plan, à engager les consultations, lancer les travaux et livrer les équipements dans les délais prévus entre 2025 et 2031. La lente montée en charge se confirme puisque, avec 56,8 millions d'euros inscrits en CP au PLF pour 2025, l'ensemble des paiements effectués depuis 2022 se portera à 125,5 millions, soit la moitié de l'enveloppe de 254 millions d'euros que j'ai mentionnée.
Les crédits du programme 122, qui concernent essentiellement des aides destinées à soutenir les collectivités faisant face à des situations exceptionnelles, enregistrent simultanément une forte baisse de 28,7 % en AE, soit 85,3 millions d'euros, et une hausse notable de 26 % en CP, soit 64,8 millions d'euros. Cette évolution résulte essentiellement de l'extinction des AE affectées au fonds de soutien exceptionnel pour l'accompagnement des collectivités touchées par la tempête Ciaran. Ce fonds avait été créé à l'occasion de la LFI pour 2024 et doté de 80 millions d'euros en AE et 30 millions d'euros en CP. Aucun engagement n'est prévu à ce titre en 2024 ; en revanche 48 millions d'euros sont prévus en CP pour couvrir les restes à payer.
Enfin, parmi les principaux fonds exceptionnels, on peut noter que 63,8 millions d'euros sont prévus en 2024 en CP au titre du fonds Violences urbaines, créé en 2023 et financé à hauteur de 100 millions d'euros par le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures de crédits en loi de finances de fin de gestion pour 2023. Les crédits prévus visent à couvrir les restes à payer en 2025.
Contrairement aux années précédentes, nous sommes en désaccord sur la question de l'adoption des crédits de la mission. Là où Stéphane Sautarel accepte la stabilité proposée des crédits comme un moindre mal et a travaillé à des solutions atténuatrices, pour ma part, comme l'ensemble de mon groupe, je ne peux que dénoncer le sort général réservé aux collectivités territoriales par ce PLF.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l'État aux collectivités territoriales. Au total, 134,1 milliards d'euros sont prévus à ce titre pour 2025, soit 1,2 milliard de plus qu'en LFI 2024. Ce dynamisme reste très modéré au regard de la progression de 8 milliards d'euros qui avait été constatée l'an passé.
Après plusieurs années de hausse résultant de la modification du panier de ressources des collectivités issues des différentes réformes de la fiscalité locale, il se confirme que le dynamisme des impositions locales se tassera en 2025.
Ces impositions n'ont d'ailleurs de locales que le nom puisqu'elles correspondent en réalité de plus en plus à des fractions d'impôts nationaux reversées aux collectivités. En effet, les collectivités locales bénéficient désormais de fractions de TVA pour un montant total de près de 52,5 milliards d'euros en 2024, que ce PLF propose de maintenir en 2025.
Comme pour les crédits de la mission RCT, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce compte de concours financiers, qui n'est que le résultat mécanique des versements par douzième des ressources locales, là où Isabelle Briquet maintient sa position de principe sur les crédits proposés dans ce PLF.
J'en viens à la présentation des quatre articles rattachés à la mission.
L'article 61 porte diverses mesures en lien avec la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2025.
En premier lieu, il prévoit une hausse de 300 millions d'euros des composantes péréquatrices de la DGF, dont 150 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR), 140 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité urbaine (DSU), et 10 millions d'euros au titre de la dotation de péréquation des départements.
Si le maintien du montant global de la DGF proposé à l'article 29 du présent PLF implique que cette hausse soit intégralement financée par les collectivités territoriales, nous n'avons pas souhaité revenir sur cette progression, car nous souhaitons encourager la trajectoire d'augmentation de la péréquation, et singulièrement l'effort particulier en faveur des communes rurales dont témoigne la progression rapide de la DSR. Nous appelons également de nos voeux une réforme de plus grande ampleur de la DGF, conformément aux recommandations du rapport du groupe de travail sur la décentralisation conduit par le président Larcher.
L'article 61 prévoit en outre diverses mesures d'ajustement des modalités de calcul des indicateurs financiers utilisés pour la répartition des dotations de péréquation. Il s'agit essentiellement de mieux appréhender les charges des collectivités territoriales, soit par l'élargissement du périmètre des logements sociaux pris en compte pour la répartition de la DSU, soit en supprimant le critère lié à la propriété de la voirie pour la répartition de la DSR, afin de supprimer un biais lié à l'intégration intercommunale. L'article ne prévoit en revanche aucune mesure visant à ralentir l'application de la réforme de l'effort fiscal : neutralisée à hauteur de 90 % en 2024, elle ne serait plus neutralisée qu'à 60 % en 2025, ce qui représente une « marche », comme l'ont appelée plusieurs élus, considérable.
Nous vous proposons ainsi un amendement qui vise à assurer la neutralisation financière de cette réforme à hauteur de 80 % en 2025, afin d'atténuer le choc que représenterait le retour à la trajectoire initialement prévue pour l'application de cette réforme.
L'article 62 prévoit une réforme des modalités de répartition du prélèvement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) dans le cadre de la métropole du Grand Paris (MGP), à la suite d'une censure, en question prioritaire de constitutionnalité (QPC), du Conseil constitutionnel. Les dispositions censurées, qui régissaient la répartition dérogatoire du Fpic au sein de la MGP depuis sa création, seraient sensiblement rapprochées du droit commun, ce qui ne nous a pas semblé poser de problème en principe. Bien évidemment, nous serons attentifs lors des débats à la position des élus franciliens, qui sont les premiers concernés.
Cet article rectifie également une erreur de plume relative à la définition des ressources fiscales agrégées, qui détermine le plafond de prélèvement au titre du Fpic auquel peuvent être soumises les communes contribuant au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF). Enfin, il procède à la validation législative des actes administratifs pris en méconnaissance du texte erroné.
L'article 63 porte diverses mesures de répartition de la fiscalité afférente aux déchets radioactifs, qui constitue un sujet important pour les territoires de la Meuse et de la Haute-Marne, qui sont les premiers concernés. Il encadre d'abord les modalités de répartition du produit du tarif de stockage de la taxe sur les installations nucléaires de base (IBN) afférente au centre de stockage de déchets radioactifs existant actuellement dans l'Aube, sans rendre nécessaire un changement de la situation actuelle. Il prévoit les modalités de répartition du tarif de stockage afférent au centre industriel de stockage géologique (Cigéo), qui doit ouvrir à compter de 2030 et ne générera donc aucun revenu avant cette date. Il prévoit enfin une adaptation, à titre transitoire dans l'attente de l'ouverture du Cigéo, de la répartition du tarif d'accompagnement afin d'accompagner les collectivités dans la mise en oeuvre du projet de territoire autour de ce centre.
Ces dispositions ne nous ont pas non plus semblé poser de difficulté particulière. Là encore, nous serons toutefois très attentifs à la position des élus des territoires concernés.
J'en viens enfin à l'article 64, qui crée un fonds de réserve des collectivités territoriales.
Ce dispositif nous semble, à Isabelle Briquet comme à moi, très problématique. Le dispositif proposé est en effet trop brutal et inabouti pour être acceptable. D'abord, le montant du prélèvement, déterminé en vertu d'un critère d'écart de solde, aboutirait en 2025 à un prélèvement théorique d'un montant vertigineux, de 14,2 milliards d'euros. Seules 450 collectivités seraient concernées ; elles contribueraient donc toutes à hauteur de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement (RRF), indépendamment de leurs capacités contributives.
Ensuite, ce dispositif crée des effets de seuil massifs entre les collectivités prélevées et celles qui sont exonérées du prélèvement, soit en raison de leur taille - mais non de leur richesse, ce qui paraît injuste -, soit au regard de critères qui semblent avoir été définis de façon arbitraire et dans l'urgence.
Par ailleurs, des marges de manoeuvre que nous estimons excessives seraient laissées au Comité des finances locales (CFL) pour majorer les reversements du fonds de réserve et surtout pour répartir les sommes reversées entre le bloc communal, les départements et les régions.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer, purement et simplement, ce fonds de réserve.
Toutefois, la situation budgétaire très dégradée du pays impose une participation de tous, à la hauteur de leurs responsabilités, à l'effort de redressement des finances publiques. À ce titre, et parce qu'elles bénéficient de 151 milliards d'euros de transferts financiers de l'État chaque année, les collectivités territoriales, dont la bonne gestion n'est plus à prouver, doivent également contribuer. L'amendement que nous présentons traduit toutefois le souhait d'abaisser très fortement leur contribution au redressement des comptes publics, à hauteur de 2 milliards d'euros sur les 5 milliards d'euros initialement demandés par le Gouvernement dans le PLF pour 2025.
La commission des finances propose un dispositif nouveau, qui n'opérerait aucun prélèvement de ressources au profit de l'État, mais vise uniquement à lisser dans le temps les recettes des collectivités territoriales qui sont en mesure de contribuer au redressement des comptes publics.
La contribution au titre de ce dispositif serait de 1 milliard d'euros en 2025, répartie entre le bloc communal, les départements et les régions, en tenant compte du niveau des recettes de chaque catégorie de collectivités, mais aussi de leurs situations financières relatives, mesurées par leur taux d'épargne brute moyen. Il est en effet nécessaire de prendre en compte, notamment, la situation globalement très dégradée des départements.
Au sein de chaque catégorie de collectivités, la contribution serait répartie entre les collectivités dont les capacités contributives sont les plus importantes au regard de leur population, de leur potentiel financier par habitant et de leur revenu par habitant, de manière très progressive afin d'éviter tout effet de seuil. Les premières collectivités contributrices seraient ainsi largement préservées, tandis que celles dont les capacités à contribuer sont les plus grandes participeraient significativement à l'effort collectif.
Dans tous les cas, aucune collectivité ne contribuerait au-delà de 2 % de ses RRF.
J'aurais souhaité pouvoir vous proposer un dispositif de mise en réserve d'une part des recettes, directement dans les comptes des collectivités concernées. Cette option, qui a ma préférence, n'a toutefois à ce stade pas abouti et des discussions sur sa faisabilité se poursuivent avec le Gouvernement. J'ai donc pris le parti de vous proposer un dispositif qui, sans constituer une mise en réserve individuelle, s'en rapproche le plus possible.
Le dispositif que je vous propose aujourd'hui permet de reverser les sommes mises en réserve principalement aux collectivités contributrices, afin qu'elles ne soient pas lésées. Pour assurer la recevabilité de ce dispositif au regard de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), il ménage toutefois une marge de péréquation. Les prérogatives du CFL seraient réduites, les représentants constitutionnels des collectivités territoriales se trouvant dans nos murs et non au-dehors. Le CFL conserverait tout de même la capacité de majorer ou minorer la part de péréquation dans un intervalle strictement défini, si certaines collectivités souhaitent développer la péréquation entre elles.
En conclusion, le dispositif que je vous propose aujourd'hui me semble éminemment plus acceptable que celui qui est présenté par Bercy, et je vous invite à l'adopter afin de tenir nos engagements, en associant les collectivités territoriales au redressement des comptes publics tout en modérant le fardeau qu'elles portent et en le rendant plus juste.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Je salue le travail de Stéphane Sautarel, avec cette proposition de dispositif atténuateur et moins injuste que celui du projet initial, même si je ne le voterai pas, n'en partageant pas le principe.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Je salue à mon tour le travail de Stéphane Sautarel sur la dernière partie de son rapport, qui nous offre des perspectives meilleures que celles qui sont proposées par le Gouvernement.
J'attire votre attention sur le programme 122, destiné notamment aux collectivités locales qui ont été particulièrement exposées aux catastrophes naturelles et qui en subissent les conséquences financières. Le dispositif a montré tout son intérêt dans le Nord-Pas-de-Calais ainsi que dans plusieurs départements bretons. Après en avoir discuté avec Stéphane Sautarel, je proposerai, lors de l'examen de la deuxième partie du PLF, un amendement visant à accompagner d'autres collectivités dans trois départements : la Loire, l'Ardèche et les Hautes-Alpes, eux-mêmes éprouvés au cours des douze derniers mois. Pour ce faire, nous essayerons de trouver des solutions intelligentes en lien avec le Gouvernement.
Pour le reste, les principaux éléments, notamment la stabilité des crédits et les dotations en direction des collectivités, dont les deux principales d'entre elles, la DETR et la DSIL, ont été exposés par les rapporteurs spéciaux.
Enfin, je vous remercie de votre invitation. Elle me permettra de mieux porter la parole des collectivités locales devant la commission des lois.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il ressort de ce rapport que, globalement, les dotations demeurent stables. Merci à Stéphane Sautarel qui, dans une certaine forme d'urgence, est parvenu à proposer, avec l'objectif de réduire significativement la participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes, un dispositif non seulement moins coûteux pour elles que le projet du Gouvernement, mais qui répond aussi bien aux propos du Premier ministre. Celui-ci a reconnu le caractère inabouti du projet initial et s'est dit à l'écoute du Sénat et des propositions que le président Larcher a récemment rappelées.
L'idée consiste à être plus juste et plus mesuré quant à l'effort qui est demandé, en le répartissant sur un périmètre plus important de collectivités - avec un peu plus de 2 500 d'entre elles, relevant des quatre blocs communal, intercommunal, départemental et régional - et en retenant un mode de calcul plus acceptable, qui inclut un plafond de 2 % des ressources. Beaucoup nous ont remonté le caractère relativement inéquitable du projet du Gouvernement. Avec cette proposition, l'enveloppe totale de l'effort attendu s'établirait à 1 milliard d'euros. Par les plafonds qu'elle intègre, elle permet également d'éviter tout risque de double imposition pour les collectivités qui relèvent d'un statut singulier, par exemple Paris, qui est à la fois ville et département.
Nous avons conscience que le dispositif proposé n'est pas pleinement abouti. La question se pose notamment quant à sa recevabilité financière au regard des dispositions de la Lolf. La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous indique la nécessité d'y inclure une dose de péréquation. Mais les éléments en sont désormais posés ; il convient de s'efforcer de l'améliorer afin de progresser significativement par rapport au dispositif imaginé dans le PLF, et que certains ont pu qualifier de résurgence de l'esprit de Cahors. Je soutiens donc cette proposition.
M. Albéric de Montgolfier. - Je formulerai un regret et poserai une question. D'une part, nous n'en serions pas là sans la suppression de la taxe d'habitation. Elle nous contraint à une recherche permanente d'expédients. D'autre part, quel vous semble être l'apport de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dans ce processus de relation avec les collectivités territoriales ?
M. Bernard Delcros. - Merci aux deux rapporteurs pour leur présentation précise.
Nous sommes au fil du temps parvenus à créer puis à réformer utilement, l'année dernière, la dotation aménités rurales. Elle constitue un premier pas vers la reconnaissance de l'apport de l'espace rural à la société tout entière en matière, notamment, de protection de la biodiversité. Vous proposez son augmentation, par amendement, à hauteur de 10 millions d'euros. J'y souscris sans réserve et je pense que cette dotation doit être amenée à évoluer encore dans les années à venir.
Vous proposez par ailleurs une baisse du prélèvement de 3 milliards à 1 milliard d'euros. Une telle mesure me paraît beaucoup plus raisonnable et j'y suis également favorable.
Vous appuyez le nouveau dispositif que vous présentez, par lequel nous passerions de 450 à environ 2 500 collectivités - dont près de 2 400 communes -, sur trois critères : la population, le potentiel financier et le revenu par habitant. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces critères qui me semblent pertinents ?
Sur la réforme de la DGF, je pense qu'elle n'est pas possible à enveloppe constante.
Enfin, des voix s'élèvent en faveur d'une fusion des trois dotations aux investissements, DETR, DSIL et fonds vert. J'y suis résolument opposé parce qu'elles n'ont pas la même vocation. La DETR est, par exemple, réservée aux territoires ruraux. J'aimerais connaître votre avis sur le sujet.
M. Grégory Blanc. - J'évoquerai deux points. En premier lieu, les exonérations de taxe foncière pour les logements sociaux qui représentent 1 milliard d'euros ; les communes concernées n'en obtiennent une compensation qu'à hauteur de 38 millions d'euros. Par le passé, un gouvernement s'était engagé à revenir sur ces exonérations, mais j'ai l'impression que, cette année encore, ce qui pourrait être la première mesure de péréquation ne sera pas prise.
En second lieu, je veux revenir sur l'amendement qui nous est proposé. Le dispositif prévu sur le fonds de précaution, ou de réserve - selon la dénomination que l'on retient -, est pour le moins innovant et tend à corriger un projet quelque peu baroque. Je salue à mon tour le courage de notre rapporteur spécial. Cependant, quand quelque chose dysfonctionne, le meilleur moyen de le corriger consiste parfois à reconnaître son erreur et à revenir en arrière. Avant de me prononcer sur cet amendement, je voudrais savoir quelles collectivités sont concernées, et à quelle hauteur, et quelles évaluations vous avez conduites.
Je note également que vous envisagez toujours un prélèvement sur les départements. De deux choses l'une : soit on s'efforce de croire contre toute évidence qu'il peut être accepté, soit on reconnaît que le compte n'y est pas. Un effort supplémentaire de 0,5 point sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), soit une augmentation de 0,25 %, ne compensera pas les baisses qui interviennent par ailleurs, en tenant également compte de l'augmentation des dépenses sociales, qui ne manquera pas non plus de survenir. Il nous faut les uns et les autres rester attentifs et trouver des solutions pour les départements.
À titre personnel, je considère comme une provocation le maintien d'un prélèvement à hauteur de 220 millions d'euros ; et je pense que la plupart des départements continueront de le vivre de la même façon.
M. Marc Laménie. - Il était important de rappeler que l'ensemble des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales représente 151 milliards d'euros.
Sur le programme 119, je rejoins Bernard Delcros lorsqu'il souligne la nécessité de bien y identifier la DETR, qui reste l'une des principales dotations à côté de la DSIL, du fonds vert ainsi que de la DPV. On peut par ailleurs regretter la suppression de la réserve parlementaire. Pourriez-vous nous éclairer sur le fonctionnement des commissions DETR et des commissions DSIL, qui paraît très variable d'un département à l'autre ?
M. Pierre Barros. - Il me paraît assez inapproprié d'associer les collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes publics de l'État.
Sur le calcul de leur contribution, je lis, dans L'Essentiel que vous nous avez remis que « la contribution serait répartie entre les collectivités dont les capacités contributives sont les plus importantes au regard de leur population, de leur potentiel financier par habitant et de leur revenu par habitant, de manière très progressive, afin d'éviter tout effet de seuil. » Ces critères n'assurent nullement qu'elles disposeront d'une épargne suffisante pour contribuer à la hauteur de ce qui leur sera demandé et certaines pourraient ainsi se retrouver en grande difficulté. Il ne leur resterait alors d'autre choix que celui de se reporter sur la fiscalité locale, laquelle se résume à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), et ce seront en définitive les habitants qui paieront. Enfin, les critères retenus me paraissent extrêmement simplistes et ils ne résolvent pas les problèmes d'effets de seuil.
M. Raphaël Daubet. - Je reviendrai sur les dotations d'investissement. La stabilité prévue dans le PLF ne me semble témoigner d'aucune ambition. Je le regrette, car le moment serait opportun d'en accélérer le processus afin de soutenir le plus possible les collectivités locales. Les projets sont présents, comme les besoins, et de plus en plus matures, ce que la consommation de la totalité des crédits en AE atteste. Celle des CP requiert en revanche davantage de temps. Nous avons également besoin d'un choc de simplification et de déconcentration, en tout cas de faciliter la réalisation des projets.
Dans le Lot, la DETR a seulement pu aider cette année 50 % des projets déposés par les communes auprès de la préfecture. On aurait pu aisément y dépenser en AE le double des crédits de la DETR que le département a reçus.
A-t-on mesuré l'effet de levier de la DETR sur les investissements qui soutiennent la croissance du pays ? Que représente ici 1 milliard d'euros ? Connaît-on par ailleurs le volume financier des projets qui ont été déposés par rapport à ceux qui bénéficient effectivement de la dotation ?
M. Michel Canévet. - Nous apprécions le maintien des dotations à l'investissement, car nous savons que ce sont les territoires qui stimulent l'investissement dans notre pays.
Concernant les ponctions sur les collectivités territoriales que le Gouvernement a prévues, nous n'avons pas la mémoire courte et nous nous rappelons que, il y a peu de temps, la contribution au redressement des finances publiques a significativement altéré la capacité de nos collectivités à agir. La proposition gouvernementale d'une ponction d'environ 5 milliards d'euros nous paraît donc particulièrement sévère à leur endroit, particulièrement en considération de la situation d'un certain nombre de départements. Prenons garde que cette capacité à agir ne soit pas davantage entamée, d'autant que nous savons que les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) des départements s'avèrent extrêmement contraintes compte tenu du rôle qu'ils tiennent.
Au sein du groupe Union Centriste, nous apprécions la qualité du travail que le rapporteur spécial Stéphane Sautarel a mené, mais nous estimons qu'il mérite une réflexion approfondie. Aussi nous abstiendrons-nous au moment du vote sur la mission, en l'état actuel des choses.
M. Jean-Baptiste Olivier. - Personne en réalité n'est disposé à consentir des efforts. Nous le constatons mission après mission : on ne peut rien retrancher, alors que notre pays s'appauvrit et que c'est désormais un fait qu'il faille réduire les dépenses, ce à quoi les collectivités doivent contribuer. Je rappelle à la gauche que c'est François Hollande qui s'est très largement attaqué à la DGF et à nos amis macronistes que c'est Emmanuel Macron qui a supprimé la taxe d'habitation, ce qui a représenté une perte de 25 milliards d'euros par an.
