- Mercredi 19 mars 2025
- Conséquences pour la création cinématographique des nouveaux engagements des diffuseurs au titre de la chronologie des médias - Audition de MM. Pierre Jolivet, président la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP), Alain Sussfeld, ex-directeur général du groupe Union générale cinématographique (UGC) et Mme Sidonie Dumas, directrice générale de Gaumont, du Bureau de Liaison des Industries Cinématographiques (BLIC), MM. Stéphane Demoustier, membre du conseil d'administration de la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) et co-président, Marc Missonnier, président de l'Union des producteurs de cinéma (UPC) et Édouard Mauriat, président du collège long métrage du syndicat des producteurs indépendants (SPI), du Bureau de Liaison des Organisations du cinéma (BLOC)
- Proposition de loi relative à l'exercice des missions des architectes des bâtiments de France - Examen des amendements au texte de la commission
Mercredi 19 mars 2025
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Conséquences pour la création cinématographique des nouveaux engagements des diffuseurs au titre de la chronologie des médias - Audition de MM. Pierre Jolivet, président la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP), Alain Sussfeld, ex-directeur général du groupe Union générale cinématographique (UGC) et Mme Sidonie Dumas, directrice générale de Gaumont, du Bureau de Liaison des Industries Cinématographiques (BLIC), MM. Stéphane Demoustier, membre du conseil d'administration de la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) et co-président, Marc Missonnier, président de l'Union des producteurs de cinéma (UPC) et Édouard Mauriat, président du collège long métrage du syndicat des producteurs indépendants (SPI), du Bureau de Liaison des Organisations du cinéma (BLOC)
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux consacrés aux grandes évolutions du paysage audiovisuel et cinématographique. Après l'audition du président de Canal+, Maxime Saada, organisée le 29 janvier et avant l'audition du nouveau président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), Gaétan Bruel, prévue le 2 avril, nous recevons aujourd'hui les représentants du Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC), du Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) et de la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (L'ARP).
Je remercie pour leur présence les invités suivants :
- pour le BLIC, Alain Sussfeld, ex-directeur général d'UGC et Sidonie Dumas, directrice générale de Gaumont ;
- pour le BLOC, Stéphane Demoustier, membre et co-président du Conseil d'administration de la Société des réalisateurs de films (SRF), Marc Missonnier, président de l'Union des producteurs de cinéma (UPC) et Édouard Mauriat, président du Collège Long métrage du Syndicat des producteurs indépendants (SPI) ;
- pour l'ARP, Pierre Jolivet, son président.
J'ai souhaité organiser cette table ronde rapidement, à un moment crucial pour la création cinématographique. Nous avons en effet pu entendre le 29 janvier dernier des propos assez vifs du président de Canal+ sur les relations de son entreprise avec les organisations du cinéma que vous représentez. L'accord sur la chronologie a été reconduit en des termes presque identiques, le 6 février, et étendu par arrêté le 9 février.
Cet accord, dont le contenu occasionne à chaque fois des débats passionnés, ne fixe cependant que les règles du jeu. Il appartient aux acteurs de la filière de s'accorder pour faire correspondre des engagements financiers dans le cinéma à des fenêtres de diffusion. Or ces fenêtres différenciées, qui font toute la force de notre modèle, sont essentielles pour les diffuseurs. Ces derniers peuvent proposer à leurs abonnés des films plus ou moins longtemps après leur distribution en salle et valoriser ainsi leurs médias.
Le président de Canal + a d'ailleurs beaucoup insisté sur ce point. Il a cependant mis en balance les 220 millions d'euros investis par son groupe dans le cinéma pour une diffusion à 6 mois, avec la proposition d'investissement de Disney, évaluée fin janvier à 35 millions d'euros, en échange d'une diffusion à 9 mois. Je vais le citer : « Nous attendons simplement que les investissements consentis soient proportionnés aux fenêtres de diffusion accordées. Si Disney est à 9 mois pour 35 millions d'euros, Canal+ ne peut pas être à 6 mois pour 220 millions d'euros. »
La situation a cependant évolué depuis, avec la signature d'accords de trois ans seulement, d'une part, avec Canal+, intégrant un investissement de 160 millions d'euros et une diffusion maintenue à 6 mois, et d'autre part, avec Disney comprenant un investissement d'une quarantaine de millions d'euros et une fenêtre de diffusion portée de 17 à 9 mois.
Il n'en reste pas moins que, comme son président l'avait laissé entendre, Canal + a bien réduit de façon assez significative son engagement dans le cinéma français.
Nous pouvons également nous interroger sur la fenêtre accordée à Disney, comparativement à celle de Canal+, alors que Disney s'est engagé pour des montants beaucoup moins importants.
Il nous sera donc utile de connaître votre analyse précise de la situation actuelle.
Nous serons également heureux de vous entendre, de manière générale, sur l'écosystème de la création française.
D'ailleurs, lors de l'examen des crédits, notre rapporteur Jérémy Bacchi nous a rappelé l'excellente santé de cet écosystème, en particulier par rapport aux autres pays européens. Ce rappel intervient après la publication du rapport consacré au cinéma rédigé par Jérémy Bacchi, Sonia de la Provôté et Céline Boulay Espéronnier.
Nous allons organiser notre table ronde selon différentes thématiques. Je vais inviter les intervenants à traiter successivement ces thématiques.
M. Pierre Jolivet, président de la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP). - Merci de me recevoir, monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs,
Avant que mes partenaires ne déclinent l'historique des accords récents et à venir, je poserai une première question. Pourquoi sommes-nous réunis aujourd'hui ? Pourquoi les invités mènent-ils des doubles vies ? Alors que nous écrivons des scénarios et que nous réalisons ou produisons des films, nous livrons bataille bénévolement pour préserver notre système vertueux. Pourquoi livrons-nous cette bataille ? Pour le comprendre, je vous propose de raconter brièvement la passionnante histoire du cinéma français, que la plupart d'entre vous connaissent. Cette mise en perspective me paraît toujours utile. Pour notre part, nous l'avons constamment en tête.
Avant la Seconde Guerre mondiale, le cinéma français, né du fameux cinématographe inventé par les frères Lumière, était le premier cinéma du monde. Après la guerre, dans le cadre du Plan Marshall, les États-Unis ont imposé à la France les premiers quotas culturels, obligeant la présentation de films américains dans les salles françaises.
En réponse, le Général de Gaulle et son ministre de la Culture, André Malraux, ont instauré une taxe sur chaque place de cinéma pour alimenter un fonds de soutien au CNC. Cette somme est reversée aux producteurs pour leurs prochains films, à condition que leurs sociétés soient françaises. Cette idée géniale perdure aujourd'hui. Ce fonds finance notamment l'éducation à l'image, qui participe à la formation de nos futurs spectateurs. Il soutient également la valorisation des salles de cinéma et le vivre ensemble dans nos agglomérations. Ce soutien a donc toute son importance.
J'en profite pour vous rappeler cette vérité simple : le cinéma français est financé dans son immense majorité par les spectateurs eux-mêmes, et non par les impôts payés par les citoyens français, comme nous pouvons, hélas, l'entendre trop souvent ! Nous nous inscrivons ainsi dans un cercle vertueux, où l'amont finance l'aval.
Par ailleurs, avec l'arrivée de la télévision, qui a fait chuter les entrées en salle tout en basant son succès sur la diffusion de films, la France a décidé qu'un petit pourcentage du chiffre d'affaires des sociétés de télévision serait investi dans le financement des films.
Ce système est appliqué à Canal+ et par les plateformes non linéaires américaines, grâce à la directive européenne Services de médias audiovisuels (SMA).
Ce principe résulte directement du concept d'exception culturelle, selon lequel les règles du commerce et la seule loi du marché ne peuvent pas s'appliquer à la culture. Lors des négociations du General agreement on tariffs and trade (GATT) de 1986-1994, l'exception culturelle française a été imposée de haute lutte par François Mitterrand et Édouard Balladur, alors en cohabitation, mais tous deux convaincus de son importance. De plus, le concept d'exception culturelle, inventé par la France, a été adopté via une charte de l'UNESCO par plus de 180 pays et institutions.
Nous sommes aujourd'hui les dépositaires de cette histoire et nous avons le devoir d'adapter constamment notre système vertueux pour en assurer la pérennité.
Aujourd'hui, un vent défavorable souffle d'outre-Atlantique, menaçant nos acquis qui ont fait de nous le deuxième cinéma mondial. Dans ce contexte, à l'heure où une Europe de la défense se construit, une Europe de la culture devient plus indispensable que jamais. En effet, l'absence de culture est le terreau fertile du populisme.
Ainsi, il est vital que les citoyens européens continuent à avoir pleinement accès à leurs propres cultures et à l'expression de leurs propres identités ou langues. Le cinéma et l'audiovisuel sont dans ce siècle de l'image les vecteurs les plus importants de la culture.
De plus, il est existentiel que cette culture ne soit pas formatée par les puissances extra-européennes, qui viseraient à nous endormir, ou à nous désinformer, à l'heure où les combats pour la liberté de l'Europe s'avèrent vitaux.
Collectivement, nous ne devrons pas accepter que nos systèmes vertueux puissent disparaître dans un troc commercial imposé par le président des États-Unis. Une telle perspective plongerait l'Europe des Lumières dans un obscurantisme propice à toutes les dérives anti-démocratiques.
