- Mardi 18 février 2025
- Mercredi 19 février 2025
- Proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Délégation des articles
Mardi 18 février 2025
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 13 h 30.
Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes réunis ce jour pour l'examen de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « Trace », dont notre commission est saisie pour avis, afin d'apporter de nouvelles évolutions au cadre normatif de la sobriété foncière instauré par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience ». Je salue notre rapporteur, Daniel Guéret, pour son implication et son investissement sur un sujet loin d'être facile et sa capacité à nouer une collaboration étroite et fructueuse avec la commission des affaires économiques, saisie au fond de ce texte - je salue également le travail de ses rapporteurs, Amel Gacquerre et Jean-Marc Boyer.
Avant toute chose, ce texte présente, à mes yeux, une évolution nécessaire : il tend à proposer un nouvel acronyme, moins clivant et plus fédérateur, pour remplacer un sigle honni, le ZAN - « zéro artificialisation nette » -, qui irrite un grand nombre d'élus locaux et qui, au fil du temps, est devenu synonyme d'une méthode centralisatrice, arithmétique, descendante et désespérante.
La sobriété foncière et la nécessité de privilégier un aménagement du territoire économe en consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sont des préoccupations partagées par une majorité d'élus. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une nouveauté juridique : le législateur a posé le principe d'une gestion économe de l'espace et la lutte contre l'étalement urbain en objectifs de l'action publique, et ce depuis le début des années 2000. En août 2021, la loi « Climat et résilience » a fait entrer la sobriété foncière dans une nouvelle dimension, avec la détermination d'un objectif national de réduction de moitié du rythme d'artificialisation à atteindre en dix ans, par rapport à la décennie précédente.
Nous sommes depuis lors passés d'un principe général devant inspirer l'action publique en matière urbanistique à l'atteinte d'une cible chiffrée et prescriptive, impliquant la révision des documents de planification et d'urbanisme pour y intégrer la déclinaison territoriale permettant de réduire effectivement le rythme d'artificialisation des sols. Naturellement, ce changement de paradigme a suscité des interrogations, voire des craintes, chez les élus locaux : comment vais-je pouvoir continuer à dynamiser mon territoire avec des leviers fonciers contraints ? Comment compter l'artificialisation des projets déjà décidés avant l'entrée en vigueur de la loi ? Pourquoi ma collectivité, ayant déjà fait des efforts de sobriété au cours de la dernière décennie, est-elle pénalisée par une approche mathématique « bête et méchante » de réduction de 50 % des consommations d'Enaf ? Ces questions, chacun d'entre nous les a entendues sur son territoire, en échangeant avec les élus. De nombreux maires ont bien de la peine à appréhender et à expliquer une stratégie complexe, alors qu'ils sont aux premières lignes face à des habitants ayant des attentes précises en matière d'évolution du cadre de vie ou de services publics.
Le droit de la nouvelle sobriété foncière a déjà évolué, à l'initiative de notre assemblée, en juillet 2023. Mais les assouplissements apportés n'ont pas remédié à toutes les inquiétudes, il subsiste des « irritants » et des craintes par rapport à la comptabilisation de l'artificialisation, à l'égard de la première cible intermédiaire fixée en 2031, concernant la prise en compte des projets d'envergure nationale ou européenne, ou encore les instances créées par la loi afin de favoriser la territorialisation de la sobriété foncière. Autant de questions auxquelles nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc tentent de répondre de manière responsable et pragmatique au travers de la proposition de loi que nous allons examiner.
Je forme le voeu que ce texte apporte les réponses attendues par les élus locaux et mette fin à l'instabilité législative sur ce sujet. Pour qu'une stratégie porte ses fruits et puisse pleinement produire ses effets, il est fondamental de stabiliser le cadre normatif, pour laisser le temps aux élus d'assimiler les objectifs nationaux et de mettre en oeuvre la différenciation voulue par la Haute Assemblée.
Notre rapporteur Daniel Guéret va nous présenter les grandes lignes de ses travaux préparatoires pour éclairer la commission et partager ses constats ainsi que les solutions qu'il recommande pour « tracer » un chemin collectif et gagnant vers la sobriété foncière.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - Il me revient l'honneur de vous présenter les grandes lignes de mon rapport pour avis sur cette proposition de loi que l'usage a conduit à dénommer « Trace » - pour trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux. Ce nouvel acronyme résume bien, à mes yeux, l'intention des auteurs de ce texte, nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc : conserver un cap prescriptif et une tendance jalonnée pour continuer à faire baisser la consommation globale d'Enaf, afin de promouvoir un aménagement du territoire durable, plus économe en foncier, tout en inversant la méthode pour y parvenir - partir des territoires, en associant plus étroitement les élus locaux à la définition des cibles intermédiaires et à la territorialisation des objectifs.
Je n'apprends à personne dans cette enceinte que la France est plurielle et que sa diversité fait sa force, son attractivité et sa résilience. Cela se traduit notamment par des territoires qui présentent une grande variété d'habitats, des manières d'occuper l'espace et de répartir les activités, ainsi que des dynamiques démographiques, économiques et sociales propres à chacun d'eux. Un objectif unique, une stratégie pensée comme un exercice de mathématique de classe primaire ne saurait conduire aux résultats espérés, à l'heure où s'exprime une demande croissante de différenciation. C'est la raison pour laquelle une nouvelle évolution du cadre normatif de la sobriété foncière héritée de la loi « Climat et résilience » d'août 2021 est nécessaire. La loi d'initiative sénatoriale du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux n'a en effet parcouru que la moitié du chemin ; les inquiétudes des élus locaux et les « irritants » produits par le ZAN doivent nous conduire à trouver des solutions adaptées aux territoires, tout en gardant l'esprit et l'ambition originelle de la sobriété foncière.
Ma ligne se résume assez simplement par la formule : « assouplir sans dénaturer ». Nous sommes au milieu du gué ; il est de notre impérieux devoir d'imaginer les évolutions en termes de méthode, de gouvernance et de comptabilisation des efforts pour « réussir le ZAN » et faire en sorte que cette stratégie n'empoisonne pas lentement la vie locale et ne neutralise pas les leviers dont disposent les élus locaux pour favoriser l'attractivité de leur territoire.
En préambule, je tiens à saluer la qualité de la collaboration avec mes collègues Amel Gacquerre et Jean-Marc Boyer, rapporteurs de la commission des affaires économiques, qui m'ont associé à toutes les étapes de la procédure parlementaire, bien que notre commission n'ait été saisie que pour avis de ce texte. Je les remercie d'avoir accepté le principe d'auditions conjointes, grâce auxquelles nous avons pu entendre plus de quarante personnes, d'avoir réfléchi ensemble aux évolutions souhaitables, en soupesant les options et les idées qui nous ont été soumises et enfin de déposer des amendements identiques. Le travail sénatorial ne peut que sortir grandi et renforcé d'un travail commun étroit et fructueux entre ses commissions permanentes.
Pour ma part, j'ai également souhaité associer tous les commissaires intéressés par le sujet de la sobriété foncière. En amont de mes travaux, j'ai donc réuni les membres du groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols, dit « ZAN », siégeant dans notre commission pour qu'ils contribuent à ma formation accélérée, si je puis dire, et puissent m'indiquer leurs points de vigilance. Au terme des auditions, j'ai également convié l'ensemble des commissaires à un échange libre pour qu'ils fassent part de leurs attendus à l'égard des évolutions souhaitables. Cet exercice n'a pas été inutile : j'en veux pour preuve que douze d'entre vous y ont participé et je les en remercie.
Venons-en aux constats que mes travaux me conduisent à formuler.
En 2025, la sobriété foncière fait l'objet d'un fort consensus et il n'est pas d'association d'élus locaux qui souhaite son abrogation. C'est un principe qui irrigue le code de l'urbanisme et les pratiques d'aménagement des élus locaux depuis un bon quart de siècle, et nous connaissons tous les aberrations qu'un étalement urbain non maîtrisé peut produire. Les acteurs de l'aménagement du territoire se sont peu à peu convertis aux vertus d'une approche économe en foncier. Pour autant, nous constatons que nous avons atteint un plateau à 20 000 hectares par an. Les consommations annuelles d'Enaf stagnent, sans diminuer sensiblement, depuis une dizaine d'années - les chiffres du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) l'attestent.
Au cours de mes réflexions préparatoires, j'ai voulu interroger les meilleurs spécialistes et scientifiques du sol pour entendre ce que ces experts savent de l'artificialisation et de l'imperméabilisation. Cette approche m'a semblé indispensable, car nous devons sans cesse nous questionner sur la pertinence de poser de nouvelles règles de droit : la nécessité d'une norme contraignante, qui bouleverse des habitudes et des pratiques parfois séculaires, doit être bien comprise et faire l'objet d'un consensus pour produire les effets qu'elle vise.
La réduction prescriptive du rythme de l'artificialisation des sols repose sur des constats scientifiques robustes : l'altération des fonctionnalités et le changement d'usage des sols affectent notre capacité à maintenir une production de biomasse végétale de qualité, limitent la régulation de la qualité et de la quantité du cycle de l'eau, les sols jouant le rôle d'éponges filtrantes, avec des risques accrus d'inondations, réduisent leur capacité à stocker le carbone et par conséquent à atténuer le changement climatique, rendent plus complexe la préservation de la biodiversité du fait de la discontinuité des trames vertes et bleues... D'un point de vue plus anthropique, la consommation des sols et l'étalement urbain conduisent les collectivités à devoir prolonger les réseaux, à augmenter les besoins de mobilité des habitants et à réduire la surface agricole utile en ceinture maraîchère des villes, qui amoindrit le développement d'une bioéconomie locale et durable. En résumé, nous avons d'excellentes - et nombreuses - raisons de lutter contre l'artificialisation des sols.
Cela étant posé, il nous reste à trouver le chemin pour y parvenir ; c'est précisément l'enjeu de cette proposition de loi, qui prévoit des évolutions et des ajustements pour atteindre l'objectif fixé en 2021, à savoir l'absence d'artificialisation nette des sols en 2050. Les cinq articles du texte visent à répondre aux craintes et aux inquiétudes des élus locaux, sans remettre en cause les situations locales qui ont déjà abouti à la territorialisation des objectifs de réduction de l'artificialisation.