En l'occurrence, il est proposé de réduire l'effort de 5 milliards à 1 milliard d'euros quand, dans le même temps, la DGF progresse de 300 millions d'euros. En définitive, l'effort demandé aux collectivités n'excède donc pas 700 millions d'euros.
M. Pascal Savoldelli. - Un aggiornamento s'impose sur la taxe d'habitation. Mais peut-être irons-nous de surprise en surprise et que la majorité sénatoriale en proposera le rétablissement, sur des critères plus justes...
Je reconnais un travail rigoureux de la part du rapporteur spécial, à ceci près que ce ne sont pas 5 milliards d'euros, mais beaucoup plus que l'on demande comme effort aux collectivités territoriales. Les seules cotisations aux caisses de retraite vont représenter entre 2 et 3 milliards d'euros de dépenses à leur charge. On ne saurait critiquer un passif résultant de choix antérieurs tout en étant dans une sorte de déni sur la situation présente.
J'observe que le dispositif proposé revient à abaisser le niveau de la DGF d'environ 2 % pour les collectivités territoriales qui seront concernées par la contribution. Or à chaque fois qu'on y a procédé, on a constaté une diminution de l'investissement local, et ce quelle que soit la majorité politique en place dans ces collectivités. Ici, elle atteindrait vraisemblablement une valeur à deux chiffres, ce qui influerait négativement sur la croissance.
En outre, qu'est-ce que ce dispositif changera au niveau d'endettement de notre pays ? Rien, à mon avis. Je pense qu'il s'agit d'un faux débat.
M. Thierry Cozic. - Une note récente de la fondation Jean-Jaurès évalue les conséquences des choix du Gouvernement sur les investissements locaux. Elles équivaudraient à une diminution de 12 milliards d'euros de ces investissements en 2025, soit une baisse de 18 % par rapport à 2023. Le tout avec une progression de l'endettement public.
Quelles que soient les améliorations qui lui sont apportées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne peut accepter le dispositif. Les collectivités ne sont en effet pas responsables de la situation actuelle.
Mme Christine Lavarde. - Nous pouvons saluer le travail de Stéphane Sautarel, qui présente une solution moins désavantageuse et moins injuste que celle de la version initiale. Sa solution élimine un certain nombre de problèmes posés notamment par un prélèvement forfaitaire sur les dépenses, avec d'inévitables effets de seuil et d'assiette.
En réponse à ceux qui nous invitent à ne rien faire, remarquons qu'il conviendrait dans ce cas de repenser l'ensemble de notre organisation dans le sens d'un surcroît de déconcentration, c'est-à-dire que l'État n'interviendrait plus dans le champ de compétence des collectivités locales. Il faudrait alors aussi supprimer immédiatement 5 milliards d'euros de dépenses sur le budget de l'État. Avancez-vous des propositions en ce sens ? J'en doute et, dans ces conditions, la solution qui nous est proposée pour 2025 constitue un moindre mal ; car je pense que des contraintes supplémentaires nous imposeront des efforts structurels en 2026.
M. Claude Raynal, président. - Chacun fait connaître ses positions, comme il est de tradition sur ce type de sujet. C'est le jeu de la politique.
Je soulèverai, pour ma part, trois questions.
D'une part, je ne sais pas exactement quel est l'objectif du Gouvernement. Nous pouvons certes comprendre qu'il s'agit de limiter les dépenses des collectivités. Mais veut-il améliorer la trésorerie de l'État ? Cette considération est sans doute marginale. Il me semble par ailleurs comprendre qu'il entend prendre en charge des dépenses exceptionnelles de certaines collectivités. Il a ainsi annoncé devant l'Assemblée des départements de France (ADF) qu'il serait prêt à accepter une diminution notable de l'effort des départements. Se pose encore la question des dépenses exceptionnelles en Nouvelle-Calédonie ou des accidents climatiques, que ce fonds de réserve devait servir à prendre en compte. Tous ces sujets ont été évoqués. L'amendement proposé me conduit précisément à m'interroger sur un retour des fonds aux collectivités qui financent le dispositif. Si dans l'esprit du Gouvernement ce dispositif vise à venir en aide aux collectivités locales en substitution de l'État, le dispositif que vous proposez ne le permet plus. Pour que l'amendement soit opérant, il lui faut correspondre à l'objectif du Gouvernement, à moins que cet objectif ne soit lui-même redéterminé. Est-il simplement question de geler la dépense de grandes collectivités ? Ou ce fonds de réserve a-t-il vocation à être redistribué ?
D'autre part, si le Gouvernement acceptait cette proposition, quelle serait alors sa demande de rééquilibrage financier ? La suppression de 2 milliards d'euros de recettes supposerait en effet une compensation par d'autres recettes ou par une diminution de dépenses d'un même montant.
Enfin, ce fonds est-il conçu pour une durée de trois ans ou devra-t-il être renouvelé tous les ans ? Je suis étonné par le nombre de mesures de ce PLF 2025 dont l'application ne semble pas devoir excéder un an. Ici, cependant, je ne perçois pas que la volonté de bloquer les financements des collectivités locales doive cesser au bout d'un an.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Je commencerai par quelques éléments de réponse de portée générale.
Sur l'article 64 et l'effort contributif demandé aux collectivités, nous avons cherché à le ramener de 5 milliards à 2 milliards d'euros. Dans la mesure où nous partageons la nécessité d'un effort en vue de maintenir le déficit public à 5 % du PIB à la fin de 2025, cela signifie qu'il faudra trouver par ailleurs des économies. Le sujet dépasse les limites de la mission dont je traite. Je ne vous propose pas de transférer, par compensation, l'économie qui serait réalisée avec ce dispositif vers d'autres contributions ou concours aux collectivités. L'amendement ne prévoit ainsi pas de réduction de la DGF ou d'un autre dispositif.
S'il est entendu que les collectivités ne sont pas responsables de la situation des finances publiques de notre pays, nous reconnaissons que, dans le contexte actuel, il convient que chacun prenne sa part de l'effort, à condition que celui-ci soit socialement et territorialement supportable.
Je ne disconviens pas que d'autres mesures affectent les collectivités. Il est, par exemple, question, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), d'une augmentation du taux de cotisation patronale à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui aurait une incidence. La commission des affaires sociales du Sénat présente à ce titre des amendements destinés à étaler la hausse sur quatre ans, au lieu de trois, afin d'en limiter les conséquences. Nous pourrions également évoquer le fonds vert, qui concerne le financement des collectivités.
Sur les 5 milliards d'euros de l'effort global, 3 milliards d'euros revenaient au fonds de réserve ou de précaution, 1,2 milliard à l'écrêtement de TVA et 800 millions d'euros au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Le rapporteur général a présenté un amendement destiné à éviter cette mesure sur le FCTVA. La mesure d'écrêtement de TVA, si on peut la regretter, paraît, quant à elle, admise. Ramener l'effort à 2 milliards d'euros, sur les 5 milliards demandés, revient à rapporter la contribution au dispositif de fonds de réserve à environ 1 milliard au lieu des 3 milliards initialement proposés.
Il est permis de considérer que le Gouvernement poursuit notamment l'objectif de freiner la dépense et que les mesures qu'il présente sont d'abord des mesures d'urgence. Elles ne s'accompagnent pas moins de demandes de réformes plus structurelles. On peut penser aux aspects normatifs ou encore au coût de la commande publique. Il faut en effet y travailler, au risque de se retrouver dans un an dans une situation analogue à celle d'aujourd'hui.
Dans ma contre-proposition relative à l'article 64, ma volonté est de préserver l'épargne des collectivités, ce qui me paraît être l'enjeu majeur. Il s'agit, d'une part, qu'elles gardent un niveau d'investissement ou de service qui réponde aux besoins de nos territoires et de nos concitoyens, et, d'autre part, de ne pas provoquer d'effet récessif du fait d'une diminution de l'investissement public.
Enfin, quant à la méthode retenue, et en réponse à Michel Canévet, je souligne le caractère d'urgence dans lequel nous intervenons. Je comprends le besoin qu'il exprime de prendre quelque recul pour analyser dans le détail les mesures proposées. Il nous était cependant difficile de disposer de plus d'éléments que nous n'en exposons aujourd'hui devant vous.
J'en viens à présent plus précisément aux questions que les uns et les autres ont soulevées.
Monsieur le rapporteur général, avant toute chose je vous remercie de votre accompagnement dans la recherche de solutions. Je reconnais avec vous la relative stabilité du périmètre des dotations d'investissement, nonobstant la question qui revient chaque année sur les compensations et les variables d'ajustement, qu'on peut regretter et sur laquelle il faudra un jour prendre des mesures.
Monsieur le président Raynal, l'objectif du Gouvernement, tel que nous le comprenons, consiste à lisser les recettes des collectivités dans le temps. Nous pensons que le dispositif pourrait également servir à terme aux collectivités elles-mêmes dans des situations de crise. Toutefois, nous convenons que cet objectif ne transparaît pas dans le dispositif tel qu'on nous le propose. Ce dispositif semble par ailleurs avoir vocation à durer plus d'un an : on le présente en effet souvent comme une mesure s'appliquant sur trois années de suite.
Je précise que le dispositif initial prévoyait une péréquation dans la répartition du fonds de réserve ou de précaution. Pour notre part, après avoir entendu l'ensemble des associations d'élus locaux, nous avons souhaité ne pas conserver une telle redistribution péréquatrice. Si nous restons favorables à la péréquation, nous pensons qu'il faut l'organiser autrement, avec les dispositifs déjà existants, et non par l'utilisation de ce fonds. Dans sa redistribution, on pourra ensuite s'interroger, mais son objectif, de notre point de vue, consiste à mettre en réserve des recettes de collectivités, en vue d'un retour de ces ressources vers ces mêmes collectivités.
J'ajoute que j'aurais préféré une mise en réserve directement dans les comptes des collectivités. Cela aurait été un gage de confiance à leur endroit et cela aurait préservé leur épargne brute. Nous ne sommes à ce stade pas parvenus à obtenir ce résultat, mais nous continuons d'y travailler.
Je remercie Bernard Delcros de son soutien à l'augmentation de la dotation aménités rurales.
En ce qui concerne les critères de répartition de la contribution entre les collectivités, que plusieurs d'entre vous ont évoqués, l'indice synthétique retenu tient compte du potentiel financier par habitant et du revenu par habitant. Contribuent les collectivités dont l'indice est supérieur à 110 % de la moyenne pour le bloc communal et à la médiane pour les départements. La contribution est ensuite répartie entre les contributeurs en fonction de leur population, multipliée par l'indice synthétique. Il nous a semblé plus juste d'utiliser cet indicateur que de nous en tenir à l'absence d'indicateur que le Gouvernement proposait, en s'en tenant au seul critère de la taille des collectivités.
Pour répondre à la préoccupation que plusieurs de nos collègues ont exprimée au sujet des départements, et que je partage, je signale que le dispositif que nous proposons en exclut 50 ; il en reste donc autant qui sont contributeurs, mais nous ne sommes plus en présence d'un système binaire - entre contributeurs et non-contributeurs - avec des effets de seuil : désormais, un principe de progressivité s'applique, la contribution pouvant représenter de 0,1 % à 2 % des RRF de la collectivité. Des 50 départements qui seraient contributeurs, un seul le serait à hauteur de 2 %. La plupart des autres en resteraient à des niveaux de contribution relativement symboliques. L'effort qui les concernerait atteindrait ainsi le total de 220 millions d'euros, au lieu du montant initial de 1,2 milliard d'euros. Et nous finirions avec ce PLF à un solde positif à leur égard, ce qui permettrait de maintenir le mécanisme de péréquation des DMTO qu'ils ont su organiser entre eux.
En revanche, nous ne disposons pas de liste précise des communes qui seraient concernées. Il s'agirait cependant des plus « riches », mais avec, pour certaines d'entre elles, des niveaux de contribution de nouveau relativement faibles.
Je rappelle que le dispositif que nous proposons s'intitule « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales ». On voit que la notion de « fonds » a totalement disparu.
Monsieur Olivier, sans entrer dans le débat, l'effort attendu serait ramené non de 5 milliards à 1 milliard d'euros, mais de 5 milliards à 2 milliards d'euros.
Monsieur Savoldelli, nous partageons la même préoccupation quant au risque d'une diminution de l'investissement local. D'où, à notre sens, la nécessité de concevoir des dispositifs qui gardent au maximum l'épargne dans les comptes des collectivités. C'est, de notre point de vue, la clé de celui que nous avons élaboré. Je trouve paradoxal d'afficher une relation de confiance renouvelée avec les collectivités et de commencer par leur confisquer une part de leur épargne.
Madame Lavarde, merci de vos commentaires et du regard que vous portez sur le dispositif. Il tente de résoudre, dans l'urgence, une équation complexe. Il nécessite aussi d'être accompagné de mesures en effet plus structurelles, si nous ne souhaitons pas revivre plusieurs années de suite la même situation, voire connaître une situation plus difficile encore à l'avenir.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Monsieur Laménie, les parlementaires sont associés aux réunions et aux décisions des commissions DETR et DSIL. Mais chacune semble avoir ses propres modes de fonctionnement interne. Dans l'expérience qui est la mienne, il n'y a pas de dossiers dont je n'aurais pas connaissance. Cela devrait être le cas partout. Dans le cas contraire, il conviendrait peut-être de s'adresser au préfet.
Monsieur Daubet, on estime que l'effet de levier des dotations sur les investissements est de 1 à 4. Pour rappel, l'ensemble des dotations - DETR, DSIL, DPV et DSID - s'élève à un total de 8,4 milliards d'euros. Ce montant entraîne des effets considérables en matière d'investissement local, ce qui justifie mes craintes qu'il ne soit prochainement réduit.
Monsieur Delcros, je vous rejoins sur le fait qu'une réforme de la DGF - quoique nous la souhaitions - ne saurait s'envisager sereinement à moyens constants. Concernant la fusion des dotations, je partage votre inquiétude sur le risque qu'elle ferait courir aux collectivités d'en perdre une partie des montants. Entre la simplification des dispositifs que les élus appellent de leurs voeux et la fusion des dotations, il existe une marche qui pourrait leur être préjudiciable. Il convient donc de l'aborder collectivement avec beaucoup de précautions.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Le PLF ne prévoit pas de fusion des dotations d'investissement, mais une réflexion existe sur le sujet. Localement, on plaide de longue date sur l'unicité des dossiers ou sur leur instruction commune ou partagée. Sans doute, du point de vue administratif, des améliorations pourraient-elles être apportées. À titre personnel, et indépendamment du contexte, j'estime qu'envisager un rapprochement entre DSIL, DSID et fonds vert ne serait pas aberrant en raison des objectifs communs qui sont les leurs. Le fonds vert, par exemple, aurait autant sa place dans la mission RCT que dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » - cela a d'ailleurs été souligné hier à l'occasion de l'examen du rapport spécial. En revanche, la spécificité de la DETR doit être absolument préservée, car les bénéficiaires de cette dotation, limités aux territoires ruraux, ne sont pas les mêmes que ceux des autres dispositifs.
Monsieur de Montgolfier, l'ANCT relève plus directement de la mission « Cohésion des territoires » que de la présente mission. À son sujet, deux questions se posent immédiatement. La première intéresse ses moyens au service des programmes qu'elle porte ; la seconde a trait à l'ingénierie, qui s'avère très disparate d'un point de vue géographique. Mais c'est surtout la remise en cause plus large du rôle des agences de l'État, catégorie à laquelle l'ANCT appartient, qu'il convient de rappeler, ainsi que le désengagement significatif de l'Etat vis-à-vis des dispositifs contractuels Sans doute un travail reste-t-il à conduire sur le possible rapprochement de l'ANCT et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - L'amendement II.7 (FINC.1) concerne l'augmentation de 10 millions d'euros de la dotation aménités rurales.
L'amendement II.7 (FINC.1) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sous réserve de l'adoption de son amendement.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - L'amendement II.9 (FINC.2) vise une neutralisation à hauteur de 80 % en 2025 de l'impact financier de la réforme de l'effort fiscal intervenue en LFI pour 2022.
L'amendement II.9 (FINC.2) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 61, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Article 62
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 62.
Article 63
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 63.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - L'amendement II.10 (FINC.3) vise à supprimer l'article 64, en vue de lui substituer un autre mécanisme, prévu par l'amendement II.11 (FINC.4) portant article additionnel.
L'amendement II.10 (FINC.3) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 64.
Après l'article 64
L'amendement II.11 (FINC.4) portant article additionnel est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Défense ».
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense ». - L'examen du budget de la mission « Défense » aurait pu être une formalité cette année, une simple application de ce que prévoit pour 2025 la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, adoptée l'année dernière dans un contexte de bouleversements stratégiques. Mais il n'en est rien, car, d'une part, des enjeux budgétaires significatifs sont apparus en gestion depuis 2023, et, d'autre part, l'information du Parlement tend à se réduire dans certains domaines. Dans les deux cas, j'appelle à la vigilance.
Je commencerai, comme il est de coutume, par présenter les grandes tendances du budget de la défense pour 2025.
Les ouvertures de crédits demandées s'élèvent à un peu plus de 93 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 60 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui fait de la mission le troisième poste du budget de l'État, après l'enseignement scolaire et la charge de la dette.
Sur le périmètre de la LPM, c'est-à-dire hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits demandés s'élèvent à 50,5 milliards d'euros, soit une progression de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2024. Il s'agit là d'un effort conséquent - le plus important de ce projet de loi de finances (PLF) -, qu'on ne peut que saluer, a fortiori dans un contexte général d'efforts de redressement des comptes publics. Cette progression est strictement conforme à la marche annuelle prévue par la LPM.
Concrètement, la hausse des crédits se répercute sur l'ensemble des « opérations stratégiques » de la mission, qui sont transversales aux différents programmes de la mission. Seule la contribution au CAS « Pensions » est en légère baisse.
Le principal poste de hausse des crédits concerne les « programmes à effet majeur », qui regroupent les opérations d'armement les plus structurantes. Les dépenses afférentes connaîtront en 2025 une augmentation de près de 1,5 milliard d'euros en CP. Le deuxième poste principal de hausse concerne la dissuasion nucléaire, dont les crédits augmentent de plus de 500 millions d'euros.
Sont également en augmentation, dans une moindre ampleur, les crédits en matière d'infrastructures, d'activité opérationnelle ou encore de maintien en condition opérationnelle des matériels. En outre, les dépenses de personnel progressent de 93 millions d'euros.
Enfin, en autorisations d'engagement, la forte augmentation des crédits permet de poursuivre l'avancée de projets structurants, parmi lesquels le renouvellement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et le lancement en phase dite de « réalisation » du porte-avions de nouvelle génération.
J'en viens aux effectifs. Vous le savez, depuis 2020, les armées ont connu de grandes difficultés pour atteindre les schémas d'emploi fixés, dans une conjoncture marquée par de fortes tensions sur le marché du travail.
Dans ce contexte, le schéma d'emploi inscrit au PLF 2024 prévoyait un solde positif de seulement 400 équivalents temps plein (ETP), contre 700 prévus par la LPM 2024-2030. Même si c'est donc au prix d'une moindre ambition, le schéma d'emploi devrait être tenu, pour la première fois depuis 2020 ; nous ne pouvons que nous en réjouir. Pour 2025, le schéma d'emplois visé est de + 700 ETP, soit un niveau conforme à la LPM. Je note qu'aucun schéma d'emploi n'a été exécuté à ce niveau depuis 2019.
J'en viens à ce qui, à défaut de fâcher, appelle a minima à la vigilance de notre part.
Mon premier point d'attention concerne plusieurs éléments relatifs à l'exécution budgétaire de la mission « Défense » en 2023 et 2024.
Vous le savez, les crédits de la mission augmentent régulièrement depuis 2019. C'est en particulier le cas depuis 2023, année dite de « pré-LPM 2024-2030 », qui a été l'occasion d'ouvertures exceptionnelles de crédits en gestion. En 2024, les crédits de la mission ont nettement progressé, cette fois dans le cadre de la nouvelle LPM proprement dite.
Dans le même temps - c'est le revers de la médaille -, le ministère a dû assumer un programme d'achats significatif pour atteindre les cibles capacitaires et opérationnelles fixées pour 2030. En outre, il a dû faire face, en 2022 et 2023, à un niveau d'inflation très élevé, réduisant mécaniquement son pouvoir d'achat. Enfin, il a subi des arbitrages gouvernementaux, en particulier fin 2023, ayant consisté à reporter des paiements et les crédits associés sur l'année suivante, afin de limiter l'ampleur du déficit public exécuté. Les travaux de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, dont Claude Raynal était le président et Jean-François Husson le rapporteur, ont montré comment, sur proposition des services de Bercy, il a été décidé de reporter des crédits du ministère des armées de 2023 sur 2024 afin de limiter le déficit exécuté pour 2023.
Dans ces conditions, alors qu'il a été décidé du maintien des ambitions d'acquisition, les crédits effectivement disponibles pour être consommés, bien qu'en hausse, n'ont pas permis de couvrir l'ensemble des paiements dus au titre de 2023 et 2024. En bref, le ministère a davantage acheté qu'il n'a pu payer. Dès lors, le report de charges a servi de variable d'ajustement. Concrètement, depuis 2023, le ministère reporte une part croissante des paiements dus au titre des livraisons effectuées.
Ce phénomène est relativement classique en début de période de programmation : de nombreux achats sont réalisés, au prix d'une augmentation du report de charges, avant que ce dernier ne se réduise en seconde partie de LPM, à mesure que les achats diminuent et que les crédits continuent d'augmenter.
