Lundi 10 mars 2025

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 15 h 00.

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Examen des amendements au texte de la commission

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner les amendements de séance déposés sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.

Je vous propose de débuter par les amendements du rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 14

L'amendement n°  134 est adopté.

Après l'article 26

Le sous-amendement rédactionnel n°  135 est adopté.

Article 28

L'amendement rédactionnel et de cohérence légistique n°  132 est adopté.

Article 34

L'amendement rédactionnel n°  133 est adopté.

Article 41

L'amendement de coordination juridique n°  136 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

M. Jean-François Longeot, président. - Les commissions saisies pour avis se sont réunies pour procéder à l'examen des amendements sur les articles qui leur ont été délégués au fond. Je vous propose d'entériner les avis et irrecevabilités émis par la commission des affaires économiques, la commission des affaires sociales, la commission des finances et la commission des lois sur les articles dont l'examen leur a été délégué par notre commission.

Les amendements n°  1 rectifié bis, 2 rectifié bis, 14 rectifié, 110 et 125 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Les sorts de la commission sur les amendements du rapporteur sont repris dans le tableau ci-après :

Article 14

Auteur

Objet

Sort de la commission

M. MICHALLET

134

Précision relative au délai d'adhésion au groupe

Adopté

Article additionnel après article 26

M. MICHALLET

135

Rédactionnel

Adopté

Article 28

M. MICHALLET

132

Rédactionnel et de cohérence légistique

Adopté

Article 34

M. MICHALLET

133

Rédactionnel

Adopté

Article 41

M. MICHALLET

136

Coordination juridique

Adopté

La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

73

Allongement du délai d'habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter le droit interne au paquet « ESAP »

Favorable

M. MAUREY

22

Amendement rédactionnel et de correction d'erreur matérielle

Favorable

M. BASQUIN

111

Obligation d'interdiction d'émission d'obligations vertes en cas d'infractions graves et répétées

Défavorable

Le Gouvernement

74

Application à certaines collectivités ultramarines du règlement 2024/1623 sur le risque de crédit et de dispositions du code monétaire et financier modifiées par la présente loi à certaines autres collectivités ultramarines

Favorable

Le Gouvernement

75

Demande d'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution auprès de l'Autorité des marchés financiers s'agissant des informations fournies par les personnes désireuses de fournir des services sur crypto-actifs

Favorable

M. BASQUIN

113

Application de la loi du pays de résidence du détenteur de crypto-actifs en cas de conflit de lois

Défavorable

M. BASQUIN

112

Suppression du dispositif de nantissement d'actifs numériques

Défavorable

Le Gouvernement

76

Correction d'erreurs rédactionnelles

Favorable

M. MAUREY

23

Amendement de coordination

Favorable

Le Gouvernement

77

Adaptation du code monétaire et financier avec le règlement EMIR 3

Favorable

Le Gouvernement

78

Attribution de nouveaux pouvoirs à l'Autorité des marchés financiers pour apprécier la parité dans les instances dirigeantes de sociétés cotées

Favorable

Article additionnel après Article 1er

M. SAUTAREL

1 rect. bis

Réduction du délai de versement des fonds en cas d'emprunt inférieur à 1 000 euros

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 2

Le Gouvernement

79

Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la directive (UE) 2024/1619 dite « CRD6 »

Favorable

Le Gouvernement

80

Précision rédactionnelle

Favorable

Le Gouvernement

81

Fixation du régime d'évaluation du respect des exigences prudentielles spécifiques applicables aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique demandant à participer à un système de paiement

Favorable

M. BASQUIN

114

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 18 octobre 2023 sur le crédit à la consommation

Demande de retrait

Le Gouvernement

82

Introduction d'un délai d'entrée en vigueur différée

Favorable

Article 3

Le Gouvernement

83

Mesures d'application à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna

Favorable

Article 4

M. BASQUIN

103

Maintien de l'accès au registre des bénéficiaires effectifs pour le grand public

Demande de retrait

Le Gouvernement

84

Report de l'obligation de mise à disposition au sein du registre des bénéficiaires effectifs (RBE) des informations relatives à la chaîne de propriété et aux données historiques des bénéficiaires effectifs

Favorable

Article 7 A

Mme BLATRIX CONTAT

20

Suppression de l'article 7A visant à reporter de quatre ans l'obligation de reporting CSRD pour certaines entreprises

Demande de retrait

M. FERNIQUE

47

Suppression de l'article 7A visant à reporter de quatre ans l'obligation de reporting CSRD pour certaines entreprises

Demande de retrait

Le Gouvernement

85

Suppression de l'article 7A visant à reporter de quatre ans l'obligation de reporting CSRD pour certaines entreprises

Demande de retrait

M. MICHALLET

3 rect. ter

Abrogation de l'ordonnance de transposition de la directive CSRD

Demande de retrait

M. MICHALLET

4 rect. ter

Abrogation des dispositions de l'ordonnance de transposition de la directive CSRD qui ne sont pas encore entrées en vigueur

Demande de retrait

M. MICHALLET

5 rect. ter

Report de quatre ans de toutes les dispositions de l'ordonnance de transposition de la directive CSRD

Demande de retrait

M. MICHALLET

7 rect. ter

Report de quatre ans des obligations de reporting CSRD pour les entreprises concernées à compter des exercices 2024 et suivants

Demande de retrait

M. MICHALLET

6 rect. ter

Report de quatre ans des obligations de reporting CSRD pour les entreprises concernées à compter des exercices 2025 et suivants

Sagesse

M. RUELLE

44

Ramener à deux ans le report des obligations CSRD pour les entreprises concernées à compter des exercices 2026 et 2028

Défavorable

M. BASQUIN

105

Ramener à deux ans le report des obligations CSRD pour les entreprises concernées à compter des exercices 2026 et 2028

Défavorable

Article 7

M. BASQUIN

115

Suppression de l'article 7 visant à clarifier et préciser les mesures de transpositions de la directive CSRD

Demande de retrait

M. FERNIQUE

48

Conditionner l'octroi des aides « France 2030 » au respect des obligations de la directive CSRD

Défavorable

M. FERNIQUE

49

Maintien des sanctions en cas de non-désignation d'un vérificateur de durabilité et en cas d'entrave aux opérations d'audit de durabilité

Demande de retrait

Le Gouvernement

123

Dépénalisation des obligations CSRD

Favorable

Mme BLATRIX CONTAT

45

Maintien du délit d'entrave à l'audit de durabilité

Défavorable

Mme BERTHET

27 rect.

Suppression du délit d'entrave aux opérations d'audit de durabilité

Demande de retrait

M. DHERSIN

21

Suppression des sanctions en cas de non-convocation de l'auditeur de durabilité à l'Assemblée générale de l'entreprise

Demande de retrait

Mme LAVARDE

39 rect. bis

Suppression du contrôle par les commissaires aux comptes et les organismes tiers indépendants de la consultation du CSE sur les informations de durabilité

Demande de retrait

Le Gouvernement

86

Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer les futurs assouplissements des obligations CSRD et CS3D par la législation « Omnibus »

Défavorable

Article 9

Le Gouvernement

87

Exemption de publication d'un BEGES et d'un plan de transition sur les activités nationales pour les entreprises qui publient des informations de durabilité

Favorable

Mme BERTHET

28 rect.

Suppression de la référence aux descriptions spécifiques aux activités exercées sur le territoire national

Satisfait

Article 10

Le Gouvernement

88

Suppression d'une coordination inutile concernant l'application de l'article 10 aux îles Wallis et Futuna

Favorable

Article 12

Mme LAVARDE

41 rect. bis

Suppression de la consultation du CSE sur les obligations CSRD pour les filiales exemptées de reporting

Demande de retrait

M. DHERSIN

121

Suppression de la consultation du CSE sur les obligations CSRD pour les filiales exemptées de reporting

Demande de retrait

Article 12 bis

M. FERNIQUE

51

Suppression de l'article 12 bis qui permet aux employeurs de choisir la consultation du CSE la plus adaptée pour aborder les questions de durabilité

Défavorable

M. BASQUIN

116

Suppression de l'article 12 bis qui permet aux employeurs de choisir la consultation du CSE la plus adaptée pour aborder les questions de durabilité

Défavorable

Le Gouvernement

129

Suppression de la référence explicite au fait que ce soit l'employeur qui choisisse seul l'aménagement de la consultation du CSE sur les informations en matière de durabilité

Demande de retrait

Article 14

Mme LINKENHELD

65

Substitution de la version du dispositif issue des travaux de l'Assemblée nationale à celle adoptée par la commission des lois du Sénat

Défavorable

M. FERNIQUE

52

Universalisation du champ d'application de l'action de groupe, suppression de la mise en demeure, modification des modalités d'entrée en vigueur et une mesure spécifique aux dommages à l'environnement

Défavorable

Mme LINKENHELD

120

Application du régime aux actions intentées dès la publication de la loi

Défavorable

Le Gouvernement

94

Précision des pouvoirs du juge lorsqu'il contrôle l'existence d'un conflit d'intérêts

Favorable

Le Gouvernement

93

Réintroduction de la mise en demeure spécifique au droit du travail

Favorable

M. MICHALLET

134

Précision relative au délai d'adhésion au groupe

Favorable

Le Gouvernement

95

Supprimer la nécessité de recueillir l'accord des membres du groupe pour l'homologation par le juge d'un accord

Favorable

Le Gouvernement

96

Suppression du registre public des actions de groupe

Défavorable

Le Gouvernement

97

Désignation des tribunaux judiciaires spécialisés en matière d'action de groupe

Favorable

Le Gouvernement

98

Préservation de l'autonomie de l'action en cessation de pratiques illicites et de l'action conjointe

Favorable

Article 20

M. BASQUIN

106

Suppression de l'article 20

Défavorable

Le Gouvernement

70

Ajustement de la notion de mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges

Favorable

Le Gouvernement

69

Ajustement de la référence aux ministres chargés de l'économie ou de l'énergie

Favorable

M. BASQUIN

107

Suppression de la consultation publique conduite par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sur les installations de stockage des gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité

Défavorable

Le Gouvernement

68

Suppression de l'exonération prévue pour les contrats de fourniture ou d'agrégation d'électricité en cours de l'application du dispositif d'agrégation

Défavorable

Article 21

Le Gouvernement

92

Suppression du seuil de 10 mégawatts (MW) prévu pour l'application du mécanisme d'ajustement

Défavorable

Article 22

Le Gouvernement

124

Octroi au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité d'une compétence pour l'exploitation d'une plateforme numérique destinée à la publication des informations privilégiées détenues par les acteurs des marchés de gros de l'énergie

Favorable

Mme BERTHET

30 rect.