Cette fois-ci, le contexte est différent de celui de 2023, quand nous avions engagé les premiers ajustements au cadre normatif issu de la loi « Climat et résilience » : aujourd'hui, plusieurs régions ont déjà adopté un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) « ZANifié », les instances de gouvernance prévues par la loi se sont mises en place et de nombreux territoires ont bien avancé dans la réflexion collective autour de la répartition des enveloppes foncières.
La feuille n'est plus entièrement blanche, des situations ont été acquises sur le fondement de la loi, que nous devons prendre en compte : l'instabilité législative en la matière est susceptible de remettre en cause le travail accompli avec succès dans certaines régions. Je pense notamment à la Bretagne, qui nous a alertés sur le risque de fragiliser, voire de défaire le consensus forgé avec les territoires. C'est une préoccupation que nos travaux ont bien entendu intégrée : nous n'avons aucunement l'intention de pénaliser les territoires qui ont respecté la loi en territorialisant l'effort pour parvenir aux objectifs de frugalité foncière fixés par le législateur. Nous avons veillé à ce qu'aucune collectivité ne soit affectée négativement par les évolutions instaurées par la proposition de loi « Trace » : il s'agit en effet de l'un des prérequis de l'acceptabilité des évolutions législatives que nous proposons, et ce fut l'un de mes fils conducteurs en tant que rapporteur.
Je vais maintenant vous présenter l'esprit du cadre normatif que j'estime pertinent au regard des remontées de terrain et des informations recueillies au cours des auditions.
Il existe une inquiétude partagée concernant le changement de métrique en 2031, avec le passage de la comptabilisation en Enaf à la mesure de l'artificialisation effectivement constatée. Ces deux méthodes ne sont pas équivalentes : l'une est fondée sur une approche fiscale et conventionnelle bien connue des élus locaux, l'autre sur la réalité physique appréciée à partir d'une nomenclature discriminant les états du sol en fonction de critères prédéfinis pour qualifier s'ils sont artificialisés ou non. Pour éviter ce hiatus susceptible de brouiller les repères et entraîner des divergences dont le redressement risque d'être source de contentieux, nous proposons, pour une meilleure lisibilité, de conserver la mesure de l'artificialisation en consommation d'Enaf. Tel est l'objet de l'article 1er de la proposition de loi.
Une inquiétude est également soulevée concernant l'atteinte de la première cible intermédiaire de réduction des consommations foncières, fixée au niveau national pour 2031 à moins 50 % par rapport à la décennie 2011-2021. Plusieurs limites ont été relevées par les élus, la principale étant que le compteur a commencé à tourner dès le lendemain de la publication de la loi « Climat et résilience », en août 2021. L'urbanisme se caractérise par une forme d'inertie, avec des décalages temporels marqués entre l'élaboration des objectifs d'urbanisme, la validation des projets et le premier coup de pelleteuse qui crée l'artificialisation proprement dite. La ministre Françoise Gatel a employé, pour caractériser ce phénomène, l'image éloquente du paquebot, dont les manoeuvres prennent du temps à modifier la trajectoire. Au lieu d'une réduction de 50 % pour tous d'ici à 2031, nous proposons que ce soit les collectivités elles-mêmes qui fixent la trajectoire et la courbe de la pente pour y parvenir, à condition que celles-ci soient réalistes et crédibles. Il ne sera ainsi pas possible de reporter l'essentiel de l'effort en fin de période, entre 2040 et 2050 par exemple. Les collectivités doivent respecter l'objectif final, mais au rythme qui leur paraît le plus vraisemblable, en tenant compte de leurs spécificités, pour y parvenir. Tel est l'objet de l'article 2 dont nous vous proposerons l'adoption.
L'article 3 prévoit le report des dates butoirs de mise à jour des objectifs de réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme - celle qui porte sur la modification du Sraddet était déjà dépassée, alors que seule une minorité de régions ont arrêté à ce jour leur document de planification. Plutôt que de mettre les collectivités hors-la-loi, du fait d'un cadre normatif instable et des retards pris au niveau régional, de façon compréhensible et cohérente avec le fait que les assemblées réfléchissent à des évolutions législatives, nous proposons un décalage « en cascade » pour la mise à jour des Sraddet, des schémas de cohérence territoriale (Scot), des plans locaux d'urbanisme (PLU), des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) et autres cartes communales au regard du volet « artificialisation ». Cette évolution est cohérente avec le fait que désormais, ce sont les collectivités qui fixent le rythme de décélération des consommations d'Enaf. Tel est l'enjeu de l'article 3.
La mutualisation des projets d'envergure nationale et européenne (Pene) est également source d'incompréhension pour les élus. Ces projets, qui représentent un peu moins de 12 500 hectares, sont mutualisés entre l'ensemble des régions, avec comme conséquence de faire passer l'effort de réduction pour chaque région de 50 % à 54,5 %. La logique est vertueuse, mais l'État ne consent pas les mêmes efforts fonciers que ceux qu'il exige des collectivités. Nous souhaitons que les Pene ne soient plus imputés sur les enveloppes régionales et locales. L'État doit s'astreindre à montrer l'exemple et à se doter d'une stratégie de sobriété foncière cohérente avec les objectifs nationaux. Tel est l'objet de l'article 4.
La gouvernance territoriale de la sobriété foncière se caractérise toujours par la verticalité et le caractère descendant des objectifs. Cette démarche désespère de nombreux élus locaux, qui ont le sentiment de subir le ZAN comme un couperet. Nous touchons avec cette question le coeur de l'acceptabilité politique et sociale de la sobriété foncière. Nous devons être très vigilants si nous ne voulons pas accroître la désespérance de certains élus locaux face à des normes complexes et foisonnantes ; sinon, nous pourrions fort bien assister à un mouvement d'« écharpes jaunes », réunissant des élus locaux qui contesteraient jusqu'au principe même d'une sobriété foncière inadaptée à leur territoire.
C'est pourquoi nous vous proposons de modifier la composition de la conférence régionale du ZAN et d'en renforcer le rôle, pour opérer un rééquilibrage au profit des élus du bloc communal, qui pourraient s'opposer à la liste des projets d'intérêt régional et demander à la région de modifier le volet relatif à l'artificialisation de son Sraddet pour prendre en compte les assouplissements prévus par cette proposition de loi. Nous souhaitons également ouvrir le droit aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux communes de se prononcer sur les objectifs fixés au niveau régional et sur leur territorialisation, en amont de la procédure de modification du Sraddet. Tel est l'objet de l'article 5.
En conclusion, je tiens à vous dire tout le plaisir que j'ai eu à rapporter au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable un texte aussi crucial pour la vie et l'avenir de nos territoires. Moins que jamais, nous n'avons droit à l'erreur. Nous devons trouver le chemin de la sobriété foncière, de concert avec les élus locaux, un chemin qui ne désespère pas les habitants et qui fera de notre pays un modèle en matière de connaissance des sols et de sobriété foncière.
M. Jean-François Longeot, président. - Je me félicite du travail mené conjointement par la commission des affaires économiques et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dont l'objectif tient, comme l'a résumé le rapporteur, en trois mots : assouplir sans dénaturer.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. - Dans notre assemblée, cette proposition de loi a une consonance très particulière, car il est impossible aujourd'hui d'échanger avec des élus locaux sans évoquer la question du ZAN.
Je voudrais rappeler brièvement les grands axes de ce texte, sur lesquels nos deux commissions se rejoignent. Nous voulons surtout faire en sorte qu'il n'y ait pas de quatrième proposition de loi ZAN ou Trace. Il nous faudra du courage, mais ce texte, pour moi, est une véritable opportunité de répondre aujourd'hui aux attentes de nos élus.
Assouplir sans dénaturer, voilà en effet trois mots qui résument parfaitement l'esprit de nos travaux. Il est nécessaire aujourd'hui de fixer une trajectoire de sobriété foncière, nous en sommes convaincus. Aucun élu n'a contesté cette évidence, surtout au regard des récents événements climatiques. Dans le Pas-de-Calais, nous sommes traumatisés par les dernières intempéries que nous avons subies.
Il s'agit non pas de remettre en cause l'objectif ZAN, mais de tracer une trajectoire pragmatique et crédible pour les territoires.
Nous demandons, tout d'abord, que la consommation soit comptabilisée en Enaf. Changer de mode de comptabilisation est impossible aujourd'hui, nous n'y sommes pas prêts. Ensuite, comment adresser un message de confiance aux territoires si nous leur imposons des objectifs qui ne sont pas atteignables ? La plupart des personnes que nous avons entendues au cours des auditions ont estimé que l'objectif de réduction de 50 % sur la période 2021-2031 n'était pas tenable. Le ministre François Rebsamen en audition plénière nous a proposé d'y substituer la période 2024-2034. Nous souhaiterions que les territoires puissent dépasser cette échéance, pour aller jusqu'à 2050, afin qu'ils puissent déterminer une trajectoire progressive, crédible, adaptée au développement de leur territoire.
Nous voudrions aussi que les grandes priorités nationales - industrie, logement social - soient prises en compte dans le cadre des Pene, afin de ne pas contrarier les trajectoires définies par les territoires.
Enfin, le dernier point, sans doute l'un des plus complexes, concerne la gouvernance. Les auteurs du texte, Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc, avaient proposé d'ajouter un échelon de discussion au niveau départemental. Pour éviter une levée de boucliers des élus, qui demandent de la simplification, nous avons préféré renforcer le poids des conférences régionales de sobriété foncière, composées à 75 % de représentants du bloc communal.
M. Jacques Fernique. - Nous sommes tous d'accord sur l'horizon 2050. Il s'agit de stopper d'ici un quart de siècle l'artificialisation nette des sols en engageant dès maintenant une trajectoire résolue de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Vingt-cinq ans, c'est aussi le temps écoulé depuis la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui fixait déjà un principe de sobriété foncière. Or, faute d'objectifs chiffrés contraignants, de moyens concrets, de suivi régulier adapté à chaque territoire et d'intégration dans les documents d'urbanisme, nous avons globalement échoué à changer la donne. La loi « Climat et résilience », en déclinant notre engagement européen dans le droit national, a marqué notre volonté de changer de braquet.
En notre qualité de chambre des territoires, nous devons certes travailler à rendre soutenable localement la politique de réduction de l'artificialisation des sols, sans pour autant revenir aux conditions indécises et irrésolues des vingt dernières années. Assouplir sans dénaturer, oui ; rétropédaler, non !
Or c'est bien, selon nous, une régression qu'entraînerait l'adoption de quatre articles de cette proposition de loi, ainsi que la plupart des amendements déposés en vue d'élaborer le texte de la commission.