Néanmoins, la hausse du report de charges est aujourd'hui particulièrement significative, pour ne pas dire inquiétante. Entre fin 2022 et fin 2024, son niveau est passé de 3,9 milliards d'euros à 6,8 milliards d'euros, c'est-à-dire une augmentation presque équivalente à une marche annuelle de progression des crédits en LPM - à savoir 3,3 milliards d'euros. Fin 2024, le report de charges représente plus de 20 % des crédits de la mission, hors personnel, contre moins de 14 % fin 2022.
Je rappelle qu'il s'agit d'une forme de dette, qu'il nous faudra bien régler un jour ou l'autre aux fournisseurs. Si le ministère devait aujourd'hui la liquider en totalité, le déficit public exécuté augmenterait ainsi d'un quart de point de PIB.
Je veux être clair : je n'appelle pas le ministère des armées à réduire ses achats. Ils sont nécessaires pour atteindre les objectifs capacitaires et opérationnels en 2030, déjà revus à la baisse dans la LPM. Je ne plaide pas non plus pour réduire les crédits de la mission, ce qui aggraverait encore le report de charges. Mais il est difficile de parler d'une économie de guerre quand on demande à la base industrielle et technologique de défense (BITD) d'assurer une partie de la trésorerie du ministère.
Le deuxième point de vigilance concerne l'information du Parlement sur la mission « Défense ». En effet, le ministère tend, ces dernières années, à réduire l'information du Parlement pour certaines données importantes.
Ainsi, les estimations des surcoûts liés aux engagements opérationnels des armées en 2024, qui ont vocation à être financés par des contributions interministérielles en fin de gestion, ne m'ont pas toutes été communiquées cette année. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures seraient relativement stables par rapport à 2024, s'établissant à environ 1,3 milliard d'euros. En revanche, nous n'avons pas le détail des surcoûts liés aux jeux Olympiques et Paralympiques, à la crise en Nouvelle-Calédonie, au renforcement du flanc oriental de l'OTAN et au soutien à l'Ukraine.
Le Parlement n'est donc pas en mesure de déterminer, à ce stade, si les surcoûts sont intégralement couverts par les crédits disponibles à cet effet, c'est-à-dire ceux qui sont ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, à savoir 837 millions d'euros de crédits nouveaux, qui s'ajoutent à une provision prévue en loi de finances initiale, de 800 millions d'euros, dédiée aux surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures. Cela ne suffira sans doute pas.
Ensuite - et c'est encore plus significatif -, le Parlement n'est plus informé depuis deux ans des niveaux de disponibilité des matériels militaires et de l'activité des forces dans les documents budgétaires, prétendument pour éviter de révéler à nos compétiteurs notre potentiel militaire. Je vous ai déjà parlé de cette difficulté, notamment dans le cadre de la présentation de mes travaux de contrôle il y a quelques semaines sur le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires. Il s'agit, me semble-t-il, d'une vraie difficulté, et ce d'autant plus que les niveaux de disponibilité des équipements et d'activité des forces sont encore insatisfaisants.
Je peine par ailleurs à croire que nos compétiteurs dépendent de la transmission de documents budgétaires au Parlement pour se faire une idée de la capacité de nos forces armées.
En conclusion, le budget de la mission « Défense » pour 2025 s'inscrit dans la trajectoire de la LPM et en respecte les principes. Il doit être salué, a fortiori dans un contexte général d'efforts de redressement des comptes publics. Il convient néanmoins de faire preuve de vigilance au regard de l'exécution budgétaire de 2023 et 2024, notamment en termes de reports de charges. En outre, l'exécution du budget pour 2025 devra s'accompagner d'une information suffisante du Parlement : si l'adoption d'une LPM est nécessaire et utile, il ne s'agit en aucun cas d'un blanc-seing budgétaire pour sept ans. Le respect de la trajectoire prévue relève de l'examen annuel approfondi des budgets proposés. Or cet examen, pour être éclairé, doit être pleinement informé. J'y serai attentif.
Sous réserve de ces observations, je me prononce en faveur de l'adoption des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je rejoins la conclusion de Dominique de Legge : il faut se questionner chaque année sur les lois de programmation, quelles qu'elles soient. Une grande vigilance s'impose en particulier sur la consommation effective des crédits. Lorsqu'un effort national massif est demandé, il faut accepter d'envisager de revoir l'ensemble des missions, y compris celles qui s'inscrivent dans le cadre d'une loi de programmation. Aucune mission ne doit échapper à notre examen minutieux et nous devons disposer des informations nécessaires pour nous assurer de la bonne exécution de chacune d'entre elles.
M. Marc Laménie. - Le travail d'investigation mené par notre collègue Dominique de Legge résume parfaitement les caractéristiques de ce budget particulièrement important. Parce que nous sommes tous très attachés à nos militaires, la question de leur recrutement et de leur fidélisation apparaît en effet centrale.
La Journée défense et citoyenneté (JDC) permet de susciter des vocations : serait-il possible d'en savoir plus sur leur coût, leur répartition, le contenu des programmes ? Je pense aussi au service militaire volontaire, financé pour partie par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Nous dénombrons aussi quelques classes de défense dans nos départements, mais pas suffisamment selon moi, alors que c'est pourtant le lien avec l'éducation nationale qui permet de susciter des vocations parmi les collégiens et les lycéens. On constate aussi que les militaires partent souvent après quelques années de contrat, ce qui est coûteux pour le budget de l'État. Quelles sont les pistes envisagées en haut lieu ?
M. Vincent Delahaye. - Je n'avais pas voté la loi de programmation militaire, considérant que nous n'avions pas les moyens de financer une croissance aussi importante des crédits. Comme l'a souligné le rapporteur général, il est toujours possible de réinterroger une loi de programmation, surtout après la baisse inédite des recettes par rapport aux prévisions - 24 milliards d'euros - que nous avons connue en 2024.
On demande aux collectivités locales des efforts pour près de 10 milliards d'euros, mais on augmente de 3 milliards d'euros le budget de la défense sans s'interroger plus avant. Le budget de la défense est passé de 35 milliards d'euros en 2019 à 50 milliards aujourd'hui. Il serait de 41 milliards d'euros seulement si nous nous étions contentés de suivre l'inflation. Il me semble que la mission « Défense » devrait elle aussi participer à l'effort de redressement des comptes publics.
M. Rémi Féraud. - À ce stade, nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission. L'esprit de la LPM nous semble globalement respecté, et les efforts budgétaires généraux ne doivent pas se faire au détriment de notre réarmement.
Vous proposez d'approuver les crédits de la mission, mais vous déplorez aussi l'absence d'informations précises dans certains domaines. Ne craignez-vous pas que la charge des opérations en Nouvelle-Calédonie, en Roumanie, ou encore dans les pays baltes ne vienne grever la trajectoire de la LPM ? Ne faudrait-il pas être plus exigeant avec le Gouvernement, et s'assurer qu'il ne s'agit pas de faire porter par le budget de la défense des opérations qui sont généralement prises en charge au niveau interministériel ?
M. Michel Canévet. - Monsieur le rapporteur spécial, vous évoquez un risque significatif d'atteindre un niveau de dépenses supérieur aux crédits dédiés pour les opérations extérieures (Opex), malgré les crédits ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Avez-vous une idée de l'ampleur des crédits supplémentaires qui seraient nécessaires pour assurer la couverture des dépenses ?
Vous avez également mentionné des reports de charge qui augmentent pour le ministère des armées, affectant les entreprises travaillant dans le secteur de la défense, ce qui est contraire aux ambitions portées par l'État. Comment allons-nous résoudre ce problème ? Ces retards perturbent-ils financièrement la BITD ? Je n'ai pas entendu de réclamation particulière à ce sujet dans mon département. En avez-vous reçu de votre côté ?
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je peux partager certains avis, notamment celui de mon collègue Vincent Delahaye quant à la légitimité des interrogations sur chacune des dépenses, mais s'il y a bien un budget sur lequel des efforts surdimensionnés seraient véritablement coupables, c'est celui de la défense. Ce budget a été mis à mal pendant des années et, au regard de la situation mondiale et de ce que décident nos voisins allemands - pour ne parler que d'eux -, je crois que la question se pose beaucoup moins. Réduire considérablement ces crédits reviendrait à jouer avec une partie de notre assurance, et je pense qu'il faut réfléchir à deux fois avant de prononcer quelque coupe claire que ce soit dans le domaine militaire.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Rappelons-nous que la LPM a permis de remettre à niveau un domaine régalien qui avait été délaissé, comme malheureusement une série d'autres secteurs. Le contexte géopolitique doit sans doute nous amener à considérer que nécessité fait loi et je vous engage à prêter attention notamment à ce qui se passe en Finlande et au message de préparation à un conflit qu'envoient les autorités à la population. Je pense que nous devons absolument voter les crédits de cette mission, particulièrement pour cet exercice budgétaire.
M. Emmanuel Capus. - Merci au rapporteur spécial pour la qualité de son rapport. Je partage les propos de Mme Paoli-Gagin et de M. Hugonet, notre groupe étant particulièrement attaché au maintien de ces crédits de la défense - voire à leur augmentation - au regard de la poursuite de la guerre en Europe et de l'inquiétante élection de Donald Trump aux États-Unis. Cette situation doit nous conduire à renforcer notre propre défense et à prendre en main notre destin.
Notre position est extrêmement simple : les crédits régaliens doivent être maintenus ou augmentés ; les autres missions doivent voir leurs crédits diminuer sensiblement. C'est ce que j'ai proposé sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » avec une diminution des crédits de 12 % : des choix forts et difficiles doivent être effectués par notre commission.
Par ailleurs, les efforts en faveur de l'équipement des forces connaissent une augmentation très nette des crédits, mais le rapporteur spécial indique dans son rapport qu'elle ne couvre pas complètement, dans certains domaines, les importants besoins d'acquisition de nos armées, notamment à la suite des cessions d'avions Rafale à la Grèce et à la Croatie, ainsi que de canons Caesar et, prochainement, d'avions Mirage pour l'Ukraine. Quel est le montant de ces cessions de matériels, qui ne semblent pas être incluses dans les besoins financiers visés par le rapport ?
Mme Nathalie Goulet. - Où en est le Fonds européen de défense (FED) ? Par ailleurs, nous aurions besoin d'identifier un véritable budget dédié à la lutte contre les influences étrangères.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Je me satisfais d'avoir provoqué un débat au sein de notre commission. Dans le contexte actuel, la question de la soutenabilité de la LPM telle qu'elle a été écrite est effectivement posée.
Nous observons finalement aujourd'hui les conséquences du péché originel de la LPM, dont je rappelle que l'enveloppe s'élevait à 400 milliards d'euros, auxquels s'ajoutaient 13,3 milliards d'euros de recettes extrabudgétaires. Dès le début, nous avions bien indiqué avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées qu'environ la moitié de ces dernières recettes était réelle - dont la contribution du service de santé des armées (SSA) -, mais que tel n'était pas le cas pour le reste. Il était ainsi notamment prévu des reports de charges, présentés comme des recettes, dès le départ.
Toutefois, les montants atteints aujourd'hui pour les reports de charge sont très élevés, sans qu'une parfaite transparence ne soit assurée à ce sujet, de la même manière que pour les indicateurs dont je parlais tout à l'heure, dont les résultats ne sont plus publiés. J'ai indiqué au chef d'état-major des armées, que j'ai rencontré il y a quelques jours, que le meilleur service à rendre aux armées ne consistait certainement pas à ne pas tout dire à la représentation nationale, qui est fondée à voter les crédits.
Monsieur Delahaye, le report de charges en début de LPM n'est pas en soi si problématique. Il est assez logique que nous engagions des montants plus importants en début de LPM, de manière à payer au fur et à mesure.
J'ai cependant un problème car on ne me dit pas jusqu'où ira ledit report de charges, ni à partir de quelle date nous allons réduire nos commandes et profiter de l'augmentation des crédits pour payer ce qui constitue en réalité une dette.
Par ailleurs, la hausse du report de charges est à mettre en perspective avec le fait que nous avons perçu des « dividendes de la paix » pendant trente ans. Alors que l'effort de la nation en faveur de sa défense était de l'ordre de 4,8 % du PIB trois décennies plus tôt, il atteint désormais péniblement 2 % du PIB. Dans le cadre du contrôle budgétaire sur le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, j'avais ainsi indiqué que le nombre d'avions de combat et de chars dont nous disposons a été divisé respectivement par trois et six. Si nous ne sommes pas fondés à remettre en cause l'indispensable effort de réarmement, nous devons en même temps exiger de disposer de tous les éléments permettant d'apprécier la soutenabilité de cette LPM.
Parmi les bonnes nouvelles, monsieur Laménie, le schéma d'emploi a été mieux exécuté cette année et les perspectives sont plutôt positives pour 2025. Le contexte économique, avec un marché de l'emploi moins favorable, a sans doute contribué à la fidélisation des personnels et à l'atteinte des objectifs de recrutement.
Concernant les surcoûts opérationnels, dont les Opex, monsieur Féraud, ont été débloqués 1,637 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros de provision et 837 millions d'euros ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion. On nous explique que le seul besoin de financement pour les Opex et les missions intérieures serait in fine de 1,3 milliard d'euros. Je peine à croire que les 330 millions d'euros restants suffiront à financer les surcoûts liés au flanc oriental, à l'Ukraine et à la Nouvelle-Calédonie. J'espère que nous y verrons plus clair au moment où nous serons saisis du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.
S'agissant de la BITD, monsieur Canévet, ce sont surtout les sous-traitants qui semblent souffrir. Je peine néanmoins à voir ce qui se passe en deuxième ligne, derrière les grands industriels.
Monsieur Hugonet et madame Paoli-Gagin, je vous remercie pour vos interventions, car nous sommes sur la même longueur d'onde. Pour ce qui est des besoins de recomplètements, monsieur Capus, cela concerne des matériels spécifiques cédés à d'autres pays, dont les Rafale. Cela prend en effet du temps de les fabriquer et de les intégrer aux armées, même si l'on a les crédits associés.
Madame Goulet, une démarche est engagée à l'échelle européenne dans le prolongement du FED afin d'aider à l'acquisition de matériels, mais nous ne sommes en l'espèce même pas dans l'épaisseur du trait avec seulement 1,5 milliard d'euros en jeu, un montant à comparer aux 50 milliards d'euros du budget de la défense française. Il ne s'agit donc que d'une amorce de solution et pas d'une réponse à nos problèmes de financement actuels.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense ».
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport spécial
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Nous avons l'honneur, avec mon collègue Rémi Féraud, de vous présenter nos observations sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », qui regroupe une partie substantielle du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE).
J'aborderai successivement deux points principaux : d'une part, un tableau général des crédits de la mission et, d'autre part, une présentation plus détaillée du programme 105. Je laisserai par la suite mon corapporteur Rémi Féraud présenter les programmes 151 et 185.
En premier lieu, j'évoquerai donc l'équilibre général de la mission, sous la forme de deux remarques. D'une part, il importe de rappeler que la mission « Action extérieure de l'État » ne représente que la moitié des crédits du MEAE, l'autre moitié relevant de la mission « Aide publique au développement » et de son programme 209.
C'est en gardant cet équilibre en tête que l'on peut comprendre l'évolution des crédits de la mission en 2025, car si l'aide au développement portée par le MEAE sur le programme 209 recule de près d'un tiers en 2025, le volume de la mission « Action extérieure de l'État » demeure, en contrepartie, à un niveau élevé, avec 3,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP).
D'autre part, il est nécessaire de souligner que si le montant des crédits de la mission pour 2025 s'inscrit en baisse par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, il est stable par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2024. Cette stabilisation du volume de la mission, après trois exercices consécutifs à la hausse, ne découle d'aucune mesure structurelle d'économies.
Trois facteurs principaux contribuent à la constance des crédits : une baisse des contributions obligatoires découlant du recul de la part de la France dans le revenu national brut (RNB) mondial, une évaluation plus réaliste des dépenses immobilières et un « coup de rabot » de faible ampleur sur l'ensemble des lignes de crédits.
Dans un contexte de dégradation de nos comptes publics, l'absence d'effort budgétaire sur la mission pose question. L'exécution des exercices précédents s'est caractérisée par une sous-consommation de certaines enveloppes budgétaires pluriannuelles, notamment en matière d'immobilier et de travaux de sécurisation des emprises. De plus, les dépenses d'intervention, en particulier s'agissant de la coopération culturelle, ont fortement progressé ces dernières années, sans que leur doctrine d'engagement soit suffisamment précisée.
Par conséquent, afin d'assurer une contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics, j'ai souhaité déposer un amendement visant à diminuer de 50 millions d'euros les crédits de la mission. Je vous rappelle d'ailleurs que nous avions adopté l'année dernière un amendement en ce sens, rejeté en séance puis finalement retenu dans le cadre du décret d'annulation de crédits qui a été pris ensuite : nous avions donc eu le tort d'avoir eu raison trop tôt.
J'en viens, en second lieu, à une présentation plus détaillée des crédits du programme 105. Ce dernier constitue le programme support de la mission et représente avec 2,7 milliards d'euros de crédits, la majorité de ses crédits.
Tout d'abord, nouveauté de l'exercice 2025, le programme 105 regroupe désormais l'ensemble des dépenses de titre 2 du MEAE, auparavant réparties sur les trois programmes de la mission « Action extérieure de l'État » et sur le programme 209.
Cette évolution devrait conduire à une plus grande lisibilité des dépenses de personnel de la mission, et ce dans un contexte de progression des effectifs du ministère. En effet, pour la troisième année consécutive, le schéma d'emploi de la mission augmente, avec 75 nouveaux équivalents temps plein (ETP) créés en 2025. Comme l'année dernière, je regrette que cet accroissement des effectifs ne soit pas accompagné d'une programmation plus précise de la répartition des emplois. Je signale d'ailleurs que la mise en extinction du corps diplomatique, qui avait soulevé beaucoup d'émotion et entraîné des recours, a finalement été assez bien acceptée par les principaux intéressés, sans que nous connaissions pour l'instant le coût de cette réforme : j'espère que ce sera le cas l'an prochain, lorsque l'ensemble du dispositif sera stabilisé.
Ensuite, l'exercice 2025 devrait être marqué par une baisse des contributions internationales portées par le programme 105, de l'ordre de 9 %. La diminution de nos contributions ne résulte en rien de la volonté du ministère, mais découle principalement de la diminution de la quote-part de la France dans le barème des Nations unies, d'une part, et de l'extinction de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), d'autre part.
Enfin, s'il s'agit d'une enveloppe de moindre importance en volume, les dépenses de protocole et de communication se maintiennent à un niveau élevé. Ainsi, les moyens du protocole devront supporter le coût de l'organisation de la conférence des Nations unies sur les océans pour 24 millions d'euros, avec un risque non négligeable de dérapage par rapport à la programmation initiale.
Sans préjuger de la présentation des crédits que s'apprête à vous adresser Rémi Féraud, et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous propose, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Comme vient de l'indiquer ma collègue Nathalie Goulet, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » s'inscrivent en légère baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Je présenterai successivement les programmes 151 et 185, ainsi que les dépenses concourant à l'enseignement français à l'étranger.
Pour commencer, j'aborderai le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés au réseau consulaire et aux Français de l'étranger. Les moyens du réseau consulaire sont renforcés à deux égards. Il s'agit, dans un premier temps, de financer à hauteur de 3 millions d'euros les surcoûts des grands programmes de modernisation de l'administration consulaire. La plateforme d'appel France Consulaire, qui vise à décharger l'accueil téléphonique de nos différents postes à l'étranger, en est un bon exemple. Son déploiement hors de l'Europe se poursuit et le centre d'appel devrait être déplacé prochainement de la Courneuve à Nantes, par souci d'économies et d'attractivité.
Nous pouvons noter que le vote par internet, utilisé pour les élections consulaires et législatives, a donné satisfaction lors des dernières échéances électorales. Cet outil sera peut-être amené à resservir en 2025 en cas de dissolution. L'administration consulaire a indiqué y être prête.
Dans un second temps, cette progression des crédits vise à assurer le bon fonctionnement de l'instruction des demandes de visas, avec plus de 2 millions d'euros additionnels en 2025. La gestion de cette instruction a en effet donné lieu, depuis la fin de la crise sanitaire, à une « crise des visas », caractérisée par un engorgement des services et un allongement des délais de traitement lié à la reprise des flux de passagers internationaux et notamment du tourisme. La mise en oeuvre des recommandations d'amélioration des procédures d'instruction, issues des travaux de la mission d'évaluation confiée à Paul Hermelin, est en cours.
Nous relevons également un point d'alerte s'agissant des dépenses liées aux contentieux des refus de visas. Si ce contentieux relève formellement du MEAE, son suivi est assuré par le ministère de l'intérieur et ses coûts sont partagés entre les deux ministères. Cependant, en raison de transferts tardifs d'information par le ministère de l'intérieur, le Quai d'Orsay se trouve en difficulté pour régler les frais liés à ce contentieux. Il nous paraîtrait donc opportun de transférer la gestion de ces compétences au seul ministère de l'intérieur et nous souhaitons interpeller le Gouvernement en ce sens.
J'en viens ensuite, au programme 185, qui correspond aux crédits de la diplomatie culturelle et d'influence. Sur ce point, il faut noter une stabilisation en trompe-l'oeil des crédits de l'attractivité universitaire et scientifique qui compromet les ambitions affichées par le Président de la République depuis plusieurs années. Une enveloppe de bourses stables, à hauteur de 70 millions d'euros, signifie en réalité une réduction du nombre de nouvelles bourses par rapport à l'année passée. Or les étudiants étrangers constituent, à mon sens, les meilleurs ambassadeurs de notre pays, et nous ne devrions pas négliger cette politique d'influence, même s'il faut évidemment en assurer la qualité et contrôler les éventuelles fraudes.