La culture n'est pas une marchandise. Elle est l'essence de notre diversité européenne et fait partie intégrante de la conscience de chaque citoyen et de son humanité. Elle n'est donc pas négociable.
M. Stéphane Demoustier, co-président du BLOC, membre du Conseil d'administration de la société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF). - Pour compléter les propos de Pierre Jolivet, rappelons que Winston Churchill a augmenté le soutien alloué à la culture pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce choix avait étonné nombre de ses contemporains. Beaucoup de ses détracteurs s'en étaient offusqués. Il avait déclaré : « Si ce n'est pas pour la culture, pourquoi nous battons-nous ? » Il semble important que la puissance publique s'en souvienne dans les mois à venir.
La chronologie des médias est un pilier de l'écosystème du cinéma français. Elle met en place des fenêtres d'exposition des oeuvres séquencées dans le temps selon les diffuseurs. Un film est d'abord diffusé en salle, puis sur une chaîne de télévision payante, puis éventuellement, plus tard, sur une plateforme payante, et enfin sur une chaîne hertzienne gratuite. S'ajoutent également la vidéo à la demande et l'exploitation des DVD. Les délais sont définis pour chaque fenêtre de diffusion. Par exemple, les films sont diffusables 9 mois après la sortie en salle sur les chaînes payantes, à 17 mois sur les plateformes et à 30 mois sur les chaînes de télévision gratuites.
Ces délais peuvent toutefois être modifiés via la signature d'accords par les diffuseurs avec les acteurs de la profession. Ces accords incluent :
- un engagement d'investissement d'une part du chiffre d'affaires des diffuseurs dans le cinéma français ;
- des dispositions annexes comme des clauses de volume (engagement sur le soutien d'un nombre déterminé de films chaque année), ou des clauses de diversité (engagement pour le financement de films, dont les budgets sont inférieurs à un seuil déterminé, permettant d'éviter une concentration des financements vers les films aux plus gros budgets).
La chronologie des médias est régie par un accord interprofessionnel, adopté par les principaux acteurs de la diffusion (Canal+, TF1, Disney, France Télévisions) et par les acteurs de la profession du cinéma (BLIC, BLOC, ARP). La dernière version de l'accord date de 2022 et a été renouvelé en 2025.
L'ensemble des acteurs de la profession, acteurs indépendants, ou grands groupes, revendiquent ensemble la chronologie des médias. Elle favorise la diversité culturelle, dans toute sa richesse. Elle bénéficie également à tous les types d'oeuvres, qu'il s'agisse de films grand public ou de films de recherche, également nécessaires.
Ce système présente trois avantages majeurs. Tout d'abord, il offre des leviers de financement précieux pour le cinéma français. Canal+ offre ainsi des financements en contrepartie d'une diffusion de films 6 mois après leurs sorties en salle, en vertu d'un accord. Les chaînes hertziennes payent également des contributions pour la diffusion des oeuvres. Ces leviers de financements précieux donnent de la vitalité au cinéma français.
De plus, l'attractivité des salles est préservée. Nous pensons tous que la salle est essentielle, pour des raisons économiques - les salles constituent un vivier d'emplois dans les territoires - , pour des raisons sociales ou sociologiques - les salles sont des lieux de vie merveilleux - et enfin pour des raisons culturelles : nous convenons collectivement qu'il n'existe pas de meilleurs lieux que les salles pour faire vivre des films et pour vivre les films. Protéger les salles paraît une évidence en France, le parc étant vaste. Il existe une culture de la salle.
Dans les années 1970, en Italie, les salles attiraient 375 millions de spectateurs par an, contre 70 millions aujourd'hui. En France, près de 200 millions de spectateurs fréquentent les salles chaque année. En Allemagne, ils sont 95 millions. Il existe peu de secteurs économiques où la France affiche une telle avance. D'ailleurs, en Allemagne, seuls 16 % des films diffusés chaque année dans les salles sont allemands, contre 44 % en France. Notre système fonctionne grâce à une volonté politique collective.
Enfin, le fait que les films naviguent, voguant entre la salle, les chaînes payantes et les chaînes gratuites, garantit une large accessibilité des films. Les publics cinéphiles verront ces films en salle, dont les jeunes participant aux dispositifs de l'éducation à l'image. Les abonnés de Canal+ pourront les voir dans un second temps. Ils pourront également être vus en famille sur une chaîne hertzienne. A contrario, un film ou une série unitaire, produit par une plateforme, ne sera visible que sur la plateforme en question. L'accessibilité des productions cinématographiques est essentielle et la chronologie des médias en est garante.
M. Laurent Lafon, président. - Disney, qui n'était pas signataire, en 2022, du précédent accord régissant la chronologie des médias, a finalement trouvé un accord cette année.
M. Édouard Mauriat, président du Collège Long métrage du syndicat des producteurs indépendants (SPI). - Je vous présente le cas pratique de la négociation de l'accord signé avec Disney+ le 27 janvier 2025. Cet accord est rétroactif au 1er janvier 2025 et valable jusqu'à fin 2027.
Le cas de Disney+ constitue une première dans l'application du décret du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). L'accord signé entraînera une évolution majeure du modèle de diffusion de la plateforme de Disney+. Il comporte également de nouveaux engagements en faveur du financement de la création cinématographique européenne.
Depuis trois ans, Disney+, plateforme étrangère visant le marché français, a opéré dans le cadre du décret SMAD de juillet 2021 et de la chronologie des médias de janvier 2022. Cette plateforme avait opté dès le départ pour un modèle centré sur l'audiovisuel. Sa convention signée avec l'Arcom l'obligeait à investir 16 % de son chiffre d'affaires français dans l'audiovisuel et 4 % dans le cinéma.
Notons que les obligations issues du décret SMAD s'avèrent très proches de celles appliquées aux grandes chaînes généralistes gratuites de la TNT, qui doivent investir 15 % de leurs chiffres d'affaires dans le développement de la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française (EOF), et 3,2 % dans le cinéma, en application du décret du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.
De plus, la place de Disney+ dans la chronologie des médias était à 17 mois après la sortie en salle, soit une fenêtre de diffusion proche du délai de 22 mois appliqué aux grandes chaînes gratuites.
Toutefois, Disney+ n'avait pas signé d'accord avec le cinéma français. Disney+ n'avait pas non plus signé l'accord de 2022 régissant la chronologie des médias. Pour autant, Disney+ avait signé un accord stratégique avec le groupe Canal+, qui achetait et diffusait tous les films de Disney 6 mois après leurs sorties en salle. Canal+ distribuait aussi de manière exclusive la plateforme Disney+ et les chaînes linéaires du groupe Disney.
Or, le 4 novembre 2024, Disney France a annoncé la fin de ce contrat d'exclusivité. Privé d'alternative sur le marché français, Disney s'est donc tourné vers les organisations du cinéma et a sollicité l'ouverture de négociations dans un délai extrêmement court.
Disney nous a affirmé que partout en Europe, l'exploitation en salle valorisait ses oeuvres lors de leurs diffusions sur la plateforme. Leur objectif initial était donc d'obtenir une fenêtre de diffusion à 6 mois, en concurrence directe avec Canal+.
Cependant, un tel changement nécessitait à la fois un accord avec le secteur du cinéma, mais aussi le respect des principes d'équité de la chronologie des médias. En particulier, l'engagement financier en faveur du cinéma devait être plus élevé et proportionnellement comparable à celui de Canal+.
Dans un premier temps, l'Arcom et Disney+ ont convenu d'un nouveau taux global d'investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique, prévu dans le décret SMAD, de 25 %, pour une place à moins de 12 mois après la sortie de salle. Ces 25 % devaient être répartis entre soutien au cinéma et aux oeuvres audiovisuelles, selon trois critères de comparaison appréciés par l'Arcom : la mise en valeur des oeuvres, le catalogue et la consommation des oeuvres.
Nous, les organisations du cinéma, contestons l'usage de ces critères, qui privent les opérateurs de la liberté de choix de leurs modèles. Nous nous interrogeons également sur la mise en place d'un taux unique d'obligation d'investissements pour les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. En effet, ces deux mécanismes n'existent pas dans les autres décrets. Ces vases communicants ont provoqué beaucoup de tensions dans l'univers de la création française entre Noël et le Jour de l'An.
Finalement, l'Arcom a tranché en faveur d'une répartition équilibrée, avec une montée en charge légèrement favorable au cinéma : 14 % pour le cinéma et 11 % pour l'audiovisuel.
De plus, le décret SMAD ne fixe pas de place automatique dans la chronologie et laisse aux organisations du cinéma le soin de la déterminer par accord.
Afin de garantir une concurrence juste et une équité entre les différents opérateurs, la place de Disney+ s'est imposée en tenant compte des décrets existants. Ainsi, un investissement de 14 % dans le cinéma correspond à une fenêtre de diffusion à 9 mois, conformément aux règles appliquées aux acteurs du câble, du satellite et de la TNT.
Voyons donc comment et pourquoi l'évolution du modèle de Disney+ lui a permis de se situer à 9 mois dans la nouvelle chronologie 2025-2027. Bien loin du principe d'un appel d'offres, le cinéma français applique un principe d'équité fondé sur le pourcentage d'investissements dans le cinéma.
De plus, l'accord négocié avec Disney+ ne se limite pas à un changement de chronologie. Il représente également un engagement financier inédit en faveur de la création française et européenne.
