Mardi 18 mars 2025

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 14 h 00.

Proposition de loi créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales - Examen des amendements au texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales, déposée par Valérie Boyer. Ce texte sera examiné en séance aujourd'hui, en deuxième partie d'après-midi et le soir.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE

Article 1er

L'amendement de coordination juridique n°  12 est adopté.

Article 2 (nouveau)

L'amendement rédactionnel n°  13 est adopté.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

Mme LASSARADE

12

Amendement de coordination juridique

Adopté

Article 2

Mme LASSARADE

13

Amendement rédactionnel

Adopté

EXAMEN DES MOTIONS

Exception d'irrecevabilité

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - Je vous propose d'émettre un avis défavorable à la motion n°  1 rectifié. En effet, la proposition de loi de Valérie Boyer tient compte des décisions du Conseil constitutionnel, et les évolutions que nous y avons apportées la semaine dernière concernant le droit au logement opposable (Dalo) renforcent encore sa sécurité juridique.

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 1 rectifié tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi.

Question préalable

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - La motion n°  2 tendant à opposer la question préalable vise à éviter le débat sur cette proposition de loi, alors même que nous avons vu la semaine dernière qu'il y avait matière à débat. Je vous propose donc, évidemment, un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 2 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Avant l'article 1er

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - L'amendement n°  9 est une demande de rapport. Conformément à la position constante de la commission, je propose un avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol. - À défaut d'étude d'impact, on peut avoir des rapports de temps en temps !

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons une proposition de loi, madame Rossignol...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Article 1er

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - Les amendements identiques de suppression nos  3, 4 et  11 vont à l'encontre du texte établi par la commission. D'où un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 3, 4 et 11.

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - L'amendement n°  5 vise à supprimer la condition de résidence pour les aides personnelles au logement. Il revient sur le texte établi par la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - Même proposition sur l'amendement n°  6, qui concerne, pour sa part, la suppression de la condition de résidence pour les prestations familiales.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - L'amendement n°  10 tend à allonger à cinq années la durée de résidence nécessaire pour bénéficier de certaines prestations sociales. Cela reviendrait à rétablir le texte censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui est contre-productif. Je propose en conséquence un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - L'amendement n°  7 vise à supprimer la condition de résidence pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Dès lors qu'il revient sur le texte de la commission, je propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.

Après l'article 2 (nouveau)

Mme Florence Lassarade, rapporteure. - L'amendement n°  8 est également une demande de rapport. La position constante de la commission y est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Motion

Mme ROSSIGNOL

1 rect.

Exception d'irrecevabilité

Défavorable

Mme PONCET MONGE

2

Question préalable

Défavorable

Article additionnel avant Article 1er

Mme ROSSIGNOL

9

Demande de rapport sur l'importance des prestations sociales pour l'intégration des étrangers

Défavorable

Article 1er

Mme SILVANI

3

Amendement de suppression

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

4

Amendement de suppression

Défavorable

Mme PONCET MONGE

11

Amendement de suppression

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

5

Suppression de la condition de résidence pour les aides personnelles au logement

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

6

Suppression de la condition de résidence pour les prestations familiales

Défavorable

M. SZCZUREK

10

Allongement de la durée de résidence pour bénéficier de certaines prestations sociales

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

7

Suppression de la condition de résidence pour l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa)

Défavorable

Article additionnel après Article 2

Mme ROSSIGNOL

8

Demande de rapport sur les conséquences de la loi sur la pauvreté des familles

Défavorable

La réunion est close à 14 h 05.

Mercredi 19 mars 2025

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 09 h 30.

Efficacité du contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant et ses éventuelles défaillances - Examen du rapport d'information

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous allons entendre la communication de Laurence Muller-Bronn, Émilienne Poumirol et Olivier Henno, à l'issue des travaux qu'ils ont conduits dans le cadre de la mission d'information sur l'efficacité du contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) et sur ses éventuelles défaillances.

Cette mission d'information a été lancée le 9 octobre dernier, à la suite de l'audition de Victor Castanet, auteur du livre Les Ogres, afin de faire le point sur les outils de contrôle et leur coordination à l'échelon national. Le fait de cibler nos travaux devait nous permettre d'avancer relativement vite, compte tenu des contraintes de la période budgétaire, et d'éviter les redondances avec les missions conduites par d'autres instances.

