- Lundi 17 février 2025
- Mercredi 19 février 2025
- Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation - Examen des amendements de séance
- Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote - Examen du rapport et du texte de la commission
- Bilan de « Mon espace santé » - Audition de Mmes Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à gestion et à l'organisation des soins de la Caisse nationale de l'assurance maladie, Hela Ghariani, déléguée ministérielle au numérique en santé, MM. Gérard Raymond, président de France Assos Santé, Laurent Pierre, conseiller numérique en santé de la Fédération hospitalière de France et professeur Stéphane Oustric, vice-président du Conseil national de l'ordre des médecins (sera publié ultérieurement)
- Désignation d'un rapporteur
Lundi 17 février 2025
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 - Examen des amendements de séance (nouvelle lecture)
M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons les amendements déposés sur le PLFSS pour 2025 dans le cadre d'une nouvelle lecture.
Je vous rappelle que la séance publique débutera à 15 heures.
Sur les 78 amendements déposés sur ce texte, il nous en reste 64 à examiner, après retrait de certains amendements et application de l'article 40 de la Constitution.
Je vais passer la parole à notre rapporteure générale pour un point sur l'ensemble de ces amendements, en particulier sur ceux qui pourraient être frappés d'inconstitutionnalité au regard de la règle de l'entonnoir.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Comme je l'indiquais déjà la semaine dernière, mes chers collègues, nous arrivons à la fin du feuilleton et les positions des uns et des autres sont connues. Le président et moi-même suggérons donc, si vous en êtes d'accord, de réserver les arguments pour la séance publique.
Il convient néanmoins que nous nous prononcions sur l'irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution de six amendements puisque, comme vous le savez, seuls sont recevables les amendements présentant un lien direct avec une disposition en navette.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous propose de déclarer irrecevable l'amendement n° 60, dont l'objet est de supprimer la réduction des cotisations salariales d'assurance vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires.
L'amendement n° 60 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous propose également de déclarer irrecevable l'amendement n° 61, qui tend à instaurer une contribution de solidarité sur le capital.
L'amendement n° 61 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous propose également de déclarer irrecevable l'amendement n° 48, qui vise à créer une taxe sur les dépenses de publicité en faveur des produits alimentaires industriels et des boissons sucrées.
L'amendement n° 48 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous propose également de déclarer irrecevable l'amendement n° 46, tendant à prévoir une loi de programmation pluriannuelle pour la santé.
L'amendement n° 46 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous propose également de déclarer irrecevable l'amendement n° 33, ayant pour objet de conditionner la prise en charge des soins d'orthodontie à la possession de certains diplômes par les praticiens.
L'amendement n° 33 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous propose enfin de déclarer irrecevable l'amendement n° 62, par lequel notre collègue Raymonde Poncet Monge demande un rapport sur le coût des revalorisations au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
L'amendement n° 62 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Pour le reste des amendements, bien que je sois formellement la seule rapporteure sur le texte, nous souhaitons conserver la répartition des compétences que nous avions établie pour la première lecture : mes collègues rapporteurs de branche pourront donc présenter en séance, depuis le banc des commissions, notre position commune.
Comme indiqué également lors de notre réunion de la semaine dernière, les rapporteurs de branche et moi-même vous proposons d'adopter le texte conforme et, en conséquence, de donner un avis défavorable à l'ensemble des amendements recevables.
Mme Annie Le Houérou. - C'est dommage de ne pas passer les amendements en revue...
M. Philippe Mouiller, président. - Nous aurions simplement cité le numéro de l'amendement et son auteur. Nous vous proposons d'aller plus vite, ce qui vous laisse du temps pour préparer les interventions que vous pourrez faire tout à l'heure en séance.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'ajoute que vous avez déjà entendu la plupart des commentaires lors de la première lecture. Vous ne serez donc pas étonnés des positions que nous allons défendre. Nous vous proposons simplement de ne pas nous répéter à outrance.