Cependant, un obstacle demeure : nous ne connaissons pas précisément le chiffre d'affaires de Disney+ en France. Cet inconnu complique nos négociations. Protégées par un secret des affaires probablement excessif, les données disponibles reposent sur les déclarations de Disney.
Pour autant, un minimum garanti a été fixé à 115 millions d'euros sur trois ans pour le cinéma, soit 38 millions par an en moyenne, et à 90 millions pour l'audiovisuel, toujours sur trois ans, soit un total de plus de 215 millions sur trois ans alloués à la création française.
Pour rappel, la puissance publique a donné une définition stricte de l'indépendance en matière de cinéma, afin d'assurer la liberté des auteurs et des producteurs dans leurs propositions créatives face aux diffuseurs. Les trois quarts des investissements de l'obligation de Disney+ doivent être engagés sur des films n'ayant aucun rapport avec le studio Disney.
La diversité, valeur essentielle de notre modèle de production française, aux succès nationaux et internationaux éclatants, est dans cet accord assurée par trois clauses, à savoir :
- une clause de volume, qui garantit 70 films sur trois ans, soit au moins 23 films par an ;
- une clause de diversité, avec 17 % de l'obligation d'investissements dirigée vers des films aux budgets de moins de 4 millions d'euros, un seuil qui favorise le renouvellement des auteurs, des comédiens et des techniciens ;
- une clause de diversité de genres, avec 8 % de l'obligation d'investissement dirigée vers l'animation et 2 % vers le documentaire.
Avec ces différents mécanismes, cet accord permet donc de maintenir la valeur de la première fenêtre d'exploitation payante. En effet, les investissements moyens par film en préachat de Disney+, qui investira une trentaine de millions d'euros pour 23 films, seront très proches de ceux du groupe Canal+.
En conclusion, à l'issue de cette négociation dans un temps très contraint, Disney signe pour la première fois de son histoire la chronologie des médias. De plus, Disney+ investit 25 % de son chiffre d'affaires dans la création française et européenne, avec une part majoritaire dans le cinéma. En outre, Disney+ ne peut pas concentrer ses investissements sur des films Disney, ni même sur un petit nombre de films, grâce aux clauses d'indépendance et de diversité.
Finalement, cet accord illustre la capacité de régulation de notre modèle et la force du décret SMAD dans la préservation de notre diversité culturelle.
Cependant, il en révèle aussi certaines limites, qui donneront lieu, je l'espère, à des améliorations, pour assurer toujours plus d'équité et de transparence dans le financement de notre création cinématographique.
M. Alain Sussfeld, ex-directeur général du groupe Union générale cinématographique (UGC). - Je vais vous narrer le feuilleton de la négociation menée avec Canal+.
Tout d'abord, je tiens à préciser que nous n'avons pas refusé l'offre d'un milliard d'euros. Il aurait été stupide de refuser une telle offre. En revanche, nous avons été confrontés à la demande légitime de Canal+ de conclure un accord sur cinq ans, recherchant un investissement à moyen terme, dans une logique industrielle.
Nous avions accepté cette durée. Néanmoins, Canal+ souhaitait également étendre l'accord de la chronologie des médias sur la même durée. En effet, sans cette extension, l'accord ne serait pas opposable aux tiers qui ne l'auraient pas signé, sur la même base de fonctionnement que celle des conventions collectives.
Le principal problème posé par cette demande d'extension ne renvoyait pas à des questions d'ordre législatif. Certes, le décret SMAD ne permet pas de dépasser une durée de trois ans, mais une modification de cette durée aurait peut-être pu être obtenue. En fait, pour que la chronologie soit validée, il est nécessaire que les autres opérateurs la signent. Or ni les chaînes de télévision gratuite ni les opérateurs de SMAD n'étaient prêts à s'engager sur cinq ans. Par conséquent, nous n'avons pas eu le choix. Nous en avons été désolés. Pouvoir porter cette durée à cinq ans aurait facilité la négociation menée avec Canal+ et aurait réduit le temps que nous y avons consacré.
De nouveau, je souligne que nous n'avons pas refusé le milliard d'euros. Hélas, nous avons été conduits à raisonner autrement.
Par ailleurs, le contexte de la négociation avec Canal+ était marqué par trois éléments importants. Tout d'abord, il faut compter sur la rupture entre Canal+ et Disney, qui résulte de l'évolution de la relation entre les groupes Canal+ et Disney et dont nous ne sommes pas responsables. Cette rupture génère une obligation concurrentielle et réglementaire.
De plus, sans tirer de conséquences significatives, il est incontestable que la cotation de Canal+ à Londres modifie notre perception complète à long terme sur le devenir du groupe. Nous prenons acte de cet élément.
En outre, il convient de relever l'abandon par Canal+ des fréquences hertziennes, à compter du 1er juillet. Ce choix se traduit par une modification de l'environnement réglementaire de Canal+, qui passe de la réglementation hertzienne à la réglementation Cable et Satellite. Cette réalité juridique est complexe. Dans ce cadre, Canal+ a la possibilité d'être sur une fenêtre de diffusion à 9 mois, moyennant l'investissement de 14 % de son chiffre d'affaires dans le cinéma. Canal+ peut également se situer à 6 mois, à condition de trouver un accord avec les professions.
L'évolution de la situation aux États-Unis constituait de surcroît pour nous un enjeu majeur. Nous avons anticipé la politique de Donald Trump dès les mois d'octobre, novembre et décembre 2024, sans avoir pour autant imaginé la complexité de la situation actuelle.
Nous avions donc pour objectif de stabiliser l'accord français, en signant un accord avec un opérateur historique, dont la contribution et la fidélité au secteur est incontestable. Ces différents éléments nous ont conduits à négocier.
L'accord signé porte sur une durée de trois ans. Il est normal qu'un opérateur qui perd une partie de son exclusivité de fenêtre voie ses obligations réduites.
Les 220 millions d'euros investis au 31 décembre 2024 ne sont plus à l'ordre du jour pour 2025. En effet, il est nécessaire de tenir compte de l'acquisition d'OCS, qui a aujourd'hui fusionné avec Ciné+. Les 10 millions d'euros évoqués correspondaient à une indemnité de retard de Canal+ soldée au 31 décembre 2022. Ainsi, à périmètre constant, il n'est plus question de 220 millions d'euros, mais de 190 millions d'euros. En pratique, le cinéma français « perd » 30 millions d'euros. Pour autant, sur ce montant, 24 millions d'euros sont « récupérés » chez Disney, dont la contribution moyenne passera de 14 millions d'euros à 38 millions en moyenne sur trois ans.
Par ailleurs, le secteur a également négocié avec les chaînes hertziennes et avec les autres opérateurs. De plus, Netflix, qui a investi 51 millions d'euros en 2024, investira probablement davantage en 2025, au regard de l'évolution de son activité. Enfin, nous avons négocié une augmentation des contributions des opérateurs gratuits.
Finalement, notre objectif a été de stabiliser les flux au bénéfice du secteur, en intégrant progressivement des opérateurs nouveaux, comme cela est imposé par la loi et par l'autorité de la concurrence. Ce faisant, nous avons conservé avec Canal+ une relation privilégiée, mais non exclusive.
M. Marc Missonnier, président de l'Union des producteurs de cinéma (UPC). - Pour compléter le paysage, il convient de mentionner l'accord signé avec France Télévisions en mai 2024, pour une durée de cinq ans et s'étendant jusqu'à fin 2028, ainsi que l'accord conclu avec TF1, pour une durée de trois ans et avec une échéance à fin 2027.
Les négociations ont été menées par une task force mandatée par les organisations du cinéma BLIC, BLOC et ARP. Elles visaient à permettre aux chaînes gratuites de développer leurs offres de cinéma sur leurs plateformes non linéaires respectives, à savoir France.tv pour France Télévisions et TF1+ pour TF1. Ces accords prévoient une extension des droits de télévision de rattrapage de 7 à 30 jours, ainsi que la possibilité d'acquérir des droits de diffusion exclusivement pour le non linéaire, c'est-à-dire la vidéo gratuite à la demande avec publicité.
Dans ces négociations, nous avons cherché à permettre au public d'accéder aux oeuvres cinématographiques plus facilement et plus largement, à accompagner la transformation du modèle économique des opérateurs, qui voient développer leurs plateformes avec une offre non linéaire sur le cinéma et enfin à maîtriser le développement de la diffusion gratuite du cinéma pour éviter une diffusion massive des oeuvres qui conduirait vers leur dévalorisation.
En contrepartie, les groupes TF1 et France Télévisions se sont engagés à investir davantage dans la création française et européenne. Contrairement aux prédictions pessimistes faites lors de la naissance des plateformes non linéaires, le cinéma est plus que jamais présent sur les antennes linéaires et sur les plateformes des chaînes gratuites. Nous nous en réjouissons.
Par ailleurs, nous sommes actuellement en négociation avec le groupe M6 pour un accord similaire à celui conclu avec TF1.
Venons-en aux autres plateformes, soit essentiellement Netflix et Amazon Prime Video. Netflix a signé un accord avec les organisations cinématographiques en 2021, pour trois ans. Cet accord n'ayant pas été dénoncé avant son terme, prévu pour fin 2024, il a été prolongé d'une année supplémentaire, jusqu'à fin 2025.