Le livre de Victor Castanet a fait beaucoup réagir. Il est clair qu'il existe de grandes difficultés liées au contrôle des crèches, d'où les recommandations qui ont été formulées par nos collègues. J'espère que le Gouvernement s'en saisira.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - Le 2 octobre dernier, notre commission entendait Victor Castanet, à la suite de la parution de son livre d'enquête Les Ogres. Cet ouvrage-choc relate principalement les dysfonctionnements du groupe People&Baby et fait écho non seulement au rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la qualité de l'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches, mais aussi à la commission d'enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l'accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements.

Ces travaux mettent tous en lumière les difficultés rencontrées par le secteur de l'accueil du jeune enfant. En outre, ils dénoncent des faits de maltraitance envers les enfants et la souffrance au travail des employés.

Dans un esprit de continuité, notre commission a souhaité se pencher sur la question de l'efficacité des contrôles des crèches, qu'elles soient publiques, privées non lucratives ou privées lucratives. Nos travaux n'étaient pas voués à dresser un énième bilan de la situation dans les crèches ou à analyser la pertinence de leur mode de financement. Nous n'avions pas non plus pour mandat de vérifier si tel ou tel grand groupe de crèches respecte bien les règles.

Notre mission a consisté à analyser l'efficacité du contrôle, son organisation et la pertinence des outils à disposition des autorités et à proposer, en réponse, des recommandations opérationnelles permettant d'améliorer la qualité de l'accueil des enfants au sein des établissements.

Quel est le résultat de la présente mission d'information ? Après trois mois de travaux, une trentaine d'auditions et un déplacement en Maine-et-Loire, notre rapport fait état de fortes disparités territoriales dans le contrôle des établissements, d'un défaut de pilotage et de supervision à plusieurs niveaux et d'un contrôle encore trop hygiéniste et administratif, ne laissant que peu de place à l'accompagnement et au conseil des équipes.

Nous formulons ainsi quinze propositions destinées à améliorer l'efficacité des contrôles, au profit de la qualité de l'accueil et du bien-être des enfants.

Tout d'abord, les contrôles effectués sur les EAJE relèvent principalement de trois acteurs qui exercent tous leurs missions selon des fréquences, des champs d'action et des pouvoirs divers. Tout d'abord, les caisses d'allocations familiales (CAF) assurent un contrôle financier. Ainsi, elles veillent notamment au respect des règles de financement de la prestation de service unique (PSU).

Ensuite, les services de protection maternelle et infantile (PMI) ont pour mission, au sein des départements, de contrôler le respect des normes bâtimentaires et de sécurité et des règles d'encadrement. En outre, ils délivrent les autorisations d'ouverture des établissements.

Enfin, les services de l'État - essentiellement, les directions départementales de la protection des populations (DDPP) et les directions départementales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) - exercent un contrôle complémentaire via l'inspection du travail, la répression des fraudes et les services vétérinaires.

Nous avons fait le constat d'un sous-dimensionnement chronique des effectifs de ces acteurs. Ainsi, en 2023, le contrôle opéré par les CAF a concerné 2 241 établissements financés par la PSU, soit un peu plus de 17 % des établissements. Au total, 167 équivalents temps plein (ETP) moyens sont mobilisés annuellement par les CAF pour réaliser le contrôle de 13 000 établissements d'accueil collectif sur le territoire.

Le contrôle effectué par les CAF s'inscrit dans une procédure nationale répondant à des priorités fixées à l'échelle nationale. En conséquence, il est relativement homogène sur l'ensemble du territoire. Toutefois, ce contrôle reste majoritairement perçu par les acteurs de terrain comme étant extrêmement technique et excédant les moyens que certains gestionnaires, en particulier associatifs, peuvent mobiliser. Surtout, il n'a quasiment jamais de lien avec l'amélioration de la qualité de l'accueil.

C'est pourquoi, depuis l'an dernier, les CAF ont intégré dans leurs procédures de contrôle des éléments permettant d'identifier des signaux faibles de risque sur la qualité du service, comme l'analyse de postes de dépenses : achat de nourriture ou de couches, niveau de recours à l'intérim, etc. Si des points d'alerte sont relevés dans ce cadre, les CAF peuvent alerter les services de PMI.

Le contrôle exercé par les PMI souffre d'une absence de données à l'échelon national. En effet, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) n'a pas été capable de nous fournir les chiffres relatifs au nombre de contrôles réalisés sur l'ensemble du territoire. Ce manque de données est fortement préjudiciable au suivi de l'activité des PMI et au pilotage de l'action de contrôle.

De fait, le contrôle du respect des normes par les services de PMI souffre de trop grandes disparités entre les départements. Plusieurs gestionnaires et professionnels de la petite enfance souhaitent un renforcement de la fréquence des contrôles effectués par les PMI, car ils demeurent trop rares, voire inexistants.

