Mardi 4 mars 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Examen du rapport pour avis

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons le rapport pour avis de M. Hervé Maurey sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (Ddadue).

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a délégué au fond à notre commission l'examen des articles 1er à 8 et 10 à 12 du projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'Assemblée nationale a adopté le 17 février dernier ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne. Il a été renvoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui nous a délégué au fond l'examen de onze articles, c'est-à-dire le premier chapitre de son titre Ier à l'exception de son article 9. Le chapitre correspond à des modifications du droit national en matière bancaire, monétaire et financière. Comme souvent pour ce type de texte, les mesures prévues par le projet de loi sont assez hétéroclites. Dans l'ensemble, elles correspondent à la nécessité d'actualiser plusieurs dispositions de notre droit national pour tenir compte des nombreux actes législatifs européens récemment entrés en vigueur.

Il s'agit notamment de plusieurs textes qui ont abouti à la fin de la neuvième législature du Parlement européen, achevée en 2024. En matière économique et financière, on peut penser au paquet législatif en matière bancaire mis en oeuvre pour traduire le cadre prudentiel de « Bâle III finalisé » ou encore au règlement MiCA - Markets in Crypto-Assets -, qui a fixé un cadre européen aux prestataires de service sur cryptoactifs.

La nouvelle Commission européenne dirigée par Ursula von der Leyen semble avoir des priorités différentes de celles de la précédente Commission, pourtant présidée par la même présidente entre 2014 et 2019. Mercredi dernier a été présenté le projet de directive « omnibus » qui devrait revenir sur certaines dispositions de la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) - Corporate Sustainability Reporting Directive - que la France avait déjà transposée, à la différence de certains de nos partenaires. Cette directive fixe un cadre commun à l'échelle de l'Union européenne en ce qui concerne l'obligation pour les entreprises de publier des informations relatives à la durabilité de leurs activités. Au regard des inégalités qui existent entre les différentes entreprises sur leur capacité à s'adapter à ces nouvelles exigences de transparence, un calendrier d'entrée en vigueur progressive selon la taille des entreprises est prévu et pourrait être amené à évoluer dans le cadre de la directive « omnibus ».

Toutefois, les négociations sur ce sujet ne font que commencer et nous ne manquerons pas de nous pencher sur ce sujet à l'occasion de futurs textes Ddadue.

J'attire votre attention sur trois dispositifs concrets du projet de loi que nous examinons ce matin, qui n'épuisent pas les articles, mais illustrent les novations récentes du droit européen.

Premièrement, l'article 2 adapte notre droit national à la nouvelle obligation faite aux banques de ne pas discriminer les virements instantanés en euros. Depuis le 9 janvier 2025, les virements instantanés en euros sont gratuits dans la quasi-totalité des cas. Cette évolution résulte du règlement (UE) du 13 mars 2024 qui interdit aux prestataires de services de paiement de facturer plus cher un virement instantané par rapport à un virement standard. Par conséquent, notre droit national évolue, notamment en habilitant les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour la recherche et la constatation des manquements à cette obligation.

Deuxièmement, l'article 4 du projet de loi tire les conséquences de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. En effet, les dispositions de la cinquième directive anti-blanchiment, qui prévoyait l'accès du grand public au registre des bénéficiaires effectifs (RBE), ont été invalidées par la décision WM c/ Luxembourg Business Register de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de novembre 2022.

Comme prévu par les dispositions de la sixième directive anti-blanchiment, l'article 4 fixe un régime déterminant les personnes qui disposent d'une présomption d'intérêt légitime pour accéder aux données du RBE.

Enfin, le règlement ESAP - European Single Access Point - prévoit la création progressive d'un « point d'accès unique européen » pour les informations financières et extrafinancières publiées par les entreprises. Sur le modèle de la base de données EDGAR - Electronic Data Gathering, Analysis, and Retrieval - tenue par la Securities and Exchange Commission (SEC), qui est l'autorité de régulation des marchés financiers aux États-Unis, la base de données ESAP a vocation à accélérer l'union des marchés de capitaux en réunissant dans un unique registre les informations financières publiées par les entreprises du marché intérieur.

La création de cette base de données unique est un levier important d'intégration de l'Union pour l'épargne et l'investissement. Au regard du nombre important d'actes législatifs européens - plus d'une trentaine - qui doivent être modifiés pour mettre en place ce point d'accès, l'article 1er prévoit notamment une habilitation pour transposer par ordonnance en droit national ces modifications.

Ces différents dispositifs, ainsi que les autres points d'adaptation au droit de l'Union européenne prévus par le projet de loi, me conduisent à vous proposer de rendre, sous réserve des amendements que je vais vous présenter, un avis favorable sur ce projet de loi.

Ces amendements sont de trois types. D'abord, deux amendements ont pour objet de compléter le projet de loi en corrigeant des oublis dans la transposition de la directive AIFM - Alternative Investment Fund Manager -, qui est la directive transversale qui fixe les règles applicables aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatif (FIA) au sein de l'Union. À ce titre, cet amendement permet, d'une part, de compléter les pouvoirs dont dispose l'Autorité des marchés financiers (AMF) vis-à-vis des gestionnaires étrangers de hedge funds, et, d'autre part, de prévoir l'obligation qu'un commissaire aux comptes soit désigné pour les fonds de la catégorie « Autres FIA ».

Ensuite, je vous propose quatre amendements de simplification. Les deux premiers reviennent sur des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qui soit ne sont pas opérationnelles, soit risquent de complexifier le droit national. Deux autres tempèrent les modalités d'application de la directive CSRD sans remettre en cause son effectivité.

Enfin, trois amendements encadrent des habilitations à légiférer par ordonnance prévues par le projet de loi. Si le recours aux ordonnances est parfois justifié, l'autorisation doit être strictement calibrée dans le temps de l'autorisation et dans son périmètre.

À ces trois catégories d'amendements s'ajoutent des amendements de précision rédactionnelle pour assurer la bonne intelligibilité du droit.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur de son travail de qualité.

Il est surprenant de voir la Commission européenne faire machine arrière sur certains dispositifs, ce qui ne manquera pas d'interpeller nos concitoyens.

Quoi qu'il en soit, nous avons besoin d'une Europe fortement coordonnée, en particulier sur les enjeux de défense, qui doit être tant nationale qu'européenne.

Ces risques d'incohérence justifient la pratique de la commission des finances de désigner le même rapporteur sur les projets de loi Ddadue, afin de voir comment les sujets évoluent et sont traités par l'Union européenne.

Mme Christine Lavarde. - La France était en avance dans la transposition de la directive CSRD par rapport à d'autres États membres. Va-t-on revenir sur ce que nous aurions pu transposer en droit français pour tenir compte des assouplissements du droit européen ?

Nous n'avons pas encore transposé la directive sur le devoir de vigilance, assez connexe de la directive CSRD dans sa philosophie et ses implications pour les entreprises. Que pouvons-nous faire avec ce véhicule législatif ? Pouvons-nous anticiper les futures décisions de la Commission ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ce projet de loi va dans le sens d'une simplification, mais jusqu'où rentrer dans cette logique ? Le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement se sont déjà saisis du sujet depuis plusieurs mois. La Commission européenne s'y met désormais. Pourquoi changer encore le cadre juridique, avant qu'il ne change à nouveau ? Je suis perplexe.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - La Commission européenne a opéré une sorte de revirement sur la durabilité, voire sur le droit de l'environnement. On était dans le « toujours plus », et malgré le maintien de la présidente de la Commission européenne à son poste, les positions de la nouvelle Commission diffèrent de celles de la précédente. Une directive « omnibus », en préparation, reviendra sur de nombreux sujets de la directive CSRD.

Je prends acte que mon rôle de rapporteur sur les projets de loi Ddadue est consacré au sein de cette commission ; j'en suis très honoré !

Madame Lavarde, certains amendements prévoient déjà d'assouplir l'application de la directive CSRD avec moins d'obligations pour les entreprises. Sur la directive « omnibus », la proposition de la Commission vient d'être publiée et les négociations sont loin d'être achevées. Il est donc prématuré d'anticiper l'issue de ces discussions et les dispositions afférentes figureront dans un prochain projet de loi Ddadue.

Le projet de loi de simplification de la vie économique, adopté par le Sénat et en attente d'examen à l'Assemblée nationale, comprend également des dispositions pour alléger certaines contraintes imposées aux entreprises dans le cadre de la directive CSRD.

Madame Carrère-Gée, ce texte ne traite pas que de la directive CSRD. Il y a aussi le registre centralisé, le point d'accès unique. Comme tout projet de loi Ddadue, ce texte est très hétéroclite. Je me suis concentré, dans ma présentation, sur les points les plus intéressants.

M. Claude Raynal, président. - Les projets de loi Ddadue deviennent des textes avec des sujets très marqués et divers, sur lesquels nous passons très rapidement alors que certains thèmes ont fait l'objet de très longues discussions au niveau européen. Dans ce texte, aux sujets très variés, est parfois remis en cause, au détour d'une mesure, ce qui avait été précédemment adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Certains dispositifs vont aussi impacter le droit de l'environnement, des transports, le droit social - ils relèvent d'autres commissions.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, le périmètre indicatif sur les articles qui nous sont délégués comprendrait, pour les dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne et au droit international dans le domaine du droit bancaire, monétaire et financier : les dispositions relatives à l'encadrement des services d'investissement, des gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et des activités des marchés financiers dans l'Union européenne ; les dispositions relatives aux informations susceptibles d'être transmises par l'Autorité des marchés financiers à d'autres autorités ; les dispositions relatives à l'instauration d'un point d'accès unique européen fournissant un accès centralisé aux informations publiées utiles pour les services financiers, les marchés des capitaux et la durabilité ; les dispositions relatives à la mise en oeuvre du standard européen d'obligations durables sur le plan environnemental ; les dispositions relatives aux règles de conflit de lois applicables aux opérations financières ; les dispositions relatives aux régimes de garanties sur cryptoactifs et sur actifs numériques ; les dispositions relatives à l'encadrement des transferts et des marchés de cryptoactifs ; les dispositions relatives à l'exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles fixée par le droit de l'Union européenne en matière de redressement et de résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ; les dispositions relatives à la mise en oeuvre des modifications du règlement (UE) 575/2013 par le règlement (UE) 2024/1623 ; les dispositions relatives à l'encadrement des activités des gestionnaires de crédits et des acheteurs de crédits ; les dispositions relatives aux virements instantanés en euros ; les dispositions relatives à la transposition de la directive (UE) 2023/2225 ; les dispositions relatives à la transposition de la directive (UE) 2023/2673 ; les dispositions relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité ; les dispositions relatives au pouvoir de sanction de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en matière de mise en oeuvre du règlement (UE) 2019/1238 ; les dispositions relatives aux modalités d'accès aux données relatives aux bénéficiaires effectifs ; les dispositions relatives aux modalités de recours en cas de mise en oeuvre des clauses d'actions collectives applicables aux titres d'État ; les dispositions relatives aux modalités de déclaration des paiements en nature dans le rapport annuel sur les paiements aux gouvernements des grandes entreprises extractives ; les dispositions relatives à la mise en oeuvre de la directive (UE) 2022/2464.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-91 vise à réduire la durée d'habilitation à légiférer par ordonnances - l'examen du texte ayant pris du retard.

L'amendement COM-91 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-92 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-93 tend à supprimer une disposition d'entrée en vigueur différée, prévue en l'espèce le 1er mars 2024.

L'amendement COM-93 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-101 revient sur le dispositif adopté à l'Assemblée nationale, qui prévoit, en cas de conflit de lois, l'application de la loi de l'État auquel appartient le détenteur des cryptoactifs. Le droit européen prévoit dans des situations analogues que s'applique la loi du système où la négociation intervient.

M. Claude Raynal, président. - Pourriez-vous préciser ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'acquis communautaire prévoit dans des cas analogues que, en cas de problème juridique, la loi qui s'applique est celle du système où la négociation intervient. L'Assemblée nationale, au contraire, a décidé que ce serait celle du pays du détenteur. Selon que vous êtes Français ou Italien, ce n'est pas la même règle qui s'appliquerait...

M. Claude Raynal, président. - On appliquera donc pour ces titres la règle actuellement généralement appliquée au niveau européen.

L'amendement COM-101 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-110 complète la transposition de l'article 45 de la directive AIFM - Alternative Investment Fund Manager - en autorisant l'AMF à interdire la commercialisation de certains fonds étrangers.

L'amendement COM-110 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-111 prévoit de désigner un commissaire aux comptes pour l'ensemble des fonds d'investissement alternatifs et d'inclure les commissaires aux comptes dans le régime d'obligation de transmission d'informations à l'AMF.

L'amendement COM-111 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (délégué)

L'amendement rédactionnel COM-94 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-112 tend à supprimer une habilitation à légiférer par ordonnance : le Gouvernement semble déjà avoir rédigé ces dispositions, et proposera un dispositif qu'on pourra directement inscrire dans la loi lors de la séance publique.

L'amendement COM-112 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-113 vise également à réduire la durée de l'habilitation à légiférer par ordonnance.

L'amendement COM-113 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-114 tend à supprimer une disposition d'entrée en vigueur différée, en l'espèce au 28 février 2025.

L'amendement COM-114 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Il en est de même pour les amendements COM-115 et COM-116.

Les amendements COM-115 et COM-116 sont adoptés.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (délégué)

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 3 sans modification.

Article 4 (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-95 vise à encadrer les cas dans lesquels la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes peuvent accéder aux données du RBE. Nous proposons de maintenir cette disposition, en précisant que la Cour et les chambres ne pourront accéder qu'aux informations dont elles ont besoin pour exercer leur mission : la Cour des comptes n'a pas besoin de savoir où habite tel dirigeant d'entreprise...

L'amendement COM-95 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-102 vise à supprimer un amendement de l'Assemblée nationale qui crée une redondance avec le dispositif initial de l'article.

L'amendement COM-102 est adopté.

L'amendement de coordination COM-84 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (délégué)

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 5 sans modification.

Article 6 (délégué)

L'amendement de précision légistique COM-96 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Avant l'article 7 (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Une série d'amendements visent à abroger certaines dispositions de transposition de la directive CSRD, voire à reporter leur application. J'émettrai un avis défavorable sur plusieurs d'entre eux qui sont inopérants, dans la mesure où ils prévoient de supprimer l'ordonnance de transposition alors qu'elle a déjà été codifiée.

Je propose donc un avis défavorable aux amendements  COM-32 rectifié, COM-33 rectifié, COM-34 rectifié, qui sont inopérants.

Mme Christine Lavarde. - Nous avons préparé des amendements de repli...

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Effectivement, j'y viens. L'avis sera également défavorable en ce qui concerne l'amendement COM-35 rectifié, qui décale de quatre ans les obligations s'imposant aux entreprises dont les obligations de reporting s'applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025. Ces dernières ne concernent que des entreprises de taille importante, pour lesquelles ces obligations sont donc moins contraignantes que pour les plus petites, et l'année est déjà commencée.

En revanche, l'avis sera favorable sur l'amendement  COM-36 rectifié, qui décale de quatre ans les obligations s'imposant notamment aux petites et moyennes entreprises (PME) cotées.

La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-32 rectifié, COM-33 rectifié, COM-34 rectifié et COM-35 rectifié.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'amendement COM-36 rectifié portant article additionnel.

Article 7 (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-103 vise à préciser que les vérificateurs des informations de durabilité, à savoir les organismes tiers indépendants, sont des personnes morales et non des personnes physiques. La rédaction actuelle du projet de loi pourrait en effet poser des difficultés si une personne changeait de cabinet en cours de carrière.

L'amendement COM-103 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-104 et COM-19 visent à supprimer les dispositions introduites à l'Assemblée nationale qui prévoient de conditionner l'octroi des aides accordées dans le cadre du plan « France 2030 » au respect par les entreprises bénéficiaires des obligations de la directive CSRD. C'est une surtransposition et un dispositif redondant avec celui qui a été adopté dans la loi de finances de 2024, qui soumet déjà la possibilité de bénéficier des aides de France 2030 à la publication annuelle d'un bilan des entreprises en matière de gaz à effet de serre pour les entreprises qui ont l'obligation de réaliser un tel bilan.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ne serait-il pas plus simple de conditionner les aides de France 2030 au respect de la loi plutôt que d'imposer aux entreprises de publier un bilan sur les émissions de gaz à effet de serre ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - La publication de ce bilan est déjà prévu par la loi actuelle. L'Assemblée nationale a adopté une complexité supplémentaire l'octroi des aides du plan « France 2030 » serait conditionné au respect des obligations prévues par la directive CSRD. Nous revenons sur cette complexification et sur cette surtransposition notée par l'Assemblée nationale.

Mme Christine Lavarde. - Je connais moins bien la directive CSRD que celle sur le devoir de vigilance. Le rapporteur pour avis estimait qu'il n'y avait pas matière à revenir sur ce qui était déjà entré en vigueur, car cela ne concernait que les grands groupes...

Mais quand bien même la directive sur le devoir de vigilance ne s'appliquait qu'aux grosses entreprises, par effet de ricochet, toutes les entreprises étaient concernées puisque, en fait, on demandait à l'entreprise de tête de pouvoir assurer que, sur toute sa chaîne de valeur, l'ensemble des dispositions relatives notamment aux droits des enfants, aux conditions d'exploitation des matières premières étaient vérifiées. Chacun des sous-traitants devait donc apporter la preuve qu'il respectait ces règles. Est-ce la même chose pour la directive CSRD et en matière de bilan d'émissions de gaz à effet de serre ? Le bilan d'un produit fini tient-il compte du bilan carbone des intrants ? Encore faut-il que les sous-traitants soient capables de donner ces informations. Le fait de l'imposer aux plus gros n'aboutit-il pas à l'imposer à tout le monde ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Dans le cas des consommations intermédiaires qui interviendraient dans un groupe consolidé, la directive CSRD prévoit une application au niveau de la tête de groupe et non des filiales.