Nous avons donc jusqu'à fin 2025 pour nous accorder avec Netflix. L'accord qui court actuellement permet à Netflix de diffuser les films de cinéma 15 mois après leurs sorties de salle au lieu de 17 mois en l'absence d'accord, en échange d'une contribution correspondant à 4 % du chiffre d'affaires, allouée au cinéma, soit le minimum exigé par le décret SMAD. Cette contribution est assortie d'une clause de diversité protégeant les films à petit budget de moins de 4 millions d'euros, comme dans les accords des autres opérateurs.
Pour le prochain accord, Netflix souhaite avancer le délai de diffusion à 12 mois. Cependant, la contrepartie d'une avancée dans la chronologie des médias est une contribution plus importante pour le cinéma. Jusqu'à présent, Netflix ne souhaite pas contribuer au-delà du minimum de 4 % prévu dans le décret. Nous n'avons donc, à ce jour, pas pu aboutir à un accord. Pour autant, nous poursuivons les discussions. Nous espérons trouver un compromis avec Netflix, qui a été la première plateforme américaine à signer un accord avec le cinéma français et a également été le premier opérateur américain à signer la chronologie des médias, en 2021.
Amazon Prime Video, sans accord avec le cinéma, est positionné à 17 mois après la sortie en salle. La définition de l'assiette du calcul des obligations d'investissements d'Amazon a fait l'objet d'une discussion entre Amazon et l'Arcom, compte tenu du caractère composite de son chiffre d'affaires. Ainsi, une contribution forfaitaire de 40 millions d'euros allouée aux oeuvres cinématographiques et audiovisuelles a finalement été retenue. Puis, lors de la signature de sa convention avec l'Arcom, Amazon a fixé une répartition pour l'affectation de ce montant, en allouant 8 millions d'euros au cinéma.
Les équipes d'Amazon Prime Video ont souhaité avancer à 12 mois dans la chronologie des médias. Elles semblent prêtes à envisager une contribution supérieure au minimum prévu par le décret SMAD. Cette discussion est en cours.
Nous regrettons que les déclarations de chiffre d'affaires des diffuseurs auprès de l'Arcom, et en particulier celles des plateformes de Canal+, ne soient pas communiquées a minima aux organisations en charge des négociations. En effet, ce chiffre d'affaires constitue l'assiette de calcul des obligations d'investissements des diffuseurs. Nous négocions donc à l'aveugle. Pourtant, il existe des moyens de résoudre cette difficulté très handicapante.
Par ailleurs, il convient de signaler que l'accord passé avec Canal+ tient compte de l'environnement concurrentiel existant à la date de sa signature. La seule plateforme en concurrence avec Canal+ sur sa première fenêtre prise en compte est Disney+. Si cet environnement venait à changer, l'accord pourrait logiquement être remis en question, avant le terme des trois ans.
M. Alain Sussfeld. - Canal+ peut résilier l'accord.
M. Marc Missonnier. - Cette clause a été retenue pour les motifs légitimes que je viens d'exposer.
Pour autant, nous pouvons relativiser le poids de Canal+, qui demeure malgré tout un acteur essentiel de la création et verse la contribution la plus importante pour le cinéma. Afin d'assurer, sur le long terme, un financement pérenne de la création cinématographique, la task force, ici présente, a récemment signé un ensemble d'accords interprofessionnels avec les diffuseurs, aboutissant à une obligation d'investissements de 425 millions d'euros. Celle de Canal+ est de 160 millions d'euros.
Nos négociations visent à préserver la diversité de la création française et européenne, maintenir l'indépendance du secteur grâce à un niveau élevé de préfinancement, et assurer un niveau d'activité nécessaire au maintien et au renouvellement des compétences et des talents du cinéma français.
Par ailleurs, la task force mène ses négociations en concertation avec le secteur, qui l'a mandaté. Notre seule boussole est l'intérêt général du cinéma. Nous cherchons à préserver la diversité de la création française et européenne, maintenir l'indépendance du secteur grâce à un niveau élevé de préfinancement, et assurer un niveau d'activité nécessaire au maintien et au renouvellement des compétences et des talents du cinéma français.
Mme Sidonie Dumas, directrice générale de Gaumont. - Les cinq interventions montrent la compétence, le talent et la combativité de la profession, utiles et nécessaires pour perpétuer notre modèle, qui repose sur un écosystème atypique et complexe. Ceux qui le critiquent le méconnaissent souvent.
Deux points de vigilance supplémentaires, non cités dans les interventions, concernent le géoblocage, dont les règles sont établies par la Commission européenne, et l'avenir de la directive SMA, qui régente les plateformes.
En tout état de cause, notre modèle est unique. En effet, il est structurant, il sanctuarise la salle de cinéma et met en avant la diversité. Il montre sa grande capacité à évoluer, année après année, en s'adaptant aux nouvelles technologies, en faisant place aux nouveaux entrants, nouveaux partenaires potentiels. Pour le conserver, nous avons besoin du soutien des pouvoirs publics, du Sénat, de l'Arcom, du CNC et d'une profession unie et forte. C'est l'essence même de l'exception culturelle à la française.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - Je vous remercie toutes et tous pour vos interventions. Merci d'avoir rappelé l'originalité et la particularité de notre cinéma et de l'exception culturelle française. Vous avez rappelé l'importance de la consolidation de ce modèle, dans le contexte international actuel. Comme le soulignait Pierre Jolivet, ce modèle est vertueux. Il nous permettra sans aucun doute de dépasser les 200 millions d'entrées en salle dans les années à venir.
La décision d'avoir repoussé, selon son président, la reconduction de l'accord de 220 millions d'euros avec Canal+, participe-t-elle à une stratégie de désensibilisation à ce groupe ? En d'autres termes, le cinéma français a-t-il choisi de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier ? Je note qu'Alain Sussfeld a en partie déjà répondu à cette question.
Avez-vous en tête un montant cible d'investissement dans le cinéma français ? À quel résultat pensez-vous pouvoir parvenir ?
Lors de son audition, le président de Canal+ a plusieurs fois laissé entendre que l'engagement de son groupe dans le cinéma pourrait être remis en cause, comme il avait pu le faire dans le passé pour le football. Certes, depuis cette audition, vous êtes bien parvenus à un accord, mais avez-vous senti à un moment dans les négociations avec le groupe que toute la politique de Canal+ pourrait, à moyen terme, être remise en cause ?
De plus, un autre sujet de friction apparaît, à savoir l'annonce le 25 septembre dernier du lancement par l'Autorité de la concurrence d'une enquête sur d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la télévision payante et de l'acquisition des oeuvres cinématographiques. Avez-vous été entendus par l'Autorité et voyez-vous cette investigation comme une menace pour notre système ?
Enfin, je poserai une dernière question sur un sujet que nous avions traité dans notre rapport sur le cinéma, à savoir celui de la fenêtre de téléchargement définitif à 3 mois, qui aurait bénéficié aux acteurs français. Cette idée n'a finalement pas été retenue dans la nouvelle chronologie et n'a même pas fait l'objet d'une expérimentation. Pensez-vous que le débat soit d'ores et déjà clos, et seriez-vous éventuellement favorables à cette nouvelle fenêtre ?
M. Laurent Lafon, président. - Le rapporteur en charge de l'audiovisuel, Cédric Vial, étant absent, ses questions seront posées par Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - J'interviens en mon nom, puis dans un second temps au nom de mon collègue Cédric Vial, qui devait nous rejoindre.
Lors du confinement, les studios de production avaient pensé remettre en cause le monopole des salles de cinéma et tendaient à vouloir réserver la diffusion des films aux plateformes. Je pense notamment au film Mulan de Disney. Depuis lors, nous avons connu un regain de vitalité de la filière du cinéma français et des salles. Je souhaite connaître votre avis sur ce modèle qui permet de faire connaître les oeuvres dans les salles. Ce risque est-il écarté ? Comment voyez-vous l'avenir de la filière et de la salle de cinéma ?
Par ailleurs, Cédric Vial souhaitait poser une question concernant nos relations outre-Atlantique avec l'administration de Donald Trump, très critique sur les obligations d'investissements et sur les taxes imposées aux plateformes américaines au sein de l'Union européenne, et notamment en France. Craignez-vous des mesures de rétorsion ? Ces critiques pourraient-elles avoir une influence sur la renégociation de la directive SMA, voire sur les accords déjà conclus avec les plateformes américaines ?
Cédric Vial voulait également poser une seconde question. Les nouveaux engagements des diffuseurs en matière de financement du cinéma s'inscrivent dans le cadre de la chronologie des médias. Or, la création audiovisuelle hors cinéma (feuilletons, séries, programmes de flux) repose sur un modèle différent. Dans quelle mesure les nouvelles obligations influencent-elles l'équilibre global du financement de l'audiovisuel, s'agissant des engagements des diffuseurs dans des programmes autres que le cinéma ?
M. Alain Sussfeld. - Vous évoquez une approche polémique qui fait toutefois florès. Le report de la reconduction de l'accord conclu avec Canal+ a marqué tout le monde. Néanmoins, je pense que personne n'a cru à cette approche, pas même Maxime Saada, pour quelques raisons simples.
Tout d'abord, Disney est à l'origine de la difficulté de la relation entre Canal+ et Disney. Nous n'y sommes pour rien. De notre côté, nous devons seulement répondre à des obligations d'intégration. Nous n'avons pas pris d'initiative sur ce sujet.
