Mercredi 4 décembre 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Constats et recommandations du rapport d'information de M. Jean Bacci : « L'Office français de la biodiversité, un capitaine qui doit jouer plus collectif » - Audition de M. Olivier Thibault, directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes réunis ce matin pour clore les travaux de la mission d'évaluation de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), dont le rapporteur, notre collègue Jean Bacci, a présenté les constats et les recommandations à la commission le 25 septembre dernier.

Pendant plusieurs mois, le rapporteur s'est livré à un travail approfondi, qui a abouti à un diagnostic complet de l'OFB, selon trois axes principaux : d'où vient cet établissement public, ce qu'il est cinq ans après sa création et ce vers quoi il doit tendre - genèse, bilan et recommandations.

Pour ce faire, Jean Bacci a fait le choix de l'exhaustivité. Il s'est plongé dans l'analyse des travaux parlementaires de 2019 pour restituer l'intention du législateur qui a opéré la fusion des opérateurs de l'eau, de la biodiversité et de la chasse. Il a également entendu l'ensemble des parties prenantes en interaction avec l'OFB, siégeant au sein de son conseil d'administration, ainsi que les acteurs agricoles et économiques assujettis aux prescriptions du code de l'environnement et susceptibles d'être contrôlés à ce titre. Il s'est enfin déplacé dans le Var et dans l'Eure pour comprendre comment est perçue, sur le terrain, l'action de l'OFB pour faire respecter les lignes directrices de l'action environnementale fixées par le législateur depuis une décennie afin de remédier, à l'échelle du territoire hexagonal et ultramarin, à la perte préoccupante de biodiversité.

De cette façon, il a établi un bilan à 360 degrés de l'établissement public dans son écosystème, sans parti pris et avec le souci de l'objectivité, guidé par l'ambition louable de proposer des pistes pour renforcer la légitimité de l'OFB et faire en sorte que ses missions de police de l'environnement soient mieux comprises et moins contestées.

Soyons clairs et disons-le sans ambages : nous avons besoin de l'OFB, et d'un OFB ayant les moyens d'accomplir ses cinq grandes missions. Les inspecteurs de l'environnement, parfois caricaturés en « cow-boys verts », ne sont autres que des agents qui donnent force légale et assurent le respect des législations environnementales que nous édictons, de façon pédagogique et pragmatique - chaque fois que c'est possible. Disposer d'un opérateur unique de la biodiversité constitue un enjeu de cohérence pour atteindre nos objectifs européens et nationaux de reconquête de la biodiversité et de la qualité des eaux. Il est de notre devoir de soutenir l'OFB dans ses missions quand il agit conformément à la lettre et à l'esprit de la loi.

Le rapporteur a formulé 29 recommandations pour ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire administrative de l'OFB, fondé sur des relations plus apaisées avec les acteurs, sans remettre en cause la nécessité des normes environnementales. Aujourd'hui est venu le temps de la mise en oeuvre.

Nous vous avons convié, Monsieur le directeur général, pour évoquer avec vous la manière dont vous comptez donner corps aux évolutions préconisées par le rapport d'information, et notamment à celles qui peuvent être instaurées à droit constant, sans l'intervention du législateur ou du pouvoir réglementaire. Nous souhaitons notamment vous entendre sur votre méthode, le calendrier de déploiement des mesures et les évolutions des pratiques administratives que vous comptez promouvoir pour que l'OFB soit au service tant de l'environnement que des territoires.

Avant de vous céder la parole, le rapporteur Jean Bacci résumera les grandes lignes de son rapport et les points de vigilance qui ont retenu son attention afin d'amorcer un dialogue fructueux. Je laisserai ensuite la parole aux autres commissaires pour notre traditionnelle série de questions et de réponses.

M. Jean Bacci, rapporteur. - Je tiens tout d'abord à remercier le président Longeot d'avoir bien voulu organiser cette audition, qui constitue, à mon sens, la suite logique du rapport d'information que j'ai présenté à la commission en septembre dernier. Mon intention était claire en conduisant ces travaux : faire oeuvre utile en traçant un chemin pour permettre à l'OFB de renforcer sa légitimité et de remplir plus efficacement les missions confiées par le législateur. Les critiques que j'ai formulées l'ont été dans un esprit constructif, dans le but d'aplanir les difficultés, d'apaiser les tensions et de fédérer les initiatives pour préserver l'environnement, sans tomber dans les oppositions stériles qui ne font pas avancer les choses.

Je vous rappelle brièvement les principaux constats tirés de mes travaux : le rôle positif et l'expertise de l'OFB sont largement reconnus en matière de connaissance et de protection des milieux, mais l'établissement public doit travailler à accroître l'acceptabilité de son action pour surmonter un déficit marqué de légitimité, surtout auprès des acteurs agricoles. La fusion des opérateurs de l'eau, de la biodiversité et de la chasse n'a pas produit tous les effets et bénéfices escomptés : la création d'une culture d'établissement est affaire de temps et les évolutions de périmètre des missions de l'OFB par rapport aux opérateurs qui l'ont précédé doivent encore se diffuser et être mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire, en tenant compte des spécificités et des enjeux locaux. Ses agents doivent s'efforcer de nouer des relations plus étroites et régulières avec les élus locaux, qui sont les relais de l'action environnementale du quotidien, mais également un public insuffisamment ciblé par l'Office et dont les attentes et les besoins pourraient être mieux pris en compte.

Parmi les points de vigilance identifiés par le rapport d'information, plusieurs me semblent devoir faire l'objet d'une action correctrice : le temps consacré à la police de la chasse s'est fortement contracté depuis l'époque de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ; la présence des agents de l'OFB sur le terrain est jugée insatisfaisante, tant par les élus locaux que par les acteurs économiques ; les actions de pédagogie et de sensibilisation occupent une part trop limitée de l'emploi du temps des agents de l'OFB, ce qui contribue à accentuer l'image répressive de l'établissement, nuisant à sa capacité à accompagner les acteurs face aux nombreux défis de la préservation de l'environnement ; enfin, la police de l'environnement est contestée dans ses principes comme dans ses modalités, d'autant que la complexité et le foisonnement règlementaire, dont nous sommes en partie responsables, entretiennent un sentiment d'exaspération face à la norme environnementale, sentiment qui ne saurait être négligé : la perception des acteurs doit être prise au sérieux par l'OFB, d'autant qu'un fait générateur d'apparence insignifiante peut susciter de vives réactions en fonction des contextes locaux.

N'oublions pas, à cet égard, que l'OFB est encore un nouveau venu dans le paysage administratif : en effet, à peine cinq ans se sont écoulés depuis sa création. Au-delà des marges d'amélioration identifiées au cours des auditions, je reste convaincu que l'OFB peut devenir un opérateur incontournable par la qualité de son action, l'expertise de ses agents et sa capacité à répondre aux enjeux locaux.

C'est pourquoi je condamne fermement les menaces, les insultes et les violences dont font l'objet certains agents de l'OFB. Je comprends la colère du monde agricole et les raisons du désespoir de certains exploitants, mais il est inadmissible de s'en prendre à des agents dépositaires de l'autorité publique, quel qu'en soit le prétexte. L'État doit protéger les agents qui protègent l'environnement et tout faire pour dissiper les malentendus. Je souhaite réitérer mon plein soutien aux agents de l'OFB, qui sont parmi les derniers agents publics sur le terrain et qui ont la noble et difficile mission d'expliquer et de faire respecter le droit de l'environnement.

Ces constats étant posés, il est temps d'en tirer les conséquences. La persistance de l'exaspération agricole plaide pour des évolutions calibrées de l'action de l'OFB. C'est la raison pour laquelle j'ai formulé 29 recommandations visant à améliorer son organisation administrative, ses modalités d'intervention et la qualité des relations avec son écosystème d'acteurs.

Mercredi dernier, nous avons officiellement remis le rapport à la ministre Agnès Pannier-Runacher, qui s'est dite favorable aux réflexions et pistes de travail esquissées. Certaines recommandations ont d'ailleurs déjà fait - ou feront prochainement - l'objet de transpositions concrètes, notamment au travers de la circulaire relative à la mise en place du contrôle unique dans les exploitations agricoles, publiée le 5 novembre dernier, qui encourage les contrôles pédagogiques à blanc, ou encore l'élaboration conjointe par le ministère de la transition écologique et le ministère de l'agriculture d'une circulaire pour limiter la visibilité de l'arme de service. Le travail inter-inspections sur les relations entre l'OFB et les agriculteurs sera poursuivi afin d'évaluer les procédures de contrôle et l'échelle des peines en matière d'infractions environnementales. Toutes ces mesures portées par le Premier ministre et les ministres de la transition écologique et de l'agriculture vont dans le bon sens : elles témoignent de la justesse de nos constats et de l'acuité des enjeux que nous avons identifiés.

Mais ce n'est pas le propos de l'audition de ce jour. Comme l'a indiqué le président, nous avons convié le directeur général de l'OFB à venir échanger avec nous à propos des constats, mais surtout de la mise en oeuvre des recommandations du rapport. Nous aimerions vous entendre, Monsieur Thibault, sur les mesures qui peuvent être mises en oeuvre à cadre législatif et règlementaire constant, en vertu du pouvoir que vous détenez de l'article R. 131-30 du code de l'environnement d'assurer le fonctionnement et l'organisation de l'ensemble des services de l'OFB, ainsi que la gestion du personnel et la définition des attributions des agents.

J'aimerais notamment vous interroger sur la manière dont vous envisagez l'élaboration d'une charte de déontologie pour l'ensemble des agents, la création d'une inspection générale, la diffusion de fiches pratiques et pédagogiques sur les grands irritants en matière de police de l'environnement, la définition d'un cadre d'intervention repensé pour favoriser une méthodologie transparente et objective des démarches de contrôle et la façon dont vous comptez favoriser des liens plus étroits entre les directions régionales, les services départementaux, les élus locaux et les acteurs de terrain.

Ce sont de vastes chantiers et j'ai bien conscience qu'ils ne pourront pas tous être menés de front à moyens constants. C'est pourquoi je m'intéresse à la façon dont vous envisagez le séquençage de ces mesures. Pourriez-vous également nous indiquer celles dont la mise en oeuvre nécessitera plus de temps en raison de leur complexité, ainsi que les causes de ces difficultés, voire celles qui ne vous paraissent pas opportunes, en nous expliquant pourquoi ?

Pour terminer, je tiens à saluer la qualité du travail que vous accomplissez à la tête de l'administration de l'OFB, votre engagement au service de cet opérateur central de la biodiversité et de la chasse, ainsi que les efforts que vous déployez pour améliorer les relations entre l'établissement public et l'ensemble des acteurs en interaction avec lui. La tâche est herculéenne, tout comme les défis auxquels nous faisons face.

Mais en matière de biodiversité, il ne faut pas ménager nos efforts et continuer inlassablement de fédérer, d'expliquer, de réconcilier, de prévenir, de sensibiliser, d'accompagner et, si rien de tout cela ne fonctionne, de sanctionner le non-respect des normes environnementales que nous avons collectivement élaborées, sans parti pris ni dogmatisme.

M. Olivier Thibault, directeur général de l'Office français de la biodiversité. - Je voudrais d'abord remercier le Sénat pour l'intérêt qu'il porte à ce bel établissement qui ne laisse personne indifférent en ce moment. Merci de m'avoir convié à participer à cette discussion sur les suites à donner à ce rapport d'information de votre commission, sur nos enjeux et sur nos propositions d'évolutions pour sortir par le haut des difficultés que nous rencontrons actuellement. Je remercie le rapporteur pour son travail d'ampleur pour comprendre les enjeux, les défis, les atouts et les contraintes de l'OFB.

En tant que directeur général, je dispose aujourd'hui de deux rapports très fournis et complémentaires publiés en l'espace d'un an : le contrôle organique de la Cour des comptes, qui s'est penchée en profondeur et sans concession sur nos procédures internes, le respect de la loi et des normes budgétaires et comptables, ainsi que le rapport du sénateur Bacci, qui s'est davantage intéressé au positionnement de l'OFB dans son écosystème, sur la base d'un travail approfondi impliquant les parties prenantes, avec plus de 140 intervenants et 50 organismes entendus.

Je me réjouis d'emblée, Monsieur le rapporteur, que vous ayez reconnu le rôle positif de l'OFB en matière de protection de l'environnement, le sérieux de notre investissement pour remplir nos missions et le succès de la fusion - notre gouvernance est complexe, mais elle fonctionne. Je rappelle que nous parachevons le processus de rationalisation administrative d'un certain nombre d'organismes chargés de l'eau, de la nature, de la mer et de la chasse, dont l'objectif résidait dans la conciliation entre les activités humaines et la protection de l'environnement.

Vous savez que cette fusion s'est déroulée dans un contexte pour le moins difficile. En effet, des fusions successives ont eu lieu : le Conseil supérieur de la pêche (CSP) est devenu l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), lequel est lui-même devenu l'Agence française de la biodiversité (AFB) en intégrant l'Agence des aires marines protégées (AAMP), Parcs nationaux de France et l'Atelier technique des espaces naturels (Aten). L'AFB a ensuite fusionné avec l'ONCFS pour former l'OFB quelques mois avant le début de la crise sanitaire. Le délai de préfiguration extrêmement court - moins d'un an - d'un établissement public de 3 000 personnes n'a pas facilité la convergence de cultures d'établissement pour le moins différentes. Tout n'est évidemment pas parfait et je reçois vos propositions et pistes d'évolutions avec humilité.