Renforcement des compétences de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) s'agissant de la régulation des marchés de gros de l'électricité en cas de liquidité insuffisante

Défavorable

M. FARGEOT

100

Amendement de précision rédactionnelle

Favorable

M. FARGEOT

99

Amendement de précision rédactionnelle

Favorable

Article additionnel après article 22

Le Gouvernement

125

Octroi de compétences à la Commission de régulation d'énergie (CRE) en matière de certification des réseaux d'hydrogène

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 23

Le Gouvernement

89

Rétablissement de l'article 23 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale

Défavorable

M. FERNIQUE

53

Rétablissement de l'article 23 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale

Défavorable

M. BASQUIN

108

Attribution de l'autorisation d'exploitation des installations de production d'électricité en fonction de la capacité de production déjà installée

Défavorable

Article additionnel après article 23

M. BASQUIN

110

Modification du droit applicable aux aides de minimis

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 25

M. DEVINAZ

16

Suppression de l'article

Défavorable

M. FERNIQUE

54

Suppression de l'article

Défavorable

Article 26

M. FERNIQUE

55

Obligations lors de la conclusion d'un nouveau contrat de concession de service public, de prestation de service ou de bail commercial 

Défavorable

M. FERNIQUE

56

Impossibilité d'interdire ou de limiter l'implantation obligatoire des ombrières photovoltaïques par l'application des règles des PLU

Défavorable

M. FERNIQUE

57

Obligations lors de la conclusion d'un nouveau contrat de concession de service public, de prestation de service ou de bail commercial 

Défavorable

M. BONHOMME

8

Exemption des voies et cheminement de circulation empruntés par des véhicules lourds affectés au transport de marchandises de l'obligation de couvertures en ombrières photovoltaïques

Favorable

M. Louis VOGEL

10 rect. septies

Exemption des voies et cheminement de circulation empruntés par des véhicules lourds affectés au transport de marchandises de l'obligation de couvertures en ombrières photovoltaïques

Favorable

M. DEVINAZ

18

Exemption des voies et cheminement de circulation empruntés par des véhicules lourds affectés au transport de marchandises de l'obligation de couvertures en ombrières photovoltaïques

Favorable

Mme HAVET

118 rect.

Exemption des voies et cheminement de circulation empruntés par des véhicules lourds affectés au transport de marchandises de l'obligation de couvertures en ombrières photovoltaïques

Favorable

M. DEVINAZ

17

Suppression de la date d'entrée en vigueur de l'article 40 de la loi Aper pour les contrats de concession dont le renouvellement intervient entre 2026 et 2028

Défavorable

M. FERNIQUE

58

Suppression de la prorogation de la dérogation prévue à l'article 23 de la loi Industrie verte de 2023.

Demande de retrait

M. BACCI

43 rect. bis

Exclusion du régime forestier des bois et forêts sur lesquels sont implantés des panneaux photovoltaïques

Favorable

Le Gouvernement

131

Impossibilité d'interdire ou de limiter l'implantation obligatoire des ombrières photovoltaïques par l'application des règles des PLU

Défavorable

Le Gouvernement

130

Suppression de l'exemption à l'obligation de créer une régie et de l'uniformisation du critère de proximité géographique pour les projets d'autoconsommation collective

Défavorable

Article additionnel après article 26

M. GROSVALET

11 rect.

Durée limite pour constater la complétude d'une demande d'autorisation environnementale pour un projet d'énergie renouvelable

Favorable si rectifié

M. MICHALLET

135

Rédactionnel

Favorable

M. CANÉVET

35 rect.

Durée limite pour constater la complétude d'une demande d'autorisation environnementale pour un projet d'énergie renouvelable

Favorable si rectifié

Mme Maryse CARRÈRE

13 rect.

Durée limite d'instruction de l'autorisation environnementale pour les projets d'énergies renouvelables

Favorable

M. CANÉVET

36 rect.

Durée limite d'instruction de l'autorisation environnementale pour les projets d'énergies renouvelables

Favorable

M. GROSVALET

12 rect.

Durée limite d'instruction des demandes de rééquipement 

Favorable

Mme BERTHET

24 rect.

Durée limite d'instruction des demandes de rééquipement 

Favorable

M. CANÉVET

37 rect.

Durée limite d'instruction des demandes de rééquipement 

Favorable

M. CANÉVET

38 rect.

Durée limite d'instruction des projets d'énergie solaire

Demande de retrait

Mme Maryse CARRÈRE

14 rect.

Modification de l'objectif de consommation d'énergies renouvelables, figurant parmi les objectifs énergétiques nationaux, prévus par le code de l'énergie

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. CANÉVET

34 rect.

Inclusion des installations d'énergie renouvelable existantes aux zones d'accélération

Défavorable

Article 27

M. FERNIQUE

59

Rétablissement de l'élaboration d'un plan d'action en matière de chaleur et de froid, au sein du plan climat air-énergie-territorial (PCAET), pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 45 000 habitants

Défavorable

Le Gouvernement

90

Suppression de plusieurs conditions d'application encadrant les obligations en matière d'efficacité et de rénovation énergétiques

Défavorable

M. FERNIQUE

60

Suppression de l'éligibilité des chaudières à gaz hybrides aux certificats d'économies d'énergie (C2E)

Défavorable

Mme BERTHET

32 rect.

Modification des plans d'action découlant des audits énergétiques et des systèmes de management de l'énergie

Défavorable

Le Gouvernement

128

Rétablissement de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour la transposition des autres dispositions de la directive du 13 septembre 2023 relative à l'efficacité énergétique

Favorable

Article additionnel après article 27

Mme BERTHET

33 rect.

Exonération de normes de performance énergétique pour certaines catégories de bâtiments

Défavorable

Article 28

M. BASQUIN

104

Suppression de la possibilité de conclure des contrats de régulation économique aéroportuaires d'une durée maximale de 10 ans

Défavorable

Le Gouvernement

72 rect. bis

Modification du cadre d'intervention de l'ART sur la conclusion de contrats de régulation économique aéroportuaires d'une durée comprise entre 5 et 10 ans

Favorable

M. Stéphane DEMILLY

9 rect.

Ouverture de la possibilité pour l'ART de déterminer elle-même les tarifs des redevances aéroportuaires douze mois plutôt que vingt-quatre mois après leur dernière homologation

Demande de retrait

Le Gouvernement

71

Ouverture au concédant de la possibilité de saisir pour avis l'ART des avant-projets de contrat de régulation économique de l'ensemble des candidats à un appel d'offres de concession aéroportuaire

Défavorable

M. MICHALLET

132

Amendement rédactionnel et de cohérence légistique

Favorable

Article 30

M. BASQUIN

109

Suppression de l'article 30

Défavorable

M. FERNIQUE

61

Instauration d'un pouvoir de sanction au profit de l'Autorité de régulation des transports

Défavorable

Article 31

M. DANTEC

62

Consultation de la Cnil sur les textes d'application du dispositif à travers un avis conforme plutôt que simple

Défavorable

Article 33

M. DEVINAZ

19

Suppression de l'article

Défavorable

Le Gouvernement

91

Définition d'une qualification plutôt que d'un agrément pour les médecins et psychologues vérifiant l'aptitude du personnel ferroviaire

Favorable

Article 34

M. MICHALLET

133

Amendement rédactionnel

Favorable

Article 35 (Suppression maintenue)

M. FERNIQUE

63

Rétablissement de l'article 35

Défavorable

Article additionnel après article 35 (Suppression maintenue)

M. SAVOLDELLI

66

Instauration d'une présomption de relation de travail pour les travailleurs ayant recours à des plateformes pour exercer une activité de conduite d'une voiture de transport avec chauffeur ou de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 39

Le Gouvernement

102

Suppression de la consultation du CNE sur la SNGRI 

Défavorable

Le Gouvernement

101

Consultation des collectivités territoriales sur les projets de PGRI 

Défavorable

Article 39 bis

M. FERNIQUE

64

Suppression de l'article 

Demande de retrait

Article 40

Le Gouvernement

119

Suppression des dispositions interdisant l'inscription à l'ordre des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes déjà inscrits dans un pays tiers

Favorable

Article additionnel après article 40

M. SAUTAREL

2 rect. bis

Abrogation des modifications apportées en 2023 au régime applicable aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 41

M. MICHALLET

136

Coordination juridique

Favorable

Article 42

M. CADIC

117 rect. bis

Suppression du seuil de rémunération de 1,5 fois le salaire annuel brut moyen

Défavorable

Le Gouvernement

67

Application outre-mer

Favorable

La réunion est close à 15 h 15.

Mercredi 12 mars 2025

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 09 h 30.

Perspectives et défis du financement de la politique de l'eau - Audition de M. Thierry Burlot, président du Cercle Français de l'Eau, Mme Maria Salvetti, économiste et analyste des politiques publiques dans le secteur de l'eau et M. Loïc Obled, directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne

M. Jean-François Longeot, président. - Notre ordre du jour appelle la tenue d'une table ronde sur les perspectives et défis de la politique de l'eau en France hexagonale, un enjeu que notre commission connaît bien, tant les problématiques hydriques devenues prégnantes sous l'effet du changement climatique lui sont familières. La variabilité croissante de la ressource en eau bouleverse toutes nos certitudes, nos habitudes et nos acquis : les progrès en matière de modélisation climatique indiquent que nous aurons très certainement à faire face à une variabilité saisonnière croissante de la ressource et que celle-ci sera en conséquence d'une qualité moindre.

Dans ce contexte, le modèle français de l'eau, qui a longtemps fait école, est sous pression. Les collectivités gestionnaires doivent trouver de nouvelles ressources pour s'adapter à ces défis inédits, aussi bien pour promouvoir une gestion plus efficiente et sobre du petit cycle que pour parvenir à réduire les pressions qui s'exercent sur le grand cycle de l'eau et les écosystèmes aquatiques. Il ne s'agit pas d'un mince défi, les élus locaux en charge de l'eau et de l'assainissement le savent bien.

