Jeudi 6 février 2025

- Présidence de Mme Micheline Jacques -

Tables rondes sur la politique du handicap à La Réunion - les représentants d'institutions

Mme Micheline Jacques, président. - Mes chers collègues, dans le cadre de la préparation de notre rapport sur la politique du handicap outre-mer, nous nous focalisons ce jour sur la situation à La Réunion, avec deux tables rondes réunissant, d'une part, des représentants de différentes institutions et, d'autre part, des représentantes de plusieurs grandes associations.

Aux côtés de nos trois rapporteurs, Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion, Annick Petrus, sénatrice de Saint-Martin, et Akli Mellouli, sénateur du Val-de-Marne, je suis heureuse d'accueillir pour notre première séquence : Sabrina Tionohoué, élue à la mairie de Saint-Pierre, déléguée du Conseil départemental de La Réunion aux politiques inclusives des personnes en situation de handicap et à la vie éducative, accompagnée de Nathalie Anoumby, directrice générale adjointe des services du Conseil départemental, responsable du pôle des solidarités, et Aurélie Nativel, directrice de l'autonomie au pôle des solidarités, Rostane Mehdi, recteur de l'académie de La Réunion et Déva Radakichenin, directeur de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Réunion.

Nous vous avons adressé un questionnaire pour préparer votre exposé liminaire.

À la suite de vos présentations respectives, nos rapporteurs vous interrogeront, suivis des autres membres de la délégation.

Mme Sabrina Tionohoué, déléguée du Conseil départemental de La Réunion aux politiques inclusives des personnes en situation de handicap et à la vie éducative. - Je suis très heureuse d'être parmi vous pour cette table ronde dédiée au handicap à La Réunion.

L'accompagnement des personnes en situation de handicap constitue une priorité essentielle pour notre département, qui oeuvre quotidiennement au soutien des familles investies dans ce parcours exigeant afin d'offrir à leurs proches un cadre de vie adapté.

La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de La Réunion joue un rôle central dans cet engagement par son accueil, écoute et orientation des bénéficiaires dans l'élaboration de leur projet de vie et la formulation de leur demande de compensation. Aider les personnes en situation de handicap et garantir leur autonomie représente un défi politique, humain, et territorial d'une ampleur considérable. Avec l'État, l'agence régionale de santé (ARS), le rectorat et les associations, le département travaille à l'amélioration continue de l'offre médico-sociale afin de répondre aux évolutions des besoins.

En 2024, le nombre de personnes en situation de handicap recensées à La Réunion atteint 72 000 bénéficiaires, soit une hausse de 5 % depuis 2021. Depuis 2006, cette augmentation évolue de manière soutenue, avec une population concernée représentant aujourd'hui 8 % des Réunionnais, soit deux fois plus qu'il y a douze ans.

Cette progression est amenée à s'intensifier sous l'effet de la croissance démographique, d'un meilleur accès aux droits et d'une amélioration du dépistage néonatal.

Cette évolution met également en évidence un sous-équipement préoccupant, qui ne permet pas d'assurer un accompagnement optimal. En effet, La Réunion accuse un retard significatif dans le déploiement des structures adaptées : maisons d'accueil spécialisées (MAS) : 0,5 place pour 1 000 adultes âgés de 20 à 59 ans, contre 1 place en moyenne nationale ; foyers de vie : 1,2 place pour 1 000 adultes, contre 2,1 au niveau national.

Une étude de l'ARS chiffre les besoins supplémentaires à 350 places en Service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) et 250 places en foyers d'accueil médicalisés.

En tant que chef de file de l'action sociale, le département se saisit de cette situation qui ne reflète pas toute la vigueur de la solidarité réunionnaise.

Il nous appartient, collectivement, de garantir une réponse adaptée aux attentes des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Cette exigence implique une augmentation des capacités d'accueil et une diversification de l'offre, afin d'assurer un accompagnement respectueux des choix de vie.

À cet égard, l'action départementale s'oriente vers deux axes principaux : l'augmentation des capacités en établissements médico-sociaux ; le développement d'alternatives intermédiaires entre le domicile et les établissements spécialisés.

Afin de structurer cette évolution, le département a lancé en 2021 un appel à manifestation d'intérêt général pour favoriser l'émergence de réponses innovantes telles que : une plateforme de répit pour les aidants dans l'Est de l'île ; un foyer d'accueil occupationnel « hors les murs » ; un projet d'hébergement séquentiel « hors les murs » ; un projet de répit-repos pour les jeunes déficients intellectuels et TSA ; un projet d'accompagnement à la vie adulte pour les grands adolescents.

L'enjeu pour le Conseil départemental consiste à proposer un mode de financement qui favorise la pérennisation de ces structures nouvelles. Ces initiatives s'intègrent dans le cadre de la convention « Khattabi » (du nom de l'ancienne ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées) en faveur de l'inclusion des personnes vivant avec un handicap, signée en 2023 entre l'État, l'ARS et le département, visant à moderniser et transformer l'offre médico-sociale. Ce programme prévoit la création de nouvelles places entre 2024 et 2030, avec un accent mis sur l'inclusion et la diversification des parcours.

Les familles d'accueil constituent un levier essentiel pour favoriser l'intégration des personnes en situation de handicap. À La Réunion, 1 800 places sont actuellement mobilisées, facilitant l'inclusion et le lien social. Parallèlement, les initiatives Pass Loisirs et Pass Transport permettent à près de 20 000 bénéficiaires d'accéder à une offre de loisirs et de transport en milieu ordinaire. Par ailleurs, entre 2022 et 2024, les demandes de prestation de compensation du handicap (PCH) ont augmenté de 16 %, entraînant une hausse des dépenses de 24 %.

Toutefois, le concours de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) n'évolue que trois fois moins vite que les besoins réels, laissant le département avec un reste à charge de 70 %. L'ampleur des besoins exige un engagement renforcé de la solidarité nationale, afin d'assurer des conditions de vie dignes et adaptées à toutes les personnes concernées.

L'accès à un logement adapté demeure un enjeu fondamental. Sur 40 000 demandes en attente, de nombreuses personnes en situation de handicap se retrouvent contraintes d'accepter des logements inadaptés. Le Département intensifie son action via l'aide à l'amélioration de l'habitat, avec pour ambition de porter de 3 000 à plus de 4 000 le nombre d'adaptations réalisées chaque année.

Afin de mieux répondre aux besoins des publics vulnérables, le département mise sur des dispositifs d'accompagnement innovants, comme les caravanes d'accès aux droits et à l'information parcourant les zones isolées de l'île. Le soutien aux aidants constitue également une priorité renforcée. Le groupement d'intérêt public des services à la personne de La Réunion (GIP SAP Réunion), actif depuis 2010, leur propose diverses solutions : numéro vert (7 200 appels annuels), dispositif répit-repos, formations, café des aidants, accompagnement psychosocial, ainsi qu'une caravane.

Concernant le volet emploi, La Réunion compte 40 000 travailleurs handicapés. Si la loi impose un quota de 6 % d'embauches, le respect de cette obligation varie selon les entreprises. Les 11 établissements et services d'accompagnement par le travail (Esat) existants offrent 979 places, mais leur taux d'équipement reste inférieur à la moyenne nationale (2,2 places pour 1 000 adultes, contre 3,6 dans l'Hexagone).

Le déficit d'infrastructures médico-sociales entrave lourdement le parcours des jeunes en situation de handicap. En 2022, La Réunion comptait 2 400 places dédiées aux enfants et adolescents - hors centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) et centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) --, soit 9,7 places pour 1 000 jeunes de 0 à 19 ans, contre 10,6 au niveau national. Malgré le suivi de 4 500 enfants par les CAMSP et CMPP en 2020, l'offre reste nettement insuffisante, notamment en instituts médico-éducatifs (IME) et en services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).

L'école inclusive s'impose comme un droit fondamental, pourtant sa mise en oeuvre à La Réunion se heurte à de multiples obstacles. De nombreux parents expriment leur mécontentement, confrontés à des difficultés récurrentes dans l'accompagnement de leur enfant. En tant qu'élus de proximité, nous constatons les écueils du parcours scolaire, souvent chaotique, des élèves en situation de handicap.