Je souhaiterais revenir, comme vous m'y invitez, sur quelques points qui me paraissent fondamentaux dans le cadre de nos échanges. En premier lieu, vous notez dans votre rapport que nous souffrons d'un déficit important de légitimité et relevez des réticences et des contestations vis-à-vis de l'exercice de nos prérogatives au titre de la police de l'environnement. Vous parlez d'ailleurs d'une « police d'avant-garde », évoquant un droit en devenir qui n'est pas encore complètement ancré dans la morale collective. Je pense que nous devons y réfléchir collectivement. Il ne faudrait surtout pas opposer les parties prenantes, et encore moins l'agriculture et l'environnement, puisque leurs destins sont liés : nous ne serons pas en mesure de garantir notre souveraineté et notre autonomie alimentaires si nous ne protégeons pas notre environnement.

J'entends souvent dire que nous assurons la police des papillons et des petites fleurs, mais il ne s'agit pas que de cela. Les enjeux portés par l'OFB sont, à mes yeux, absolument fondamentaux, pour la société et pour l'homme. Nous parlons du dérèglement climatique et de l'effondrement de la biodiversité, avec des incidences directes sur nos modes de vie et les activités humaines. Ce n'est en aucune façon un sujet militant, mais un sujet global auquel nous devons apporter des réponses. D'après le rapport du forum économique mondial de Davos de l'année dernière, l'effondrement de la biodiversité constituerait la troisième grande source de risques pour nos entreprises à l'horizon de 2034 - on ne parle pas d'un horizon à 50 ans, mais dans 10 ans ! De même, la Banque centrale européenne (BCE) estime que les trois quarts des entreprises européennes, soit 3 millions d'entre elles, dépendent de manière critique des services écosystémiques. L'ensemble des activités doivent donc s'adapter aux évolutions du climat et de la biodiversité.

Ce constat étant posé, nous devons en premier lieu nous interroger sur la temporalité pertinente de notre action. Nous travaillons en effet à un horizon compris entre 10 ans et 50 ans, c'est-à-dire pour nos enfants et petits-enfants. Il nous faut aujourd'hui dépasser l'opposition entre la fin du monde et la fin de l'année, comme vous le soulignez dans votre rapport. Les actions que nous différons aujourd'hui seront bien plus douloureuses à mettre en oeuvre demain - je veux dire dans quelques années, et dans moins de 10 ans en tout cas.

Ensuite, nous devons réfléchir aux modalités d'accompagnement au changement. Personne n'aime vraiment changer ; nous pensons tous que l'on nous force à changer trop vite alors que les autres n'évoluent pas assez rapidement. À cet égard, la réussite d'un accompagnement incitatif implique d'y consacrer les moyens budgétaires adéquats et j'espère que nous parviendrons à consacrer suffisamment de crédits au soutien de cet effort de pédagogie. Il nous faut également des moyens humains pour expliquer, accompagner, former, éduquer et trouver des solutions territorialisées. Enfin, nous avons besoin de disposer de règles claires et lisibles et de les faire appliquer par la police. Nous essayons donc de trouver un équilibre entre ces trois leviers.

Concernant la police, l'objectif de l'OFB n'est absolument pas de distribuer le plus grand nombre possible de procès-verbaux, mais de parvenir à concilier le respect de la nature et les activités humaines. Aujourd'hui, nous ne sommes pas à la hauteur de cet enjeu : les populations d'insectes diminuent - il n'y aura pas d'autonomie alimentaire possible en France sans insectes pollinisateurs -, tandis que nous avons fermé 12 500 captages d'eau potable, soit un quart des captages en activité, depuis les années 1980 à cause de la pollution par les produits phytosanitaires - il en reste 33 000.

Nous devons donc assurer le respect des dispositions du code de l'environnement. Comme vous l'avez relevé, ces normes sont touffues et complexes. Du reste, une infinité d'exceptions font obstacle à leur pleine application. Pour pouvoir avancer, il nous faut être plus compréhensibles, avec des actions à différents niveaux. La réglementation doit, d'une part, évoluer pour gagner en lisibilité et, d'autre part, être mieux comprise et mise en oeuvre.

C'est la raison pour laquelle nous avons avancé un certain nombre de propositions, dont je serais ravi de discuter avec vous : un projet de convention avec les chambres d'agriculture sur trois grands axes, se parler, se comprendre et se former ; des propositions de fiches pédagogiques sur les grands enjeux, l'entretien des fossés et des cours d'eaux, les zones de non-traitement pour les particuliers, les pollinisateurs, les zones humides, les constats de dommages sur le loup, la distinction entre la police administrative et la police judiciaire pour expliquer ce que nous voulons contrôler et les conséquences de ces contrôles ; ou encore des chantiers écoles et des contrôles pédagogiques sous l'égide des préfets de département via les missions interservices de l'eau et de la nature (Misen) et de l'agriculture (Misa), dans le cadre du contrôle unique.

Par ailleurs, l'armement de la police de l'environnement fait face à nombre de tensions potentielles. Vous indiquez, dans votre rapport d'information, que l'armement est indissociable de l'uniforme. Il y a quelques mois, ici même, la présidente du conseil d'administration de l'OFB rappelait qu'il s'agissait pour elle d'une ligne rouge, dans la mesure où nous sommes responsables de la sécurité de nos agents. Cette police de l'environnement doit être une police comme les autres, en mesure de se défendre. Il n'est donc pas envisageable de remettre en cause le principe de son armement.

Quand un contrôle administratif portant sur le respect d'autorisations ou de déclarations est organisé chez un agriculteur, sur son exploitation, dans le cadre d'un rendez-vous, il est légitime que la visibilité de l'armement soit proportionnée, comme vous le préconisez dans votre rapport. Nous travaillons donc aujourd'hui à faire en sorte que l'arme soit portée le plus discrètement possible lors de ces rendez-vous qui ne soulèvent pas de sujet particulier en matière de sécurité - la ministre de l'agriculture l'a annoncé la semaine dernière lors d'un déplacement à Sully-sur-Loire. En outre, il est nécessaire d'objectiver les situations ayant conduit à des tensions, qui opposent la parole des uns à celle des autres. La question de la caméra piéton se pose donc dans le cadre de contrôles dans les secteurs en tension. Nous sommes favorables au port de cet appareil, qui permet de calmer les tensions, comme on l'a vu à la RATP ou à la SNCF. Une disposition législative serait toutefois requise pour pouvoir mettre en oeuvre cette mesure.

Sur le sujet de la prévention, nous sommes conscients de la nécessité de renforcer nos efforts de pédagogie. Nous faisons déjà preuve de beaucoup de pédagogie lors de nos contrôles. Par exemple, sur les 14 000 contrôles menés dans le cadre de la campagne sur les aires protégées conduite cet été, nous avons constaté plusieurs milliers d'infractions, mais seuls 300 procès-verbaux ont été dressés. Nous avons en effet privilégié la pédagogie quand les faits ne présentaient pas une gravité caractérisée et quand le caractère intentionnel de l'infraction n'était pas établi. Il ne faut toutefois pas confondre pédagogie et dépénalisation.

Il va falloir se pencher sur la question du quantum des peines. Certains pensent en effet qu'il est disproportionné de risquer trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pour avoir retiré un arbre d'une haie. Dans les faits, une telle sanction n'est jamais prononcée, mais l'existence même de ce plafond si élevé peut crisper. Il me semble donc nécessaire de mener un travail de fond sur le quantum des peines. À l'inverse, imaginer que la seule pédagogie permettrait d'assurer le respect du droit de l'environnement serait illusoire. L'intervention de la police est nécessaire pour rappeler à l'ordre ceux qui ne veulent pas respecter la loi.

Nous souhaitons communiquer davantage et agir de façon plus pédagogique. Je pense que nous avons commis une erreur dans la manière de présenter le bilan de nos actions l'an dernier. Nous avons en effet voulu, de manière transparente, valoriser le temps consacré par nos agents à des actions de communication. Ainsi, le rapport annuel de performance 2023 indiquait que près de 7 millions d'euros avaient été dédiés à la communication. J'attire votre attention sur le fait que, sur cette somme, 5 millions d'euros correspondaient à la valorisation du temps que nos agents ont consacré à la communication, tandis que seuls 1,7 million d'euros avaient été directement utilisés à des fins de communication. Pour respecter la ligne tracée dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité, nous aurions besoin de consacrer à la communication 7 millions d'euros par an au moins, en sus du temps de nos agents. Peut-être ne faudrait-il pas valoriser le temps agent utilisé pour communiquer, de façon à éviter que ces moyens ne nous soient retirés ? Vous examinerez des amendements en ce sens la semaine prochaine, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

D'autre part, nous avons besoin d'avancer sur nos outils de mobilisation. Les atlas de la biodiversité communale, qui constituent des outils extraordinaires de partage d'informations pour comprendre la biodiversité dans les territoires et assurer un aménagement intelligent du territoire, les aires éducatives pour les jeunes, le programme « Entreprises engagées pour la nature » ou le Diag Décarbon'Action avec Bpifrance permettent d'organiser des transitions, de prendre conscience des enjeux et de trouver des solutions.

Enfin, nous travaillons à mettre en oeuvre plusieurs des préconisations que vous formulez dans votre rapport d'information. De fait, nous avons pleinement conscience de la nécessité d'ancrer l'OFB dans les territoires. À cet effet, il nous faudra discuter davantage avec les parlementaires et les élus locaux, sous l'égide des préfets. Sur ce point, votre rapport nous a permis de prendre conscience de la nécessité de nous ouvrir vers d'autres acteurs et de repartir au contact. Il est vrai que nous nous sommes quelque peu renfermés sur nous-mêmes pendant la fusion, avec l'objectif d'acculturer nos agents. Nous constatons aujourd'hui que nous avons besoin de nous tourner de nouveau vers l'extérieur.

Chaque fois que nous faisons face à une crise, l'OFB apporte son soutien aux acteurs des territoires. Lors des catastrophes naturelles - je pense à la tempête dans les Alpes-Maritimes, aux incendies dans les Landes ou aux inondations dans les Hauts-de-France -, nos agents ne dressent pas de procès-verbaux, contrairement à ce que j'entends parfois, et aident les élus à trouver des solutions ; j'y tiens beaucoup. De même, en cas de sécheresse, nous consacrons beaucoup d'énergie à l'organisation du partage de l'eau avec le préfet.

Par ailleurs, conformément à ce que préconisait le rapport, nous avons élaboré une charte de déontologie, validée le 15 octobre dernier et diffusée auprès de tous nos agents, afin de définir leurs droits et leurs devoirs au sein de l'établissement. Nous mettons également en place une inspection générale des services au sein de l'établissement, qui, comme l'inspection générale de la police nationale (IGPN) ou l'inspection générale des services de l'Office national des forêts (ONF), constituera une instance de recours externe en cas de difficulté.

Pour conclure, je voudrais dire que je me réjouis des propositions constructives que vous avez formulées. Notre établissement est encore jeune. Il a besoin de construire sa légitimité, de s'ancrer dans les territoires, de dialoguer et de s'améliorer, et pas d'une opposition stérile entre les différentes parties prenantes. Nous travaillons avec les élus et les agriculteurs ; c'est la marque de fabrique que je compte promouvoir à la tête de l'OFB.

M. Stéphane Demilly. - L'OFB est devenue la bête noire des syndicats agricoles. Bien que cet organisme soit censé incarner l'engagement de l'État en matière de protection de l'environnement, la police de l'environnement se heurte quasi systématiquement à l'hostilité du monde rural.

Êtes-vous injustement mal aimés ? Êtes-vous incompris ? Êtes-vous le bouc émissaire général ? Ou bien votre situation est-elle le fruit d'erreurs de communication ou de comportement ? Le cas échéant, quel mea culpa pouvez-vous faire pour expliquer cette situation ?

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes agriculteurs ont dressé une liste de revendications parmi lesquelles figurait le désarmement des agents de l'OFB. Vous avez dit que celui-ci constituait une ligne rouge pour les administrateurs de l'OFB, bien que vous envisagiez de faire des efforts de discrétion en ce qui concerne le port de l'arme de service.

N'est-il pas envisageable de couper la poire en deux et d'imaginer une progressivité en la matière ? Vous est-il vraiment nécessaire d'être équipés d'une arme à feu la première fois que vous vous rendez dans une exploitation agricole ? Dans le cas où vous sentiriez une tension ou dans celui où vous seriez dépositaires d'informations particulièrement inquiétantes, vous pourriez venir armés la deuxième fois. S'arcbouter sur le port d'armes n'améliorera pas les choses.