Enfin, j'aborderai à part les crédits concourant à l'enseignement français à l'étranger qui relèvent à la fois du programme 151 et du programme 185. Les bourses scolaires, portées par le programme 151, reculent de 5,5 %. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir les familles les plus modestes à accéder à l'enseignement français à l'étranger. Je rappelle à cet égard que la soulte de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a été liquidée depuis 2023.
De même, la subvention pour charges de service public de l'AEFE à l'étranger est diminuée d'environ 3,1 %. Cette baisse des moyens de l'AEFE laisse en suspens la réforme de son mode de financement. Faute de possibilité d'endettement, l'Agence rencontrera toujours des difficultés à financer ses dépenses immobilières, estimées à 175 millions d'euros sur la période 2025-2028.
Au total, la baisse de son budget fragilise la capacité du réseau d'enseignement français à l'étranger à réaliser sa double vocation : assurer un service public pour les familles françaises et constituer un outil d'influence pour notre pays. À cet égard, l'objectif du doublement du nombre d'élèves scolarisés dans les établissements français à l'étranger d'ici à 2030 semble très largement inatteignable, même si le nombre d'élèves augmente légèrement.
Pour terminer, je déplore que les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » n'aient pas fait l'objet d'une complète préservation, au même titre que les autres missions relevant du domaine régalien, car les affaires étrangères y concourent pleinement. Le maintien des crédits de la mission à un niveau élevé devrait permettre de consolider les effectifs du ministère et de prévenir la dégradation de notre outil diplomatique, après des années, voire des décennies, de restriction budgétaire. Les objectifs assignés au MEAE impliquent au moins de conserver des moyens budgétaires adaptés, à défaut de respecter les objectifs très ambitieux fixés par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).
Pour ces différentes raisons, je propose une abstention sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - L'observation relative au partage du contentieux des visas pourra intéresser le rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », cette question devant être réglée.
Par ailleurs, une ligne budgétaire est intitulée « diplomatie d'influence et communication » et nous avons demandé au ministère de modifier ce vocabulaire, car il semble prêter à confusion.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Les deux rapporteurs spéciaux n'expriment pas tout à fait la même intention de vote. Nathalie Goulet s'inscrit cette année encore dans une optique de maîtrise des dépenses et de la recherche d'efforts supplémentaires. Elle a rappelé à juste titre l'épisode de l'année dernière durant lequel notre alerte avait d'abord été écartée, avant de faire l'objet d'une confirmation soixante jours après. Je pense que nous n'aurons de toute façon guère d'autre choix, à l'avenir, que de s'assurer de disposer des crédits au bon endroit, accompagnés d'une bonne exécution budgétaire.
M. Michel Canévet. - Je remercie à mon tour les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur présentation. Je signale qu'il existe un effet de périmètre avec la mission « Aide publique au développement », puisque l'ensemble du personnel sera dorénavant rattaché à la mission « Action extérieure de l'État ».
Une réduction de crédits est prévue sur les moyens immobiliers à l'étranger. Pourrait-elle remettre en cause la nécessaire évolution du patrimoine, c'est-à-dire la rénovation thermique et énergétique des bâtiments ?
Par ailleurs, j'ai noté la légère baisse des moyens dédiés à l'enseignement du français à l'étranger, mais il faudrait surtout que nos institutions puissent investir afin d'améliorer l'état des locaux à l'étranger, sans passer uniquement sous les fourches caudines du MEAE. Qu'est-ce qui empêche les structures locales d'investir à l'heure actuelle ?
Enfin, comment la lutte contre la fraude aux visas est-elle organisée ? Un service dédié existe-t-il au sein du ministère ? Est-il efficient ?
M. Albéric de Montgolfier. - Il me semble que la France ne dispose plus du deuxième réseau diplomatique au monde et qu'elle a été dépassée par la Chine, ainsi que par la Turquie et le Japon, alors que le maintien d'un tel réseau est nécessaire compte tenu du contexte international tendu et des difficultés des entreprises françaises à exporter. Confirmez-vous ce point ?
M. Emmanuel Capus. - La principale baisse de budget est liée à la diminution de notre contribution aux missions de l'ONU. Comment la baisse de notre quote-part dans le barème des Nations unies est-elle calculée ? Correspond-elle à une perte d'influence ou même à une baisse du PIB ?
De la même façon, pourquoi la contribution française à la facilité européenne pour la paix baisse-t-elle de 40 millions d'euros ?
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - D'après les indications dont nous disposons, le réseau diplomatique français est toujours le troisième au monde après les États-Unis et la Chine. Des ouvertures de postes diplomatiques sont prévues cette année, notamment au Guyana.
Concernant l'enseignement à l'étranger, je précise qu'il n'est pas uniquement question de francophonie et de l'enseignement du français, mais de l'enseignement français sur le modèle de l'éducation nationale à travers le monde, avec un tiers d'élèves français et deux tiers d'élèves étrangers. Un engagement du Président de la République consiste à doubler le nombre d'élèves pour augmenter le nombre d'élèves étrangers qui recevraient un enseignement français, ce qui est un objectif tout à fait louable, mais les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions, d'ailleurs réduites par la crise covid.
La stabilité des moyens, voire leur légère réduction, n'aide pas, et des questions de modèle économique se poseront certainement dans les années qui viennent. Sur le plan de l'investissement, je précise que les établissements gérés directement par l'AEFE ne peuvent pas emprunter individuellement, ce qui conduit à réaliser des économies sur de nombreuses années successives pour ensuite pouvoir emprunter.
Les parents d'élèves, nos collègues représentant les Français de l'étranger et moi-même ne sommes pas parvenus à ce principe auquel Bercy est attaché, mais qui ralentit et entrave des investissements pourtant absolument nécessaires. Le lycée Charles-de-Gaulle à Londres aurait notamment besoin d'investissements considérables, qui sont pour l'instant difficiles à financer.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Pour en revenir au réseau diplomatique, le projet de mutualisation d'un certain nombre d'ambassades européennes un temps envisagé est aujourd'hui moins encouragé.
S'agissant de la baisse de la quote-part de la France au sein des organisations internationales, et notamment du système onusien, elle s'explique en effet par une diminution de notre poids dans le RNB mondial.
Monsieur Canévet, la baisse des crédits correspond plutôt à une plus grande sincérité sur un certain nombre de crédits qui avaient été sous-exécutés, ce qui est plutôt un élément positif.
En ce qui concerne la fraude, le sujet peut être élargi aux demandeurs de visas, qui doivent apporter la preuve de leurs capacités contributives et de leur domiciliation en France. Après avoir garanti qu'ils disposent de moyens de subsistance en France, il arrive qu'ils demandent le revenu de solidarité active (RSA) et des logements sociaux une fois la frontière franchie. Les services consulaires sont intéressés par un partage d'informations avec les organismes de sécurité sociale, estimant qu'il y a là une fraude très importante qui pourrait être évitée avec un meilleur partage des données.
L'autre sujet de fraude est lié à la « domiciliation chez... », qui est un élément essentiel dans les demandes de visas. Le consul général à Alger, notamment, a procédé à un contrôle sur pièces et sur place de la réalité de ces domiciliations, avec environ 1 million d'euros d'économies sur des fins de prestations dans un délai de six mois, puisque lesdites domiciliations étaient tout à fait factices. La direction des Français à l'étranger et des affaires consulaires a renforcée ses capacités internes de lutte contre la fraude.
M. Claude Raynal, président. - Nous allons procéder au vote de l'amendement présenté par Mme Goulet, qui propose une réduction des crédits de la mission de 50 millions d'euros, en AE comme en CP.
L'amendement no 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Missions et moyens du centre de crise et de soutien du ministère de l'Europe et des affaires étrangères - Contrôle budgétaire - Communication (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Nathalie Goulet rapporteur sur le projet de loi n° 706 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales, sous réserve de sa transmission.
Questions diverses
M. Albéric de Montgolfier. - Quand le Gouvernement déposera-t-il ses amendements sur le PLF afin que nous puissions éventuellement les amender ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous n'avons pas encore de visibilité mais je relaierai votre demande.
M. Albéric de Montgolfier. - Il serait important que la représentation nationale puisse avoir le temps de se prononcer et éventuellement d'amender, même si nous ne sommes pas complètement dans l'inconnu.
La réunion est close à 11 h 50.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous reprenons nos travaux du jour avec l'examen du rapport spécial sur la mission « Pouvoirs publics ».
M. Grégory Blanc, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics ». - En vertu du principe d'autonomie financière, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits dédiés aux différents pouvoirs publics constitutionnels : la présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat, les chaînes parlementaires, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République (CJR). Comme tous les ans, il appartient à chacune de ces institutions de fixer le niveau de ses dotations.
Je commencerai par rappeler que le dépôt du PLF a suscité un vif débat médiatique autour de la hausse de 2,5 % de la dotation de la présidence de la République. Le sujet a été élargi aux deux assemblées, qui prévoyaient chacune une augmentation de 1,7 % de leur dotation. Rapidement, l'Élysée a précisé par communiqué de presse que « le chef de l'État souhait[ait] que la présidence de la République donne l'exemple ». S'est ensuivie une initiative conjointe de la Présidente de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat, qui ont annoncé, dans un communiqué commun du 15 octobre dernier, leur décision de renoncer aux hausses envisagées, considérant comme « normal et indispensable que les deux assemblées participent à l'effort demandé à tous pour redresser les finances publiques de notre pays ».
C'est pourquoi, alors que les crédits de la mission devaient augmenter de 1,64 %, ils devraient au cours de l'examen en séance publique au Sénat être ramenés à leur niveau de 2024, soit 122,6 millions d'euros pour la présidence de la République, 607,65 millions d'euros pour l'Assemblée nationale, 353,47 millions d'euros pour le Sénat et 35,25 millions d'euros pour La Chaîne parlementaire. Des amendements des questeurs devraient être déposés pour l'Assemblée nationale et le Sénat, et d'autres véhicules législatifs seront cherchés le cas échéant pour les autres institutions.
Au total, en incluant les dotations du Conseil constitutionnel - 16,85 millions d'euros - et de la CJR - 984 000 euros -, le montant de la mission atteindrait, après renoncement aux hausses de dotations, 1 136 millions d'euros contre 1 156 millions d'euros prévus initialement, soit une économie de 20 millions d'euros.
La différence est bien sûr symbolique ; elle ne résorbera pas le déficit de l'État. D'ailleurs, cet effort n'est pas nouveau, comme le montre le graphique en première page de l'Essentiel : la dotation est loin d'avoir été indexée sur l'évolution des prix.
Je souhaite néanmoins attirer l'attention sur l'impact de cette renonciation aux hausses de dotations pour nos institutions. Cette stabilité conduit effectivement à exécuter des budgets en déficit et à prélever à nouveau sur les fonds de réserves. Cela risque de poser des difficultés pour financer les dépenses courantes de fonctionnement et d'entretien, mais aussi les nécessaires adaptations du patrimoine historique, notamment aux défis climatiques, et les évolutions en matière de personnel.
Les institutions de la mission « Pouvoirs publics » doivent donc approfondir leur démarche d'efficience de la dépense publique, afin de dégager de nouvelles marges de manoeuvre pour assurer leur bon fonctionnement.
Chacune des institutions a vu ses fonds de réserve baisser au cours des dernières années. La trésorerie de la présidence de la République est passée, entre 2020 et 2023, de 20 à 3 millions d'euros, quand sur la même période les titres immobilisés de l'Assemblée nationale ont baissé de 65 millions d'euros, la réserve spéciale d'intervention du Sénat de 5 millions d'euros, sans compter la consommation quasi complète des disponibilités du Conseil constitutionnel.
La question des réserves pose inévitablement celle du financement des investissements, car les institutions doivent régulièrement puiser dans leurs disponibilités pour faire face à l'entretien de leur patrimoine historique.
Cet enjeu, qui se pose avec acuité quand on observe la hausse des budgets d'investissement au cours des dernières années, rejoint aussi l'atteinte des objectifs environnementaux et du respect des trajectoires que se sont fixées les pouvoirs publics. Lors de l'entretien avec les questeurs du Sénat, par exemple, il nous a été indiqué que l'ambition d'atteindre la neutralité carbone en 2040 pourrait être reportée, faute de crédits suffisants pour moderniser le Palais du Luxembourg. Je salue donc les plans mis en oeuvre pour réduire l'empreinte carbone des institutions, tout en m'interrogeant sur le caractère atteignable des trajectoires fixées, y compris au regard de l'échéance de 2050 fixée par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Je vais maintenant vous présenter rapidement chacun des budgets.
Comme je l'ai évoqué en début d'intervention, la dotation de la présidence de la République sera stable, ce qui a conduit celle-ci à transmettre un budget actualisé à la suite de l'audition menée avec le directeur de cabinet et le secrétaire général de l'Élysée.
Dans ce nouveau budget, la hausse des dépenses de personnel, initialement fixée à 3,9 % sera finalement contenue à 1,3 %. Cette augmentation comprend notamment la création de sept postes pour la Maison Élysée, la fameuse boutique-musée qui vient d'être créée et devrait atteindre l'équilibre à la fin de 2024.
Les dépenses de fonctionnement sont en hausse depuis quelques années - à nouveau de 11,8 % en 2025. Je distinguerais cependant les dépenses rattachées à l'administration de la présidence - les moyens généraux -, sur lesquelles des économies ont déjà été recherchées afin de les stabiliser, et les dépenses rattachées à l'action présidentielle, qui apparaissent cette année en hausse de 35 % dans le budget actualisé. La présidence de la République ne détaille pas suffisamment les raisons de cette augmentation, qui appellera de ma part une attention particulière lors de l'exécution du budget. Nous attendons des éléments complémentaires.
Si le budget des déplacements présidentiels est en hausse depuis plusieurs années, il affiche pour 2025 un niveau de 20 millions d'euros, équivalent à celui de 2018 et inférieur aux 22 millions d'euros du budget de 2009. Il illustre une volonté de stabilisation de la part de la présidence, après un contexte de hausse liée notamment à l'inflation internationale. Cette stabilisation est aussi le fruit de mesures d'optimisation, notamment par une meilleure anticipation ou par des déplacements pluri-destinations. Mais bien sûr, comme cela a été rappelé par le directeur de cabinet lors de son audition, ce poste reste soumis aux aléas de l'agenda présidentiel.
Enfin, les dépenses d'investissement ont été fortement impactées par la stabilité de la dotation, avec un budget de 7,5 millions d'euros contre 9 millions d'euros prévus initialement. Lors de ma visite des installations du Palais à la fin du mois d'octobre, j'ai pourtant pu constater les investissements réalisés, qu'il s'agisse de la rénovation des grandes cuisines, des salles historiques, ou de la mise en place de la géothermie.
J'en viens aux dotations des assemblées parlementaires, suivies de celle de Public Sénat.
L'Assemblée nationale prévoit, pour 2025, un total de dépenses de 643,2 millions d'euros, soit une hausse de 3,4 %. La renonciation à la dotation entraîne mécaniquement un accroissement du déficit de 10 millions d'euros, alors que celui-ci était déjà affiché à 23 millions d'euros. Au total, depuis 2020, l'Assemblée nationale a prélevé près de 100 millions d'euros sur ses réserves.
Le budget du Sénat était initialement annoncé en légère hausse de 1,69 %. Les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 366,08 millions d'euros, soit une hausse modérée de 1,66 %, proche du taux d'inflation de 1,7 % en 2025 retenu pour la construction du budget. Les dépenses d'investissement - 12,87 millions d'euros - sont en augmentation de 2,57 % par rapport à 2024. Ce montant reste inférieur à l'exécution moyenne des dernières années, l'année 2025 constituant une année de transition avant le lancement d'un nouveau cycle d'investissements.
Précisons, par ailleurs, que la renonciation à la hausse de la dotation représente un effort budgétaire de 6 millions d'euros - les questeurs annoncent un plan d'économie d'un montant équivalent.
Quant à la chaîne Public Sénat, j'ai noté lors de l'audition de son président-directeur général M. Christopher Baldelli que les sources d'économies avaient été déjà bien exploitées et que le développement de recettes propres ne pourrait pas suivre la croissance des années précédentes. Il y aura donc matière à réfléchir sur les enjeux en matière de communication et d'information que l'on demandera à cette chaîne de relever.
Clôturons cette présentation des crédits par le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.
Le budget du Conseil constitutionnel sera en légère baisse de 6 % par rapport à l'exercice précédent. En réalité, si l'on déduit la dotation exceptionnelle perçue l'année dernière pour la rénovation du rez-de-chaussée des locaux de la rue de Montpensier et l'accueil des cours constitutionnelles francophones à l'occasion d'un colloque, le budget est en hausse d'un peu plus de 2 millions d'euros. L'objectif est de permettre au Conseil de reconstituer des réserves.
Enfin, la dotation de la CJR est identique à celle de l'an passé, à hauteur de 984 000 euros, le coût total de l'institution, si on y intègre le personnel mis à disposition, s'élevant à 1,3 million d'euros.
Je terminerai mon intervention par une courte réflexion sur le coût de la démocratie à l'aune d'une comparaison européenne des institutions.
Tout d'abord, le coût de notre propre démocratie est assez modeste, puisque le montant de la mission « Pouvoirs publics » s'élève à 0,3 % du budget de l'État, soit environ 16,50 euros par Français.
Ensuite, la comparaison avec des institutions équivalentes chez nos voisins européens est riche d'enseignement. Il apparaît clairement que nos institutions, notamment les chambres parlementaires, se situent dans la moyenne des autres États comparables en Europe, en ce qui concerne aussi bien les budgets que les moyens matériels pour l'exercice des missions parlementaires. Je relève, à cet égard, un décalage au regard des moyens du Parlement européen, mais aussi de ceux du Bundestag - si l'on tient compte, dans ce dernier cas, de la différence d'ampleur de la mission de contrôle de l'action gouvernementale.
En conclusion, et après ces quelques remarques, je vous propose l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie notre rapporteur spécial pour ce travail, y compris pour l'ajout final à son exposé : dans des temps où les élus sont parfois décriés pour les coûts qu'ils représentent pour la démocratie, il est bien de repréciser la réalité des choses.
Les décisions prises pour les assemblées parlementaires et la présidence de la République s'inscrivent dans le droit fil d'un certain nombre d'attentes. Pour autant, on sait aussi quel peut être le coût de l'organisation d'une élection, notamment quand elle n'est pas prévue. Il faut entendre que de tels événements puissent mettre en tension les finances.
Je voudrais enfin souligner les efforts en matière d'évolution de crédits : on voit tout de même que les augmentations sensibles des années post-crise font place à une légère baisse depuis 2022.
M. Marc Laménie. - Merci à notre collègue Grégory Blanc pour la présentation de cette mission. C'est une bonne chose de rappeler le coût par Français de la démocratie.
J'ai pour ma part deux questions.
Le Conseil constitutionnel enregistre une baisse significative de 6 % de son budget. Qu'en est-il précisément ?
S'agissant du Sénat, il est en charge d'un patrimoine important, avec le Palais du Luxembourg et les bâtiments alentours, mais aussi les jardins, lesquels sont très bien entretenus et très appréciés. Est-il possible de connaître le coût de cette partie, ainsi que la part du musée ? Pouvez-vous également indiquer le coût des travaux menés depuis 2017 ? Peut-on avoir des informations à ce propos ?
M. Michel Canévet. - Je félicite également le rapporteur spécial pour ce rapport éclairant sur un budget d'un peu plus de 1 milliard d'euros - ce qui est tout de même significatif dans le contexte budgétaire actuel. À cet égard, je salue la décision des questeurs de revoir la dotation demandée après la présentation du PLF par le Gouvernement, pour conserver une évolution nulle du budget des assemblées parlementaires. Nous étions notamment confrontés à des réactions de la population. Nous espérons que cette évolution permettra tout de même de mener les opérations patrimoniales nécessaires. Des aménagements ont déjà eu lieu à l'Élysée ; pouvez-vous le confirmer ?
Vous avez évoqué le recrutement de postes pour la Maison Élysée. Ne pourrait-on pas viser l'autonomie financière ? Pourquoi avoir un commerce au sein d'une administration s'il doit être déficitaire et générateur de dépenses pour le contribuable ?
M. Antoine Lefèvre. - Avec les deux autres questeurs, nous déposerons un amendement qui ne sollicitera pas la revalorisation de la dotation du Sénat. Il y aura donc des choix et des arbitrages à faire puisque nous avions estimé, dans notre prévision budgétaire, que les 6 millions d'euros d'augmentation étaient indispensables ; il faudra renoncer à certains projets. Je rappelle que, pendant longtemps, il n'y a pas eu de revalorisation de la dotation et que nous avions calculé l'augmentation sur la base de l'inflation.
M. Pierre Barros. - Le Sénat compte environ 1 900 agents, collaborateurs inclus. Sera-t-il touché par l'augmentation des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ? Dans l'affirmative, comment financer cette hausse si le budget n'augmente pas ? Une épargne permettra-t-elle d'y faire face ? Faudra-t-il supprimer des postes comme devront le faire de nombreuses collectivités ?
M. Claude Raynal, président. - Au Sénat comme ailleurs, on a pu faire le choix de passer des années sans revaloriser le budget, parce qu'on considère que ça fait bien. Il faut ensuite procéder à des sauts, ce qui paraît anormal, alors qu'une revalorisation régulière aurait pu être plus acceptable.