Lorsque l'on évoque le financement de la politique de l'eau, la lutte contre les réseaux fuyards ou l'atteinte des objectifs de qualité fixés par la directive-cadre sur l'eau de 2000, on se heurte rapidement à ce que l'on désigne par la métaphore du « mur d'investissements ». Les sommes à mobiliser pour renforcer la résilience des réseaux tout en améliorant par ailleurs les performances dépolluantes et épuratoires des systèmes d'assainissement sont colossales.

Il faudra par conséquent nous préparer, collectivement, à consacrer des moyens financiers accrus à la politique de l'eau si nous voulons assurer la viabilité de notre modèle hydrique et la disponibilité d'une ressource dont nous sommes en train d'apprendre, parfois douloureusement, qu'elle est plus aléatoire que nous le pensions, notamment l'été, quand les réserves aquatiques sont au plus bas et les besoins anthropiques au plus haut.

Un travail devra être mené concernant le renforcement de la sobriété des usages et le consentement à payer pour sécuriser notre accès à l'eau, dans le temps et dans l'espace. Tous les usages et les usagers sont concernés : les ménages, les industriels, les entreprises et les agriculteurs. Ces perspectives ont déjà été abordées ces dernières années, à l'occasion des Assises de l'eau, du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, et par certaines des 53 mesures du Plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau, dit « Plan eau », annoncées il y a près de deux ans. Il est également à prévoir que la grande conférence nationale sur l'eau, prévue à la fin du mois, explorera la question du financement des investissements nécessaires à l'adaptation des réseaux et des ouvrages, dans une logique d'anticipation plutôt que de réparation.

Le financement de la politique de l'eau se caractérise par son hétérogénéité et son éparpillement, à tel point qu'il est malaisé d'en connaître les montants agrégés et consolidés. Pour y voir plus clair, le Cercle français de l'eau a réalisé en novembre dernier un instructif panorama du financement global de la politique de l'eau en France métropolitaine. Il nous enseigne que, pour tous flux financiers et toutes sources de financement confondues, nous consacrons en moyenne 23,4 milliards d'euros par an aux dépenses de la politique de l'eau, soit environ 0,84 % du produit intérieur brut (PIB). L'étude estime les coûts annuels non couverts pour faire face aux effets du changement climatique à plus de 13 milliards d'euros. Nos invités nous donneront des précisions sur les conclusions de cette étude, notamment sur les investissements nécessaires pour atteindre le bon état des masses d'eau, sécuriser l'accès à l'eau potable pour tous, entretenir les infrastructures et anticiper les risques liés à la sécheresse et aux inondations.

Afin d'explorer ces thématiques, développer une vision prospective des défis à relever et imaginer des pistes de financement pour se préparer à la nouvelle donne hydrique, nous accueillons M. Thierry Burlot, président du Cercle français de l'eau, Mme Maria Salvetti, économiste et analyste des politiques publiques dans le secteur de l'eau, et M. Loïc Obled, directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne.

Afin d'amorcer les échanges avec la commission, j'invite chaque intervenant à nous présenter les principaux défis que nous devons relever afin de pérenniser notre modèle malgré les bouleversements du changement climatique. Vous nous expliquerez comment consolider notre résilience hydrique et favoriser une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, comme le préconise le code de l'environnement, tout en trouvant de nouvelles sources de financement et de recettes dans un pays où la pression fiscale est déjà forte. Une autre question me taraude à propos du financement de l'eau : à quel point notre pays a-t-il pris du retard en matière d'investissements et quelles sont les conséquences déjà visibles de ce rythme insuffisant ?

J'aimerais également entendre le directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne sur les atouts et les agilités du modèle des agences, sur leur capacité à accompagner les territoires, à promouvoir la nécessaire solidarité entre bassins, à associer tous les acteurs à l'élaboration des priorités d'intervention, et à mettre en oeuvre des mesures d'adaptation pour répondre à ces défis. Les agences de l'eau sont le fruit d'une géniale intuition du législateur en 1964 : comment ces établissements publics sexagénaires se portent-ils et quelles sont les clés qu'ils sont en mesure d'activer pour préparer, dans les meilleures conditions, notre avenir hydrique ?

M. Thierry Burlot, président du Cercle français de l'eau. - Notre étude sur les financements de la politique publique de l'eau en France a voulu établir un état des lieux face au mur d'investissements qui se dresse devant nous, tant pour le petit cycle que pour les enjeux liés au dérèglement climatique et au financement du grand cycle de l'eau.

Au-delà du diagnostic, il nous appartient de trouver collectivement les clés de la réussite, et de nous montrer les dignes héritiers de nos prédécesseurs qui, il y a soixante ans, ont mis en oeuvre les outils et les innovations instaurées par la loi sur l'eau. Cette loi devra sans doute évoluer en termes de gouvernance, de financement et peut-être d'ambition. C'est dire l'ampleur du chantier qui nous attend.

Mme Maria Salvetti, économiste et analyste des politiques publiques dans le secteur de l'eau. - Notre étude sur le financement de la politique de l'eau en France prend en considération six champs d'action : l'eau potable ; l'assainissement ; la restauration des milieux aquatiques et des zones humides ; les actions de connaissance, de planification, de gouvernance et de fonctionnement liées à l'eau et aux milieux aquatiques ; la prévention et la gestion du risque d'inondation ; la préservation de la ressource en eau. Le périmètre de notre étude se limite à la France hexagonale, en incluant la Corse mais en excluant, du moins pour le moment, les territoires ultramarins en raison de leurs spécificités. Enfin, nous nous sommes concentrés uniquement sur l'eau douce.

Notre étude s'est donné pour objectif d'identifier tous les acteurs de la politique de l'eau et de retracer tous les flux financiers, qu'ils soient émis ou qu'ils ne faisaient que transiter par ces acteurs. Nous avons également analysé la nature des instruments économiques utilisés pour financer cette politique et dressé une cartographie des flux financiers, en plaçant les agences de l'eau au centre. En effet, celles-ci jouent un rôle nodal dans la mutualisation entre usages et usagers de l'eau, et pour la mise en oeuvre des mécanismes de solidarité entre les zones urbaines et rurales ainsi qu'entre l'amont et l'aval.

Le financement de la politique de l'eau en France s'élève à 23,4 milliards d'euros par an, soit 0,84 % du PIB. Ce montant, bien que significatif, pourrait être insuffisant si l'on se réfère aux standards de l'OCDE, qui préconise aux États de consacrer entre 0,35 % et 1,2 % du PIB uniquement pour le petit cycle de l'eau.

Le financement global de la politique de l'eau provient en majorité des ménages, dont la contribution représente 53 % de ces 23,4 milliards d'euros. Viennent ensuite les industries (23 %), les agriculteurs (9 %), les activités de production assimilées domestiques (Apad), c'est-à-dire les petits commerces en rez-de-chaussée (9 %), et enfin l'impôt national ou local (6 %). Quant à l'allocation des fonds, 92 % des 23,4 milliards d'euros sont consacrés au petit cycle de l'eau, c'est-à-dire à l'eau potable et à l'assainissement. Les 8 % restants financent le grand cycle de l'eau, bien que cette distinction entre petit et grand cycle de l'eau puisse prêter à discussion.

12,9 des 23,4 milliards d'euros du financement de la politique de l'eau proviennent des tarifs de l'eau et de l'assainissement. Les dépenses pour compte propre constituent la seconde source de financement, un aspect souvent négligé mais déterminant. Ces dépenses concernent les industriels non raccordés au réseau public, les agriculteurs (pour l'irrigation et la gestion des effluents d'élevage), ainsi que les ménages en assainissement individuel. Elles s'élèvent à 6,7 milliards d'euros et pourraient être considérées comme un levier d'action politique.

Les redevances collectées par les agences de l'eau représentent 2,3 milliards d'euros, soit environ 10 % du financement total. Cependant, elles ne reversent sous forme d'aides que 1,8 milliard d'euros, en raison de divers prélèvements. L'évolution des dépenses d'intervention des agences de l'eau témoigne d'une progression de la part des aides allouées au grand cycle de l'eau, au détriment du petit cycle.

Certains coûts de la politique de l'eau ne sont pas couverts. Ainsi, le petit cycle de l'eau présente un déficit d'investissement estimé à 4,2 milliards d'euros pour le renouvellement et l'entretien des réseaux d'eau potable et d'assainissement. S'y ajoute 0,4 milliard d'euros par an pour le traitement des micro-polluants, un chiffre qui pourrait être réévalué suite à la révision de la directive Eaux résiduaires urbaines. Concernant le grand cycle, 5 milliards d'euros supplémentaires par an seraient nécessaires pour atteindre le bon état écologique des masses d'eau, conformément à la directive-cadre sur l'eau. Enfin, la Fédération française des assureurs évalue le coût des dommages liés aux inondations et aux sécheresses entre 2020 et 2050 à 3 milliards d'euros par an.

M. Loïc Obled, directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne. - L'Agence de l'eau Loire-Bretagne couvre 30 % du territoire métropolitain, ce qui représente 16 millions d'habitants, 36 départements et 8 régions. Notre bassin abrite 25 % du parc nucléaire et 50 % des exploitations agricoles, ce qui impacte significativement notre financement et nos dépenses.

Les agences de l'eau ont été conçues il y a soixante ans comme des instruments de simplification de l'action publique. Elles permettent d'éviter des coûts de transaction très importants qui surviendraient si une pluralité d'entités administratives devaient gérer individuellement ces questions. À l'origine chargées d'équiper la nation en stations d'épuration, les agences doivent désormais répondre aux enjeux du changement climatique et intervenir plus significativement sur le grand cycle de l'eau, dans la mesure où la distinction entre grand et petit cycle devient de moins en moins pertinente.