Mme Christine Lavarde. - Je parle de la chaîne de valeur et non des filiales.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - De fait, les sous-traitants doivent contribuer...

Mme Christine Lavarde. - Si une entreprise de plus de 250 salariés, donc soumise à la directive CSRD, ne fait qu'assembler en France des éléments importés d'Asie, produits dans des conditions contestables, est-elle considérée comme ayant un bilan carbone faible si l'électricité provient du nucléaire ou de l'hydraulique ? Je ne comprendrais pas non plus une différence d'application entre la directive CSRD et celle sur le devoir de vigilance. Il importe de demander à toutes les entreprises de donner l'ensemble des informations.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'obligation de publication d'informations sur la durabilité de l'activité ne pèse pour l'exercice 2025 que sur les entreprises entrant dans le champ d'application de la directive CSRD. Le fait de tenir compte de la chaine de valeur dans la durabilité de l'activité correspond à la méthodologie retenue dans le cadre de la directive.

Mme Christine Lavarde. - J'entends bien, mais il s'agit de la nature des informations à publier.

M. Claude Raynal, président. - Les grandes entreprises redoutent beaucoup cette obligation.

Mme Christine Lavarde. - C'est prévu dans la directive sur le devoir de vigilance.

M. Claude Raynal, président. - Si l'on ne veut pas surtransposer, peut-être faut-il en rester là...

L'amendement COM-104 est adopté. La commission émet un avis favorable à l'amendement COM-19, identique à l'amendement COM-104.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-105 vise d'abord à assouplir les sanctions en cas de non-respect de l'obligation de désignation d'un vérificateur des informations de durabilité. Je propose de supprimer la peine d'emprisonnement de deux ans qui existe actuellement, en maintenant uniquement la sanction pécuniaire.

Ensuite, sur le délit d'entrave, je vous propose, par cohérence, de reprendre ce qui a été voté par le Sénat dans la loi de simplification de la vie économique, à savoir la suppression à la fois de la sanction pécuniaire et de la peine d'emprisonnement.

M. Thierry Cozic. - Vous maintenez l'amende ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Nous maintenons l'amende en cas de défaut de désignation d'un vérificateur de durabilité, mais supprimons la peine d'emprisonnement.

Concernant le délit d'entrave, le Sénat a voté récemment la suppression de toute sanction, tant pécuniaire que d'emprisonnement. Ce dispositif mériterait peut-être d'être amélioré d'ici à la séance publique.

M. Thierry Cozic. - Nous voterons contre l'amendement COM-105.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Vous opposer à cet amendement revient aussi à maintenir à la fois la sanction pécuniaire et la peine de prison en cas de non-désignation d'un vérificateur...

M. Thierry Cozic. - C'est lié au fait que vous ayez agrégé les deux sujets dans un même amendement...

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - En tant que rapporteur, il me semble en tout état de cause difficile de proposer autre chose que ce qu'a voté le Sénat très récemment, même si je ne trouve personnellement pas cette solution pleinement satisfaisante.

L'amendement COM-105 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement COM-18 rectifié.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-18 rectifié.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement COM-20.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-20.

L'amendement rédactionnel COM-85 est adopté, de même que l'amendement de correction COM-106.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-107 vise à corriger un oubli : il précise que la procédure simplifiée de sanction concernant les obligations déclaratives s'applique non seulement aux organismes tiers indépendants, mais aussi aux auditeurs de durabilité qui exercent au sein de ces structures.

L'amendement COM-107 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-86 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-97 concerne l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna.

L'amendement COM-97 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 7 ainsi modifié.

Article 8 (délégué)

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 8 sans modification.

Article 10 (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-98 concerne l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna.

L'amendement COM-98 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 10 ainsi modifié.

Article 11 (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-108 vise à maintenir la possibilité pour l'AMF d'imposer aux sociétés cotées sur le marché Euronext Growth de publier leur rapport sur le gouvernement d'entreprise. Dans le cadre de la refonte de l'article, cette disposition avait été supprimée.

L'amendement COM-108 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-99 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-100 concerne l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna.

L'amendement COM-100 est adopté.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-109 vise à supprimer une disposition d'entrée en vigueur différée.

L'amendement COM-109 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 11 ainsi modifié.

Article 12 (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement COM-21.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Pour quelles raisons ?

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - M. Dhersin propose une suppression totale de la consultation du comité social et économique (CSE) des filiales exemptées sur les dispositifs de durabilité au sein de l'entreprise. Mon amendement  COM-117 prévoit que la consultation du CSE n'ait lieu qu'une fois par an, et non à chaque réunion tri-annuelle.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-21.

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable sur l'amendement COM-22.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-22.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 12 sans modification.

Après l'article 12 (délégué)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-117 tend à préciser que le CSE peut n'être saisi des questions relatives à la directive CSRD qu'une fois par an. La rédaction actuelle peut laisser entendre qu'il débat des normes de durabilité des entreprises à chaque réunion, soit trois fois par an.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'amendement COM-117 portant article additionnel.

Le sort des amendements sur les articles pour lesquels la commission bénéficie d'une délégation au fond examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TITRE IER : Dispositions D'ADAPTATION AU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Chapitre Ier : Dispositions relatives au droit bancaire, monétaire et financier

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-91

Réduction du délai d'habilitation article 38

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-92

Précisions légistiques

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-93

Suppression d'une disposition d'entrée en vigueur différée

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-101

Retour à la rédaction initiale en matière de règle de conflit de loi sur les titres numérique

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-110

Complément de transposition de la directive AIFM sur les pouvoirs de l'AMF vis-à-vis des gestionnaires étrangers de FIA

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-111

Complément de transposition de la directive AIFM sur l'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes pour l'ensemble des FIA

Adopté

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-94

Précisions légistiques

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-112

Suppression d'une habilitation article 38

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-113

Réduction d'un délai d'habilitation article 38

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-114

Suppression d'une disposition d'entrée en vigueur différée devenue sans objet

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-115

Suppression d'une disposition d'entrée en vigueur différée devenue sans objet

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-116

Suppression d'une disposition d'entrée en vigueur différée devenue sans objet

Adopté

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-95

Encadrement de l'accès des membres de la Cour des comptes au RBE

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-102

Suppression d'une précision inutile sur les données statistiques RBE

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-84

Coordination

Adopté

Article 6

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-96

Précisions légistiques

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant Article 7

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MICHALLET

COM-32 rect. ter

Abrogation de l'ordonnance de transposition de la directive « CSRD »

Rejeté

M. MICHALLET

COM-33 rect. ter

Abrogation des dispositions de l'ordonnance CSRD qui entrent en vigueur après l'entrée en vigueur du PJL DDADUE

Rejeté

M. MICHALLET

COM-34 rect. ter

Décalage de quatre ans de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance de transposition de la directive CSRD

Rejeté

M. MICHALLET

COM-35 rect. ter

Décalage de quatre ans de la mise en oeuvre des obligations CSRD, pour les entreprises concernées par les obligations de reporting à compter de l'exercice 2025

Rejeté

M. MICHALLET

COM-36 rect. ter

Report de quatre ans des obligations de reporting CSRD pour les entreprises concernées à compter de l'exercice 2026

Adopté

Article 7

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-103

Substitution de la notion d'organisation tiers indépendant à la notion « d'auditeurs des informations de durabilité » pour corriger plusieurs erreurs matérielles dans le texte initial

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-104

Suppression de la conditionnalité des aides « France 2030 » au respect des obligations de la directive CSRD

Adopté

M. DHERSIN

COM-19

Suppression de la conditionnalité des aides « France 2030 » au respect des obligations de la directive CSRD

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-105

Assouplissement des sanctions applicables en cas de non-respect des obligations CSRD

Adopté

M. DHERSIN

COM-18 rect.

Suppression des sanctions prévues en cas d'absence de convocation de l'auditeur de durabilité à toute assemblée générale

Rejeté

M. DHERSIN

COM-20

Suppression de la disposition prévoyant un contrôle de l'audit sur la consultation du CSE

Rejeté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-85

Amendement rédactionnel.

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-106

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-107

Rendre applicable la procédure de sanction simplifiée aux organismes tiers indépendants et aux auditeurs des informations de durabilité

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-86

Suppression d'une redondance

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-97

Amendement de coordination pour assurer l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna

Adopté

Article 10

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-98

Amendement de coordination pour assurer l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna

Adopté

Article 11

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-108

Amendement de coordination pour assurer l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-99

Amendement rédactionnel

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-100

Amendement de coordination pour assurer l'application de l'article à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie Française et aux îles Wallis et Futuna

Adopté

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-109

Suppression d'une disposition d'entrée en vigueur différée devenue sans objet du fait du délai d'examen du projet de loi

Adopté

Article 12

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DHERSIN

COM-21

Suppression de la consultation du CSE sur les obligations CSRD pour les filiales exemptées de reporting

Rejeté

M. DHERSIN

COM-22

Possibilité pour les entreprises de choisir la ou les consultations du CSE les plus appropriées pour discuter des informations de durabilité

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 12

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MAUREY, rapporteur pour avis

COM-117

Rationalisation des consultations du CSE sur les obligations CSRD

Adopté

Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Sylvie Vermeillet rapporteure, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, sur le projet de loi n° 706 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales.

La réunion est close à 09 h 45.

La réunion est ouverte à 17 h 30.

« Assurances des collectivités territoriales : un an après le rapport du Sénat, quelles avancées ? » - Audition de M. Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier, Mme Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly, MM. Didier Lechien, maire de Dinan, Stéphane Leyenberger, maire de Saverne, Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya, et Christophe Reynier-Duval, maire de Caderousse

M. Claude Raynal, président. - Nous avons souhaité, avec le rapporteur général, organiser aujourd'hui et demain deux tables rondes sur les difficultés assurantielles des communes, un sujet qui les affecte fortement et en nombre toujours plus important. Ce dossier a donc toute notre attention depuis l'an dernier et notre commission y a déjà consacré une mission d'information, dont le rapport, élaboré par notre rapporteur général, formulait un certain nombre de recommandations.

Depuis quelques années, les collectivités doivent faire face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain, en raison de la multiplication des aléas climatiques, mais aussi des violences urbaines. Sur ce dernier point, nous avons tous en tête le mouvement des « gilets jaunes », mais aussi, plus récemment, les émeutes de l'été 2023, qui ont engendré des dégâts importants sur les biens immobiliers des collectivités.

Face à ces épisodes, de nombreux élus dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour assurer leur collectivité. Au-delà des cas où elles ne parviennent pas du tout à s'assurer, certaines collectivités voient parfois leurs cotisations multipliées par trois ou quatre, voire leurs obligations d'assurance non respectées concernant la flotte automobile ou encore l'assurance fonctionnelle des élus.

Les travaux de la mission d'information ont montré que les difficultés assurantielles affectent l'ensemble des collectivités, qu'elles soient rurales ou urbaines, qu'elles aient été touchées ou non par des émeutes ou par des phénomènes climatiques violents.

Ces difficultés croissantes découlent de plusieurs facteurs. D'un côté, le marché de l'assurance des collectivités présente des dysfonctionnements et s'avère peu attractif pour les assureurs. Les règles de la commande publique sont particulièrement contraignantes, ce qui conduit les assureurs à ne plus répondre, ou peu, aux appels d'offres. De l'autre côté, la multiplication et l'intensité des aléas climatiques et des atteintes aux biens accroissent le coût des sinistres et fragilisent le modèle économique des contrats d'assurance « dommages aux biens ».

La situation n'est pas en passe de se résorber, bien au contraire. C'est pourquoi, un an après la publication du rapport d'information de la mission d'information de la commission des finances, nous avons souhaité entendre les principaux acteurs sur le sujet en organisant deux tables rondes.

Nous entendons tout d'abord les premiers concernés, les maires, qui vont pouvoir témoigner concrètement devant nous de leurs difficultés et des solutions qu'ils ont pu imaginer pour en sortir, avec plus ou moins de succès.

Pour cette première table ronde, nous avons convié, et je leur souhaite la bienvenue, les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Forts de ces échanges de terrain, la commission des finances entendra demain les représentants du secteur de l'assurance et les acteurs institutionnels pour envisager notamment les réponses concrètes qui doivent être apportées à cette situation.

Nous remercions donc de leur présence les six maires qui se sont rendus disponibles cet après-midi, à savoir Mme Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly ; M. Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier ; M. Didier Lechien, maire de Dinan ; M. Stéphane Leyenberger, maire de Saverne ; M. Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya ; M. Christophe Reynier-Duval, maire de Caderousse.

Dans un souci de représentativité, nous nous sommes efforcés de convier des maires de communes de tailles et de sensibilités diverses, situées sur l'ensemble du territoire français, qui ont fait face à une variété de difficultés et ont adopté différentes stratégies pour les surmonter.

Je vous rappelle que cette audition est ouverte à la presse et fait l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site du Sénat.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous souhaite à mon tour la bienvenue au Sénat, qui représente les territoires et en particulier des communes. Le sujet des difficultés assurantielles nous préoccupe depuis un certain temps et votre éclairage sera précieux, dans le prolongement des travaux que nous avons entrepris dans le cadre d'une mission d'information et d'un travail remis il y a un an. Nous avions alors établi un diagnostic précis de la situation et tâché d'y apporter des solutions appropriées.

Les recommandations de notre mission portaient sur quatre axes : garantir la concurrence sur le marché de l'assurance ; encourager la prévention et la maîtrise du patrimoine par les collectivités ; sécuriser les conditions de passation des marchés publics ; élargir le domaine d'intervention de l'État dans les situations exceptionnelles.

Je souhaite profiter de cette table ronde pour vous soumettre certaines de ces recommandations, afin de les confronter à nouveau à la réalité vécue par les principaux intéressés.

Une première recommandation vise à confier au médiateur de l'assurance une compétence d'accompagnement des collectivités qui ne trouvent pas d'assureur. L'enjeu de la mesure serait de rééquilibrer les relations entre les assureurs et les collectivités territoriales, pour des communes aux moyens souvent limités et qui ne sont pas en capacité de s'auto-assurer. Aujourd'hui, une collectivité qui ne trouve pas d'assureur est totalement démunie et n'a personne vers qui se tourner. Au regard de ses compétences et des moyens humains dont il dispose, le médiateur de l'assurance pourrait aider les collectivités se trouvant dans ce cas.

Une deuxième recommandation a trait à la systématisation des franchises dans les contrats d'assurance. J'ai conscience qu'elle peut prêter à controverse : à mes yeux, la vertu principale d'une telle recommandation est de recentrer les contrats d'assurance sur les risques majeurs, et donc de permettre une meilleure indemnisation de ces derniers. Il s'agit d'un contrat donnant-donnant, dans lequel les assureurs répondent présents en cas de crise et les collectivités sont incitées à mener des actions de prévention pour ne pas avoir à subir la multiplication du coût de petits dommages, qui seraient par nature exclus par la franchise.

Une troisième recommandation prévoit l'obligation de motiver les résiliations de contrats d'assurance. Les résiliations unilatérales, en l'absence de toute justification, sont en effet particulièrement difficiles à appréhender pour les collectivités, surtout en l'absence de sinistralité notable.

Enfin, une quatrième recommandation porte sur la création d'un mécanisme de mutualisation du risque « émeutes ». Sur le modèle du régime des catastrophes naturelles, en cas de dégradations massives du mobilier urbain, l'État prendrait un arrêté de reconnaissance d'émeutes, déclenchant une indemnisation partagée entre l'assureur et le réassureur. Le système serait financé par une « surprime » sur tous les contrats d'assurance « dommages aux biens » conclus par les collectivités.

Je vous remercie par avance pour vos témoignages et vos avis sur ces diverses propositions. Je constate malheureusement qu'à ce jour, les gouvernements successifs se sont insuffisamment saisis des conclusions du rapport d'information. Ces deux jours d'audition vont nous aider à agir de manière plus concrète pour répondre à vos attentes.

M. Bernard Delcros, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Le rapport d'information évoqué par le rapporteur général, les travaux menés par plusieurs associations représentatives des élus locaux et les nombreuses saisines des maires qui nous parviennent font état d'une aggravation préoccupante de l'assurabilité des collectivités locales.

Les montants des cotisations et des franchises connaissent une explosion : la commune de Rive-de-Gier, dans la Loire, nous a par exemple alertés sur le montant de sa franchise, qui a soudainement été porté à 2,5 millions d'euros pour les dégâts liés aux émeutes urbaines.

La pratique contractuelle agressive, avec l'introduction d'avenants en cours de contrat portant sur les tarifs, les franchises, mais aussi sur la couverture de ces interrisques qui se voient soudainement exclus des contrats, est inquiétante. Le marché public infructueux, qui était l'exception, est en passe de devenir la règle, tandis que la résiliation unilatérale pure et simple laisse des collectivités dépourvues de toute couverture des risques.

S'y ajoute une concentration importante de l'offre qui nuit à la concurrence et à la diversité des couvertures proposées, tout ceci dans un contexte de hausse du nombre de sinistres, notamment avec la multiplication des aléas naturels et des dégradations de biens publics, avec des émeutes à répétition. De ce point de vue, les perspectives en termes de risque climatique tracées récemment par MMA sont tout à fait inquiétantes.

Face à ces problématiques de mieux en mieux documentées, l'attente des collectivités est grande et nous devons impérativement leur apporter des réponses. Le Sénat est attendu sur cette question et le président Larcher entend bien répondre à l'appel des élus locaux. Il a pour cela saisi la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et je suis heureux du travail que nous menons de concert avec la commission des finances.