Lorsque la MDPH oriente un enfant vers un établissement spécialisé ou un SESSAD, cette orientation s'avère fréquemment inapplicable, faute de place disponible. Dans ces conditions, l'enfant intègre l'enseignement ordinaire, sans bénéficier d'un cadre réellement adapté. Ce constat alimente une demande croissante d'accompagnement humain, les familles attendant avec espoir la mise en place d'IME intégré aux établissements scolaires, comme le prévoit l'ARS.

Sur les 218 000 élèves scolarisés dans l'île, 9 500 relèvent d'un parcours en milieu ordinaire avec compensation, l'AESH constituant l'élément central de cet accompagnement. La croissance des notifications en témoigne : en 2006, 171 droits d'AESH étaient accordés, contre 4 000 en 2024. Malgré cet effort, la réalité de l'école inclusive ne se traduit pas toujours par une expérience positive pour les familles.

L'instruction d'un dossier implique un temps d'attente excessivement long, retardant la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement. Lorsque la notification est finalement accordée, l'orientation cible ne peut pas toujours être suivie, tandis que les quotas horaires attribués pour l'accompagnement par un AESH ne correspondent pas toujours aux besoins évalués par la MDPH.

« L'après 16 ans » constitue un autre point critique. Une coordination insuffisante entre les établissements scolaires et les missions locales entraîne un risque majeur d'isolement pour les jeunes en situation de handicap. Lorsqu'aucun dispositif d'accompagnement spécifique n'est prévu, la charge du suivi repose entièrement sur les familles, qui se retrouvent démunies face à cette transition. L'absence d'un suivi structuré affecte également les enfants instruits à domicile, pour lesquels aucun cadre précis ne permet de garantir un diagnostic complet et un accompagnement adapté.

Le traitement des demandes à la MDPH constitue une autre difficulté majeure. Conscient des retards accumulés, le Département a soutenu financièrement la démarche « Prisme délai », visant à réduire le temps d'instruction. Cette initiative a permis d'optimiser le traitement des dossiers adultes, désormais instruits en trois mois en moyenne.

Cependant, l'engorgement persiste pour les demandes liées à la scolarisation des enfants. La pression sur les services et le volume croissant des demandes nécessitent un réajustement des moyens, afin de garantir un traitement rapide et équitable des dossiers.

Face à ces défis, la responsabilité collective de l'ensemble des acteurs s'impose. L'amélioration des délais de traitement, la coordination renforcée des dispositifs et le suivi post-scolaire doivent constituer des priorités absolues.

Seule une mobilisation conjointe permettra de répondre aux attentes des familles, de garantir un parcours éducatif structuré et d'assurer un accompagnement digne aux enfants en situation de handicap.

C'est ensemble que nous relèverons ce défi.

M. Rostane Mehdi, recteur de l'académie de La Réunion.  - Le handicap réside au coeur des préoccupations de l'académie de La Réunion, dont j'ai pris la direction il y a trois mois. J'ai rapidement perçu l'ampleur des enjeux et la nécessité impérieuse d'une mobilisation forte. Les données illustrent cette réalité : 9 500 élèves en situation de handicap identifiés, soit une augmentation annuelle de 10 % depuis cinq ans. Cette évolution traduit également une meilleure identification des situations, révélant des besoins jusque-là restés dans l'ombre. Si l'engagement de l'académie dans la prise en charge de ces élèves ne fait aucun doute, il convient de reconnaître avec lucidité les marges d'amélioration qui demeurent. Nous avons d'ores et déjà déployé des moyens humains, et nous nous efforçons d'innover en tenant compte des spécificités géographiques et sociales du territoire.

L'accessibilité des infrastructures demeure une question cruciale à La Réunion, où le relief et la dispersion des zones rurales rendent l'organisation des parcours scolaires particulièrement complexe. Mes prédécesseurs ont ainsi opté pour une cartographie des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) permettant aux élèves de suivre l'ensemble de leur scolarité au sein d'un même dispositif.

L'éloignement des services constitue un autre frein à la pleine application de la loi de 2005. Pour y remédier, l'académie déploie 14 coordonnateurs PIAL à temps plein, chargés de faciliter l'accès à l'information et aux services d'accompagnement humain des élèves notifiés par la MDPH. Un personnel spécifique assure également le recensement, la mise à disposition et le suivi du matériel pédagogique adapté dans un délai maximal de 72 heures, garantissant une réactivité appréciable.

Afin d'optimiser la gestion des accompagnements, l'académie a développé des outils numériques de suivi en temps réel. Sous l'autorité du service académique de l'école inclusive, ils assurent une coordination efficace des adaptations nécessaires.

Si ces dispositifs facilitent l'intégration scolaire, ils ne suffisent pas à garantir une école inclusive pleinement fonctionnelle. La fragilité sociale du territoire, caractérisée par des inégalités persistantes, complique encore davantage la situation des élèves en situation de handicap. J'ai rapidement perçu, en prenant mes fonctions, que le handicap tend à aggraver ces vulnérabilités préexistantes. Ainsi, il m'a semblé fondamental de placer la question de l'école inclusive au coeur des priorités pour les années à venir.

Force est de constater que l'organisation actuelle des dispositifs inclusifs souffre d'incohérences manifestes. Des enfants sans besoin avéré d'accompagnement spécialisé occupent des places dans les structures dédiées, tandis que des centaines d'élèves exprimant un réel besoin restent sans solution adaptée et se retrouvent en classe ordinaire, générant des situations de tension dont la fréquence suscite une véritable inquiétude.

Il semble essentiel d'engager une refonte complète du dispositif. Cette démarche concerne en premier lieu le traitement des demandes par l'Éducation nationale et le rectorat, tant pour les premières demandes que pour les renouvellements. Il convient d'évaluer l'adéquation des protocoles existants, vérifier leur mise en oeuvre harmonisée dans l'ensemble des établissements, et examiner la pertinence de la formation des enseignants. Avec Cyrille Melchior, président du Conseil départemental, nous partageons une vision commune sur la nécessité d'améliorer les procédures. Dans cet esprit, je veillerai à ce que nous assumions pleinement notre part de responsabilité dans les dysfonctionnements actuels, en particulier ceux qui entravent la fluidité de la gestion des dossiers et compliquent l'accès aux dispositifs d'accompagnement.

Placer l'école inclusive au coeur des priorités académiques implique des engagements concrets, notamment le renforcement de nos ressources humaines spécialisées. À ce jour, nous disposons de : trois inspecteurs spécialisés sur les questions en lien avec l'école inclusive ; 30 enseignants référents, dont l'action se partage avec les collectivités ; un conseiller technique dédié à cette question auprès de mon cabinet ; un service académique de l'école inclusive ; 300 enseignants spécialisés sur l'ensemble du territoire.

Malgré cet effectif, nous devons accroître le nombre d'enseignants certifiés au titre du certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'école inclusive (CAPPEI). Au-delà de la spécialisation, la formation de l'ensemble du corps enseignant revêt une importance capitale. Les enseignants du cadre ordinaire seront inévitablement confrontés à des situations complexes liées à l'absence de prise en charge adaptée pour certains élèves.

Aujourd'hui, de nombreux établissements font face à des crises d'une intensité préoccupante : violences verbales et physiques, dégradations du matériel scolaire, comportements perturbateurs nécessitant une intervention rapide. Il nous faut ainsi renforcer la formation de la communauté éducative afin qu'elle puisse identifier les signes avant-coureurs d'une crise et adopter les protocoles appropriés pour garantir une prise en charge immédiate. Nous avons engagé une réflexion sur un plan de formation spécifique, qui s'appuiera sur les dispositifs nationaux, mais également sur l'expertise des 300 enseignants spécialisés de l'académie. Ces professionnels constituent une ressource précieuse et compétente, que nous devons mobiliser pleinement.

L'insuffisance des structures dédiées sur notre territoire impose d'engager des projets d'envergure. En partenariat avec l'ARS, nous travaillons à la création d'un IME supplémentaire, indispensable pour accueillir les élèves concernés.

Par ailleurs, nous avons obtenu un soutien significatif de la direction générale de l'enseignement scolaire : 28 nouveaux équivalent temps plein (ETP) d'enseignants spécialisés, 28 éducateurs mis à disposition par l'ARS, un budget de 7,9 millions d'euros consacré par l'ARS à l'école inclusive, 10 ETP supplémentaires financés par l'académie, malgré un contexte budgétaire contraint.