L'agilité des agences de l'eau que vous avez évoquée s'est manifestée en 2022 lorsqu'elles ont dû réallouer en un temps record une partie des moyens du onzième programme pluriannuel d'intervention pour répondre en urgence aux besoins des collectivités face à la sécheresse. Toutefois, il pourrait être pertinent de s'interroger sur la manière de dynamiser la gouvernance des agences de l'eau, afin d'enrichir le débat public sur l'eau, qui me semble essentiel et qui, à mon sens, manque d'écho auprès des autres acteurs et des citoyens. Les agences de l'eau jouent en effet un rôle de ceinture de sécurité pour nos concitoyens en assurant une solidarité entre l'amont et l'aval. Cette solidarité est capitale, car les problèmes liés à l'eau sont communs, et elle est permise par la logique de bassin hydrographique, qui évite des coûts de transaction plus élevés si chacun gardait son eau.

Nous assurons également une solidarité ville-campagne et entre le petit et le grand cycle de l'eau. Les 2,3 milliards d'euros affectés aux agences sont principalement destinés à la prévention et aux investissements pour l'avenir, alors que les dépenses curatives deviennent de plus en plus importantes. À cet égard, le principe « l'eau paie l'eau » est fondamental, et il est compris. En effet, le consentement de nos concitoyens à l'impôt est élevé dès lors qu'ils comprennent que leur facture d'eau sert à investir pour l'eau. L'argent collecté par les agences est rapidement réinvesti dans les territoires, avec très peu de rétention.

Il importe d'adopter une vision systémique de l'eau, en dépassant les distinctions habituelles entre petit et grand cycle, gestion quantitative et gestion qualitative. De même, il nous manque une appréhension économique des sujets hydriques. Dans ce contexte, les agences jouent un rôle de levier, de catalyseur et assurent une indispensable solidarité. Elles doivent collaborer avec d'autres institutions comme la Banque des territoires afin d'intégrer l'accompagnement des agriculteurs dans le modèle économique.

Pour conclure, je soulignerai quelques difficultés. En 2025, au début du douzième programme pluriannuel d'intervention, nous ne pourrons probablement honorer que 50 % des demandes d'aide des collectivités pour l'assainissement. Nous faisons face à un afflux de demandes, notamment en gestion quantitative, en raison du changement climatique. Les accords de résilience mis en place après la sécheresse continuent de mobiliser beaucoup de ressources. Bien que la logique des redevances et d'un système vertueux soit importante, la question du prix de l'eau devra être abordée dans un futur proche.

M. Jean-François Longeot, président. - Je partage votre point de vue concernant la problématique du prix de l'eau et la nécessité de sensibiliser nos concitoyens à la rareté de la ressource. Le défi réside dans la difficulté à faire comprendre cette rareté quand l'eau coule sans discontinuer du robinet. Il faudra faire preuve d'une grande pédagogie pour expliquer cette situation, et la crise énergétique nous montre la voie à suivre, puisque nous sommes parvenus à réduire les consommations globales de 10 % en réaction à la hausse des prix.

M. Thierry Burlot. - Notre modèle actuel, vieux de 60 ans, a permis d'assurer l'accès de tous à l'eau potable et d'améliorer les performances des systèmes d'assainissement en métropole. Il encourageait alors la consommation et les budgets consacrés à l'eau étaient relativement faciles à équilibrer en raison de l'abondance des ressources.

Aujourd'hui, nous faisons face à de nouveaux défis. Nous avons découvert que les réseaux et les ouvrages de métropole ne sont pas en bon état, faute de renouvellement des canalisations et d'investissement. En outre, les normes sanitaires évoluent constamment, nécessitant des adaptations coûteuses. Le Plan eau du Gouvernement, de ce point de vue, a permis une prise de conscience collective sur l'effort d'investissement à réaliser.

En parallèle, nous sommes confrontés aux effets du dérèglement climatique, avec des sécheresses et des inondations plus fréquentes et plus intenses. Les responsabilités en matière d'anticipation, d'adaptation et de gestion de ces phénomènes ne sont pas clairement définies entre l'État, les collectivités et les organisations territoriales. Pour la première fois, le montant des indemnisations liées aux catastrophes naturelles de l'eau dépassera le budget annuel des agences de l'eau. De plus, les financements fléchés vers le grand cycle de l'eau surpasseront ceux consacrés au petit cycle, remettant ainsi en question le modèle de financement actuel.

Les agences de l'eau subissent en outre des contraintes budgétaires supplémentaires. Elles doivent financer l'Office français de la biodiversité (OFB) à hauteur de 450 millions d'euros, soit 20 % de leur budget. De plus, les promesses de financement de l'État pour soutenir l'augmentation des redevances n'ont pas été tenues, du moins pour l'agence de l'eau Loire-Bretagne.

Enfin, le ministère de l'agriculture a transféré le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) aux agences de l'eau, représentant une charge de 500 millions d'euros pour l'agence de l'eau Loire-Bretagne.

Dans ce contexte, l'augmentation des redevances de 20 % prévue pour les collectivités, combinée à une possible réduction des subventions, risque de créer des tensions importantes.

M. Stéphane Demilly. - Je partage les propos du président sur la nécessaire pédagogie à mettre en oeuvre. La disponibilité et la qualité de l'eau sont devenues des enjeux critiques en France et dans le monde, ayant des incidences sur la santé, les écosystèmes et l'économie. Tous les acteurs de la société, des consommateurs aux industriels, en passant par les agriculteurs et les énergéticiens, commencent à prendre conscience de l'ampleur du problème. Celui-ci combine les effets du changement climatique avec une gestion locale de l'environnement souvent conflictuelle.

Les conséquences sont à la fois visibles et invisibles. Dans les Hauts-de-France, les inondations hivernales posent déjà et sans détour la question de l'assurabilité de certains territoires. À l'inverse, dans les Pyrénées-Orientales, la pénurie d'eau menace la pérennité des activités agricoles traditionnelles comme la viticulture et l'arboriculture. En outre, la contamination invisible mais généralisée des masses d'eau françaises par des résidus de pesticides et autres polluants chimiques est particulièrement préoccupante. Selon une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) publiée en 2023, environ un tiers de la population reçoit une eau ne répondant pas en permanence aux critères de qualité.

Face à cette situation, les pouvoirs publics doivent mettre en place des actions à long terme, nécessitant des financements pérennes. Au-delà des 23,4 milliards d'euros évoqués, la politique de l'eau implique un très grand nombre d'acteurs à différents niveaux géographiques et administratifs, ce qui complexifie considérablement cette politique publique.

Ma question s'adresse au président du cercle français de l'eau : ne pensez-vous pas qu'il soit nécessaire de poursuivre l'entreprise de simplification des processus décisionnels de la politique de l'eau, malgré les efforts de simplification déjà entrepris et mentionnés par le directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne ?

M. Guillaume Chevrollier. - Notre commission accorde toujours une grande importance aux questions liées à l'eau, à la biodiversité et à la nécessité d'investissements massifs dans le contexte du changement climatique.

J'aimerais entendre nos intervenants sur la réforme des nouvelles redevances, en vigueur depuis le 1er janvier. Cette réforme est certainement utile, mais ses impacts sont significatifs pour certains acteurs économiques, notamment les grands utilisateurs d'eau dans l'industrie et l'agriculture. Disposez-vous de retours du terrain à ce sujet ? Comment envisagez-vous d'atténuer l'impact pour les plus durement touchés, sans remettre en cause la nécessité de cette évolution ?

Par ailleurs, j'aimerais connaître votre avis sur l'accompagnement des collectivités locales dans les investissements nécessaires pour la filtration des polluants pharmaceutiques et phytosanitaires, alors que la Cour de justice européenne a prononcé à l'encontre de la France des condamnations à propos de la non-conformité au regard de la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines . Il me paraît important d'éclairer nos élus locaux, actuels et futurs, sur leur capacité d'intervention dans ce domaine.

Enfin, je rejoins mon collègue sur la question de l'efficience des nombreux acteurs publics dans le secteur de l'eau. Le Sénat a lancé une commission d'enquête sur ce sujet. Comment pouvons-nous optimiser cette organisation complexe, avec pour objectif de maximiser les investissements et de minimiser les pertes administratives, et de donner à nos concitoyens le sentiment que ces politiques au final le servent ?

M. Éric Gold. - Madame Salvetti, vous avez indiqué dans votre introduction qu'en sus des 23,4 milliards d'euros actuellement consacrés au financement de la politique de l'eau, il faudrait dépenser au minimum 13 milliards d'euros supplémentaires pour une gestion durable de la ressource, soit une augmentation de 56 % des dépenses. Vous avez également souligné la nécessité de répartir équitablement cette charge entre les usagers pour éviter d'exacerber les tensions. Or, si nous connaissons tous le prix d'un litre de carburant, rares sont ceux qui connaissent le prix du mètre cube d'eau. Nous avons un seuil psychologique pour le carburant, mais pas pour l'eau. De plus, il existe encore des communes rurales où l'eau est facturée au forfait, voire n'est pas facturée.

Dans ce contexte, les parlementaires ont majoritairement choisi de donner la liberté aux collectivités en revenant sur l'obligation de transfert des compétences eau et assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), notamment aux communautés de communes. Vous avez insisté sur la mutualisation, qui est au coeur du fonctionnement des agences de l'eau. Selon vous, quels sont les impacts, positifs ou négatifs, que vous anticipez sur l'implication des collectivités dans ce contexte d'abandon du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement ?

M. Rémy Pointereau. - Le financement de la politique de l'eau est au coeur de la mission que nous menons avec mes collègues Hervé Gillé et Jean-Yves Roux sur la compétence Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Les travaux de cette mission, qui nous a été confiée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, devraient aboutir fin juin 2025, et les premières auditions que nous avons menées nourrissent deux questions principales.

Premièrement, le transfert et la gestion des digues domaniales de l'État aux EPCI, effectifs depuis le 29 janvier 2024, posent des problèmes majeurs de financement. Les élus sont pris en tenaille entre leur responsabilité suite au transfert et le manque de leviers financiers. La Direction générale des Finances publiques (DGFIP) demande aux EPCI d'inscrire à leur actif entre 20 et 60 millions d'euros, ce qui est considérable pour des communautés de communes de 10 à 15 000 habitants. En outre, ces digues ont souvent été transférées sans état des lieux, dans un état dégradé. Quel est votre point de vue sur ces conditions de transfert, que je juge pour ma part précipitées et irréalistes ? Quelles sont vos préconisations, en tant qu'agence de l'eau, pour répondre à ces défis apparemment insolubles ?