Nous ne pouvons en aucun cas laisser les collectivités dépourvues de solutions. Je pense en particulier aux plus petites d'entre elles, les communes de moins de 5 000 habitants, qui ne disposent souvent pas d'un service juridique pour faire face à ces situations. Il faut bien entendu prendre en compte, également, les contraintes économiques des assureurs dans nos recherches de solutions, si nous voulons que celles-ci soient pérennes.

Ce constat étant posé et partagé, comment agir concrètement ? Outre les recommandations formulées dans le rapport d'information de Jean-François Husson, quel rôle l'État peut-il jouer aux côtés des compagnies d'assurance pour sécuriser les collectivités ? Les procédures actuelles de marchés publics sont-elles bien adaptées alors que ceux-ci sont souvent infructueux ?

Est-il possible, au regard du droit européen, de durcir les conditions de résiliation unilatérale des contrats d'assurance, d'en modifier les délais ? Est-il envisageable, en cas de résiliation unilatérale, de garantir la possibilité pour une collectivité de poursuivre le marché pour la durée nécessaire à la passation d'un nouveau marché, afin d'éviter qu'elle ne se trouve dépourvue de contrat ? Cela permettrait-il d'éviter la multiplication des décisions de justice défavorables aux collectivités telles que celle du 9 décembre dernier concernant la commune de Breil-sur-Roya ?

De même, est-il possible d'encadrer plus strictement les modifications substantielles et unilatérales des contrats d'assurance des collectivités territoriales ? Une adaptation du droit applicable selon la taille des communes est-elle souhaitable afin de protéger les petites collectivités dans lesquelles les enjeux et les risques sont souvent moindres ? Enfin, comment dynamiser la concurrence au sein du marché des assurances aux collectivités locales ?

Il importe de répondre à la préoccupation légitime des élus locaux et de leur apporter rapidement des solutions concrètes. L'objectif de cette rencontre est de recueillir votre avis sur les solutions à envisager, car vous êtes confrontés directement à ces problématiques dans vos communes respectives.

Mme Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly. - Je vous remercie, tout d'abord, de nous donner la parole. Situé dans le département de la Seine-Maritime, Le Petit-Quevilly compte près de 22 500 habitants, deux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV), treize écoles, dix équipements sportifs, deux crèches municipales, un centre de loisirs, deux locaux accueillant des associations d'assistantes maternelles, une maison des associations, deux foyers pour personnes âgées et une résidence autonomie. Viennent compléter cette liste l'hôtel de ville, le centre technique municipal, deux salles des fêtes municipales, ainsi que trois bâtiments accueillant les centres sociaux et le centre communal d'action sociale (CCAS).

Ces bâtiments sont quasiment tous neufs ou rénovés depuis moins de dix ans : il me paraît difficile de ne pas assurer le fruit de tant d'investissements, même si cette solution a été évoquée.

En janvier 2023, à la suite de trois appels d'offres infructueux, nous avons fait appel à un courtier afin de trouver un assureur, avec une prime annuelle de 110 000 euros, une couverture incendie accidentelle de 19 millions d'euros, une couverture incendie en cas de mouvements sociaux à hauteur de 200 000 euros et, enfin, une franchise d'un montant de 100 000 euros.

En juin 2023, nous avons subi, à l'instar d'autres communes, les émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel, l'une de nos écoles ayant été visée et en partie incendiée. Nous avons immédiatement déclaré le sinistre à notre assureur, en précisant qu'il s'agissait bien du premier événement que nous déclarions depuis la souscription de notre contrat en janvier 2023.

Une première expertise nous a rapidement été envoyée et a fait état d'un montant des travaux de 136 000 euros ; puis, le 7 août, en plein coeur de l'été, nous avons reçu un courrier de résiliation du contrat, à effectivité au 7 septembre 2023.

Le 10 août, nous avons été informés qu'une nouvelle expertise avait été dépêchée et que le montant des travaux s'élevait désormais à 650 000 euros. Or nous avions décidé que nous ne réaliserions pas de travaux dans cette école maternelle, située dans un quartier en plein renouvellement urbain et vouée à la démolition sous trois ans, d'autant plus que nous étions capables d'accueillir les élèves dans un autre établissement.

À la fin octobre, nous avons été informés d'une nouvelle expertise réévaluant le montant des travaux à 906 000 euros.

Lorsque j'ai reçu le courrier de résiliation, j'ai communiqué sur les réseaux sociaux en exprimant - le mot est faible - ma surprise. Dans un premier temps, cette couverture médiatique, notamment dans la presse spécialisée, nous a sauvés de la résiliation du contrat, puisque l'assureur a fini par accepter de rediscuter et de renégocier les conditions de notre couverture pour une année, ce que nous avons fait. J'ajoute que nous avons aussi menacé de faire appliquer la jurisprudence du tribunal administratif de Marseille obligeant l'assureur à nous garder.

Au bout de cette année de renouvellement du contrat, nous avons de nouveau lancé un appel d'offres, qui a été dans un premier temps infructueux. Nous nous sommes donc tournés vers un courtier et avons trouvé un nouvel assureur, avec une prime annuelle qui est passée de 110 000 euros à 237 442 euros et une franchise dont le montant a atteint 1 million d'euros, contre 100 000 euros avec le précédent assureur.

L'une des propositions que je porte consiste à créer une structure publique ou parapublique qui permettrait aux collectivités se retrouvant sans solution de trouver une assurance. Si le recours à l'auto-assurance est parfois évoqué parmi les pistes envisageables, celle-ci expose les collectivités à un risque financier et je peine à imaginer un maire annonçant à ses administrés qu'il refuse d'investir dans la rénovation des bâtiments au motif qu'il entend devenir son propre assureur. Nous sommes finalement confrontés à un dilemme entre l'augmentation des primes d'assurance et des franchises, d'une part, et le renoncement à de nécessaires investissements de rénovation de nos communes, d'autre part.

M. Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier. - Merci beaucoup pour votre invitation. Au lendemain des inondations du 17 octobre 2024, après avoir sauvé des vies grâce aux sapeurs-pompiers et aux habitants, après avoir réussi à déblayer la ville rapidement pour reprendre le cours normal des choses, j'ai ressenti un très fort sentiment de double peine, une fois mon bureau regagné.

En effet, après les émeutes urbaines de 2023, Groupama - pour bien les citer - a résilié le contrat qui nous liait. Nous avons, avec effort, trouvé un nouveau contrat, le nouvel assureur nous imposant une franchise exorbitante de 2,5 millions d'euros en cas de nouvelles émeutes urbaines, sans nous prévenir que cette franchise s'appliquerait également en cas de catastrophe naturelle. Cet assureur - que je ne nommerai pas ici, mais que chacun connaît - a très bien évalué les risques dans la mesure où Rive-de-Gier, qui dispose d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), avait déjà subi une inondation catastrophique en 2008.

Au lendemain de l'inondation de 2024, l'assureur nous a donc fait part d'une réforme du régime des assurances privées pour les collectivités locales en cas de catastrophe naturelle, et nous a indiqué que la franchise de 2,5 millions d'euros allait s'appliquer. Nous estimions alors le montant des dégâts à 2 millions d'euros : ce dernier a depuis été réévalué à la hausse pour atteindre environ 4 millions d'euros.

Après avoir examiné les détails du contrat, nous nous sommes aperçus que l'assureur avait oublié d'y intégrer la réforme et que nous relevions bien du régime des 10 % de reste à charge, ce dont il a convenu. Cependant, la compagnie nous explique désormais que la Caisse centrale de réassurance (CCR) ne souhaite pas l'indemniser à hauteur des montants dus, et nous invite à traiter directement avec la CCR.

C'est totalement inacceptable, et ma première demande porte sur l'abrogation de cette réforme de l'indemnisation des collectivités locales en cas de catastrophe naturelle. Comment peut-on, en effet, appliquer une clause à un autre risque qu'à celui qui est prévu initialement ? En quoi sommes-nous responsables des émeutes urbaines qui se sont déroulées dans notre pays à l'été 2023 ? Et en quoi sommes-nous responsables d'une catastrophe naturelle climatique ? En aucune manière dans les deux cas, bien distincts.

Il convient, bien évidemment, de faire des efforts : pour ce qui nous concerne, nous sommes engagés avec l'État et la métropole pour adapter l'urbanisme de la commune, située dans une vallée encaissée et donc sujette à un risque d'inondation. Pour autant, il est exclu que nous subissions cette double peine et que l'on nous demande de fournir des efforts sans nous laisser la possibilité de disposer d'une couverture assurantielle.

Je demande donc le retour à un régime d'indemnisation des collectivités locales en cas de catastrophe naturelle qui soit acceptable, ainsi que l'accès à une couverture assurantielle digne de ce nom.

Par ailleurs, je souscris aux propos de ma collègue : si le marché n'est pas capable d'apporter une réponse aux collectivités locales, il faut s'interroger sur les manières de le moduler et de le réglementer. Faudrait-il instaurer une structure publique d'assurance dédiée aux collectivités ? Je n'y suis pour ma part pas opposé.

La recommandation, formulée dans le rapport sénatorial, sur l'élargissement des compétences du médiateur de l'assurance peut être un premier pas. Mais il faudrait selon moi aller plus loin et raisonner en termes d'obligation, car il est indispensable d'apporter une réelle protection aux collectivités locales.

En préparant cette audition, j'ai consulté le site de la Banque de France. J'y ai constaté que le secteur assurantiel - hormis le segment des collectivités locales - est loin d'être en difficulté : à fin septembre 2024, l'encours des placements financiers des assureurs et des fonds de pension atteignait 2 731 milliards d'euros, en hausse de 64 milliards d'euros par rapport au trimestre précédent. Nous avons ainsi appris, dix-sept jours avant l'inondation qui a touché l'Ardèche et la Loire, la hausse faramineuse des moyens financiers dont disposent les organismes ayant vocation à nous assurer.

À ce titre, la segmentation du marché des assurances pose problème. J'estime que nous devrions intervenir sur cet aspect. D'où proviennent les montants que je viens de citer ? Des cotisations des particuliers, des commerçants, des artisans et des chefs d'entreprise présents dans nos communes et qui ont besoin des services publics qu'elles proposent, à commencer par le coût des polices municipales, de plus en plus onéreux en raison du retrait de la police nationale.

Cette protection des biens et des personnes inclut d'ailleurs le système communal d'alerte et d'information sur le risque climatique : s'il n'avait pas été déclenché le 17 octobre, les dégâts auraient été bien plus lourds pour les particuliers, les artisans et les commerçants, ce qui aurait eu des répercussions sur les assurances concernées. Voilà pourquoi une segmentation trop poussée du marché des assurances est problématique : nous devons pouvoir bénéficier d'un marché qui prendrait en compte l'intérêt général et permettrait d'assurer des collectivités locales indispensables au système économique de notre pays, notamment par leur gestion de la voirie et des établissements scolaires.

Il nous faut maintenant dépasser le stade des recommandations, une proposition de loi pouvant être l'un des outils à utiliser. Il est impératif d'agir, car nous faisons face à un bouleversement climatique qui entraînera d'autres dégâts considérables à l'avenir, et qui exigera d'autant plus la continuité du service public local - l'une des richesses de notre pays.

M. Didier Lechien, maire de Dinan. - Dinan, avec ses 14 966 habitants, n'a connu ni émeutes urbaines ni inondation, mais c'est une ville patrimoniale riche de soixante-quinze monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ce qui explique sans doute la réticence des assureurs à nous accompagner.

Depuis le 1er janvier 2024, la commune est assurée par deux assureurs, l'un japonais, l'autre américain, aucun assureur français n'ayant souhaité couvrir nos risques.

Afin de comprendre cet état de fait, il faut remonter à mars 2023, date à laquelle notre ancien assureur nous a fait part de son souhait de résilier notre contrat « dommages aux biens ». Sa décision était parfaitement conforme au code des assurances et il n'avait pas à la motiver ; le courrier précisait néanmoins que cette résiliation intervenait dans le cadre de la fusion entre la Maif et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (Smacl).

À la suite de cette lettre de résiliation, nous avons lancé un appel d'offres qui s'est révélé infructueux à l'issue du délai de trente jours fixé pour la réception des offres. Un allongement dudit délai à quatre-vingt-dix jours n'aurait, me semble-t-il, probablement rien changé, dans la mesure où nous avions très largement relevé nos seuils de franchise au moment de la passation des marchés.

À partir de septembre 2023, nous avons entamé des négociations directes avec les assureurs par le biais de la procédure de gré à gré. Nous avons alors pris attache avec la Smacl, qui nous couvre par ailleurs pour nos risques « responsabilité civile » et « flotte automobile ». Celle-ci nous a opposé une fin de non-recevoir, tout comme les autres compagnies d'assurances, qu'il s'agisse d'Axa, de Groupama ou d'Allianz, certaines d'entre elles n'ayant d'ailleurs même pas répondu ou formulé de contre-proposition. Selon moi, l'assouplissement des procédures n'est guère susceptible de résoudre cette difficulté.

Nous avons supposé que ces refus s'expliquaient par notre sinistralité, car nous avions connu quelques dommages les années précédentes, notamment dans nos parkings. Notre prime annuelle avait pourtant sextuplé, passant de 43 000 euros en 2018 à 287 000 euros en 2020.

C'est en échangeant avec d'autres collègues que nous nous sommes rendu compte que nos difficultés n'étaient pas tant liées à notre sinistralité mais à l'atonie et à la réorganisation du marché, les compagnies d'assurances privilégiant le marché des particuliers au détriment de celui, non rentable, des collectivités territoriales.

Les compagnies d'assurances que j'ai eu l'occasion de rencontrer insistent sur ce point, déjà souligné par deux rapports publiés l'an dernier - celui du Sénat et celui de la mission conduite par Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès - ainsi que par un avis de l'Autorité de la concurrence. Le marché souffre en effet d'une situation duopolistique qui grève la concurrence.

En novembre 2023, nous avons publié, aux côtés d'autres maires de l'Association des petites villes de France (APVF), une tribune dans le journal Le Monde afin d'alerter le gouvernement de l'époque et de l'inciter à agir, arguant qu'il était inconcevable que des communes ne parviennent pas à protéger des équipements indispensables au fonctionnement des services publics.

Les compagnies d'assurances oublient parfois cette dimension lorsqu'elles nous comparent à des entreprises : nous assumons des missions de service public dont les logiques sont distinctes de celles du secteur privé.

Par ailleurs, il n'était pas question pour nous de basculer dans un régime d'auto-assurance, pour plusieurs raisons. Premièrement, les règles comptables actuelles rendent le recours à ce mécanisme complexe. Deuxièmement, l'auto-assurance aurait eu pour effet de limiter notre autonomie financière et faisait courir un risque important à la collectivité : comment provisionner, en effet, des sommes pour un risque qui n'existait pas au moment où il aurait fallu prendre la décision ?

En décembre 2023, nous avons poursuivi nos recherches en nous rapprochant d'un courtier international. Celui-ci, au regard de l'atonie du marché français, a immédiatement pris contact avec des assureurs étrangers. Deux d'entre eux se sont alors portés candidats, l'américain BHSI et le japonais MSIG, avec lesquels nous avons contractualisé jusqu'au 31 décembre 2028.

Nous nous sommes demandés, en fin d'année 2024, si nous devions renégocier les contrats et éventuellement rechercher de nouvelles compagnies d'assurance, mais notre courtier nous a fortement déconseillés de le faire, nous alertant sur une probable augmentation des primes et une diminution, dans le même temps, de la couverture des risques.

Notre situation demeure donc malgré tout extrêmement précaire : avec des surfaces à couvrir d'environ 140 000 mètres carrés, notre prime annuelle, qui était déjà très élevée en 2024, a encore progressé de 5 % en 2025 et s'élève à environ 290 000 euros, en raison notamment du taux de la surprime CatNat.

Nos franchises ont également explosé : notre franchise générale a été multipliée par cinquante par rapport à notre précédent contrat et s'élève désormais à 150 000 euros ; en outre, nous ne déclencherons probablement jamais notre couverture « dommages au parking » en raison du montant exorbitant de la franchise, fixé à 1 million d'euros.

Je ne vous cache pas non plus mes inquiétudes pour la suite, même si nous disposons d'une connaissance très fine de notre patrimoine immobilier et que nous avons déjà tout mis en oeuvre pour limiter les risques.

Dans la perspective de la révision de la directive européenne de 2014, il me semble nécessaire d'engager une réflexion sur la généralisation du marché à procédure adaptée (Mapa) afin de faciliter la passation des marchés et de favoriser le dialogue entre les collectivités et les assureurs, notamment pour ce qui est de la prise en compte des risques et de la rédaction du cahier des charges. Néanmoins, je doute qu'un simple assouplissement de la procédure des marchés publics suffise à régler tous les problèmes, notamment le caractère extrêmement restrictif des conditions de garantie actuelles.

Selon nous, il est primordial de préserver nos capacités de fonctionnement et d'investissement. Les difficultés assurantielles que nous rencontrons s'aggravent, malgré les rapports publiés et les missions mises en place : initialement, elles affectaient principalement les villes de 10 000 habitants à 20 000 habitants, mais elles se sont désormais étendues à des collectivités de plus petite taille.

Les compagnies d'assurance - notamment nationales - invoquent les risques climatiques et les émeutes pour se retirer du marché des collectivités locales, ce qui soulève des questions sur l'exercice de nos missions de service public. Cette situation expose en effet les élus à des risques extrêmement importants. Elle hypothèque, en quelque sorte, le fonctionnement de nos collectivités.