Mme Nicole Bonnefoy. - Ce rapport reprend peu ou prou les annonces du gouvernement Attal, lesquelles ont également été reprises par la ministre de l'agriculture, Annie Genevard. Cette dernière a d'ailleurs déclaré ce samedi que le port de l'arme par vos services constituait un irritant majeur pour les agriculteurs. En janvier dernier, vous nous avez indiqué que vous travailleriez à renforcer la discrétion du port de l'arme de service des agents, tout en précisant que le véritable enjeu résidait dans l'acceptation générale de la règle et de sa mise en oeuvre. Je partage votre approche, qui remet à sa juste place la problématique de l'exercice des missions de l'OFB.

Si j'entends le besoin de simplifier les démarches administratives et de libérer du temps, je crois que les questions de rémunération des agriculteurs et de régulation des négociations commerciales sont primordiales pour le secteur agricole. En concentrant toute son action sur la simplification, le Gouvernement se dessaisit de l'essentiel, à savoir le revenu des agriculteurs. C'est, de mon point de vue, une facilité politique regrettable, voire dangereuse, que de pointer la responsabilité d'opérateurs étatiques tels que l'OFB, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ou l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Pour ma part, je suis absolument certaine que l'OFB fera preuve de pédagogie et se pliera aux recommandations. En tant que législateur, nous avons le devoir de résister aux pressions des lobbies et de faire comprendre que les normes ne sont pas orientées contre les agriculteurs, mais visent au contraire à les accompagner dans leur transition.

Vous avez sans doute pris connaissance du rapport interministériel sur la qualité de l'eau potable. Ses préconisations en matière de restriction de l'usage des pesticides sur les aires d'alimentation de captage d'eau potable sont extrêmement fortes. Nous devons accomplir une révolution culturelle pour permettre l'adhésion du monde agricole à la préservation des sols et donc à notre souveraineté alimentaire future.

Sachez, Monsieur le directeur général, que, dans notre commission l'OFB n'est pas suspecté d'illégitimité ou de militantisme. Nous soutenons votre action dans l'exercice de votre mission de conciliation de la protection de l'environnement et des activités humaines, enjeu majeur pour assurer notre avenir, ainsi que celui de nos enfants et des générations futures.

M. Hervé Gillé. - J'ai eu le plaisir de recevoir récemment votre directeur régional. Je pense que vous devriez organiser des rendez-vous annuels avec les parlementaires, à l'échelle régionale au moins, pour que nous puissions échanger sur le fond, analyser vos activités et examiner les difficultés au niveau des territoires. Nous pourrions ainsi distinguer, parmi les difficultés constatées, ce qui relève de postures plus que de problématiques réelles.

Je pense également que nous devrions nous orienter vers la différenciation territoriale. La manière d'agir est nécessairement différente en fonction des territoires et il faut donc créer les conditions d'un dialogue efficace et de qualité. Il manque également une approche transversale avec l'ensemble des services de l'État qui permettrait de travailler projet par projet, infrastructure par infrastructure, et rendrait possible la différenciation. Les pouvoirs dérogatoires des préfets sont très peu exercés aujourd'hui, sans doute en raison de la peur des recours, alors qu'il faudrait y recourir pour adapter les positions des uns et des autres dans le cadre de la différenciation territoriale.

Par ailleurs, s'agissant des aires protégées et des incendies de forêt, un rapport interministériel sur la politique de prévention et de lutte dans le contexte du changement climatique a récemment été publié. Pouvez-vous nous en présenter une synthèse au regard de vos responsabilités ?

D'autre part, chaque fois qu'un appel à projets portant sur des infrastructures est lancé se pose la question de la compensation environnementale des conséquences de ce type de projet. J'aimerais connaître votre position sur ce sujet.

Pour terminer, je souhaiterais vous rendre hommage et vous assurer de notre soutien. Notre collègue Stéphane Demilly parlait tout à l'heure de bouc émissaire. Vous êtes clairement victime d'une forme d'instrumentalisation. En tout cas, il est absolument insupportable que des violences soient exercées sur des structures comme la vôtre et il est de notre devoir, en tant que parlementaires, de vous assurer de notre solidarité.

M. Ronan Dantec. - L'OFB se retrouve au coeur des tensions qui traversent la société française. Dans une société incapable de trouver des consensus, l'émergence des enjeux environnementaux remet une pièce dans la machine des tensions. En tant que représentation nationale, nous devons témoigner de notre soutien envers l'ensemble des agents de l'État.

J'étais hier avec le directeur général de l'Anses. Il est totalement incompréhensible que cette agence soit victime des manifestations de certains syndicats agricoles - qui ne représentent évidemment pas de la totalité de la profession. Sans l'Anses, il n'y aurait plus un seul canard en France ; c'est elle qui protège les filières d'élevage. Que les protecteurs du développement de l'agriculture française soient les victimes de certains syndicats agricoles révèle le niveau de crispation de la société française. Nous devons essayer, de manière raisonnable, de retrouver des compromis. À cet égard, l'OFB apparaît comme un élément de modernité face à la nostalgie d'un monde qui ne reviendra plus, ne serait-ce qu'à cause du réchauffement climatique.

Collectivement, nous n'avons pas réussi à montrer en quoi l'OFB faisait partie intégrante des systèmes de protection de la société. En étant quelque peu caricatural, je dirais qu'il apparaît davantage comme un instrument de protection du loup que comme un instrument de protection de la société. Avez-vous réfléchi à une autre forme de pédagogie en matière de communication ? Je pense à une communication par l'exemple, qui permettrait de montrer concrètement en quoi l'OFB protège la société française, et pas seulement le courlis cendré.

M. Daniel Gueret. - Je voudrais remercier notre collègue Jean Bacci pour l'excellence de son rapport et la modération de ses recommandations, qui, comme vous nous l'avez confirmé, sont à l'étude.

Monsieur le directeur général, vous nous avez expliqué la difficulté de l'exercice de vos missions. En réalité, vous êtes coincé dans le débat habituel sur les questions environnementales, dans la mesure où l'on a décidé de dresser les Français les uns contre les autres.

Lors de votre dernière audition par cette commission, je vous avais demandé d'organiser des rencontres entre vos équipes et les parlementaires dans les départements, demande que vient de réitérer notre collègue Hervé Gillé. Je constate que de telles rencontres ont eu lieu dans certains départements, mais j'attends toujours que l'on en propose en Eure-et-Loir.

Concernant la pédagogie, je souhaiterais évoquer un exemple récent. Lors des dernières Assises de l'eau en Eure-et-Loir, l'OFB a été invité à venir exposer ses missions devant un parterre d'élus, en présence du préfet, des maires et des agriculteurs. Il me semble qu'il aurait été opportun de saisir cette occasion pour valoriser vos missions d'une manière positive. Pourtant, votre agent est monté sur la scène avec son arme de service. J'ai été en charge de la police municipale d'une ville de 50 000 habitants pendant huit ans et je suis opposé à l'armement des polices municipales en raison de considérations liées au discernement des agents. Un tel comportement de la part d'un agent de l'OFB, dans une telle enceinte, me pose donc problème.

Les syndicats agricoles peuvent parfois se montrer très excessifs et la récupération politique se termine toujours mal. Néanmoins, il n'est pas possible de reprocher à un élu local ne pas aller dans le même sens que vous en matière de biodiversité. Les maires passent leur temps à essayer de rapprocher des points de vue différents dans leur commune. Quand ils sont verbalisés comme des voyous, il ne faut naturellement pas s'attendre à ce qu'ils s'associent de bon coeur à nos objectifs communs.

Nous devons absolument trouver une solution pour que ce que vous nous dites à Paris, Monsieur le directeur général, soit valable dans l'ensemble des départements. Nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs sans renforcer leur acceptabilité.

M. Olivier Thibault. - L'OFB est effectivement la bête noire d'un certain nombre de syndicats agricoles, Monsieur le sénateur Demilly, car il est parfois bien utile pour souder les troupes contre un ennemi commun. Notre antenne à Beauvais a été murée par des agriculteurs souhaitant s'opposer à l'accord commercial avec le Mercosur. Or l'OFB n'exerce pas la moindre influence sur un pareil sujet... Nos agents payent donc les conséquences de revendications qui les dépassent, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'on ne peut rien leur reprocher.

J'entends parfois que nos agents sont des « écolo-bobos parisiens » qui ne comprennent rien à la vie des territoires. Tous ceux qui connaissent les inspecteurs de l'environnement savent qu'il s'agit de techniciens de l'environnement qui passent leur vie dehors, sur le terrain. Ils sont parmi les derniers fonctionnaires vraiment visibles dans les territoires, en uniforme, clairement reconnaissables. On peut nous reprocher beaucoup de choses, mais ces agents sont ancrés dans les territoires et ne sont vraiment pas des urbains. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une partie d'entre eux sont ciblés : il est plus simple de taper sur les gens que l'on connaît et que l'on voit plutôt que sur ceux que l'on ne connaît pas ou qui travaillent dans des bureaux.

Je pense que ces manifestations sont révélatrices d'un mal-être dans la profession agricole, mais aussi chez les élus. Un certain nombre d'élus rencontrent en effet des difficultés en matière de traitement des produits phytosanitaires dans leur ville ou dans leur cimetière, de protection de leurs captages ou d'arrosage des terrains de football en période de sécheresse. L'OFB devient le symbole d'un droit compliqué à comprendre et à appliquer et il ne faut pas sous-estimer cette dimension des choses.

Je ne vois pas comment nos agents pourraient sortir avec leur arme visible lorsqu'ils rencontrent un chasseur et la cacher immédiatement en présence d'un agriculteur. Leur rôle est d'assurer le respect de la norme édictée par les parlementaires que vous êtes et le pouvoir réglementaire. On ne contrôle pas le respect des arrêtés de sécheresse pour le plaisir de distribuer des procès-verbaux, mais parce qu'il n'y a pas assez d'eau dans nos territoires et qu'il faut la répartir entre les différents acteurs. Ne pas contrôler ceux qui trichent serait inéquitable pour les autres. Si vous laissez celui qui est en amont du bassin versant capter toute l'eau, ceux qui sont en aval n'en auront plus. Il faut donc que quelqu'un sanctionne celui qui perturbe cette délicate répartition.

Je voudrais rappeler à nouveau que l'OFB n'édicte pas de normes, mais applique celles qui sont édictées par d'autres. Ce n'est pas en tapant sur celui qui contrôle le respect de la loi qu'on résoudra le problème de l'acceptabilité de celle-ci. Parfois, les choses ne fonctionnent pas en raison des postures des uns et des autres. Parfois, c'est une question de volonté d'appliquer la règle ; dans ce cas, il faut se parler et éviter les caricatures opposant ceux qui sont pour l'environnement et ceux qui sont contre, ceux qui sont pour l'agriculture et ceux qui sont contre. En tout cas, céder à la facilité d'écouter ceux qui râlent le plus fort ne permettra pas de déboucher sur un consensus social.

L'OFB est officiellement l'établissement qui contrôle le plus de gens armés. Nous avons procédé à 45 000 contrôles de chasseurs l'année dernière et menons des contrôles anti-braconnage, sur le trafic de civelles et d'autres espèces. On ne maîtrise pas les gens que l'on rencontre. Évidemment, les élus, les agriculteurs et les particuliers ne sont pas des délinquants par nature. Néanmoins, à partir du moment où vous ne savez pas qui vous allez rencontrer, il est normal de se mettre en capacité de faire face à toute éventualité. L'arme n'est pas destinée à être utilisée, mais à dissuader. Il est nécessaire de continuer à associer l'uniforme et l'arme à l'État de droit.

Le dernier recensement que nous avons mené fait ressortir 80 situations de tensions assez fortes. Nous sommes en train de les étudier et d'examiner les réactions. L'arme n'a été sortie que quatre fois et utilisée une seule fois, à Mayotte, par un agent dont la vie était en jeu, avec une machette sous la gorge - les contrevenants ont d'ailleurs été condamnés à sept et douze ans de prison ferme. À l'OFB, une stèle rend hommage aux 81 agents morts en service depuis la création des différents établissements dont il constitue la fusion. Il ne s'agit donc pas de sujets théoriques.

Il n'y a pas de problème à rendre l'arme moins visible en cas de contrôle organisé sur des sujets administratifs - c'est d'ailleurs l'une des préconisations du rapport que nous sommes en train de mettre en oeuvre. Pour autant, je suis responsable de la sécurité des agents et le jour où un agent se fera agresser ou tuer, ceux qui s'opposent aujourd'hui au port de l'arme se garderont bien de commenter. Nous ne pouvons pas jouer avec ces enjeux.

J'entends bien que l'arme constitue un irritant pour les agriculteurs, Madame Bonnefoy. Il faut avant tout se demander pourquoi un agriculteur a peur lorsqu'il voit arriver un agent de l'OFB. Il n'a pas à avoir peur s'il est en règle. Le vrai sujet, à mes yeux, c'est le sentiment d'insécurité de l'agriculteur devant le contrôle du respect des normes environnementales. Il sait ce qu'il doit faire pour percevoir ses primes de la politique agricole commune (PAC), mais il ne sait pas forcément ce qu'il doit faire ou ne pas faire pour se mettre en conformité avec le droit de l'environnement. Je pense que la situation s'améliorera le jour où nous disposerons de règles claires, assumées et partagées. Nous ne trouverons pas de solutions en s'opposant sur l'armement, mais en déterminant ce qu'il faut faire pour respecter les normes que l'on a décidé d'édicter - et si les normes ne conviennent pas, il faut les modifier.