M. Philippe Mouiller, président. - L'important, c'est d'avoir le débat en séance.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
TABLEAU DES AVIS
Proposition de loi créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Florence Lassarade rapporteure sur la proposition de loi n° 299 (2024-2025) créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales, présentée par Mme Valérie Boyer.
La réunion est close à 14 h 10.
Mercredi 19 février 2025
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation - Examen des amendements de séance
M. Philippe Mouiller, président. - Nous commençons par examiner les amendements de séance sur la proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation. Je rappelle que lors de notre précédente réunion, notre commission n'avait pas adopté de texte. La discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Article additionnel après l'article 3
Mme Silvana Silvani, rapporteure. - Les conventions et les accords collectifs de travail nationaux ne s'appliquent dans les outre-mer que six mois après leur entrée en vigueur. Ce temps imparti doit permettre aux partenaires sociaux de négocier les adaptations nécessaires au contexte local.
L'amendement n° 1 rectifié vise à préciser que les accords négociés pour l'outre-mer, concernant les niveaux de salaire, puissent prévoir une entrée en vigueur anticipée des stipulations nationales. Si un accord local a été trouvé, il est en effet dommage que l'ensemble du dispositif ne s'applique pas avant le délai de rigueur de six mois.
Cette précision me parait utile et va dans le sens de la protection du salaire des travailleurs ultra-marins.
J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Je remercie Mme Bélim de nous alerter sur la situation très particulière des territoires ultramarins. Cet amendement met l'accent sur une forme d'injustice.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié.
Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de la présidente Maryse Carrère et du texte de la commission sur la proposition de loi de notre collègue Ahmed Laouedj visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote.
Ce texte est inscrit à l'ordre du jour au sein de l'espace réservé du groupe RDSE le jeudi 6 mars dans l'après-midi.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Au mois de décembre, notre collègue Ahmed Laouedj a déposé une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote. Ce texte s'inscrit dans la continuité d'une loi qu'avait portée Valérie Létard au sein de notre assemblée : la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote.
Signe de la préoccupation du législateur et des inquiétudes relayées par les élus locaux, l'Assemblée nationale a adopté, le 29 janvier dernier, une proposition de loi portant sur le même sujet. Toutefois, le texte que nous examinons ce matin s'en distingue nettement puisqu'il ne vise pas une interdiction totale de la vente du protoxyde d'azote aux particuliers, interdiction à laquelle le ministre de la santé s'est d'ailleurs dit opposé.
Au moment où nous constatons une recrudescence de la consommation récréative de protoxyde d'azote, ce texte vise à renforcer notre arsenal législatif pour circonscrire ces mésusages, tout en veillant à la proportionnalité des mesures, poursuivant ainsi la philosophie de la loi de 2021.
Avant d'entrer dans le vif du texte, je voudrais rappeler quelques éléments de contexte. Le protoxyde d'azote, autrement dénommé « proto » ou gaz hilarant, est régi par un double statut qui ne facilite pas la perception des risques dont son utilisation peut s'accompagner.
En tant que médicament analgésique ou anesthésique, il est inscrit sur la liste 1 des substances vénéneuses, soumis à prescription médicale, réservé à un usage professionnel et surveillé par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au titre de sa mission d'addictovigilance. Contrastant avec cet encadrement particulièrement rigoureux, le protoxyde d'azote est également un produit de consommation courante : additif alimentaire, vendu en grande surface dans de petites cartouches destinées à la préparation de crème fouettée, il est aussi employé dans l'industrie automobile, l'horlogerie ou la photographie comme gaz de compression.
Le caractère licite de ce produit véhicule une image d'innocuité qu'il faut pourtant démentir. Sa dangerosité est attestée par la communauté scientifique et par les autorités sanitaires, qui alertent depuis plusieurs années sur l'émergence d'une nouvelle problématique de santé publique.