Ainsi, l'académie se mobilise, tout en assumant sa part de responsabilité en cas de dysfonctionnement. Une collaboration étroite avec les collectivités, en particulier avec le Département, nous permet d'adopter une vision stratégique de long terme sur ces sujets prioritaires.

M. Déva Radakichenin, directeur de la MDPH.  - Le handicap représente un enjeu majeur de notre territoire et concerne toutes les générations, des nouveau-nés aux personnes vieillissantes.

La MDPH de La Réunion figure parmi les plus sollicitées au rang national, avec 27 000 dossiers déposés chaque année, soit une nouvelle demande toutes les quatre minutes. Concernant la scolarisation des jeunes en situation de handicap, la MDPH enregistre un nouveau dossier toutes les quinze minutes.

Depuis sa création en janvier 2006, la MDPH a traversé quatre cycles quinquennaux, chacun reflétant des évolutions notables dans les attentes des personnes en situation de handicap. Après de premières années marquées par une montée progressive de la demande, de nouvelles pressions se sont exercées sur l'activité de compensation du handicap à partir de 2021, modifiant profondément le paysage de l'accompagnement des personnes concernées.

Parmi les évolutions récentes, deux tendances se dessinent : une hausse significative des demandes des seniors, notamment au-delà de 50 ans, ainsi qu'une explosion des demandes chez les jeunes, avec une progression de 70 % depuis 2010. L'ampleur de ces dynamiques se traduit par une évolution sans précédent du nombre de bénéficiaires. À l'horizon 2025, la population reconnue en situation de handicap aura triplé par rapport à 2005, passant de 25 000 à plus de 75 000 personnes. Cette croissance touche toutes les tranches d'âge, y compris les plus de 60 ans, qui formulent des besoins accrus en matière de compensation afin de préserver leur autonomie. Par ailleurs, chaque année, 12 % des nouveaux bénéficiaires sont inconnus des services de compensation. Ce flux constant témoigne d'une évolution structurelle du champ du handicap, qui impose une adaptation continue des dispositifs d'accompagnement.

Face à cette réalité, la MDPH a démontré sa capacité à ajuster ses modes d'intervention aux spécificités du territoire. Cependant, plusieurs défis persistent : la pression exercée par l'afflux des demandes, l'inadéquation entre les ressources disponibles et les objectifs fixés, ainsi que la nécessité de contenir l'allongement des délais d'instruction.

Je partage également l'analyse de Sabrina Tionohoué : la MDPH évolue dans un écosystème contraint, au carrefour d'une chaîne d'actions et de responsabilités, sans pour autant disposer d'un levier direct sur l'effectivité des droits. En amont des dispositifs d'accompagnement, elle se voit confier une mission essentielle d'information et de formation, afin de garantir l'accessibilité des démarches pour les usagers.

L'évolution de nos missions s'est structurée autour d'étapes déterminantes, directement issues des stratégies nationales. Je m'attacherai ici à exposer quelques éléments clés qui ont contribué à renforcer la qualité de service, ambition au coeur de notre projet institutionnel.

Le premier jalon repose sur l'instauration du référentiel des missions de qualité de service, élaboré à l'échelle nationale. Il aura fallu attendre dix ans après la promulgation de la loi de 2005 pour que chaque mission des MDPH, inscrite dans le code de l'action sociale et des familles, soit précisément définie en matière d'objectifs, d'attendus et d'indicateurs qualitatifs mesurables. Ce travail substantiel a été porté par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Un autre chantier d'envergure a concerné l'évolution du système d'information des MDPH. Depuis cinq ans, l'ensemble des structures s'appuie sur un dispositif harmonisé, garantissant un accès équitable aux droits sur l'ensemble du territoire national. Ce système, conçu et validé sur le plan national, assure une uniformisation des procédures. La MDPH de La Réunion s'est pleinement inscrite dans cette dynamique et applique ces nouvelles modalités depuis leur mise en place.

Par ailleurs, la feuille de route MDPH 2022, proposée par l'État, a impulsé un changement de pratiques dans l'ensemble des départements, en articulant des chantiers prioritaires adaptés aux réalités locales. À La Réunion, cette feuille de route a mis en exergue deux enjeux fondamentaux : la qualité d'accueil et d'accompagnement des usagers et de leurs aidants, ainsi que la réduction des délais de traitement, question particulièrement sensible sur notre territoire.

L'impact de ces évolutions se mesure notamment au travers de l'enquête annuelle de satisfaction des usagers, mise en place pour recueillir leurs retours et ajuster nos pratiques en conséquence. Depuis l'instauration de ce dispositif, nous avons fait le choix de maximiser la participation du public. En 2024, avec 3 500 réponses recensées, La Réunion se positionne parmi les huit départements de France affichant le taux de réponse le plus élevé.

Les résultats de cette enquête, disponibles sur le site de la CNSA, indiquent clairement que l'accueil, l'écoute, l'information et le conseil obtiennent une évaluation moyenne de 80 sur 100, traduisant une reconnaissance des efforts engagés. En revanche, la question des délais de traitement suscite une insatisfaction majoritaire, témoignant d'un constat que nous partageons pleinement.

Face à ce défi, la commission exécutive de la MDPH a pris la décision d'entreprendre une opération spécifique visant à enrayer l'allongement des délais de traitement, accompagnée par un soutien financier du Département. À titre d'illustration, en janvier 2024, nous avions statué sur près de 3 000 situations et enregistré un délai de traitement moyen de 6,3 mois pour l'ensemble des demandes. Un an plus tard, à l'issue d'un travail rigoureux d'optimisation et de rationalisation de nos processus, le délai moyen de traitement s'établit désormais à 3,7 mois. Cette évolution illustre, de manière tangible, l'impact positif d'un engagement collectif, porté par la confiance et le soutien des membres fondateurs de la MDPH, pour proposer des réponses structurantes sur le territoire.

Toutefois, une lecture affinée de ces données met en lumière une réalité contrastée. Pour les adultes, les délais de traitement se révèlent aujourd'hui très satisfaisants. Sabrina Tionohoué l'a souligné avec justesse : pour les personnes de plus de 20 ans, le traitement des dossiers s'effectue désormais en 3 mois en moyenne, réduisant même à moins de 2,5 mois pour les plus de 60 ans. En revanche, les demandes concernant les jeunes, en particulier celles liées à la scolarisation, connaissent encore des délais préoccupants. En 2024, le traitement des dossiers scolaires a atteint près de 8 mois, soit le double du délai légal de 4 mois. Il convient désormais de mobiliser les ressources nécessaires pour garantir des évaluations de qualité et structurer des parcours adaptés aux besoins spécifiques de ces jeunes.

Cette problématique s'inscrit dans le cadre plus large du parcours médico-social, évoqué avec pertinence par Rostane Mehdi. Environ 15 % des bénéficiaires, enfants et adultes confondus, se situent à un niveau élevé de perte d'autonomie et nécessitent, en conséquence, un accompagnement médico-social en service ou en établissement. Or, l'équation réunionnaise se révèle préoccupante : le territoire dispose d'environ 5 300 places médico-sociales, toutes catégories confondues, tandis que la MDPH enregistre 11 000 personnes orientées vers ces structures. Ce déséquilibre structurel pèse sur l'ensemble du parcours de vie des bénéficiaires, tant au sein du système scolaire qu'au moment de l'insertion professionnelle. Il conduit, par manque de solutions adaptées, à des parcours contraints, fondés sur des choix par défaut, éloignés des orientations qui répondraient pleinement aux besoins des personnes concernées.

Le déficit d'offres, en particulier dans les IME et les SESSAD, perturbe profondément les parcours des jeunes concernés. Ceux dont la nature du handicap et les conséquences sur leur quotidien devraient les orienter vers un accompagnement médico-social spécialisé se retrouvent, par défaut, maintenus en milieu ordinaire. Ce réajustement contraint engendre des parcours chaotiques, marqués par des ruptures et des adaptations précaires. Ce déséquilibre se traduit également par une sollicitation accrue des aides humaines, ces jeunes nécessitant souvent un accompagnement renforcé pour être maintenus en classe ordinaire.