Je ne crois pas qu'il faille réduire nos ambitions en matière de respect de l'environnement, mais plutôt les relever, puisque la biodiversité continue à s'effondrer et que les captages d'eau potable et l'air sont de plus en plus pollués. À cet égard, on ne peut pas demander aux agriculteurs de consentir des efforts pour protéger ce qui n'a pas de lien avec leur production agricole sans les rémunérer en contrepartie. Or, aujourd'hui, les agriculteurs sont uniquement rémunérés pour leur production, pas pour les externalités positives de leur activité. Nous devons donc réfléchir aux paiements pour services environnementaux.

Pour ma part, je comprends pleinement les agriculteurs qui essaient de s'en sortir et ne parviennent pas à dégager une rémunération suffisante à la fin du mois et à qui on impose des contraintes et des efforts perçus par eux comme non rémunérateurs. Cependant, la raison de la norme n'est pas d'embêter les gens, mais de nous protéger collectivement. Si l'on n'avait plus d'eau potable, si l'on respirait un air de mauvaise qualité, si les rendements s'effondraient du fait de la disparition des pollinisateurs, nous serions tous confrontés à des difficultés, et pas seulement les agriculteurs.

Je pense que nous nous sommes trop renfermés sur nous-mêmes avec la seule volonté de faire appliquer la loi, Monsieur le sénateur Gillé. Or nous constatons aujourd'hui que cette démarche ne fonctionne pas si l'on n'est pas capable de l'expliquer à nos interlocuteurs dans les territoires. J'ai été très surpris de constater que vous étiez nombreux à n'avoir jamais vu ce que font concrètement les agents de l'OFB. Vous n'entendez donc que ceux qui râlent, qu'il s'agisse d'élus ou d'agriculteurs. Nous avons donc lancé une démarche dans le cadre de laquelle nous proposons des rendez-vous et des sorties. Je vais le rappeler à mes services pour qu'elle soit effectivement déclinée sur l'ensemble du territoire. Nous avons de très bons retours en ce moment car on ne prend véritablement conscience des enjeux de sécurité et des tensions potentielles qu'en participant à une mission de contrôle de chasseurs, par exemple.

Je suis absolument convaincu de la nécessité d'aller vers plus de différenciation territoriale. Dans certains territoires, le partage de l'eau est absolument fondamental. Si l'on ne travaillait pas sur ce sujet dans les Pyrénées-Orientales, les conséquences pour la vie locale seraient dramatiques. Les territoires d'élevage ne sont pas confrontés aux mêmes problématiques que les territoires céréaliers. Nous avons un sujet avec les produits phytosanitaires à certains endroits, avec la prédation du loup à d'autres. Je crois beaucoup au rôle des préfets pour hiérarchiser les enjeux, communiquer sur le consensus social local et le mettre en place.

Enfin, la qualité de la compensation environnementale constitue un sujet majeur. Un certain nombre d'outils sont en train d'être mis en place. Je pense aux sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation, aux crédits biodiversité ou à des référentiels. Ces instruments permettront d'apporter des solutions positives.

M. Michaël Weber. - J'ai eu la chance et le plaisir d'être membre du conseil d'administration de l'AFB puis de l'OFB et président de la Conférence des aires protégées.

J'ai le sentiment que nous avons oublié que l'OFB était le fruit de la fusion de différents organismes. Comment pourrait-on remettre en lumière cette histoire et rappeler que l'OFB découle d'une volonté de simplification et d'efficacité ?

D'autre part, votre conseil d'administration est composé, entre autres, de représentants d'associations de protection de l'environnement. Il est parfois question dans les débats de réduire le poids de ces associations dans les organes de direction de certains organismes. Je suis pour ma part très sceptique à l'égard de cette volonté. J'aimerais donc vous entendre sur la plus-value qu'apporte la présence d'associations au sein de votre conseil d'administration et la composition assez équilibrée de ce dernier.

Nous avons beaucoup parlé de progressivité, mais cette notion me pose problème. N'avez-vous pas le sentiment que le droit de l'environnement est considéré comme un droit au rabais ? J'ai assisté à beaucoup de réunions publiques où des agents de police et de gendarmerie venaient armés. Ce n'est pas pour autant que je me sentais menacé moi-même. La police de l'environnement est armée et on peut le comprendre : elle ne fait qu'assurer la mission qui lui a été confiée.

Par ailleurs, vous avez parlé des efforts de pédagogie que vous devriez faire à l'endroit des élus. Je suis tout à fait d'accord, mais je pense qu'un tel travail doit également être mené à destination de nos concitoyens. L'effondrement de la biodiversité que vous avez décrit, et dont nous avons tous conscience, laisse une partie d'entre eux indifférents. Quel effort supplémentaire devrions-nous faire pour qu'ils appréhendent mieux ces enjeux ?

Enfin, nous avons largement évoqué les agressions commises à l'encontre de vos agents. J'imagine que cela induit un risque de démobilisation, peut-être de démissions, voire de tensions au travail - avec des conséquences en termes d'ambiance de travail, d'arrêts maladie et d'absentéisme. Comment gérez-vous ces difficultés ? Comment pouvons-nous vous aider à améliorer cette ambiance ?

M. Jacques Fernique. - Ce matin, en entrant au palais du Luxembourg, je me suis subitement retrouvé face à un fusil mitrailleur. Je ne me suis pas senti menacé ou considéré comme un danger potentiel pour autant. Il faut arrêter avec cette crispation irrationnelle sur l'armement.

Merci au rapporteur Jean Bacci d'avoir été clair, dans son propos introductif, sur notre condamnation des dégradations, violences et insultes. Les agents ont besoin de sentir qu'ils sont soutenus et de savoir que les auteurs de ces faits seront poursuivis.

Nous sommes en pleine période budgétaire - même si celle-ci est suspendue au verdict de l'Assemblée nationale, avec l'examen de la motion de censure ce soir. Les crédits destinés à accompagner le déploiement de la stratégie nationale pour la biodiversité seront divisés par deux, à peu près. Cela se traduira-t-il par un décrochage majeur difficilement rattrapable par rapport à la trajectoire initiale ?

Mme Kristina Pluchet. - Je vais me faire la porte-parole des agriculteurs. Le port de l'arme de service est effectivement un sujet de crispation. Neuf agriculteurs sur dix souhaitent aujourd'hui qu'il soit plus discret. Je reste, pour ma part, convaincue que le port de l'arme est disproportionné par rapport aux faits qui peuvent être reprochés. Il se justifie davantage dans le cadre d'un contrôle de braconnage que dans celui d'un contrôle d'exploitation agricole. Nous n'avons aucun souci avec les interventions des gendarmes dans les exploitations, parce qu'ils portent leur arme très discrètement. En revanche, la posture des agents de l'OFB crispe beaucoup plus. C'est la raison pour laquelle la ministre, qui connaît très bien le sujet, souhaite un port d'armes nettement plus discret. Comment pensez-vous mettre en oeuvre ces orientations le plus rapidement possible pour apaiser la situation ?

Par ailleurs, vous proposez des signalements anonymes sur le site de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), par téléphone ou par courrier. J'avais découvert cette possibilité sur cette plateforme en octobre dernier et en avais fait part au rapporteur. Dans un État de droit, est-il légitime que la protection de l'environnement puisse reposer sur des dénonciations anonymes ? Selon moi, cela peut conduire à des dérives, voire à des règlements de compte. Comptez-vous maintenir cette possibilité ?

Je souhaiterais enfin évoquer le cas d'un maire qui, il y a quelques mois, a été convoqué par l'OFB parce qu'il avait malencontreusement coupé une fleur rare dans son cimetière - vous savez tous ici que l'on ne peut plus utiliser de produits phytosanitaires dans les cimetières et que les maires ruraux, auxquels on reproche l'état déplorable de leurs cimetières, mettent souvent la main à la pâte et utilisent leur coupe-bordures. Les agents de l'OFB l'ont menacé d'une amende de 50 000 euros ! Les agriculteurs ne sont plus les seuls à faire face à de tels problèmes.

M. Olivier Jacquin. - Je voudrais apporter mon témoignage personnel d'agriculteur et celui d'autres agriculteurs qui ne sont pas en guerre contre l'OFB. Monsieur le directeur général, je salue votre travail compliqué, dans la mesure où la Nation vous demande tout et son contraire. On le voit sur la question de l'armement : ceux qui, ici, vous demandent moins d'arme en demandent plus dans d'autres circonstances.

Les quelques contrôles de l'OFB ayant débouché sur des sanctions en Meurthe-et-Moselle ont été plutôt bien ressentis parce qu'ils étaient tout à fait légitimes et sont venus condamner des excès.

Je voudrais vous alerter au sujet du mouvement en cours contre les normes : il peut mettre à mal le contrat entre la société et l'agriculture. Notre agriculture a absolument besoin de la société. Elle est très administrée, avec de nombreuses aides de la PAC, l'administration est plutôt bienveillante et il est possible presque tout le temps d'avoir quelqu'un au téléphone pour obtenir un conseil personnalisé. Nous avons besoin d'une agriculture forte. Or une agriculture forte doit protéger l'environnement, dont elle est le premier bénéficiaire.

Rencontrez-vous des difficultés liées à l'image catastrophique de l'OFB qui circule actuellement dans la société ?

M. Simon Uzenat. - Je peux confirmer que, dans le Morbihan, des démarches ont bien été entreprises par les agents de l'OFB pour rencontrer les parlementaires et nous allons avoir une série de rendez-vous dans les prochaines semaines, y compris sur le terrain. Toutefois, au-delà des parlementaires, il ne faudrait pas oublier le tissu des élus locaux, intermédiaires du quotidien, en particulier avec le monde agricole, qui sont en capacité d'expliquer les paradoxes et les contradictions de vos missions. Quel est votre plan d'action à leur égard ? Avez-vous prévu des actions concrètes en leur direction ?

Par ailleurs, nous sommes confrontés, dans nos départements, à de nombreux défis en matière de chasse. Comme l'a rappelé le rapport de notre collègue, beaucoup s'interrogent sur le temps que vous consacrez à l'expertise cynégétique et sur la technicité que vous pouvez déployer en la matière. Disposez-vous d'indicateurs sur ce plan ?

Enfin, nous avons tous été sollicités à plusieurs reprises, dans la perspective de l'examen du PLF pour 2025, sur le financement de l'OFB. Les deux tiers de vos ressources proviennent des agences de l'eau, qui sont elles-mêmes soumises à de très nombreuses contraintes. Identifiez-vous des points de vigilance pour les mois et les années à venir en matière de ressources financières et humaines ?

M. Daniel Gueret. - Notre collègue Rémy Pointereau m'a chargé de vous interroger au sujet de la loi sur l'engrillagement. Celle-ci constitue une avancée essentielle pour la préservation de la biodiversité et la régulation de l'installation de clôtures dans les espaces naturels.

Cependant, il semblerait que de nombreux propriétaires continuent à poser des clôtures non conformes. Les louvetiers émettent fréquemment des signalements, mais leur suivi laisse à désirer. Les agents verbalisateurs de l'OFB, bien que compétents, ne semblent pas suffisamment nombreux pour faire efficacement respecter la loi. En outre, on observe une tendance à invoquer des circonstances atténuantes souvent injustifiées, ce qui limite l'effet dissuasif des sanctions.

Quelles actions l'OFB entend-t-elle mettre en oeuvre pour mieux assurer l'application de cette loi ? Comptez-vous renforcer les moyens humains dédiés au contrôle et à la verbalisation ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Plusieurs de vos agents ont subi des actes de malveillance. Je présume que ces actes sont suivis d'un dépôt de plainte. Quelles suites sont-elles données ? Pour ma part, en tant qu'élu local, si l'on dévissait une roue de ma voiture pendant une réunion publique, j'avoue que je n'apprécierais pas que l'affaire soit classée sans suite.

Je voudrais également rappeler que nous sommes plusieurs ici à siéger au conseil d'administration de l'OFB. J'y siège moi-même en tant que suppléant - j'ai d'ailleurs assisté à la dernière réunion du conseil d'administration en visioconférence. Il me semble, Monsieur le président, que nous pourrions nous réunir au préalable de façon à avoir un échange nous permettant d'être porteurs, au sein du conseil d'administration, de la ligne tracée aujourd'hui par notre rapporteur.

Mme Denise Saint-Pé. - Je tenais simplement à vous féliciter, Monsieur le directeur général, car vous êtes un homme courageux.

Je déplore l'intitulé de l'OFB, auquel il manque, selon moi, une dimension territoriale. Ce nom trop restrictif suscite d'emblée des oppositions, comme si vous n'agissiez que pour la biodiversité, ce qui n'est pas le cas.

D'autre part, je reste persuadée que l'autorité de votre structure doit monter en puissance. Je ne saurais me prononcer sur la question de l'armement, mais votre autorité ne pourra se consolider que si elle est acceptable. Vous avez manifestement encore des progrès à réaliser en la matière et nous, parlementaires, sommes là pour vous y aider.