M. Stéphane Leyenberger, maire de Saverne. - Je remercie sincèrement le Sénat d'avoir saisi à bras-le-corps cette question des assurances des collectivités territoriales. Nous nous sentons moins seuls face à des courriers de résiliation unilatérale !

Ville moyenne de 12 000 habitants située en Alsace, Saverne a sans doute eu plus de chance que d'autres communes puisqu'elle n'a connu aucun aléa climatique important depuis de nombreuses décennies, ni d'émeutes, y compris au moment des « gilets jaunes ». Notre faible niveau de sinistralité a permis aux assureurs de prospérer.

À l'instar d'autres collègues, nous avons donc été extrêmement surpris de recevoir, courant 2023, des lettres de résiliation unilatérale de notre assurance « dommages aux biens », mais aussi des contrats couvrant notre responsabilité civile et notre flotte automobile. En faisant des pieds et des mains, nous avons réussi in extremis à trouver des solutions pour ces deux derniers contrats, uniquement pour une brève période. Mais nous sommes restés pendant plus d'un an dépourvus d'assurance « dommages aux biens » pour nos 90 000 mètres carrés de bâtiments, dont un nombre important de bâtiments patrimoniaux. Je pense notamment au château des Rohan, deuxième plus grand château néoclassique de France après Versailles. Savoir qu'un tel bâtiment n'est pas assuré est une source d'inquiétude.

Comme mes collègues, j'ai consulté les courtiers de la place, en particulier le plus grand courtier du Grand Est, qui pensait régler le problème en une semaine. Certes, il n'a jamais lâché l'affaire. Il lui a néanmoins fallu treize mois pour nous trouver une solution auprès d'un assureur suisse, les Assurances Helvetia. Cet assureur assure les biens de la commune, pour un montant trois fois plus élevé que celui que nous payions chez Groupama, avec une franchise de 500 000 euros pour les sinistres tels que les dégâts des eaux et l'incendie. Cela étant, cela nous permet de couvrir les risques les plus importants, non seulement la destruction de bâtiments mais également la propagation du dommage à d'autres immeubles appartenant à des tiers.

Le seul motif des refus d'assurance que l'on m'ait donné était le malheur d'être une ville de plus de 10 000 habitants ; je n'ai jamais eu d'autre explication... La solidarité entre collectivités est une bonne chose si elle permet d'obtenir quelque chose, pas si l'on en pâtit, si les assureurs nous mettent tous dans le même sac.

J'entends avec intérêt les propositions qui sont formulées. Nous devons également nous interroger sur la manière dont les pouvoirs publics pourraient être solidaires en cas d'impasse ; je ne veux plus revivre une année sans assurance. On entend également parler d'auto-assurance. Le terme est pudique, mais, selon moi, il ne veut pas dire grand-chose, il signifie simplement que nous acceptons de prendre en charge le risque nous-mêmes. Peut-être les très grandes collectivités ont-elles une assise financière suffisante pour le faire, mais une commune comme la nôtre déposerait le bilan si elle devait faire face seule à une dépense de plusieurs dizaines de millions d'euros.

M. Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya. - Breil-sur-Roya est une commune de 2 400 habitants située à l'extrémité sud-est de la France, à la frontière avec l'Italie. Elle se trouve dans la vallée de la Roya, une de celles qui ont été dévastées dans la nuit du 2 au 3 octobre 2020 par la tempête Alex. Lors de cette catastrophe, nos infrastructures communales ont subi des dégâts très importants, estimés à plus de 25 millions d'euros, dont plus de 10 millions d'euros pour les biens assurés à l'époque.

Les négociations afférentes à l'indemnisation ont été très longues. Elles ont en partie abouti en 2024, puisque nous avons perçu en mai dernier une indemnité d'assurance de 6 millions d'euros pour le volet inondations et coulées de boue. En revanche, l'autre dossier, relatif aux mouvements de terrain, fait toujours l'objet d'un refus d'indemnisation de la part de l'assureur et sera probablement tranché par le tribunal administratif.

Quelques semaines après avoir perçu cette indemnité de 6 millions d'euros, en juin 2024, la Smacl, qui nous assurait, nous a adressé un courrier nous annonçant la résiliation de l'intégralité de nos contrats à compter du 31 décembre 2024. L'argument avancé était purement juridique : notre contrat était obsolète car reconductible tacitement alors que le code de la commande publique impose à tout marché public une date de début et une date de fin. L'assureur disait donc ne résilier notre contrat que pour pouvoir repartir sur de bonnes bases, sur le fondement d'une nouvelle police.

Nous avons tout de suite eu quelques doutes quant à l'objectif de notre assureur historique et ceux-ci se sont révélés justifiés lorsqu'il a refusé de nous faire une offre en réponse à notre consultation. D'ailleurs, aucun assureur n'a fait la moindre offre. L'appel d'offres était donc infructueux.

Nous avons alors contacté directement les compagnies susceptibles d'assurer les collectivités, mais, comme cela est arrivé à mes collègues maires, soit elles n'ont pas répondu, soit elles ont refusé. Au mois de novembre, j'ai donc alerté les médias de notre situation et du risque d'atteindre la fin de l'année sans solution ; cela a été bien relayé mais c'est resté sans effets. En désespoir de cause, nous avons lancé deux initiatives parallèles : premièrement, nous avons saisi le bureau central de tarification (BCT), chargé de trouver des solutions pour les particuliers ou les entreprises ; secondement, nous avons saisi le tribunal administratif, dans le cadre d'un référé dit mesures utiles, pour obtenir que la Smacl prolonge d'un an notre contrat, afin de nous laisser le temps de trouver un autre assureur.

Nous avons été déboutés de cette demande le 31 décembre. Quelques jours auparavant, la Smacl, probablement dans la crainte de perdre la procédure administrative, avait cédé sur la responsabilité civile et la protection fonctionnelle et accepté de prolonger ces contrats pour un an. Le juge, qui n'avait plus qu'à trancher sur l'assurance « dommages aux biens », nous a déboutés.

Ainsi, je suis arrivé à la mairie le 1er janvier 2025 sans assurance « dommages aux biens ». J'avais reçu un courrier du BCT m'indiquant qu'il proposerait un contrat pour couvrir les quinze premiers jours de l'année, mais je n'avais encore reçu aucun document. Je me suis d'abord dit que je ne pouvais qu'espérer qu'il n'y ait pas de catastrophe naturelle, puis j'ai jugé préférable de l'interdire : j'ai donc signé un arrêté municipal, qui a fait un peu parler, par lequel j'interdisais toute catastrophe naturelle et tout type de sinistre susceptible de toucher les bâtiments municipaux de la commune. L'objectif était évidemment d'alerter l'opinion publique et les décideurs politiques de la difficulté que vivent nos communes ; vous vous en faites l'écho aujourd'hui et je vous en remercie. Toutefois, cet arrêté, même si nous n'avons pas été touchés par une catastrophe naturelle, n'a pas réellement produit d'effets.

Nous attendions beaucoup de notre dernière solution : le bureau central de tarification. Ce dernier m'a finalement adressé, le 14 janvier, un contrat d'assurance couvrant les quinze premiers jours de janvier ; il coûtait 5 400 euros pour quinze jours, contre 15 000 euros par an aux termes de l'ancien contrat. J'ai tout de même signé le contrat, en trouvant un peu étonnant d'être assuré de façon rétroactive, afin de jouer le jeu et dans l'espoir d'une solution plus pérenne.

Le 15 janvier, le BCT s'est de nouveau réuni et a obligé cinq assureurs à se rassembler pour partager, chacun à hauteur de 20 %, le risque de la commune de Breil-sur-Roya pendant une année, le contrat étant formellement signé avec Groupama. Les conditions de ce contrat sont très défavorables, puisque notre cotisation annuelle est passée de 15 000 à 100 000 euros - sans compter les 5 400 euros de la première quinzaine -, soit sept fois plus. En outre, les franchises sont beaucoup plus élevées qu'auparavant : elles sont toujours de 10 %, mais avec un minimum de 500 000 euros pour les catastrophes naturelles et de 100 000 euros pour les incendies. Par ailleurs, beaucoup de risques ne sont plus couverts : les dégradations, les vols, les émeutes, les dégâts des eaux et les dommages électriques.

L'équipe municipale s'est demandée s'il valait mieux ne plus s'assurer, s'auto-assurer, ou accepter ces conditions. Le souvenir de la tempête Alex étant encore très présent, nous avons décidé de souscrire à cette offre, même si, en réalité, nous payons extrêmement cher pour n'être assurés que pour la prochaine tempête Alex. En effet, si l'on met en regard ce contrat et ce qui s'est passé au cours des vingt dernières années, nous constatons que nous n'aurions jamais été indemnisés pour aucun sinistre autre que la tempête Alex. Cette solution provisoire, valable jusqu'au 31 décembre prochain, ne nous satisfait donc pas. Nous allons par conséquent relancer une procédure de mise en concurrence pour espérer trouver un assureur plus pérenne.

En tout état de cause, je ne peux pas m'empêcher de penser que le système d'assurance des collectivités est à bout de souffle ; il y avait déjà très peu de compagnies d'assurance naguère et elles ont tendance à se désengager de ce marché. Le risque est que, d'ici à quelques années, les communes, aujourd'hui relativement minoritaires, qui ne peuvent plus s'assurer deviennent la norme.

Beaucoup de solutions sont sans doute envisageables. Je pense pour ma part qu'il faudrait peut-être basculer vers un nouveau système, dans lequel le privé assure le privé et le public assure le public. On pourrait imaginer un système mutualiste, dans lequel les collectivités, au lieu de payer des cotisations à des assureurs privés, mettent dans un pot commun pour partager le risque à l'échelle nationale. Cela permettrait d'assurer les principaux risques et représenterait une économie d'autant pour la Caisse centrale de réassurance (CCR). Par ailleurs, si ce fonds nécessitait des financements supplémentaires, je ne verrais aucun inconvénient à ce que cela passe par la taxation des bénéfices des assureurs privés, puisque ceux-ci n'ont pas joué leur mission de service public en couvrant les biens des communes, qui sont finalement ceux de tous les citoyens, le patrimoine de la Nation.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie, ainsi que les autres orateurs, de vos propositions, notamment celle d'un système mutualisé public. Il faudra les étudier pour voir si cela peut fonctionner à grande échelle.

M. Christophe Reynier-Duval, maire de Caderousse. - Il n'y a pas eu de sinistre à Caderousse ; pourtant, en 2024, durant quatre mois, la commune n'a plus été assurée.

Caderousse est un village du Rhône de 2 600 habitants, qui a une digue de 1 730 mètres longeant le Rhône et protégeant ses 1 400 habitants.

La commune a dû subir une forte augmentation de ses cotisations d'assurance et déclarer un marché infructueux. Comme mes collègues, j'ai tâché de négocier de gré à gré, mais je n'ai trouvé personne, ce qui nous a conduits à n'être pas assurés durant quatre mois. Ce qui était choquant, c'est le courrier que j'ai reçu en juin 2023 indiquant que notre contrat d'assurance serait résilié, alors que nous n'avions eu aucun sinistre au cours des années précédentes : le dernier sinistre d'importance à Caderousse remonte aux inondations de 2003. Depuis, plus rien ou presque : 13 000 euros de sinistre depuis 2019.

Alors, que faire ? Négocier. Mais les règles du jeu ont complètement changé, en faveur de l'assureur et nous avons dû, hélas ! l'accepter. En 2022, notre cotisation d'assurance dommages aux biens s'élevait à 6 919 euros ; en 2025, elle est de 45 143 euros, soit une augmentation de 552 %. C'est difficile à absorber... La commune compte deux monuments historiques et 42 biens, représentant 14 800 mètres carrés, à assurer. Le coût de l'assurance atteint presque à 3 euros par mètre carré !

Nous avons certains biens à l'extérieur de la digue et d'autres à l'intérieur. J'ai donc proposé à notre partenaire deux contrats, puisque, à l'intérieur de la digue, où se trouvent les monuments historiques et divers bâtiments, il y a moins de sinistralité liée aux inondations. On aurait pu augmenter les franchises à l'extérieur, où se trouvent une école, une salle des fêtes, un gymnase, des terrains de sport. Cela n'a pas été possible. C'est dommage : on pourrait envisager de sélectionner, avec l'assureur, les biens à risque et ceux qui le sont moins. C'est d'autant plus vrai que nous avons deux plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) : celui qui concerne le Rhône et celui qui est relatif à l'Aigue.

On pourrait en effet envisager de faire caisse commune, d'assurer le privé d'un côté et le public d'un autre. En tout cas, il faut trouver des solutions, sans quoi, petit à petit, certains biens publics ne seront plus assurés.

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, avant de vous passer la parole, je vous rappelle que nous entendons aujourd'hui des témoignages de maires. Demain, nous entendrons des assureurs et le médiateur de l'assurance. N'anticipons pas les questions qui concerneront notre seconde audition.

M. Thierry Cozic. - Plusieurs d'entre vous ont indiqué que certains acteurs s'étaient retirés du marché en raison de l'arrivée de nouveaux acteurs, de la faible rentabilité de l'assurance des collectivités et de la lourdeur des marchés publics. Le manque de concurrence nuit-il à nos collectivités, dont les contrats sont peu rentables ? Les dossiers d'appel d'offres vous semblent-ils trop complexes ? Est-ce un frein ?

M. Pierre Barros. - Vos collectivités, on le voit bien, ne sont pas responsables de ce qui leur arrive. Vous êtes tous victimes d'une situation historique : on a construit tel village sur une rivière, tel autre le long d'une digue, etc. C'est d'ailleurs ce qui fait le charme de ces communes et la qualité de vie que l'on y trouve. Comment permettre de continuer de vivre dans ces endroits, de façon sécurisée, sereine ? C'est un vaste sujet, et le rapport le montre bien, qui renvoie à la question de la prévention des risques en général, en soulignant que la responsabilité n'en incombe pas seulement aux élus : ce serait trop facile ! Nous devons trouver un moyen de garantir l'indemnisation du risque.

Le marché de l'assurance n'est pas assez concurrentiel pour faire son office de manière satisfaisante. Pourquoi ne compte-t-il plus que deux opérateurs ? Groupama prend les villes de moins de 10 000 habitants, et la Smacl, les autres. C'est une vraie défaillance, alors qu'il est obligatoire - et de bonne gestion - de s'assurer. J'ai été maire pendant assez longtemps et je me rappelle avoir eu du mal, le 31 décembre dernier, à trouver un assureur pour notre parc automobile. Pourtant, nous n'avons pas une accidentologie particulière, et nous gérons notre parc automobile correctement. Bref, le marché n'est plus efficace, pour des raisons structurelles. Il faut y remédier.

La mutualisation est-elle une solution ? Les maires ont les mains dans le cambouis, eux, et doivent trouver comment faire. Cela fait partie des pistes évoquées par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). On finit par trouver des opérateurs pour ce qui est facile à assurer, avec peu de risques : c'est une bonne affaire pour les assureurs. Assurer le reste doit-il incomber au secteur public ? Ce serait inquiétant. Mais nous sommes acculés, sans solution. Ce débat est révélateur d'une situation de blocage. Il faut avancer, et le Sénat fait bien de s'emparer de ce sujet, vital pour nos collectivités territoriales.

M. Michel Canévet. - Merci pour ces témoignages, qui reflètent bien la diversité et la complexité des situations sur le terrain. J'ai réagi quand M. le maire de Rive-de-Gier a évoqué les profits des assurances, car les 2 731 milliards d'euros en question comportent aussi les placements financiers, réalisés dans le cadre de l'assurance vie, qui constitue l'épargne de nos concitoyens. Une caisse commune, pourquoi pas ? Mais si les seules collectivités territoriales à y adhérer sont celles qui ont des difficultés, cela n'améliorera pas l'état des finances publiques...

Le maire de la belle commune de Dinan a eu recours à une solution originale, puisqu'il a fait appel à deux opérateurs étrangers. L'un est américain et l'autre, japonais : ce n'est pas l'étranger proche ! Y a-t-il des conditions particulières pour le faire ? Cette perspective peut intéresser d'autres collectivités territoriales. Est-elle avantageuse, ou s'agit-il simplement d'une solution intermédiaire ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Plusieurs d'entre vous ont évoqué une solution publique, avec une structure parapublique pour pallier la défaillance du marché de l'assurance en France. On aurait alors un système dual, avec d'un côté des assureurs privés et de l'autre, pour ceux qui n'auraient pas de solution, une structure parapublique. Pourriez-vous décrire plus précisément cette solution ?

M. Claude Raynal, président. - Je n'imaginais pas que des maires aient recours à des assureurs étrangers... À la rigueur, je comprends qu'une commune frontalière se tourne vers un acteur du pays limitrophe, mais que Dinan s'adresse à un Japonais et à un Américain, cela me surprend ! Les communes sont-elles démarchées, cette solution est-elle recommandée par l'AMF, ou s'agit-il d'une initiative isolée ?

M. Christian Bilhac. - Vous avez parlé de mutualisation, de structures publiques, mais à l'origine, c'était cela, la Smacl ! Mutualiser aboutira à regrouper toutes les collectivités territoriales à fort risque sous le même assureur, dont le résultat comptable sera forcément catastrophique.

Je ne sais que penser de l'intervention des assureurs étrangers, qu'ils soient japonais, américains ou suisses. Ne serait-ce pas surtout, de leur part, un coup de casino ? Vu le montant des contributions et celui des franchises, et comme il y a de bonnes chances que la commune ne se soit pas sinistrée une année donnée, c'est un peu le jackpot. Cela représente d'ailleurs une part très modeste de leur chiffre d'affaires. À mon avis, on ne peut pas compter sur une généralisation de cette solution ; sinon, on aboutira aux mêmes problèmes.