Supprimer l'objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des Enaf, décaler très largement les échéances de modification des documents d'urbanisme, exclure du décompte global les consommations résultant des Pene - et vouloir y ajouter les installations pour les déchets, les projets industriels, les logements sociaux, les aires d'accueil des gens du voyage, les sites énergétiques, les bâtiments d'enseignement, etc. -, prolonger au-delà de 2031 l'hectare de garantie communale, voire le multiplier par deux, tout cela reviendrait à faire de la dérogation la norme, à détricoter plutôt qu'à adapter.
En revanche, prolonger la phase de réduction fondée sur la consommation des Enaf et ne pas passer prématurément à un décompte fondé sur une nomenclature plus fine d'artificialisation, c'est, selon moi, adapter avec pragmatisme.
Notre groupe s'opposera néanmoins à cette proposition de loi, qui consiste principalement à supprimer l'indispensable point d'étape à mi-parcours, en 2031 ou en 2034. Comment apprécier objectivement nos avancées, nos stagnations ou nos reculs sans cette étape, condition d'un suivi régulier et transparent pour chacune de nos collectivités impliquées dans ce mouvement commun essentiel ?
M. Alexandre Basquin. - Nous sommes tous convaincus qu'il faut promouvoir la sobriété foncière. L'artificialisation est un risque pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire.
La présente proposition de loi entend répondre aux lacunes de la loi « Climat et résilience » de 2021, qui péchait par sa complexité et sa verticalité. Elle réaffirme les objectifs nationaux pour 2050, intègre les réalités locales, améliore le copilotage des politiques et prévoit des bilans triennaux.
Elle présente toutefois un écueil à mes yeux : le manque de soutien aux collectivités sur la question majeure du recyclage foncier, en d'autres termes la résorption des 12 000 friches identifiées sur le territoire national. Dents creuses, vacances structurelles, biens sans maître, états manifestes d'abandon sont autant de problèmes que les élus locaux peinent à résoudre. Il faut parfois trente ans pour régler la question d'un bien sans maître. Nous devons réfléchir collectivement aux moyens de fluidifier et de faciliter les processus techniques, financiers, juridiques et administratifs.
Pour autant, cette proposition de loi va dans le bon sens ; nous la soutiendrons.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Il était nécessaire de compléter la loi « ZAN 2 », adoptée peu avant le dernier renouvellement sénatorial, car elle comportait des lacunes. En particulier, le droit à l'hectare accordé aux communes revient à empêcher les EPCI de faire du développement économique.
La présente proposition de loi pourrait donc constituer une belle avancée, car elle tend à rendre le pouvoir aux communes rurales. Lors des cérémonies des voeux en janvier dernier, tous les maires nous ont parlé du ZAN. La perspective de le voir se transformer en Trace les fait parfois sourire, mais ils espèrent réellement pouvoir reprendre la main sur ce dossier.
Il subsiste néanmoins des contradictions fortes dans ce texte.
Les projets industriels ou de construction de logements sociaux inclus dans les Pene n'auraient donc pas à être compensés au titre du ZAN. En revanche, un EPCI rural qui voudrait développer une zone artisanale devrait la compenser. Où s'arrête l'artisanal, où commence l'industriel ? Nous avons reçu le grand groupe industriel Airbus, qui a besoin de 75 hectares pour agrandir une usine et affirme ne pas avoir les moyens de compenser cette implantation. Lorsque nous avons entendu la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher, elle a affirmé qu'Airbus devrait compenser. Maintenant, au nom du développement industriel, ils ne compenseraient pas...
Autre exemple de contradiction : si une commune construit un hôtel ou un commissariat de police, le plus souvent sur une friche urbaine, elle n'aura pas à le compenser. En revanche, si une commune rurale accepte, au nom de l'État, de construire une nouvelle caserne de gendarmerie nationale, elle devra la compenser. Pourtant, les logements des gendarmes sont assimilables à des logements sociaux, puisqu'il s'agit d'un terrain acheté par le maire, cédé gratuitement à un bailleur social, avec vingt-cinq ans d'exonération de taxe foncière.
Repousser à 2050, c'est un peu loin, sachant que 20 000 hectares sont artificialisés chaque année. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises travaillent à la possibilité d'aller capturer le carbone dans la mer ou dans l'atmosphère, et font du lobbying au Parlement. Mais le meilleur épurateur du gaz carbonique reste les surfaces naturelles, agricoles et boisées.
Ce texte constitue une évolution bienvenue, mais nous devons veiller à ne pas opposer monde urbain et monde rural.
M. Sébastien Fagnen. - En raison de certaines carences et du manque de réponses concrètes qu'elle apporte aux élus locaux, nous ne pourrons approuver cette proposition de loi.
Le groupe de travail transpartisan sur le ZAN avait notamment mis l'accent sur l'accompagnement des communes rurales en matière d'ingénierie et sur la fiscalité, deux sujets de préoccupation majeure des élus auxquels ce texte n'apporte pas de réponse.
Les experts et certaines associations d'élus que nous avons entendus au cours des auditions, auxquelles le rapporteur a eu la courtoisie de convier tous les commissaires qui le souhaitaient, ont aussi relevé une contradiction dans la proposition de loi, qui conserve l'objectif du ZAN à l'horizon 2050, mais supprime tout objectif intermédiaire.
Nous avons aussi noté un contraste saisissant entre la position de la ministre de la transition écologique et celle du ministre de l'aménagement du territoire. Nous verrons en mars quelle sera la position de l'exécutif dans l'hémicycle, mais il n'est pas anodin que l'une des principales ministres du Gouvernement estime que la suppression de tout objectif intermédiaire contrevient au respect de celui qui a été fixé pour 2050.
Un amendement proposé vise certes à introduire un objectif intermédiaire, mais sans contrainte chiffrée, en laissant la main aux conférences régionales. À l'aune de leur nouvelle gouvernance, cette mesure pourrait entraîner des différences majeures entre territoires, sans répondre réellement aux objectifs de différenciation, car la nature de la consommation des sols n'est pas traitée.
Je termine sur la vertu écologique des sols, un sujet que nous avons souvent abordé dans cette commission. Si nous conservons le critère de la consommation des Enaf au-delà de l'objectif intermédiaire de 2031 ou 2034, sans tenir compte de l'artificialisation des sols, nous ne pourrons jamais préserver leur qualité écologique. C'est pourtant une nécessité au dire des experts. Quitte à décaler l'objectif calendaire, profitons-en pour nous doter d'outils aptes à mesurer finement l'artificialisation des sols pour qu'ils puissent continuer de remplir leur rôle de puits de carbone.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 1er pérennise la mesure de l'artificialisation en Enaf au-delà de 2031.
L'amendement COM-60 vise à définir dans la loi les notions d'espace urbanisé et de « dent creuse », pour éviter toute divergence d'approche départementale concernant le décompte de la consommation des Enaf et ainsi unifier l'appréhension d'un territoire à l'autre.
L'amendement COM-60 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-61 prévoit la remise par l'État d'un bilan détaillé, chiffré et opposable de la consommation d'Enaf au cours de la précédente décennie, afin de faciliter la planification par les collectivités des trajectoires futures. Pour envisager une évolution, il faut savoir d'où l'on part !
L'amendement COM-61 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-62 est un amendement de coordination et de mise en cohérence.
L'amendement COM-62 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 2 supprime l'objectif intermédiaire de réduction de moitié de l'artificialisation d'ici à 2031 par rapport à la décennie précédente, tout en conservant l'objectif final d'absence d'artificialisation en 2050.
L'amendement COM-63 est purement rédactionnel.
L'amendement COM-63 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-64 prévoit la fixation par la région et les autres collectivités compétentes en matière d'urbanisme d'une trajectoire indicative et crédible de réduction de l'artificialisation d'ici à 2050, séquencée par des objectifs intermédiaires par décennie. Cela revient à ne plus fixer de manière centrale et descendante les objectifs au niveau local, ce qui supprime un irritant récurrent remonté par les élus locaux. Toutefois, la trajectoire dessinée doit être compatible avec l'objectif final ; à défaut, le document sera susceptible d'être déféré au moment du contrôle de légalité des documents d'urbanisme par le préfet. Cela ne ressemble donc en rien à une évolution open bar, une critique que j'ai entendue ici ou là.
L'amendement COM-64 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 3 reporte les dates butoirs pour inclure dans les documents de planification et d'urbanisme les objectifs de réduction de l'artificialisation.
L'amendement COM-65 tend à limiter les reports à un an et neuf mois, par rapport au droit en vigueur, de la date limite de modification du Sraddet et des autres échéances pour les modifications des Scot et autres documents d'urbanisme. Je propose également l'introduction d'une souplesse de deux ans supplémentaires aux collectivités pour la mise à jour de leurs documents d'urbanisme, si elles invoquent, pour ce faire, des raisons dûment justifiées, appréciées par le préfet.
L'amendement COM-65 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 4 acte la sortie des Pene des enveloppes foncières régionales et locales et la suppression de la mutualisation locale de ceux-ci.
L'amendement COM-67 tend à exclure, pendant quinze ans, au lieu de dix ans actuellement, de tout décompte local, régional ou national d'Enaf la consommation occasionnée par la réalisation de projets industriels, ainsi que par la production de logements sociaux, pour les communes carencées.
L'amendement COM-67 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-66 vise à consolider juridiquement l'exclusion, pendant quinze ans, de la consommation d'Enaf occasionnée par les Pene et prévoit l'établissement par l'État d'une stratégie de sobriété foncière qu'il s'applique à lui-même.
L'amendement COM-66 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 5 modifie la composition et le rôle de la conférence régionale du ZAN.
L'amendement COM-68 prévoit de rebaptiser l'instance de territorialisation, qui serait désormais appelée, par souci de simplicité, la « conférence régionale de sobriété foncière », et tend à rééquilibrer la composition de la conférence au profit des élus locaux du bloc communal, représentés à hauteur de 75 %, au lieu de 62 % actuellement, avec 80 membres plus un représentant par département siégeant à titre consultatif. La conférence se voit conférer un pouvoir d'opposition à la détermination de la liste des projets d'intérêt régional.
Cet amendement acte également la fin de la prescriptivité du Sraddet sur le volet artificialisation, avec le passage d'un rapport de conformité à un rapport de prise en compte pour les documents de rang inférieur dans la hiérarchie des normes. La conférence disposerait également du pouvoir d'enjoindre à la région qui a déjà arrêté son Sraddet de modifier les règles relatives à l'artificialisation, afin de permettre la mise en oeuvre des assouplissements prévus par la loi Trace.