De plus, malgré l'ensemble des déclarations , qui m'ont paru contestables, nous nous sommes refusés à toute déclaration publique. En effet, notre objectif initial consistait à signer un accord avec Canal+. Nous ne pouvons donc pas faire de comparaison avec la stratégie adoptée par Canal+ pour le football.
Enfin, la proposition de un milliard d'euros sur cinq ans correspond à l'affectation à la production cinématographique française de 20 % du chiffre d'affaires généré par les diffusions. Les droits reversés pour pouvoir diffuser des matchs de football correspondent plutôt à 70 ou 80 % du chiffre d'affaires ! Ne mélangeons pas tout.
Mme Sidonie Dumas. - Les plateformes, comme Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, adoptent toutes des stratégies différentes vis-à-vis des salles de cinéma. Ces stratégies ne sont pas comparables.
Il y a deux ans, dans un bras de fer, Disney+ a menacé de retirer l'intégralité de ses projets des salles de cinéma, pour les réserver à sa plateforme. Néanmoins, Disney s'est aperçu que le passage en salle constituait une plus-value pour ses films. Disney a eu conscience de la nécessité de faire appel aux cinémas.
En tout état de cause, les plateformes ont généralement reconnu le caractère unique de la salle de cinéma. Ainsi, je pense que nous avons gagné la bataille de la sanctuarisation de la salle.
M. Stéphane Demoustier. - Au nom des cinéastes, je me permets de revenir sur la négociation menée avec Canal+, à laquelle la SRF a participé.
Les adhérents de la SRF mettent souvent en avant le fait qu'historiquement, et encore actuellement, Canal+ est le diffuseur qui sait le mieux mettre en valeur les films et leurs réalisateurs. Les réalisateurs en ont très bien conscience. Or ces derniers ne sont pas même répertoriés dans les plateformes.
Nous avons conscience du savoir-faire historique de Canal+ et de ses équipes. Nous avions donc particulièrement à coeur qu'un accord soit trouvé et nous nous sommes réjouis lorsqu'il l'a finalement été.
M. Pierre Jolivet. - Je voudrais souligner deux points importants concernant Disney+ et Canal+. Disney+ nous a approchés, comme l'a expliqué Alain Sussfeld, en nous informant que ses études montrent que le cinéma est la première raison d'abonnement pour ses abonnés. Il en est de même pour Canal+, qui le reconnaît. Ainsi, la production d'oeuvres cinématographiques diffusées en salle est un facteur clé pour attirer des abonnés vers ces plateformes.
De plus, le cinéma est magique, pour être, contrairement à l'audiovisuel, le lieu du prototype et de la création. Les oeuvres cinématographiques créées ne correspondent pas nécessairement aux envies du marché.
Je pense par exemple à Un p'tit truc en plus, un film consacré au handicap, ou encore à Anatomie d'une chute, le film de Julie Triet au succès international. Personne n'aurait misé a priori sur ces scénarios.
Le cinéma, du fait de la chronologie des médias, est financé par plusieurs personnes et institutions. Les producteurs prennent des risques personnels. Les producteurs achètent les droits des scénarios et perdent leur argent si les films n'aboutissent pas. Les producteurs qui ont acquis les droits de scénarios recherchent des partenaires.
La multiplicité des partenaires (partenaires payants, partenaires gratuits, distributeurs, régions) fait que le producteur et le réalisateur demeurent les maîtres du jeu. Dans l'audiovisuel, nous ne comptons qu'un seul financier, un seul opérateur, qui met la main sur la création. Ce dernier aura naturellement plus de contrôle, puisqu'il fournit presque tout l'argent. Des séries formidables peuvent toutefois émerger dans l'audiovisuel. En particulier, des séries françaises peuvent faire le tour du monde.
Finalement, l'essence même du cinéma repose sur la création d'un producteur et d'un auteur, qui s'emparent d'un sujet, même lorsque personne n'en veut. Ils racontent quelque chose qui leur paraît essentiel. À la surprise de tous, leurs films ont parfois un succès formidable. Évidemment, il existe une déperdition. Dans toutes les formes de créations et de prototypes, nous rencontrons 80 % de pertes, toutes expressions artistiques confondues. Il est donc bien normal que ce taux existe au cinéma. Il n'est pas possible de produire uniquement le cinéma qui marche.
Enfin, les Américains, via Donald Trump, nous livrerons une lutte impitoyable. Nous avons reçu hier des documents inquiétants de la Motion Picture Association (MPA), qui rassemble l'industrie américaine et qui s'inscrit en droite ligne derrière le président des États-Unis.
Je me rends souvent aux États-Unis pour rencontrer les acteurs américains du cinéma. Je me permets donc de rappeler qu'en l'absence de Centre national du cinéma américain, nous n'avons pas d'information sur le nombre d'entrées de leurs films ni sur le nombre de films réalisés. Les Américains produisent beaucoup plus de films que nous. Si nous disposions des bonnes données, nous constaterions certainement que les films américains affichent un taux de réussite inférieur à 20 %. Ils comptent, comme nous, 80 % de mauvais films, ou de films réussis n'ayant pas trouvé leur public. En ne recevant en France que les films américains les plus réussis, nous pouvons avoir une fausse impression de leur supériorité.
M. Alain Sussfeld. - Je reviens sur la problématique des salles de cinéma. Lors de la crise du covid, nous avons fait face à l'immense risque que les compagnies américaines abandonnent la production de films pour les salles de cinéma.
Disney a adopté cette stratégie. Cependant, son choix a occasionné la chute de son président, une perte de 8 milliards d'euros et une baisse de 40 % de sa cotation boursière. Puis, le précédent président de Disney a été rappelé et a remis le cinéma au centre du modèle économique de l'entreprise.
Ainsi, le film Vice-versa 2, initialement envisagé uniquement pour les plateformes, a rapporté plus d'un milliard de dollars uniquement en salle de cinéma, avec une pérennité formidable dans les médias et dans les parcs d'attractions. Ce business consiste à valoriser par la salle de cinéma l'ensemble de la diffusion audiovisuelle, tous supports confondus.
Les compagnies américaines avaient remis en cause cette logique, mais elles sont aujourd'hui toutes convaincues de l'importance stratégique de la salle, qui constitue un élément de valorisation à long terme de l'ensemble de leur portefeuille.
D'ailleurs, les enjeux de portefeuilles sont importants, y compris en Europe et en France. En la matière, nous défendons systématiquement la politique d'achat des diffuseurs. Nous considérons que faire continuer à vivre les portefeuilles des films anciens revêt un enjeu culturel majeur. Cet élément entre en compte dans nos négociations, y compris dans celle menée avec Canal+.
M. Marc Missonnier. - Je reviens sur la question de la pérennité du cinéma sur Canal+. Vous vous demandiez si ce modèle demeurera orienté autour du cinéma.
Maxime Saada indique lui-même que le cinéma est le premier motif d'abonnement. Il est très consommé sur MyCanal et sur les différentes antennes de Canal+. Il est actuellement au centre de la programmation de Canal+.
Votre question devrait plutôt être posée à Canal+. Il ne nous semble pas que l'orientation de Canal+ est appelée à changer dans les années à venir. Pour autant, nous ne pouvons pas prédire l'avenir.
Néanmoins, la stratégie d'agrégation poursuivie par Canal+ depuis un certain nombre d'années montre ses limites. En effet, les services agrégés peuvent parfois quitter Canal+, comme Disney+. Les autres services encore agrégés par Canal+, comme Netflix, peuvent décider de reprendre leur liberté. Nous sommes donc convaincus qu'il est de l'intérêt de Canal+ de disposer de programmes en propre, d'une exclusivité sur certains programmes, et en particulier sur des films de cinéma. Nous espérons que l'ADN de la présence du cinéma sur Canal+ restera présent.
Je reviens maintenant à votre question portant sur l'enquête de l'Autorité de la concurrence. Nous ne connaissons pas le calendrier des conclusions de l'Autorité ni leur teneur.
L'Autorité cherche toutefois à savoir si Canal+ bénéficie et use d'une situation de position dominante. Pour autant, il semble que cette question trouve en partie une réponse dans l'accord signé avec Disney+.
En effet, nous avons montré que le système de la chronologie des médias et des accords permet aux opérateurs qui souhaitent investir davantage dans le cinéma d'avancer dans la chronologie. Les opérateurs peuvent ainsi bénéficier d'une meilleure situation concurrentielle vis-à-vis de Canal+.
Mme Laurence Garnier. - Je vous remercie pour votre présentation du financement du cinéma français. Je souhaite revenir sur l'historique présenté par Pierre Jolivet. L'intervention des régions dans le financement du cinéma a très peu été évoquée.
Aujourd'hui, un certain nombre de problématiques budgétaires se posent à ces collectivités, dans le cadre plus large des contraintes de la dépense publique française. Dans ce contexte, je souhaite connaître votre regard sur l'avenir du financement du cinéma français par les régions, compte tenu des contraintes financières auxquelles font face ou feront face nos collectivités régionales.
J'ai eu la chance d'avoir été, il y a un peu moins de dix ans, vice-présidente en charge de la culture de ma région. Les élus voyaient à cette époque l'investissement dans le cinéma d'une part, comme une vitrine de leurs territoires, notamment sur le plan touristique, et d'autre part, comme un investissement économique. Nous estimions qu'un euro investi générait des retombées économiques de trois euros sur un territoire. En définitive, nous recherchions davantage des retombées pour l'emploi et le tourisme, qu'un équilibre économique pour le cinéma français.