M. Grégory Blanc, rapporteur spécial. - Je suis frappé par le niveau des réserves qui peut s'avérer très limité et même s'il est toujours possible d'obtenir une dotation complémentaire. Nous devons faire en sorte d'avoir un niveau de réserves qui permette d'assurer le fonctionnement pendant environ trois mois. Nous sommes encore légèrement au-dessus au Sénat, mais l'Élysée est en deçà, comme le Conseil constitutionnel.
Il peut y avoir des effets de rattrapage, à certains moments, d'une institution à l'autre. Il est important de travailler dans la durée, pour permettre un phénomène de lissage et pouvoir procéder à une augmentation régulière. La compétition à celui qui sera le plus vertueux nous soumet au regard médiatique et peut mettre tout le monde en difficulté. C'est ce qui se passe cette année, notamment pour l'Assemblée nationale. Si nous étions dans un système de comptabilité privée, nous qualifierions notre budget de déficitaire puisque nous aurons recours à un prélèvement sur réserve pour équilibrer l'ensemble.
Il faut trouver de nouvelles marges de manoeuvre. Pour ce faire, il faut mener des réformes. À titre d'exemple, les moyens de la Cour de justice de la République sont sous-employés. Nous pourrions aussi réfléchir à l'organisation du travail parlementaire, notamment pour réduire les frais de transport. Dans d'autres pays, comme en Allemagne, les parlements organisent autrement leurs sessions. Nous ne pourrons pas faire l'économie de cette analyse de notre fonctionnement.
Marc Laménie, la dotation du Conseil constitutionnel a connu une très forte augmentation dans le passé, à hauteur de 35 %, notamment parce que le Conseil organise des déplacements dans les territoires pour expliquer son action, mais aussi en raison de l'accueil des cours constitutionnelles francophones. Cette année, la dotation baisse de 6 % par rapport à la dotation de 2024 qui incluait ces dépenses exceptionnelles, l'objectif étant de permettre au Conseil de reconstituer ses réserves.
Concernant le Palais du Luxembourg, le budget du « Jardin du Luxembourg » s'élève à 13,5 millions d'euros pour 2025 et les dépenses d'investissement du Sénat sont en moyenne de 18,9 millions d'euros par an sur la période 2017-2023. Les questeurs mèneront sans doute une réflexion sur l'organisation immobilière, de façon à mieux appréhender la trajectoire de rénovation thermique et les besoins en matière de modernisation et d'entretien de notre bâtiment, qui relève du patrimoine historique. À ce titre, il faudrait renforcer le lien avec le ministère de la culture.
Pour l'Élysée, le fonctionnement est différent puisque l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) prend à sa charge une part importante des travaux de l'Hôtel d'Évreux, comme des autres sites de la présidence de la République. Par ailleurs, un plan de modernisation est suivi et, chaque année, une ou deux pièces sont remises en état sur le budget de la présidence. Le Conseil constitutionnel connaît sans doute la situation la plus critique en matière de patrimoine.
Concernant la Maison Élysée, le coût des ressources humaines s'élève à 400 000 euros et le coût de fonctionnement à 800 000 euros. Les recettes devraient s'établir autour de 1,2 million d'euros. Les sept postes créés restent dans l'enveloppe des équivalents temps plein (ETP) de l'Élysée. Une exécution en équilibre est attendu à la fin de 2024. Au moment de l'audition du mois d'octobre, les recettes couvraient déjà le coût de fonctionnement. J'étais dubitatif, mais ce projet fonctionne. Il correspond à une attente réelle : les gens veulent voir l'Élysée et s'approprient ainsi le bâtiment et cette histoire. Ils veulent aussi consommer au sein de la boutique, qui met en avant un certain nombre d'artisans.
La boutique de l'Assemblée nationale devrait atteindre l'équilibre fin 2024, après avoir réorganisé son fonctionnement. Des améliorations sont sans doute à apporter concernant la boutique au Sénat.
Enfin, Pierre Barros, je ne pense pas que le Sénat soit concerné par la hausse de cotisation à la CNRACL.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » - Examen du rapport spécial
Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». - Les crédits demandés pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) s'élèvent à 4,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et à 4,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), ce qui représente une hausse de plus de 6 % pour les CP et une baisse de 15 % pour les AE. Corrigée de l'inflation, la hausse des CP est plutôt de l'ordre de 4,5 %.
Si les crédits de la mission semblent relativement préservés, au niveau agrégé, ils sont légèrement en-deçà de la trajectoire votée dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Au regard de l'érosion des crédits constatée depuis une dizaine d'années, il ne s'agit donc pas d'un budget fastueux pour les services centraux du ministère de l'intérieur et l'administration territoriale de l'État (ATE). La semaine passée, Bruno Retailleau a d'ailleurs admis devant nos collègues de la commission des lois que l'ATE était « à l'os ».
La hausse globale de tous les postes de dépenses des préfectures et sous-préfectures traduit un effort de rattrapage, particulièrement en ce qui concerne l'immobilier. Les dépenses immobilières de l'ATE augmentent de 41 millions d'euros en 2025, en particulier pour l'investissement de l'État propriétaire. Ces dépenses s'élèvent à 83,5 millions d'euros en AE et à 60,5 millions d'euros en CP, ce qui représente une hausse de 33,4 % en AE et de 37,5 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Depuis l'entrée dans la programmation issue de la Lopmi, les dépenses d'investissement de l'ATE ont augmenté de 71 % entre 2023 et 2025.
Si je tiens à saluer cette dynamique, j'ai pu constater, lors du contrôle budgétaire que j'ai mené l'été dernier, que ces moyens ne sont pas suffisants pour relever les défis de la transition écologique, auxquels le patrimoine de l'ATE est confronté. Cette revalorisation des dépenses immobilières ne s'inscrit pas dans le cadre d'une planification solide des besoins de rénovation énergétique, alors même que les obligations nationales et européennes se renforcent dans ce domaine, notamment avec la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, qui oblige les États membres à rénover les 16 % de bâtiments les moins performants d'ici à 2030. De plus, les dépenses de loyers, ayant augmenté de 7 % depuis 2023, sont à l'origine d'une rigidité des dépenses immobilières, qui empêche de réorienter les crédits vers de l'investissement dont l'administration territoriale aurait pourtant besoin.
Par ailleurs, en 2025, la promesse de réarmement de l'État territorial ne sera pas tenue, alors même que 45 postes devaient être créés dans le cadre de la Lopmi. Non seulement le schéma d'emploi est neutre mais le plafond d'emploi diminue de 182 équivalents temps plein (ETP). En effet, il a été décidé de ne pas pourvoir tous les postes d'experts de haut niveau créés hors plafond de la Lopmi, qui étaient censés accompagner les préfectures pour des compétences dont elles ne disposent pas. Lors de mon déplacement en Indre-et-Loire, j'ai constaté l'effet direct de cette mesure puisqu'un directeur en gestion de projet immobilier ne pourra pas être recruté pour suivre la réhabilitation d'une cité administrative prévue pour 2025. Le projet demeure donc en suspens.
Cet exemple est typique du quotidien des services déconcentrés : de nombreuses missions doivent être menées à bien sans les moyens humains nécessaires. Alors que nous entrons dans la dernière année du plan « missions prioritaires des préfectures », qui reprenait de fait la quasi-totalité de leurs missions, il apparaît qu'aucune priorité n'a été assumée et qu'aucune perspective ne se dessine pour la suite. L'absence d'allocation de moyens à la hauteur des besoins a eu des effets délétères sur au moins trois missions, pourtant jugées prioritaires.
En premier lieu, les services en charge du séjour, de l'éloignement et de l'asile sont aux abois et tournent grâce à des vacataires infra-annuels dans la plupart des territoires. Si un plan triennal de renfort en vacataires à destination de ces services a été mis en oeuvre de 2022 à 2024, nous ignorons quel sera le niveau de renfort pour 2025.
Toutefois, la priorité devrait plutôt être à la consolidation de ces services et à la fidélisation des compétences, ce que ne permet pas la contractualisation massive des effectifs, privilégiée par le Gouvernement. Par ailleurs, les gains attendus par l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), censée dématérialiser toute la procédure, peuvent difficilement être mesurés alors que cette application n'est pas pleinement déployée. Tous les titres de séjour ne sont pas encore disponibles sur l'application et de nombreuses pièces ne peuvent pas être téléversées au moment de la demande, ce qui nécessite un traitement par mail. L'Anef ne traite seule qu'environ 20 % des dossiers, ce qui laisse une grande marge de progression.
En deuxième lieu, les services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire sont en souffrance. Leurs effectifs sont encore en baisse et ils ne sont plus en mesure d'effectuer des contrôles efficients. En conséquence, ils doivent souvent abandonner certains pans entiers de leur activité, comme celui de la commande publique. La situation ne semble pas s'être améliorée depuis le rapport de la Cour des comptes de 2022, dans lequel on lisait : « un contrôle dont la qualité n'est pas suffisante, au regard de ses obligations constitutionnelles ».
En troisième lieu, la délivrance des titres se remet à peine de la crise des délais observée en 2022, alors même que le niveau des demandes demeure toujours bien plus élevé qu'avant la crise sanitaire. Selon les estimations de France Titres, jusqu'à 13,5 millions de titres pourraient être délivrés en 2024. Le délai moyen de délivrance s'améliore et se rapproche de l'objectif de 15 jours. Il est de l'ordre de 13 jours pour les cartes d'identité et de 20 jours pour les passeports. En revanche, le projet d'identité numérique, désormais pleinement porté par France Titres, se développe lentement et, à date, seules 1,2 million d'identités numériques ont été créées.
Enfin, je tiens à insister sur la transformation numérique, axe prioritaire de la Lopmi, qui pourrait faciliter de nombreuses tâches répétitives pour les agents en préfecture. Ces derniers sont demandeurs d'évolutions numériques, notamment pour le contrôle de légalité ou la délivrance de titres. L'utilisation de l'intelligence artificielle a été repoussée à l'horizon 2030, alors que les préfectures auraient tout à gagner à se servir de cette technologie.
Ainsi, au regard de l'ensemble des enjeux, qu'ils soient écologiques, humains ou numériques, la présence de l'État territorial ne doit pas faiblir. Les moyens alloués aux préfectures et aux sous-préfectures pour 2025 répondent a minima à cet impératif et sont plutôt insuffisants.
Concernant le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », la réalisation de deux projets immobiliers majeurs se poursuit en 2025. D'une part, 139,4 millions d'euros en CP sont destinés à assurer le paiement du marché global de construction du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen. D'autre part, 296,4 millions d'euros en CP sont consacrés au projet « Universeine », qui a vocation à accueillir plusieurs services de l'administration centrale du ministère de l'intérieur à Saint-Denis, sur l'ancien site du village olympique « Paris 2024 ».
Par ailleurs, je souhaite insister sur le renforcement nécessaire du pilotage de deux volets de dépenses du ministère de l'intérieur.
Tout d'abord, les dépenses liées à la protection fonctionnelle et au contentieux sont essentielles pour assurer la fonction juridique du ministère, qui consiste à assurer la défense de l'État pour les litiges relevant de sa compétence, notamment en matière de contentieux des étrangers et de police administrative. Ces dépenses sont systématiquement sous-évaluées alors qu'elles sont très dynamiques. Il convient de procéder à la remise à niveau de ces crédits, afin d'assurer au mieux la défense de l'État devant les juridictions administratives et judiciaires.
Ensuite, j'évoquerai les actions financées par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), à destination de la prévention de la délinquance et de la radicalisation, de la sécurisation et de la lutte contre les dérives sectaires, dont l'utilisation est coordonnée par le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). La répartition territoriale des crédits est assez peu transparente et la fongibilité des enveloppes des programmes financés peut mener à un certain dévoiement de l'utilisation des crédits. Ainsi, faute de dépôt de projets par des associations, les crédits a priori fléchés pour la prévention de la radicalisation sont utilisés, dans plusieurs départements, pour équiper les communes en dispositifs de vidéoprotection ou organiser des escape games sur le communautarisme. On pourrait attendre une meilleure allocation de ces fonds.
En Indre et Loire, de nombreuses communes sont d'ailleurs en attente de CP pour financer des équipements de vidéoprotection et, ce, depuis 2022. La direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa), en charge du pilotage de tous les projets de vidéoprotection sur la voie publique depuis 2023, a fait savoir aux responsables de programmes régionaux qu'il n'y aurait pas, a priori, de dotation pour 2024. Cette situation est inacceptable et il faut procéder à une revue des différents engagements gérés au niveau des préfectures.
En conclusion, en dépit du contexte budgétaire contraint, les crédits de la mission sont en hausse. Ainsi, malgré les réserves importantes que j'ai exprimées, notamment en ce qui concerne les effectifs, je propose d'adopter ces crédits.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Derrière un rapport qui porte sur des sujets techniques, se trouvent de nombreuses problématiques de vie pratique. J'aurai quelques questions, plus que des observations.
En ce qui concerne la délivrance de titres d'identité, quel est le coût supporté par les collectivités territoriales ? Avant, l'État prenait la totalité en charge. Par ailleurs, vous avez dit que le nombre de pièces d'identité délivrées reste élevé ; quelles sont les explications ? Plusieurs rallonges budgétaires ont été allouées ; y aura-t-il un point d'équilibre financier ?
Vos propos sur le FIPD m'ont rappelé le fonds Marianne. Comment expliquer le peu de lisibilité que vous mentionnez ? Procéder à une revue des engagements à l'échelle des départements semble en effet indispensable. J'ai le sentiment que nous avons plutôt laissé filer les choses. Il s'agit pourtant de sujets sensibles, qui entrent pleinement dans les pouvoirs régaliens de l'État. Des éléments complémentaires seront les bienvenus.
M. Michel Canévet. - J'apprécie que l'augmentation des crédits dédiés à l'investissement dans les bâtiments de l'ATE ait été mise en exergue. En effet, les efforts à fournir sont nombreux, notamment pour assurer la transition écologique. Ces efforts nécessiteront-il encore des hausses de crédits à l'avenir ?
En ce qui concerne France Titres, monsieur le rapporteur général, je ne dirais pas qu'auparavant, tout était assuré par l'État. Les usagers étaient accueillis en mairie, pour remplir le dossier adressé à l'administration de l'État et pour récupérer leur titre d'identité. Nous avons supprimé de nombreuses étapes, grâce au numérique, et nous avons concentré dans quelques mairies la délivrance des titres pour l'ensemble des administrés.
Comment se fait-il que la trajectoire budgétaire de France Titres se dégrade ? Des besoins financiers importants sont-ils encore à prévoir ? Sa situation financière est-elle préoccupante ? Pour y répondre, ne faudrait-il pas augmenter la taxe sur les passeports ?
M. Marc Laménie. - A-t-on une idée de la répartition des effectifs entre l'administration centrale et l'administration territoriale ? Les préfectures et sous-préfectures ne sont pratiquement plus ouvertes au public, ce qui est regrettable, et leurs effectifs sont en baisse depuis plusieurs années. Pouvez-vous préciser le nombre de sous-préfectures en 2024, a-t-il vocation à être stable au regard des fermetures et des fusions opérées ces dernières années ?
Comment expliquer la part importante des loyers dans les dépenses immobilières ? J'étais persuadé que l'État restait propriétaire de ce patrimoine considérable. Quant aux dépenses d'investissement, elles progressent fortement ; tous les projets sont-ils indispensables ? Pourraient-ils être différés ou échelonnés ?
Enfin, s'agissant des maisons France Services, pouvez-vous détailler dans quelle mesure répondent-elles aujourd'hui aux attentes des citoyens, si elles entrent dans le champ de la mission ?
Mme Isabelle Briquet. - Le réarmement territorial annoncé n'aura pas lieu, puisque nous sommes loin de suivre la trajectoire de créations de postes. Pour mémoire, plus de 11 000 postes ont été supprimés ces dix dernières années et nous constatons les manques engendrés dans les services des préfectures. Le contrôle de légalité est exsangue alors qu'il s'agit d'une mission importante, au service des collectivités. Pour les services d'accueil des étrangers, de nombreux vacataires sont appelés en renfort alors qu'une telle mission nécessiterait des personnels titulaires. Quelle est la proportion de ces vacataires dans ces services ? Rien que pour ce point nous nous abstiendrons, malgré la hausse affichée des crédits.
La revalorisation des crédits pour la rénovation des bâtiments est insuffisante, quand il faut gravir une marche énorme pour atteindre la conformité en la matière. Le programme prévoyait des ventes de bâtiments afin de dégager des fonds pour la réhabilitation ; avez-vous des éléments à partager à ce sujet ?
Il me semblait que les crédits alloués à la vidéoprotection ne devaient plus être couverts par le FIPD ; qu'en est-il ?
M. Olivier Paccaud. - En ce qui concerne le FIPD, vous évoquez une répartition territoriale des crédits peu transparente, ce que je confirme. Dans le département de l'Oise, où une politique de diffusion de la vidéoprotection est menée, grâce à des subventions non négligeables du département et au soutien du conseil régional, les demandes soumises au FIPD n'aboutissent presque jamais. Les rares qui reçoivent une réponse favorable sont liées à des projets mis en oeuvre dans les communes les plus grandes. Ce dispositif ne concerne-t-il que les agglomérations et les grandes communes ?
S'agissant de la délivrance des titres, Michel Canévet a insisté sur le fait que les communes participaient jadis à cette tâche, mais elles ne jouaient en fait que le rôle de boîte aux lettres. Elles assument désormais la prise d'empreintes et d'autres opérations qui nécessitent du personnel, et, qu'on le veuille ou non, un désengagement de l'État est à l'oeuvre, alors que la délivrance des titres d'identité est une compétence régalienne par excellence.
En outre, vous avez évoqué des délais moyens de délivrance des titres qui me semblent bien supérieurs dans la réalité - en tout cas dans mon département -, en dépit de la multiplication bienvenue des lieux de délivrance.
Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. - Pour ce qui est du coût des titres sécurisés pour les communes munies de dispositifs de recueil, lesdites communes bénéficient de la dotation pour les titres sécurisés qui avait été réévaluée. Certaines d'entre elles m'ont indiqué que ce montant suffisait pour couvrir l'intégralité des coûts, tandis qu'il ne suffit pas pour d'autres.
La hausse des titres sécurisés devient quant à elle structurelle, nos auditions n'ayant pas permis d'en identifier toutes les causes.
Monsieur Canévet, l'effort à fournir en matière d'immobilier de l'État est considérable. Nous l'avions estimé dans notre rapport à 227 millions d'euros d'ici à 2027, alors que l'effort supplémentaire fourni cette année ne s'élève qu'à 60 millions d'euros. Nous n'en sommes donc qu'à la première étape d'un programme d'investissements très importants.
Mme Briquet évoquait la vente de bâtiments afin de dégager des ressources, il ne m'a pas été communiqué d'informations en ce sens. La tendance semble être plutôt à l'acquisition et aux constructions neuves, avec notamment la poursuite de la construction de la nouvelle sous-préfecture de Palaiseau.
Une bonne partie de l'immobilier de l'État territorial est détenu par les départements, voire par les communes : la ville de Strasbourg est ainsi propriétaire de la préfecture. Les possibilités de cessions ne sont donc pas si grandes et il faut privilégier la rationalisation, ce qui m'amène à la problématique des loyers. Il faudrait engager des travaux conséquents afin de réduire significativement le montant des locations, mais les moyens nécessaires ne sont actuellement pas disponibles. Une foncière pourrait être un outil permettant de mieux gérer l'immobilier de l'État, mais les ministères - et notamment celui de l'intérieur - ne semblent guère enthousiastes, même si des expérimentations de structures préfiguratives d'une foncière interministérielle seront lancées dans les régions Grand-Est et Normandie à partir de janvier 2025.
Monsieur Laménie, 233 sous-préfectures sont ouvertes en 2024, soit un chiffre stable depuis deux ans. Aucune création ou suppression de préfecture n'a été annoncée pour 2025. La plupart sont ouvertes au public, et disposent soit d'un point d'accueil numérique pour accompagner les usagers, soit d'un dispositif France Services. Certaines sous-préfectures sont ainsi labellisées, mais avec la participation financière d'autres acteurs.
Madame Briquet, les vacataires représentent de manière pérenne 10 % des emplois en préfectures. Je ne dispose pas du chiffre exact pour les services en charge du séjour, de l'éloignement et de l'asile, mais à titre de comparaison, le pourcentage de vacataires atteint environ 30 % pour l'instruction des titres sécurisés..
Concernant la vidéoprotection, les lieux de culte continuent de relever du FIPD, tandis que la voie publique relève de la direction des entreprises et des partenariats de sécurité et des armes (DEPSA), étant précisé que les préfectures interviennent dans le processus : les collectivités locales engagent donc des dépenses de vidéoprotection sans savoir à quelle date elles seront remboursées.
Monsieur Paccaud, vous avez tout à fait raison au sujet de la répartition des dépenses du FIPD dans les territoires, la moitié d'entre elles allant à l'Île-de-France et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cette répartition peut s'expliquer au regard des enjeux de radicalisation et prévention de la délinquance dans ces territoires, mais la lisibilité des crédits allouée devrait être améliorée.