Concernant la connaissance du territoire, il convient de rappeler que la MDPH de La Réunion a été, en 2011, la première de France à entreprendre une estimation populationnelle du handicap à l'échelle départementale. Cette mission d'observatoire, développée depuis plusieurs années, permet aujourd'hui une cartographie précise de l'ensemble des bénéficiaires d'un droit actif. Nous disposons de données détaillées sur les types de déficiences, et sommes en mesure de caractériser cette population avec une finesse statistique croissante. Un travail est en cours, nécessitant validation et consolidation, afin d'intégrer des dimensions supplémentaires telles que le mode de vie, le type d'hébergement et les ressources des personnes concernées. Cet approfondissement repose sur l'exploitation du système d'information harmonisé, qui enrichit considérablement la connaissance des publics en situation de handicap.

Toutefois, ce progrès se heurte à une limite persistante : l'absence de flux entrants de données. En effet, si l'interopérabilité a permis de créer des connexions sortantes avec des institutions comme la CAF, Pôle emploi ou encore le système national de gestion des identifiants (SNGI), aucun retour en temps réel ne permet de mesurer l'effectivité des droits ouverts par la MDPH. Combien d'enfants disposent réellement d'un accompagnement éducatif effectif après une orientation vers une aide humaine ? Combien d'allocataires perçoivent concrètement leur prestation, après validation administrative ? Combien de personnes reconnues en qualité de travailleurs handicapés ont pu accéder à un emploi ? En l'absence de données consolidées en retour, ces interrogations demeurent sans réponse précise.

Aucune école inclusive ne peut fonctionner sans un maillage efficace avec la MDPH, qui constitue le pivot de la reconnaissance du handicap et de l'organisation des dispositifs d'accompagnement. Or, l'une des principales problématiques réside dans le nombre croissant de dossiers déposés pour des difficultés scolaires isolées, sans qu'un véritable travail préalable d'adaptation pédagogique ait été mis en place. Avant toute saisine de la MDPH, une analyse approfondie s'impose : la compensation par le handicap constitue-t-elle réellement la réponse la plus appropriée ?

Par ailleurs, la difficulté du diagnostic précoce représente un autre enjeu majeur. Certaines situations font apparaître des difficultés évidentes dans le parcours scolaire, dans l'insertion sociale ou professionnelle, mais l'absence de diagnostic formel empêche d'objectiver la reconnaissance du handicap et d'en mesurer les impacts concrets.

Enfin, les évolutions des déficiences déclarées sur les cinq dernières années font état de résultats édifiants : les troubles du langage et de la parole enregistrent une hausse de 100 %, représentant aujourd'hui la catégorie en plus forte progression parmi les jeunes reconnus par la MDPH ; les troubles psychiques connaissent également une augmentation de près de 40 %.

À cet égard, il convient de souligner que la MDPH dispose des ressources statistiques permettant d'éclairer les politiques publiques dans la construction d'une réponse adaptée aux besoins spécifiques de La Réunion.

M. Akli Mellouli, rapporteur. - Je tiens à saluer l'engagement de La Réunion qui se distingue par des avancées notables en matière d'accès aux soins, surpassant certaines régions métropolitaines. Nous ne pouvons qu'espérer que notre rapport sur la politique du handicap outre-mer suscite des vocations dans d'autres territoires.

Toutefois, aucune donnée précise ne permet d'évaluer l'accessibilité réelle du Pass Loisirs et du Pass Transport ni d'identifier les obstacles éventuels à leur utilisation. De même, le handisport souffre d'un manque de suivi sur l'offre disponible et le nombre de bénéficiaires.

Par ailleurs, quels sont les dispositifs mis en place sur l'accès des étudiants en situation de handicap aux études universitaires, tant sur l'île que dans l'Hexagone ?

M. Rostane Mehdi.  - Actuellement, nous ne disposons pas de statistiques sur la question de l'accès des étudiants en situation de handicap à l'université à La Réunion ou dans l'Hexagone. Cette lacune mobilise toute notre attention.

Concernant le sport, l'analyse des licences parasportives s'avère complexe en raison de l'affiliation des clubs à deux fédérations distinctes : la Fédération française handisport (FFH), dédiée aux personnes atteintes de handicaps moteurs, visuels ou de troubles du spectre autistique, et la Fédération française de sport adapté (FFSA), destinée aux personnes présentant un handicap mental ou psychique.

Cependant, ces structures ne sont pas les seules à accueillir des pratiquants en situation de handicap. À ce jour, 26 fédérations sportives délégataires intègrent des disciplines parasportives à La Réunion. Actuellement, 25 associations sportives réunionnaises sont affiliées à la FFH et à la FFSA. Les chiffres disponibles, issus du diagnostic territorial de la Conférence régionale du sport (CRdS), supervisée par la DRAJES, font état de 528 licenciés en situation de handicap sur l'île : 305 sous la FFH et 223 sous la FFSA, soit une moyenne de 21 licenciés par club, contre 27 dans l'Hexagone.

La CRdS a fait de l'inclusion des personnes en situation de handicap une priorité stratégique, mettant en évidence un retard important en matière d'accessibilité des équipements sportifs.

Mme Aurélie Nativel, directrice de l'autonomie au pôle des solidarités du Conseil départemental de La Réunion.  - Le Pass Loisirs, mis en place en 2007, permet aux bénéficiaires d'accéder à une offre variée, incluant des activités de bien-être et de tourisme du quotidien. Ce programme dénombre 463 organismes actuellement affiliés avec un taux de consommation qui avoisine 80 %, témoignant ainsi d'un succès constant. De plus, le nombre d'offres affiliées continue de croître, ce qui renforce son attractivité.

Depuis 2010, le Pass Transport repose exclusivement sur un service de taxi à la demande, venant compléter l'offre de transport en commun mise en place par les autorités organisatrices de transport. Son taux de consommation demeure inférieur, atteignant 60 %, ce qui souligne un potentiel d'amélioration, notamment en matière d'accessibilité des véhicules adaptés. Par ailleurs, les critères d'éligibilité du Pass Transport n'incluent pas les ressources financières des demandeurs, garantissant ainsi un accès plus vaste que le Pass Loisirs, basé sur l'allocation adultes handicapés (AAH).

Enfin, il convient de souligner que ces dispositifs représentent un engagement financier significatif du Département, avec une enveloppe annuelle d'environ 6 millions d'euros.

Mme Audrey Bélim, rapporteure. - Je vous remercie pour vos présentations sincères et détaillées, qui permettent d'établir un diagnostic clair sur la question du handicap dans nos territoires. Ce sujet, lourd et profondément émouvant, mérite une analyse approfondie.

Vous avez souligné des délais préoccupants. Pourriez-vous détailler le processus depuis l'instruction du dossier jusqu'à l'accompagnement ? Quel effectif idéal permettrait d'améliorer cette prise en charge ? Le numérique (visioconférences, automatisation) pourrait-il accélérer l'instruction ? Disposez-vous de références nationales pour situer nos délais et identifier des pratiques à mutualiser avec d'autres territoires ?

Par ailleurs, le statut des AESH repose-t-il exclusivement sur le volontariat des enseignants ou existe-t-il des mécanismes d'affectation en cas de besoin non pourvu ?

Enfin, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), bien que mobilisés, ne disposent pas de la formation nécessaire pour assurer l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Comment renforcer la coordination avec les mairies, afin d'éviter une prise en charge inadaptée ?

Mme Annick Petrus, rapporteure. - Merci à nos invités pour ces explications éclairantes. Mes questions sont les suivantes : quel est le délai moyen d'attente pour une prise en charge en CAMSP dans nos territoires ultramarins ?

Face à la dématérialisation croissante des services publics, les outils numériques et plateformes administratives sont-ils suffisamment accessibles aux personnes en situation de handicap à La Réunion ?

Mme Sabrina Tionohoué.  - Permettez-moi de revenir un instant sur la pratique du handisport. L'intervention départementale couvre l'ensemble des niveaux de la pratique sportive, y compris les associations dédiées au handisport et au sport adapté. En 2024, 52 associations et le comité régional handisport ont bénéficié d'un soutien départemental de 120 000 euros pour leur fonctionnement et l'organisation de leurs activités en faveur des personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, quatre athlètes handisports ont obtenu une aide financière via le dispositif « Prime Jeux paralympiques de Paris 2024 » et l'aide à la mobilité des sportifs de haut niveau, pour un montant total de 24 000 euros.

Plus généralement, la pratique du handisport demeure limitée, notamment en raison du manque d'infrastructures accessibles, de matériel adapté et d'encadrement spécialisé. Le taux d'inactivité sportive des personnes en situation de handicap atteint 34 %, contre 20 % dans la population générale.