Il vous appartient désormais de renforcer l'acceptabilité de votre action auprès du monde agricole - et pas simplement des chambres d'agriculture -, de celui de la chasse et de celui des élus - parlementaires et élus locaux. Chacun d'entre nous a sans doute des idées à vous proposer à cet effet.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour cette proposition. L'intitulé de l'OFB a fait l'objet de longues discussions lors de sa création, mais votre suggestion constitue une piste intéressante.

M. Cédric Chevalier. - La véritable difficulté réside dans l'incompréhension entre l'OFB et un certain nombre d'acteurs. Il est donc nécessaire de continuer à communiquer et à échanger pour mieux vous connaître.

Bien que je constate que des démarches en ce sens ont été lancées dans certains départements à destination des parlementaires, je n'ai pas encore été contacté dans la Marne et ne suis pas en mesure de vous dire comment se déroule concrètement un contrôle de l'OFB.

En tout état de cause, on peut avoir l'impression que l'OFB est un organisme relativement indépendant, qui fait plus ou moins ce qu'il veut, comme beaucoup d'agences aujourd'hui, ce qui peut susciter des difficultés.

Concernant les signalements anonymes, je pourrais vous donner des exemples pires que celui qu'a évoqué notre collègue tout à l'heure. Dans la Marne, on va jusqu'à laisser faire certaines choses en échange de renseignements ! Il ne peut en découler qu'une forte incompréhension...

Pour revenir sur la question de l'armement, je suis certain que vous auriez peur si vous faisiez l'objet d'un contrôle fiscal conduit par un agent armé, dans la mesure où, même si tout va bien, il y a toujours une appréhension liée à la possibilité d'avoir commis des erreurs.

Enfin, vous avez évoqué les dangers encourus par vos agents. Je souhaiterais, en parallèle, savoir si des plaintes ont été déposées à l'encontre de ces agents du fait de leur comportement. Le cas échéant, quelles suites ont-elles été données sur le plan disciplinaire ?

M. Jean-Pierre Corbisez. - Il y a deux ans, deux contrôleurs des impôts d'Arras sont allés contrôler une sorte de brocanteur-jardinier dans une commune à la limite de la Somme. Tout s'est très mal passé : ces agents se sont retrouvés ligotés sur une chaise et le premier a été assassiné sous les yeux de sa collègue enceinte.

On ne sait jamais qui l'on a face à soi. En cas de contrôle de police, je ne vois pas pourquoi l'on devrait se sentir inquiet lorsque l'on a l'esprit tranquille. La question n'est donc pas celle du port de l'arme. Je rappelle à ce propos que les agents de l'ONF et les gardes-chasse sont armés. Le problème de l'armement de la police municipale relève de la responsabilité des maires, mais je défie un maire d'envoyer ses policiers municipaux désarmés dans un quartier difficile la nuit car les jeunes s'en rendent compte très facilement.

Pour ma part, j'habite entre un moulin et le canal de la Scarpe. Un jour, après avoir vu un cygne mort dans le canal, j'ai appelé la préfecture, qui m'a renvoyé vers l'OFB. J'ai dit que j'avais entendu des coups de feu, mais votre agent est venu sans arme car il craignait davantage un problème de grippe aviaire. La veille, justement, je faisais contrôler ma station d'épuration autonome. Le technicien chargé du contrôle m'expliquait qu'il était débordé par les demandes de branchement de puits d'agriculteurs car ceux-ci voulaient tous faire de l'arrosage non déclaré, même si ces forages anonymes coûtent plusieurs dizaines de milliers d'euros. J'ai donc demandé à l'agent de l'OFB ce qu'il attendait pour contrôler les exploitations concernées. Il m'a répondu que cela ne relevait pas de sa compétence. Il est pourtant nécessaire de diligenter des contrôles sur le terrain car l'eau, chez moi, est souvent polluée soit par les anciennes industries chimiques, soit par la poudre à canon de la Première Guerre mondiale. Comment faites-vous pour contrôler ces forages parfois invisibles, en plein champ ? Cela dépend-t-il de l'administration fiscale ? Menez-vous des opérations communes avec elle ?

M. Philippe Tabarot. - Je souhaiterais de nouveau féliciter Jean Bacci pour la qualité de son travail et de son rapport. Je sais qu'il y a consacré beaucoup d'énergie.

Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où vivent les deux tiers environ du millier - voire sans doute beaucoup plus - de loups que compte la France, la dernière attaque en date, dans la vallée de la Roya, a soulevé un émoi important, une ponette ayant été dévorée alors qu'elle était pleine.

Je crois savoir qu'hier, au travers de la convention de Berne, le loup, jusqu'alors espèce strictement protégée, a été reclassé en espèce protégée. Cela fera-t-il évoluer les choses ? J'ai entendu le Premier ministre évoquer, au sommet de l'élevage, la possibilité d'augmenter les prélèvements de loups. Je voudrais simplement rappeler que l'espèce n'est plus menacée mais qu'au contraire, elle devient une menace.

M. Olivier Thibault. - Merci pour vos propos, Monsieur Weber. Effectivement, la création de l'OFB découle d'une volonté de rationalisation d'un certain nombre d'opérateurs, avec des missions beaucoup plus larges que celles qui étaient confiées à ces derniers, mais pas avec beaucoup plus de moyens.

Cette situation nous oblige à faire des choix et à prioriser, ce qui n'est pas toujours simple. Nous tâchons donc de travailler sur les enjeux des territoires : nous sommes confrontés à des problèmes majoritairement liés à l'eau dans certains territoires, aux produits phytosanitaires ou à la prédation dans d'autres, et nous axons donc notre action sur ces enjeux. Ce choix nous a conduits à mener moins de contrôles sur la chasse, comme l'a relevé le rapport du sénateur Bacci. Nous essayons de nous adapter au mieux aux enjeux du territoire en fonction des agents dont nous disposons.

Le rapport souligne de manière assez claire la complexité de la composition de notre conseil d'administration, qui est, en réalité, un comité des parties prenantes rassemblant 43 membres. Il est très ancré dans les territoires puisqu'il comporte deux députés et deux sénateurs titulaires, deux députés et deux sénateurs suppléants, des représentants des communes, des conseils départementaux et des conseils régionaux ainsi que des représentants des parties prenantes rurales, des associations, des ONG, des chasseurs et des pêcheurs. Il s'agit d'une sorte de parlement de la biodiversité au sein duquel s'expriment les tensions qui apparaissent dans les territoires.

Pour réagir à l'intervention de Monsieur Devinaz, le sénateur Laurent Burgoa porte haut et fort la voix du Sénat au sein du conseil d'administration de l'OFB ; il est très présent et travaille beaucoup. Je ne doute pas que vous y participerez de la même façon - je rappelle que vous venez d'être nommé. Nous avons besoin de la parole des parlementaires au conseil d'administration.

Le droit de l'environnement est-il un droit au rabais ? C'est un droit en devenir, qui n'est pas encore pleinement entré dans la morale collective. Il est vrai que nous intervenons souvent sur la base de signalements, qu'ils soient anonymes ou pas. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui regardent comme un problème les signalements émis sur des infractions environnementales. Si vous êtes témoin d'une agression dans la rue, le fait de ne rien faire vous sera reproché. Par contre, dénoncer un délit environnemental est encore problématique. Pourtant, il s'agit dans les deux cas d'une violation du droit.

La question qu'il convient de se poser est celle de la réalité des faits signalés. Or les remontées actuelles ne font pas état de problèmes de sur-signalements ou de dénonciations calomnieuses. Nous devons donc nous demander pourquoi nous ne parvenons pas à faire baisser la pression sur l'environnement et à faire respecter les règles que nous avons choisies. Le changement climatique et l'effondrement de la biodiversité ne sont pas des sujets théoriques. Souvenez-vous de la sécheresse de 2023 et des inondations de cet hiver. On peut avoir 15 centimètres de neige le mercredi et 21 degrés le dimanche au même endroit. Ces bouleversements ont des conséquences réelles sur nos modes de vie.

Vous êtes plusieurs à m'avoir interrogé sur l'ambiance de travail au sein de l'OFB. Objectivement, c'est très dur. Je tiens à votre disposition la collection des insultes en tous genres que nous avons reçues depuis six mois. On a déposé devant une cinquantaine de nos implantations du lisier, du fumier, des pneus, des déchets divers et variés et des banderoles insultantes. Je n'oserais énoncer les insultes reçues devant cette illustre assemblée, mais nos agents se font insulter et parfois même accuser de manière ciblée et personnelle.

Ces dernières semaines, nous avons franchi un cap dans le niveau d'inquiétude quand un attentat a été commis sur la voiture d'un agent, dont les écrous de ses pneus ont été dévissés pour provoquer un accident. Quand des bâtiments sont fracturés et des dossiers de procédures judiciaires volés, nous ne sommes plus complètement dans un État de droit. Tout cela a lieu uniquement parce que nous faisons appliquer la loi. Je tiens à saluer l'action des services de l'État qui ont, depuis, donné des consignes très strictes pour protéger les agents et les bâtiments. Nous tâchons de partager les inquiétudes, d'apporter des réponses et d'expliquer, mais la situation est difficile pour nos agents.

Vous m'avez également interrogé sur le budget. Chacun sait qu'il faut faire des efforts à tous les niveaux pour redresser la situation budgétaire du pays. L'OFB prend sa part de ces efforts. La subvention pour charge de service public doit augmenter de 15 millions d'euros, mais la subvention portée par le programme 113 diminuera pour aboutir à une baisse globale de 28 millions d'euros de la dotation de l'État.

Les objectifs de la stratégie nationale pour la biodiversité ne sont pas remis en cause, mais nous allons faire des efforts. Sa montée en charge sera moins rapide que ce que nous avions initialement prévu. Toutefois, l'accompagnement a un coût et il faudra conserver des moyens et des effectifs si l'on veut faire moins de répression et plus de pédagogie. Vous aurez donc sans doute à débattre de l'équilibre souhaitable entre police répressive, accompagnement financier des transitions et accompagnement pédagogique.

Le financement de l'OFB est assuré, d'une part, par le programme 113 et, d'autre part, par les agences de l'eau. Le législateur a fait de ces dernières le percepteur unique des redevances - la redevance chasse, pour plus de 45 millions d'euros, et la redevance pour pollution diffuse.

Sans revenir sur ce que j'ai déjà dit sur l'armement, Madame la sénatrice Pluchet, nous travaillons à faire en sorte que la visibilité de l'armement des agents soit proportionnée. Comme l'a souligné le sénateur Corbisez, nous ne pouvons ni transiger sur la sécurité des agents, ni faire preuve de dogmatisme sur le sujet. Il est normal d'être armé quand on ne sait pas à qui l'on va avoir affaire. Je ne peux pas remettre cet armement en cause car il est important. Encore une fois, le sujet n'est pas, à mes yeux, la question de l'armement, mais celle des causes du sentiment d'insécurité des agriculteurs quand ils voient nos agents. C'est sur ce point qu'il faut travailler à trouver des solutions.

Concernant les signalements, doit-on accorder une forme d'impunité à ceux qui ne respectent pas la réglementation ? Nous devons faire un choix. L'OFB agit sous l'autorité du procureur en matière judiciaire et sous celle du préfet en matière administrative. Les Misen organisent des contrôles en amont, tandis que les comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale, pilotés par les procureurs, déterminent la manière d'organiser les contrôles et d'y donner suite. Nous ferons ce que l'on nous demandera de faire dans le cadre des politiques de prévention et de répression pilotées par le préfet, d'une part, et par le procureur, d'autre part. Il n'y a là ni dogmatisme ni militantisme, mais simplement l'application du droit.

Du reste, je viendrai échanger avec vous, Madame la sénatrice Pluchet, au sujet du maire qui aurait été convoqué pour avoir coupé une fleur rare dans un cimetière. Nous avons en moyenne 14 agents par département. Je serais curieux de savoir comment un agent de l'OFB a su que cette fleur avait été coupée.

Mme Kristina Pluchet. - Une dénonciation anonyme ! C'est précisément ce qui peut donner lieu à des règlements de comptes aujourd'hui.

M. Olivier Thibault. - Je suis preneur de davantage d'informations sur ce cas particulier. Les retours d'expérience nous permettent d'avancer.

La loi sur l'engrillagement, qui avait été portée par le sénateur Jean-Noël Cardoux, est nécessaire pour empêcher le découpage en morceaux de nos territoires ruraux et éviter de voir apparaître des couloirs d'engrillagement le long de toutes nos routes et parcelles. Bien qu'indispensable, cette loi présente un certain nombre de difficultés. Neuf dérogations sont possibles, mais leur interprétation n'est pas tout à fait claire.

Vous estimez que les contrôles ne sont pas assez nombreux en la matière. Nous vérifions prioritairement que l'esprit de la loi est respecté chaque fois que de nouveaux travaux d'engrillagement sont engagés avant de nous pencher sur les engrillagements déjà en place. Compte tenu de la complexité de la loi, nous avons élaboré un guide sur le sujet avec les services de l'État. Celui-ci a notamment été diffusé dans la région Centre-Val de Loire car l'engrillagement constitue un enjeu majeur en Sologne. Nous devons aujourd'hui mettre en oeuvre la réglementation de façon progressive, mais volontariste.