Mme Sylvie Robert. - Je remercie Pierre Jolivet d'avoir rappelé que la France a la chance de bénéficier d'un système vertueux qui finance le cinéma français. Vous avez rappelé que nos concitoyens ont retrouvé les salles et que le cinéma se porte bien. Un certain nombre de films français ont rencontré un grand succès. Ainsi, il nous appartient de le protéger et d'assurer sa pérennité.
Vous avez également évoqué le dispositif pédagogique de l'éducation à l'image, porté par le CNC. Or ces dispositifs sont en proie à d'importantes difficultés dans certaines régions et même supprimés dans quelques départements. J'ai toutefois la chance de résider dans une région, la Bretagne, qui considère que la culture est essentielle. Malgré ses difficultés budgétaires, elle maintient ses choix politiques opérés en faveur de la culture, et en particulier du cinéma.
Je souhaite vous poser trois questions.
Canal+ a diminué ses investissements de 16 % en matière cinématographique, après le repositionnement de Disney+ à 9 mois dans la chronologie des médias. Avec le repositionnement stratégique de Canal+ et les perspectives esquissées par la chaîne, qui deviendra vraisemblablement une plateforme, et le potentiel raidissement des plateformes américaines dans le contexte géopolitique actuel, comment envisagez-vous la renégociation de l'accord de 2027 ? Cette renégociation pourrait d'ailleurs se dérouler plus tôt, si Canal+ changeait de statut d'ici là. Surtout, est-ce que vous vous y préparez ?
Par ailleurs, je souhaite savoir si vous êtes inquiets de l'issue du recours intenté par Netflix contre le décret SMAD belge, qui fixerait, selon la plateforme, des obligations de financement disproportionnées. Craignez-vous que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) interprète limitativement la directive SMA, dont la révision est prévue pour 2026, et fasse de nouveau primer le principe de pays d'origine établi par la directive sur le commerce électronique ? J'ajoute que la régulation des plateformes est devenue un enjeu majeur, d'ordre politique et diplomatique. Nous savons bien que Donald Trump en fait un cheval de bataille. Sentez-vous un raidissement dans les négociations menées avec les plateformes américaines ?
Enfin, je poserai une question subsidiaire, qui me paraît toutefois importante. Je reçois de nombreuses alertes concernant les entraves à la liberté de création cinématographique. Avec mes collègues Monique de Marco et Else Joseph, nous avions déjà identifié ces alertes dans le champ du spectacle vivant. Nous constatons que ces entraves se diversifient et gagnent en ampleur. Parallèlement, aux États-Unis, les plateformes américaines ont déjà baissé pavillon sur la diversité culturelle, en mettant en cause un certain nombre de programmes Diversité, équité et inclusion (DEI). Donald Trump mène un combat acharné contre le traitement de certaines problématiques sociétales. Pensez-vous que cette dynamique affectera la création cinématographique française et européenne, dans le cadre des obligations d'investissements des plateformes américaines ? Finalement, faudrait-il prévoir une clause « Liberté de création » dans le décret SMAD, pour affirmer tout simplement la primauté de nos principes fondamentaux ?
Mme Laure Darcos. - Je remercie à mon tour l'ensemble des acteurs du cinéma, qui ont dressé un état des lieux très pédagogique et intéressant.
Je reviens sur mon cheval de bataille, consistant à tenter d'obtenir les chiffres d'affaires en France des plateformes Disney+ et Amazon Prime Video.
La communication de ces chiffres d'affaires renvoie à des obligations, qui se trouvent dans le ressort de l'Arcom, qui se retranche derrière le secret des affaires. J'ai sollicité la ministre de la Culture et l'Arcom à ce sujet. Pensez-vous que cette situation perdurera ad vitam aeternam ? Cette information permettrait aux professionnels d'être plus fortes dans les négociations.
M. Pierre-Antoine Levi. - Je vous remercie pour vos interventions et je vous félicite pour la signature de l'accord avec Canal+. Cette signature annoncée le 3 mars par Canal+ n'était pas gagnée d'avance. Lors de l'audition de Maxime Saada le 29 janvier, nous étions assez inquiets sur l'issue de cette négociation. Nous craignions une issue similaire à celle de la négociation des droits du football. Pour autant, nous savions que le premier motif d'abonnement des abonnés de Canal+ renvoie au cinéma.
Je souhaite revenir sur l'avenir de notre modèle français, tout à fait atypique. La chronologie des médias a été conçue initialement comme un mécanisme vertueux visant à préserver l'écosystème du cinéma français. Cependant, les évolutions récentes, comme celle de la rupture de Disney+ avec Canal+, semblent favoriser certains acteurs vis-à-vis d'autres, créant des distorsions de concurrence. Vous nous avez expliqué le mécanisme de la négociation menée avec Disney+.
Dans ce contexte, comment comptez-vous réellement concilier l'intégration nécessaire des plateformes de streaming dans notre modèle, tout en garantissant l'équité entre les financeurs ? Ne serait-il pas pertinent de revoir finalement entièrement ce système, pour établir une véritable proportionnalité entre les engagements financiers et les avantages réglementaires, afin de garantir la pérennité et la diversité de la création française face à une concurrence mondiale de plus en plus agressive ?
Mme Monique de Marco. - Je remercie également les intervenants pour la clarté de leurs propos. Je souhaite compléter une question de Sylvie Robert. Les nouveaux engagements des diffuseurs permettent-ils réellement de garantir la diversité de la création, ou risquent-ils au contraire d'avantager certains types de productions au détriment de d'autres ? En particulier, un désengagement de diffuseurs risquerait-il de favoriser certaines productions au détriment du cinéma indépendant et d'auteur ?
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je signale que les régions participent fortement tant au financement de la création d'oeuvres cinématographiques qu'au financement d'oeuvres audiovisuelles et notamment de séries.
Malgré les difficultés annoncées et le vote de la loi de finances, un certain nombre de régions, dont la Normandie, ma région, ont choisi de maintenir un fort investissement dans la culture pour les bienfaits qu'elle procure. La culture favorise l'économie, la cohésion et l'émancipation des concitoyens.
Cependant, il convient de faire en sorte que le CNC respecte ses engagements. Aujourd'hui, les régions financent davantage la production cinématographique que le CNC. En effet, la règle du « 1 euro pour 2 euros », règle de soutien du CNC aux fonds régionaux d'aide à la production cinématographique, s'est effilochée au fil du temps. Or, dès lors que les crédits d'impôt cinéma ont été revotés et que le CNC continuera à percevoir des revenus favorables au soutien de la création, il convient de retrouver l'équilibre initial.
Par ailleurs, depuis l'élection de Donald Trump, il est effectivement fort à craindre que les lois européennes ainsi que nos directives et dispositifs favorables à la création et à l'engagement des plateformes soient remis en cause profondément. Je pense notamment à la directive SMA, ou encore à la future révision de la directive droits d'auteurs. Une très forte mobilisation sera donc nécessaire, au risque de fragiliser considérablement l'édifice de la chronologie des médias.
M. Laurent Lafon, président. - Je rappelle que Sonia de La Provôté, Alexandra Borchio Fontimp et Jérémy Bacchi ont rédigé une proposition de loi votée au Sénat et toujours en attente à l'Assemblée nationale.
Mme Sonia de La Provôté. - L'accord signé avec Canal+ génère un réel chamboulement, par rapport à l'accord historique de Canal+. Nous accédons plus vite à des films en streaming et nous nous adaptons aux nouveaux modes de consommation et aux nouvelles pratiques du public. Quels sont les garde-fous établis face à cette modification profonde ? Nous risquons effectivement de réduire la fréquentation des salles. Cette éventualité est à envisager et reste possible.
Le monopole des salles de cinéma dure moins longtemps. Aucune garantie ne nous préserve d'un impact au moins partiel sur la bonne santé et la fréquentation des salles de cinéma en France.
Par ailleurs, Canal+ avait une place singulière pour connaître l'écosystème du cinéma. L'arrivée de nouveaux interlocuteurs, qui ont potentiellement moins cette pratique et moins ce regard, peut-elle, in fine, changer le paysage du cinéma français ? Comment gérerez-vous ce sujet hypothétique ? J'envisage cette hypothèse uniquement par prudence. Quels garde-fous avez-vous institués à ce sujet ?
Enfin, l'accord conclu avec Canal+ est aussi un accord financier. Il implique une redevabilité dans les deux sens. Comment vous assurerez-vous que l'accord financier ait également une traduction qualitative sur le plan culturel ? L'exception culturelle, la francophonie, et cette façon singulière d'exprimer le cinéma et ce regard porté sur les sujets, expliquent que nous obtenons des succès internationaux y compris aux États-Unis.
M. Pierre Jolivet. - J'ai réalisé mon dernier film en Bretagne, Les algues vertes. L'aventure a été forte avec la région. Il est clair qu'elle est indispensable au bon financement de nombreux films. Au dernier moment, il peut manquer 300 000, 200 000 ou 150 000 euros, pour finaliser le financement d'un petit film. L'apport des régions est absolument crucial, en particulier pour les petits films indépendants à petits budgets.