Le projet sportif territorial de la CRdS (2024-2029) prévoit les actions suivantes : la mise en accessibilité des équipements sportifs prioritaires ; l'organisation de temps d'échange et de partage d'expérience pour faire émerger des collaborations ; le soutien aux collectivités sur les dispositifs d'aides à la mobilité, notamment la mise à disposition de véhicules adaptés ; le développement d'un réseau de clubs inclusifs.

Mme Nathalie Anoumby, directrice générale adjointe des services du Conseil départemental de La Réunion, responsable du pôle des solidarités. - La prise en charge des jeunes enfants en situation de handicap relève principalement des CAMSP, dispositifs pilotés par l'ARS, avec une complémentarité assurée par le département via la protection maternelle et infantile (PMI). Toutefois, le manque de visibilité sur les délais d'attente rend difficile une évaluation précise de l'accessibilité à ces structures.

Les besoins de prise en charge apparaissent particulièrement marqués, notamment au sein de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Environ 10 % des enfants accompagnés ne bénéficient pas d'un accueil adapté à leur handicap et sont orientés par défaut vers des assistantes familiales, qui assurent leur prise en charge sans disposer de toutes les ressources nécessaires. Le Département intervient en leur attribuant des indemnités de sujétion, mais cette réponse demeure insuffisante pour garantir un accompagnement pleinement adapté.

Ces constats mettent en lumière la nécessité d'une meilleure articulation entre l'ASE, les CAMSP et les structures médico-sociales afin d'orienter plus efficacement les enfants concernés vers des dispositifs spécialisés et d'éviter des parcours inadaptés.

M. Rostane Mehdi.  - De notre côté, l'amélioration de la gestion des flux constitue une priorité. L'enjeu consiste à garantir que les dossiers transmis à la MDPH soient correctement instruits dès leur dépôt, afin d'éviter un gaspillage de ressources dans la correction de dossiers mal renseignés ou incomplets. Cet axe de travail concentre une partie substantielle de nos efforts.

Sur la question du volontariat des enseignants, il convient de préciser que la mise à disposition de la MDPH repose exclusivement sur une démarche volontaire. Aucune contrainte ne peut être imposée aux enseignants concernés. Afin d'élargir ce vivier, nous relancerons un appel à candidatures avant le mouvement du premier degré. Concernant les AESH, nous comptons actuellement 3 000 accompagnants, soit 12 à 13 % de la masse salariale académique.

Enfin, un chantier visant à intégrer des outils numériques et l'intelligence artificielle a été lancé afin de mieux accompagner les élèves souffrant de troubles dyslexiques ou dyscalculiques. Une équipe dédiée supervise cette initiative, dont nous attendons des résultats prometteurs.

M. Déva Radakichenin.  - Pour les familles, le délai de traitement s'étend bien au-delà des chiffres annoncés, celui-ci incluant l'ensemble des échanges inter-institutionnels.

Un enjeu essentiel réside dans la première étape de la démarche auprès de la MDPH, notamment l'accompagnement et la préparation des demandes. Il apparaît nécessaire de renforcer la formation des accompagnateurs, afin de garantir des conseils plus pertinents et d'éviter des demandes incomplètes ou inadaptées. Trop souvent, des demandes d'aide humaine sont déposées sans même avoir été signalées à l'école, révélant des parcours administratifs erratiques qui génèrent confusion et frustration.

La réduction des délais de traitement demeure une priorité absolue, en particulier pour les enfants, afin d'éviter qu'une attente de huit mois ne se traduise par une année scolaire perdue. Il arrive même qu'après une attente prolongée, la demande soit rejetée pour non-conformité aux critères du handicap.

Malgré la pression sur les dossiers jeunes, nous appliquons un principe de priorité pour traiter en urgence les cas les plus critiques, notamment : les enfants non scolarisés ou en scolarisation partielle ; les jeunes présentant des troubles du comportement impactant leur vie sociale et relationnelle ; les enfants en première scolarisation nécessitant un accompagnement spécifique.

L'évolution des pôles d'appui à la scolarité (PAS) qui remplaceront les PIAL, l'intégration d'éducateurs spécialisés et le repositionnement du rôle du médico-social dans le système scolaire constituent des avancées prometteuses, bien que leur pleine mise en oeuvre nécessite vraisemblablement deux années d'ajustements. Dans cet intervalle, nous devons garantir une réponse rapide et efficace aux besoins identifiés.

Nous constatons une augmentation des demandes d'aide humaine en maternelle, en raison de la difficulté des ATSEM à accompagner certains enfants. Un travail spécifique doit être engagé pour renforcer leurs compétences et leur permettre d'assurer un premier niveau d'accompagnement facilitant la scolarisation. La prise en charge des diagnostics chez les jeunes et très jeunes souffre de délais d'attente excessifs, un problème structurel sur notre territoire.

Toutefois, en matière d'accès aux soins, La Réunion conserve une situation relativement plus favorable que d'autres régions de l'Hexagone, comme l'a souligné l'enquête Handifaction réalisée dans le cadre de la Charte Romain Jacob.

Mme Viviane Malet. - Je vous remercie pour vos exposés si pertinents. Vos propos mettent en lumière un enjeu majeur : l'insuffisance de logements adaptés pour les personnes en situation de handicap et leurs aidants, dans un contexte où l'accès au logement représente déjà un défi à La Réunion.

Serait-il opportun d'affecter un quota de logements adaptés via la ligne budgétaire unique (LBU) et d'instaurer une gestion partiellement décentralisée en partenariat avec le Département ?

Mme Jocelyne Guidez. - Je tiens tout d'abord à saluer vos initiatives à l'attention des aidants.

Une réflexion s'impose quant à la complexité de la demande auprès de la MDPH qui représente un véritable parcours du combattant. Il convient de rendre cette procédure résolument plus accessible et moins éprouvante.

Par ailleurs, le coût des bilans médicaux, souvent indispensables avant toute démarche auprès de la MDPH constitue un frein considérable pour de nombreuses familles.

Enfin, tous les enfants en situation de handicap peuvent-ils être scolarisés en milieu ordinaire dans de bonnes conditions ? Le manque de formation des enseignants et des AESH, ainsi que l'insuffisance des places en IME, créent des situations où certains enfants se retrouvent en milieu scolaire inadapté, tandis que d'autres, qui pourraient être inclus en classe ordinaire, sont orientés vers des structures spécialisées par manque d'accompagnement et, parfois, d'écoute des parents, pourtant en première ligne.

Finalement, de quel handicap parlons-nous, et jusqu'où peut-on aller dans l'intégration du handicap ?

M. Jean-Gérard Paumier. - Une école véritablement inclusive implique des moyens accrus, comme l'illustre une expérimentation menée actuellement en Eure-et-Loir sur le renforcement de l'accompagnement éducatif par des éducateurs spécialisés, en soutien aux enseignants et AESH dont le rôle ne couvre pas les besoins spécifiques aux différents handicaps.

À cet égard, je salue particulièrement l'approche ultramarine, lucide et courageuse, qui met en lumière la nécessité d'une réponse adaptée à chaque forme de handicap.

Mme Micheline Jacques, président. - Madame la déléguée au Conseil départemental, avez-vous évalué le coût nécessaire à la mise en place des infrastructures permettant une prise en charge complète des personnes en situation de handicap, notamment dans le milieu scolaire ?

Monsieur le recteur, vous avez évoqué la cartographie. Aujourd'hui, le travail en silo demeure prépondérant et la diversité des handicaps dans les zones rurales complique l'ouverture de classes spécialisées. Certaines familles refusent également l'éloignement de leur enfant, ce qui crée des ruptures. Avez-vous envisagé des dispositifs innovants pour répondre à ces défis ? Que pensez-vous de l'inclusion du personnel médico-social dans les établissements scolaires, notamment orthophonistes et ergothérapeutes ? Quelles adaptations législatives vous semblent-elles nécessaires pour lever certains freins et améliorer la prise en charge ?

Monsieur le directeur de la MDPH, une audition sur les étudiants hexagonaux en situation de handicap a révélé des difficultés dans le transfert des dossiers entre MDPH, avec parfois des variations de droits selon les territoires. Comment assurez-vous le suivi des étudiants ultramarins ?