L'amendement COM-68 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - Enfin, l'amendement COM-69 vise à compléter la proposition de loi en insérant un nouvel article qui précise le régime applicable à la garantie communale, fixée à un hectare pour la décennie en cours. Il prévoit la possibilité pour le maire de mutualiser également la surface minimale de développement communal au niveau des Scot et des régions, au lieu de l'EPCI, qui constitue actuellement le seul niveau de mutualisation admis. Cette mutualisation peut également porter sur la totalité ou une partie de la surface, à la discrétion du maire de la commune concernée. Il permet enfin le recours à une modification simplifiée des documents d'urbanisme pour que la commune puisse effectivement bénéficier de la garantie et que la surface minimale de développement ne soit pas virtuelle.
L'amendement COM-69 est adopté.
M. Jean-François Longeot, président. - Je tiens à remercier de nouveau le rapporteur pour avis du travail collaboratif réalisé avec les rapporteurs de la commission des affaires économiques et d'avoir su mener une vraie concertation et un dialogue nourri avec les commissaires de notre commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
La réunion est close à 14 h 30.
Mercredi 19 février 2025
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Pascal Martin sur la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations.
Ce texte d'initiative sénatoriale a été déposé par nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin à la suite de leur travail de contrôle conjoint, qui a abouti, en septembre dernier, à l'adoption à l'unanimité de vingt recommandations tendant notamment à disposer d'outils plus performants et à simplifier les procédures existantes en matière de prévention et de gestion des inondations.
Notre commission, au titre de sa compétence en matière de prévention des risques, a investi à plusieurs reprises au cours des dernières années la problématique des inondations, dont les conséquences sont souvent dramatiques. En 2013, nous avions examiné et adopté la proposition de loi de notre ancien collègue Pierre-Yves Collombat relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci. En octobre dernier, l'examen pour avis de la proposition de loi de Christine Lavarde visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles a été l'occasion de réaffirmer notre expertise en la matière : les inondations avaient déjà été identifiées comme un facteur pesant lourdement sur la pérennité financière du régime assurantiel.
La présente proposition de loi se décline en trois articles.
L'article 1er vise à mettre à disposition des autorités locales compétentes pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) une cellule d'appui de l'État afin de les accompagner dans l'exercice de leurs missions. Il complète également les dispositifs existants en matière d'intervention dans les cours d'eau au titre de la réglementation dite « Iota » (Installations, ouvrages, travaux, activités) afin de prévenir la survenue d'inondations d'ampleur ou de faciliter certains travaux en phase de reconstruction.
L'article 2, quant à lui, vise plus précisément les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi), afin de faciliter l'instruction des dossiers et les demandes d'autorisation, de financement et d'accompagnement des actions inscrites au sein du programme.
Enfin, l'article 3 tend à renforcer la solidarité territoriale, en instituant une réserve d'ingénierie composée de fonctionnaires territoriaux pour soutenir les plus petites communes sinistrées du fait d'une inondation.
Pour mémoire, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé par la Conférence des présidents au lundi 3 mars prochain à 12 heures. L'examen en séance publique aura lieu le jeudi 6 mars à partir de 16 heures.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Les phénomènes d'inondation se multiplient. Il ne se passe pas un mois sans qu'un territoire ne soit frappé par de violentes montées des eaux aux conséquences dévastatrices pour les biens et la sécurité des personnes.
Mon propos condense et synthétise les informations recueillies au terme de sept auditions qui m'ont permis d'entendre près d'une vingtaine d'intervenants, notamment les principaux acteurs institutionnels et représentants de nos territoires. Je me suis également assuré que les dispositions de la présente proposition de loi soient adaptées à nos territoires ultramarins.
Premièrement, l'entretien des cours d'eau relève aujourd'hui d'un maquis juridique complexe qui fait peser à la fois sur les propriétaires riverains des cours d'eau et sur les autorités conduites à se substituer à ces derniers un ensemble de règles et de procédures particulièrement touffu. Cela a pour effet regrettable de ralentir les travaux d'entretien, qui sont pourtant une composante essentielle de la doctrine de prévention des inondations.
Deuxièmement, au sein de cet ensemble d'outils que forme aujourd'hui le volet prévention des inondations, les programmes d'actions de prévention des inondations (Papi) se caractérisent par une certaine pesanteur. Il faut en moyenne six ans pour qu'un Papi soit labellisé par les services de l'État, sans pour autant que cette labellisation ne vaille autorisation d'entreprendre les actions prévues dans le programme. Sans remettre en cause le bien-fondé et la pertinence de ce dispositif, il apparaît nécessaire de s'interroger sur les modalités pratiques de sa mise en oeuvre afin d'accélérer la réalisation des projets dans nos territoires.
Troisièmement, le soutien aux collectivités territoriales en matière de prévention et de gestion des inondations apparaît largement insuffisant. Ces dernières années, les services territoriaux de l'État ont été amputés de leur capital humain connaisseur des milieux aquatiques et coutumier des questions hydrauliques. En conséquence, les moyens en ingénierie mis à disposition des collectivités viennent à manquer, surtout pour les communes de petite taille.
Il serait illusoire de penser que cette proposition de loi apportera une réponse pleinement satisfaisante aux conséquences de ce phénomène, mais elle contribuera à cet édifice monumental que constitue l'adaptation du territoire au changement climatique.
Venons-en à présent aux dispositifs proposés par ce texte, qui comprend trois articles volontairement synthétiques.
L'article 1er se concentre exclusivement sur l'entretien des cours d'eau et sur les travaux à entreprendre pour prévenir les inondations.
Il tend tout d'abord à renforcer les moyens à destination des autorités « gémapiennes », les communes et leurs groupements, en mettant à leur disposition, pour celles qui en font la demande, une cellule technique d'appui au niveau des préfectures de département composée d'ingénieurs et, par exemple, d'hydrologues afin de les accompagner au quotidien dans ces missions complexes.
Il vise également à compléter le régime applicable aux travaux dans les circonstances d'urgence, afin d'y inclure explicitement les travaux d'entretien des cours d'eau tendant à remédier à une inondation d'ampleur ou à en éviter la réitération à court terme. Cet ajout vient consacrer une pratique développée en réponse aux inondations dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord. Jusqu'alors, les préfets de ces départements se sont appuyés sur une interprétation extensive du droit existant, ainsi que sur une vision déformante de la notion d'urgence. Je salue l'utilité et le pragmatisme de ces démarches, mais elles ne peuvent raisonnablement acquérir valeur de doctrine générale sans l'intervention du législateur.
Il prévoit ensuite d'instaurer une procédure d'autorisation simplifiée pour réaliser des travaux de prévention des dangers liés à la survenance d'une crue et réparer certains dégâts qu'elle aurait pu occasionner. Cette procédure d'autorisation simplifiée aurait pour corollaire l'exemption des procédures d'autorisation et de déclaration au titre de la « loi sur l'eau ». Mes auditions ont fait apparaître, en dépit d'un souhait de simplification bienvenu, que cette nouvelle procédure risquait de placer les porteurs de projets dans une situation d'insécurité juridique. Si nous recherchons la simplification, nous ne pouvons prendre le risque d'introduire une procédure susceptible de nourrir des contentieux. Il apparaît également que cette procédure d'autorisation simplifiée est pour partie satisfaite par l'extension du périmètre de l'urgence que j'évoquais précédemment. Pour toutes ces raisons, je vous proposerai d'adopter un amendement visant à ne pas confirmer l'introduction dans notre droit de cette procédure, dont l'utilité ne semble pas justifiée.
Enfin, mes travaux ont mis en lumière l'existence d'un flou juridique autour de la notion d'entretien régulier des cours d'eau. Cette mission incombe aujourd'hui en principe aux propriétaires riverains des cours d'eau. En pratique, toutefois, les collectivités ont pour habitude de se substituer à ces derniers. Les propriétaires riverains des cours d'eau ne sont plus nécessairement des ruraux et ne maîtrisent pas toujours les techniques d'entretien d'un lit d'eau. Les représentants d'élus m'ont fait part de leur réticence à intervenir parfois au motif que la notion d'« entretien régulier » était loin d'être évidente. L'amendement que je vous proposerai entend rendre cette notion plus compréhensible.
L'article 2, quant à lui, a trait au volet prévention des inondations sous l'angle de la planification, via les Papi. Cet article prévoit que le préfet coordonnateur de bassin nomme un « référent Papi » chargé d'accompagner les collectivités dans la formalisation de leurs dossiers. Il institue également un guichet unique auprès des services préfectoraux afin d'instruire les demandes d'autorisation, de financement et d'accompagnement des actions du Papi. Malgré les effets positifs attendus de ces deux mesures, elles paraissent encore insuffisantes pour accélérer la mise en oeuvre des programmes.
À ce stade, je n'ai pas d'amendements à vous proposer, mais je travaille avec la ministre Agnès Pannier-Runacher et ses services pour proposer des améliorations au texte en vue de la séance publique. Nous cherchons notamment à faire prévaloir le principe du « dites-le-nous une fois », afin qu'une procédure validée au stade de l'élaboration du Papi puisse être reprise et considérée comme acquise au stade de la réalisation du projet. Cette mesure semble relever du bon sens.
L'article 3 prévoit de donner corps au principe de solidarité territoriale en période post-crise. Il prévoit d'instituer une réserve de fonctionnaires territoriaux volontaires, susceptibles d'être détachés auprès des collectivités sinistrées par une inondation afin de combler le déficit de moyens humains, techniques et administratifs dans les plus petites communes.
En l'état actuel de cet article, la coordination et l'animation de cette réserve, qui s'inspire de la réserve de sécurité civile communale, ont été pensées à l'échelle du conseil régional. On peut comprendre cette rédaction : d'une part, la loi NOTRe du 7 août 2015 a donné aux régions la possibilité de coordonner la prévention des inondations ; d'autre part, les inondations dépassent parfois les circonscriptions administratives des départements. Néanmoins, l'échelon initialement retenu me semble trop éloigné des réalités du terrain. Je présenterai en ce sens un amendement visant à recentrer le dispositif à l'échelle du département. Je vous proposerai également quelques ajustements paramétriques afin que la réserve d'ingénierie soit plus inclusive et plus directement destinée aux communes.