Deuxièmement, plusieurs préconisations sont avancées pour faire évoluer l'organisation du grand cycle de l'eau et pour éviter de faire peser tous les investissements requis sur les EPCI exposés aux risques d'inondation. L'une d'elles serait de transférer cette compétence à des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), de l'aval à l'amont, notamment pour les grands fleuves comme la Loire. L'Association nationale des élus de bassin recommande de transformer le bassin versant en un véritable périmètre administratif où l'EPTB jouerait un rôle primordial. Quelle est votre préférence, en tant qu'agence de l'eau, pour offrir un cadre pérenne au financement de la compétence Gemapi et promouvoir des solidarités amont-aval ?

M. Hervé Gillé. - Je tiens à vous remercier pour l'organisation de cette table ronde, qui fait suite à nos échanges et à ma proposition. Nos discussions s'inscrivent dans un moment crucial, alors que nous attendons la grande conférence nationale sur l'eau. Le calendrier et la méthode de cette conférence ne sont pas encore connus, mais nous avons un rendez-vous au printemps et il sera intéressant d'apporter notre contribution à la réflexion collective dans ce cadre.

Je remercie également M. Burlot pour le travail effectué par le Cercle français de l'eau, qui remet en perspective l'ensemble des financements mobilisés autour de la politique de l'eau et soulève la question de l'approche stratégique et prospective à développer. Il est en effet important, compte tenu des volumes engagés, de vérifier si les financements mobilisés le sont à bon escient et en fonction des priorités actuelles.

Je m'interroge sur la contribution des politiques de l'eau au développement du produit intérieur brut. Quel est le retour sur investissement pour l'État, notamment en termes de fiscalité générée par les investissements et les travaux mis en oeuvre ? Il serait intéressant d'examiner la balance entre les coûts et les bénéfices pour l'État, afin d'enrichir le débat public à la faveur d'une approche globale, en brut et en net.

Enfin, sur la question de la gouvernance, M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, a récemment remis en question la gouvernance des agences de l'eau lors d'une audition parlementaire. Comment avez-vous reçu cette intervention ? M. Obled a évoqué une nécessaire révision de la gouvernance des agences de l'eau, afin de les rendre plus dynamiques, plus agiles et d'une organisation plus simple. Cependant, si l'objectif consiste à recentraliser cette gouvernance sans procéder à un rééquilibrage vis-à-vis des collectivités locales et territoriales, il est permis de s'interroger sur le bien-fondé de cette démarche.

La gouvernance actuelle doit concilier un pilotage par bassin et une articulation avec les collectivités locales et territoriales, dans une vision prospective et stratégique. En effet, il importe de bâtir une logique d'intervention des acteurs et des parties prenantes claire, afin de définir au mieux les modalités d'intervention de chacun. À titre d'exemple, je citerais l'article 50 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui s'efforce de clarifier l'approche juridique des départements dans leur capacité à accompagner ces politiques. Il me semble indispensable que tous les acteurs - régions, départements, métropoles, agglomérations, agences de l'eau et comités de bassin - s'inscrivent dans un processus équilibré et conventionnel d'intervention dans les territoires.

M. Thierry Burlot. - Je partage le souhait d'une simplification de la politique de l'eau, tant du point de vue de nos organisations que du point de vue de notre communication. Le monde de l'eau est devenu incompréhensible pour le grand public et il devient urgent de simplifier nos organisations et notre communication. J'avais suggéré au précédent directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne de créer un document simplifié sur le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), sur le modèle d'un « Sdage pour les nuls ». Les documents actuels en effet sont illisibles pour la plupart. Quelqu'un s'était d'ailleurs amusé à les peser : ils font 17 kilos. Le secteur de l'eau s'est enfermé dans un entre-soi, alors que ses problématiques touchent l'économie, la santé, les territoires et la vie quotidienne de chacun. Il est par conséquent impératif de produire un réel effort de pédagogie afin que chacun soit en mesure de comprendre les enjeux du secteur de l'eau et son jargon riche en sigles incompréhensibles pour le grand public.

La diversité des agricultures sur un bassin est frappante. On ne peut pas parler de l'agriculture de la même manière en Bretagne, dans la Creuse, l'Allier ou le Centre-Val de Loire, et pourtant tous ces territoires appartiennent au bassin Loire-Bretagne. C'est pourquoi je souscris à l'idée de se lier par des conventions, de signer des contrats d'objectifs et de gouvernance entre des périmètres hydrographiques, immenses et divers, et des périmètres locaux ayant une véritable réalité politique. Ces contrats permettraient d'assurer une cohérence hydrographique tout en respectant les spécificités locales.

Prenons l'exemple des inondations à Quimperlé en 2024. La crue s'est produite à proximité de l'estuaire, mais l'origine du problème est bien éloignée du Finistère. Éviter une telle catastrophe requiert des actions bien en amont, comme le ralentissement du cours d'eau, la reconstitution du bocage et la préservation des zones humides. Cela nécessite une solidarité entre l'amont et l'aval, entre la ville et la campagne, qui dépasse souvent les périmètres politiques des intercommunalités. C'est là que réside la force de la loi sur l'eau de 1964 : elle a instauré cette solidarité entre l'urbain et le rural.

Le périmètre hydrographique pose un véritable défi car il n'a pas d'existence politique. La Loire, par exemple, traverse six régions, une vingtaine de départements et des centaines d'EPCI. À cet égard, le rôle des agences de l'eau est crucial pour assurer la cohérence des solidarités politiques entre ces différentes entités.

Concernant l'industrie agroalimentaire et les redevances, nous faisons face à une double difficulté : l'augmentation des redevances votée par les comités de bassin et la réforme engagée par l'État. Cette dernière a supprimé le plafond de redevance à 6 000 mpour les entreprises agroalimentaires, ce qui est juste sur le fond mais brutal dans sa mise en oeuvre. C'est la raison pour laquelle nous travaillons actuellement sur une application progressive de cette réforme afin de permettre aux entreprises de s'adapter, notamment dans le bassin Loire-Bretagne où certaines voient leurs redevances passer de 5 000 à 200 000 euros.

Le développement économique et l'aménagement du territoire sont étroitement liés à la disponibilité de l'eau. Or l'accès à l'eau est aujourd'hui un facteur limitant du développement économique, y compris en Bretagne. Disposer d'une ressource en eau abondante et de qualité conditionne en partie les possibilités de développement. Cela soulève la question des solidarités à créer entre les territoires qui ont accès à l'eau et ceux qui en manquent.

Le sujet de la gestion des digues domaniales s'inscrit dans la réflexion sur le financement du grand cycle de l'eau. Cette réflexion est impérative, car s'il demeure essentiel de préserver le petit cycle dans la perspective du mur d'investissements qui se dresse devant lui, il convient d'imaginer de nouvelles solutions pour le grand cycle.

Les compétences eau et assainissement sont à mon sens structurantes pour les EPCI. Dans certains départements, des collectivités autonomes se sont structurées au niveau départemental par des interconnexions, ce qui a permis de sécuriser l'accès à l'eau. Cependant, lors des récentes sécheresses, les communes isolées ont rencontré de grandes difficultés. Il est donc préférable de travailler ensemble pour porter ces politiques, même si, j'en conviens, ce n'est pas toujours facile. En revanche, et à titre personnel, je suis plus réservé à propos du transfert de compétence aux EPTB, en raison des inégalités importantes entre ces établissements. Certains seront très riches, d'autres très pauvres.

Le bilan de la Gemapi est sévère : elle ne représente que 450 millions d'euros sur les 23,4 milliards d'euros que nous consacrons au financement des politiques publiques de l'eau. La Gemapi ne fonctionne pas correctement et ne répond pas aux besoins relatifs au financement du grand cycle de l'eau. Elle est efficace dans les grandes villes, où elle peut générer des montants élevés à la faveur d'une population importante, mais elle pose de réelles difficultés dans les territoires ruraux.

Je soutiens l'idée formulée par M. Gillé d'établir un bilan précis de ce que l'État apporte. Nous devons saisir l'opportunité de la conférence nationale sur l'eau pour construire une politique financière du grand cycle de l'eau. La France est très mauvaise élève pour obtenir des fonds européens sur la politique de l'eau, c'est un point à améliorer. Nous pourrions envisager la mise en place de filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) sur certains sujets comme les pesticides ou les alkyles perfluorés et polyfluorés (PFAS). Si nous créons des éco-organismes, ils devraient être mis au service des agences de l'eau pour renforcer leur rôle et leurs moyens financiers.

Enfin, je voudrais soulever une incohérence dans notre approche de l'aménagement du territoire. Un terrain constructible génère de la valeur pour tous les acteurs, du propriétaire à l'exploitant agricole, en passant par la commune. À l'inverse, une zone humide n'a aucune valeur économique reconnue, alors qu'elle est essentielle à la préservation de la biodiversité et de la ressource en eau. Cela devrait nous amener à réfléchir sur l'amélioration de la fiscalité environnementale pour encourager ceux qui contribuent au bien commun.

Mme Maria Salvetti. - Je m'associe aux remarques de M. Burlot concernant la proposition de M. Gillé d'établir un bilan coûts et bénéfices de la politique de l'eau pour l'État. Il existe une forme de ruissellement fiscal qu'il convient de mettre en évidence.

J'aimerais évoquer la suspension du transfert obligatoire de compétences prévu par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), en rappelant les raisons pour lesquelles il a été décidé de consolider les services d'eau et d'assainissement à l'échelle intercommunale et non à l'échelle communale. Cette décision n'est pas motivée par des économies d'échelle, contrairement à ce que prétendent certains économistes, et d'ailleurs ces économies n'existent pas. En réalité, cette consolidation comporte plusieurs avantages. D'abord elle autorise la mise en place de subventions croisées, permettant une solidarité urbain-rural au sein du territoire intercommunal. Ensuite elle rend possibles des investissements plus importants, qu'une commune seule ne pourrait pas entreprendre. Enfin, elle favorise l'embauche et la rétention de personnels plus compétents et plus professionnels, grâce à une surface financière plus importante.