En 2024, la Mutualité française a recensé des territoires dans lesquels plus de 60 % de ses établissements avaient été contrôlés, tandis que d'autres territoires n'avaient connu aucun contrôle.

Par ailleurs, dans la continuité du rapport de l'Igas sur la qualité de l'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches, nous ne pouvons que regretter l'absence, au sein des services de PMI, de personnel attaché au suivi et au contrôle des EAJE. Cela complique l'identification des acteurs par les professionnels, le suivi des dossiers et la cohérence de l'action de contrôle.

Enfin, nous n'avons pu que constater la quasi-invisibilité des services de l'État sur le terrain. Malgré leur engagement et l'expertise des services déconcentrés, les agents de l'État ne disposent tout simplement pas des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions. Pourtant, celles-ci sont indispensables pour réaliser un contrôle à 360 degrés des établissements.

Quelques chiffres : en 2021, 364 opérateurs de micro-crèches ont été contrôlés par les services de la répression des fraudes dans le cadre de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) ; en 2023, 408 actions de contrôle ont été réalisées par l'inspection du travail sur des établissements d'accueil gérés par une personne de droit privé et 849 établissements ont été contrôlés par les services vétérinaires ; la même année, 12 815 établissements financés par la PSU et 6 145 micro-crèches étaient recensés en France.

Nous avons été frappés par l'absence de pilotage de la politique de contrôle des établissements et par le manque de coordination entre les acteurs, malgré les améliorations apportées par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

En Maine-et-Loire, nous avons pu identifier des modèles de coordination entre les acteurs, grâce à la mise en place d'une plateforme de partage des données et des bonnes pratiques entre le département, la CAF et les services de l'État.

Force est de constater que ce genre de dispositif n'existe pas partout. Or nous sommes convaincus que l'absence de stratégie globale ou d'outils de supervision à l'échelle nationale rend presque impossible la mise en place d'un contrôle efficace et homogène sur l'ensemble du territoire.

Surtout, il n'existe aucun système de coordination et d'échange d'informations formalisé entre les services de différents départements sur la mission de contrôle des crèches. C'est là une faiblesse majeure du système de contrôle des gestionnaires d'établissements supra-départementaux.

Ainsi, nous appelons à la mise en place d'une plateforme nationale sécurisée d'échanges d'informations entre les différents services de PMI. Cela permettra d'identifier plus facilement ce qui relève d'un dysfonctionnement local et ce qui traduit une volonté d'abaisser la qualité d'accueil. Nous invitons également à renforcer les contrôles coordonnés entre les CAF, en direction des acteurs supra-départementaux, et à mobiliser, via des protocoles d'échanges d'informations, les administrations compétentes. Je pense en particulier à la direction générale des finances publiques (DGFiP) et aux Unions de recouvrement des cotisations de sécurité (Urssaf).

M. Olivier Henno, rapporteur. - La gouvernance du contrôle des établissements doit être encore largement améliorée, tout comme le contenu du contrôle. Il est temps de passer d'un contrôle centré sur l'hygiène et la sécurité à un accompagnement des équipes et à une évaluation de la qualité de l'accueil. En d'autres termes, nous devons passer d'un contrôle-sanction à un contrôle-amélioration.

Il est essentiel que le contrôle puisse être efficace, car le dysfonctionnement d'un acteur peut conduire à jeter l'opprobre sur l'ensemble des établissements, alors que la majorité d'entre eux accueillent les enfants avec bienveillance, dans un environnement de qualité.

Pour cela, il importe de fixer des règles claires et opposables à l'ensemble des établissements, quel que soit leur statut juridique, sur tout le territoire. Un excès de normes et une interprétation des règles trop dépendantes du département ou du contrôleur sont préjudiciables aux relations entre les contrôleurs et les professionnels. De plus, cela entraîne parfois des conséquences opérationnelles importantes pour les gestionnaires.

Certains d'entre eux ont été contraints de modifier toute l'organisation de leurs ressources humaines, en raison de l'évolution de la demande d'une PMI sur la surveillance des siestes, ou de changer l'ensemble des matelas d'une structure au motif que ces derniers manquaient de fermeté.

Nous préconisons donc de fixer une grille nationale de contrôle, composée d'éléments objectivables, ainsi que des fiches d'auto-évaluation précises et homogènes à destination des professionnels.