Il nous faut évidemment travailler sur la question de l'acceptabilité de nos contrôles - j'en ai déjà beaucoup parlé.

Vous avez indiqué, Monsieur le sénateur Chevalier, qu'il était reproché à l'OFB d'être indépendant et d'agir comme il le voulait. Je ne suis pas du tout d'accord sur ce point. Je vous rappelle que l'OFB agit dans le cadre des Misen. Il appartient au préfet, délégué territorial de l'OFB, de hiérarchiser les enjeux du territoire avec ses services, d'élaborer la politique de contrôle administratif dans le département et de communiquer sur cette stratégie. Nos agents assurent simplement la mise en oeuvre de ces orientations dans les territoires. Je suis persuadé que nous devons travailler sur la communication autour de la politique de contrôle afin que les règles soient claires pour tous. Nous sommes en train de créer des Misa pour le contrôle unique. L'OFB en fera partie et coordonnera les contrôles uniques dans ce cadre. Du reste, c'est le procureur, et non l'OFB, qui choisit les suites à donner aux contrôles. Au total, nous nous bornons à faire appliquer les règles que d'autres déterminent.

Les forages anonymes constituent un vrai sujet, Monsieur le sénateur Corbisez, et pas seulement pour l'OFB, mais pour l'administration de manière générale. Les directions départementales des territoires (DDT) sont en première ligne sur ces autorisations. La simplification et l'allègement des démarches administratives ont des effets pervers, dans la mesure où certains en profitent pour s'exonérer du respect de la loi. Aujourd'hui, dans certains territoires, ces forages individuels posent de sérieux problèmes de partage de la ressource. Il est dommage que ceux qui respectent la loi soient pénalisés par ceux qui ne la respectent pas.

Enfin, nous pourrions passer beaucoup de temps à débattre au sujet du loup et j'aurai prochainement l'occasion de l'évoquer devant le Sénat. Hier, la convention de Berne a validé le reclassement du loup d'espèce strictement protégée en espèce protégée. Cela ne changera pas grand-chose pour nous dans l'immédiat car l'Union européenne doit valider au préalable l'évolution de l'annexe de la directive Habitats-Faune-Flore - je pense qu'elle le fera puisqu'elle était demandeuse de ce reclassement.

Il était nécessaire que les aides, et notamment celles de la PAC, puissent continuer à bénéficier aux éleveurs. Je vous rappelle que ces derniers sont aidés pour leur protection au motif que le loup est une espèce strictement protégée. Il aurait été dommage qu'ils ne puissent plus l'être du fait du reclassement du loup, mais je comprends que ce problème a été résolu. D'autre part, dans la mesure où l'espèce sera toujours protégée, il faudra confirmer son bon état de conservation. Le reclassement autorisera une gestion plus souple de la population, mais ne permettra pas son éradication. Il y aura donc toujours des quotas ainsi que des mesures de prélèvement et d'organisation, mais davantage de souplesse.

Je rappelle de nouveau que l'OFB n'est ni pour ni contre le loup, mais que son rôle est d'accompagner la conciliation des usages. Ce sont nos agents qui font les constats sur les loups ; ils sont dès lors en contact direct avec les éleveurs dans des situations de stress et vivent pleinement leur détresse. Mais, encore une fois, nous ne décidons pas de ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Nous tâchons de trouver des solutions et pas d'opposer les uns aux autres.

Mme Marta de Cidrac. - Merci pour vos réponses, Monsieur le directeur général, mais vous n'avez pas répondu à une question qui m'intéressait, au sujet des signalements anonymes.

M. Olivier Thibault. - Il me semble y avoir répondu. Nous travaillons sous l'autorité des procureurs en matière judiciaire. Il y a des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale dans chaque département. Le jour où les procureurs nous demanderont de ne pas donner suite aux signalements - qu'ils soient anonymes ou pas -, nous le ferons, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Quand le procureur nous demande d'aller vérifier la réalité d'une infraction, nous nous exécutons car nous sommes dans un État de droit. Les auditions que nous menons permettent de déterminer, dans le cadre d'un débat contradictoire, à charge et à décharge, s'il y a ou non une infraction et si celle-ci relève de l'erreur ou doit entraîner des sanctions.

Mme Marta de Cidrac. - Permettez-moi d'insister sur ce point car ce n'était pas tout à fait le sens de la question. Vous autorisez le signalement anonyme d'infractions, vraies ou supposées...

Mme Kristina Pluchet. - Vous y incitez !

Mme Marta de Cidrac. - Oui. Quelle responsabilité porte l'individu à l'origine du signalement si celui-ci s'avère infondé ? Je voudrais comprendre dans quelle philosophie s'inscrit la démarche de l'OFB lorsque vous demandez des signalements anonymes.

M. Olivier Thibault. - L'OFB ne sollicite pas de signalements anonymes.

M. Jean-François Longeot, président. - L'anonymat est un vrai problème. Nous recevons tous des lettres et courriels anonymes. Nous vivons dans une société où chacun a beaucoup de temps à consacrer à dénoncer son voisin. Quand vous vous faites insulter par courriel, vous ne pouvez même pas répondre ou vous justifier puisque vous ne savez pas qui en est l'expéditeur !

Mme Marta de Cidrac. - Préserver l'anonymat de l'auteur du signalement est une chose, mais ne pas savoir qui il est en est une autre, Monsieur le président.

J'aimerais que vous vous interrogiez, Monsieur le directeur général, sur cette façon de procéder. Il faut responsabiliser nos citoyens : un signalement n'est pas un acte anodin !

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie, monsieur le directeur général, pour la qualité des échanges et la pédagogie dont vous faites preuve pour nous expliquer les enjeux dans lesquels s'inscrit l'action de l'OFB.

Ce compte rendu a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture - Examen du rapport pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, après une séquence consacrée à l'Office français de la biodiversité, nous restons proches des enjeux dont nous venons de discuter. Notre ordre du jour se poursuit avec l'examen du projet de loi, adopté en mai dernier par l'Assemblée nationale, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Son examen a été percuté par la conjoncture politique : la dissolution de l'Assemblée nationale a perturbé le calendrier parlementaire et conduit à différer les travaux du Sénat en séance publique, avec des répercussions sur l'organisation du travail en commission. En revanche, conformément à notre procédure parlementaire, c'est bien le même texte que nous examinons, celui adopté par l'Assemblée nationale le 28 mai dernier : le fait que nous ayons changé de législature n'entraîne aucune conséquence procédurale, si ce n'est que le délai limite pour le dépôt des amendements de commission n'a pas été rouvert. En d'autres termes, seuls les amendements déposés en commission en juin dernier pourront être intégrés au texte de la commission. Les initiatives nouvelles pourront bien sûr être présentées au stade de la séance publique, prévue durant la seconde quinzaine de janvier prochain, après la suspension des travaux en séance publique, à condition que le Gouvernement ne soit pas renversé cet après-midi, à la suite de l'examen de la motion de censure.

L'examen au fond de ce projet de loi a été confié à la commission des affaires économiques, qui a désigné Laurent Duplomb et Franck Menonville comme rapporteurs. 

En raison de l'acuité des enjeux portés par ce texte et de la convergence de plus en plus évidente entre les enjeux agricoles, climatiques et environnementaux, notre commission a jugé opportun de se saisir pour avis de ce texte attendu par le monde agricole. Les études scientifiques confirment le ressenti des acteurs : les problématiques agricoles sont de plus en plus intimement liées à celles de l'aménagement du territoire et du développement durable. À ce titre, il n'aurait d'ailleurs pas été illogique que certains articles du projet de loi nous soient délégués au fond, comme ceux sur la protection et la valorisation des haies (article 14) ou l'aménagement des procédures relatives à certains contentieux administratifs en matière agricole (article 15). À ce propos, je tiens à préciser qu'il est inexact d'affirmer que notre commission ne s'empare pas des sujets agricoles, le travail de notre collègue Jean-Claude Anglars est la preuve de cet investissement.

Je tiens d'ailleurs à le remercier d'avoir mené un grand nombre d'auditions préparatoires, dont une partie conjointement avec les rapporteurs des affaires économiques, ce dont je me félicite ! Je connais son implication pour comprendre, décortiquer et analyser les articles soumis à son examen pour avis. Je tiens donc à saluer son sérieux, sa capacité à travailler en bonne intelligence avec la commission des affaires économiques, d'autant que ce texte suscite de vives attentes de la part des agriculteurs, qui nous font part à nouveau de leur colère et de leur détresse vis-à-vis des changements rapides qui affectent l'exercice de leur profession, qu'ils soient le fait des normes, des attentes sociales ou des évolutions climatiques. Il est de notre responsabilité de les écouter et de leur apporter des solutions, pour favoriser une agriculture durable, qui nourrisse la population et garantisse un revenu décent à ceux qui sont les artisans de notre souveraineté alimentaire.

Je vous rappelle que l'examen du rapport et l'élaboration du texte par la commission des affaires économiques sont prévus la semaine prochaine, mardi, mercredi et jeudi, pour examiner les 634 amendements déposés, à moins que le Gouvernement ne survive pas à l'examen de la motion de censure de cet après-midi. Je laisse à présent le soin à notre collègue Jean-Claude Anglars de nous présenter les principaux axes de son rapport ainsi que les amendements dont il nous proposera l'adoption.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur pour avis du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture. - J'ai le plaisir de vous présenter mon rapport pour avis sur le projet de loi d'orientation agricole. Le président a rappelé les raisons politiques pour lesquelles cet examen aurait dû intervenir en juin dernier : le débat a finalement lieu ce matin, avec six mois de retard. Ce changement de contexte n'est pas neutre, en raison même des sujets abordés : il n'aura échappé à personne que la colère agricole connaît un nouvel épisode. Quand on est attentif aux messages de la profession agricole et des paysans, l'exaspération face à la complexité et à la profusion des normes est constante.

À nouveau, le sort de ce texte est très incertain : il dépend de la capacité du Gouvernement à se maintenir en fonction à l'issue de l'examen de la motion de censure cet après-midi. Il serait malheureux pour nos agriculteurs qu'il connaisse le même sort qu'en juin dernier... Mais l'avenir n'est jamais écrit d'avance et je vous présenterai donc mon rapport, malgré l'incertitude planant sur le devenir de ce projet de loi.

Comme l'a indiqué le président dans son intervention liminaire, le texte a été envoyé au fond à la commission des affaires économiques. En raison des liens étroits qu'entretiennent activités agricoles et développement durable, notre commission s'est saisie pour avis de plusieurs articles, marquant ainsi son fort intérêt pour les sujets agricoles. Le champ d'examen de mon rapport s'est concentré sur l'article 13 sur les délits d'atteinte à la conservation d'habitats naturels ou d'espèces sauvages, l'article 14 visant à unifier le régime juridique applicable aux haies, l'article 15 sur le contentieux administratif de certaines décisions en matière agricole, l'article 17 sur la valorisation des produits lainiers et l'article 18 sur la possibilité de déléguer au département la maîtrise d'ouvrage en vue de la production, du transport et du stockage de l'eau potable. La commission de la culture s'est également saisie pour avis des articles du titre II relatifs à la formation, l'orientation, la recherche et l'innovation. Il est fondamental de s'intéresser à ces sujets car je rappelle cette vérité selon laquelle il n'y a pas de pays sans paysan.

Les auditions préparatoires que j'ai menées au printemps dernier m'ont occupé pendant plus d'un mois, un délai nécessaire au regard des enjeux majeurs et variés auxquels ce texte tente de répondre : préparer l'avenir de l'agriculture, assurer le renouvellement des générations et former suffisamment d'actifs agricoles, tout en amorçant une trajectoire d'adaptation au changement climatique.

Au-delà des auditions auxquelles les rapporteurs des affaires économiques ont eu l'amabilité de m'associer - et je les en remercie - j'ai souhaité mener huit auditions complémentaires. Celles-ci m'ont permis d'entendre une vingtaine d'acteurs aussi divers que les associations représentatives des élus locaux (Association des maires ruraux de France, Association des Petites Villes de France, Intercommunalités de France et Départements de France), les agences de l'eau, l'INRAE, le CNRS, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), en passant par des juristes spécialisés en droit de l'environnement et les représentants des procureurs de la République, pour enrichir ma compréhension des enjeux du texte et bénéficier d'une vision la plus panoramique possible.

Outre ces auditions, ouvertes à l'ensemble des commissaires, j'ai assisté à bon nombre d'auditions conjointes avec la commission des affaires économiques, dès lors qu'elles étaient en lien avec le champ de notre saisine pour avis. Je tiens à cet égard à souligner la qualité de la coopération avec les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, la fluidité en matière d'échange d'informations et l'utilité de cette démarche pour faire valoir le point de vue de notre commission.

Outre le champ de la saisine rappelé précédemment, je me suis naturellement intéressé à l'article 1er, qui pose les grands principes et décline les priorités de l'action publique en matière agricole pour la décennie à venir.