En fait, ce ne sont pas les collectivités territoriales qui ont des problèmes d'assurance. Elles ne rencontrent aucune difficulté, par exemple, pour assurer leur flotte automobile car tous les assureurs sont capables de calculer le ratio de rentabilité, ce qui fait qu'ils ne prennent pas de risque sur ce segment. La difficulté se concentre sur les dommages aux biens et le risque statutaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il existe une opportunité que certaines communes n'ont pas saisie lorsqu'elles reçoivent une lettre de résiliation unilatérale de leur contrat d'assurance. Depuis la décision du Conseil d'État Grand port maritime de Marseille, une règle importante s'applique : si aucune solution n'est trouvée à l'issue de la résiliation, l'assureur a l'obligation de maintenir la couverture pendant six mois. Si, à l'issue de cette période, la commune n'a toujours pas trouvé de solution, et à condition qu'elle puisse justifier de ses démarches, cette prolongation peut être étendue de six mois supplémentaires.

Certaines communes n'ont pas évoqué ce dispositif. Ont-elles choisi d'autres modalités, renonçant ainsi à cette opportunité temporaire qui leur aurait permis d'optimiser leur cahier des charges et d'explorer différentes options ?

Nous avions eu un débat entre nous, lors des premières auditions de cette mission d'information, sur la question d'une solution d'assurance mixte, publique-privée. Nous n'avons pas retenu cette piste comme la meilleure, tout en restant ouverts à la discussion.

Aujourd'hui, il est crucial d'analyser les raisons pour lesquelles les situations varient autant d'une commune à l'autre, en particulier lorsque l'absence de sinistralité sur le long terme ne justifie pas certaines décisions des assureurs. C'est aussi pour cela que nous avons recommandé de documenter précisément ces cas, afin de permettre d'éventuels recours et d'éviter des pratiques abusives, comparables à des licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Notre objectif est maintenant de consolider nos arguments pour faire avancer ce dossier rapidement, dans l'intérêt des communes.

Mme Charlotte Goujon. - La procédure de marché est-elle trop lourde ? Y a-t-il un problème de concurrence ? La création d'un opérateur public pourrait-elle être la solution ? Il est indéniable que les opérateurs privés ne répondent plus à nos sollicitations. Les montants que j'ai évoqués ne sont peut-être pas exacts, mais nous n'avons pas affaire à des philanthropes : les assureurs recherchent avant tout la rentabilité. Et le fait est qu'ils ne nous assurent plus.

Face à cette impasse, quelles solutions s'offrent aux collectivités ? De plus en plus de maires envisagent de se tourner vers la puissance publique. Cette idée a été évoquée à plusieurs reprises, et elle semble d'autant plus pertinente que nous parlons de biens publics : écoles, crèches, équipements sportifs... Autant d'infrastructures essentielles, financées par les impôts des citoyens, et que nous avons le devoir de protéger. Or, en l'absence de solutions privées, il est impératif de garantir leur assurance.

C'est pourquoi nous sommes nombreux à proposer une alternative publique : que ce soit via l'État, une structure publique ou parapublique, il faut explorer cette piste. Je ne prétends pas être une spécialiste de ces questions, mais il me semble évident qu'il s'agit aujourd'hui d'une solution à explorer, car nous ne pouvons pas rester sans réponse.

Concernant les assureurs étrangers, je ne les ai pas mentionnés tout à l'heure, mais avant d'avoir notre nouvel assureur - lui aussi étranger -, notre contrat avait été résilié par un autre assureur privé, en l'occurrence Helvetia. Cette résiliation est intervenue après une déclaration de sinistre liée aux émeutes. Pourtant, nous n'étions pas responsables de ces événements, qui nous ont dépassés et auxquels nous avons dû faire face.

Aujourd'hui, certains assureurs étrangers acceptent de couvrir nos risques, probablement parce qu'ils y voient une opportunité financière. Mais dès qu'il s'agit d'indemniser les sinistres, ils disparaissent. C'est précisément pour cette raison que nous proposons la création d'un établissement public, sous une forme à définir, qui permettrait aux collectivités territoriales d'envisager l'avenir avec plus de sérénité.

M. Didier Lechien. - Nous avons été mis en relation avec un cabinet spécialisé en assurances internationales par notre banque locale, le Crédit Agricole. Ce cabinet, pleinement conscient des difficultés rencontrées par les collectivités locales sur le marché français, a immédiatement entrepris des recherches auprès de compagnies d'assurance internationales. C'est ainsi que nous avons trouvé une compagnie japonaise et une compagnie américaine.

Bien entendu, il y a une part d'opportunisme dans cette solution. Ces assureurs étrangers profitent du retrait des compagnies nationales du marché des collectivités territoriales. Pourquoi ces dernières se retirent-elles ? Tout simplement parce que ce secteur représente une part marginale de leur portefeuille, et que le risque est jugé trop élevé.

Cette réalité doit nous interpeller en tant qu'élus. Elle soulève des questions essentielles sur notre connaissance de notre propre patrimoine et des risques auxquels il est exposé. Il est sans doute nécessaire de repenser notre approche et d'adopter un système d'assurance à plusieurs niveaux.

D'une part, il nous faut éviter de déclarer systématiquement tous les sinistres, afin de ne pas aggraver notre taux de sinistralité et dissuader les compagnies d'assurance de nous accompagner. Les collectivités territoriales pourraient ainsi s'auto-assurer pour les petits sinistres. D'autre part, les assurances privées pourraient intervenir pour les sinistres de taille intermédiaire, tandis que pour les événements exceptionnels, je rejoins mes collègues : c'est vers la puissance publique, c'est-à-dire l'État, que nous devrions nous tourner.

Cependant, il ne me semble pas pertinent de créer une compagnie d'assurance dédiée uniquement au marché des collectivités territoriales. Ce secteur représente en effet une part infime du marché global, ce qui obère la viabilité d'un tel modèle. Il est donc peu probable que des assureurs s'engagent durablement dans cette voie ou qu'une telle structure puisse être rentable.

M. Vincent Bony. - Sur cet enjeu, la vraie question est de savoir, non pas si nous devons, ou non, créer une structure publique, mais bien quelle forme elle devrait prendre et comment garantir son financement. Il est essentiel d'éviter le piège classique d'une privatisation des profits et d'une nationalisation des déficits. C'est un écueil évident, dans lequel nous ne devons absolument pas tomber.

Cependant, puisque les acteurs privés se désengagent d'un secteur aussi crucial que celui des collectivités locales, il est légitime de leur poser la question : pourquoi se désintéressent-ils de l'intérêt général ? C'est ce que j'ai voulu souligner dans mon intervention. Ces mêmes compagnies privées qui prospèrent aujourd'hui ne le font pas sans lien avec nos territoires. Loin de là. Le marché de l'assurance se porte bien, mais où ces entreprises réalisent-elles leurs profits ? Dans nos communes, là où le service public municipal crée les conditions du développement économique. Tous les maires ont à coeur de favoriser l'emploi et la création de richesses pour faire avancer leurs territoires. Or, sans service public local solide, rien de tout cela n'est possible.

Nous devons donc créer un lien plus équilibré entre ces différents acteurs. Nous formons une communauté, un pays, une Nation. Chacun doit prendre sa part de responsabilité, et nous devons trouver des mécanismes viables pour financer la couverture assurantielle des collectivités territoriales.

D'ailleurs, lorsqu'on évoque la rentabilité du secteur de l'assurance des collectivités locales, il serait intéressant d'analyser, au moins sur les dernières années, combien celles-ci ont versé en cotisations et combien elles ont perçu en indemnités. Je ne connais pas tous les chiffres en détail, mais il est évident que cette question mérite réflexion.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ces chiffres figurent dans notre rapport.

M. Vincent Bony. - En définitive, il est crucial de déterminer comment une structure publique pourrait être à la fois efficace et utile, afin d'assurer la stabilité des collectivités territoriales. Il y a là matière à réflexion : sans couverture assurantielle, bon courage aux collègues qui nous succéderont pour rendre le service public que nos populations attendent.

M. Stéphane Leyenberger. - Je souscris pour une large part à ce qui a été indiqué. Je ne pense pas que nos difficultés soient principalement liées à la complexité des appels d'offres. Même en gré à gré, nous n'avons pas réussi à trouver d'assureur.

Au bout de trois mois de recherches à l'international, un assureur britannique a « gentiment » proposé de nous assurer pour un montant maximum de 6 millions d'euros, et ce pour des primes de 300 000 euros. Nous n'avons pas accepté.

M. Sébastien Olharan. - S'il peut être compliqué pour un plombier de répondre à un appel d'offres, c'est en revanche parfaitement dans les cordes des compagnies d'assurances. D'ailleurs, elles n'ont aucune difficulté à le faire lorsqu'une opération leur paraît rentable ! Le vrai problème, c'est l'envie. En l'occurrence, les assureurs n'ont, me semble-t-il, pas envie d'assurer les collectivités, et ils se désengagent progressivement.

J'aurais bien aimé avoir un assureur japonais ou américain. Mais nous sommes passés par des courtiers, et personne ne nous a trouvé d'offre auprès d'un assureur étranger.

Dans mon esprit, ma proposition d'un système de fonds publics ne concernerait pas seulement les communes ayant des difficultés à s'assurer. Sinon, cela reviendrait à privatiser les profits et nationaliser les pertes : ce serait encore une super-victoire pour les assureurs ! Le système mutualiste que j'envisage serait fondé sur la solidarité nationale : au lieu de payer des assurances privées, les communes n'ayant pas eu de sinistre contribueraient à financer la reconstruction de celles qui en ont subi.

Pour moi, il est bien évident que le public finira par payer si les assureurs privés ne jouent pas le jeu : les communes qui ne pourront pas se reconstruire iront chercher des subventions publiques. C'est donc bien la solidarité nationale qui interviendra in fine. Dès lors, autant opter pour un système dans lequel le public encaisse ce qui est aujourd'hui versé aux compagnies d'assurance, afin de pouvoir le redistribuer !

- Présidence de M. Christian Bilhac, vice-président -

M. Christophe Reynier-Duval. - Nous pourrions nous inspirer de ce que fait la Banque de France pour les personnes interdites bancaires : pourquoi pas une échelle des risques en contrepartie de l'obligation pour les assureurs de prendre les collectivités comme clients ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Encore une fois, comptez sur nous : nous allons nous battre pour trouver des solutions.

Dans le Val-de-Marne, il m'a été dit que les compagnies « se gavent sur le dos des assurés ». Or, avec la Smacl, il n'y a pas de dividendes ; il s'agit juste de mutualisation. Et soyons attentifs aux conflits d'intérêts : ce sont des élus, souvent cooptés, qui siègent dans les instances déterminant la politique tarifaire.

Nos auditions ont montré que les réassureurs ne sont pas inquiets. Entre 2017 et 2022, il y a eu près de 20 % de baisse des primes, et les sinistres ont augmenté de 23 %. Le marché doit retrouver sa place, mais pour garder la mutualisation.

Pour continuer à avoir des risques réellement mutualisés, il faut un équilibre entre les primes et les sinistres. Au Sénat, nous nous sommes battus pour qu'il y ait beaucoup plus dans le fonds Barnier. J'entends des parlementaires considérer que les territoires ruraux peu exposés n'ont pas à payer pour des territoires ruraux exposés. Attention ! Le principe de l'assurance, c'est la mutualisation.

Dans certaines villes, une partie du patrimoine n'est pas assurée, les collectivités préférant faire le pari, compte tenu du coût des assurances, qu'il n'y aura pas de sinistre important. Or cela peut arriver : chez moi, en Meurthe-et-Moselle, le château de Lunéville a pris feu. Si le principe de l'assurance est - j'y insiste - la mutualisation des risques, le fait que l'assurance ne soit pas toujours obligatoire dans vos communes rend cette mutualisation moins évidente, puisqu'elle ne porte pas sur tout le patrimoine.

Nous avons proposé d'élargir la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSEC) au risque « émeutes ». Certes, les maires nous ont dit que les émeutes leur échappaient. Mais l'État, autorité régalienne, doit assurer la sécurité publique ; il dit d'ailleurs parfois que cette responsabilité est partagée avec les communes.

M. Vincent Bony. - Lors des émeutes de l'été 2023, nous avons manqué de forces de police nationale pour protéger nos biens. Pendant deux nuits consécutives, le maire et les élus ont dû protéger la mairie, bâtiment patrimonial s'il en est, suite au départ de la police !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est bien ce que je disais : l'État est l'autorité régalienne. Vous pouvez vous retourner contre lui.

M. Vincent Bony. - Mais la responsabilité ne saurait être « partagée » au sens où nous devrions la prendre en charge.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Vincent Bony. - L'abrogation de la règlementation réformant l'assurance en cas de catastrophe naturelle me paraît importante, car nous avons vraiment un sentiment de double peine. En plus, en l'espèce, l'assurance n'a aucun rôle.

Mme Charlotte Goujon. - Je rejoins mon collègue sur la question des émeutes. Le phénomène est national, et nous avons très peu de moyens d'action. Aujourd'hui, il manque 100 policiers nationaux sur la métropole de Rouen. Les collectivités protègent tous les jours leurs bâtiments : vidéoprotection, police municipale, etc. Mais, lors des émeutes, face à un phénomène national, nous avons dû avoir recours à des sociétés de sécurité privée pour protéger nos bâtiments, à commencer par l'hôtel de ville.

M. Jean-Baptiste Blanc. - Sur les procédures abusives, avez-vous songé à aller au contentieux ? Si oui, quel a été le résultat ? Si non, avez-vous connaissance de collectivités qui auraient tenté leur chance devant le juge ?

Mme Charlotte Goujon. - Nous avons menacé l'assureur qui nous avait informés de la résiliation du contrat d'aller au contentieux, sur la base de la décision du Conseil d'État Grand port maritime de Marseille. Finalement, il est revenu à la table des discussions et a prolongé d'un an la couverture de nos biens.

M. Jean-Baptiste Blanc. - C'est donc resté au stade de la menace. Y a-t-il eu des procédures contentieuses ?

M. Sébastien Olharan. - La commune de Breil-sur-Roya a été au contentieux contre son assureur, sur le fondement de la jurisprudence Grand port maritime de Marseille. Mais cela n'a pas abouti, le juge considérant qu'il aurait fallu contester la décision de résiliation dès son annonce. Or, très logiquement, notre première réaction avait été non pas d'attaquer notre assureur, mais d'en chercher un autre. Vous le voyez, cette jurisprudence ne garantit pas nécessairement l'obtention de délais supplémentaires.

M. Bernard Delcros, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - J'ai été maire pendant longtemps. Je souscris à tout ce que vous avez dit. Les collectivités ne sont pas responsables des émeutes ni de tout ce qui peut se passer sur leur territoire. Elles gèrent des biens et des services publics. En outre, elles exercent des missions pour le compte de l'État. Il n'est donc pas normal que des collectivités ne puissent pas s'assurer dans des conditions acceptables.

Vous avez émis un certain nombre de propositions. Il conviendra de toutes les étudier. L'alternative est la suivante : soit on trouve une solution pour que les compagnies privées puissent assurer les collectivités dans des conditions acceptables ; soit il faut créer un mécanisme d'assurance publique, dont les modalités restent à définir. Ce mécanisme vaudrait-il pour tous les risques ? S'appliquerait-il à toutes les collectivités ?

On peut aussi se demander pourquoi des assureurs étrangers, japonais ou américains par exemple, considèrent, à la différence des opérateurs français, que notre système d'assurance des collectivités est économiquement viable. La question mérite d'être posée.

Nous devons essayer de trouver des solutions ensemble. La situation actuelle ne peut plus durer. Certaines collectivités sont complètement démunies.

M. Christian Bilhac, président. - Peut-être pourrions-nous aussi réfléchir à créer un système d'assurances au niveau des régions...

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Certaines régions pourraient alors trinquer !

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 20.

Mercredi 5 mars 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 10 h 00.

« Assurances des collectivités territoriales : un an après le rapport du Sénat, quelles avancées ? » - Audition de MM. Patrick Blanchard, directeur général de SMACL Assurances, Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l'assurance, Sylvain Merlus, directeur général adjoint en charge de l'assurance dommages et vie France à Groupama Assurances Mutuelles, et Édouard Vieillefond, directeur général de la Caisse centrale de réassurance

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux sur la thématique des problèmes assurantiels rencontrés par les collectivités territoriales, un an ou presque après la remise du rapport de la mission d'information de notre commission des finances.

Nous avons entendu, hier, les maires de six communes, de tailles et de géographies variées, affectées par des difficultés assurantielles : Breil-sur-Roya, Caderousse, Dinan, le Petit-Quevilly, Rive-de-Gier et Saverne. Au regard de ces témoignages et des constats et recommandations déjà établis l'an dernier par notre commission, la table ronde d'aujourd'hui vise à interroger les acteurs institutionnels et les principaux assureurs présents sur le marché de l'assurance des collectivités.

Comme vous le savez, des difficultés persistantes existent pour les collectivités, à la fois pour trouver une assurance et dans l'exécution des contrats d'assurance « dommages aux biens ». Elles résultent toutefois de facteurs distincts. D'une part, il peut s'agir de difficultés conjoncturelles - à la succession d'aléas climatiques s'est ajoutée la multiplication des « risques sociaux », en particulier les émeutes urbaines. D'autre part, le marché de l'assurance des collectivités connaît des difficultés structurelles liées à une concurrence dégradée. Deux acteurs principaux se partagent, de fait, la majorité des contrats d'assurance des collectivités : Groupama, pour les communes rurales, et la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (Smacl Assurances SA), pour les collectivités plus importantes.