Ces raisons sont les principales motivations pour le transfert de compétences au niveau intercommunal. À titre personnel, je considère que l'arrêt ou le report de ce transfert de compétences est une occasion manquée, au vu de ce que j'ai pu observer ailleurs, en Europe et au-delà.

M. Loïc Obled. - Je tiens à préciser que le transfert de compétences, si j'ai bien compris, ne s'arrêtait pas, mais perdait seulement son caractère obligatoire. Depuis mon arrivée il y a cinq mois à la tête de l'agence de l'eau Loire-Bretagne, j'ai observé que de nombreuses collectivités souhaitaient poursuivre cette dynamique.

En examinant les dépenses récentes, j'ai constaté que nous avons investi dans des accords de résilience suite à la sécheresse pour soutenir les collectivités touchées, dont les populations étaient approvisionnées par camion-citerne ou en bouteilles d'eau. Il s'est avéré que 90 % des communes ou collectivités privées d'eau étaient des communes isolées. Ce simple constat confirme l'importance de la mutualisation des investissements.

La structuration intercommunale, comme je le constate quotidiennement, permet d'établir un échéancier d'investissements et de mutualiser les ressources techniques, réduisant ainsi les coûts. Pour l'agence de l'eau, les interlocuteurs intercommunaux sont plus efficaces car ils permettent d'espérer de meilleurs résultats. Nous ne pratiquons plus le saupoudrage depuis longtemps, parce que nous n'en avons pas les moyens, et cette approche sera encore moins envisageable dans le cadre du douzième programme d'intervention des agences de l'eau.

Face à l'ampleur des demandes d'aide, nous sommes contraints de prioriser. Dans le cadre du douzième programme, nous avons décidé d'assumer nos choix, même s'ils peuvent être contestés. La raison d'être d'une agence de l'eau n'est pas d'aider spécifiquement un acteur, mais de préserver l'eau, en collaboration avec tous les acteurs concernés. L'objectif de ce douzième programme est d'obtenir des résultats concrets dans les territoires, ce qui représente un changement de paradigme.

Ce changement se traduit notamment par l'introduction du concept d'accord de territoire, qui sera discuté lors du prochain conseil d'administration de l'agence de l'eau Loire-Bretagne. L'accord de territoire vise à définir des objectifs de résultats plutôt que de se concentrer uniquement sur les moyens financiers. Nous passerons moins de temps à rédiger des contrats complexes et nous nous concentrerons davantage sur des objectifs concrets et opérationnels, évalués chaque année. Cette approche nous permettra de piloter par la performance plutôt que par la dépense publique.

L'accord de territoire exige également une vision systémique. Bien que les agences ne soient pas compétentes en matière de Gemapi ou d'urbanisme, elles encouragent la prise en compte de la disponibilité en eau et des prévisions sur les réseaux dans les documents d'urbanisme. Cette approche globale est essentielle pour résoudre les problèmes liés à l'eau, et je note que la ministre de la transition écologique a qualifié la conférence nationale sur l'eau de « moment charnière » pour repenser notre approche face au changement climatique et aux investissements nécessaires à l'horizon 2050.

Les digues domaniales n'entrent pas dans le domaine de compétences des agences de l'eau. Toutefois, j'aimerais évoquer la situation de l'EPTB Loire. Celui-ci a été créé pour mettre en place une gouvernance à l'échelle d'un cours d'eau, en gérant les barrages en amont et en s'attribuant la compétence Gemapi. Il a pour avantage de se situer à la bonne échelle, entre l'amont à l'aval. Cependant, il se trouve aujourd'hui en difficulté financière, notamment parce qu'il est financé par les régions, les départements et les EPCI. Or la structure actuelle des EPCI ne favorise pas une contribution équitable, et l'absence d'incitations fragilise le financement des EPTB.

Enfin, il est crucial de raisonner en termes d'investissements et de retour sur investissement, en tenant compte non seulement des retombées fiscales mais aussi des coûts évités. Nous devons développer des modèles économétriques en mesure d'anticiper les coûts futurs du traitement de l'eau, qui risquent d'augmenter considérablement en raison des problèmes de pollution. Ainsi, il est essentiel de modéliser les coûts sur les cinquante prochaines années et d'examiner l'investissement actuel. L'avenir du financement des agences de l'eau passe par cette approche économique d'investissement et d'amortissement, dans le cadre d'un modèle dynamique.

Concernant la gouvernance, je rappelle que le budget d'une agence de l'eau est voté en conseil d'administration, où l'État est minoritaire, puisqu'il dispose d'un tiers des voix. Voter un budget requiert par conséquent un consensus ou un compromis avec divers acteurs, des agriculteurs aux chasseurs en passant par les associations. Le comité de bassin, qui est une entité distincte, collabore étroitement avec l'agence. Il travaille sur la planification et donne son avis sur les questions stratégiques. Là aussi, l'État représente un tiers des voix et, là encore, un accord est nécessaire. Cette structure est une richesse pour faire émerger des débats, notamment sur le principe de « l'eau paie l'eau ».

Cependant, cette gouvernance connaît des limites. Le comité de bassin compte 190 membres, traitant de sujets parfois très techniques. En réalité, seule une dizaine de membres s'expriment régulièrement, ceux qui ont pu préparer les dossiers dans les meilleures conditions. Les représentants agricoles et les associations de protection de la nature sont généralement bien préparés, ainsi que quelques élus très impliqués. Mais beaucoup d'autres, notamment des élus locaux, ne réagissent que sur des sujets qui les concernent directement. C'est la raison pour laquelle nous travaillons actuellement sur une meilleure appropriation des enjeux par tous les membres des comités de bassin, afin de faciliter la transmission de ces informations au grand public et d'enrichir le débat.

M. Thierry Burlot. - J'aimerais revenir sur les propos de M. Rebsamen relatifs à la gouvernance des agences de l'eau, que je ne partage pas. Considérer que la démocratie participative n'est pas un bon outil pour gérer la question de l'eau révèle selon moi un échec collectif. En accord avec M. Obled, nous allons d'ailleurs solliciter un rendez-vous avec le ministre pour souligner l'importance cruciale de la démocratie participative dans le domaine de l'eau, car si nous n'agissons pas ensemble, nous allons droit à la catastrophe.

J'ai eu l'opportunité de mener une mission à Sainte-Soline, à la tête d'une équipe composée d'agriculteurs, de représentants d'associations et d'élus. Nous avons rencontré 150 personnes, partisans et opposants aux projets de méga-bassines, et nous avons découvert un territoire dévasté, en grande souffrance. Ce qui s'est passé à Sainte-Soline pourrait se reproduire ailleurs, car la question au coeur du conflit est celle du partage de l'eau. Sans débat local et sans appropriation du sujet dans les territoires, c'est chacun pour soi. Nous avons constaté que les collectivités, toutes tendances politiques confondues, ont pris peur. Les maires, les présidents d'EPCI, le département, la région, tous se sont retirés.

Personne ne peut s'opposer au stockage de l'eau, car c'est inévitable. En Bretagne, par exemple, un mètre cube sur deux distribués est un mètre cube stocké à partir du mois d'avril. Sans ce stockage mis en place il y a soixante ans, il n'y aurait pas d'eau en Bretagne l'été. Nous avons élaboré une motion définissant les conditions requises par ce stockage, qui a été soumise à un vote à bulletin secret au comité de bassin. La tension était palpable, comme en témoigne la présence du GIGN. Le résultat du vote a été sans appel : sur 148 votants, 147 ont voté pour, avec une seule abstention. Ce vote quasi unanime, incluant agriculteurs, associations et élus, démontre l'efficacité de la démocratie participative dans les territoires.

La tension croissante autour de l'agriculture est inquiétante. Les agriculteurs responsables du comité de bassin, qui ont toujours cherché le compromis, sont aujourd'hui épuisés. Ils se sentent constamment critiqués et envisagent de ne plus participer au comité. Cette situation est alarmante car nous ne pouvons pas avancer sans leur implication. En outre, les agriculteurs les plus investis dans les questions d'eau ont parfois été évincés au profit d'acteurs plus radicaux lors des dernières élections régionales et des chambres d'agriculture. Cela représente un véritable danger pour notre travail collectif.

Un autre point crucial concerne la désaffection des maires pour le comité de bassin. Les raisons sont multiples : éloignement géographique, incompréhension des débats, complexité des sujets abordés. Nous avons discuté de ce problème avec le directeur général de l'Association des maires de France, qui nous a conseillé de simplifier notre communication pour la rendre plus accessible aux élus. Il est essentiel d'adapter nos structures pour les rendre compréhensibles et acceptables par tous. C'est un message que nous devrons transmettre au ministre lors de notre prochaine rencontre.

M. Saïd Omar Oili. - Je suis naturellement déçu que votre étude n'ait pas pris en compte les territoires ultramarins, qui rencontrent pourtant les problématiques les plus aiguës sur le sujet de l'eau. La gestion de l'eau à Mayotte est particulièrement délicate en raison des aléas climatiques, et le ravage récemment causé par le passage du cyclone Chido l'a tragiquement rappelé. Notre île est confrontée à des difficultés tant en période de pluie qu'en période de sécheresse. La demande en eau est croissante, avec 85 % des usages à caractère domestique. Les activités touristiques et industrielles ne représentent qu'une faible part, moins de 5 %.

Malgré d'importants travaux réalisés à Mayotte, les deux retenues collinaires restent insuffisantes pour répondre aux besoins de la population. Les habitants subissent des coupures d'eau de 24 heures tous les trois jours. Cette situation a des conséquences sanitaires graves, favorisant la propagation de maladies comme le choléra et les diarrhées, et affectant même la croissance des enfants.

Ma question est la suivante : que pensez-vous de la construction d'usines de dessalement, sachant que 85 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et que le coût de production de l'eau dessalée est élevé ? Quelle solution proposez-vous face à cette situation traumatisante ?

M. Ronan Dantec. - M. Burlot l'a souligné : la Gemapi ne remplit pas actuellement son rôle de solidarité à des échelles pertinentes. Comment faire évoluer ce dispositif ? Nous constatons que de petites intercommunalités se retrouvent avec des financements impossibles à assumer, tandis que de grandes villes peuvent se permettre des taxations très faibles.