Par ailleurs, nous appelons à la publication, dans les meilleurs délais, de l'ensemble des textes réglementaires attendus par les professionnels, en vue de sécuriser l'action des contrôleurs et des professionnels au sein des structures. Le décret établissant la liste des documents comptables et financiers devant être transmis par les groupes de crèches aux CAF chaque année n'est toujours pas paru, alors que l'entrée en vigueur de cette disposition était fixée au 1er janvier 2025. Il en est de même de l'arrêté relatif aux quantités minimales des repas servis en crèche, prévues depuis 2013.

Nous faisons tous le même constat dans nos départements : les services de PMI sont débordés en raison de la multiplication de leurs missions - prévention, agrément, suivi de la femme enceinte, santé infantile, accompagnement à la parentalité - et de la baisse de leurs effectifs, à hauteur de 400 ETP en dix ans sur l'ensemble du territoire.

Cette réalité oblige les PMI à fonctionner en flux tendu, ce qui rend très difficile la réalisation d'un contrôle de qualité, et presque impossible la mission d'accompagnement et d'évaluation. Par ailleurs, de nombreuses PMI sont asphyxiées par la seule gestion du flux des ouvertures de structures et rencontrent d'importantes difficultés à superviser le stock sur leur territoire.

Dans un tel contexte, préconiser l'augmentation de la fréquence des contrôles est un voeu pieux, d'autant que cette fréquence doit aussi dépendre d'une analyse de risques objective conduisant à contrôler certains établissements plus que d'autres.

Par ailleurs, nous pouvons tous convenir que l'expertise d'un médecin ou d'un éducateur est bien plus utile pour aider les équipes à améliorer leurs pratiques que pour mesurer la hauteur d'une poignée de porte ou la largeur de l'espace qui sépare deux barreaux de lit !

Dès lors, nous avons souhaité la mise en place d'un cadre juridique permanent qui permet au président du conseil départemental de déléguer à des organismes tiers certifiés le contrôle de la conformité au référentiel bâtimentaire d'un établissement. Le contrôle de ce référentiel lors de l'agrément d'un établissement pourrait être réalisé par un bureau d'étude externe. La branche famille pourra, le cas échéant, mobiliser les financements nécessaires à la mise en place de cette contractualisation.

Que les choses soient claires, il s'agit non pas de remettre en cause le pouvoir de contrôle des services départementaux ou d'attribuer un quelconque pouvoir de sanction à des organismes tiers, mais bien de laisser la décision aux autorités de contrôle, sur la base de rapports réalisés par des tiers.

Par ailleurs, la loi prévoit désormais que les établissements d'accueil des enfants de moins de 6 ans font l'objet, tous les cinq ans, d'une évaluation. Toutefois, à la différence du cadre prévu pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux, le législateur n'a pas prévu que cette évaluation quinquennale puisse être réalisée par des organismes extérieurs.

Or il nous semble que cela doit pouvoir être le cas. En effet, l'évaluation quinquennale de l'ensemble des établissements d'accueil représenterait une charge de travail supplémentaire trop lourde si elle devait être uniquement supportée par les services de PMI.

De plus, l'expertise de certains organismes de certification, comme l'Agence française de normalisation (Afnor) ou Bureau Veritas, est bien présente dans le secteur de la petite enfance depuis près d'une quinzaine d'années, via des certifications qui vont souvent au-delà des seules exigences réglementaires.

L'action des organismes extérieurs chargés de cette évaluation compléterait alors celle des autorités publiques. Les services de la PMI auraient ainsi plus de temps pour se recentrer sur leur coeur de métier, pour conseiller et accompagner les professionnels.

Enfin, il ne suffit pas d'améliorer les modalités de réaction des institutions, une fois les problèmes survenus : il convient, en plus, d'apporter des solutions préventives. C'est pourquoi nous appelons de nos voeux la mise en place d'une certification professionnelle pour les agents chargés du contrôle des structures, afin d'améliorer la qualité du contrôle effectué et de sécuriser leur action.

Par ailleurs, la baisse des exigences de recrutement, au détriment de la qualité de l'encadrement des enfants, ne saurait être une réponse pertinente aux difficultés rencontrées par le secteur. Nous appelons à un renforcement de la formation des professionnels via des certifications visant à améliorer l'identification de la maltraitance et la connaissance des conditions du bien-être de l'enfant.

Nous souhaitons également la généralisation rapide du dispositif dématérialisé de contrôle des antécédents sur le site honorabilite.social.gouv.fr et l'expérimentation d'une carte professionnelle qui permette de reconnaître la qualité d'une expertise et le savoir-faire professionnel.

Du reste, j'évoquerai rapidement la place des familles. Il ne s'agit ni de faire des parents des agents du contrôle ni de créer une suspicion permanente. Toutefois, nous devons être conscients du fait que les parents, bien qu'extérieurs aux établissements, s'y déplacent régulièrement, parfois tous les jours. Or ils sont trop souvent mal informés de leurs règles de fonctionnement et de la réalité des conditions de travail des professionnels de la petite enfance.