Ces constats, établis en premier lieu par le rapport de notre mission d'information, remis le 27 mars 2024, ont été repris dans les travaux successifs consacrés à l'assurance des collectivités, en particulier dans le rapport réalisé à la demande du Gouvernement par MM. Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès. L'avis rendu par l'Autorité de la concurrence, à la suite de sa saisine par la commission des finances, sur la situation concurrentielle dans le secteur de l'assurance des dommages aux biens des collectivités territoriales en France a également confirmé ces analyses.

Pour poursuivre sur cette thématique, nous recevons MM. Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l'assurance, Édouard Vieillefond, directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR), Patrick Blanchard, directeur général de Smacl Assurances SA, et Sylvain Merlus, directeur général adjoint en charge de l'assurance dommages et vie France à Groupama Assurances Mutuelles.

Vous pourrez, messieurs, nous indiquer votre évaluation de la situation assurantielle des collectivités territoriales et de l'évolution des risques qu'elles encourent. Nous serons attentifs aux mesures prises pour améliorer leur couverture assurantielle ainsi qu'à votre appréciation des recommandations avancées par la commission des finances et les autres travaux relatifs à ce sujet.

M. Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l'assurance. - Lors des douze derniers mois, nos services ont été saisis de 37 000 dossiers, dont 95 % concernaient des particuliers. En décembre 2020, le Gouvernement et la profession de l'assurance s'étaient entendus pour que la possibilité de saisir le Médiateur de l'assurance soit étendue aux PME, ce qui représente actuellement 5 % des dossiers. À l'automne 2023, Bruno Le Maire, alors ministre de l'économie et des finances, et les professionnels de l'assurance ont conclu un accord pour que les collectivités locales puissent, elles aussi, saisir le Médiateur en cas de litige faisant suite à un sinistre. Nous avons ainsi reçu de leur part 84 requêtes, ce qui est peu ; 60 % de ces dossiers relèvent de l'assurance « dommages aux biens » et 40 % concernent des questions de prévoyance santé du personnel, relatives par exemple à des arrêts de travail.

Le Médiateur de l'assurance est compétent pour traiter d'un litige relatif aux modalités de souscription, au devoir de conseil ou aux modalités de résiliation d'un contrat, mais seulement après la survenue d'un sinistre, et non dans le cadre dudit sinistre.

J'ai rédigé l'été dernier, à la demande de trois ministres - économie et finances ; aménagement du territoire et décentralisation ; transition écologique -, un rapport que j'ai rendu en septembre à trois autres ministres... J'y indiquais que, selon, moi, il fallait avant tout mesurer l'ampleur du problème. En effet, des chiffres divers circulent, mais combien de communes sont-elles vraiment en difficulté ? Il convient de distinguer les cas dans lesquels elles considèrent que les tarifs d'assurance et de franchise sont trop élevés, et les situations où elles ne parviennent pas à trouver d'assureur.

Des communes comptant entre 10 000 et 30 000 habitants cumulent les risques d'aléas climatiques et d'émeutes urbaines. Lorsqu'un maire est quelque peu démuni parce que son équipe technique a des compétences limitées, il peut avoir besoin d'aide. Le maire de Vesoul, Alain Chrétien, a ainsi dépensé 15 000 euros pour payer des consultants qui l'ont aidé à structurer son offre et à réfléchir. Il n'y a ni mystère ni miracle. Quand le risque est « appétissant », les assureurs répondent présent : pour ce qui est de l'assurance emprunteur, les assureurs se bousculent. À l'inverse, en matière d'assurance agricole, il n'y a pour l'essentiel que deux acteurs. Par ailleurs, qui veut actuellement être assureur aux Antilles ?

Il s'agit donc de rendre le risque plus attractif, notamment en réalisant dans les communes des travaux de prévention contre les aléas climatiques, ce qui peut nécessiter de mettre en place des aides ou de faire des travaux pour prévenir les émeutes urbaines - un sujet complexe. Il convient aussi, le marché ayant été sous-tarifé, de redresser les tarifs d'assurance afin que les assureurs atteignent l'équilibre économique.

Si l'on devait prévoir, au bénéfice des communes les plus en difficulté, une assistance financière à hauteur de quelques milliers d'euros pour les aider à payer les services d'un consultant en travaux de prévention, puis d'un courtier spécialisé dans le placement des risques - des acteurs privés auxquels il ne s'agit pas du tout de se substituer -, qui financerait cette assistance ? L'État, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ou les assureurs ? Lors de l'enquête que j'ai effectuée, chacun des acteurs se renvoyait la balle...

Je préconise donc de créer de petites cellules d'accompagnement - ou de conciliation, de coordination, d'observation... - composées, dans un souci de neutralité, d'un ou deux fonctionnaires, afin d'aider les communes à objectiver leurs problèmes, de coordonner les différents intervenants, de répertorier les diverses aides possibles, puis d'orienter ces collectivités vers un courtier ou un pool de courtiers qui aurait été sélectionné par l'AMF ou par une autre instance. Il conviendra de réfléchir aux modalités de cette sélection.

Enfin, il convient d'informer la fédération France Assureurs des difficultés de ces communes, afin que les membres de cette fédération qui le souhaitent puissent proposer de les assurer.

M. Édouard Vieillefond, directeur général de la Caisse centrale de réassurance. - Au sein de la CCR, nous sommes très favorables aux mesures préconisées dans le rapport publié par le Sénat voilà un an. Il est évident que les collectivités locales doivent connaître les risques auxquels elles sont exposées. Pour ce faire, elles doivent soit se regrouper, soit disposer d'une assistance, soit employer un directeur des risques à temps plein. Elles ont besoin de comprendre leur situation, de négocier, de bénéficier de services de courtage et d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

À cet égard, l'une des principales évolutions prévues est la simplification de la procédure de passation des marchés publics. En effet, il s'agit pour les collectivités non seulement de connaître leurs risques, mais aussi d'en faire mention dans les appels d'offres afin que les assureurs puissent tarifer au meilleur prix. Il faut en effet rappeler que la surtarification est liée à une mauvaise connaissance des risques. Et pour appréhender ceux-ci, les assureurs doivent pouvoir visiter les locaux et proposer des mesures de prévention - pose de sprinklers ; mise en garde contre les points chauds, etc. -, comme cela se passe pour les entreprises.

Le rééquilibrage tarifaire est inévitable, dans la mesure où le marché n'était pas techniquement équilibré. Il a lieu cette année, durera en tout dix-huit mois, et c'est un moment délicat puisqu'il s'agit d'augmenter les franchises et les tarifs. À mon sens, ces augmentations sont conjoncturelles plutôt que structurelles ; une fois l'équilibre rétabli, la situation sera meilleure.

Concernant l'évolution des risques, on sait que ceux-ci augmentent tous : catastrophes naturelles (CatNat), risques tempête, grêle et neige ; dégâts des eaux, etc. Précisons toutefois que ces phénomènes sont localisés, ce qui n'est pas le cas des émeutes ou mouvements populaires, très mal définis dans le droit français et par la jurisprudence, qui représentent le premier facteur d'augmentation des risques parce qu'ils sont plus diffus sur le territoire.

La principale différence, au niveau assurantiel, entre les catastrophes naturelles et les autres périls réside dans le fait que pour les premières, l'assurance est obligatoire ; il est alors possible, en cas de litige ou de difficulté à trouver un assureur, de saisir le Bureau central de tarification (BCT), comme cela s'est passé avec succès à Breil-sur-Roya - cela fera peut-être jurisprudence. Il est en effet souhaitable que le recours au BCT soit plus large et plus facile, avec un accès numérique plus développé et une meilleure publicité.

Les mesures prévues dans le rapport précité et le rééquilibrage tarifaire interviendront en tout état de cause, sans quoi aucune autre réflexion ne pourrait avancer.

D'un point de vue presque philosophique, les collectivités locales sont obligées de se comporter comme des entreprises. Même si elles sont petites et qu'il est très difficile de faire ce travail, il faut mesurer les risques et négocier les contrats de manière équilibrée, comme on le fait avec les TPE ou les PME. C'est un enjeu majeur, et les collectivités n'ont absolument pas le choix.

Certains avancent parfois que les collectivités locales ne peuvent pas être gérées comme des entreprises... Malheureusement, du point de vue de l'assurance et de la réassurance, l'application est la même : notre régime de protection contre les catastrophes naturelles traite une collectivité locale de la même façon qu'un professionnel, que cela soit une PME courant de petits risques ou un grand groupe industriel exposé à de très grands aléas. D'ailleurs, dans nos remontées de primes, les collectivités locales figurent dans la même catégorie que les entreprises : elles représentent à peu près 10 % du total des professionnels assurés, soit environ 5 % du total des assurés.

Si le système fonctionne pour les entreprises, grâce en particulier aux visites de risque, il n'y a pas de raison qu'il ne fonctionne pas pour les collectivités, à condition que les textes - notamment le code des marchés publics - le permettent.

L'Observatoire de l'assurabilité ne constitue pas le centre de notre débat du jour, mais lorsque cet outil sera déployé, il permettra de mesurer les tensions dans tout le territoire national. J'insiste toutefois sur le fait qu'il ne constituera pas l'outil principal. Nous avons dû faire des choix pour en proposer rapidement une première version : nos travaux ayant pris un peu de retard, l'observatoire se réunira autour du mois d'octobre, et non en mars. Dans un premier temps, il se concentrera sur les risques principaux pour les habitations, c'est-à-dire les cyclones, le retrait-gonflement des argiles (RGA) et les inondations. L'outil sera ensuite éventuellement amélioré pour intégrer d'autres éléments. À ce stade, les collectivités locales ne seront donc pas directement concernées, même si, évidemment, il y aura des effets indirects sur la manière dont sont traités les citoyens dans les communes.

J'en viens au point sensible, celui de l'étude d'un partenariat public-privé permettant la réassurance publique dans le cas de violences urbaines, à l'instar du régime des catastrophes naturelles. Les travaux sont en cours, d'une part avec les assureurs, à la suite des demandes des anciens ministres MM. Béchu et Le Maire, et d'autre part avec l'État, afin de dresser la cartographie des aléas. Il est important d'assurer la cohérence entre nos modélisations pour la souscription de réassurance et les plans de prévention des risques de l'État.

Si un tel régime était instauré, il entraînerait nécessairement une surprime en raison de l'extension de garantie, à l'image de ce qui existe pour les catastrophes naturelles ou le terrorisme. Mon message est simple : cela ne serait pas gratuit, et l'ordre de grandeur des sommes en question serait même assez important. Ce fait avait énormément joué lorsqu'il n'y avait pas eu de déclaration de régime de catastrophe sanitaire ou de catastrophe exceptionnelle à l'issue de la crise du covid et du confinement.

De plus, si l'on faisait intervenir la CCR dans un nouveau régime, de manière assez classique, que nous intervenions en direct au-dessus des assureurs ou au moyen d'un pool, plus nous interviendrions bas, plus le risque couru par les finances publiques serait important. La relation n'est certes pas linéaire, mais elle est directe entre le moment de notre intervention et le risque de faire appel à la garantie de l'État. Dans le moment présent, il faut signaler ce point.

Si un tel régime était créé, il faudrait en outre une mutualisation maximale, du point de vue des territoires comme de celui des assurés, entreprises, collectivités locales et particuliers compris, pour que chacun puisse contribuer.

Il y a par ailleurs un problème de définition sur ce nouveau régime éventuel. Il faut très clairement définir ce qu'est une émeute et un mouvement populaire, en distinguant ces phénomènes des actes de terrorisme ou d'autres violences plus politiques. Aujourd'hui, il est très difficile d'établir une telle définition, puisque ni la loi ni la jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de cassation ne donnent de solution claire et stable, d'où les conflits et les recours auxquels on assiste régulièrement.

D'un point de vue institutionnel, ce risque emporte également un aléa moral : contrairement aux catastrophes naturelles, une question d'ordre public est immédiatement posée par les émeutes. Il y a donc un aléa à créer un système d'assurance qui provient d'un réglage du maintien de l'ordre public.

Enfin, pour que ce régime existe, il faut des lois, ce qui implique des délais : des mesures doivent être prises en loi de finances, et des lois d'extension seront nécessaires pour éventuellement étendre le dispositif au-delà du territoire assurantiel français actuel. En outre, il faut évidemment recueillir l'approbation des autorités européennes.

Il faut revenir aux fondamentaux : pour que le secteur fonctionne, la prime doit être au niveau des risques. Arnaud Chneiweiss vient de le rappeler, la matière de l'assurance et de la réassurance, c'est le risque. C'est souvent plus complexe qu'une matière première physique. Quand le risque augmente, il faut que la prime augmente. Nous l'avons vécu à travers l'augmentation de la surprime relative aux catastrophes naturelles pour cette année, décidée à la fin de 2023. Sans elle, il est clair que le secteur ne pourrait plus fonctionner.

Il faut également financer la prévention et l'adaptation. Beaucoup d'efforts ont été réalisés, notamment grâce au Sénat, pour financer la prévention des risques liés aux catastrophes naturelles, à travers le fonds Barnier ou les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI). Il faut continuer le combat pour s'assurer que les montants du fonds Barnier sont à la hauteur et permettent de mener des travaux d'adaptation et de prévention. Grâce aux décisions récemment ébauchées dans la loi de finances, ces travaux sont en cours, mais il faut continuer, car plus ces fonds seront développés, plus une partie du problème sera traitée.

J'y insiste, il est fondamental que nous disposions d'une cartographie des risques, des aléas et des sinistres, pour pouvoir proposer des solutions pour l'ensemble des territoires. Nous avons besoin d'une cartographie présentant un niveau de granularité suffisant afin de résoudre les problèmes liés aux catastrophes naturelles et rendre les mécanismes obligatoires et opposables, tout en trouvant une cohérence à l'échelle nationale pour garantir l'égalité de traitement entre les citoyens.

Un dernier mot : il faut voir si les difficultés d'assurance sont structurelles sur le marché, ou si elles découlent d'une carence. Dans les catastrophes naturelles, les inondations ou les tremblements de terre, on sait que les particuliers ne peuvent pas être assurés sans réassureur, ne serait-ce qu'à cause des sinistres de pointe. La même chose s'applique-t-elle pour l'assurabilité des collectivités locales, notamment lors d'émeutes ? Je n'en suis pas sûr. En revanche, il faut regarder si une carence existe. Si l'État intervient en soutien, cela doit être avec l'objectif non de remplacer le marché privé, mais de le rendre de nouveau solvable pour lui permettre d'intervenir au plus près des demandes. Au sein de la CCR, nous essayons de pousser pour ne pas avoir à intervenir et pour que les marchés restent solvables sans nous. En revanche, lorsque c'est nécessaire, nous intervenons avec courage et avec des méthodes que nous connaissons particulièrement bien, puisque nous les pratiquons depuis des dizaines d'années.

M. Patrick Blanchard, directeur général de Smacl Assurances. - Je vous remercie de votre invitation. Cette table ronde fait écho à des travaux que nous avons engagés depuis un certain temps, les premières alertes sur ce sujet datant de 2022, et nous sommes ravis d'aborder la question avec vous.

La Smacl est une mutuelle construite par et pour les élus locaux. La grande majorité de notre activité tourne autour des collectivités territoriales. Nous sommes fiers de continuer de les accompagner, compte tenu des évolutions évoquées. Nous avons fait face à des problèmes tant externes qu'internes, notre société ayant dû être recapitalisée deux années de suite en raison de résultats lourdement déficitaires.

La Smacl a toujours cherché à construire collectivement des solutions avec les pouvoirs publics, notamment avec les élus que nous rencontrons fréquemment. Nous partageons tous le même constat, même si les mots diffèrent légèrement : un certain nombre de collectivités éprouvent des difficultés à trouver des propositions raisonnables de la part des assureurs. Les raisons en sont la hausse des risques et la complexité de la procédure de passation des marchés publics, qui empêchent la bonne négociation autour du risque et de sa couverture.

Dans son avis relatif au secteur de l'assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales, l'Autorité de la concurrence a indiqué que ces deux facteurs ont conduit au retrait d'acteurs assurantiels, qui nous a surexposé et a provoqué les difficultés que j'ai mentionnées. Vous vous êtes saisis du sujet, tout comme le Gouvernement. Vous avez présenté la situation et surtout proposé des recommandations dans votre rapport d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales. Nous partageons un grand nombre d'entre elles, et nous souhaitons qu'elles soient concrétisées le plus rapidement possible. Pour diverses raisons, les choses ont un peu trop duré...

Certains travaux ont été initiés. La refonte du guide de passation des marchés publics est assez prometteuse ; si le calendrier était tenu, nous devrions engager la prochaine campagne sur des bases plus solides.

La création prochaine par la CCR de l'Observatoire de l'assurabilité devrait aussi servir les collectivités territoriales, ce qui nous apportera également de l'aide.

Cette année, nous avons très concrètement prolongé d'un an les contrats des collectivités territoriales qui ne trouvaient pas de nouveaux contrats, afin de leur permettre d'être assurées. Nous avons ainsi accompagné 750 collectivités, ce qui n'est pas négligeable.

Nous avons développé avec l'association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise (Amrae) une formation dédiée aux collectivités territoriales autour de la maîtrise des risques. Nous allons la déployer cette année, afin de contribuer à l'acculturation que tout le monde appelle de ses voeux et qui figurait à la recommandation n° 4 du rapport.

Nous travaillons avec les auditeurs et les assistants en maîtrise d'ouvrage pour que les clauses de prévention soient systématiquement intégrées dans les appels d'offres dès le début des procédures. Depuis un an, nous proposons aux collectivités territoriales un « Prev-score », c'est-à-dire une évaluation de la prévention qui leur permette de se positionner et de construire des plans d'action pour améliorer leur score. Nous avons par ailleurs systématisé la logique de franchise, selon une autre recommandation du rapport.