Par ailleurs, le coût lié au risque d'inondation devient considérable et nous oblige à agir de manière résolue, notamment en préservant les terres agricoles et les zones humides. L'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) devrait nous aider dans cette démarche. Toutefois, il existe une réelle difficulté en matière de prospective et de déclinaison dans les documents d'urbanisme. Les anciennes cotes de référence ne correspondent plus à la réalité du changement climatique. Qui prend la responsabilité de fournir les nouvelles données aux collectivités locales pour leurs futurs plans d'urbanisme ?

Enfin, puisque le Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc 3) vient d'être présenté, j'aimerais connaître l'avis des intervenants sur la prise en compte de l'adaptation au changement climatique dans le domaine de l'eau.

M. Olivier Jacquin. - À propos de la faible protection des périmètres de captage d'eau, vous avez affirmé, monsieur Burlot, qu'il n'est pas possible d'élaborer des politiques de l'eau sans le monde agricole. En tant qu'agriculteur ayant siégé dans un comité de bassin, je ne peux que vous approuver. De nombreux retours d'expériences montrent que la mise en place de l'agriculture biologique sur les périmètres de captage, hormis dans les zones viticoles, produit des résultats radicaux et très efficaces. M. Obled a mentionné que le coût de prise en charge des compensations sous forme de paiements pour services environnementaux (PSE) était relativement modeste par rapport au gain total apporté. Dès lors, pourquoi n'avançons-nous pas plus rapidement sur cette protection des périmètres de captage ?

M. Simon Uzenat. - Nous constatons que les agences de l'eau doivent assumer des charges qu'elles ne devraient théoriquement pas financer, comme les MAEC, particulièrement en Bretagne. En parallèle, elles ne perçoivent pas certaines recettes, notamment en raison du système du plafond mordant. Les décisions prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 semblent contredire les engagements pris dans le Plan eau. Monsieur Burlot, pouvez-vous nous informer sur d'éventuelles discussions concernant le projet de loi de finances pour 2026, dont nous pensons que les travaux ont déjà commencé ?

En Bretagne, l'agence de l'eau a réalisé des études depuis 2017 sur les PFAS, mais des défaillances semblent être apparues. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les relations avec les services de l'État et les Agences régionales de santé ? Comment protéger une population de plus en plus inquiète sur la qualité de son eau ? Nous avions l'habitude de dire que l'eau du robinet était parfaitement sécurisée, mais aujourd'hui, des inquiétudes se font jour tant sur l'eau en bouteille que sur l'eau du robinet.

Enfin, ma dernière question concerne la réutilisation des eaux usées traitées (Réut). Nous observons une montée en puissance, certes tardive mais bienvenue, avec des appels à projets lancés, notamment sur la réutilisation en littoral. Pouvez-vous nous faire un premier bilan des candidatures reçues ?

M. Pierre Jean Rochette. - Le monde agricole se sent souvent à distance des agences de l'eau, et à cet égard la démocratie participative sur les sujets agricoles est nécessaire pour renforcer un lien de confiance qui tend à s'éroder.

Ma question porte sur les subventions. Mon département, la Loire, se trouve à la frontière des périmètres de deux agences de l'eau, Rhône-Méditerranée-Corse et Loire-Bretagne. Les retenues collinaires sont subventionnées par l'agence de l'eau côté Rhône-Méditerranée-Corse, mais pas côté Loire-Bretagne. Comment peut-on expliquer cette disparité sur le terrain, qui pourrait même être contestée juridiquement ? Cet exemple fait partie des irritants quotidiens pour le monde agricole. Ne serait-il pas judicieux que les agences de l'eau discutent entre elles pour harmoniser les modalités de leur soutien au niveau national ? Il est difficile de comprendre pourquoi on subventionne les retenues collinaires d'un côté d'une rivière et pas de l'autre.

M. Thierry Burlot. - Je suis désolé, monsieur Omar Oili, que nous n'ayons pas intégré les territoires ultramarins dans l'étude du Cercle français de l'eau. Mais je dois rappeler que nous avons mené ce travail avec nos faibles moyens, au sein d'une petite association. D'ailleurs, je me suis un temps demandé si ce diagnostic ne devrait pas plutôt être réalisé par l'État lui-même. Néanmoins, par solidarité, nous devrons étendre nos recherches aux territoires ultramarins car vos propos soulèvent des questions déterminantes.

L'accès à l'eau est fondamental pour la vie, le développement économique, l'urbanisation et le lien social. Vos remarques mettent en lumière la question de l'acceptation sociale : le réseau public pourra-t-il desservir toute la population à un prix juste, permettant à tous d'utiliser ce bien commun ? Le dessalement de l'eau, par exemple, engendre des coûts plus élevés, tant en investissement qu'en fonctionnement, en raison d'une consommation énergétique accrue et de la nécessité d'installations plus sophistiquées. Les territoires ultramarins subissent de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique, et pour eux la solidarité nationale est indispensable, elle est un devoir collectif et une affaire de santé publique puisque les défaillances de l'approvisionnement en eau de qualité engendrent de graves problèmes sanitaires.

Nous avons perdu la notion de l'origine de l'eau, tant nous sommes habitués à son abondance. Si vous demandez aux enfants d'où vient l'eau, ils répondront du robinet ou, pour les plus avisés, du château d'eau. Mais nous avons oublié qu'elle vient d'abord des sources, des rivières. Cette méconnaissance rend difficile la protection de cette ressource. Dans les pays où l'eau courante n'existe pas, ce sont principalement les femmes et les enfants qui effectuent la corvée d'eau. Eux connaissent précisément l'emplacement des sources et des fontaines. Nous devrions nous remémorer ces réalités.

Concernant la Gemapi, la seule manière d'obtenir de meilleurs résultats consiste à nous montrer beaucoup plus solidaires sur des périmètres plus étendus. À cet égard, l'État a un rôle déterminant à jouer, notamment pour gérer les solidarités entre l'amont et l'aval, ainsi qu'entre les villes et les campagnes. En Bretagne, l'eau est plus chère dans les zones rurales que dans les villes. Or, qui produit l'eau ? Ce sont évidemment les campagnes. Ne devrions-nous pas renforcer la solidarité dans ce domaine ?

Le barrage de la Chèze-Canut, qui fournit 40 % de l'eau potable de Rennes Métropole, est situé hors du périmètre de la métropole, sur la commune de Saint-Thurial. Lors d'une visite Mme Wargon, alors secrétaire d'État à l'écologie, le maire de cette commune avait soulevé une question pertinente : comment justifier auprès des agriculteurs, qui agissent pour la protection du captage pour Rennes, que l'eau à Saint-Thurial coûte deux fois plus cher qu'à Rennes ? Il faut réfléchir à des mécanismes de solidarité plus robustes, sachant qu'actuellement, seules les agences de l'eau pratiquent une forme de solidarité, à hauteur de 10 % du prix de l'eau.

Quant à la question de la responsabilité, je pense sincèrement qu'il s'agit d'une co-responsabilité entre l'État et les territoires. Nous devons parvenir à un accord. L'État doit nous fournir des données, des diagnostics et des études, tandis que les territoires doivent prendre leurs responsabilités. Cela suppose que l'État fasse davantage confiance à ses territoires et les écoute.

Concernant le volet eau du changement climatique, je dirais seulement que lors des récentes COP internationales, on a beaucoup parlé du climat, du carbone, de la biodiversité, et que l'eau a été largement négligée.

Monsieur Jacquin, vous pointez à raison la faiblesse de la protection des captages. La protection des captages publics utilisés pour l'alimentation en eau potable concerne en France moins de 5 % de la surface agricole utilisée. À titre personnel, je pense qu'il est irréaliste d'exiger une sortie immédiate et totale des pesticides pour tous. Néanmoins, dans les zones de captage, nous devons être intransigeants tout en trouvant des moyens d'indemniser les exploitants agricoles. Nous disposons pour cela d'outils tels que la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), les échanges de terres, la conversion en bio. Tous doivent être mobilisés, mais il faut aller au-delà : les MAEC et les PSE ne sont pas suffisants.

Redonnons de la fierté aux agriculteurs. Nous devons cesser de percevoir la protection de l'eau comme une contrainte et opérer un véritable changement de paradigme. Les agriculteurs doivent devenir des acteurs de la protection, et pas seulement la subir. Si la Bretagne a été la première région d'Europe à faire l'objet de contentieux sur les nitrates il y a vingt ans, elle est aussi la première à en être sortie, grâce aux efforts des agriculteurs. Quand le monde agricole se sent impliqué, des solutions sont trouvées.

J'ai récemment visité les Landes, où l'ARS a autorisé l'utilisation de charbon actif pour traiter les métabolites des pesticides près de Mont-de-Marsan. Deux semaines après l'inauguration de cette installation, l'ARS a demandé l'interdiction totale des pesticides sur les 3 600 hectares de la zone d'alimentation du captage. Les 80 agriculteurs concernés se retrouvent dans une situation difficile. Cela démontre que le traitement curatif ne résout pas le problème à la source, et qu'il importe d'adopter une approche globale et préventive plutôt que de se reposer uniquement sur des solutions curatives.

Mme Maria Salvetti. - Je souhaite apporter quelques précisions à propos de la réutilisation des eaux usées traitées. Je mène actuellement un travail sur le suivi du Plan eau. Au niveau national, 140 projets de Réut sont en fonctionnement et 35 sont à l'étude, selon les chiffres de 2024. En 2022, nous partions de 107 projets en fonctionnement, ce qui montre une progression significative. Concernant spécifiquement le littoral, suite à l'appel à projets, douze territoires ont été lauréats. Parmi eux, cinq projets littoraux ont bénéficié d'une aide financière en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie, à La Réunion, en Martinique et en Bretagne. De plus, sept territoires ont reçu un accompagnement gouvernemental pour la mise en oeuvre de leurs projets.

Concernant le dessalement à Mayotte, j'estime, à titre personnel, que la soutenabilité économique et environnementale du dessalement d'eau de mer me semble problématique. Le projet de Réut à Mayotte, porté par Eau de Mayotte, vise justement à réduire le recours au dessalement en réutilisant les eaux usées. Il me paraît pertinent d'explorer d'abord la piste de la Réut avant d'envisager le dessalement, qui selon moi n'est pas une solution durable à long terme.