Si la consommation récréative de protoxyde d'azote demeure relativement circonscrite, elle est en recrudescence depuis les années 2010. En 2022, 4,3 % des adultes de 18 à 75 ans déclaraient avoir expérimenté le protoxyde d'azote, et 5,4 % parmi les 15-18 ans. Les jeunes adultes de 18 à 34 ans sont les plus concernés par ces usages, l'âge moyen du consommateur se situant autour de 25 ans. Pourtant, l'évolution de la consommation récréative de protoxyde d'azote est encore mal documentée : en effet, les premières enquêtes en population générale n'ont été conduites qu'en 2022 ; les prochaines le seront en 2027.
Il existe néanmoins un large faisceau d'indices que nous ne pouvons ignorer, qui tendent à démontrer que les usages détournés et dangereux de ce produit sont en augmentation.
Tout d'abord, la hausse des signalements enregistrés par le réseau des centres d'addictovigilance est spectaculaire : le nombre de cas notifiés a quasiment été multiplié par quatre entre 2020 et 2023. Ces cas correspondent aux situations ayant donné lieu à une prise en charge par un professionnel de santé, mais ne décrivent pas la consommation de protoxyde d'azote en population générale.
Ensuite, le nombre de cas graves augmente dans les mêmes proportions, en lien avec l'évolution des doses consommées. En raison de la disponibilité de contenants de grand volume de type bombonnes ou bouteilles, les quantités inhalées sont en effet de plus en plus importantes, jusqu'à plusieurs centaines de cartouches par jour. Ces consommations s'accompagnent de complications neurologiques et neuromusculaires fréquentes, ainsi que de troubles de l'usage et, dans une moindre mesure, de complications cardiovasculaires et de troubles psychiatriques.
La fugacité des effets provoqués, de même que l'accessibilité du produit sur internet et son prix modéré, favorisent cette évolution des consommations. L'essentiel des ventes étant réalisées en ligne, parfois sur des sites hébergés hors de France, le contrôle des contenants est, il faut bien l'admettre, à peu près inexistant. Malgré l'interdiction de leurs formats depuis le 1er janvier 2024, les bombonnes et bouteilles semblent désormais constituer une part non négligeable, pour ne pas dire majoritaire, des achats.
Enfin, les troubles à l'ordre public, c'est-à-dire à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité publiques, se multiplient partout en France, principalement dans les zones urbaines. Les municipalités sont en première ligne et tentent d'agir, à leur niveau et avec les moyens dont elles disposent : à Marseille, à Lyon, à Montpellier, à Paris, à Argenteuil, à Saint-Ouen, dans tant d'autres villes et dans de nombreux départements, des arrêtés municipaux et préfectoraux sont pris par les autorités locales pour tenter d'endiguer le phénomène, interdisant par exemple la vente de protoxyde d'azote la nuit ou sa consommation sur l'espace public.
Outre les manifestations cliniques de cette consommation qui engendrent régulièrement des comportements agressifs, des situations de prise de risques et des accidents de la voie publique, les élus locaux sont confrontés à des décharges de bombonnes sur les bords de route ou les parkings, qui s'amoncellent sans solution systématique de recyclage. Ces déchets dangereux exposent ensuite les travailleurs des usines de traitement et d'incinération des déchets à des risques d'explosion, du fait de l'absence de dégazage des contenants.
Non moins inquiétant, les autorités de police alertent sur la structuration de réseaux d'importation et de revente illicite de protoxyde d'azote, calqués sur le modèle des trafics de stupéfiants. Ces dernières années, la multiplication des saisies témoigne incontestablement de ce phénomène nouveau. L'an dernier, 30 tonnes de protoxyde d'azote sous forme de 13 000 bombonnes ont ainsi été saisies en Île-de-France.
Il me semble par ailleurs important d'indiquer que plusieurs pays européens, notamment les Pays-Bas, le Danemark, l'Irlande ou le Royaume-Uni, sont confrontés aux mêmes difficultés que la France. Ces pays tentent, par des moyens similaires à ceux que nous employons, de réguler les usages détournés de protoxyde d'azote.