Deux autres évolutions doivent être mises en oeuvre rapidement. Il faut tout d'abord créer une instance de consultation - le terme que j'emploie diffère de celui qui a été précédemment utilisé -, pour objectiver les difficultés dont il est question, notamment afin de permettre aux collectivités territoriales de s'adresser à un interlocuteur en cas de difficulté.

Ensuite, il faut ajuster la réforme du régime des catastrophes naturelles, en particulier autour du montant des franchises. Les montants demandés sont bien souvent très excessifs, et il faut qu'un ajustement ait rapidement lieu.

Il est nécessaire d'anticiper d'autres problématiques d'assurabilité, notamment pour les communes du littoral. J'espère que la logique du « réparer mieux » trouvera également sa voie. Les questions de la prévention et de l'adaptation ont été abordées : il me semble que ces points sont indispensables.

Nous appelons donc les assureurs, les collectivités territoriales et les pouvoirs publics à aller plus loin. Nous défendons un système permettant de garantir des propositions d'assurance intéressantes pour toutes les collectivités territoriales.

Comment y parvenir ? Il faut maintenir une offre assurantielle solidaire et mutualiste, et donc renforcer la mutualisation au niveau des assureurs. Avec seulement deux acteurs hier, la mutualisation était menacée. Il est nécessaire de redonner de l'attractivité au marché pour renforcer la mutualisation des risques. Pour permettre ceci, la prévention et la maîtrise des risques sont des atouts indispensables.

Par ailleurs, une solidarité nationale sur les risques exceptionnels, qu'il s'agisse de risques climatiques ou sociaux, a été mentionnée par plusieurs acteurs. Cette logique constitue un levier décisif pour garantir des niveaux de prime et de franchise acceptables, dans la mesure où le secteur privé ne sera plus seul à y faire face.

M. Sylvain Merlus, directeur général adjoint en charge de l'assurance dommages et vie France à Groupama Assurances Mutuelles. - Groupama est un acteur historique des territoires et des collectivités, avec un ADN agricole et un ancrage profond auprès des petites collectivités. Nous assurons aujourd'hui plus de 22 000 collectivités en France, pour 170 millions d'euros de chiffre d'affaires en ce qui concerne les dommages aux biens. Parmi les communes que nous assurons, seules 300 comptent plus de 10 000 habitants. Ces petites communes sont majoritairement couvertes par des contrats de gré à gré. Les problématiques que nous rencontrons sont donc souvent différentes de celles qui sont évoquées, qui concernent majoritairement des communes de grande taille. Sur le terrain, les toutes petites communes expriment assez peu de préoccupations.

Les contrats sont souscrits à la suite d'appels d'offres ; nous rencontrons dans ce cadre diverses difficultés sur lesquelles je reviendrai. Groupama n'a en tous cas évidemment aucune intention de se retirer du marché des collectivités, qui constitue un des coeurs de notre activité. Notre présence est destinée à être pérenne.

De façon plus détaillée, la dégradation des risques s'applique tout particulièrement aux collectivités. En 2022 et en 2023, le risque climatique a respectivement coûté au marché de l'assurance 10 milliards et 6,5 milliards d'euros. La sinistralité climatique a un impact encore plus fort sur les collectivités, en particulier en raison de la nature des biens que celles-ci doivent assurer, comme les églises et les monuments historiques, pour lesquels les coûts de réparation sont plus importants que pour des habitations. Nous avons constaté un quasi triplement de la sinistralité climatique entre les périodes 2013-2017 et 2018-2022. Il faut avoir en tête ces éléments structurels sous-jacents, qui s'appliquent à l'ensemble des biens assurés sur le territoire, mais encore plus aux collectivités.

Dans ce contexte, les réassureurs ont fortement renchéri leurs tarifs depuis 2023, parfois jusqu'à les doubler. Les franchises ont été rehaussées et les périmètres de couverture ont été réduits, notamment sur les émeutes. En effet après les événements de 2023, les conditions des réassureurs se sont durcies.

Le marché a perdu 20 % de ses primes entre 2017 et 2022 alors que dans le même temps, l'ensemble des dommages aux biens des professionnels, qui peut être comparé, a augmenté de plus de 20 %. Cette sous-tarification s'est faite en même temps que le renchérissement structurel des risques. En 2023-2024, le marché n'est pas encore à l'équilibre pour les assureurs, et si le retournement de tendance est en cours, il manque 30 % de tarifs pour qu'il le soit. On doit avoir en tête que dans la prime d'assurance, on doit intégrer le coût de la sinistralité anticipée, mais aussi celui de la réassurance et nos frais généraux, conséquence de notre présence sur le territoire. Groupama compte 2 000 agences, dans des territoires ruraux, qui ne peuvent être financées que par la prime d'assurance. Les sinistres sont inférieurs aux primes : c'est structurel. En régime de croisière, ils doivent l'être.

Dans le contexte actuel, la hausse du coût de l'assurance pour les collectivités est structurelle compte tenu de la sous-tarification, de l'apparition de nouveaux risques et du renchérissement des risques. La revalorisation des niveaux de franchise doit être modérée, proportionnée, mais elle est aussi vertueuse en ce qu'elle pousse la commune à être davantage partie prenante dans la gestion de ses risques.

Je salue votre rapport, ainsi que celui que MM. Chrétien et Dagès ont remis au Gouvernement. Ils dressent un constat très objectif et formulent des préconisations auxquelles nous souscrivons dans leur immense majorité.

La première préconisation de votre rapport était de garantir la concurrence sur le marché pour permettre à de nouveaux acteurs d'y entrer. Il est dans l'intérêt des collectivités que le marché se redresse. S'il avait été équilibré, nombreux seraient les acteurs à s'y intéresser.

Comme le suggère l'Autorité de la concurrence, il faut que les collectivités puissent mieux appréhender et maîtriser leurs risques et que l'on puisse faire évoluer les règles de la commande publique.

Nous sommes pleinement ouverts à la mise en place d'un observatoire de l'assurance des collectivités. Cela permettra d'objectiver la réalité de l'inassurabilité des collectivités au lieu de se focaliser sur quelques cas emblématiques relayés par les médias, qui ne traduisent pas la réalité de nos territoires. Les communes confrontées à une situation d'inassurabilité sont peu nombreuses. Il faut distinguer celles qui ne trouvent pas d'assurance de celles qui bénéficient d'offres, mais les déclinent, car les conditions tarifaires ou de garanties ne leur conviennent pas. Parfois, aussi, les appels d'offres sont infructueux, car trop incomplets ou trop imprécis. Dans ce cas, l'assureur surtarifie ou ne répond pas, faute de visibilité.

Nous sommes tout à fait favorables à la mise en place d'une instance de concertation qui aide les collectivités en difficulté à trouver une couverture. Nous partageons tous l'objectif de ne laisser aucune commune sans assurance. Les communes représentent un sociétariat historique pour nous et nous voulons continuer à les accompagner.

Dans votre rapport, vous suggérez aux communes de mieux recenser et qualifier le patrimoine qu'elles souhaitent assurer, d'établir une cartographie des risques et de définir des actions de prévention pour les limiter : nous souscrivons pleinement à ces préconisations. Il nous semble absolument nécessaire de former les élus aux principes de l'assurance et à ses limites. Nos métiers de l'assurance sont parfois mal connus. Ils devraient l'être davantage. Ce travail peut se faire avec les assureurs et les associations d'élus.

Il faut aussi que l'État puisse assumer son rôle d'aménageur du territoire, pour réaliser tous les travaux de prévention qui réduiront les aléas et, donc, la sinistralité potentielle.

Depuis la publication de ces rapports, nous avons engagé un travail en interne pour mieux accompagner les collectivités que nous assurons et développer une communication plus régulière. Des échanges doivent pouvoir être réalisés au fil de l'eau avec les communes dont la sinistralité s'est dégradée.

Consigne a été donnée à nos équipes d'accompagner encore davantage nos mesures de rééquilibrage technique, de redressement, pour mieux en expliquer les raisons. Nous avons amélioré nos procédures, mais nous constatons parfois un manque de communication entre les personnes en charge des assurances dans les collectivités et les élus, y compris dans des dossiers emblématiques.

Le rapport aborde également les marchés publics. Aujourd'hui, la procédure d'appel d'offres se fait à l'aveugle, avec des risques résumés dans un descriptif sommaire dans le cahier des charges. Le problème n'est pas que les appels d'offres sont trop compliqués. Dressons un parallèle avec les risques agroalimentaires, que Groupama assure. Techniquement, c'est extrêmement tendu. Nous accompagnons les sociétaires concernés en menant un dialogue plus précis avec eux, pour voir ce qu'il faut couvrir, quelles sont les exclusions, quelles mesures de précaution peuvent être prises en contrepartie de notre accompagnement. C'est un travail de fourmi, de proximité. Or les procédures d'appels d'offres, avec des délais resserrés et les très faibles possibilités d'échanger avec les collectivités territoriales, ne le permettent pas. Il faut un échange plus profond avec l'assureur.

Bien sûr, on peut un peu augmenter la durée des préavis de résiliation, mais tout ce qui rigidifiera le marché et contraindra davantage les assureurs ne sera pas de nature à les inciter à revenir sur le marché et à pratiquer des prix tenant pleinement compte de l'ensemble des risques.

Votre rapport, comme celui de MM. Chrétien et Dagès, préconise la mise en place d'une réassurance publique sur le risque émeutes : nous y souscrivons. La prise en charge de ce risque est devenue extrêmement complexe en raison du retrait des réassureurs. Nous avons, avec nos sociétaires, un peu la même discussion qu'avec nos réassureurs : ceux-ci nous demandent de maîtriser pleinement nos risques et sont beaucoup plus exigeants sur le risque émeutes qu'auparavant. Une meilleure répartition du risque entre tous les acteurs serait bienvenue.

Le meilleur moyen de garantir l'assurabilité des collectivités territoriales, c'est le partage des risques, avec une politique de prévention et de franchise pour les communes, une mutualisation géographique et dans le temps par l'assureur, et une prise en charge par l'État ou un régime public-privé des risques exceptionnels comme les émeutes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci de nous répondre, un an après notre rapport. Ces échanges de qualité sont très utiles. Effectivement, il faut tout objectiver. Les médias parlent d'abord des trains qui n'arrivent pas à l'heure !

Merci pour les éléments d'expertise que vous nous avez livrés, chacun dans vos responsabilités. Nous souhaitons aussi faire le bilan de nos travaux communs, dont l'instabilité politique n'a pas favorisé le bon avancement.

Vous vous êtes tous exprimés sur nos recommandations. J'aime assez ce que vous avez dit sur les souscriptions à l'aveugle, auxquelles il faut mettre fin. Cela pose la question de l'adaptation du code de la commande publique, ou au moins des procédures.

Le montant des primes des collectivités a baissé de près de 20 % entre 2017 et 2022, le montant des sinistres a augmenté d'autant, tandis que le montant des primes, pour les entreprises, a augmenté de 22 %. Cela montre le déséquilibre du marché, mais une augmentation de 30 points ne se fait pas sur un seul exercice.

Nous nous étions très vite rendus compte de l'atrophie du marché par un excès de compétition tarifaire qui a exclu des concurrents au fil du temps. Vous êtes restés à deux. Une intervention plus rapide et plus solennelle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) aurait-elle été nécessaire ? Nous avions saisi l'Autorité de la concurrence, car il ne restait que deux acteurs, l'un essentiellement sur les petits marchés des communes de moins de 10 000 habitants et l'autre essentiellement sur les gros marchés. En outre, les membres administrateurs de la Smacl sont aussi les sociétaires. J'aime beaucoup le mutualisme, mais on constate là une atrophie de la concurrence.

La mise en place de l'observatoire avance. Il est indispensable pour objectiver la situation. Chacun prêche pour sa paroisse et refuse de payer pour les autres. Vous avez rappelé l'importance de la mutualisation de tous les risques. Veillons à éviter l'antisélection.

Les réassureurs nous avaient dit en audition qu'ils n'étaient pas particulièrement inquiets, sauf sur le risque émeutes. C'est ce qui nous avait conduit collectivement à considérer qu'un dispositif public ou parapublic qui prendrait toutes les situations difficiles ne serait pas une réponse inadaptée sur le plan économique. Un an après, votre position a-t-elle évolué ?

Le Médiateur pourrait-il se voir accorder une compétence nouvelle, pour devenir un monsieur sécurité, pour qu'aucune collectivité ne se trouve sans solution ? Cela pourrait peut-être se faire à effectifs constants. L'idée serait de remettre les assureurs autour de la table, dans les cas très difficiles.

On a moins entendu les assureurs sur une solution publique-privée au risque émeutes. Je souscris aux propos de M. Vieillefond.

Les maires sont en grande difficulté en cas de résiliation. Ils sont au contact quotidien de la population et doivent produire du service public sans discontinuité. Une commune n'est pas une entreprise. C'est souvent la collectivité qui se débrouille quand l'hôtel de ville est incendié, pour accueillir dès le lendemain les habitants et usagers.

M. Claude Raynal, président. - On entend toujours parler de prévention. Les risques liés à des bâtiments, implantations particulières, intempéries, peuvent s'apprécier. En revanche, est-on capable de mesurer les risques liés aux mouvements sociaux ? Ils peuvent prendre des formes très diverses et concerner des agriculteurs mécontents ou d'autres professions. J'aimerais vous entendre sur ce que vous incluez dans ce risque.

M. Vieillefond a fait un peu de provocation, en réaction à l'audition d'hier je pense, en disant que pour les assureurs, entreprises et collectivités sont la même chose. Je raccourcis votre réponse mais je vais vous demander de l'interroger un peu plus. Si l'on comprend bien qu'une entreprise est propriétaire, comme une collectivité, les solutions auxquelles elles ont recours diffèrent. Si une entreprise est sur un secteur à risque, elle déménage. C'est plus compliqué pour une mairie, sans parler d'une église ! Les communes et les entreprises ne sont pas de même nature. Une entreprise peut intégrer les surcoûts liés à l'assurance et les ramener vers le client final. Dans une collectivité territoriale, il n'est pas si simple d'expliquer que l'on augmente les impôts à cause des assurances.

Pourquoi le marché n'était-il pas à l'équilibre en 2017-2022 ? Si les sinistres ont augmenté, pourquoi le prix a-t-il baissé dans le même temps, surtout dans un oligopole ? Dire que l'on va rattraper un écart de prix que l'on a soi-même construit me surprend. En cours d'économie, on critique les oligopoles qui font monter les prix, mais là, vous êtes un cas particulier !

J'ai découvert lors de notre réunion d'hier l'appel à des assureurs étrangers - de Suisse, du Japon, des États-Unis - qui sont venus faire des propositions. Qu'en pensez-vous ?

Je cède d'abord la parole à Bernard Delcros, en sa qualité de président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

M. Bernard Delcros, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Merci pour vos interventions. Nous recevons de nombreuses alertes de maires faisant état d'une aggravation préoccupante de l'assurabilité des collectivités territoriales - cela nous a été confirmé hier par les maires que nous avons entendus : hausse parfois considérable des cotisations ; explosion des franchises - jusqu'à 2,5 millions d'euros pour certains risques ; introduction d'avenants en cours de contrat ; résiliation pure et simple ; marchés publics de plus en plus infructueux. Résultat : la situation devient intenable pour de plus en plus d'élus locaux, qui n'en sont pas responsables. L'attente des collectivités est grande. Le président du Sénat nous a saisis pour trouver avec vous des solutions concrètes. Nous ne pouvons pas laisser des collectivités sans solution, en particulier les plus petites, dépourvues de service juridique et dont la capacité financière est fragile. Il faut aussi prendre en compte les contraintes économiques des assureurs si l'on veut que les solutions soient pérennes. Comment agir concrètement ? Vous avez évoqué plusieurs pistes.

Combien de communes sont réellement en difficulté ? L'AMF en citait 1 500.

Quelles évolutions de la commande publique seraient nécessaires ? Faut-il plus de gré à gré ?

Vous avez évoqué l'accompagnement des collectivités, particulièrement les plus petites. Où placer le seuil de celles qui méritent d'être particulièrement accompagnées ? Moins de 10 000 habitants ?

J'ai été surpris qu'une collectivité soit obligée de se tourner vers des Japonais ou des Américains, faute de réponse des assureurs français. Quel rôle l'État devrait-il jouer dans la solidarité nationale, sur les risques exceptionnels ? La baisse des prix en 2017-2022 est-elle due à l'arrivée d'assureurs étrangers ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Merci pour cette table ronde. On parle de rééquilibrage technique, de risques - donc de primes - qui augmentent, d'un marché que l'on doit rendre solvable.

Une entreprise et une collectivité, ce n'est absolument pas la même chose. Si l'on commence à considérer les administrés comme des clients, le bât blesse. La commune a un autofinancement, non un profit.

Disons les choses comme elles sont : clairement, les polices d'assurance, pendant longtemps, ont eu un prix extrêmement bas pour tuer la concurrence. Que l'on me prouve le contraire !

Les appels d'offres sont un dialogue de sourd. Les assureurs disent que les collectivités ont toutes possibilités. Et du côté des maires, on n'a pas du tout le même ressenti. J'entends dire que des collectivités n'acceptent pas les offres. Comment le pourraient-elles quand elles sont affligées d'augmentations d'électricité, de gaz, d'eau, entre autres ?