M. Loïc Obled. - En début de séance, il a été indiqué que les agences de l'eau reversent 1,8 des 2,3 milliards d'euros qu'elles collectent. La différence correspond à la contribution à l'OFB, qui inclut une solidarité interbassins se manifestant notamment en direction des départements ultramarins. À ce titre, un abondement des fonds avait été réalisé dans la perspective du Plan eau pour Mayotte avant le passage du cyclone Chido.

Concernant les retenues collinaires, et pour répondre à M. Rochette, je comprends la perplexité que peut générer la présence de deux agences sur un même territoire, par exemple quand l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse subventionne la création de retenues collinaires, contrairement à l'agence Loire-Bretagne. La raison principale se rapporte aux contraintes budgétaires pesant sur l'agence Loire-Bretagne, mais il convient de noter que celle-ci collecte des redevances moins élevées.

Les agences de l'eau jouent un rôle important dans le Pnacc 3, puisque notre douzième programme a été conçu en faisant du changement climatique une priorité, et que nous y consacrons plus de la moitié de nos financements. Ce rappel me permet de faire le lien avec les captages, à propos desquels la cohérence des politiques publiques est primordiale. Par exemple, la culture du chanvre présente des avantages multiples, nécessite très peu d'eau et permet de filtrer l'eau. En développant intelligemment ce type de culture sur les aires de captage, nous pourrions combiner lutte contre le changement climatique, soutien aux revenus agricoles et protection de l'eau. À cet égard, le modèle des agences de l'eau montre sa pertinence car il permet d'agir à l'échelle du territoire et accompagne des projets dont l'impact dépasse la seule question de l'eau.

Il est urgent d'avancer sur le sujet des aires de captage, et je me félicite de constater qu'une dynamique se met en oeuvre, avec une feuille de route gouvernementale et des propositions de loi à l'Assemblée nationale. L'agriculture ne se limite plus à la production alimentaire, elle contribue également à notre approvisionnement en eau potable. Aussi, les changements de pratiques dans ces zones peuvent générer des économies substantielles pour la collectivité. Cependant, ces efforts méritent une compensation, et j'ai mentionné précédemment l'intérêt pour les collectivités d'investir dans leur avenir en soutenant les PSE, afin de réduire leurs dépenses à long terme. Il est crucial de comprendre que les PSE ne peuvent être financés uniquement par l'État ou les agences de l'eau, car cela représenterait un investissement à fonds perdu. Il s'agit d'un engagement et d'un investissement pour l'avenir, et non simplement d'une subvention.

Enfin, le prochain projet de loi de finances permettra de discuter des recettes que les agences devraient percevoir mais ne perçoivent pas. L'un des enjeux majeurs de cette discussion portera sur la redevance pour pollution diffuse qui, n'ayant pas été augmentée, ne nous a pas permis d'atteindre le plafond de recettes, entraînant une perte de 8 millions d'euros. Étant donné que les acteurs du petit cycle de l'eau étaient prêts à réaliser une augmentation trois fois plus importante au cas où cette redevance agricole augmentait, ce sont en réalité 32 millions d'euros qui ne peuvent pas être alloués, notamment aux PSE. Derrière ces questions se profile la nécessité de financer les transitions pour réduire les dépenses inefficaces à l'avenir.

M. Jean-François Longeot, président. - Nos échanges montrent qu'un travail considérable reste à accomplir pour faire reconnaître le rôle stratégique de l'eau, son coût et sa rareté, et pour faire évoluer la pérennité budgétaire de la politique de l'eau. Comme vous l'avez souligné M. Burlot, il apparaît peu cohérent de demander aux agences de l'eau de financer de multiples projets, tout en réduisant leurs ressources. Nous vous remercions, madame et messieurs, pour ce partenariat avec les collectivités, ainsi que pour vos conseils et vos travaux.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Désignation des candidats appelés à siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire

M. Jean-François Longeot, président. - Comme vous le savez, nous avons achevé l'examen du projet de loi DDADUE en début de semaine. La procédure accélérée ayant été engagée, la réunion de la commission mixte paritaire est désormais la prochaine étape de la navette parlementaire. Il faut donc à ce stade désigner les membres de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Damien Michallet, Christophe-André Frassa, Khalifé Khalifé, Jean-François Longeot, Mmes Florence Blatrix Contat, Audrey Linkenheld et Marie-Laure Phinera-Horth comme membres titulaires, et de MM. Didier Mandelli, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Maurey, Simon Uzenat, Alexandre Basquin, Pierre Jean Rochette et Mme Sophie Briante Guillemont comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes

Proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - J'en viens désormais au troisième point de notre ordre du jour. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone.

Entre 1972 et 1993, le chlordécone, produit phytosanitaire, a été utilisé dans les cultures bananières en Martinique et en Guadeloupe afin de lutter contre la présence du charançon du bananier -- ravageur originaire de l'Asie du Sud-Est, dont les larves peuvent complètement décimer une plantation bananière.

L'utilisation intensive de ce pesticide dans les territoires d'outre-mer de la Martinique et de la Guadeloupe a eu un double effet néfaste.

D'une part, il a contaminé des sols et des nappes phréatiques, entrainant une pollution de ces îles. Ainsi que le relevait un rapport de l'Opecst paru en 2023 sur l'impact du chlordécone dans les Antilles françaises, cette contamination est un phénomène durable qui aura des incidences notables durant les prochaines décennies.

D'autre part, l'utilisation intensive de ce produit a exposé en premier lieu les travailleurs des plantations bananières, mais également les riverains, à une substance nocive, aux effets néfastes avérés pour la santé humaine. Ce pesticide agit en effet comme un perturbateur endocrinien et favoriserait l'apparition de pathologie grave comme le cancer de la prostate. Ce cas de contamination de travailleurs n'est pas sans rappeler celui des salariés de l'amiante, dont la santé a été irrémédiablement altérée par une exposition prolongée avec cette substance dangereuse.

Le sujet de cette proposition de loi est ainsi particulièrement sensible notamment par les populations exposées.

L'Assemblée nationale a examiné et adopté le 29 février 2024 une proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone. Néanmoins, ce texte, à la différence notable de la proposition dont nous sommes saisis, ne comporte aucun véritable dispositif d'indemnisation des victimes, se limitant à reconnaître la responsabilité de l'État dans les préjudices sanitaires, écologiques et économiques subis par ces territoires insulaires.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Nadège Havet. Je vous propose donc de la désigner en qualité de rapporteure.

La commission désigne Mme Nadège Havet, rapporteure sur la proposition de loi n° 27 (2024-2025) relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone, présentée par M. Dominique Théophile.

Communication suite à l'adoption définitive de la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole

M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - En tant que rapporteur du texte pour la commission, je souhaitais saluer l'adoption définitive par l'Assemblée nationale, le 6 mars dernier, de la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, portée par notre collègue Michel Masset, les membres du groupe RDSE et des sénateurs d'autres groupes politiques.

C'est le signe du caractère transpartisan de cette initiative et de la forte attente exprimée par les apiculteurs face à l'exaspération que cause ce fléau jaune et noir venu d'Asie, qui décime nos ruches et contre lequel la réponse publique n'était jusqu'à présent pas coordonnée. Les députés ne s'y sont pas trompés, en validant à l'identique le texte que notre Haute Assemblée avait déjà adopté à l'unanimité, ouvrant ainsi la voie à une promulgation du texte dans les prochains jours. Il faut dire que l'urgence est caractérisée, tant les dégâts de ce prédateur d'abeilles et de pollinisateurs sociaux s'accroissent chaque année, sans que l'on ait véritablement trouvé les voies et moyens d'une lutte efficace et ciblée.

Cette loi dont on attend désormais la promulgation pose les premiers jalons d'une réponse en trois temps : en favorisant la prévention, afin d'intervenir le plus en amont possible, avant la fondation des nids primaires et à travers le piégeage de printemps, de manière active en protégeant les ruches, afin de diminuer la pression de prédation grâce à des techniques de protection et enfin à travers des mécanismes d'indemnisation, quand les dégâts subis par l'apiculteur n'ont pu être évités.

Pour ce faire, un plan national de lutte contre le frelon asiatique est institué, afin de donner le cap et fixer les priorités pour tous les acteurs concernés. Pour permettre l'adaptation aux réalités locales et au degré d'infestation par le frelon asiatique, des plans départementaux seront mis en oeuvre pour coordonner la réponse locale et les moyens de la lutte, car c'est le bon niveau d'une action efficace et susceptible de réduire les pressions.

Afin de répondre au désespoir de nombreux apiculteurs dont l'activité économique subit de sévères pertes de revenus, alors qu'aucune compagnie n'assure ce risque et que la solidarité nationale ne prend pas le relais, un fonds d'indemnisation des apiculteurs est mis en place, grâce auquel ils seront bien mieux protégés qu'ils ne l'étaient jusqu'à présent. Il sera adossé au cadre existant du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) ou du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE).

Enfin, à ma plus grande satisfaction, le plan fera l'objet d'un financement, ce qui lui donne sa crédibilité : finies les mesures financées par les collectivités territoriales en pure perte, faute de coordination. Désormais, ces moyens dispersés seront mis en commun : chaque euro dépensé contre le frelon asiatique sera plus efficace. Il nous appartiendra, lors du prochain projet de loi de finances, d'abonder les fonds consacrés à cette lutte, l'État devant pleinement jouer son rôle en complément des territoires et des collectivités.

Le frelon asiatique s'est implanté durablement sur le territoire national, il est illusoire de penser l'éradiquer. Il faut donc apprendre à vivre avec lui, en s'adaptant et en donnant aux apiculteurs les moyens de se protéger et de contenir le risque que cette espèce exotique envahissante représente pour leur activité. C'est tout le sens de ce texte et ma volonté en tant que rapporteur n'a été autre que celle du pragmatisme, de l'efficacité et de la coordination des bonnes volontés.

M. Jean-François Longeot, président. - Je me félicite qu'une fois encore ce soit le texte du Sénat qui ait été adopté conforme par nos collègues, démontrant ainsi la capacité du Sénat a être force de proposition et à convaincre du bienfondé de ses initiatives.

La réunion est close à 11 h 40.