À l'adresse des régions qui rogneront sur la culture, je citerai une phrase de Bertrand Tavernier, qui fut un membre éminent de l'ARP : « Nous nous posons toujours la question du coût de la culture, mais nous ne nous posons pas assez la question du coût de l'absence de culture. » Évidemment, cette absence de culture est fatale pour la démocratie.
J'en viens à la directive SMA. Le concept d'exception culturelle a été inventé lors de mon arrivée à l'ARP. Face à Bill Clinton, qui était un homme de bonne tenue comparé à Donald Trump, au dernier moment, la France a fait croire qu'elle ne lâcherait rien sur le commerce maritime, avant de finalement tout lâcher sur ce sujet. De son côté, Bill Clinton s'est dit au dernier moment qu'il ne ferait pas tomber des mois de négociation du GATT, en acceptant l'exception culturelle. Ainsi, au dernier moment, dans un troc franco-américain, les choses se déroulent d'une manière très concrète.
Évidemment, j'ai un cauchemar qui me réveille la nuit et qui nous réveillera tous. Et si demain Donald Trump décidait de ne pas taxer les produits de luxe, sur le motif que Bernard Arnault est un de ses amis, convié à la Maison-Blanche lors de la cérémonie d'investiture, avec en échange une suppression des obligations pesant sur les plateformes américaines ? Le cas échéant, la décision sera violente et politique. De plus, si les plateformes américaines n'ont plus d'obligation d'investissement, Canal+ refusera d'en avoir également, au nom des règles fixées par l'Autorité de la concurrence. Un tel scénario signerait la fin de notre histoire culturelle et la fin de l'histoire du cinéma européen. Nous serions alors en danger de mort cérébrale et intellectuelle. Les enjeux des financements des régions et de la directive SMA s'inscrivent finalement dans le même combat.
Mme Sidonie Dumas. - Pour répondre à la question de Sonia de La Provôté, je précise que nous n'avons aucune assurance pour l'avenir.
Mme Sonia de La Provôté. - Je vous sollicitais au sujet des précautions envisagées.
Mme Sidonie Dumas. - Nous tentons de faire au mieux lorsque nous négocions. Les représentants des professions du cinéma sont très engagés et combatifs.
Nous nous adaptons au cas par cas, sans assurance pour l'avenir. Jusqu'à présent, nous avons tenté d'embarquer comme nous le pouvions et dans le meilleur état d'esprit possible tous les acteurs avec nous. Cependant, nous sommes contraints de nous adapter. En effet, chaque plateforme a un projet. Nous ne pouvons pas négocier simultanément avec toutes les plateformes. Nous négocions avec elles les unes après les autres.
De plus, nous faisons au mieux pour conserver la diversité de notre cinéma. Nous représentons tous des cinémas différents et nous souhaitons que nos projets et prototypes cinématographiques traversent l'Atlantique et d'autres lieux. Nous menons un combat constant. Nous sommes totalement en phase avec vos propos, mais nous ne disposons pas d'assurance.
M. Édouard Mauriat. - Je reviens sur la remarque portant sur les oeuvres audiovisuelles. Je représente un syndicat qui réunit également des producteurs d'oeuvres audiovisuelles. Il est clair que le combat à mener au niveau européen sur la création cinématographique et audiovisuelle est très important. Il existe effectivement des différences entre le cinéma et l'audiovisuel. Vous avez raison de le préciser. Pour autant, du point de vue de Los Angeles, il est essentiel que les acteurs du cinéma et de l'audiovisuel défendent ensemble la création européenne.
À l'occasion de la discussion portant sur Disney+, vous avez compris la difficulté rencontrée pour définir le taux de contribution, avec le report de contribution opéré depuis Canal+ vers Disney+ à la suite de la rupture survenue entre ces deux diffuseurs. Ce combat mené par les professions du cinéma a été singulier. Des combats similaires sont à mener au niveau européen par l'ensemble des acteurs du cinéma et de l'audiovisuel.
M. Marc Missonnier. - Je souhaite insister sur le combat à mener au niveau européen. Il importe d'avoir conscience de cet enjeu. En effet, à la suite des déclarations de guerre de la MPA et de l'administration Trump, la Commission européenne n'a pas encore pris de position officielle en faveur du maintien de la directive SMA et des obligations d'investissements. La Commission s'est exprimée sur différents autres sujets à la suite des déclarations de l'administration Trump, mais pas sur ce sujet. Nous notons clairement un manque, d'ailleurs signalé aujourd'hui via un courrier par des députés européens français et d'autres nationalités. Une position claire de la Commission est attendue. Ce flou nous inquiète.
Par ailleurs, je souhaite revenir sur le financement de l'exception culturelle. Je souligne que les obligations d'investissements, ce système vertueux faisant que les diffuseurs du cinéma contribuent à le financer, ne coûte pas un euro aux contribuables. Le supprimer remettrait en question le financement de la création.
M. Alain Sussfeld. - Tous les pays du monde ont des incitations sur leurs cinémas, y compris les États-Unis. Ainsi, ne culpabilisons pas sur cet élément structurel de l'ensemble des cinémas du monde. La concurrence sur la localisation de la production est un point majeur, en particulier aux États-Unis. Ainsi, les financements opérés via des crédits d'impôt sont importants aux États-Unis.
Par ailleurs, votre inquiétude est fondée. Cependant, nous comptons sur une solidarité du secteur. Nous la saluons, ainsi que la confiance du secteur à l'égard des négociateurs. Nous n'aurions pas pu aboutir à nos résultats sans cette constante. Il importe de s'en souvenir pour le futur.
En même temps, nous nous devons de faire évoluer le système. Je souhaite donc mettre en évidence la question faussement pertinente consistant à savoir s'il vaudrait mieux raisonner en montant absolu d'argent plutôt qu'en pourcentage de contribution. En raisonnant en montant absolu, nous maintiendrions structurellement la détention de la diffusion aux plus forts. A contrario, avec le pourcentage de contribution fondé sur le volume de l'activité, nous permettons progressivement l'arrivée de nouveaux entrants. Sans cette modalité de contribution, nous entrerions dans l'économie du plus fort, dont Donald Trump est l'illustration. Jamais nous ne l'accepterons.
M. Laurent Lafon, président. - Ce point renvoie toutefois à la question du partage des données des chiffres d'affaires déclarés. D'ailleurs, Marc Missonnier a laissé entendre que des possibilités existaient pour connaître ces informations.
M. Marc Missonnier. - Nous avons là un angle mort de notre réglementation. Jusqu'à il y a quelques années, nous connaissions le chiffre d'affaires des opérateurs. Une règle a donc changé. Le secret des affaires nous est désormais opposé, pour nous empêcher d'accéder à ces informations. Pourtant, nous ne demandons pas à connaître des business plans portant sur les trois prochaines années, ou la stratégie à venir des opérateurs. Nous souhaitons seulement connaître des éléments portant sur le chiffre d'affaires de l'année passée. Cette demande ne nous paraît pas inconsidérée. La charge de la négociation financière repose sur nos épaules. En étant privés d'une information essentielle, à savoir l'assiette de contribution obligatoire en l'absence d'accord, nous sommes handicapés dans nos négociations. Nous demandons donc aux pouvoirs publics de modifier une loi, pour nous fournir les moyens de préserver l'exception culturelle française lors des accords à venir.
Par ailleurs, vous évoquez l'éventualité d'une future négociation à mener avec Canal+, mais nous venons d'achever une négociation qui nous a pris 18 mois. Nous nous reposerons un peu avant de l'envisager.
M. Laurent Lafon, président. - Mesdames, messieurs, je vous remercie pour cet échange direct et assez complet sur votre vécu et sur les enjeux qui se présentent.
Cette réunion a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Proposition de loi relative à l'exercice des missions des architectes des bâtiments de France - Examen des amendements au texte de la commission
M. Laurent Lafon, président. - Notre ordre du jour appelle à présent l'examen des amendements de séance déposés sur la proposition de loi relative à l'exercice des missions des architectes des bâtiments de France (ABF), dont nous débattrons ce soir dans l'hémicycle. Je cède sans plus tarder la parole au rapporteur Pierre-Jean Verzelen, pour nous présenter l'amendement qu'il nous propose d'adopter en vue de la séance publique.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
Intitulé de la proposition de loi
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - La portée de cet amendement est limitée : il s'agit de rétablir la majuscule au terme « Bâtiments ».
L'amendement rédactionnel n° 18 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 13 de M. de Legge rétablit l'obligation de consultation du propriétaire ou de l'affectataire du monument historique avant la mise en place d'un périmètre délimité des abords (PDA).
L'amendement n° 4 de M. Lemoyne remplace cette consultation par une simple information du propriétaire ou de l'affectataire.
L'article 1er de la proposition de loi vise au développement des PDA, qui rencontrent généralement un grand succès, par la suppression des contraintes administratives qui entravent leur mise en place, notamment dans les communes rurales.
La consultation des propriétaires constitue un obstacle majeur à ce développement. La transformer en une simple obligation d'information ne permettra pas de résoudre le problème de l'identification de ces propriétaires. Cette opération peut s'avérer très difficile et chronophage, notamment lorsque le PDA est créé autour d'un monument détenu en indivision.
Mon avis est donc défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 13 et 4.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 15 rectifié de Mme Belrhiti prévoit de remplacer l'enquête publique préalable, que nous proposons de supprimer pour les PDA qui réduisent la zone de protection automatique de 500 mètres, par une consultation dématérialisée du public, qui serait conduite quel que soit l'effet du PDA sur le périmètre de protection.