Les délais de délivrance, par ailleurs, peuvent en effet varier d'un département à l'autre, mais se sont tendanciellement réduits. Je pense que nous pourrions davantage optimiser les processus et je regrette que la direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) ne souhaite pas aller plus vite dans le déploiement de l'intelligence artificielle, car elle permettrait des gains d'efficience pour les contrôles répétitifs réalisés par les centres d'expertise et de ressources des titres (CERT). De nombreux progrès restent à accomplir sur le plan numérique et le ministère de l'intérieur n'est pas particulièrement en avance sur le sujet.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Économie » et compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - Comme vous le savez, mes chers collègues, la mission « Économie » est une mission très composite. Elle porte des crédits de plusieurs administrations rattachées à Bercy, ainsi que ceux d'un nombre conséquent d'opérateurs. En outre, elle héberge de nombreux instruments budgétaires, dont certains sont structurels et d'autres temporaires.
Le point commun de tous ces administrations, opérateurs et instruments budgétaires, c'est qu'ils ont vocation à être déployés en faveur de l'emploi, de la croissance, des exportations, de la concurrence ou encore de la protection des consommateurs.
Je commencerai mon propos en exprimant, au nom de Frédérique Espagnac et moi-même, un regret : la mission « Économie » se voit appliquer, dans le cadre de l'effort des finances publiques engagé par l'État, une logique de rabot budgétaire, au détriment de plusieurs dispositifs dont l'intérêt a pourtant largement été démontré.
Les crédits de la mission diminuent d'environ 583 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit 13,8 %, et d'environ 408 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit près de 9,5 %.
La baisse des crédits de la mission porte principalement sur deux programmes : d'une part, le programme 134 « Développement des entreprises et régulations », qui porte d'ailleurs près des deux tiers des crédits de la mission ; d'autre part, le programme 343 « Plan France Très Haut Débit », sur lequel ma collègue reviendra plus en détail.
Plutôt que d'entrer dans une analyse fastidieuse de l'évolution des nombreux outils portés par la mission, nous vous proposons de concentrer notre propos sur quelques faits saillants du budget pour 2025.
Tout d'abord, les moyens des administrations et des opérateurs sont globalement en baisse dans le PLF. Les dépenses de personnel sont relativement stables, puisqu'elles augmentent d'à peine 0,5 %, mais le plafond d'emplois de l'État diminue de 27 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Pour les opérateurs, l'effort demandé est encore plus conséquent, puisque le nombre d'emplois sous plafond diminue de 101 ETPT.
La direction générale du Trésor (DGT) voit ses effectifs diminuer de 6 ETPT. Toutefois, nous nous félicitons de la préservation des emplois consacrés au réseau économique à l'étranger, conformément à la recommandation que nous avons formulée dans notre rapport de contrôle de juin 2021 sur les services économiques régionaux de la DGT.
Pour ce qui concerne la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous avions recommandé dans notre rapport de contrôle de septembre 2022 de mettre fin à la dynamique de suppression de postes, trop marquée depuis 2007, aboutissant à la disparition de plus de 900 ETPT. Nous avions proposé de recréer 49 postes, au bénéfice de tous les territoires.
Notre recommandation a été entendue ces deux dernières années, puisque ce sont exactement 49 ETPT qui ont été recréés sur cette période. Toutefois, l'année 2025 marque un retour en arrière - 3 ETPT sont supprimés -, alors même que la DGCCRF voit son champ d'action se diversifier avec l'essor de l'économie numérique.
Je pense notamment aux nombreuses enquêtes menées par ce service sur le drop shipping, modèle de vente en ligne qui connaît une forte expansion depuis quelques années. Dans ce modèle, le vendeur n'est en charge que de la commercialisation du produit, et c'est le fournisseur partenaire, situé généralement à l'étranger - notamment en Chine - qui se charge de la gestion du stock et de l'expédition de la marchandise au consommateur final. Ce procédé est à l'origine de nombreuses pratiques illicites, qui peuvent être liées à la qualité et la sécurité des produits, à leur origine, aux faux avis en ligne, à la disponibilité des produits, et surtout aux délais de livraison et à l'absence de remboursement. Face à la montée en puissance de ces pratiques frauduleuses, il nous semble nécessaire que la DGCCRF soit dotée de moyens à la hauteur des enjeux.
Les opérateurs de la mission prennent également largement leur part dans le redressement de nos finances publiques. À l'exception de l'Autorité de la concurrence, qui voit sa dotation stabilisée, tous les opérateurs de la mission connaissent une baisse de leurs crédits. Nous avons mis l'accent dans nos travaux sur le cas d'Atout France, dont la baisse conséquente des crédits et des emplois semble traduire l'amorçage d'une fusion avec Business France annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. À nouveau, ma collègue Frédérique Espagnac reviendra plus en détail sur ce point.
Je poursuis avec les principales évolutions des instruments budgétaires en faveur des entreprises portées par la mission.
La première évolution concerne la compensation dite « carbone ». Elle est octroyée aux sites électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone, pour compenser les coûts liés au système européen des quotas d'émissions, à savoir le quota carbone. Sont notamment concernés les secteurs de la sidérurgie, du papier, ou encore de la chimie. Depuis plusieurs années, la hausse du prix du carbone conduit à une augmentation mécanique du coût de la compensation. En 2025, elle atteint plus de 1 milliard d'euros, en baisse de 23 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.
La deuxième évolution concerne Bpifrance. Nous nous félicitions l'an dernier de la création, sur le programme 134, d'une ligne budgétaire dotée de 100 millions d'euros et dédiée au financement des actions d'accompagnement des entreprises de Bpifrance. Cette création était pour nous une avancée notable : nous considérions effectivement que cette politique publique en faveur des entreprises devait être budgétisée et soumise annuellement au vote du Parlement. Or, la ligne budgétaire est purement et simplement supprimée dans le PLF 2025 ! Il s'agit d'un retour en arrière regrettable du point de vue du contrôle du Parlement sur les financements de Bpifrance. Il ressort de nos auditions que Bpifrance devrait être amenée à poursuivre ses actions d'accompagnement des entreprises par la mobilisation de ses fonds propres.
La troisième évolution ayant retenu notre attention concerne la création dans ce PLF d'une nouvelle enveloppe consacrée à la décarbonation de l'industrie, dotée dans le texte initial de 50 millions d'euros en AE. Le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à majorer ces crédits de 1,5 milliard d'euros en AE, qui sera très probablement redéposé en séance publique au Sénat. Si nous souscrivons à l'objectif de décarbonation de notre économie portée par cette enveloppe, nous déplorons la méthode. Elle nuit considérablement à la lisibilité de nos débats. Au regard de l'ampleur des montants annoncés, il aurait été préférable que le Gouvernement fasse l'effort d'inscrire ces crédits dans le texte initial, d'autant plus que nous ne disposons à ce stade que de très peu d'informations sur le dispositif qui les portera, ainsi que sur sa temporalité.
J'en viens maintenant à un sujet qui a particulièrement retenu notre attention lors de nos travaux : le désengagement de l'État du financement des pôles de compétitivité.
Créés en 2005, les pôles de compétitivité sont des structures de mise en relation des entreprises, des centres de recherche et de formation dont l'activité porte sur un ou plusieurs thèmes communs. Les pôles cherchent à développer les relations entre leurs membres pour favoriser les synergies, stimuler l'innovation et atteindre une plus grande efficacité économique. Ils font l'objet de financements publics de l'État et des collectivités locales, ainsi que de financements privés issus des cotisations payées par les membres des pôles ou des prestations qui leur sont facturées.
Les pôles de compétitivité ont fait la démonstration de leur intérêt pour le développement du tissu économique local et l'investissement privé dans la recherche et développement (R&D). En moyenne, chaque euro d'aide publique engagé engendrerait près de 2,8 euros de dépenses en R&D privée. L'adhésion à un pôle de compétitivité a un effet positif sur les entreprises exportatrices, dont les exportations augmenteraient de 20 %. Les pôles de compétitivité ont également un impact positif sur l'emploi, correspondant à environ un emploi créé pour moins de 7 000 euros dépensés.
Pourtant, l'enveloppe de 9 millions d'euros consacrée à ces pôles a été supprimée dans ce PLF. Ce choix nous semble regrettable et particulièrement surprenant dans un contexte où le Gouvernement affirme vouloir engager notre pays dans la voie de la réindustrialisation. Il nous semble nécessaire de rétablir cette ligne budgétaire et nous vous présenterons un amendement en ce sens.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - J'aborderai pour ma part trois sujets : l'état du déploiement de la fibre optique ; les compensations des missions de service public au groupe La Poste ; la fusion d'Atout France et de Business France annoncée par le Gouvernement, sur laquelle nous sommes très réservés.
Le plan France Très Haut Débit porte l'objectif d'un déploiement complet de la fibre optique à l'horizon de 2025. Il est financé en particulier par le programme 343, dont l'objet est de subventionner les réseaux d'initiative publique (RIP) dans des zones où le déploiement de la fibre n'est pas rentable pour les opérateurs. Ces RIP sont mis en oeuvre dans le cadre de projets portés et financés par les collectivités territoriales.
Il ressort de notre analyse que les crédits du programme 343 subventionnant les RIP ont des effets positifs sur le déploiement dans les zones concernées. Toutefois, il y a en réalité de quoi s'inquiéter sur l'atteinte de l'objectif d'un déploiement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire en 2025, dans les zones RIP et ailleurs. À ce jour, seuls 87 % des locaux recensés en France sont éligibles à la fibre optique, c'est-à-dire raccordables. En outre, le taux de déploiement est très hétérogène sur le territoire.
Surtout, les crédits consacrés au plan France Très Haut Débit ont fait l'objet de coupes budgétaires massives en cours d'année 2024, coupes qui sont visiblement amenées à se poursuivre en 2025.
Le décret du 21 février dernier a en effet annulé 37,8 millions d'euros en AE et 116,8 millions d'euros en CP sur le programme 343, et le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 prévoit lui aussi l'annulation de près de 84,6 millions d'euros en CP. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui gère les financements dédiés au plan France Très Haut Débit, devrait néanmoins disposer de suffisamment de trésorerie pour garantir le décaissement des crédits nécessaires en 2024.
Toutefois, le PLF 2025 prévoit une nouvelle diminution massive des crédits consacrés aux RIP. En effet, aucune AE n'est inscrite et seulement 200,1 millions d'euros sont prévus, soit une baisse de plus de 52 % par rapport à l'an dernier. Il ressort de nos auditions que cette enveloppe pourrait être insuffisante pour garantir la poursuite du déploiement de la fibre sur le territoire en 2025. Cette situation risque de se répercuter sur les collectivités locales, qui devront, dans les cas où leur situation financière le permet, se substituer à l'État pour garantir le financement des projets.
À défaut, cette situation se répercutera sur les opérateurs et encore plus sur leurs sous-traitants, fragilisant ainsi le tissu économique local. Ce désengagement de l'État nous semble particulièrement préoccupant et nuit à la crédibilité de la parole publique, puisque, rappelons-le, le déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire en 2025 avait fait l'objet d'un engagement gouvernemental.
À cet égard, nous vous présenterons tout à l'heure un amendement visant à sécuriser la concrétisation du plan France Très Haut Débit à Mayotte en 2025. Ce département a un taux de couverture internet fixe très haut débit de 40 %, très largement inférieur à la moyenne nationale. Au total, 55 millions d'euros sont nécessaires en AE pour engager la signature de la délégation de service public.
Notre assemblée avait inscrit dans LFI 2024 une enveloppe de 50,5 millions d'euros en AE pour compléter les 4,5 millions d'euros déjà provisionnés en 2023. Mais cette enveloppe a été fortement réduite en raison du décret d'annulation de crédits du 21 février 2024. Faute de financements suffisants, la concrétisation de ce projet n'est à ce jour pas garantie. Il nous semble donc essentiel de rétablir ces crédits, conformément à la position exprimée par notre assemblée l'année dernière.
J'en viens aux quatre compensations financées par la mission « Économie » et versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public.
Concernant la compensation au titre de sa mission d'accessibilité bancaire, la baisse envisagée en 2025 est conforme à la trajectoire pluriannuelle prévue. La dotation s'établira à 269 millions d'euros.
La dotation pour financer la mission de transport postal de la presse est, quant à elle, en baisse par rapport à 2024 et sera de 38,4 millions d'euros. Une réforme du transport de presse a été mise en oeuvre depuis 2023 afin de favoriser le report des éditeurs vers le portage. Cette réforme était censée alléger les charges assumées par La Poste au titre de cette mission de service public. Toutefois, cette réforme n'a pas eu les effets escomptés, alors qu'en parallèle, le montant de la compensation versée au titre du transport de presse a été divisé par deux ! Cette situation n'est pas soutenable, et il faudra en tout état de cause que la représentation nationale s'interroge à l'avenir sur les modalités de financement de cette mission de service public essentielle.
La mission de service universel postal est compensée en 2025 à hauteur de 500 millions d'euros, soit un montant stable par rapport à l'année dernière. Je relève que, depuis deux ans, la part variable de 20 millions d'euros censée être accordée en fonction du taux de lettres vertes effectivement livrées à J+ 2 par La Poste n'est pas prévue dans le PLF, alors que les résultats de l'entreprise en matière de délais de livraison sont conformes aux objectifs fixés.
Enfin, des questions majeures demeurent sur la mission d'aménagement et de développement du territoire de La Poste. Cette mission essentielle consiste, comme vous le savez, à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays.
Elle fait l'objet d'un financement par le biais du fonds postal national de péréquation territoriale, alimenté par deux canaux : d'un côté, des allégements de fiscalité locale ; de l'autre, une dotation budgétaire. L'objectif est d'apporter, par ces deux biais, une compensation globale de l'État de 174 millions d'euros.
Dans un contexte de baisse de rendement des allégements de fiscalité locale, liée notamment à la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la dotation avait été rehaussée en 2023 de 74 millions d'euros à 105 millions d'euros. Mais la dotation est maintenue depuis 2023 à ce même niveau, alors que le rendement des abattements fiscaux a diminué. La Poste estime que 15 millions d'euros manqueront en 2025 pour atteindre le niveau de compensation cible de 174 millions d'euros.
Ce chiffrage nous semble cohérent, et c'est pourquoi nous vous proposerons un amendement rehaussant de 15 millions d'euros la dotation budgétaire. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une mission de service public essentielle à nos territoires et que l'amendement n'a vocation qu'à maintenir le niveau global de compensation prévu dans le cadre du contrat conclu entre l'État et La Poste.
Je souhaiterais enfin attirer votre attention sur le projet de fusion entre Atout France et Business France, annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale d'octobre dernier. L'ambition du Gouvernement est de réaliser des économies budgétaires, notamment par une mutualisation du réseau international de ces deux opérateurs.
Or les gains qu'est censée générer cette fusion sont aujourd'hui très loin d'être démontrés et nous laissent même présager un résultat inverse. Cette réforme a été visiblement annoncée sans avoir été sérieusement préparée, et sans que les acteurs concernés aient été consultés. J'insiste sur le fait que les missions d'Atout France et de Business France ne se recoupent pas totalement. Atout France dispose d'une compétence « métier », illustrée par son action de développement de l'offre touristique sur le territoire français. Une fusion précipitée des deux opérateurs pourrait conduire à un affaiblissement de cette offre, avec des conséquences négatives en termes de retombées économiques pour le secteur du tourisme.
Par ailleurs, les suppressions d'effectifs au sein d'Atout France qui résulteraient de cette fusion pourraient impliquer des procédures de licenciement et reclassement de certains agents particulièrement coûteux. La fusion des deux opérateurs soulèvera enfin de nombreuses difficultés juridiques induites par la différence de statut entre Atout France, groupement d'intérêt économique (GIE), et Business France, établissement public industriel et commercial (Épic).
Nous sommes donc très sceptiques quant à l'intérêt de cette réforme, dont les contours sont encore flous. D'après nos informations, une étude a été lancée par le Gouvernement pour identifier les différentes traductions possibles de ce rapprochement entre Atout France et Business France. Nous serons particulièrement attentifs à ses conclusions, qui devraient être rendues d'ici début 2025.
En tout état de cause, Thierry Cozic et moi-même souhaitons pouvoir approfondir ce sujet l'an prochain, dans le cadre de nos travaux de contrôle.
En conclusion, nous considérons que le budget de la mission « Économie » pour 2025 n'est, en l'état, pas satisfaisant. Nous serons toutefois favorables à l'adoption des crédits, sous réserve de l'adoption des amendements que nous vous proposons.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette présentation laisse apparaître une attention particulière à différents acteurs, qu'il s'agisse des opérateurs publics ou des pôles de compétitivité.
S'agissant de ces derniers, nous constatons qu'ils perdent en visibilité au fil du temps, en raison d'opérations de communication multiples et d'une superposition avec d'autres dispositifs - tels que les Territoires d'industrie - qui rendent la situation complexe et l'évaluation de la valeur ajoutée de l'ensemble malaisée. Alors que nous recommandons aux collectivités locales de rechercher des chefs de file et des regroupements, ceux-ci sont rarement mis en oeuvre, ce qui soulève un problème d'efficacité de la dépense publique.
J'entends la demande visant à rétablir les fonds de ces pôles de compétitivité, mais j'invite les rapporteurs spéciaux à proposer, en séance publique, une vraie mesure d'économie, pour rendre cet amendement acceptable.
Concernant la Poste, j'ai bien conscience de la situation de sous-compensation des missions de service public assurées par le groupe. Le problème ne se limite d'ailleurs pas à la seule mission d'aménagement du territoire, comme les rapporteurs l'ont très justement souligné. Il me semble que ce sujet ne pourra être réglé uniquement par cet amendement de crédits, et doit faire l'objet d'un débat plus large que nous pourrions avoir en séance publique.
Enfin, je suis pleinement favorable à l'amendement proposé pour Mayotte, qui répond à une véritable urgence.
Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Économie ». - La commission des affaires économiques examinera mercredi prochain mon rapport pour avis sur les crédits dédiés au commerce, à la consommation et à l'artisanat de la mission « Économie ». Ayant achevé mes auditions, je peux d'ores et déjà vous communiquer quelques premières conclusions.
D'abord, la DGCCRF : ses dépenses hors titre 2 augmentent en raison du déménagement de l'école de formation des agents. Cette opération spécifique mise de côté, ces crédits hors titre 2 sont en baisse de 3 % par rapport à 2024. Les effectifs sont quant à eux globalement stables. La DGCCRF prend donc sa part à l'effort de réduction des dépenses, proportionnellement au champ large de ses missions.
Au niveau du commerce, l'an dernier, le fonds territorial d'accessibilité prévoyait 300 millions d'euros d'ici à 2028 pour financer les travaux de mise en accessibilité des petits commerces. Ces crédits ne sont pas présents au PLF 2025 en raison du très faible succès de ce fonds, qui s'explique sans doute par un reste à charge trop important pour les entreprises et une faible mobilisation pour l'atteinte des objectifs de mise en accessibilité, en l'absence de sanctions. Sur le principe, je le regrette, mais il est de bonne gestion de ne pas pérenniser un fonds qui ne fonctionne pas.
Concernant l'artisanat, la stratégie nationale des métiers d'art a totalement disparu du PLF 2025, alors que 3,4 millions d'euros de crédits lui étaient dédiés en 2024. Seuls 200 000 euros sont prévus pour la gestion du label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV) par voie de marché public. Avec seulement 200 000 euros, non seulement l'objectif de 2 500 entreprises labellisées en 2025 ne sera pas atteint, mais le marché public risque d'être rompu, exposant l'État à un versement d'indemnités au gestionnaire ainsi qu'à un remboursement des entreprises qui avaient payé une redevance pour l'instruction de leur dossier, pour un montant allant jusqu'à 1 950 euros par entreprise. Ces indemnités et remboursements seront plus onéreux que le rétablissement des crédits nécessaires à la préservation du label, qui s'élèvent à 1,5 million d'euros ! Je proposerai donc un amendement en ce sens.
Un mot, aussi, sur Atout France : sa subvention pour charge de service public est en baisse de près de 13 % et l'avenir de l'opérateur est incertain à la suite de l'annonce de sa fusion avec Business France. Il me semble que la rationalisation des opérateurs est favorable à la bonne gestion des deniers publics, mais j'attends d'en savoir davantage, notamment concernant les modalités de cette fusion puisqu'Atout France est un GIE tandis que Business France est un établissement public. Il est probable que le Parlement soit saisi de cette fusion.
Enfin, je souhaite souligner l'effort de contribution à la réduction de la dépense publique des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) et des chambres de commerce et d'industrie (CCI).
Je proposerai donc un avis favorable à la commission des affaires économiques, avec l'amendement mentionné concernant le label EPV.
M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Économie ». - Les crédits de l'action 23 « Industrie et services » sont en baisse sensible par rapport au budget 2024, avec une diminution de 11 % en AE et de 13 % CP. En excluant la compensation carbone, qui représente comme les années précédentes plus de trois quarts des crédits de l'action, la baisse est encore plus drastique, avec - 39 %. Dans une période critique pour l'industrie, cette diminution considérable affecte pourtant certains mécanismes de soutien qui se sont avérés efficaces et peu coûteux.
La quasi-totalité des lignes de l'action 23 fléchées vers le soutien à l'industrie sont en baisse ; de plus, la subvention pour charges de service public de Business France diminue de 10 %. On ne peut que s'interroger, de surcroît, sur la suppression du financement de l'activité « fonds de garantie et accompagnement » de Bpifrance, notamment sur le volet de l'accompagnement, qui bénéficie pour moitié à des entreprises industrielles.
L'efficacité du dispositif a en effet été mise en évidence par plusieurs études scientifiques, notamment par rapport à des aides financières du même montant. Surtout, alors que les défaillances d'entreprise sur douze mois sont en hausse de plus de 20 % par rapport à octobre 2023 et que l'horizon semble particulièrement s'assombrir pour les entreprises industrielles, la suppression de la ligne d'accompagnement à la restructuration et à la résilience des PME, qui finançait des prestations d'appui et de conseil dans le cadre de la mission de restructuration des entreprises pilotées par la direction générale des entreprises (DGE), pose question.