Je suis convaincu que ces apports de bon sens contribueront à enrichir et préciser cette proposition de loi, qui répond aux besoins de simplification, d'accélération et d'accompagnement exprimés dans nos territoires. Ce texte n'a pas la prétention de tout résoudre, mais il envoie un signal politique fort, après deux années rythmées par des inondations d'ampleur.
M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. - La présente proposition de loi traduit plusieurs recommandations de notre rapport d'information sur les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, adopté à l'unanimité le 25 septembre 2024 par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances.
Après huit mois de travaux, 35 auditions, trois déplacements et une consultation en ligne sur le site du Sénat, nous avions à coeur de concrétiser au niveau législatif plusieurs recommandations qui répondent à une demande forte des collectivités territoriales. Inscrit dans l'espace réservé au groupe du RDSE le 6 mars prochain, ce texte traduit un esprit de consensus transpartisan, à l'image des travaux conduits dans le cadre de la mission conjointe de contrôle. Malheureusement, l'actualité ne cesse de démontrer la prégnance des inondations, qui concernent aujourd'hui la quasi-totalité du territoire hexagonal ainsi que nos territoires d'outre-mer.
Face à cet âpre constat et à l'expansion préoccupante de ce phénomène naturel - il s'agit, je le rappelle, du premier risque naturel en France -, ce texte formule des propositions pour simplifier les démarches administratives applicables en matière de prévention et de gestion des inondations et soutenir les collectivités territoriales. L'impératif de simplification a constitué le fil d'Ariane de nos travaux. Les élus locaux font face à un enchevêtrement de normes et des lourdeurs administratives qui ne favorisent pas une action efficace face aux inondations, y compris dans les situations d'urgence. La solidarité est également un autre axe fort de nos travaux, compte tenu du manque de moyens qui pénalise fortement de nombreuses collectivités territoriales de petite taille, pourtant en première ligne face à ces phénomènes.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui comprend trois articles, reprenant quatre recommandations de notre rapport d'information - Monsieur le rapporteur vient de vous les exposer.
Vous l'aurez compris, cette proposition de loi poursuit le chantier d'ampleur engagé sur ce phénomène aux incidences majeures. Il me semble aujourd'hui indispensable que nous agissions en faveur de nos territoires, en simplifiant la vie de nos élus et en rendant plus efficace notre politique de prévention des inondations. Je soutiendrai vivement le rapport et les amendements de notre collègue Pascal Martin qui, après un cycle d'auditions intense et sérieux, avancent des propositions pertinentes pour enrichir ce texte transpartisan.
M. Jacques Fernique. - Le renforcement des outils de lutte contre l'intensification des inondations répond à une attente forte de nos élus.
Ce texte apparaît comme une contribution partielle mais utile à la modernisation et à la simplification de notre arsenal de lutte contre les phénomènes de crues, de remontées de nappes ou d'écoulements boueux. Les amendements proposés nous semblent également pertinents.
Il restera à avancer sur la question de la maîtrise du foncier, de l'imperméabilisation des sols, des moyens financiers, de l'indemnisation par les assurances et de l'adaptation au réchauffement climatique. Nous n'en avons donc pas fini !
M. Hervé Gillé. - Cette proposition de loi fait suite à la mission d'information conjointe de la commission des finances et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les risques d'inondations. Lors de l'examen du rapport en commission, je m'étais réjoui de voir qu'elle reprenait un certain nombre de recommandations formulées dans le rapport que mon collègue Rémy Pointereau et moi-même avions remis le 11 juillet 2023 sur la gestion durable de l'eau.
Le risque d'inondations est un sujet essentiel pour nos collectivités. Il est donc fondamental que ces dernières soient dotées des moyens nécessaires pour prévenir ce risque et limiter l'impact des événements climatiques extrêmes.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Nous saluons en particulier les mesures visant à renforcer l'accompagnement des collectivités telles que la création d'une cellule d'appui pour l'entretien des cours d'eau ou la simplification des démarches administratives liées aux Papi. Ces mesures permettront, nous l'espérons, d'améliorer la réactivité et l'efficacité des actions locales face au risque d'inondations.
Les quelques petites réserves que nous émettions sur la sécurisation juridique des procédures ont été levées, et les propositions d'amendements nous semblent positives.
Nous soutenons pleinement l'idée de l'article 2 de rendre les Papi plus efficaces et plus réactifs. Il aurait peut-être aussi été pertinent d'intégrer dans le texte la question des moyens financiers, mais la mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales sur la Gemapi se concentrera plus spécifiquement sur cette question prochainement. La situation est préoccupante dans certains territoires, car le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit Fonds « Barnier », est souvent insuffisant.
M. Jean-Claude Anglars. - La présente proposition de loi marque une avancée majeure dans la gestion des inondations, en simplifiant la gestion des cours d'eau par les collectivités, notamment pour réaliser des travaux d'entretien urgents, et en prévoyant une cellule d'appui technique portée par les services de l'État. La création, à l'article 2, d'un guichet unique préfectoral et la désignation d'un « référent Papi » sont également bienvenues.
Il semblerait toutefois que le premier amendement du rapporteur tende à supprimer la procédure d'autorisation simplifiée pour répondre à un souhait de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique. Quel est l'avis des auteurs de la proposition de loi sur cet amendement, que je vois plutôt comme une régression ? Les élus ont en effet le sentiment que leur action est bloquée par les montagnes de papiers à remplir. Puis, lorsque les inondations se produisent, on se rend compte qu'on aurait dû intervenir avant.
M. Éric Gold. - Le travail réalisé par les auteurs du texte et le rapporteur montre tout l'intérêt de la prise en compte anticipée des effets du dérèglement climatique. J'insiste sur le besoin d'accompagnement des collectivités. Outre les Papi, dont on a vu qu'ils s'inscrivaient dans le temps long, d'autres documents ne doivent pas être négligés pour mettre en place une véritable culture locale du risque, notamment les documents d'information communaux sur les risques majeurs (Dicrim) et les plans communaux de sauvegarde (PCS).
Bien entendu, le groupe du RDSE apportera son total soutien à cette proposition de loi.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Je remercie les deux rapporteurs de s'être déplacés dans mon département, et je me félicite de ce texte, qui va rassurer les élus ruraux. Ils pourront engager plus vite des travaux, avec l'assurance d'une prise en charge par l'État. Dans certains secteurs du Pas-de-Calais, les inondations auraient pu être contrôlées beaucoup plus vite si les feux verts de l'État avaient été donnés plus tôt aux communautés de communes pour retirer des bancs de sable qui empêchaient l'eau de s'évacuer dans la Canche.
Un article récent du journal Les Échos évoquait les déserts assurantiels. Au-delà de ce texte, nous devrions travailler à des solutions pour nos communes rurales qui, compte tenu de l'explosion des tarifs assurantiels, sont sur le point de ne plus assurer leurs propres bâtiments. Les assurances représentent le premier poste d'augmentation des dépenses dans les budgets des collectivités pour 2025.
Le retour à l'échelon départemental me fait sourire. Avant la loi « Maptam » du 27 janvier 2014, il revenait aux conseils généraux d'entretenir les cours d'eau non domaniaux. Ils intervenaient en fonction des cycles écologiques et répartissaient le coût des travaux entre les propriétaires riverains. Le système fonctionnait très bien. L'échelle départementale me semble favorable, mais l'eau ne s'arrête pas aux limites du département. Il faudra aussi associer les conseils régionaux pour accélérer le déroulement des travaux.
Nous avons également besoin de solidarité au sein des bassins. En amont d'un cours d'eau, des communautés de communes rurales ne récoltent parfois que quelques centaines de milliers d'euros par an au titre de la taxe Gemapi, contre plusieurs dizaines de millions d'euros pour les agglomérations situées en aval. Or c'est bien en amont qu'il faut démarrer les travaux pour éviter les inondations en aval. Il faudra trouver des solutions pour assurer cette solidarité au sein des départements.
Quoi qu'il en soit, le groupe CRCE soutiendra ce texte qui apporte un appui technique, juridique et administratif aux élus. Le travail mené par la délégation aux collectivités territoriales permettra d'approfondir la réflexion sur le volet financier et, je l'espère, assurantiel.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je m'associe aux propos de mes collègues sur la qualité de ce texte.
En effet, les cours d'eau ne s'arrêtent pas aux limites du département. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) peut aussi jouer un rôle important de référent national pour permettre aux délégués départementaux chargés de ces problèmes d'inondations d'avoir une vision plus générale, comme il l'a fait sur le programme national des ponts, que Jean-Pierre Corbisez et moi-même connaissons bien.
M. Rémy Pointereau. - Nous rencontrons également de gros problèmes de financement sur les fleuves. Dans mon département, quatre communautés de communes de 15 000 habitants doivent entretenir les digues de Loire. Or, il leur est impossible de financer des opérations d'une telle ampleur avec la seule taxe Gemapi.
Les grandes agglomérations ont les compétences et les moyens de financer ces opérations, mais si les digues ne sont pas entretenues en amont, les inondations ne pourront pas être prévenues en aval.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Le risque inondations concerne aujourd'hui près de 20 millions d'habitants, un tiers de la population. Il est évident que la taxe Gemapi est une réponse insuffisante pour les autorités « gémapiennes ». Si le potentiel fiscal de cette taxe est estimé à 3,5 milliards d'euros, les recettes plafonnent pour l'instant à environ 400 millions d'euros. Selon moi, vu le taux de population concernée, c'est plutôt la solidarité nationale qui devrait jouer pour un tel risque. Mais c'est un autre débat.
Pour répondre à la question de Jean-Claude Anglars, le premier amendement concerne l'entretien régulier des cours d'eau. J'ai en effet tenu compte d'une remarque très pertinente de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique, afin de sécuriser juridiquement les interventions de nos élus locaux, amenés à se substituer aux propriétaires riverains des cours d'eau.
Cette proposition de loi ne constitue qu'une première brique. Nous nous sommes limités à une approche juridique et administrative, dans une logique de simplification, d'accompagnement et d'accélération. D'autres textes pourront venir la compléter en matière d'assurances, de financement ou de fiscalité.
Pour répondre à Rémy Pointereau, cette proposition de loi ne concerne que les cours d'eau non domaniaux, et pas les fleuves, qui relèvent du régime domanial.