Il me semble à cet égard essentiel que la société, collectivement et par l'intermédiaire du législateur, puisse déterminer les grands principes de l'agriculture de demain, le soutien public dont bénéficient les exploitants face aux défis climatiques et rappeler la vocation de notre agriculture, qui consiste à produire, de manière durable, « une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive et accessible à tous, tout au long de l'année ». Rappeler ces priorités me semble un acte juridique fort : leur insertion à l'article 1er du code rural et de la pêche maritime leur confère un caractère solennel et une effectivité certaine, d'autant que le texte élève « la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche [au rang d']intérêt général majeur ». Sur ce point, je salue les apports de l'Assemblée nationale qui a étoffé cet article en intégrant un certain nombre d'évidences, qu'il n'était pas superflu de rappeler, même si l'article 1er peut encore être perfectionné, notamment afin d'accroître sa cohérence.

En premier lieu, les acteurs entendus ont unanimement insisté sur les défis inédits auxquels fait face l'agriculture, notamment sous l'effet du changement climatique, dont les conséquences sont déjà perceptibles sur l'élevage et les récoltes. La hausse des températures moyennes entraîne des bouleversements sans précédent quant à la disponibilité de la ressource en eau, la qualité des sols et la biodiversité. La sécurisation de l'accès à l'eau pourrait ainsi devenir un défi majeur pour la majorité des exploitations agricoles, avec des incidences notables sur les rendements et la résilience des cultures.

Face à ces enjeux de plus en plus prégnants, ce texte vise à consolider la souveraineté alimentaire et agricole de la France, en affichant une ambition programmatique et en se fondant sur une vision prospective, en posant des priorités et des principes fondamentaux destinés à irriguer les politiques agricoles de ces prochaines années. Un ensemble de mesures tendent à assurer le renouvellement des générations et à former les agriculteurs de demain, en facilitant les transmissions et en leur donnant les clefs pour comprendre les évolutions environnementales et climatiques qui se déroulent à un rythme sans précédent.

Notre modèle agricole est en effet à la croisée des chemins : il doit faire face à la déprise rurale, à la concurrence extérieure, à l'évolution des attentes et des préférences des consommateurs, ainsi qu'aux évolutions normatives en matière sanitaire et environnementale. Pour ce faire, l'État doit accompagner ces évolutions inédites, innover dans son soutien pour faciliter la vie de l'agriculteur, lui faire confiance et faire en sorte qu'il puisse se concentrer sur ce qu'il fait le mieux et qui constitue le coeur de son activité. La forte demande de simplification est une impérieuse nécessité pour ne pas désespérer des acteurs qui savent faire preuve de bon sens et qui ont déjà bien assez à faire, au champ ou à l'étable... Offrir un cadre simplifié d'action, pour libérer l'activité agricole de normes excessivement lourdes ou contradictoires, sans diminuer l'ambition environnementale : voici le mandat que le monde rural nous confie, à nous parlementaires. Ne le décevons pas.

Je rappelle que l'objectif doit, à mes yeux, consister à garantir notre souveraineté agricole et promouvoir une agriculture compétitive, propre, durable et économiquement viable, répartie sur l'ensemble du territoire, capable de produire une alimentation saine, sûre et accessible à tous, conformément au principe de souveraineté alimentaire. Je ne pense pas faire fausse route : selon le sondage Ipsos sur « les fractures françaises » réalisé en novembre dernier, le pouvoir d'achat et la protection de l'environnement sont les deux enjeux qui préoccupent le plus les Français à titre personnel. C'est également la conviction qui m'a animé au cours de cet examen pour avis, pour garantir un revenu décent aux agriculteurs et permettre aux Français d'accéder à des productions agricoles, locales, respectueuses de la santé et de l'environnement.

Mon sentiment est que ce texte de loi reste en deçà des ambitions affichées. Ce texte a subi un destin législatif contrarié : il a été élaboré au terme de plusieurs mois de concertation avec les associations représentatives agricoles, les fédérations professionnelles, les associations environnementales et les élus locaux, ce qui constitue selon moi une bonne méthode. La colère agricole a cependant conduit le Gouvernement à faire évoluer son projet et les députés à ajouter de nouveaux articles : de 19 articles initialement, le texte est passé à 45 articles. Aujourd'hui, nous examinons un texte fourre-tout, aux nombreux impensés et avec des orientations brouillées à force d'empiler des dispositifs, parfois à la limite du bavardage législatif. En un mot, ce texte manque de cohérence. Il comporte également un certain nombre de lacunes.

Il manque aussi d'ambition pour renforcer la durabilité des productions alimentaires : on n'y trouve rien pour accroître la résilience des exploitations, les leviers fiscaux ne sont pas mobilisés, le revenu agricole n'est pas sécurisé autrement qu'à travers des déclarations de principe, les filières ne sont pas accompagnées face aux évolutions climatiques. Aucun mécanisme n'est élaboré pour protéger les agriculteurs de la concurrence déloyale et des défaillances de marché, je pense notamment à l'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne, pas plus que ne sont travaillées la protection contre les prédateurs ou la question des sols, pourtant essentiels à une production de qualité. N'attendons donc pas de ce texte qu'il résolve tous les problèmes ou qu'il fixe un cadre pérenne pour accompagner les agriculteurs face aux défis multiples qui pèsent sur leur activité : il ne pourra que décevoir ceux qui placent de trop grandes attentes dans un texte finalement plus de circonstance que d'orientation. À cela s'ajoute son devenir parlementaire plus qu'incertain, conditionné à la capacité du Gouvernement à ne pas être renversé.

Cependant, malgré ses défauts et ses insuffisances, ce texte apporte des évolutions bienvenues et nécessaires, tout en ayant le mérite de traiter des sujets qui concernent l'activité quotidienne des agriculteurs. Il pose les bonnes questions, même s'il apporte rarement les bonnes réponses. Ce travail législatif me convainc de la grande difficulté de simplifier : le chemin qui mène à des dispositifs lisibles et clairs est escarpé et tortueux. En l'état, il est cependant de notre devoir d'apporter une partie des évolutions attendues par la profession agricole et d'imaginer des dispositifs pour limiter l'insécurité juridique qui entoure certains projets agricoles : aujourd'hui, mener à son terme un projet de réserve de substitution peut prendre une dizaine d'années, en raison des procédures susceptibles d'être initiées par des requérants opposés à ces projets. Ce n'est pas raisonnable, il est dans l'intérêt de tous que ces contentieux puissent aboutir plus rapidement.

C'est la raison pour laquelle je vous propose d'émettre un avis favorable à son adoption, sous réserve des amendements que je vais vous présenter dans un instant.

M. Jean-François Longeot. - Merci Monsieur le rapporteur pour cette présentation des enjeux que soulève ce texte et des manques qui le caractérisent.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je remercie le rapporteur pour son travail, même si nous aurions pu légitimement revendiquer des articles pour les examiner au fond, en raison de leur étroite proximité avec le champ de compétence de notre commission.

Nous attendions depuis longtemps un texte d'orientation et d'avenir pour l'agriculture au regard notamment de l'ampleur de la crise agricole que nous traversons. Mais comme le rapporteur l'a souligné, nous sommes amenés à examiner un texte qui évince des sujets cruciaux pour le monde paysan, et non pas le projet de loi ambitieux que la situation exige.

En premier lieu, la question du revenu et du prix est absente de ce texte : celui-ci n'aborde ni la question du revenu agricole ni du rééquilibrage des relations commerciales, en se contentant de renvoyer à un nouveau rapport visant à renforcer le partage de la valeur en direction des agriculteurs. Il ne contient aucune disposition relative à la construction des prix, alors qu'un prix plancher avait été annoncé en grande pompe par le Président de la République lors du dernier salon de l'agriculture.

En deuxième lieu, je remarque aussi que le projet de loi ne propose pas de mesures permettant de résoudre la problématique foncière, marquant ainsi l'abandon quasi-reconnu d'une grande loi foncière, ni de dispositions fiscales, alors que la fiscalité constitue pourtant un levier indispensable pour accompagner les transitions nécessaires. Sont aussi notables l'absence d'engagement de réforme de la PAC et d'adaptation de notre plan de stratégie nationale, stratégie qui conditionne pourtant 9,5 milliards d'euros d'aides agricoles par an.

Enfin, ce texte se caractérise également par l'absence de prise en compte de l'urgence environnementale, ce projet de loi se résumant à des déclarations incantatoires lorsqu'il s'agit de transition agroécologique. Le diagnostic modulaire créé par l'article 9 n'est pas sans rappeler celui que nous proposions dans une récente proposition de loi sur la santé des sols. Malheureusement, cet article 9 été fortement remanié au cours de son examen à l'Assemblée nationale, qui a privilégié une approche plus économique, en supprimant toute référence à la qualité et l'état des sols. Désormais, rien ne garantit que ce diagnostic puisse favoriser l'agroécologie, alors que cet objectif devrait être au coeur de nos préoccupations.

Ce texte acte par ailleurs des reculs profonds sur la biodiversité malgré l'urgence que nous connaissons aujourd'hui, comme vient de nous le rappeler le directeur de l'OFB. Nous considérons que l'article 13 envoie un mauvais signal puisqu'il lève les sanctions réprimant les atteintes commises par négligence ou imprudence : il entérine ainsi le risque de multiplication des destructions.

Notre commission devrait prendre davantage à bras le corps la nécessaire conciliation entre la souveraineté alimentaire et la préservation de l'environnement pour façonner une agroécologie pour tous que nous appelons de nos voeux. Force est de constater que ce texte n'y participe pas. Nous remercions toutefois le rapporteur pour son travail.

M. Ronan Dantec. - Il serait intéressant de sortir de cette logique de textes conjoncturels, fortement liés au contexte politique et écrits en réponse aux différentes mobilisations sans vision d'ensemble. Pour débattre et légiférer sur la souveraineté alimentaire et l'adaptation au changement climatique - qui passent nécessairement par une agriculture protectrice de l'environnement, et notamment du grand cycle de l'eau soumis aujourd'hui à de fortes pressions en raison du réchauffement climatique - nous avons besoin d'une approche non dogmatique de l'agroécologie.

Il serait peut-être temps que notre commission se penche plus sérieusement sur l'agroécologie et ses résultats, afin de l'accompagner réellement. L'agroécologie permet de produire plus et de diminuer les impacts environnementaux : la logique économique et scientifique plaide pour un soutien plus marqué à l'agroécologie. Ce n'est ni le sens du texte ni ce que proposent les amendements du rapporteur.

Notre groupe votera donc contre l'adoption de ce texte.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Ce texte a fait l'objet d'une véritable inflation législative à l'Assemblée nationale : il est désormais malaisé d'y voir clair quant aux intentions du Gouvernement pour assurer le renouvellement des générations. En effet, aucune mesure d'envergure n'accompagne le projet de loi et aucune projection du nombre d'installations escomptées n'est avancée. À ce titre, le Conseil d'État considère que les dispositions du projet de loi sont tellement floues que la saisine du Haut Conseil des finances publiques n'est pas nécessaire : ce fait me paraît significatif.

Ce projet ne contient aucune disposition relative au revenu des agriculteurs, qu'il s'agisse de l'encadrement du foncier agricole ou de la réforme des aides à l'installation.

À l'évidence, ce texte ne s'attaque pas suffisamment au défi du renouvellement des générations, ne traite pas la question du revenu agricole, de l'accessibilité au foncier ou de la concurrence déloyale des produits importés. La notion d'intérêt général appliqué à l'agriculture pourrait paraître intéressante ; mais nous savons tous que le juge fera prévaloir les normes européennes sur le droit national. De plus, la dimension agroécologique est fortement réduite.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur le « Bachelor agro » créé par ce texte. Ce diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie de niveau Bac +3 serait délivré par des établissements d'enseignement supérieur agréés par le ministère de l'Agriculture. À l'Assemblée nationale, les débats ont pointé le risque que ce diplôme ne soit le terreau du développement de l'enseignement supérieur agricole privé.

Je partage la position de mes collègues quant à ce texte et voterai contre.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Jean-François Longeot. -Monsieur le rapporteur, je vous propose de nous présenter vos amendements.

M. Jean-Claude Anglars. - Mes chers collègues, ce texte est bien éloigné des lois d'orientation agricole du 5 août 1960 et du 8 août 1962 : nous sommes parfaitement d'accord sur ce point-là et je partage beaucoup de vos constats. Il n'en reste pas moins qu'il faut traiter rapidement certains sujets, pour affirmer notre soutien aux agriculteurs et à leur avenir et notre conviction que l'on peut encore avoir des paysans sur tout notre territoire.

Il m'a paru utile de proposer six amendements afin de faire évoluer sur certains points les articles dont notre commission est saisie pour avis.

Article 13

L'article 13 instaure une obligation de suivre un stage de sensibilisation en cas d'atteinte à la conservation d'espèces et à leurs habitats naturels. Je propose que ce stage ne soit rendu obligatoire qu'à la condition que l'atteinte soit à la fois grave et irréversible, afin de ne pas ouvrir ce régime aux atteintes bénignes. De même, la notion de stage de sensibilisation aux enjeux de l'environnement est marquée d'une imprécision quant à ce qu'il peut recouvrir : je propose d'en préciser la portée en indiquant que ce stage veille spécifiquement à sensibiliser aux enjeux et à l'intérêt de préserver l'environnement. Plusieurs acteurs m'ont en outre fait part de leurs inquiétudes concernant les modalités pratiques de participation à ce stage, notamment sa durée, son coût financier ou encore les organismes habilités à l'organiser. C'est pourquoi je propose qu'un décret encadre ces modalités, pour éviter que la nature, les modules de formation ou le coût du stage ne varient en fonction de l'organisme chargé d'assurer la sensibilisation.