Mme Sabrina Tionohoué.  - Concernant l'évaluation des coûts liés aux infrastructures, notre stratégie d'hébergement départementale s'élève à plus de 30 millions d'euros par an. Toutefois, nous sommes conscients que ce budget ne suffira pas à couvrir l'ensemble des ambitions que nous portons pour la création de nouvelles places et infrastructures.

Mme Nathalie Anoumby. - Le Département de La Réunion prévoit la création de 800 à 1 000 places sur une période quinquennale, avec ce budget initial de 30 millions d'euros. Lors de la signature de la convention « Khattabi », le Département et l'ARS ont décidé de mettre l'accent sur les amendements « Creton », visant à réorienter le public dans des structures inadaptées. Une dotation de 5 millions d'euros de l'ARS et un engagement gouvernemental de 10 millions d'euros ont été annoncés pour soutenir cet effort.

Cependant, l'attractivité des métiers médico-sociaux et la formation des professionnels constituent des défis majeurs, tandis que le besoin évalué par les services spécialisés s'avère presque deux fois supérieur aux estimations initiales, avoisinant 1 000 places supplémentaires. Si l'on applique cette projection aux coûts départementaux déjà estimés à 30 millions d'euros, il faudrait prévoir un budget oscillant entre 70 et 100 millions d'euros pour répondre aux besoins réels.

Enfin, en raison du manque d'établissements spécialisés, le Département s'appuie largement sur les accueillants familiaux, dont le financement repose exclusivement sur les ressources départementales. Une intégration de ce coût permettrait d'affiner l'évaluation budgétaire globale.

Mme Aurélie Nativel.  - L'offre actuelle s'élève à 1 500 places pour un coût de près de 80 millions d'euros. Face à une demande croissante, le Département doit renforcer l'offre médico-sociale institutionnelle, aujourd'hui insuffisante, tout en développant des services inclusifs et des dispositifs de proximité.

Cette double approche représente une contrainte financière et organisationnelle, mais également une opportunité d'innovation. L'absence de recours à des départements limitrophes impose de structurer une prise en charge locale, adaptée aux spécificités géographiques et aux ressources limitées du territoire.

Mme Nathalie Anoumby. - Un enjeu majeur réside également dans la disponibilité foncière pour la construction d'établissements sociaux et médico-sociaux. Le département de La Réunion met à disposition des terrains pour les opérateurs retenus et collabore étroitement avec les municipalités disposant de foncier. Cette stratégie facilite la mise en oeuvre des politiques publiques et constitue un levier essentiel pour répondre aux besoins croissants du territoire.

Mme Micheline Jacques, président. - Ces échanges passionnants illustrent l'engagement de La Réunion dans la prise en charge du handicap. Afin de poursuivre cette réflexion, je vous saurais gré de nous transmettre vos contributions écrites en réponse aux différentes questions soulevées, en vue d'enrichir nos travaux, consacrés à formuler des recommandations concrètes pour améliorer l'accompagnement des personnes en situation de handicap en outre-mer.

Tables rondes sur la politique du handicap à La Réunion - les représentants d'associations

Mme Micheline Jacques, président. - Chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur la politique du handicap outre-mer, avec notre seconde séquence réunissant plusieurs représentantes d'associations. Nous accueillons ainsi : Claude Brard, présidente de l'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) de La Réunion ; Camille Coulombel, fondatrice de l'association La Réunion Pour Tous ; Danielle Payet, présidente de l'Association départementale de parents et d'amis des personnes handicapées mentales (Adapei) de La Réunion, accompagnée de Pauline Levy, directrice générale ; Francette Tsiaranga, présidente de l'association pour la reconnaissance du droit à la différence (APRDD) consacrée à l'autisme et autres troubles.

Comme pour vos prédécesseurs, nous vous avons adressé, Mesdames, un questionnaire pour préparer votre propos liminaire.

À la suite de vos présentations respectives, nos rapporteurs vous interrogeront, suivis des autres membres de la délégation.

Mme Claude Brard, présidente de l'APAJH. - Concernant la question des données statistiques sur le handicap à La Réunion, il convient de souligner le travail remarquable de la MDPH en matière de typologies et d'accès aux droits. Cependant, un manque de suivi persiste après la notification des décisions : de nombreuses personnes, faute de prise en charge rapide, deviennent invisibles.

La perception du handicap à La Réunion se distingue par une intégration sociale forte, reflet de l'histoire et de la culture locale. Toutefois, les institutions demeurent cloisonnées, enfermant les bénéficiaires dans des circuits administratifs rigides, sans prise en compte d'un accès prioritaire aux dispositifs de droit commun. Cette rigidité freine l'inclusion et limite la participation citoyenne des personnes en situation de handicap.

Concernant les instances consultatives, l'APAJH, à l'instar d'autres acteurs institutionnels, a développé des dispositifs tels que les conseils à la vie sociale et le comité local d'éthique favorisant l'expression des personnes accompagnées et de leurs familles. Néanmoins, la participation au sein de la société civile demeure insuffisante, entravée par des obstacles logistiques (accès, documents inadaptés, absence d'invitations claires). Par ailleurs, l'idée que seuls des représentants du handicap concerné peuvent défendre leur cause crée des clivages et limite la représentation.

Sur le plan de l'innovation, La Réunion fait preuve d'une indéniable créativité. Notre dispositif DETAK, destiné à prévenir les ré-hospitalisations, a prouvé son efficacité, tout comme l'habitat accompagné, représentant une alternative intéressante à l'institutionnalisation. Une résidence « la Canopée », située à Saint-André, accueille plusieurs personnes en situation de handicap pouvant à tout moment avoir accès aux services d'un éducateur spécialisé ou d'un veilleur de nuit. À cet effet, nous travaillons main dans la main avec les bailleurs sociaux. Cependant, les projets conservent souvent un caractère expérimental et demeurent inégalement répartis sur le territoire.

Le foncier constitue un enjeu majeur. Si le Département met à disposition des terrains, les cahiers des charges imposés favorisent des infrastructures lourdes, inadaptées aux besoins actuels. Une approche plus souple, adaptée aux réalités locales, permettrait d'innover tout en optimisant les ressources.

Par ailleurs, la scolarisation des enfants en situation de handicap se révèle chaotique, créant des tensions et violences que l'Éducation nationale ne saurait ignorer. La mutualisation des AESH réduit l'efficacité des accompagnements, aggravant les difficultés des élèves et des enseignants.

Enfin, l'attractivité des métiers du médico-social et de l'éducation représente un enjeu critique. Le territoire réunionnais souffre déjà d'un déficit de professionnels et peine à recruter. Face à un taux de chômage élevé, une meilleure articulation entre formation et besoins du secteur s'impose pour assurer une prise en charge de qualité à long terme.

Mme Camille Coulombel, fondatrice de l'association La Réunion Pour Tous. - L'accès aux loisirs pour les personnes en situation de handicap sur le territoire réunionnais repose sur un tissu associatif actif et des initiatives d'inclusion croissante. Certaines associations spécialisées proposent des activités spécifiques, tandis que d'autres favorisent une intégration au sein de groupes mixtes, renforçant ainsi l'inclusion sociale. Plusieurs expérimentations émergent dans ce cadre, notamment DI & Sport, Autisme et Sports, La Case Oxygène, ou encore la plateforme Répit Est, facilitant l'accès aux loisirs pour les familles.

Ces dispositifs démontrent un impact positif sur l'épanouissement, l'autodétermination et la santé des bénéficiaires. Cependant, les familles doivent naviguer dans un maquis administratif complexe, rendant l'accompagnement à l'accès au droit commun essentiel.

Concernant la pratique du handisport, les Jeux olympiques et paralympiques ont contribué à sensibiliser le public et à promouvoir la diversité des disciplines accessibles. Toutefois, l'information relative aux associations et clubs disponibles reste perfectible.

Enfin, l'accès aux loisirs pose l'enjeu fondamental de la mobilité des personnes en situation de handicap.

Mme Danielle Payet, présidente de l'Adapei. - L'analyse des notifications MDPH met en lumière une non-effectivité préoccupante des droits. Ainsi, 56 % des personnes orientées en maisons d'accueil spécialisées (MAS) ne trouvent pas de place, tandis que 52 % des adultes en situation de handicap se voient refuser l'accès aux établissements adaptés faute de disponibilité. Ce phénomène se traduit par des parcours de vie désorganisés et des solutions de fortune qui ne répondent pas aux besoins réels des personnes concernées.