En nous inscrivant dans une logique de confiance au service de la qualité de l'accueil, il nous semble important d'associer davantage les parents à la vie quotidienne des structures à l'occasion d'événements formels, tels que les réunions de rentrée ou les journées « crèche ouverte », et des moments de convivialité plus informels. À ce titre, les financements publics pourraient inclure une composante relative à la participation des parents au projet éducatif de la structure.

Mme Émilienne Poumirol, rapporteure. - Il me semble important de bien différencier les deux échelles de contrôle : le contrôle des établissements et celui des personnes morales qui contrôlent ces établissements.

Concernant les groupes de crèches privés, au sein desquels les scandales ont éclaté, il nous semble essentiel, compte tenu de l'ampleur des financements publics dans le secteur, de renforcer les outils à disposition des autorités publiques. Par exemple, le groupe Les Petits Chaperons rouges a indiqué que les financements publics de la CAF représentaient 28 % de son chiffre d'affaires.

L'Igas a réalisé un premier contrôle du groupe La Maison bleue, sur le fondement de l'article 18 de la loi pour le plein emploi. Les autres principaux acteurs du secteur seront par la suite contrôlés.

La caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a, de son côté, mis en place des procédures de contrôle des sièges qui s'accompagnent de sanctions pouvant s'appliquer à l'ensemble des établissements d'un groupe.

Nous devons attendre les résultats et, le cas échéant, agir en fonction des conclusions et des difficultés rencontrées. Nous pourrons ainsi déterminer s'il y a lieu d'encadrer plus fortement les prises de participation de fonds d'investissement et de fonds de dette au capital des entreprises de crèches.

Toutefois, nous préconisons, sans attendre, d'attribuer à la Cour des comptes les moyens de contrôler les groupes de crèches privés, sur le modèle des prérogatives dont elle dispose vis-à-vis des gestionnaires d'Ehpad. Cela permettra de vérifier que les financements publics servent exclusivement à l'amélioration de la qualité de l'accueil dans les établissements.

Par ailleurs, nous suggérons d'attribuer aux contrôleurs en action sociale des CAF le pouvoir de qualifier directement de frauduleux les comportements constatés, afin de renforcer le caractère dissuasif du contrôle qu'ils exercent sur les établissements.

En cas de suspicion de manoeuvres frauduleuses, les CAF doivent aujourd'hui procéder à un dépôt de plainte. La procédure est complexe et lourde, en plus de limiter les moyens d'action et la réactivité des CAF.

Enfin, il est indispensable d'instaurer une véritable culture de l'évaluation auprès des acteurs. La complexité du système d'accueil du jeune enfant dans notre pays et la multiplication des scandales ont profondément abîmé la relation de confiance entre les professionnels et les parents. Pourtant, dans la très grande majorité des cas, que ce soit dans les micro-crèches ou dans les crèches classiques, privées ou publiques, les enfants sont accueillis dans de bonnes conditions, par du personnel bienveillant et engagé.

Il nous semble opportun de publier le résultat des contrôles des établissements via une plateforme en ligne, comme le site monenfant.fr, sur le modèle du Nutri-Score. Des indicateurs objectifs de qualité pourraient également être publiés, comme le taux moyen d'encadrement ou d'accueil en surnombre. Pour rappel, le Royaume-Uni et le Québec publient déjà l'intégralité des résultats et des rapports des autorités de contrôle. En France, les résultats de l'ensemble des contrôles vétérinaires sont déjà disponibles sur la plateforme Alim'confiance.

Le fait pour les parents de savoir que le lieu d'accueil de leur enfant respecte les critères exigibles s'inscrit dans une saine démarche de transparence et d'amélioration à la fois de la qualité et de la sécurité.

Pour conclure, je dirai un mot des procédures de signalement lorsque des événements indésirables graves surviennent au sein des structures. Les procédures instituées en interne par les gestionnaires ne peuvent être un palliatif aux manquements de l'action publique. À cet égard, nous partageons les conclusions du rapport de Florence Dabin, présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire.

Compte tenu de la disparité des circuits de remontée des alertes, mais aussi du suivi et des actions entreprises, nous devons mettre en place un système de remontée des signalements d'actes de maltraitance, ou d'actes susceptibles d'entraîner un risque pour les enfants, sur le modèle des établissements médico-sociaux.