Les montants des offres sont actuellement excessivement élevés parce que, pendant des années, les prix ont été maintenus artificiellement bas et que désormais le fossé est bien trop important. Que des collectivités doivent s'adresser à l'étranger, c'est le pompon !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Quelle est la part du risque climatique et celle des émeutes dans le rééquilibrage tarifaire à la hausse ? Tant que le grand flou perdurera sur le périmètre de la responsabilité sans faute de l'État prévu par le code de la sécurité intérieure, la jurisprudence administrative étant très restrictive, les collectivités, comme les assureurs, seront bien en peine d'évaluer ce risque. Je ne vois pas en quoi le critère de la préméditation des actes délictueux serait de nature à déplacer la responsabilité de l'État à la collectivité. Au contraire ! Ne faudrait-il pas modifier le code de la sécurité intérieure, en complément de l'extension de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC) aux violences urbaines ?

M. Marc Laménie. - Merci pour ce débat fort intéressant. Vous avez évoqué ce que le législateur devrait faire, et abordé les marchés publics. Mais quid de l'Europe ?

J'ai été maire d'un village de 170 habitants. Groupama représente la proximité. Les caisses locales sont composées d'élus qui connaissent le territoire. Y a-t-il des problématiques pour les départements ou les régions ? Refusez-vous réellement d'assurer une collectivité ?

M. Christian Bilhac. - À surface financière égale, une entreprise compte un bâtiment. Contre le risque de vol, elle se dote d'une alarme et d'un vigile la nuit ! Une commune, c'est une mairie, un stade, un gymnase, une médiathèque, une salle polyvalente, du mobilier urbain... Il faudrait 30 vigiles ! On ne peut pas comparer une entreprise et une commune.

J'ai été très marqué par le cas du village de Villardonnel, au nord de Carcassonne au pied de la Montagne Noire, dans le Cabardès. Ce village compte 500 habitants, pas de lotissement, juste un cloître multiséculaire. Au-dessus de Villardonnel, c'est la densité du Sahara, il doit y avoir trois ou quatre habitants sur 15 000 ou 20 000 hectares. Il n'y a pas la main de l'homme. Voilà cinq ans, ce village a été totalement dévasté par la crue d'un ruisseau. Que fait-on dans ce cas-là ? Quelle action de prévention demander au maire de Villardonnel ? Il n'y a que des châtaigniers et des chênes verts. La prévention est impossible. Ces braves gens ne peuvent rien faire. On ne va pas raser le village et le reconstruire ailleurs ! Il faut de la solidarité.

Faut-il créer un nouveau fonds Barnier pour les émeutes ? On connaît tous la situation du déficit budgétaire.

On ne peut pas laisser les communes se dépêtrer avec des assureurs qui multiplient la prime d'assurance par dix et la franchise par cent. Il faut davantage de mutualisation.

Mme Isabelle Briquet. - Je suis surprise d'entendre dire que le risque émeutes est plus important que le risque climatique. L'aléa lié aux mouvements sociaux me paraît très difficile à évaluer. Est-ce plus coûteux parce que c'est, justement, plus difficile à évaluer ? Le coût des événements liés au dérèglement climatique me paraît bien plus élevé que celui des dégradations dues à des émeutes.

Je ne trouve pas non plus que les collectivités puissent être mises sur le même pied que les entreprises.

M. Michel Canévet. - Je m'inquiète de l'impossibilité pour certaines collectivités de trouver un assureur. Nous sommes étonnés de constater qu'il n'y a même pas de proposition de consultation des assureurs. Il faudrait tout de même des réponses. Une évolution de la commande publique favoriserait-elle des réponses plus appropriées ?

Faut-il plus de coercition ? Une instance doit-elle imposer plus radicalement aux assureurs de formuler des propositions, de façon à éviter une situation de non-assurabilité ? Nous devons prendre en compte la réalité territoriale des collectivités.

La cybersécurité interfère-t-elle dans la difficulté des collectivités à s'assurer ?

Avez-vous beaucoup de contentieux en cours avec les collectivités sur leur assurabilité ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Une fois n'est pas coutume : merci à Groupama d'avoir accepté d'assurer ma permanence en 2017 ! Cela fut la seule assurance ayant répondu favorablement.

M. Claude Raynal, président. - Mais à quel prix ?

M. Jean-Marie Mizzon. - À un prix tout à fait acceptable. Nous, les parlementaires, sommes des personnes à risque.

Les uns et les autres ont parlé de mutualisation renforcée. Cet objectif, que je partage, est-il atteignable dans un délai relativement court ?

Une entreprise n'est pas comparable à une commune. Celle-ci est le lieu de toutes les activités. Certaines assurances ont parfois traité les communes avec mépris, ou une froide indifférence, en leur envoyant un courrier de résiliation. C'est très déplaisant.

M. Sylvain Merlus. - Bien sûr, nous avons bien en tête la différence profonde entre communes et entreprises. Chez Groupama, nous avons deux réseaux de salariés distincts pour les unes et les autres. Néanmoins, un certain nombre de risques sont similaires et certaines choses peuvent être faites de façon commune. Ainsi, nous n'avons pas répondu à l'appel d'offres d'une commune car les travaux de mise en conformité des installations électriques n'avaient pas été faits. Nous ne l'acceptons pas pour une entreprise ; pas plus pour une commune.

Vous m'avez interrogé sur la baisse paradoxale des prix : notre spécificité est que nous tarifons des contrats sans savoir combien ils nous coûtent. C'est le principe du cycle de production inversé. Vous établissez un tarif et ne constatez le résultat que plus tard. Pour répondre à un appel d'offres, on constitue un tarif en milieu d'année sur la base des données incomplètes de l'année précédente et de données fiables datant de dix-huit mois, pour un contrat qui entrera en vigueur six mois plus tard. On ne connaît le résultat fiable que dix-huit mois plus tard. Le cycle est extrêmement long, avant que l'on puisse s'apercevoir que l'on a sous-tarifé un contrat. Chacun s'est retrouvé à réduire les tarifs, Smacl Assurances comme Groupama et d'autres acteurs, dont des étrangers qui sont ressortis du marché assez vite. Le marché a évolué, le temps que tout le monde prenne conscience que le coût des risques était bien supérieur aux évaluations. Cet effet de cycle est assez fréquent en assurance, y compris pour les entreprises.

Il y a effectivement des assureurs étrangers en ce moment. On verra la pérennité de leur présence. À l'époque, certains sont déjà venus en estimant qu'ils gagneraient de l'argent et sont repartis très vite. Les conditions tarifaires sont désormais différentes. Mais il est certain que la solution passe, non pas par des acteurs qui connaissent mal nos territoires, mais par le rétablissement de conditions de fonctionnement classique pour le marché de l'assurance.

Le coût des mouvements sociaux est lié à la doctrine de maintien de l'ordre. Nous avons été très affectés par les événements en Nouvelle-Calédonie. Le choix de n'intervenir que lors des atteintes aux personnes a des conséquences très lourdes sur la dégradation des biens. Nous avons des discussions avec l'État, car cette politique a un coût - nous devons tous en avoir pleinement conscience. Soit on la remet en cause, soit on la finance.

Notre perception est que cette estimation de 1 500 communes sans assureur ne s'appuie pas sur des éléments très objectifs. Il y a une agrégation de communes sans assureur et de communes qui ont jugé des propositions inacceptables. Groupama a procédé à 0,5 % de résiliations de son fait, sur 22 000 communes.

M. Claude Raynal, président. - Soit une centaine de communes.

M. Sylvain Merlus. - La proportion de résiliations à l'initiative de l'assureur est bien plus élevée sur le marché de l'assurance automobile. Le futur observatoire s'en emparera. Il est indispensable de rendre les éléments factuels.

Plus on sera coercitif, moins on aura d'acteurs qui s'intéresseront au marché, et plus la situation sera difficile. Nous sommes sincèrement convaincus que c'est en appliquant vos recommandations et celles de MM. Chrétien et Dagès que nous reviendrons à un fonctionnement normal du marché.

M. Claude Raynal, président. - Que représentent les collectivités dans votre chiffre d'affaires ?

M. Sylvain Merlus. - Les dommages aux biens des collectivités représentent un chiffre d'affaires de 170 millions d'euros sur 7 milliards d'euros, mais nous sommes aussi présents sur le risque statutaire et les flottes automobiles.

M. Patrick Blanchard. - Lors de la campagne d'appels d'offres qui s'est achevée en janvier, nous avons constaté un retour de la concurrence. Un de nos concurrents a dit que pour revenir sur le marché des collectivités territoriales, il avait besoin d'une meilleure prévention, d'une meilleure connaissance des risques et d'une professionnalisation de la discussion sur l'assurance. Ce n'est pas excessif. Même si des collectivités restent encore sans réponse, nous notons un début d'amélioration.

On ne peut pas prévenir le risque émeutes et mouvements populaires (EMP). Nous avons essayé, regardé les modèles avec beaucoup d'attention : ce n'est pas possible. La logique de solidarité est-elle nécessaire ? Oui. À quel niveau ? Celui de l'État, comme pour les catastrophes naturelles. Un assureur seul ne peut pas assurer ce risque-là.

Nous avons établi un niveau de franchise de 2,5 millions d'euros sur le risque EMP. L'objectif était de nous prémunir du retour d'une nouvelle opération de cette nature et de créer une alerte, une prise de conscience. Le fait est qu'elle a eu lieu. Oui, cette franchise est excessive. Nous l'avons décidée pour alerter et je pense que nous avons été entendus.

La mutualisation doit être rétablie. L'observatoire qui sera créé nous aidera à avoir une vision de la concurrence, afin d'éviter que les assureurs choisissent uniquement les éléments rentables. Une meilleure visibilité des risques EMP et catastrophe naturelle favorisera un ajustement des propositions, et la mutualisation sera plus accessible. Je ne peux pas m'engager sur un délai, mais cela ne se compte pas en dizaines d'années.

Comment rendre la résiliation compatible avec la notion de service public ? Nous devons en discuter avec les collectivités territoriales : le délai de six mois est-il suffisant ? Parlons-en. Ce sujet nous est très cher.

Nous voyons des assureurs étrangers apparaître. Autant ceux de 2017 venaient avec des tarifs très bas pour conquérir le marché et repartir ensuite - l'un d'entre eux a résilié la totalité de ses contrats -, autant, aujourd'hui, la majorité des acteurs étrangers ont des tarifications extrêmement élevées.

Pourquoi ne répond-on pas à des appels d'offres ? La première raison, c'est le risque de surexposition, quand on a un portefeuille développé. Sur certains littoraux, plus de 50 % des communes sont assurées chez nous. Si un problème survient dans cette zone, nous coulons avec nos collectivités - pardon pour cette image !

Nous avons une certaine dimension et il nous est impossible de faire face à un afflux gigantesque d'appels d'offres.

Il faut travailler avec les collectivités pour mutualiser la compétence de la maîtrise des risques, qui est coûteuse. Les petites collectivités n'ont pas les moyens de se payer un gestionnaire des risques. Nous avons travaillé avec les associations d'élus pour trouver des solutions.

Il n'y a pas de marché pour la cybersécurité. Nous proposons une offre : nous en avons vendu trois ! Et ce n'est pas une question de tarif.

M. Édouard Vieillefond. - L'idée est, non pas de changer le code de la commande publique, mais d'en faire une interprétation sûre, afin que ceux qui passent les marchés soient en sécurité, tout en ayant de la souplesse.

Le BCT est un instrument qui gagnerait à être davantage utilisé, mais il concerne les risques à couvrir obligatoirement. Cela pose la question de ce qui est obligatoire. On a parlé des revenus des Français : si l'on augmente le nombre d'assurances obligatoires au-delà de la responsabilité civile automobile ou des catastrophes naturelles, par exemple, on risque de voir s'accroître le nombre de personnes qui ne souscrivent plus d'assurance obligatoire.

J'en viens aux émeutes : c'est l'État qui décide de la réassurance. Il faut une loi de finances. Les catastrophes naturelles, en volume, sont beaucoup plus importantes que les émeutes et beaucoup plus faciles à calculer. Dans le régime CatNat, les sinistres moyens annuels sont autour de 2 milliards d'euros, hors risques tempête, grêle et neige, gérés par les assureurs sans nous. Mais en différentiel, les émeutes ont beaucoup plus augmenté que les catastrophes naturelles. En vingt ans, les sinistres d'inondation sont restés stables, grâce à la prévention et à l'adaptation, alors que les émeutes ont fortement augmenté. Cela se voit dans la note de la France chez certains courtiers internationaux. En proportion, ce sont plutôt les collectivités territoriales qui les assument, contrairement aux catastrophes naturelles. C'est pourquoi les émeutes sont le facteur d'augmentation le plus important pour les collectivités territoriales. Par ailleurs, les risques tempête, grêle et neige et la responsabilité civile des élus sont extrêmement importants.

Dans nos comptes, les collectivités territoriales ne sont pas la catégorie qui pose le plus de problèmes techniquement. La très forte augmentation des catastrophes concerne, dans le passé et l'avenir, la sécheresse géotechnique ou RGA, qui touche les particuliers.

Sur le trait de côte : quand l'aléa devient certain, ce n'est plus un aléa, et on ne peut plus l'assurer. Ce dossier fondamental doit être traité avec un outil très différent du fonds Barnier. Quand une toute petite collectivité est soumise à un péril très important, c'est très difficilement assurable. Il faut avoir le courage de la cartographie. Si un village est susceptible de souffrir régulièrement, ou de façon désastreuse, d'un péril très fort - trait de côte, zone montagneuse, zone inondée tous les trois ans -, il faut partir. Un excellent rapport de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) donne des outils à ce propos. Si l'on veut rester absolument partout, on ne restera nulle part. Si 0,5 % du territoire représente la moitié des sinistres, cela ne fonctionne pas pour les assureurs. Ensuite, il faut une grande solidarité et que les assureurs soient suffisamment solvabilisés. Parfois, il faut des mesures de prévention et d'adaptation et parfois, des mesures opérationnelles ex post. Je ne sais pas si le village évoqué tout à l'heure est dans ces circonstances, mais on a besoin de cette cartographie opposable. Elle est évoquée dans le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc).

Mon point « entreprise versus collectivités territoriales » a eu beaucoup de succès : il est évident qu'elles ne sont pas de même nature. En revanche, du point de vue de la gestion des risques de dommages, c'est la même chose. Les entreprises, à partir d'une certaine taille, arrivent très bien à établir les risques. Si l'on parvient à réaliser des visites de risques et à prendre des mesures, la prime descend. Cette connaissance du risque doit être acquise.

La prévention des risques sociaux, des émeutes, c'est en réalité l'ordre public. Il est beaucoup plus compliqué de prévoir la réaction d'une entité sociale qu'un risque de catastrophe naturelle, sur lequel la marge d'erreur est très inférieure.

M. Arnaud Chneiweiss. - On ne sait pas bien combien de communes sont en difficulté. Les chiffres les plus divers circulent. Qu'entend-on par « en difficulté » ? Très peu de communes ne trouvent pas du tout d'assureur. Une cellule d'accompagnement permettrait d'objectiver les chiffres.

Les assureurs étrangers, s'ils veulent venir, peuvent apporter une solution, en tout cas ponctuelle.

Je me permets de vous rappeler, si vous n'aimez pas la venue d'assureurs étrangers, que l'État possède à 100 % une très grande entreprise d'assurance : CNP Assurances La Banque Postale. Vous pourriez lui suggérer de s'intéresser à ce marché. À quoi bon posséder une entreprise si l'on ne s'en sert pas ?

Il faut moderniser profondément le BCT et le digitaliser. On a le sentiment qu'il fonctionne à l'ancienne, comme si l'on avait envie qu'il ne soit pas utilisé.

La médiation de la consommation a été prévue par la directive européenne de 2013 et la loi française de 2015. Sa première mission concerne les individus. Je rends des comptes à la Commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC), qui a été créée par la loi de 2015. Le conseil d'administration de la Médiation de l'assurance est présidé aujourd'hui par Corinne Dromer, demain par Catherine Julien-Hiebel et dominé par les assureurs, tandis que la CECMC est plutôt dominée par les consommateurs. Sur une base ad hoc, on a élargi notre périmètre aux PME en 2020 puis aux collectivités territoriales en 2023, seulement dans le cadre d'un litige après sinistre, ce qui n'est pas le cas pour les particuliers et les PME. Cette limite a été décidée parce que les assureurs voulaient être libres de résilier sans contrainte excessive. Je suis tout à fait ouvert à estimer que la Médiation est compétente sur tout litige.

Nous sommes en difficulté pour traiter les 37 000 saisines dont nous faisons l'objet - c'était 15 000 saisines en 2020. Cela est dû à une meilleure information des consommateurs, à des problèmes de pouvoir d'achat, et au fait que pour un litige inférieur à 5 000 euros, il faut commencer par une médiation avant d'ester en justice. De plus en plus de gens se tournent vers la médiation, et c'est très bien. Mais mon conseil d'administration est très hostile à ce que nous dédiions des juristes, déjà en nombre insuffisant, aux collectivités territoriales. Pourquoi pas créer une cellule d'accompagnement d'une ou deux personnes, mais ne puisons pas dans nos effectifs actuels ! Dans un but d'impartialité, il serait aussi mieux de prendre des fonctionnaires, qui pourraient m'être rattachés.

Une proposition de loi, à l'Assemblée nationale, va dans le sens de la coercition, pour imposer aux assureurs d'assurer une commune, à un tarif fixé. Il me semble que la coercition n'est pas la bonne approche. Elle poussera les acteurs à quitter le marché.

M. Claude Raynal, président. - Merci pour ces réponses. Il serait bon que des solutions émergent, afin de ne pas tenir une nouvelle table ronde dans un an pour savoir où on en est.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 10.