Dans ce contexte, en mars 2023, le comité d'experts de l'agence européenne des produits chimiques a décidé, après avoir été saisi par la France, de classer le protoxyde d'azote comme produit neurotoxique et reprotoxique, confirmant à nouveau sa dangerosité. Il revient désormais à la Commission européenne de confirmer cet avis et de définir, le cas échéant, de nouvelles restrictions de vente qui pourront s'accompagner de dérogations ciblées, par exemple pour les cartouches de petit format vendues aux particuliers.
Face à ces constats, le texte déposé par notre collègue Ahmed Laouedj vise à dissuader plus fermement les usages détournés de protoxyde d'azote et à renforcer les actions de prévention en direction des publics les plus vulnérables, c'est-à-dire les jeunes. La loi de 2021 poursuivait déjà cette double ambition, en posant les jalons d'un premier cadre législatif.
Si les dispositions de cette loi, somme toute récente, restent encore insuffisamment connues, les statistiques des ministères de l'intérieur et de la justice témoignent de leur appropriation progressive par les forces de l'ordre. Néanmoins et malgré le faible recul dont nous disposons sur sa mise en oeuvre, le cadre juridique actuel souffre de plusieurs carences, qu'il s'agirait donc de combler.
En premier lieu, la proposition de loi vise à créer une infraction sanctionnant directement l'usage détourné de protoxyde d'azote et à interdire sa détention par les mineurs. Elle propose également d'aligner diverses dispositions sur celles prévues en matière d'encadrement des débits de boissons et de lutte contre l'alcoolisme. En deuxième lieu, elle vise à mieux contrôler les circuits de la vente aux particuliers en créant un dispositif d'agrément et donc, de recensement des vendeurs, et en interdisant la vente de nuit. En troisième lieu, elle poursuit un objectif de responsabilisation des consommateurs en matière environnementale, en identifiant une infraction spécifique d'abandon ou de dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d'azote. Enfin, en quatrième lieu, elle vise à sensibiliser les collégiens et les lycéens aux risques spécifiquement associés aux détournements d'usage du protoxyde d'azote.
Ce texte ayant dû être instruit dans un délai particulièrement court, malgré la sensibilité des enjeux qu'il recouvre, je ne doute pas qu'il pourra être enrichi au cours de la navette parlementaire.
Il devra par ailleurs donner lieu à une saisine de la Commission européenne sur le fondement de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015, qui impose une notification des projets de textes comprenant des spécifications techniques, affectant notamment les conditions de commercialisation de certains produits.
Dès le stade de la commission, je vous proposerai plusieurs amendements destinés à renforcer et à équilibrer ce texte et je vous inviterai, en conséquence, à l'adopter dans cette version amendée.
Il me revient, enfin, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux conditions d'accès au protoxyde d'azote et, notamment, à l'encadrement de ses conditions de vente, de distribution et de promotion, en vue de restreindre ou de limiter ses usages détournés et dangereux. Je considère qu'il comprend également les sanctions afférentes à ces dispositions, celles relatives à leurs modalités de contrôle, ainsi qu'à la prévention et à la collecte et au recyclage des dispositifs contenant du protoxyde d'azote.
En revanche, je vous proposerai d'exclure de ce périmètre les dispositions relatives aux produits stupéfiants, à tout autre produit susceptible de provoquer des effets psychoactifs ou présentant un risque de dépendance, ainsi qu'au protoxyde d'azote à usage médical.
Mme Florence Lassarade. - On constate malheureusement une aggravation de la situation. La consommation de protoxyde d'azote se développe rapidement. Dans le train, on voit des gamins hilares, et on imagine aisément ce qu'ils ont consommé. Jusqu'à présent, ils utilisaient des cartouches ménagères ; désormais ils achètent des bouteilles ou des bonbonnes. Ces dernières explosent d'ailleurs parfois dans les déchetteries. Ne faudrait-il pas simplement interdire la vente de ces produits ? Il est possible de faire monter la chantilly avec un fouet. Il ne suffit pas de limiter la vente aux contenants de petit format, car les enfants ont accès à ces cartouches chez eux.