Je conclus mes réponses aux interventions en indiquant que nous avons entendu le Cerema et tenu compte, dans notre réflexion, de la démarche qu'il mène à l'échelle nationale.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous invite, monsieur le rapporteur, à présenter le périmètre de recevabilité des amendements.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je vous propose, mes chers collègues, que celui-ci inclue les dispositions relatives aux procédures applicables en matière d'entretien des cours d'eau - notamment aux régimes d'autorisation ou de déclaration des Iota, ainsi qu'à l'entretien régulier des cours d'eau non domaniaux ; aux programmes d'actions de prévention des inondations ; aux modalités relatives à la composition, au périmètre, à la coordination et à la mise en oeuvre de la réserve d'ingénierie telle qu'instituée par l'article 3 de la présente proposition de loi.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à préciser les opérations susceptibles d'être caractérisées comme relevant de l'entretien régulier des cours d'eau et incombant au propriétaire riverain. Il s'agit de simplifier l'intervention des collectivités territoriales compétentes en matière de Gemapi. Mes travaux préparatoires ont fait apparaître le flou de cette notion juridique, qui est aujourd'hui incomprise et nuit au bon entretien des lits d'eau. Cet amendement répond donc à un objectif de meilleure lisibilité de notre droit et donc de sécurisation juridique.
L'amendement COM-1 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Au travers de l'amendement COM-2, il est proposé, après un échange avec les auteurs de la proposition de loi, de supprimer la procédure d'autorisation simplifiée instituée à l'article 1er. Cette procédure est en effet susceptible de fragiliser juridiquement les projets entrepris en dehors des procédures d'autorisation et de déclaration. Néanmoins, l'esprit de la procédure demeure dans cette proposition de loi, puisque l'extension du périmètre de la procédure d'urgence proposée par le texte offrirait, dans les mois suivant une inondation, la même possibilité que celle proposée par cette procédure d'autorisation simplifiée dont la valeur ajoutée n'est pas manifeste. Avec la procédure d'urgence, les travaux en question seraient entièrement dispensés de procédure formelle, mais doivent simplement être portés à la connaissance du préfet.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à élargir le vivier de recrutement de la réserve d'ingénierie territoriale, en y intégrant, non pas seulement les fonctionnaires territoriaux, mais l'ensemble des agents publics territoriaux. Il sera ainsi possible de faire appel à des contractuels. L'amendement tend également à préciser que cette réserve d'ingénierie s'adresse uniquement aux communes. Nous ciblons en particulier les communes de petite taille.
L'amendement COM-3 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-4 a pour objet de substituer au conseil régional les centres de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) implantés dans chacun des départements pour assurer les missions de coordination et d'animation de la réserve d'ingénierie. Mes auditions ont en effet souligné le besoin d'un interlocuteur moins éloigné du terrain que ne l'est la région, afin de répondre avec souplesse et célérité aux communes sinistrées.
Les CGFPT ont en outre la faculté de faire appel à des agents publics territoriaux pour réaliser des missions temporaires, ce qui est tout à fait dans l'esprit de la réserve d'ingénierie. J'ai fait le test grandeur nature en appelant le directeur du centre de gestion de la Seine-Maritime ; il m'a indiqué qu'il pourrait pleinement assurer ces missions si la loi était adoptée.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, je me réjouis du soutien exprimé sur ce texte. Je remercie le rapporteur pour son travail, ainsi que les auteurs de la proposition de loi. Ce texte ne résoudra pas tous les problèmes, mais il offrira un accompagnement bienvenu et un certain nombre de solutions aux petites communes.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-François Longeot, président, auteur de la proposition de loi. - Nous examinons à présent la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage.
Inscrite à l'ordre du jour du jeudi 6 mars prochain, cette proposition de loi sera examinée dans le cadre de l'espace réservé au groupe Union Centriste. Je rappelle que, dans ce contexte, le gentlemen's agreement s'applique : les amendements adoptés en commission doivent recevoir l'aval des auteurs de la proposition de loi.
Avant de céder la parole à Cyril Pellevat, auteur du volet « batteries au lithium » de ce texte, je dirai quelques mots sur la partie « protoxyde d'azote », dont je suis l'auteur. Selon Santé publique France, 13 % des 18-24 ans ont déjà expérimenté l'usage récréatif du protoxyde d'azote. Facile d'accès, cette drogue aux effets dévastateurs n'est malheureusement plus une nouveauté. La loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote, adoptée à l'initiative de Valérie Létard, a marqué une première avancée, en interdisant la vente aux mineurs et en sanctionnant la provocation à l'usage détourné par un mineur.
Un nouveau pas a été franchi le 28 janvier 2025 avec l'adoption par l'Assemblée nationale de la proposition de loi du député Idir Boumertit visant à restreindre la vente de protoxyde d'azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées. Cette proposition de loi sera examinée au Sénat le 6 mars prochain, le même jour que le texte qui nous est présenté aujourd'hui. Elle prévoit notamment l'interdiction de la vente de ces cartouches la nuit et la pénalisation de l'usage détourné du protoxyde d'azote.
Toutefois, un autre enjeu, de taille, reste encore à traiter : l'impact environnemental de cette pollution silencieuse. Je suis régulièrement alerté par des élus locaux qui assistent, démunis, à la prolifération des bonbonnes de protoxyde d'azote abandonnées dans l'espace public, dans les arrêts de bus, les caniveaux ou les parcs. Ces déchets s'amoncellent, faute de solution efficace de ramassage et de traitement. Plus grave encore, lorsque les bonbonnes sont jetées dans les corbeilles de rue puis envoyées dans les incinérateurs, elles deviennent de véritables bombes à retardement : le gaz restant dans les cartouches provoque des explosions en pleine phase de traitement des déchets. Les conséquences sont désastreuses : une seule explosion coûtera en moyenne 150 000 euros en raison de l'arrêt des installations, met en danger les agents et perturbe l'approvisionnement en énergie des réseaux de chaleur. Ce scandale environnemental et financier ne peut plus durer.
Face à cette situation, j'avais déposé en avril 2024 une proposition de loi visant à imposer aux producteurs de cartouches de protoxyde d'azote d'assumer enfin leurs responsabilités. Ce texte a été enrichi en octobre 2024 par des mesures issues d'une proposition de loi de Cyril Pellevat.
L'article 3 du présent texte prévoit ainsi que les cartouches et bouteilles de gaz sont rattachées à la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) des déchets diffus spécifiques (DDS), afin que les producteurs payent une écocontribution qui financera la prise en charge de ces déchets et assurera l'application du principe « pollueur-payeur ». L'article 4 prévoit, quant à lui, que les producteurs assument les coûts de ramassage et de traitement de ces déchets, qui n'ont pas à être assumés par les collectivités territoriales.
Je remercie la rapporteure Jocelyne Antoine pour le travail qu'elle a réalisé, pour son investissement et pour les auditions qu'elle a menées dans un temps restreint.
M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi. - Je salue tout d'abord l'accord reçu pour le regroupement des deux propositions de loi : elles pourront ainsi être examinées rapidement dans le cadre d'un espace réservé. Je remercie également la rapporteure pour les améliorations apportées au texte.
Alors que plus de 1 400 incendies ont été comptabilisés entre 2010 et 2019 dans les centres de collecte de tri et de recyclage, nous avons jugé important de réagir par voie législative. Centre Écotri de Troyalac'h près de Quimper la semaine dernière, site Paprec à Amiens-nord il y a trois semaines, site Excoffier en Haute-Savoie en octobre 2023... nous avons tous ou presque vécu dans nos territoires des incendies de ce type et nous sommes tous sollicités lorsqu'ils surviennent. L'impact financier est substantiel, puisque l'on demande des contributions supplémentaires aux collectivités. Ces incendies affectent également l'environnement, les déchets étant renvoyés par camion vers d'autres centres de tri. Il y a enfin un impact pour les entrepreneurs, qu'il s'agisse des difficultés d'indemnisation qu'ils rencontrent ou des délais nécessaires pour reconstruire.
Au départ de ces incendies, des piles au lithium et des erreurs de tri sont souvent en cause. Lors du dépôt de cette proposition de loi, Jean-François Longeot et moi-même avons bien vu que l'article 2, qui visait à créer un fonds d'indemnisation financé par les producteurs, pouvait être un irritant pour les industriels. À la lumière des auditions, la disposition envisagée s'est révélée, de plus, contraire au droit européen. Il est tout de même important de solliciter davantage les éco-organismes pour qu'ils prennent une plus grande part à la prévention, à la modernisation des infrastructures, voire à l'indemnisation des dommages causés par ces incendies. Si le travail réalisé est satisfaisant, beaucoup reste à faire, notamment sur la question de la réactivité des assurances. En effet, les industriels ont souvent relevé la difficulté qu'ils avaient à reconstruire. Il faut aller plus loin, car les incendies et les erreurs de tri continuent.
Cette proposition de loi est un texte d'appel : elle a suscité chez les éco-organismes et les autres parties prenantes une prise de conscience. J'espère que nos travaux déboucheront sur des améliorations concrètes pour les industriels et j'approuve l'ensemble des amendements proposés par Mme la rapporteure. Je le répète néanmoins, nous pouvons peut-être aller plus loin.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Cette proposition de loi décline en deux sujets distincts le problème de l'accidentologie dans la filière déchets : les articles 1er et 2 concernent les incendies dans les installations de traitement de déchets liés aux batteries au lithium, tandis que les articles 3 et 4 concernent les explosions dans les incinérateurs de cartouches de protoxyde d'azote.
Ces facteurs d'accidents liés à l'émergence de nouveaux produits qui perturbent l'organisation de toute une filière, nous amènent à réinterroger les responsabilités respectives des acteurs du cycle de vie du produit, du producteur initial à l'opérateur de déchets, en passant par le consommateur, la collectivité territoriale et l'État.
L'usage des batteries au lithium s'est considérablement développé au cours des dernières années, en raison de leur densité énergétique élevée, de leur durabilité et de leur capacité à se recharger rapidement. Ces batteries, lorsqu'elles sont endommagées, sont hautement inflammables au contact de l'eau et de l'oxygène, et seraient à l'origine de la moitié des départs de feu dans la filière déchets.
Les deux tiers de ces incendies sont liés à des erreurs de tri : entre 15 % et 20 % des batteries au lithium, en particulier celles de petite taille, échappent ainsi à la collecte sélective et se retrouvent dans les ordures ménagères. Si elles ne sont pas détectées à temps, elles provoquent ensuite, dans les installations de traitement, des incendies aux conséquences humaines, économiques et environnementales majeures.