En outre, la DGE ne dispose pas des ressources en interne pour assurer ces missions, a fortiori avec le schéma d'emplois négatif qui s'annonce et une diminution de 16 équivalents temps plein (ETP) sur 2025.
En ce qui concerne les pôles de compétitivité, le transfert en 2019 d'une partie des crédits étatiques aux régions et plusieurs années de baisse des engagements de l'État sont à relever. Un financement stable de 9 millions d'euros par an de la part de ce dernier avait été arrêté pour la cinquième phase du programme, qui couvrait la période 2023-2026. Ce montant n'est pas renouvelé dans le PLF 2025, mettant en péril le fonctionnement de certains pôles dont les financements étatiques représentent en moyenne un tiers du budget. Compte tenu de leur importance et du montant modeste de l'enveloppe concernée, qui représente à peine 0,2 % des crédits de la mission, je proposerai à la commission des affaires économiques le maintien de ces crédits en 2025 et en 2026.
Pour ce qui concerne la compensation carbone versée aux industries électro-intensives des secteurs soumis au risque de fuite de carbone, qui représentera un budget initial de 1 milliard d'euros pour la deuxième année consécutive, le coût pour les finances publiques devrait continuer à augmenter à long terme, principalement en raison de l'évolution du prix des quotas carbone et de l'augmentation de la consommation d'électricité dans les secteurs éligibles.
Malgré son coût très important pour les finances publiques, cet outil est pour l'heure indispensable à la compétitivité de l'industrie française, par rapport tant à nos voisins qu'aux États tiers. Il conviendra donc de le maintenir au terme de la révision du dispositif à laquelle procédera la Commission européenne en 2025. L'accent est souvent mis sur sa soutenabilité, d'autant qu'il pourrait être nécessaire, dans un avenir proche, de mettre en place des mécanismes similaires au profit de secteurs industriels situés en aval de ceux qui sont concernés par le mécanisme de la taxe carbone aux frontières de l'Union européenne.
En effet, ces industries en aval se trouveront exposées au risque de fuite de carbone et de pertes de marchés à l'export, ainsi qu'à la concurrence d'États tiers susceptibles de flécher leur production moins carbonée vers l'Europe. Cela pourrait notamment être le cas de la filière automobile, déjà en grande vulnérabilité.
Comme les années précédentes, la commission des affaires économiques remarque que la mission « Économie » ne représente que la portion congrue de la politique industrielle de la France. À l'exclusion de la compensation carbone, la plupart des aides directes ou indirectes à l'industrie passent désormais par le plan France 2030 pour un montant de 54 milliards d'euros, sans commune mesure avec les crédits de la mission. On ne peut que déplorer l'éclatement de ces moyens, qui n'offre pas une visibilité satisfaisante sur la conduite de la politique industrielle française.
On peut en outre s'interroger sur cette répartition qui pourrait laisser penser que la seule industrie digne d'intérêt serait celle des grandes entreprises, à même de répondre aux appels d'offres France 2030, alors même que 70 % des capacités de réindustrialisation se trouvent au niveau de l'industrie déjà implantée sur le territoire français.
Dans le PLF 2025, la seule nouvelle ligne dédiée à l'industrie de la mission « Économie » concerne la décarbonation de l'industrie. Cette ligne, qui a vocation à prendre le relais d'appels à projets auparavant financés via France 2030, n'est cependant dotée que de 50 millions d'euros, bien loin des 50 milliards à 70 milliards d'euros d'investissements et de surcoûts nécessaires au financement de la décarbonation pour la période 2023-2030, selon les calculs du ministère de l'industrie.
Un amendement déposé par l'ancien ministre de l'industrie vise cependant à abonder cette enveloppe à hauteur de 1,5 milliard d'euros afin de donner une visibilité aux porteurs de projets dès à présent et de sécuriser la mise en service de projets à moyen terme. Bien que l'objectif de soutien à la décarbonation de l'industrie soit partagé par la commission des affaires économiques, la méthode consistant à faire plus que doubler, par amendement, le montant total des crédits de la mission consacrée aux politiques industrielles est discutable.
Sous réserve du vote, notamment, de l'amendement concernant les pôles de compétitivité, je proposerai un vote négatif sur le volet de cette mission compte tenu des réductions drastiques qui sont proposées.
M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la mission « Économie ». - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a d'ores et déjà examiné l'avis qui vous est présenté.
Il porte sur les deux versants du volet relatif à l'aménagement numérique du territoire, à savoir les infrastructures et l'accompagnement aux politiques dites d'inclusion numérique. Pour ce qui est du plan France Très Haut Débit, notre collègue Frédérique Espagnac a rappelé l'essentiel : nous constatons une baisse drastique des crédits dévolus à ce plan essentiel pour la couverture en fibre optique du territoire national, avec une diminution de près de 280 millions d'euros des crédits inscrits entre 2024 et 2025.
À l'occasion d'une table ronde organisée par notre commission, l'ANCT a eu l'occasion de rappeler ce point, qui fait écho au seul amendement que nous avons émis dans le sillage de notre avis et qui concerne Mayotte. À cet égard, nous rejoignons les rapporteurs spéciaux et défendons un montant similaire, afin que le RIP de Mayotte puisse enfin être mis en oeuvre. L'année dernière, il nous avait en effet été objecté que la copie n'était pas prête : c'est désormais chose faite, il ne manque que les crédits. Il faut pouvoir amorcer la réalisation de ce plan que les Mahorais attendent tout particulièrement.
Nous avons conçu cet avis budgétaire avec, en ligne de mire, l'abandon progressif du réseau cuivre, totalement méconnu de la population, mais aussi des élus locaux. Cela me permet d'aborder la question des raccordements complexes. Si nous pouvons nous satisfaire de l'ouverture de lignes de crédits dédiés, aussi bien sur le domaine public que sur le domaine privé - à hauteur de 16 millions d'euros pour ce dernier -, nous sommes encore loin des sommes estimées par le Conseil général de l'économie (CGE), pour qui les montants nécessaires à une couverture complète du territoire en fibre optique sont compris entre 640 millions d'euros et 1 milliard d'euros.
Je vous ferai grâce de la question de la qualité des raccordements, régulièrement abordée par notre collègue Patrick Chaize. Lors de la table ronde que je mentionnais précédemment, il a néanmoins fait état de signes d'ouverture permettant d'envisager dans les prochaines semaines ou les prochains mois, un examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi adoptée par le Sénat sur ce sujet en 2023. Ce serait un pas en avant considérable.
En ce qui concerne l'inclusion numérique, nous devons être particulièrement vigilants quant à la baisse de crédits pour le dispositif des conseillers numériques France Services, de l'ordre de 14 millions d'euros. En 2023, le gouvernement de l'époque avait pourtant affiché un dispositif financier sur trois ans, afin d'accompagner nos concitoyens sur le chemin de l'inclusion numérique. Malheureusement, cette baisse de crédits se matérialisera probablement par une réduction de 4 000 à 1 500 conseillers numériques, alors que les besoins persistent et se renouvelleront sans cesse du fait de l'évolution des usages numériques.
Nous avons auditionné l'ANCT à ce sujet, ainsi que l'association Emmaüs Connect, particulièrement inquiète pour les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette baisse des crédits aura des conséquences importantes, car les collectivités locales ne pourront pas assumer le transfert de charges : il faudra supprimer ces postes récemment créés, alors même que les associations et collectivités qui mettant en oeuvre cette politique s'accordent à dire qu'elle apporte une totale satisfaction.
Malgré cela, nous avons rendu un avis favorable, sous réserve de l'adoption de l'amendement permettant la mise en oeuvre du RIP à Mayotte.
M. Grégory Blanc. - Je partage les remarques de nos rapporteurs, en particulier sur les pôles de compétitivité. Au regard du discours tenu sur la réindustrialisation du pays et alors qu'une série de plans sociaux sont en cours, il serait incompréhensible de fragiliser ces pôles : nous avons au contraire besoin d'acteurs qui nous aident à accompagner la réindustrialisation, sans oublier le fait que les régions ont tendance, parallèlement, à réduire leur soutien. Ainsi, il n'est pas rare de voir ces pôles perdre de 20 % à 25 % de leur financement, ce qui doit nous inquiéter profondément.
Nous voterons donc en faveur de ces amendements, avec un avis qui restera en suspens durant le temps nécessaire pour lever le gage sur l'ensemble de la mission.
M. Jean-Marie Mizzon. - Concernant le rapprochement d'Atout France et de Business France, il me semble avoir appris, chemin faisant, que les fusions des structures n'étaient pas toujours source d'économies, notamment lorsque ces dernières sont publiques. La fusion des régions, de l'aveu même de la chambre régionale des comptes du Grand Est, a été un fiasco en la matière... En l'occurrence, je ne connais pas le statut juridique de ces deux entités, ni l'ampleur des budgets en cause. Il me semble cependant qu'elles remplissent pour partie les mêmes missions.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Ce n'est pas tout à fait le cas.
M. Jean-Marie Mizzon. - Pourquoi avez-vous ces doutes sur la fusion ? Dans le secteur privé, les fusions permettent de réaliser des économies et fonctionnent en général. Quel est le statut des personnels des deux entités ? Pourquoi l'opération ne permettrait-elle pas des économies ?
Par ailleurs, je regrette que l'on ne s'occupe plus de l'inclusion numérique. Le sujet avait été pris au sérieux à l'occasion du plan de relance, ce qui avait conduit à consacrer 250 millions d'euros à cette politique, qui reste une urgence de tous les instants. Je regrette cette évolution, mais il s'agissait d'un financement par des crédits de circonstance. Il est regrettable que le PLF ne prévoie pas de crédits suffisants, car des millions de personnes ont besoin d'une mise à niveau : sans politique dédiée, elles continueront à vivre le martyre consistant à se retrouver face à un écran sans savoir quoi faire.
Mme Florence Blatrix Contat. - Je remercie les rapporteurs. Nous soutiendrons l'amendement portant sur les pôles de compétitivité, car la moitié des jeunes pousses de la tech qui partent aux États-Unis ne le décident pas seulement pour des raisons fiscales ; ils le font, aussi afin de bénéficier d'un écosystème auquel contribuent lesdits pôles.
Par ailleurs, nous déplorons la diminution de crédits de Business France au moment même où notre commerce extérieur commence à peine à relever la tête, tout comme la baisse des crédits alloués à l'économie sociale et solidaire (ESS).
Enfin, je regrette que la baisse des plafonds de taxes affectées aux CMA et aux CCI soit supérieure à ce qui avait été négocié avec l'État, alors qu'il s'agit d'acteurs essentiels pour les entreprises dans nos territoires.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je précise que nous avons adopté, lors de l'examen de la première partie en commission, un amendement visant à rétablir les plafonds de taxes affectées aux CCI et CMA, conformément à la trajectoire négociée avec l'État.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Les pôles de compétitivité représentaient une petite partie de la mission et n'avaient pas été identifiés comme un sujet de préoccupation les années précédentes, mais de réelles inquiétudes ont émergé les concernant. Les entreprises qui y participent sont souvent plus viables et durables que les autres, et ces pôles ont démontré leur intérêt. Alors que nous cherchons à réindustrialiser le pays, j'estime que l'adoption de notre amendement enverrait un signal fort.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Lesdits pôles permettent de créer un emploi pour 7 000 euros, sans oublier leur effet de levier pour les dépenses de R&D.
Par ailleurs, Atout France compte environ 300 salariés de droit privé, tandis que l'effectif de Business France, qui est un Épic, s'établit à 1 500 salariés. En raison de la différence de statuts, nous nous dirigerions vers 300 suppressions de postes, ce qui représenterait 12 à 15 millions d'euros, alors que seuls 5 millions d'euros sont provisionnés du côté d'Atout France à ce jour, d'où nos inquiétudes. En outre, nous pensons que la disparition du budget d'Atout France consacré à la promotion touristique aura des conséquences à moyen et long termes pour nos territoires.
Comme l'a indiqué le rapporteur général, la commission a effectivement proposé le rétablissement du plafond de taxes affectées aux CCI, tout en prévoyant, en contrepartie, un prélèvement de 20 millions d'euros sur leurs fonds de roulement. Cette proposition est conforme à ce qui avait été négocié entre les CCI et l'État, mais cela peut induire, pour les CCI régionales, des difficultés à réaliser des investissements.
Enfin, nous souscrivons naturellement aux propositions avancées par le rapporteur général pour La Poste.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'insiste sur le fait qu'il faudra présenter des mesures d'économie pour compenser les propositions coûteuses qui seraient adoptées. Enfin, je le répète, je soutiens la démarche s'agissant du projet de déploiement de la fibre à Mayotte.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Sur le sujet du déploiement du plan France Très Haut Débit à Mayotte, la convention est prête à être signée, mais l'ANCT refuse de s'engager tant que les crédits font défaut.
M. Claude Raynal, président. - Je soumets au vote l'amendement FINC.1, qui concerne ce territoire de Mayotte.
L'amendement FINC.1 est adopté.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Pour tenir compte des remarques formulées par le rapporteur général, nous retirons les amendements FINC.2 et FINC.3 en vue d'en présenter deux autres, retravaillés, en séance.
Les amendements FINC.2 et FINC.3 sont retirés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de son amendement.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
La réunion est close à 18 h 40.
Jeudi 21 novembre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Projet de loi de finances pour 2025 - Seconde partie - Examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés
M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous démarrons notre réunion par l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous voici réunis pour la traditionnelle « réunion balai », mais dans des conditions différentes des années précédentes.
En effet, il s'agit habituellement de confronter les votes que notre commission des finances a déjà émis, par anticipation, avec le texte adopté par l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse des crédits des missions, des budgets annexes et des comptes spéciaux ou des articles rattachés.
Or, nos collègues députés ont cette fois rejeté la première partie du PLF, le 12 novembre dernier. En conséquence, l'ensemble du texte est considéré comme ayant été rejeté, et c'est le texte du Gouvernement qui a été transmis cette nuit au Sénat, précisément celui sur lequel nos votes ont déjà porté.
Nous n'avons donc pas à nous prononcer sur les modifications adoptées par l'Assemblée nationale. Le déficit budgétaire prévu par le PLF demeure celui qui est inscrit dans le texte initial, à savoir 142,1 milliards d'euros.
Nous pouvons toutefois accueillir encore des amendements sur certains sujets.
Je vous propose ainsi de confirmer définitivement les votes de la commission des finances sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
La commission confirme définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 13 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission.
Je vous propose pour cette mission l'adoption d'un amendement de crédits qui vise à limiter l'accès au pass Culture aux seuls élèves boursiers de l'éducation nationale, soit environ un quart des jeunes scolarisés dans le second cycle de l'enseignement secondaire.
Le pass Culture a fait l'objet de nombreuses évaluations critiques au cours des dernières années, concluant que ce dispositif, du moins pour sa part individuelle, est coûteux et largement inefficace en termes d'ouverture sociale.
M. Jean-Baptiste Olivier. - Si le dispositif est très inefficace, pourquoi le conserver ?
M. Michel Canévet. - Ne faudra-t-il pas remettre en cause une série de politiques menées par l'État si nous voulons effectivement réaliser des économies ? Si la décentralisation a conduit à confier aux collectivités territoriales un certain nombre de compétences, l'État souhaite systématiquement reproduire les dispositifs mis en place par les collectivités territoriales : il faudra faire des choix.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - À ce stade, je ne préconise pas une coupe brutale, même si je propose une réduction très sensible du dispositif. Le pass Culture avait vocation à permettre à des populations sociologiquement éloignées de la culture d'y accéder, et j'ai choisi de conserver cet objectif.
L'amendement FINC.1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Culture » tels que modifiés par son amendement.
MISSION « DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 24 octobre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement. Elle a adopté sans modification les crédits du budget annexe.
Le rapporteur spécial vous propose un second amendement de crédits sur cette mission.
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - Nous avions fait adopter un amendement de gel des dotations de certaines autorités administratives indépendantes (AAI) à hauteur de 15 millions d'euros. Certains de nos collègues avaient fait remarquer à juste titre qu'il serait de bon ton - même symboliquement - de geler également la dotation de l'Ordre de la Légion d'honneur.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis favorable.
L'amendement FINC.2 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » tels que modifiés par ses amendements. Elle confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe.
MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 31 octobre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement. Le rapporteur spécial vous propose trois amendements de crédits supplémentaires sur cette mission.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.3 vise à réduire de 20 millions d'euros la subvention de service public au réseau Canopé, dédié à la formation continue des enseignants. Or d'autres opérateurs assument des missions similaires, dont les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et les écoles académiques de la formation continue (EAFC), un rapport de la Cour des comptes ayant soulevé une problématique d'efficience.
Dès lors, la subvention prévue de 85 millions d'euros semble trop élevée, d'autant plus que le réseau Canopé disposait d'un fonds de roulement d'environ 25 millions d'euros à la fin 2023. Je vous propose donc cette baisse de subvention de 20 millions d'euros, avec en contrepartie une augmentation des crédits alloués à l'Union nationale des maisons familiales rurales (MFR), considérant l'augmentation du nombre d'élèves dans ce réseau. Afin de leur garantir une scolarité dans les meilleures conditions, une hausse de la dotation à hauteur de 12 millions d'euros me semble justifiée.
L'amendement FINC.4 concerne l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep). Je suggère de diminuer sa subvention de 5 millions d'euros sur les 22,7 millions d'euros proposés, car la compétence d'information sur l'orientation a été transmise aux régions depuis 2019. Voilà un parfait exemple de doublon qui doit faire l'objet d'une rationalisation, ainsi que l'avait souligné la Cour des comptes.
Enfin, l'amendement FINC.5 vise à revenir sur la baisse du nombre d'enseignants envisagée par le Gouvernement. Le PLF pour 2025 prévoyait une diminution de 3 815 postes d'enseignants dans le premier degré, ce qui aurait notamment eu des répercussions sur les écoles rurales, déjà très touchées ces dernières années. L'amendement a pour objet de ne supprimer que 1 815 postes dans le premier degré, les 185 postes restants devant l'être dans le second degré.
Le coût de cette mesure s'élève à 74 millions d'euros et pourrait être compensé en prenant sur les crédits du programme 141 « Enseignement scolaire du second degré », destinés au pacte enseignant. En effet, le pacte enseignant, qui était doté de 700 millions d'euros en 2024, doit être doté de 800 millions d'euros dans le cadre du PLF pour 2025, alors que son efficacité est perfectible et qu'il n'a suscité l'adhésion que de 30 % des enseignants. Il me semble préférable d'utiliser une partie de cette enveloppe pour maintenir des postes d'enseignants.
M. Michel Canévet. - Je souscris totalement à la motivation qui anime le rapporteur spécial au sujet de l'orientation : est-il utile que l'État continue à la soutenir de manière très significative, alors même que la compétence a été confiée aux régions ? De plus, l'effort demandé me paraît modeste et pourrait être accentué.
M. Stéphane Sautarel. - Je remercie le rapporteur spécial pour ces amendements, les deux premiers donnant une direction, même symbolique. Je soutiens complètement le troisième amendement relatif à la diminution du nombre de suppressions de postes d'enseignants, car le niveau qui nous était proposé faisait craindre des coupes très brutales, en particulier en milieu rural.
M. Grégory Blanc. - Environ une moitié du réseau des MFR se concentre dans le Maine-et-Loire, en Vendée et en Loire-Atlantique. Je n'ai pas eu de retour particulier sur des difficultés que rencontreraient ces structures, qui effectuent un très bon travail en accueillant des élèves qui ne seraient pas forcément acceptés ailleurs.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, je suis tout à fait d'accord quant à l'existence d'un doublon en matière d'orientation : à terme, les régions devront totalement assumer cette mission, qui leur a été confiée par la loi.
Monsieur Blanc, les effectifs des MFR progressent de 1 600 élèves sur l'ensemble du territoire. Une légère augmentation du budget est prévue, mais elle ne correspond pas à cette hausse. Plus largement, monsieur Sautarel, une réflexion devrait être engagée sur l'organisation des territoires scolaires ruraux, afin d'étudier une éventuelle refonte des périmètres et de la carte de l'éducation prioritaire.
Les amendements FINC.3, FINC.4 et FINC.5 sont adoptés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire » tels que modifiés par ses amendements.
MISSIONS « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » ET « AUDIOVISUEL PUBLIC »
Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 30 octobre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits des deux missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public ». Nous devrons également nous prononcer sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », actuellement à zéro euro puisque les crédits dédiés à l'audiovisuel public sont inscrits sur la mission « Audiovisuel public ».
Le rapporteur spécial vous propose tout d'abord un amendement de crédits sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Comme je l'avais indiqué lors de l'examen de la mission le 31 octobre, une part importante de la baisse des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » était concentrée sur le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER). En effet, celui-ci bénéficiait en 2024 de 35 millions d'euros de crédits, ce montant étant étrangement ramené à 25 millions d'euros en 2025.
Le Gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à abonder ce fonds afin de revenir au niveau de 2024 : si tout porte à croire qu'il va rééditer l'exercice, la confiance n'exclut pas le contrôle et je dépose donc un amendement similaire à celui qui n'a pas pu être examiné à l'Assemblée nationale.