Cette obligation de signalement doit s'accompagner d'une obligation d'information quant aux suites données. Cela permettra de disposer de statistiques régulières dans le département, agrégées à l'échelon national, et d'améliorer le repérage des dysfonctionnements.

En conclusion, j'insiste une nouvelle fois sur la ligne de conduite que nous avons suivie. Notre objectif consistait non pas à pointer du doigt le vilain petit canard et à vouer aux gémonies les acteurs du contrôle, mais à apporter des solutions pragmatiques. Celles-ci doivent pouvoir autant profiter aux professionnels de la petite enfance qu'aux autorités de contrôle, en vue d'améliorer le bien-être des enfants.

Une grande partie de nos recommandations pourront faire l'objet, dans un second temps, d'une proposition de loi relative à l'amélioration de l'efficacité du contrôle des crèches.

Le présent rapport ne vise ni à dresser le bilan de la qualité de l'accueil dans les crèches ni à analyser les déterminants de son amélioration. Toutefois, il nous paraît important de souligner que l'amélioration de l'accueil des enfants dans notre pays passe par l'amélioration concrète de la qualité de vie au travail des professionnels et le renforcement des taux d'encadrement des enfants.

L'amélioration de la qualité de l'accueil ne pourra pas non plus faire l'économie d'une refonte globale du mode de financement de l'accueil des jeunes enfants, qui entraîne une surcharge administrative excessive pour les professionnels, une course effrénée au remplissage des structures et, in fine, une perte de sens des métiers de la petite enfance.

Mme Corinne Bourcier. - Je remercie nos collègues d'avoir formulé des propositions détaillées et pragmatiques ; j'étais ravie de les accompagner lorsqu'ils sont venus dans mon département, le Maine-et-Loire.

Je suis tout à fait d'accord avec la cinquième recommandation : les services de PMI doivent pouvoir être libérés du contrôle bâtimentaire. Ainsi, ils pourront se recentrer sur leurs missions de soutien et d'accompagnement des EAJE. Par ailleurs, il convient d'accentuer les visites au sein des établissements, afin d'éviter les dysfonctionnements, comme les professionnels le demandent.

Il est impératif que les responsables des micro-crèches soient titulaires d'un diplôme spécialisé dans la petite enfance - éducateur spécialisé ou puériculteur -, afin d'assurer la sécurité des enfants. Ils doivent avoir une parfaite connaissance du jeune enfant, soutenir les équipes, assurer la formation pour garantir la qualité de l'accueil et conseiller les parents au quotidien.

En Maine-et-Loire, une plateforme a été mise en place en octobre 2023 pour partager les comptes rendus des contrôles avec le département, la Dreets et la CAF. En outre, un renforcement du rappel aux obligations est effectué lorsque les dysfonctionnements perdurent. Nous souhaitons également augmenter la prévention via une approche pédagogique lors des visites, pour garantir la qualité et la sécurité de l'accueil.

Compte tenu de ces éléments, quels moyens doit-on mettre en oeuvre pour aider les services de PMI à se recentrer sur leurs missions ? Quelles aides pourraient assurer la formation continue des professionnels ?

Mme Marion Canalès. - Ce travail était attendu et arrive à point nommé, en cette semaine nationale de la petite enfance et journée mondiale du travail social (JMTS). Le contrôle est le reflet de la compétence de l'entité qui l'exerce. Ainsi, les services de PMI vérifient la qualité de l'accueil, tandis que la CAF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la DGFiP contrôlent le financement public des établissements.

Il faudra se pencher sur la question du suivi, car les contrôles effectués restent parfois sans effet. Par ailleurs, il conviendrait de penser le contrôle du projet éducatif, afin d'améliorer la qualité du service rendu. Pour cela, il faut absolument dégager du temps pour les personnels, qui sont déjà en tension. Les travailleurs sociaux en mesure de réaliser les contrôles sont trop peu nombreux. En effet, on ne compte que 55 ETP à la Dreets et 167 ETP à la Cnaf.

Dans ces conditions, il convient d'utiliser les divers leviers de l'État, notamment les ARS, mais aussi l'inspection du travail, qui ne s'occupent que des établissements privés, et la DGFiP, qui contrôle les entreprises.

Le contrôle des financements publics se heurte à de nombreuses difficultés. C'est la raison pour laquelle vous préconisez de l'attribuer à la Cour des comptes. Comme vous, je regrette que le décret relatif aux documents comptables et financiers des crèches privées à but lucratif n'ait toujours pas été publié. Pourtant, l'obligation de communiquer ces documents a été débattue et votée en 2023, pour une entrée en vigueur en janvier 2025. Nous devrons sans doute interpeller le Gouvernement sur ce sujet.