Afin de mieux prévenir ces incendies, l'article 1er prévoit l'organisation conjointe, par les éco-organismes concernés par les erreurs de tri de batteries, d'une campagne de sensibilisation inter-filières portant sur les déchets indésirables exposés au risque d'incendie.
L'article 2 vise quant à lui à créer un fonds d'indemnisation des dommages aux installations de traitement de déchets liés aux incendies dus à l'inflammation des piles et des batteries hors des circuits adaptés, afin d'assurer un partage du préjudice lié aux incendies, entre les producteurs et les exploitants d'installations de traitement de déchets. J'ai en effet pu constater, au cours de mes auditions préparatoires, les difficultés rencontrées par les exploitants d'installations de traitement de déchets, confrontés, seuls, à la multiplication des incendies qui engendre, en retour, une hausse exponentielle des primes d'assurance. Ces auditions m'ont toutefois convaincue qu'une approche préventive était plus appropriée qu'une approche indemnitaire pour répondre à ces difficultés sectorielles.
Je vous proposerai donc un amendement visant à remplacer la création d'un fonds d'indemnisation des dommages causés par les incendies dus à l'inflammation des batteries collectées hors des circuits adaptés par la création d'un dispositif dans lequel les éco-organismes devront accompagner, y compris financièrement, les opérateurs de déchets dans la mise en oeuvre de mesures de prévention des accidents.
Je rejoins Cyril Pellevat : nous sommes au début d'un chemin et beaucoup reste à faire en matière d'indemnisation. Nous avons toutefois axé notre réflexion autour de l'intitulé de la proposition de loi, à savoir la prévention des incendies dans les installations liées aux déchets. Le volet assurantiel mérite d'être étudié en profondeur et fera probablement l'objet de travaux ultérieurs.
Le deuxième sujet traité par cette proposition de loi est la prévention des explosions dans les incinérateurs liés aux cartouches de protoxyde d'azote. Nous connaissons malheureusement tous déjà les conséquences sanitaires de cette nouvelle drogue, appelée « gaz hilarant ». Au-delà de cet aspect sanitaire, l'essor du protoxyde d'azote a également des conséquences pour la filière déchets : une fois consommées, les bouteilles ou les cartouches sont bien souvent jetées dans des corbeilles de rue ou abandonnées sur la voie publique, ce qui pose d'énormes problèmes aux collectivités territoriales.
Pourtant, une bouteille de cartouche de protoxyde d'azote est un déchet dangereux : la chaleur extrême du four dans les unités de valorisation énergétique entraîne une dilatation du gaz encore présent dans les bouteilles et provoque des explosions. Selon les accidents, le coût de ces explosions varie de 20 000 euros à 200 000 euros pour le gestionnaire de l'exploitation, en plus des perturbations éventuelles sur le service d'approvisionnement en énergie des usagers raccordés au réseau de chaleur. Au total, le préjudice économique lié aux réparations et aux arrêts de production subséquents aux explosions est estimé entre15 et 20 millions d'euros, d'après la Fédération nationale des activités de la dépollution de l'environnement (Fnade).
Afin de limiter ces accidents, l'article 3 prévoit d'intégrer les bouteilles et les cartouches de gaz à la filière de responsabilité élargie des producteurs des déchets diffus spécifiques, qui traite déjà les déchets dangereux. Cette intégration imposerait aux producteurs des écocontributions suffisantes pour assurer le traitement approprié de ces déchets et mener des campagnes de sensibilisation sur les règles de tri appropriées. Je vous proposerai un amendement, qui vise à exclure du champ de cet article les bouteilles de gaz rechargeables, pour lesquelles des dispositifs de collecte et de consignes fonctionnels existent déjà. Je pense notamment aux bouteilles utilisées en milieu hospitalier, pour lesquelles la filière est déjà sécurisée.
Cette disposition ne résoudra bien sûr pas tout. La réponse au phénomène d'explosion des bonbonnes de protoxyde d'azote ne peut pas être uniquement nationale : une évolution des règles européennes semble nécessaire pour imposer par exemple, à l'instar des bouteilles de propane ou de butane, la présence de soupapes de sécurité laissant s'échapper le gaz.
Les cartouches de protoxyde d'azote sont également à l'origine de surcoûts pour les collectivités territoriales en raison de la prolifération d'abandons dans l'espace public urbain. En application du principe « pollueur-payeur », l'article 4 prévoit la prise en charge par le producteur ou son éco-organisme des coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches ou des bouteilles de gaz abandonnées.
Enfin, je vous proposerai également un amendement visant à modifier l'intitulé de cette proposition de loi, afin de préciser que le texte vise à lutter contre les risques d'accident en général, et non pas seulement contre le risque d'incendie.
Je suis convaincue que ces apports de bon sens enrichiront cette proposition de loi. Je salue la qualité, tout au long de mes travaux préparatoires, de notre collaboration avec les deux auteurs. Ceux-ci m'ont permis d'enrichir le texte sans trahir leur volonté initiale.
M. Alexandre Basquin. - Cette proposition de loi traite d'un véritable problème et je remercie ses auteurs de s'être penchés sur la question, ainsi que Jocelyne Antoine pour son rapport particulièrement pertinent.
J'ai moi-même été interpellé dans mon territoire par un syndicat de valorisation des déchets au sujet du protoxyde d'azote. Outre l'aspect sanitaire de cette consommation en particulier chez les jeunes, le protoxyde d'azote préoccupe fortement les centres de valorisation énergétique : le traitement de ces cartouches est un véritable calvaire. Le syndicat inter-arrondissements de valorisation des déchets du Valenciennois estime ainsi son coût direct à un million d'euros par an, sans évoquer les coûts indirects qui affectent le réseau de chaleur et l'approvisionnement en énergie des populations riveraines. Par ailleurs, il ne faut pas mésestimer le danger pour le personnel qui intervient. La situation qui en résulte est particulièrement injuste pour les collectivités locales. À cet égard, je salue les avancées de la proposition de loi, notamment le renforcement de la responsabilité des producteurs et l'intégration de ces déchets au sein de la REP des « déchets diffus spécifiques ».
Même si la rapporteure a évoqué le sujet, on peut toutefois regretter que cette proposition de loi ignore en partie le sort des contenants mêlés aux ordures ménagères. Je veux parler notamment des poubelles de rue, dont le tri n'est pas possible. Nous aurions pu nous saisir de ce texte pour contraindre les industriels à modifier les valves d'étanchéité des contenants afin de prévenir tout risque d'explosion. Certaines bonbonnes sont si grandes qu'elles peuvent être assimilées à des extincteurs. Nous devons, me semble-t-il, user davantage de moyens coercitifs en direction des producteurs. Pour autant, nous soutenons pleinement cette proposition de loi. Elle va dans le bon sens et constitue une étape majeure.
M. Stéphane Demilly. - Je salue à mon tour cette proposition de loi, qui me paraît judicieuse, importante, urgente et pleine de bon sens. Les incendies dans nos centres de tri et de recyclage sont en effet de plus en plus fréquents. En tant que sénateur de la Somme, je pense notamment au très important incendie de l'usine Paprec d'Amiens-nord, qui s'est déclaré dans la soirée du 27 janvier dernier. Plus de 80 sapeurs-pompiers ont dû lutter pour éteindre les flammes, qui ont détruit 11 000 des 20 000 mètres carrés de ce site spécialisé dans la revalorisation des déchets industriels. Heureusement, aucun blessé n'est à déplorer. Par mesure de précaution, il a toutefois été recommandé de reporter toutes les activités physiques de certaines communes, par crainte de pollution de l'air, ainsi que les activités nautiques, par crainte de pollution de l'eau.
Les incendies provoqués par les substances comme le lithium contenu dans les batteries et le protoxyde d'azote utilisé pour diverses applications industrielles sont non seulement extrêmement dangereux, mais également très difficiles à maîtriser. En raison de leur nature chimique, ces feux requièrent des protocoles de sécurité spécifiques et des équipements adaptés, sans lesquels les risques d'explosion et de propagation sont considérables. Comme l'a dit le président Longeot, il s'agit de véritables bombes à retardement. Selon vous, le mécanisme de prévention et de sensibilisation aux bonnes pratiques de tri de la part des éco-organismes suffira-t-il pour mieux alerter sur les dangers ? Par ailleurs, une formation spécifique ne serait-elle pas nécessaire pour les acteurs du secteur ?
M. Jacques Fernique. - Je remercie également les auteurs de la proposition de loi, ainsi que Mme la rapporteure pour son travail approfondi et précis. Cette proposition de loi est très positive : il était bien nécessaire de s'attaquer au problème grandissant que constituent ces batteries au lithium de diverses tailles jetées au rebut et ces cartouches ou contenants de protoxyde d'azote.
L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Citeo et d'autres acteurs le disent : il faudrait avant tout un tarissement à la source des bonbonnes de protoxyde d'azote. Outre les risques pour la santé, elles engendrent quantité de dépôts sauvages et d'erreurs de tri, voire, lorsque ces contenants sont soumis à de fortes chaleurs, des risques d'explosion et d'accidents.
Le recyclage des batteries au lithium peine à trouver sa maturité économique, faute pour l'instant de flux suffisants, en raison notamment de leur durée de vie. Bon nombre de petites batteries au lithium échappent par ailleurs au flux de déchets dédiés, celui de la filière REP des « déchets d'équipements électriques et électroniques » (DEEE), et sont jetées à tort avec les ordures communes. Nous avons donc un fort enjeu de sensibilisation sur les bons gestes de tri.
Il est urgent de transférer les contenants de protoxyde d'azote de la filière REP des emballages vers la filière REP des « DDS », qui est mieux à même de prévenir les incidents de ce type. Je rejoins également ce qui a été dit sur l'écoconception de ces contenants : une soupape de surpression laisserait en effet s'échapper le gaz avant qu'il ne provoque une explosion.
Nous soutenons la rédaction de l'article 2 proposée par Mme la rapporteure. La création d'un fonds n'aurait pas été nécessairement la bonne solution : ce n'est pas tout à fait la vocation des éco-organismes que de garantir et assurer ce type d'incidents. L'approche préventive est préférable à l'approche indemnitaire.
En conclusion, les mesures proposées sont tout à fait pertinentes et mon groupe y est favorable.
Mme Marta de Cidrac. - Je salue cette proposition de loi, qui traite en effet d'un sujet éminemment prégnant. Nous avons tous ou presque été saisis sur cette question par nos opérateurs dans nos territoires respectifs. Je salue également le travail de fond remarquable qu'a réalisé notre rapporteure Jocelyne Antoine.