Si La Réunion bénéficie d'un « vivre ensemble » inclusif et bienveillant, l'acceptation sociale ne se traduit pas toujours par des pratiques institutionnelles adaptées, comme en témoignent les difficultés d'intégration scolaire. Le harcèlement des élèves en situation de handicap constitue encore une réalité préoccupante, soulignant la nécessité d'une sensibilisation accrue au sein des établissements scolaires et des espaces publics.

Par ailleurs, l'organisation actuelle des structures d'accueil et d'accompagnement repose sur un système rigide où chaque individu est assigné à une « case » déterminée, sans solution transversale.

Notre association propose des dispositifs innovants, tels que les accompagnements « hors les murs », qui permettent aux personnes en situation de handicap d'accéder aux services du droit commun avec un encadrement adapté. Cependant, ces expérimentations souffrent d'un manque de pérennisation financière, malgré une efficacité démontrée depuis deux ans. Ce climat d'incertitude pèse sur les familles, qui ne savent pas si les solutions mises en place pour leurs enfants seront maintenues d'une année sur l'autre.

Parallèlement aux efforts axés sur l'amélioration de l'accessibilité physique, notamment le Pass Transport, il convient de souligner le faible développement de l'accessibilité cognitive. Peu de documents administratifs sont disponibles en facile à lire et à comprendre (FALC), ce qui limite l'autonomie des personnes en situation de handicap intellectuel dans l'accès aux services publics. Si les établissements médico-sociaux se mobilisent en ce sens, les administrations et collectivités disposent encore d'une réelle marge de progression avant de garantir une véritable inclusion.

Par ailleurs, chaque rentrée scolaire met en évidence les difficultés d'intégration des élèves en situation de handicap, renforçant le sentiment d'isolement des familles. Or, l'inclusion ne se limite pas à l'accès aux services : elle exige la participation active des personnes concernées aux instances. Si les conseils de la vie sociale offrent un espace d'expression aux personnes accompagnées, leur représentation demeure absente des principales instances de concertation et d'élaboration des politiques publiques.

Enfin, l'inclusion des parents aux discussions sur le handicap apparaît indispensable afin de mieux répondre aux attentes et aux réalités qu'ils rencontrent.

Mme Francette Tsiaranga, présidente de l'APRDD. - Mon association, dédiée aux parents, agit au plus près du terrain et connaît la réalité des difficultés rencontrées. Le constat est sans équivoque : un travail d'envergure reste à accomplir. Cependant, en unissant nos efforts, je suis convaincue que nous y parviendrons.

L'école constitue une priorité. Forte de mon expérience d'AESH depuis plus de quinze ans, j'observe quotidiennement la souffrance d'élèves nécessitant un accompagnement, et le désarroi des familles. L'implication des parents s'avère essentielle dans les décisions, car ils apportent une vision intime et précieuse des besoins de leurs enfants. Leur participation aux réunions de concertation permettrait de faire entendre leurs attentes et de participer aux solutions.

Mère d'un enfant autiste, désormais adulte, je constate que les difficultés persistent au fil des années. La Réunion, en raison de ses infrastructures limitées, doit bénéficier d'une attention renforcée. Si l'accès aux loisirs s'améliore, l'intégration professionnelle des personnes en situation de handicap demeure un défi majeur. De nombreuses entreprises hésitent encore à les recruter, par crainte d'un manque de rentabilité ou d'une adaptation trop complexe.

Mon fils, âgé de 24 ans, se prépare à intégrer le marché du travail. Quels dispositifs pourraient faciliter son insertion ? Il convient impérativement de sensibiliser les entreprises afin de lever les freins à l'embauche.

Mme Audrey Bélimn, rapporteure. - Comment l'amendement « Creton » est-il vécu sur le territoire ? Il s'agit d'un sujet sensible, qu'il me semble crucial d'aborder ensemble.

J'aimerais également recueillir le point de vue des AESH qui, à La Réunion comme ailleurs, doivent accompagner plusieurs enfants, réduisant ainsi le nombre d'heures attribuées à chaque élève. Comment l'enfant perçoit-il cette situation ?

Enfin, si une intervention législative était envisageable, quel point jugeriez-vous prioritaire ?

Mme Claude Brard. - L'amendement « Creton » soulève des enjeux majeurs à La Réunion, tant pour les jeunes adultes concernés que pour leurs familles et les établissements médico-sociaux. D'un point de vue individuel, il est difficile pour une personne de près de 30 ans d'évoluer dans un établissement conçu pour des enfants. Les activités et le cadre ne sont pas adaptés à son âge, et progressivement, le temps d'accompagnement se réduit. Sous la pression des structures médico-sociales, les familles doivent souvent prendre le relais, réorganisant leur quotidien et, bien souvent, leur vie professionnelle. Cette contrainte pèse d'autant plus lourdement dans un contexte où de nombreuses familles sont monoparentales, avec un aidant principal - souvent une mère - assumant seul cette charge.

Un autre phénomène préoccupant réside dans l'accumulation des responsabilités pour ces aidants, notamment lorsqu'ils doivent également s'occuper de parents vieillissants en perte d'autonomie. Cette double charge génère une détresse profonde et met en évidence l'urgence de solutions adaptées.

Les établissements médico-sociaux font également face à des dilemmes éthiques majeurs. Tant que de jeunes adultes en amendement « Creton » occupent des places, l'accès des enfants à une éducation précoce est limité, générant des tensions avec l'Éducation nationale. Ces enfants, faute de solution adaptée, restent dans des structures ordinaires qui ne peuvent répondre pleinement à leurs besoins, amplifiant les inégalités d'accès à un accompagnement approprié.

À La Réunion, cette situation fragilise l'ensemble du parcours de prise en charge et compromet le développement des jeunes enfants en attente d'une place. L'éducation précoce étant essentielle pour favoriser l'autonomie future, cette lacune engendre des conséquences lourdes sur le long terme. Ce constat souligne la nécessité d'une action urgente pour adapter l'offre médico-sociale aux réalités du territoire et alléger la pression sur les familles et les institutions.

Mme Annick Petrus, rapporteure. - Quel rôle jouent les associations dans l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ?

Concernant le handisport, que proposent les associations pour accueillir et accompagner les personnes en situation de handicap ?

Mme Danielle Payet. - Le sport adapté et le handisport sont bien développés sur l'île, avec plusieurs associations et structures spécifiques proposant une diversité de disciplines. Toutefois, l'inclusion dans les clubs ordinaires reste limitée selon les pratiques sportives.

Concernant l'emploi, des établissement et service d'accompagnement par le travail (ESAT) et quelques entreprises adaptées offrent des opportunités, notamment dans des secteurs comme la blanchisserie, l'entretien d'espaces verts ou encore la production artisanale. Toutefois, la transition vers le milieu ordinaire s'avère difficile. Si certaines personnes parviennent à s'y intégrer, beaucoup rencontrent des obstacles, notamment en raison du manque d'adaptations.

L'obligation d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés demeure inégalement respectée, avec des taux de 2,4 % dans le privé et 5,5 % dans le public. Plutôt que d'envisager de nouvelles dispositions législatives, il conviendrait de garantir l'application effective de la loi de 2005 qui prévoit déjà de vastes dispositifs d'action, notamment en matière d'accessibilité aux soins, aux loisirs ou à l'emploi. À l'approche des 20 ans de cette loi, un bilan collectif s'impose afin d'identifier les leviers concrets d'amélioration.

Quoi qu'il advienne, tant que les financements ne seront pas à la hauteur des ambitions, l'inclusion des personnes en situation de handicap restera un défi majeur.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Merci pour ce temps d'échange sur cette thématique si importante pour nous, au niveau national, mais plus encore en outre-mer.

Comment garantir une meilleure représentativité et une mobilisation plus efficace des personnes en situation de handicap dans la défense de leurs droits ?

On observe une forte mobilisation pour les enfants en situation de handicap, notamment grâce à l'engagement des parents, tandis qu'à l'âge adulte, la prise en compte de leurs besoins semble se diluer. Partagez-vous ce point de vue ?

Mme Jocelyne Guidez. - Pour commencer, je salue ces associations qui accomplissent un travail remarquable dans les territoires ultramarins.