Mme Florence Lassarade. - La baisse de la natalité qu'on observe actuellement ne va-t-elle pas modifier le fonctionnement des crèches et conduire à diminuer le nombre de personnels, comme à l'Éducation nationale ?

Cela fait vingt ans qu'on certifie les services hospitaliers. À l'origine, ce système était regardé d'un mauvais oeil, mais, aujourd'hui, il est perçu comme une aide. Serait-il possible de l'étendre aux crèches ? Une telle évolution serait bénéfique, d'autant que les certifications sont peu coûteuses puisqu'elles sont effectuées par des volontaires. Du reste, pensez-vous que les missions de certification pourraient inclure les pédiatres ?

Mme Élisabeth Doineau. - Le groupe Union Centriste se félicite de ce rapport, qui balaye des questions essentielles, à savoir le contrôle des établissements et la qualité de l'accueil. Il répond ainsi à l'attente des familles et à celle de l'ensemble des Français.

Le manque de coopération entre les différentes autorités de tutelle est un problème que j'ai vécu dans ma circonscription. En effet, ce n'est pas facile de mettre en commun les moyens de la CAF et ceux du département. Pourtant, ils se complètent.

Le principal objectif est d'apporter une réponse aux familles, ce qui suppose un travail commun. À cet égard, les comités départementaux des services aux familles fonctionnent plus ou moins bien selon les territoires.

Dans ma circonscription, le département et la CAF avaient, chacun de leur côté, créé une plateforme en ligne indiquant le nombre d'assistants maternels disponibles pour l'accueil des enfants : c'est absurde ! Le temps est venu de mutualiser les moyens, surtout que les effectifs des instances sociales n'augmenteront pas dans les années à venir.

Au demeurant, je souscris pleinement à vos propositions en matière de qualité et de transparence. Reste que le décret relatif aux règles d'encadrement et sur lequel nombre d'entre nous ont été alertés, qui aura un impact sur les micro-crèches, fait peur à tous les gestionnaires concernés. En effet, ces derniers ont déjà du mal à faire tenir leur modèle économique. Beaucoup de ces structures font faillite, même dans une grande ville comme Montrouge. La semaine dernière, la gestionnaire de l'un de ces établissements m'a indiqué qu'elle se versait un salaire de 500 euros par mois, tant les difficultés économiques sont fortes.

Il est bon de vérifier si les normes sont respectées, mais nous devons aussi veiller à accompagner les micro-crèches, qui demeurent fragiles à l'heure actuelle.

Mme Frédérique Puissat. - Les missions d'information transpartisanes, comme celle qui nous réunit aujourd'hui, ne peuvent qu'éclairer les élus des territoires.

Vous dressez un constat clair qui ne surprend personne : peu de contrôles sont menés et les quelques contrôles existants sont très disparates d'un territoire à l'autre. Je vous remercie d'avoir proposé des solutions réalistes, à l'heure où l'État et les départements ont peu de marges de manoeuvre, compte tenu du budget qui a été voté cet hiver.

Le décret évoqué par Élisabeth Doineau ne me choque pas, étant donné les recommandations qui ont été formulées par les rapporteurs en matière de contrôle.

Par ailleurs, les parents jouent un rôle important dans les crèches, quoique délicat, car ils sont parfois amenés à critiquer les conditions d'accueil. Avez-vous creusé cet aspect-là ? Peut-on protéger les enfants en cas d'alerte, en les transférant, par exemple, dans d'autres structures ? Notons que les parents gèrent souvent des structures associatives, qui se révèlent précieuses pour les territoires.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Vos propositions ne sont pas déconnectées puisqu'elles répondent précisément à diverses demandes ; elles font d'ailleurs écho aux suggestions formulées par l'Igas.

Au sein de notre commission, l'enfance ne constitue pas un sujet clivant. En effet, nous souhaitons tous que nos enfants grandissent bien et soient accueillis dans les meilleures conditions au sein de divers lieux de garde. Cela n'empêche pas notre groupe de plaider, depuis plusieurs années, pour la mise en place d'un véritable service public de la petite enfance.

La ministre Catherine Vautrin nous a alertés sur une baisse de la natalité significative dans notre pays. De nombreux jeunes nés en 1989 et 1990 ne souhaitent pas avoir d'enfants.

Parmi les facteurs qui contribuent à la baisse de la natalité, on peut citer les modes de garde. En région parisienne, notamment, il est difficile de trouver une place en crèche, sans parler de l'accès au logement.

La qualité de l'accueil des enfants au sein des établissements est un sujet essentiel. C'est la raison pour laquelle il faut beaucoup plus de contrôles. Toutefois, on manque de personnels pour les effectuer.