Mme Jocelyne Guidez. - Cette proposition de loi va plus loin que la loi de Valérie Létard de 2021, dont j'étais rapporteure : celle-ci n'interdisait que la vente aux mineurs. Le texte proposé vise à interdire la détention par les mineurs.
À l'époque, le phénomène d'addiction au protoxyde d'azote concernait surtout le Nord. Je me souviens qu'à Loos, par exemple, on ramassait dans les rues plus de 35 kilogrammes de petites cartouches de gaz chaque semaine. Le phénomène s'est aujourd'hui répandu dans les grandes communes comme dans les communes rurales. L'usage de grandes cartouches d'un litre s'est développé. Je ne suis pas favorable à une interdiction du protoxyde d'azote. En revanche, il faut éviter les usages détournés.
M. Daniel Chasseing. - En 2021, nous avions interdit la vente aux mineurs, mais la consommation a malheureusement fortement augmenté depuis. Celle-ci suscite des troubles à l'ordre public : les consommateurs peuvent avoir des comportements agressifs ; des bonbonnes explosent dans les déchetteries, etc. Ce texte va dans le bon sens, en durcissant les conditions d'agrément des vendeurs, en interdisant d'abandonner les bonbonnes sur la voie publique, en mettant l'accent sur la sensibilisation des collégiens et des lycéens, etc. Mais on peut sans doute aller plus loin, car la consommation s'est encore accrue depuis le dépôt de ce texte, que je voterai.
Mme Marion Canalès. - Ce texte sera examiné en séance au Sénat le 6 mars, après l'examen d'une proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage. Ce n'est pas anodin. Le traitement des bonbonnes de protoxyde d'azote dans les déchetteries est un enjeu. Il coûte entre 9 et 15 euros par bonbonne. Ces déchets, en effet, sont très dangereux.
La consommation de protoxyde d'azote a explosé lors de la crise du covid. Il figure parmi les cinq substances addictives qui sont les plus consommées en France : on a recensé ainsi 472 signalements en 2021, contre 254 seulement en 2020. Le développement de la consommation est exponentiel.
Il est frappant de noter que 5 % des élèves de troisième déclarent en avoir déjà consommé. Les réseaux sociaux font la promotion de la consommation. Ils constituent une formidable caisse de résonance pour ces pratiques parmi les jeunes, ce qui a contribué au développement de véritables addictions.
L'usage de ce produit a été dévoyé. Ce dernier devrait être réservé aux professionnels. On peut faire de la chantilly à la main. Il convient donc d'encadrer la vente et l'achat, en les réservant à des professionnels agréés, de développer une filière de recyclage certifiée, et de réguler ou d'interdire les incitations à consommer, notamment sur les réseaux sociaux.
Mme Silvana Silvani. - Il me paraît important de ne pas employer le qualificatif de « stupéfiant », sinon beaucoup de vendeurs seront assimilés à des dealers. Mais je crois que notre rapporteure proposera un amendement en ce sens.
Il manque, dans ce texte, un volet consacré à la santé publique. Restreindre ou interdire est une chose, mais il serait aussi nécessaire de mener une grande campagne de sensibilisation et d'information des jeunes sur les risques, même si je sais que nous n'avons pas beaucoup la main sur ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Les jeunes sont friands d'expérimentations. Il faut les accompagner et les sensibiliser. L'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France a ainsi mené une campagne de sensibilisation en 2023, mais les initiatives régionales ne suffisent pas. L'État doit s'engager fortement sur le sujet. Il conviendrait de mener une grande action de santé publique au plan national, en complément des restrictions apportées à la vente de protoxyde d'azote.
Mme Anne Souyris. - La consommation du protoxyde d'azote est un problème, car elle concerne les jeunes, voire les très jeunes. Ces derniers sont souvent issus de milieux défavorisés. Certains consomment des dizaines de cartouches par jour. Il ne s'agit plus dès lors d'une pratique récréative, mais d'une véritable addiction. La consommation de ce produit, comme celle des drogues dures, permet à ces jeunes d'oublier leur réalité.