Je comprends la préoccupation exprimée par notre collègue, qui est de maintenir une consultation du public selon un formalisme allégé. Je crois néanmoins que lorsque le PDA réduit la servitude qui s'impose aux administrés, il faut lever les contraintes et alléger les procédures. Toute formalité préalable donne lieu à des obligations pour les communes et peut entraîner des recours. À l'inverse, les règles constitutionnelles nous imposent de conserver l'enquête publique lorsque le PDA étend la protection. Mon avis est donc défavorable.
Les amendements identiques nos 3 et 12 visent à rétablir l'enquête publique quel que soit l'effet du PDA. Pour les raisons que je viens d'exposer, mon avis est également défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15 rectifié, de même qu'aux amendements identiques nos 3 et 12.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 5 rectifié crée une obligation de continuité dans les décisions rendues par les ABF sur un même territoire. Il répond à une difficulté dont nous sommes tous conscients, à savoir le manque de prévisibilité des avis ; la proposition de loi comporte justement plusieurs mesures pour y répondre.
Cet amendement pose toutefois un problème d'application - quelle serait la borne temporelle de départ ? - et de principe - il n'est pas souhaitable de rigidifier les décisions des ABF dans le temps. Mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 7 prévoit l'obligation pour les ABF de proposer des solutions alternatives en cas d'avis défavorable.
Les avis défavorables sont en réalité peu nombreux, et sont généralement justifiés et motivés. Les ABF ont également la possibilité de rendre un avis favorable assorti de prescriptions, ce qui me paraît correspondre à la préoccupation de cet amendement. Avis défavorable à cet amendement déjà satisfait.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 6 rectifié vise à créer un référentiel national des critères et des pratiques à mettre en oeuvre par les ABF.
Je souscris évidemment à cette volonté d'harmonisation, qui correspond aux constats de la mission d'information sur la variabilité des avis rendus, et reprend l'une de ses préconisations. Si nous n'avons pas fait figurer cette mesure dans la loi, c'est qu'elle est déjà en cours de mise en oeuvre par le ministère ; sans doute la ministre pourra-t-elle nous donner des précisions sur l'avancée de ces travaux.
Le sujet est cependant complexe. Je ne vois pas de difficulté à ce que le ministère définisse quelques lignes directrices ; dans le détail cependant, il faudrait autant de référentiels que de communes, car chaque territoire a ses spécificités architecturales.
M. Max Brisson. - Tous, nous avons eu un jour le même sentiment : ce sont les règles des ABF qui prévalent. Moi qui suis profondément girondin, je pense qu'un peu d'harmonisation ne nuirait pas, et que nous gagnerions à définir un cadre d'intervention des ABF. Je comprends l'intention de Catherine Belrhiti comme les explications de notre rapporteur. La ministre devra s'exprimer en séance pour clarifier ses intentions.
Mme Catherine Belrhiti. - Nous aurions moins de problèmes si nous disposions d'un référentiel national ; j'espère que la ministre s'engagera en ce sens.
M. Laurent Lafon, président. - Nous avons bien compris que l'avis défavorable du rapporteur ne portait pas sur l'objectif visé par l'amendement. Nous serons tous attentifs aux propos de la ministre sur ce référentiel.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6 rectifié.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Les amendements identiques nos 9 et 17 remplacent la commission départementale de conciliation par une consultation de la commission locale du site patrimonial remarquable (CLSPR) en amont de la demande d'autorisation d'urbanisme.
La commission locale du SPR n'est en rien comparable ni substituable à la commission de conciliation départementale proposée par l'article 3. On ne compte que 1 000 SPR, inégalement répartis sur le territoire, et ce sont généralement des zones à fort enjeu patrimonial où la nécessité d'une protection fait consensus. Ces instances ne peuvent répondre à l'objectif poursuivi par l'article 3, qui est de créer des carrefours de discussion dans toutes les zones où la manière d'assurer la protection des abords fait débat. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 9 et 17.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 14 rectifié étend à deux mois le délai d'examen des dossiers par la commission de conciliation, ainsi que le délai de recours de l'autorité compétente.
Le pétitionnaire dispose de deux mois pour engager un recours, contre sept jours pour les communes. La proposition de loi prévoit d'allonger le délai offert aux communes à un mois ; cet amendement nous propose de le porter à deux mois. Ce délai laisserait à la commission de conciliation le temps d'agir, et les délais de recours des pétitionnaires et des autorités compétentes seraient alignés. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14 rectifié.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 1 tend à ajouter des personnes titulaires d'un mandat local aux membres de droit de la commission de conciliation. Il est satisfait, car siégeront dans cette commission des représentants des associations d'élus, ainsi que le maire concerné par le dossier. En outre, la composition de cette instance n'est pas définie de manière limitative : le préfet aura la possibilité d'élargir cette commission à d'autres membres, notamment des élus. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 16 rectifié prévoit que la commission de conciliation rend un avis conforme.
Cette proposition pose un problème d'articulation avec la procédure de recours qui pourrait suivre la saisine de la commission. Cet avis conforme prévaudrait-il sur celui de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) et la décision du préfet ?
Nous en parlions la semaine dernière : aucun amendement visant à supprimer l'avis conforme des ABF n'a finalement été déposé. Je crois cependant que sa remise en cause pourrait venir de celui-ci. Le sens de l'avis rendu par une commission dans laquelle l'ABF fera face, sur un dossier litigieux et sous la responsabilité du préfet, à des élus, au maire concerné et au pétitionnaire ne fait pas grand mystère. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16 rectifié.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 8 prévoit que les décisions des ABF assurent une conciliation entre la protection du patrimoine et les objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols.
Sur le fond, il me semble que c'est plutôt au préfet de région qu'il revient, dans le cadre du recours administratif contre la décision de l'ABF, de mettre en balance les différentes politiques publiques. La mission de l'ABF porte sur la protection du patrimoine architectural ; le rôle du préfet de région est de trancher entre des intérêts publics parfois contradictoires. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - L'amendement n° 10 tend à faire du préfet de département l'autorité compétente pour statuer sur le recours formé contre une décision de refus de travaux de l'ABF.
Le sujet est revenu à plusieurs reprises au cours des auditions : les ABF doivent-ils revenir sous l'autorité des préfets de département ? La région est-elle le bon échelon pour les politiques de l'État en faveur du patrimoine ? Faut-il les départementaliser ?
La solution proposée par cet amendement ne remet pas en cause l'intervention de la CRPA, ce qui pose un problème d'articulation avec la compétence du préfet de département. Il a toutefois le mérite d'aborder un sujet de fond, et, à titre personnel, je souscris à la nécessité de repenser l'organisation territoriale des politiques culturelles. La proposition de loi sera cependant examinée dans un espace transpartisan, dont la durée est limitée ; nous ne pouvons pas, dans ce cadre, remettre à plat toute l'organisation déconcentrée de l'État - je le regrette, mais c'est ainsi. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre Monier. - Lors des auditions, plusieurs personnes nous ont expliqué qu'il valait mieux que l'examen des recours ne se fasse pas au niveau départemental : il est utile de prendre de la distance lorsqu'il s'agit d'examiner des désaccords.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Les amendements nos 11 et 2 prévoient, à l'article 1er de la loi de 1977 sur l'architecture, que les autorités compétentes en matière d'urbanisme s'assurent du respect de l'intérêt général associé à l'architecture dans toutes les autorisations d'urbanisme.
Ces amendements ne correspondent pas à une simple actualisation terminologique. Les autorisations d'urbanisme sont une notion bien plus large que le permis de construire et l'autorisation de lotir, désormais obsolète. L'inscrire à l'article 1er de la loi de 1977 pourrait constituer un premier pas vers une modification de son article 3, et ouvrir ainsi la porte à une extension du recours obligatoire aux architectes. Je crois plus prudent de ne pas retenir d'amendement dont nous n'évaluons pas bien la portée.
Je comprends par ailleurs le lien entre le recours aux architectes et la préservation des bâtiments non protégés mais présentant une valeur patrimoniale, qui est un sujet à part entière. La proposition de loi porte cependant sur les ABF, et non sur les architectes.
Mme Marie-Pierre Monier. - Les représentants du Conseil national de l'ordre des architectes nous ont mis en garde : modifier la loi de 1977 est peut-être nécessaire, mais cela suppose un texte spécifique, entièrement consacré aux questions liées à l'architecture. Travaillons le sujet avant toute modification ; à ce stade, cela me semble inopportun.
Mme Monique de Marco. - Je suis très satisfaite par la rédaction de l'article 4 et par l'introduction de la réhabilitation dans la loi de 1977.
Mon amendement visait à attirer l'attention sur l'obsolescence de la notion d'autorisation de lotir, qui figure dans la rédaction actuelle de cette loi. J'espère que la ministre s'emparera de ce sujet.
Mme Sabine Drexler. - Mon amendement d'appel visait à ouvrir le débat. Nous devrons mener une réflexion approfondie sur la préservation du bâti non protégé.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11, de même qu'à l'amendement n° 2.
Le sort de l'amendement du rapporteur examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Intitulé de la proposition de loi |
|||
Pierre-Jean VERZELEN |
18 |
Rédactionnel |
Adopté |
La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :
La réunion est close à 11 h 20.