Nous sommes au coeur même de l'économie circulaire et du principe « pollueur-payeur ». Devant la dangerosité avérée de ces objets qui suscitent des nuisances importantes, il était fondamental de renforcer la prévention. Je souscris donc aux amendements proposés par notre rapporteure, et particulièrement celui qui porte sur l'article 2.
Mme Nicole Bonnefoy. - Je joins mes remerciements à ceux de mes collègues. Nous sommes favorables à cette proposition de loi et nous voterons les amendements COM-1, COM-2, COM-4 et COM-5, mais nous nous abstiendrons sur l'amendement COM-3. En effet, nous jugeons regrettable la suppression du fonds d'indemnisation, qui renvoie le problème vers les collectivités.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Mon cher collègue Alexandre Basquin, j'entends votre souhait d'aller plus loin sur la normalisation des contenants, ainsi que votre suggestion d'imposer des systèmes de sécurité sur lesdites bouteilles. Ces questions relèvent cependant du droit européen. Nous avons échangé avec la direction générale de la prévention des risques au ministère de la transition écologique, qui travaille sur ce sujet à l'échelle européenne. Il ne vous aura pas échappé que la montée en flèche de la consommation de ce « gaz hilarant » n'est pas spécifique à la France. Nous avons bon espoir d'avancer sur la normalisation des bouteilles et sur l'ajout de systèmes de sécurité.
Les services de l'État travaillent également sur le volume des bouteilles commercialisées. Ces cartouches, qui sont également utilisées dans la restauration, sont en effet de plus en plus grosses. Or plus elles sont grosses, plus elles font de dégâts dans les fours. Les plus petites cartouches, dites « siphon de la ménagère », ne posent pas vraiment de problèmes.
Monsieur Demilly, je suis tentée de vous répondre que la prévention et la formation ne sont jamais suffisantes. Nous disposons toutefois du retour d'expérience des filières REP « DEEE » et « Piles et accumulateurs ». Ces deux filières intègrent ces produits dangereux dans leurs process depuis plusieurs années. Elles sont prêtes à accompagner les autres filières, comme le textile, l'ameublement ou les emballages, en matière de prévention.
Les piles au lithium posent un problème dès lors qu'elles alimentent des filières où on ne les attend pas. Que fait en effet le consommateur qui reçoit à Noël une carte musicale lorsqu'il doit la mettre au tri sélectif ? En général, il la met dans le bac à papier, ce qui peut provoquer des incendies. Au cours des dix-huit derniers mois, la filière « DEEE » n'a enregistré qu'un seul incendie. On voit bien que les filières ayant cette culture du risque ont trouvé des solutions pour réduire l'accidentologie. Il faut donc qu'elles fassent bénéficier les autres filières de leur expérience. Il est certain que le risque zéro n'existe pas et qu'il y aura toujours des erreurs de tri. À cet égard, l'arrivée massive des piles boutons minuscules est un problème majeur : quand il la jette, le consommateur n'a pas le sentiment de jeter une pile.
M. Stéphane Demilly. - Où en est-on de la carte Noël ?
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - En théorie, il faut la découper pour diriger la pile bouton vers la filière piles et la carte en papier vers la filière papier. Je ne vous garantis pas que chacun fera cet effort...
Madame Bonnefoy, la création du fonds d'indemnisation n'était pas conforme à la réglementation européenne. Nous avons toutefois bien pris conscience, lors des auditions préparatoires, de la problématique d'indemnisation des collectivités. Il faut maintenant travailler davantage le côté assurantiel.
Je propose que le périmètre de la proposition de loi au titre de l'article 45 de la Constitution (cavalier législatif) inclue les dispositions relatives à la prévention du risque incendie dans les installations de traitement de déchets lié aux batteries au lithium, ainsi qu'au ramassage, à la collecte et au traitement des cartouches de protoxyde d'azote.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - L'amendement rédactionnel COM-2 vise à clarifier les éco-organismes et systèmes individuels concernés par l'obligation de communication. Il s'agit des filières REP « DEEE » et « Piles et accumulateurs », ainsi que des éco-organismes et systèmes individuels des filières REP couvrant les autres produits intégrant des piles et accumulateurs.
L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Il s'agit par l'amendement COM-3 de remplacer la création d'un fonds d'indemnisation des dommages causés par les incendies dus à l'inflammation des batteries collectées hors des circuits adaptés par l'ajout, aux missions relevant de la responsabilité élargie du producteur, de la prévention des accidents dans les centres de la filière déchets.
La création de ce fonds, financé par les éco-organismes des filières REP « DEEE » et « Piles et accumulateurs », est contraire au droit européen : la directive-cadre « Déchets » encadre à son article 8 bis les coûts que doivent couvrir les producteurs sous REP, et la mise en place d'un tel fonds n'est pas conforme à ses dispositions. Elle apparaît par ailleurs peu adaptée à l'enjeu des incendies liés aux batteries au lithium. En effet, le fonds ne réduira pas le nombre d'incendies et cette option relève du palliatif plutôt que du préventif.
Un dispositif alternatif vous est donc proposé : les éco-organismes devront, dans des modalités définies dans leur cahier des charges, accompagner, y compris financièrement, les opérateurs de déchets dans la mise en oeuvre de mesures de prévention des accidents, ce qui comprend notamment les incendies liés aux batteries au lithium.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - L'article 3 prévoit l'inclusion des cartouches et bouteilles de gaz dans le champ de la filière REP « DDS » pour permettre un traitement approprié. L'amendement COM-4 vise à exclure les bouteilles de gaz rechargeables.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement rédactionnel COM-5 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à élargir le champ des installations considérées à l'ensemble des installations de traitement de déchets.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons à présent procéder à la désignation d'un rapporteur pour avis sur la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.
En septembre 2023, le Président de la République s'était engagé à soutenir la conversion d'ici à 2027 à la biomasse des deux dernières centrales à charbon en service en France métropolitaine, situées à Cordemais, en Loire-Atlantique et à Saint-Avold, en Moselle, qui représentent 0,16 % de la production d'électricité nationale. Cette annonce, nécessaire pour assurer l'atteinte des objectifs climatiques de la France, se faisait attendre après un report de la fermeture des centrales à charbon en 2022, dans le contexte de crise énergétique de l'époque.
La conversion de la centrale de Saint-Avold en faveur de la production de biomasse est toutefois apparue plus complexe que prévu. Il aurait coûté moins cher de construire une nouvelle centrale que d'opérer cette conversion ! Face à cette situation, l'exploitant de la centrale GazelEnergie a proposé un projet de conversion vers le gaz naturel et le biogaz, qui a recueilli, le 12 février 2025, le soutien du ministre de l'économie, Éric Lombard.
Afin d'être viable économiquement, la nouvelle centrale devra bénéficier du mécanisme de capacité. Ce dispositif, qui a fait l'objet d'une refonte dans la loi de finances initiale pour 2025 qui vient d'être validée par le Conseil constitutionnel, vise à soutenir les moyens de production de pointe, c'est-à-dire les installations de production d'électricité extrêmement flexibles destinées à ne fonctionner qu'en de rares périodes de fortes tensions sur le réseau, en France en période hivernale.
C'est l'objet de cette proposition de loi transpartisane déposée par les cinq sénateurs de Moselle, Khalifé, Jean-Marie Mizzon, Catherine Belrhiti, Christine Herzog et Michaël Weber, qui apporte les aménagements législatifs nécessaires au rattachement de la centrale convertie au mécanisme de capacité.
Cette proposition de loi a été envoyée à la commission des affaires économiques, au titre de sa compétence énergie. En parallèle, étant donné l'enjeu majeur lié à la transition énergétique et, donc, à la lutte contre le dérèglement climatique, notre commission a toute légitimité pour se saisir pour avis sur ce texte. Il ne fait aucun doute que le croisement de l'expertise des deux commissions permettra d'enrichir les travaux du Sénat.
La commission demande à être saisie pour avis sur la proposition de loi n° 324 (2024-2025) visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement, présentée par MM. Khalifé et plusieurs de ses collègues, et désigne Mme Christine Herzog rapporteure pour avis.
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Délégation des articles
M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite aborder très concrètement les modalités d'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.
Ce texte a été déposé le 31 octobre 2024 par le Gouvernement avec engagement de la procédure accélérée et adopté par l'Assemblée nationale lundi 17 février 2025. Il a été envoyé au fond à notre commission. Ainsi, il nous reviendra d'examiner le 5 mars prochain l'article 9, les articles 24 à 26 - y compris l'article 24 bis, qui a été inséré dans le texte à la suite de son adoption par l'Assemblée nationale - et les articles 28 à 39, qui portent sur des questions de droit des transports, d'énergies renouvelables et d'autorisations environnementales. Le texte sera ensuite examiné en séance publique le lundi 10 mars, et éventuellement le lendemain.
En accord avec notre collègue Damien Michallet, désigné par notre commission en qualité de rapporteur, et en accord avec les commissions concernées, avec lesquelles nous avons noué un dialogue fructueux, je vous propose de déléguer au fond l'examen de certains articles, dont les sujets relèvent du champ de compétence d'autres commissions.
Les articles 1er à 12, à l'exception de l'article 9, ont pour objet de transposer une série de textes communautaires en matière économique et financière. Il semble donc logique de déléguer l'expertise de ces dispositions à la commission des finances.
Les articles 13 à 19, 42 et 43 portent sur le droit de la commande publique, sur la question des actions du groupe et sur l'entrée et le séjour des étrangers. Je vous propose de confier l'examen de ces articles à la commission des lois.
Il semble par ailleurs opportun de déléguer à la commission des affaires économiques l'examen des articles 20 à 23, qui portent sur des enjeux de marché de l'énergie, de réseaux de transport d'électricité et sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, ainsi que l'article 27, concernant la transposition de la directive relative à l'efficacité énergétique.
Enfin, les articles 40 et 41 traitent de la profession infirmière et des dispositifs médicaux. Je vous propose de confier leur examen au fond à la commission des affaires sociales.
La Conférence des présidents avait initialement envisagé de confier l'examen du texte à une commission spéciale. C'est à ma demande que notre commission a été saisie au fond. Nous conservons l'examen au fond de dix-sept articles. Dans le cadre des bonnes relations que nous entretenons avec les autres commissions, il est aussi logique de permettre aux commissions ayant une compétence sur les sujets concernés de l'exercer.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 11 h 05.