Les interdictions ne donnent rien. On le voit à Paris. Il faut développer la prévention, notamment dans les écoles. Tel est bien l'enjeu : le public concerné est très jeune, et certains prennent l'habitude de consommer ce produit dès l'école primaire. Or ce texte est muet sur ce point et s'inscrit toujours dans une logique d'interdiction, mais cette politique est très peu efficace à l'égard des enfants et des jeunes. Nous devons trouver la manière de les accompagner.
Lorsque l'on consomme dans la rue des dizaines de cartouches de gaz, il ne s'agit pas d'une pratique festive dans un appartement ! Nous devons comprendre ce qui se passe. Ce phénomène a des causes sociales et psychologiques. La consommation s'est développée pendant la crise du covid, à un moment où certains jeunes ont sombré dans des problèmes psychologiques assez lourds, dont ils ne sont pas sortis. Cette proposition de loi ne s'intéresse pas à cette dimension. Elle prolonge une logique d'interdiction. Or les préfets reconnaissent qu'ils ne voient pas les effets de cette politique.
Nous ne devons pas oublier non plus la dimension environnementale. Le recyclage a un coût très important.
Dans ces conditions, je me demande s'il ne serait pas opportun d'interdire ce produit complètement hors des circuits professionnels.
Avec ce texte on se donne bonne conscience, on augmente davantage les interdits, mais cela ne servira à rien, sinon à donner encore un peu plus de travail à notre police et à notre justice. Il faut s'attaquer aux dimensions sanitaires, sociales et environnementales du problème.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Ne serait-il pas raisonnable que ces bonbonnes et cartouches relèvent d'une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), afin de faciliter le recyclage ?
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Je pense que mes amendements apporteront certaines réponses à vos observations.
Madame Lassarade, une proposition de loi visant à interdire la vente de protoxyde d'azote aux particuliers dans les commerces physiques et en ligne a été déposée à l'Assemblée nationale, mais le Gouvernement et l'ANSM ne sont pas favorables à cette interdiction, car le protoxyde d'azote a de nombreux usages et qu'il ne peut être assimilé à un produit stupéfiant.
Madame Guidez, la proposition de loi va plus loin que la loi de 2021, car elle vise à interdire l'usage détourné de ce produit pour les mineurs, mais aussi pour les majeurs. Le texte encadre les circuits de distribution. Il renforce les moyens de contrôle des forces de l'ordre : actuellement, pour pouvoir agir, elles doivent réussir à prendre en flagrant délit un majeur en train de donner une capsule à un mineur pour l'inciter à consommer. Ce n'est pas simple...
Madame Canalès, les bonbonnes et les bouteilles de protoxyde d'azote sont interdites. Seules les petites cartouches, qui ne posent pas les mêmes difficultés pour le recyclage, sont autorisées. Je reviendrai sur la question de l'agrément des professionnels dans mes amendements. Là encore, la question est délicate.
Madame Silvani, les autorités sanitaires ne prévoient pas de placer le protoxyde d'azote sur la liste des produits stupéfiants. En conséquence, je déposerai des amendements pour modifier l'échelle des sanctions prévue concernant la pénalisation de l'usage détourné.
Madame Souyris, la proposition de loi comporte un volet consacré à la prévention. Je proposerai de le renforcer par mes amendements. Nous devons donner aux autorités les bons outils pour traiter le sujet, interdire les usages détournés du produit, faciliter la réalisation des constats de flagrant délit et responsabiliser les consommateurs.
Madame Bonfanti-Dossat, les petites cartouches doivent faire partie des filières de la REP. Le problème est qu'elles sont souvent achetées sur internet et que l'on ne connaît pas les producteurs, car ils sont à l'étranger. Il est difficile de tracer l'origine des bonbonnes. Il y a un indéniable problème d'ordre environnemental. Le maire de Saint-Ouen nous a ainsi dit que plus de 2 000 bonbonnes sur la voie publique ont été ramassées l'an dernier dans sa commune.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Afin de responsabiliser les consommateurs et de donner un moyen d'action supplémentaire aux autorités, la proposition de loi crée une nouvelle infraction d'usage détourné de protoxyde d'azote.