L'amendement COM-635 est adopté.

Article 14

M. Jean-Claude Anglars. - L'article 14 concerne les haies. Il peut paraître à première vue surprenant qu'un texte d'orientation agricole, ayant vocation à fixer le cap en matière de souveraineté alimentaire et agricole, traite des haies. Si pareil sujet mérite indéniablement l'attention du législateur, il aurait été de meilleure pratique de l'examiner dans le cadre d'un véhicule dédié plutôt qu'ici. Mais dans la mesure où nous disposons d'une opportunité de remédier à un irritant agricole récurrent, il m'a paru préférable de nous en emparer plutôt que de rester sur la rédaction de l'Assemblée nationale, confuse et peu lisible.

C'est pourquoi je propose une rédaction globale de l'article 14, avec un régime unifié de la haie, qui repose sur une définition législative de ce qu'est une haie et un objectif de gestion durable pour l'entretien des haies, un inventaire départemental des protections relatives aux haies établi par le préfet au terme d'un dialogue territorial, qui sera mis à la disposition du public sous forme cartographique. Afin de faciliter les démarches des demandeurs, je propose la création d'un guichet unique pour la simplification administrative relative aux haies, afin d'internaliser la complexité administrative. La ministre de l'agriculture s'est récemment dite favorable à cette mesure et c'est une mesure du Pacte en faveur de la haie qui tarde à voir le jour. Je propose également un régime de déclaration unique préalable aux projets de destruction de haies faisant l'objet d'une protection ainsi qu'une autorisation unique, ayant vocation à se substituer aux nombreux régimes déclaratifs et d'autorisation actuellement en vigueur. En matière de compensation des haies détruites, je propose que les obligations de replantation soient pondérées par un coefficient fixé par le préfet, qui tient compte de l'évolution passée du linéaire et de l'état des haies dans le département. En cas de non-respect des obligations déclaratives ou de destructions non autorisées, je propose un régime d'amende contraventionnelle plutôt qu'une peine de prison, qui est aujourd'hui susceptible d'être prononcée. Je propose enfin que la période de taille des haies peut être fixée par le préfet, afin de tenir compte des variations climatiques et pédologiques d'un département à l'autre : les oiseaux ne nidifient en effet pas au même moment dans l'Aveyron ou dans le Nord ; cela me paraît une mesure de bon sens. Enfin, les évolutions ainsi proposées entrent en vigueur une fois que l'inventaire sera réalisé et consultable par le public, au plus tard deux ans après la promulgation de la loi, afin de laisser le temps aux services concernés de procéder à la cartographie des haies.

Il m'a semblé utile que le recensement des haies soit établi après consultation des organisations professionnelles et des élus locaux, car il s'agit d'un élément ancré dans le paysage et dans l'histoire. L'objectif est d'aborder la question de manière concertée et pédagogique, pour répondre au malaise et à l'incompréhension des paysans et des propriétaires qui se voient reprocher des infractions dont ils n'avaient pas connaissance !

M. Jean-François Longeot. - Cet amendement relève du bon sens.

L'amendement COM-640 est adopté.

Article 15

M. Jean-Claude Anglars. - Je propose un amendement en apparence rédactionnel, aux implications néanmoins concrètes pour les exploitants agricoles. Grâce à celui-ci, peuvent entrer dans le champ de la simplification du contentieux administratif en matière agricole les retenues répondant à un besoin agricole, et non seulement les ouvrages poursuivant à titre principal une finalité agricole, malaisés à appréhender.

L'amendement COM-636 est adopté.

M. Jean-Claude Anglars. - Je propose également un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 15 afin de prévoir que l'ensemble des constructions, ouvrages, installations ou aménagements nécessaires à l'activité agricole ne soient pas considérés comme artificialisés après 2031, comme ce serait le cas en l'application du régime prévu par la loi « Climat et résilience » d'août 2021.

À l'occasion du groupe de suivi sur le « ZAN » constitué en janvier 2024 et qui a rendu ses travaux en octobre dernier, nous avions plaidé pour que les bâtiments agricoles ne soient pas décomptés des enveloppes foncières, y compris après 2031 : cela concerne essentiellement l'élevage, pour la construction des étables, des bergeries et des chèvreries. En l'état du droit et à partir de 2031, sur chaque commune, tous les bâtiments construits seront comptabilisés comme des surfaces artificialisées. Les maires pourraient donc devoir choisir entre la construction de deux maisons ou d'un bâtiment agricole : je propose donc que nous nous saisissions de l'opportunité de l'examen de ce texte pour faire adopter cette exemption. L'ancien ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, nous avait assuré qu'un arrêté serait pris par le Gouvernement en ce sens et qu'il serait demandé aux régions de prévoir une réserve spéciale pour les bâtiments agricoles : or de nombreuses régions n'ont pas prévu ce dispositif.

Cet amendement qui porte sur le « ZAN » vise ainsi à empêcher une mise en compétition malsaine entre différents types de constructions, notamment en zone rurale, pour assurer le respect de la trajectoire de sobriété foncière. Si rien n'est fait, avec le passage au décompte de l'artificialisation à compter de 2031, la construction de bâtiments et installations agricoles pourrait ainsi se voir empêchée en raison d'une enveloppe foncière insuffisante de la commune d'implantation, en contrariété avec l'objectif recherché par cette loi de garantir la souveraineté agricole de notre pays.

M. Ronan Dantec. - Il me semble que cet amendement n'a pas de lien avec le projet de loi que nous examinons ce matin, et qu'il serait préférable de traiter cette question dans le texte élaboré par le groupe de suivi « ZAN » sur la trajectoire de réduction de l'artificialisation des sols concertée avec les élus locaux, la proposition de loi « TRACE » déposée le 7 novembre dernier par nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc. En effet, celle-ci propose d'abandonner la notion de « sols artificialisés » au profit de celle « d'espaces naturels, agricoles et forestiers » (ENAF) : si elle est adoptée, cette question ne se posera plus. Je voterai donc contre cet amendement, en faisant remarquer que le rapporteur ne souhaite pas revenir sur les objectifs intermédiaires de réduction du rythme de l'artificialisation d'ici à 2031.

M. Jean-Claude Anglars. - J'entends votre argument mais cet amendement permettrait de nous prémunir contre le phénomène de mise en concurrence des habitations et des bâtiments agricoles, avant même l'examen de la proposition de loi « TRACE » récemment déposée. La question me paraît fondamentale et je profite de tous les véhicules législatifs pertinents pour faire aboutir cette initiative attendue par le monde rural.

L'amendement COM-637 est adopté.

Article 17

M. Jean-Claude Anglars. - Je propose un amendement afin de préciser que les matières fertilisantes et supports de culture issus de la transformation et de la valorisation des produits lainiers bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché dès lors que l'évaluation préalable révèle son efficacité et son absence d'effet nocif sur la santé humaine, la santé animale et sur l'environnement. Les techniques de fabrication de matières fertilisantes issues de produits lainiers sont soumises à la règlementation sanitaire européenne relative aux sous-produits animaux ; cependant, l'appréciation n'est pas la même dans tous les pays de l'Union européenne et des procédés autorisés en Allemagne, en Italie ou en Espagne sont interdits en France. Cet amendement vise donc à ne pas pénaliser les producteurs français du fait d'une interprétation trop restrictive du droit européen.

L'amendement COM-638 est adopté.

Article 18

M. Jean-Claude Anglars. - Je propose un amendement rédactionnel pour clarifier la possibilité que le département intervienne en matière de maîtrise d'ouvrage pour la protection, le transport et le stockage d'eau destinée à la consommation humaine. Quand le code général des collectivités territoriales encadre l'exercice facultatif ou optionnel d'une compétence par une collectivité, c'est le singulier générique qui est utilisé plutôt que le pluriel. Il s'agit donc d'un amendement favorisant une meilleure lisibilité du droit.

L'amendement COM-639 est adopté.

M. Jean Bacci. - Avant de nous prononcer sur le rapport pour avis, j'aimerais évoquer l'article 14 ter portant sur l'exemption d'autorisation de défrichement. Je comprends parfaitement qu'on souhaite permettre aux jeunes agriculteurs de pouvoir défricher quelques hectares supplémentaires, mais cette disposition favorise en réalité un modèle économique qui se développe aujourd'hui dans le Var : des petits châteaux sont achetés par des fonds de pension ou des grosses fortunes qui défrichent des centaines d'hectares pour y planter des vignes. Or il est difficile d'écouler toute cette nouvelle production. Ce phénomène menace donc grandement les petits viticulteurs qui ne seront plus en capacité de stocker leur récolte avant de réussir à la commercialiser. Je souhaite qu'on procède à une réévaluation de cet article, qui relève de la commission des affaires économiques, lorsque nous en aurons l'occasion.

M. Jean-Claude Anglars. - Cher collègue, je vous invite effectivement à porter cette question en séance publique et à sensibiliser les rapporteurs de la commission des affaires économiques.

M. Hervé Gillé. - Le sujet que Jean Bacci évoque revêt une importance particulière pour le secteur viticole et devrait être intégré dans un plan stratégique de la filière au niveau national. Ce plan est absolument essentiel, mais les acteurs peinent à adopter une approche collective et l'instabilité gouvernementale les met encore plus en difficulté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Jean-François Longeot. - Ces amendements seront présentés par notre rapporteur à la commission compétente pour être, le cas échéant, intégrés dans son texte. Comme c'est l'usage, je vous propose d'autoriser Jean-Claude Anglars à procéder aux ajustements qui s'avèreraient nécessaires à l'occasion de leur examen et à redéposer pour la séance publique les amendements qui ne seraient pas retenus.

Il en est ainsi décidé.

Les sorts des amendements examinés par la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 13

M. ANGLARS

COM-635

Précisions relatives aux modalités d'organisation du stage de sensibilisation à l'environnement

Adopté

Article 14

M. ANGLARS

COM-640

Réécriture globale de l'article tendant à créer un régime juridique unifié des haies

Adopté

Article 15

M. ANGLARS

COM-636

Intégration des retenues hydrauliques répondant à un besoin agricole dans le champ de la simplification du contentieux administratif

Adopté

Article additionnel après l'article 15

M. ANGLARS

COM-637

Poursuite du décompte de l'artificialisation des sols induite par les bâtiments agricoles dans le cadre de la stratégie « ZAN » au-delà de 2031

Adopté

Article 17

M. ANGLARS

COM-638

Conditions d'autorisation de mise sur le marché des matières fertilisantes issues de la valorisation des produits lainiers

Adopté

Article 18

M. ANGLARS

COM-639

Amendement rédactionnel

Adopté

Proposition de nomination par le Président de la République de M. Pierre Monzani aux fonctions de président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - Chers collègues, nous devons désigner, en application de l'article 19 bis du Règlement du Sénat, un rapporteur sur la proposition de nomination par le Président de la République de M. Pierre Monzani en qualité de président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), conformément à l'article L. 6361-1 du code des transports et en application de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Pour rappel, l'Acnusa a pour rôle principal d'infliger des sanctions aux compagnies aériennes qui ne respectent pas les règles ayant pour objectif de réduire les nuisances sonores aéroportuaires.

Le mandat de six ans à la tête de l'Acnusa de Gilles Leblanc a pris fin il y a déjà près de huit mois, le 12 avril 2024. Par décret du Président de la République en date du 29 avril 2024, Lise Driencourt, membre du collège de l'Autorité, qui avait été nommée à ce poste par le Président du Sénat, en a été nommée présidente par intérim.

Cependant, l'exercice d'une présidence par intérim n'est pas prévu dans les textes encadrant le fonctionnement de l'Autorité, de sorte que le collège de l'Acnusa a décidé de ne plus prononcer de sanctions jusqu'à nouvel ordre contre les compagnies aériennes compte tenu des risques juridiques que cette situation engendre. Dans un contexte d'augmentation sans précédent du nombre de sanctions prononcées par l'Acnusa en 2022 et 2023, il est particulièrement urgent de garantir à l'Autorité des conditions de fonctionnement normal.

Le durée de cette vacance du poste de président envoie un signal pour le moins négatif aux riverains des aéroports, victimes des nuisances, qui peuvent avoir le sentiment que s'ouvre une période d'impunité. Cet état de fait est également préjudiciable aux compagnies aériennes, dont les dossiers ne pourront vraisemblablement pas être examinés dans des délais raisonnables. Alors que la fin du mandat de Gilles Leblanc était facile à anticiper, aucune proposition de nomination n'est parvenue au Parlement avant le 26 novembre dernier. Je regrette cette situation incompréhensible pour les riverains et les compagnies aériennes.

Tout ceci étant rappelé, j'ai reçu la candidature de notre collègue Paul Vidal, pour être rapporteur lors de cette audition au titre de l'article 13.

Félicitations à notre collègue !.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

M. Paul Vidal. - Je vous remercie pour votre confiance et saurai m'impliquer pour préparer cette audition dans les meilleures conditions possibles.

La réunion est close à 11 h 50.