Concernant l'école, quelles mesures ont été mises en place pour lutter contre le harcèlement des élèves en situation de handicap ?

Ensuite, comment améliorer et simplifier le dossier MDPH, le délai actuel de traitement avoisinant les huit mois ?

Enfin, les plateformes de coordination et d'orientation (PCO) existent-elles à La Réunion et fonctionnent-elles efficacement ?

Mme Camille Coulombel. - Permettez-moi de revenir brièvement sur la question de l'insertion professionnelle. En tant que formatrice sensibilisant les entreprises à cette thématique, j'ai constaté que les initiatives d'envergure comme la semaine européenne dédiée à l'emploi des personnes handicapées (SEPH) ou le DuoDay jouent un rôle déterminant. Ces événements incitent les entreprises à s'intéresser à l'insertion et au maintien en emploi des personnes en situation de handicap, en organisant des actions spécifiques.

Mme Claude Brard. - La citoyenneté des enfants en situation de handicap nécessite une attention particulière, notamment pour ceux relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), souvent marginalisés et insuffisamment représentés.

Par ailleurs, en tant que mère d'une fille en situation de handicap et militante associative depuis 25 ans, je constate l'émergence d'une forme de violence chez les parents, exaspérés par l'écart entre les droits théoriques de leurs enfants et la réalité des prises en charge. La notification de 20 heures d'AESH sans mise en application effective illustre cette frustration croissante, conduisant à un climat de plus en plus conflictuel face à des institutions débordées.

Concernant la participation des adultes en situation de handicap, un apport législatif pourrait garantir leur présence dans les instances citoyennes, en garantissant des outils adaptés (documents FALC, horaires aménagés, accessibilité renforcée).

Enfin, la question des délais à la MDPH demeure critique : alors que huit mois semblent déjà excessifs, l'attente peut atteindre une année. Les dispositifs pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) et Communauté 360, bien implantés sur le territoire, voient leur efficacité limitée par le manque de places disponibles. Orientées vers ces PCO, les familles multiplient les démarches, répètent inlassablement leur histoire et fournissent des documents sans qu'aucune solution concrète leur soit proposée.

Cette saturation du système engendre une profonde détresse tant pour les familles que pour les enfants, confrontés à un territoire où l'offre demeure largement insuffisante face aux besoins croissants.

Mme Danielle Payet. - En effet, les délais de traitement des dossiers restent longs, malgré une légère amélioration récente. La principale difficulté concerne les dossiers des enfants, qui nécessitent la présence d'un enseignant au sein de la commission pluridisciplinaire de la CDAPH. Or, le manque d'enseignants ralentit considérablement l'instruction des demandes. Une action concertée avec l'Éducation nationale apparaît nécessaire afin d'assurer une participation suffisante des enseignants et ainsi réduire ces délais.

Mme Micheline Jacques, président. - La diversité et le foisonnement culturels de La Réunion, riche de multiples origines et confessions, favorisent un « vivre ensemble » harmonieux. Toutefois, avez-vous observé des tabous ou des formes de rejet spécifiques liés au handicap ? Comment accompagner favoriser une meilleure acceptation du handicap dans les différentes communautés ?

Par ailleurs, en tant qu'ancienne directrice d'école, j'ai conscience de la délicatesse nécessaire à la communication avec les parents sur des sujets sensibles. Parfois murées dans une forme de déni, certaines familles nécessitent un accompagnement sourcilleux. Vos associations interviennent-elles sur cet aspect pédagogique ?

Enfin, les étudiants en situation de handicap qui quittent La Réunion rencontrent souvent des complications administratives dans le transfert de leur dossier MDPH. Avez-vous des retours d'expérience sur ces obstacles et des pistes pour améliorer leur accompagnement ?

Je tiens également à vous témoigner mon profond respect pour votre engagement, tant associatif que parental, auprès des enfants en situation de handicap. Je suis admirative de la force et la détermination dont vous faites preuve au quotidien.

Mme Claude Brard. - Les structures sociales, médico-sociales et plateformes comme les CMPP ou les CAMSP rassemblent des professionnels confrontés à la question de l'accompagnement du soutien culturel, où se mêlent superstitions, religion et spiritualité. Certains choix familiaux, comme ne pas couper les cheveux d'un enfant, s'imposent et doivent être compris. Sur notre territoire, cette question ne semble pas poser de difficulté majeure. Si certaines familles perçoivent un handicap comme une punition, les professionnels assurent un accompagnement adapté.

S'agissant du transfert des dossiers MDPH, de La Réunion à l'Hexagone ou inversement, la difficulté subsiste et ne concerne pas uniquement les étudiants. La procédure demeure d'une lenteur et d'une complexité injustifiées. Une notification validée devrait s'imposer partout, ce qui n'est pas le cas. Sur notre territoire, des référents éducatifs témoignent régulièrement de décisions de la MDPH de Paris non appliquées localement. Un enfant bénéficiant de 20 heures d'AESH ou d'un matériel spécifique peut se voir refuser ces droits et devoir refaire une demande à La Réunion. Ce manque de cohérence est incompréhensible.

Je vous remercie pour votre reconnaissance de l'engagement associatif. Une part essentielle de l'offre repose sur des bénévoles qui, en plus de leur activité professionnelle, investissent temps et énergie. Ce type d'engagement nécessite un soutien au-delà des aspects financiers, notamment par des aménagements du temps de travail et un accès renforcé à la formation. Assumer la présidence d'une association exige des compétences en gestion d'établissements, de patrimoine et de personnel. En outre, recruter des bénévoles devient de plus en plus difficile.

Plus qu'une reconnaissance, nous avons besoin d'un cadre structurant garantissant les moyens d'exercer ces fonctions. Pour ma part, je souhaite porter cette présidence avec l'assurance de pouvoir pérenniser les établissements pour lesquels nous oeuvrons.

Mme Francette Tsiaranga. - Avant 2005, reconnaître le handicap d'un enfant relevait encore du tabou : on parlait de folie, de maladie, et la honte pesait sur les familles. L'esprit de la loi nous a ensuite incités à ne plus cacher ces enfants, à les montrer sans crainte. Pourtant, malgré ces avancées, certains parents restent enfermés dans des schémas de honte, tandis que d'autres estiment qu'ils doivent assumer seuls la responsabilité de leur enfant.

Ce repli empêche nombre de familles de s'engager dans des associations, de briser l'isolement et de revendiquer leurs droits. Cette attitude tient sans doute à notre histoire, à une manière de vivre ancrée dans notre culture. Mais le temps passe, ces enfants deviennent adultes, puis seniors, et il faut sans cesse accompagner les familles, les encourager à avancer. Des communautés venues d'ailleurs s'intègrent et font progresser leurs enfants. Dans les écoles, je constate la différence entre celles qui se cachent et celles qui choisissent d'agir, en faisant confiance aux associations, aux IME et aux structures spécialisées.

Il est urgent de lever ces tabous et de repenser notre approche. Peut-être est-il temps d'innover, d'imaginer des solutions nouvelles ? Ensemble, nous pourrions construire une approche adaptée à La Réunion, à son histoire et à sa culture.

Concernant la MDPH, certains attendent encore une prise en charge deux ans après leur demande. Avec le PIAL, un enfant nécessitant 20 heures d'accompagnement se voit attribuer seulement 6 heures, afin de répartir les AESH entre plusieurs élèves en difficulté. Une solution s'impose, d'autant que la situation s'est aggravée ces deux dernières années.

Je fais confiance aux instances pour prendre la mesure de ce retard : des enfants perdent leur scolarité faute d'accompagnement, et trop de familles souffrent en attendant inlassablement des notifications qui n'arrivent jamais.

En tant que représentante réunionnaise et actrice de terrain, je plaide pour une action collective. Faisons avancer La Réunion, afin qu'elle devienne un véritable modèle de « vivre ensemble », où chaque enfant trouve sa place.

Pour l'avenir de notre île, nous devons agir dès aujourd'hui.

Mme Micheline Jacques, président. - Je vous remercie infiniment pour votre témoignage. Partout, le regard de la société constitue un frein pour de nombreuses familles, et notre mission vise précisément à identifier des solutions efficaces en faveur des personnes en situation de handicap.

Permettez-moi également de relever la forte présence féminine parmi nos rapporteurs, ainsi que dans cette assemblée. La solidarité des femmes est de tout coeur avec vous.