Mon amendement COM-1 vise à adapter le niveau de la sanction pour cette nouvelle infraction, fixée à un an d'emprisonnement et à 3 750 euros d'amende, ce qui correspond à une peine équivalente à celle prévue pour l'usage de stupéfiants.
Le protoxyde d'azote n'étant pas classé comme stupéfiant, dans un souci de proportionnalité des peines, je propose de transformer la sanction en contravention de la 3e classe, soit une amende d'un montant de 450 euros au maximum. À titre de comparaison, le code de la santé publique sanctionne l'état d'ivresse manifeste sur la voie publique d'une contravention de la 2e classe.
L'amendement COM-1 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'alinéa 8, qui comporte une disposition redondante avec la loi en vigueur depuis juin 2021, concernant la mention de la dangerosité de l'usage détourné de protoxyde d'azote sur les unités de conditionnement.
En outre, la loi du 1er juin 2021 a prévu que soit définie par arrêté une quantité maximale de vente de protoxyde d'azote aux particuliers. Cette quantité a été fixée à dix cartouches par un arrêté du 19 juillet 2023. Toutefois, aucune amende ni sanction n'ont été prévues en cas d'infraction.
Je propose donc de créer une amende de 100 000 euros en cas de non-respect des quantités maximales de vente de protoxyde d'azote aux particuliers.
Le montant de l'amende s'inspire de l'article L. 3515-3 du code de la santé publique, qui sanctionne de 100 000 euros d'amende, notamment, la vente d'un dispositif électronique de vapotage jetable dont le réservoir dépasse le volume maximal autorisé, ainsi que la vente de produits de vapotage contenant de la nicotine dont le conditionnement ou l'emballage extérieur ne mentionne pas certains éléments obligatoires.
L'amendement COM-2 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-3 tend à transformer le système d'agrément des vendeurs de protoxyde d'azote envisagé par la proposition de loi en un système déclaratif. Cette modification vise à ne pas pénaliser les circuits de vente légaux de protoxyde d'azote, notamment les acteurs de la grande distribution, mais permet néanmoins de disposer d'une liste des commerces vendeurs de protoxyde d'azote, à des fins de contrôle.
En effet, la difficulté à réguler les circuits de distribution du protoxyde d'azote tient au fait que les ventes de bonbonnes ou bouteilles de format non réglementaire et, plus largement, les ventes à des fins récréatives, transitent majoritairement par internet, notamment via les réseaux sociaux, plutôt que par les commerces traditionnels.
Le protoxyde d'azote représente une part très marginale des ventes des acteurs de la grande distribution, qui ne s'engageront pas dans un système d'agrément et préféreront délaisser la vente de protoxyde d'azote en cartouches. La mise en oeuvre d'un système d'agrément pourrait ainsi être contreproductive et alimenter des trafics illégaux.
Il est donc proposé de prévoir un simple système de déclaration administrative auprès de la mairie, applicable aux commerces et aux sites de vente en ligne, dont le récépissé vaudrait autorisation de vente. Ce dispositif permettrait de connaître la liste des vendeurs de protoxyde d'azote. La définition des modalités de mise en oeuvre de ce système déclaratif est renvoyée à un décret en Conseil d'État.
Il est également proposé d'étendre les horaires d'interdiction de vente la nuit de 22 heures à 8 heures, pour s'aligner sur les dispositions législatives relatives aux licences des débits de boissons. L'auteur de la proposition de loi avait prévu une interdiction de vente la nuit de 22 heures à 5 heures du matin.
En cas de vente sans avoir réalisé la déclaration, le vendeur s'exposerait à une amende de 3 750 euros.
L'amendement COM-3 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'interdiction de détention de protoxyde d'azote par les mineurs.