L'amendement FINC.6 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » tels que modifiés par son amendement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a adopté conforme hier la proposition de loi organique permettant de financer l'audiovisuel public par une imposition affectée en 2025. Je déposerai lundi prochain, sur la première partie du PLF, un amendement rétablissant une fraction de TVA. Ce rétablissement tiendra compte d'un effort supplémentaire demandé à l'audiovisuel public.
Cela aura donc une incidence directe sur la mission « Audiovisuel public » et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - En effet, l'Assemblée nationale a adopté hier, par un vote conforme à celui de notre assemblée, la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Le Gouvernement devra en tirer les conséquences en seconde partie en abondant les crédits du compte de concours financiers. Il conviendra ensuite de rejeter les crédits de la mission « Audiovisuel public », qui a vocation à disparaître.
Je vous propose donc de confirmer l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Audiovisuel public » et l'adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », qui est actuellement vide.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Audiovisuel public ». Elle propose au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR »
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 6 novembre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement.
Je vous propose l'adoption d'un second amendement de crédits visant à réduire la trésorerie excédentaire du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 100 millions d'euros.
Cet amendement, qui avait déjà été déposé l'année dernière, tire les conséquences d'une revue de dépenses de l'Inspection générale des finances (IGF), qui avait identifié des niveaux de trésorerie excédentaire chez plusieurs opérateurs de l'État.
Les informations transmises à la commission permettent d'identifier des marges de manoeuvre importantes dans la trésorerie du CNRS, qui est de 1,5 milliard d'euros, dont 490 millions d'euros de trésorerie disponible. La ponction proposée de 100 millions d'euros laisse donc une marge suffisante pour que l'activité de recherche du CNRS ne soit pas affectée en 2025.
L'amendement FINC.7 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par ses amendements.
Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 - Examen du rapport
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous examinons pour la deuxième année un projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) : le texte se limite pour l'essentiel à ajuster les crédits relatifs à l'exercice 2024, sans contenir ni autoriser la présence de mesures fiscales.
Comme pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, nous sommes placés dans une situation très singulière pour un texte financier, puisque le Sénat doit examiner le texte initial proposé par le Gouvernement et non celui qui a été modifié par l'Assemblée nationale, puisque nos collègues députés l'ont rejeté mardi soir.
Tout d'abord, comme à l'accoutumée, je souhaite vous présenter le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement ainsi que la situation générale des finances publiques en 2024, que j'ai déjà qualifiée devant vous de véritable « sortie de route » budgétaire. Dans un second temps, je me concentrerai sur le budget du seul État, qui est le coeur de ce texte.
Comme lors du dépôt du PLF pour 2025, le Gouvernement anticipe une croissance du PIB de 1,1 % en 2024. Cette estimation se situe 0,3 point en dessous de celle qui a été prévue dans le PLF pour 2024, qui était de 1,4 %. Située pile dans la moyenne des prévisions du Consensus des économistes et parfaitement en ligne avec les principales prévisions « institutionnelles », cette prévision de croissance est donc crédible, d'autant que, selon les dernières données de l'Insee, l'acquis de croissance au troisième trimestre est déjà de 1,1 %. Cela ne veut pas dire que la croissance ne pourra pas au final être inférieure à ce chiffre en cas de récession au quatrième trimestre par exemple. Toutefois, il est prévu, au quatrième trimestre, que les facteurs de croissance compensent le contrecoup des jeux Olympiques qui, lui, freinerait la croissance.
Cependant, ne nous y trompons pas, il n'y a pas matière à donner le moindre satisfecit au gouvernement précédent, dont la prévision, révisée à 1 % au moment du programme de stabilité (PStab) en avril dernier, a finalement été atteinte. En effet, c'est sur la base d'une composition de la croissance complètement différente qu'elle a été faite.
À l'arrivée, la croissance, qui devait être tirée par la consommation, a été essentiellement soutenue par la demande publique et par le commerce extérieur. Cela a un lien direct avec le dérapage du déficit public cette année : sans ces chiffres très dégradés, la croissance n'aurait jamais atteint ce niveau. Je ne crois pas que ce soit la politique économique qu'ait défendue le précédent gouvernement.
En ce qui concerne l'état des finances publiques, il est, nous le savons, très préoccupant, voire catastrophique. Le Gouvernement prévoit pour 2024 un déficit de 6,1 % du PIB, identique à celui qui a été prévu au moment du dépôt du PLF pour 2025. Le déficit, en 2024, serait donc plus élevé qu'en 2023, à un moment où il s'élevait à 5,5 % du PIB, ce qui constituait déjà un niveau inédit hors période de crise.
Par ailleurs, rappelons-le, en 2023, ce déficit de 5,5 % avait été annoncé à 4,9 % en PLFG pour 2023. Ce n'est donc pas parce que nous sommes en fin de gestion que l'estimation est nécessairement exacte. Espérons toutefois ne pas avoir, au début de l'année prochaine, les mêmes mauvaises surprises que cette année. Comme nous ne cessons de le rappeler, l'État porterait l'essentiel du déficit.
Nous l'avons également dit dans le cadre de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, mais il faut le redire : la principale cause de la dégradation des recettes provient de l'État. La prévision de croissance retenue dans le PLF 2024 était surévaluée : 1,4 % au lieu de 1,1 % réalisé. S'y ajoute une prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance trop optimiste : de 1,1 au lieu de 0,7. Le cumul de ces deux facteurs a conduit à surestimer les recettes dans le PLF 2024. Au total, les prélèvements obligatoires sont inférieurs de 41,5 milliards à la prévision initiale.
Par ailleurs, les dépenses des collectivités sont supérieures de 13,4 milliards à la prévision initiale, mais il s'agit davantage d'une probable erreur de prévision que d'une dérive des comptes des collectivités. Enfin, les dépenses liées à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ont été légèrement plus élevées que prévu.
J'en viens maintenant à la description du budget de l'État. Le déficit budgétaire serait de 163,2 milliards d'euros en 2024, soit une dégradation de 16,3 milliards d'euros par rapport au déficit de 146,9 milliards d'euros prévu par la loi de finances initiale (LFI).
Comme vous le savez, l'année a été marquée par des mouvements de crédits importants. Sur le périmètre du budget général, le 21 février dernier, un décret a annulé 10,1 milliards d'euros. Cette annulation a été plus que compensée par un report de 16,1 milliards d'euros.
Sur ce périmètre, 1,9 milliard d'euros nets sont annulés par le PLFG. Toutefois, le Gouvernement prévoit que tous les crédits restants - quasiment 450 milliards d'euros - ne seront pas consommés ; seuls 438,5 millions d'euros le seraient en dépenses nettes de remboursements et dégrèvements d'État.
En outre, des gels et surgels ont été pratiqués en cours d'année, réduisant la visibilité des gestionnaires de crédits. Un exemple frappant concerne la gendarmerie qui a dû cesser, ou en tout cas reporter temporairement, le paiement de loyers à des collectivités locales et à des bailleurs sociaux en fin d'année. Le paiement des bourses aux étudiants sur critères sociaux est également mis en difficulté. Dans certains ministères, des contrats de personnels n'ont pu être renouvelés, au dernier moment et sans anticipation.
Cette situation n'est pas satisfaisante et, comme je l'ai expliqué avant-hier avec le président Raynal, le gouvernement précédent aurait dû présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR) plutôt que de recourir à de tels expédients de régulation budgétaire.
L'aggravation du déficit, entre les 146,9 milliards d'euros de la LFI et les 163,2 milliards d'euros estimés aujourd'hui, résulte principalement de moins-values en recettes. Les explications données en présentant les grands équilibres du PLF pour 2025, il y a deux semaines, demeurent valables, avec des moindres recettes de 14,3 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés (IS) et de 5,3 milliards d'euros d'impôt sur le revenu (IR). La moins-value relative à la TVA s'est quelque peu atténuée depuis l'estimation réalisée en septembre.
L'évolution des dépenses nettes du budget général, en revanche, va dans le sens d'une amélioration du solde prévisionnel de 7,4 milliards d'euros. Je relève une légère amélioration - 1,6 milliard d'euros - par rapport à l'estimation révisée fournie au moment du dépôt du PLF, signe d'un effort particulier afin, notamment, de consommer le moins possible les crédits mis précédemment en réserve.
Au total, le déficit budgétaire demeurerait très supérieur au niveau, pourtant élevé, atteint dans les années 2010, avant une nette décrue, espérons-le, en 2025.
L'évolution des recettes correspond, là encore, à ce que j'ai déjà expliqué il y a deux semaines. Les recettes fiscales nettes sont en diminution de 24,3 milliards d'euros par rapport à l'estimation en LFI. J'avais noté, il y a un an, que l'estimation de l'IS pour 2024 à 72 milliards d'euros était particulièrement élevée et peu documentée. Le bénéfice fiscal était attendu en hausse de 14 % ; celle-ci n'a été que de 1 %. Le produit de la TVA a souffert, car la croissance a davantage reposé sur les exportations, qui ne rapportent pas de TVA. De même, les revenus 2023 se sont avérés atones, ce qui a pesé sur les recettes d'IR.
Les recettes non fiscales sont prévues à un niveau de 23,7 milliards d'euros, en hausse de 1 milliard d'euros par rapport à la LFI. En particulier, les dividendes et recettes assimilées ont bénéficié notamment du reversement de l'excédent du fonds de réserve des retraites des agents de la Banque de France, à hauteur de 800 millions d'euros.
Je souhaite également évoquer les prélèvements sur recettes. Le prélèvement à destination de l'Union européenne (UE) est révisé en hausse de 700 millions d'euros, afin de compenser une baisse du commerce international qui pèse sur les droits de douane. Quant aux prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales, ils s'établiraient à 44,9 milliards d'euros, en diminution de 100 millions d'euros par rapport à la LFI.
En particulier, le coût du « filet de sécurité », mis en place pour faire face à la croissance des prix de l'énergie, ne coûterait en 2024 que 150 millions d'euros, contre une prévision de 400 millions d'euros. À l'inverse, le prélèvement sur les recettes de l'État au profit du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) serait de 7,2 milliards d'euros, contre une prévision de 7,1 milliards d'euros.
J'en viens désormais aux dépenses. Celles-ci occupent la plus grande partie de mon rapport, car l'objet principal du PLFG est d'assurer les fins de mois ou la fin d'année des ministères. L'an dernier, j'avais qualifié ce texte de riche, voire opulent, en mesures relatives aux crédits. Cette année, on revient à une certaine mesure.
Sur le périmètre des dépenses de l'État, c'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements et dépenses liées à la dette, les dépenses sont inférieures en 2024 de 2,7 milliards d'euros à celles de 2023, et de 5,5 milliards d'euros à celles qui sont prévues en LFI. La loi de programmation prévoyait 491 milliards d'euros ; nous sommes à 486,4 milliards d'euros. Il convient de s'en féliciter, mais cet effort n'est ni exagéré ni la marque d'une austérité brutale ; il s'agit d'une réponse, partielle, à l'aggravation de la situation des dépenses publiques et à la chute des recettes.
Ce texte marque un début de rupture par rapport aux années précédentes. C'est la première fois depuis 2019 - et la quatrième fois en treize ans - que les annulations de crédits dépassent les ouvertures dans le collectif budgétaire de fin d'année. Cet effort se voit également dans la liste des missions dont les crédits augmentent ou diminuent. Les ouvertures de crédits les plus importantes concernent les dépenses supplémentaires liées aux jeux Olympiques et Paralympiques, à la situation en Nouvelle-Calédonie, à la dynamique de certaines prestations sociales et au coût des élections législatives anticipées.
La mission « Sécurités », concernée par plusieurs de ces enjeux, bénéficie de la plus importante augmentation de crédits. Au-delà des missions liées à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques et à celles de renfort en Nouvelle-Calédonie, ces ouvertures de crédits doivent aussi permettre à la gendarmerie, comme je l'ai évoqué précédemment, de payer ses loyers de fin d'année.
Le surcoût des prestations sociales - l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à hauteur de 158,8 millions d'euros, et l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violence conjugale à hauteur de 28,8 millions d'euros - justifie les ouvertures de crédits sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Ces ouvertures sont partiellement compensées par des annulations portant sur les crédits mis en réserve.
S'agissant des missions dont les crédits sont en diminution, la mission « Investir pour la France de 2030 » fait l'objet d'une annulation importante de 1,2 milliard d'euros, justifiée par le lissage de la trésorerie des opérateurs. Cela rejoint l'analyse de notre rapporteur spécial, M. Somon, qui a proposé un amendement en ce sens dans le PLF pour 2025.
La mission « Cohésion des territoires » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 250 millions d'euros au titre de la sous-budgétisation de l'hébergement d'urgence, annoncée dans le rapport de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, publié le 12 juin dernier. Au total, toutefois, les annulations de crédits sont plus importantes au titre des aides personnelles au logement - 300 millions d'euros constituant une aide de guichet - et de la sous-utilisation des crédits de la rénovation des logements privés ; ainsi, près de 60 % des crédits initialement prévus sur cette politique auront été annulés. Enfin, la participation de l'État en 2024 au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est annulée.
Concernant la mission « Engagements financiers de l'État », le reflux de l'inflation permet de réduire la charge de la dette de 537 millions d'euros par rapport à la prévision, mais 140 millions d'euros sont ouverts en raison d'une sinistralité plus importante que prévu sur les prêts garantis par l'État (PGE).
Je ne vais pas détailler toutes les ouvertures et annulations de crédits, décrites dans mon rapport pour chaque mission et compte spécial. Les crédits de nombreuses missions diminuent par annulation de crédits mis en réserve, ou bien les besoins sont moins importants que prévu pour les contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Ces annulations n'empêchent pas les ministères d'accomplir leurs missions en fin d'année. Pour cette raison, certaines missions ont des crédits globalement en baisse alors qu'elles font l'objet d'ouvertures de crédits significatives pour certains dispositifs. Par exemple, la mission « Défense », comme c'est souvent le cas, reçoit des crédits pour financer des surcoûts opérationnels liés aux opérations extérieures (Opex), aux jeux Olympiques et Paralympiques, au déploiement sur le flanc oriental de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), ainsi que pour les opérations en Nouvelle-Calédonie et l'aide à l'Ukraine.
Je termine habituellement cette présentation en évoquant des augmentations d'emplois ; cette année, le PLFG n'aborde pas cette question, car, pour une fois, le plafond des autorisations d'emploi n'est pas majoré.
Les sept articles du projet de loi se contentent, pour la plupart, de tirer les conséquences des évolutions présentées. Seuls les articles 1er et 2 prévoient des mesures de fond.
L'article 1er réduit de 393,3 millions d'euros le plafond d'affectation à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) d'une fraction du produit de l'accise sur les carburants, dans le cadre de l'effort de redressement des comptes publics. En revanche, il accroît de 9,1 millions d'euros le plafond d'affectation à Voies navigables de France (VNF) du produit de la redevance hydraulique, afin de tenir compte de la perception tardive, en 2024, de recettes que l'établissement aurait dû encaisser en 2023.
L'article 2 diminue de 50,7 millions d'euros la fraction de TVA attribuée aux organismes d'audiovisuel public pour 2024, conséquence de la réduction des moyens accordés au programme de transformation lancé en 2024. Notre commission avait soulevé des doutes quant à la portée réelle des crédits correspondant à ce plan et à leur effet levier sur la transformation des sociétés.
Au total, d'une part, ce texte tire les conclusions d'une exécution budgétaire troublée par le refus du gouvernement précédent de présenter au printemps un PLFR, qui aurait permis de redresser la barre plus tôt. Des efforts sont réalisés pour contenir la dépense publique, tout en assurant les dépenses nécessaires en fin d'exercice. D'autre part, il ajuste les crédits afin de permettre l'accomplissement des missions en fin d'année, et remplit donc bien la mission de ce type de texte. En conséquence, je vous propose de l'adopter.
Néanmoins, je vous propose un amendement, en forme de protestation durable contre la manière dont le Gouvernement traite le Parlement. Sur l'initiative de notre commission, la loi de finances rectificative (LFR) de décembre 2022 avait prévu d'allouer 50 millions d'euros à l'entretien du réseau routier géré par les collectivités territoriales. Or, en gestion, cette autorisation parlementaire n'a pas été mise en oeuvre. L'année suivante, toujours sur l'initiative de notre commission, la loi de finances de fin de gestion (LFG) a alloué 60 millions d'euros à ce réseau routier local. Hier, j'ai appris que ces crédits ont été annulés ou réorientés. Sachant les besoins importants des collectivités en la matière, je propose désormais une enveloppe de 70 millions d'euros au profit des collectivités qui gèrent des réseaux routiers. Nous verrons bien combien de temps l'exécutif peut se moquer du Parlement.
De la même manière, des crédits supplémentaires avaient été sollicités pour l'entretien des ponts ; ceux-ci ont été bien fléchés et utilisés.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je vous adresse mes remerciements chaleureux. Au cours de votre conférence de presse sur la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, et si j'en juge par la réaction de l'ancien ministre de l'économie et des finances et la violence de ses propos - votre rapport serait « truffé de mensonges » -, vous avez parfaitement traduit la colère et l'exaspération qui sont les miennes. Alors que vous m'aviez précédemment mis en garde, monsieur le président, contre la tentation de surjouer notre indignation et d'ajouter de la crise à la crise, je constate avec plaisir que nous exprimons finalement de la même manière notre colère...
M. Marc Laménie. - Merci au rapporteur général de sa présentation pédagogique. Je reviens sur la surestimation des recettes fiscales, à la suite des questions qui ont été posées à l'ancien ministre chargé des comptes publics : elle représente tout de même 5 milliards d'euros pour l'impôt net sur le revenu, puisque nous atteignons 88,1 milliards d'euros dans le PLFG 2024, au lieu des 93,4 milliards d'euros attendus dans la LFI 2024, et jusqu'à 14 milliards d'euros en ce qui concerne l'impôt net sur les sociétés. Comment expliquer un tel écart, quand les autres recettes fiscales nettes et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sont restées stables ? Quelle est, du reste, la composition de ces recettes fiscales nettes ?
Mme Florence Blatrix Contat. - Votre rapport dépeint le constat du dérapage de nos finances publiques, avec un déficit passant de 4,4 % à 6,1 % du PIB, ce que vous étayez largement. Une révision crédible des prévisions de croissance et le contrôle des dépenses - ces dernières ayant même connu une diminution de 6 milliards d'euros -, ne l'ont pas empêché en raison de recettes qui ne se sont pas avérées à la hauteur des attentes. Vous évoquez également les ouvertures de crédits qu'ont rendues nécessaires des dépenses supplémentaires liées notamment au coût des élections législatives anticipées, à la situation en Nouvelle-Calédonie, ou encore à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.
Nous partageons certainement tous ce constat d'un dérapage de nos finances publiques. Je crois cependant que le Gouvernement n'en a pas pris la mesure ou qu'il n'a pas voulu agir suffisamment tôt. Nous pensons qu'un PLFR devait intervenir en temps et en heure, afin de prendre acte des difficultés sur les recettes et, éventuellement, en vue de les ajuster et de trouver de nouvelles ressources. Cela n'a pas été fait et cette carence explique la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le présent PLFG atteste ainsi d'un manque criant d'anticipation du Gouvernement et de son renoncement à une politique fiscale corrective qui aurait été nécessaire. Nous ne saurions lui donner quitus et nous nous opposerons cette année au PLFG.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je ne suis pas surpris du soutien de notre collègue Jean-Raymond Hugonet. L'avis était unanime. Je perçois aussi que les Français comprennent ce qui est essentiel dans notre constat, à savoir que personne n'assume totalement la responsabilité d'un lourd héritage. Il faut désormais faire montre de volontarisme pour remédier à la situation.
Monsieur Laménie, je rappelle que le dérapage résulte, pour une part, d'un écart technique et, pour une autre part, d'un optimisme quelque peu excessif sur les prévisions de croissance - chacun restant libre de se forger sa propre opinion sur ce point. En étant légèrement provocateur, je dirai que les ministres se sont efforcés de nous expliquer que s'ils exerçaient bien une influence sur ces prévisions, ils découvraient avec nous certains résultats, en raison d'une étanchéité parfaite entre le politique et les principales directions de l'administration publique centrale. Cela revient à manipuler un peu la vérité.
Quant aux autres recettes fiscales nettes, elles incluent notamment les droits de mutation à titre gratuit (DMTG), qui représentent quelque 20 milliards d'euros, ainsi que le prélèvement de solidarité.
Enfin, je note que Florence Blatrix Contat et moi-même partageons le même constat sur l'exercice budgétaire de 2024, sans cependant que nous aboutissions à la même conclusion pour le vote...
Article 4
L'amendement FINC.1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, tel que modifié par son amendement.
Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de M. Claude Raynal, M. Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, M. Stéphane Sautarel, M. Vincent Delahaye, M. Thierry Cozic et M. Stéphane Fouassin comme membres titulaires, et de M. Jean-Baptiste Olivier, Mme Marie-Carole Ciuntu, M. Jean-Marie Mizzon, Mme Florence Blatrix Contat, M. Pascal Savoldelli, Mme Vanina Paoli-Gagin et Mme Ghislaine Senée comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.
Questions diverses
M. Claude Raynal, président. - Lundi prochain, nous prendrons connaissance des avis du rapporteur général sur les amendements de séance portant sur le projet de loi de finances pour 2025. Plutôt qu'en entendre la longue énumération, nous vous les présenterons récapitulés dans un tableau, ce qui nous permettra de nous concentrer sur ceux qui retiennent davantage que d'autres notre attention. Cette nouvelle procédure est issue de la réflexion collective qui s'est notamment traduite dans les mesures proposées par le groupe de travail conduit par Mme Vermeillet.
La réunion est close à 10 h 00.