La justice pénale des mineurs, érigée en principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) par le Conseil constitutionnel, prévoit des règles spécifiques qui atténuent la responsabilité des mineurs et privilégient la dimension éducative. Le juge procède systématiquement à des adaptations de peines pour tenir compte de la minorité du sujet, et certaines peines ne peuvent pas être prononcées à l'égard de mineurs de moins de 16 ans. La création d'une infraction spécifiquement applicable aux mineurs pourrait être regardée comme non conforme à ce principe.
Par ailleurs, les données disponibles indiquent que la moyenne d'âge des consommateurs de protoxyde d'azote se situe entre 22 ans et 25 ans, tandis que les mineurs sont des consommateurs très marginaux.
Enfin, le protoxyde d'azote est une substance licite, comme le sont l'alcool et le tabac. Ceux-ci ne peuvent pas être vendus à des mineurs, mais leur détention par un mineur n'est pas pour autant pénalisée.
L'amendement COM-4 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - La loi du 1er juin 2021 a prévu l'interdiction de vendre du protoxyde d'azote aux majeurs dans les débits de boissons et les débits de tabac, sous peine d'amende.
Nous proposons, par l'amendement COM-5, dans une visée dissuasive, de compléter cette sanction par la possibilité, laissée à la discrétion du préfet, de prononcer une mesure de fermeture administrative, pour une durée maximale de six mois. Ce régime est calqué sur celui applicable aux débits de boissons en cas de non-respect de la loi, tel que prévu par l'article L. 3332-15 du code de la santé publique.
L'amendement prévoit également une sanction en cas de non-respect de la mesure de fermeture administrative.
L'amendement COM-5 est adopté.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-6 vise à créer un nouvel article dans le code de la santé publique, dans un chapitre dédié à la prévention des usages détournés et dangereux du protoxyde d'azote, pour reconnaître et conforter le rôle des centres d'addictovigilance en matière d'information et de formation des professionnels de santé.
Ces centres, qui forment le réseau de vigilance de l'ANSM, jouent un rôle essentiel au contact des professionnels de santé pour les sensibiliser aux risques associés à la consommation de protoxyde d'azote et aux bonnes pratiques de prise en charge. Ils sensibilisent également les professionnels de santé à l'importance des signalements, pour procéder à une veille sanitaire efficace.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'amendement de coordination COM-7 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à renforcer la prévention relative aux usages détournés et dangereux du protoxyde d'azote. Pour cela, nous souhaitons inscrire, dans le code de l'éducation, la détection des conduites addictives parmi les missions de promotion de la santé à l'école, ainsi que la sensibilisation aux dangers liés aux usages détournés de produits de consommation courante, dont le protoxyde d'azote, lors de séances dédiées dans les collèges et les lycées.
Nous proposons enfin d'associer à ces séances d'information dans les établissements scolaires les services de l'État compétents en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives pourrait en effet jouer un rôle d'impulsion en matière de prévention plus important à l'égard des établissements d'enseignement du secondaire.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 2 est ainsi rédigé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Bilan de « Mon espace santé » - Audition de Mmes Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à gestion et à l'organisation des soins de la Caisse nationale de l'assurance maladie, Hela Ghariani, déléguée ministérielle au numérique en santé, MM. Gérard Raymond, président de France Assos Santé, Laurent Pierre, conseiller numérique en santé de la Fédération hospitalière de France et professeur Stéphane Oustric, vice-président du Conseil national de l'ordre des médecins (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu de cette audition sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Désignation d'un rapporteur
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous avons désigné nos rapporteurs pour la mission à La Réunion sur l'accès aux soins, le 15 janvier dernier. Cependant, une contrainte empêchant Khalifé Khalifé de participer à ce déplacement, je vous propose de désigner Alain Milon à sa place. Je vous propose également d'acter que Viviane Malet sera également rapporteure.
Il en est ainsi décidé.
Je vous remercie.
La réunion est close à 12 h 00.