Les contrôles devraient être davantage regardés comme une aide, plutôt que comme un outil servant à dénoncer les conditions d'hygiène. Certes, dans certaines crèches privées, les bénéfices comptent plus que les enfants, mais, dans la grande majorité des cas, les professionnels de la petite effectuent leurs missions avec beaucoup de bienveillance.

Quant aux cartes professionnelles, elles sont indispensables. Il faudrait cependant évoquer la question des salaires, qui, à mes yeux, ne sont pas à la hauteur des missions réalisées par les travailleurs sociaux.

Pour une fois, je suis tout à fait d'accord avec notre collègue Frédérique Puissat : ce genre de rapport d'information transpartisan, qui repose sur un travail conjoint et approfondi, nous sera particulièrement utile.

Mme Chantal Deseyne. - Avez-vous mesuré, en marge de cette mission d'information, si le besoin en personnel qualifié était couvert ? Le manque d'effectifs est souvent cause de dysfonctionnements et provoque parfois la dégradation de la qualité d'accueil.

En effet, lorsqu'un professionnel est absent et n'est pas remplacé, la crèche, qu'elle soit privée ou publique, invite souvent les parents qui le peuvent à garder leur enfant.

Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure. - Deux contrôles apparaissent prioritaires : d'une part, le contrôle financier, qui est justifié par l'existence de nombreuses dérives et l'enrichissement de certains opérateurs privés avec de l'argent public ; d'autre part, le contrôle de la qualité du travail et de l'accueil des enfants.

Nous vivons un moment particulier, où beaucoup de choses se croisent dans le secteur de la petite enfance : le décret relatif règles d'encadrement des micro-crèches sera effectif en septembre 2026 et, par ailleurs, les communes sont désignées comme autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant.

J'en viens à la formation. Nous savons que les micro-crèches de moins de douze berceaux n'ont pas les mêmes obligations de recrutement de personnels diplômés que les crèches classiques. Si ce mode de garde s'est développé dans les territoires, c'est parce qu'il répond à un besoin particulier. En outre, nous constatons qu'il satisfait souvent les élus locaux.

Souvent, les micro-crèches font partie d'un groupe d'établissements franchisés. On peut estimer que le modèle économique des micro-crèches est réellement équilibré à partir de six structures en gestion. Cette « taille critique » permet de recruter plus facilement le personnel diplômé nécessaire. Ainsi, le fait de morceler la garde d'enfants en plusieurs petites structures peut aussi être une manière de disperser le personnel et d'amortir les coûts de revient.

Les services de PMI du Bas-Rhin m'ont fait part d'un certain nombre de difficultés. Notamment, les CAF sont poussées, à l'échelle nationale, à soutenir massivement l'ouverture d'un grand nombre de structures d'accueil, quitte, selon les professionnels avec lesquels j'ai pu échanger, à faire tomber certaines barrières de prudence. En conséquence, les PMI leur courent après. Elles ne peuvent plus se déplacer qu'en cas d'alerte, si bien que les contrôles ne sont pas réalisés de manière récurrente.

Il est impératif de trouver davantage de moyens et de former des professionnels, car les crèches assurent un accompagnement humain. Un enfant n'est peut-être pas innovant, à l'instar de l'intelligence artificielle, qui capte tous les investissements, mais il constitue la subsistance de la civilisation. Trouver ces moyens serait aussi une façon de reconnaître comme essentiels les professionnels de l'enfance.

Mme Émilienne Poumirol, rapporteure. - L'expérience d'une plateforme commune entre l'État, la CAF et les services de PMI que nous avons pu observer dans le Maine-et-Loire devrait être reproduite dans tous les départements, car les alertes sont lancées très rapidement et seulement à partir de signaux faibles.

Les PMI sont dépassées depuis plusieurs années par un manque de personnel chronique, la création de nouvelles structures d'accueil et les contrôles bâtimentaires, lesquels sont parfaitement ridicules : un médecin de PMI ne devrait pas avoir à vérifier la largeur entre les barreaux d'un berceau !

Encore une fois, il faut laisser ces sujets à des experts et libérer du temps pour les PMI, afin qu'elles se concentrent sur l'accompagnement et le contrôle de la qualité de l'accueil, ce qui constitue leur réelle plus-value. La formation du personnel est très importante, de même que le renforcement de l'attractivité du métier, au travers du salaire et surtout des conditions de travail.

Pour répondre à notre collègue Marion Canalès, le rôle des ARS n'a été clarifié que depuis la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi. Il existait en effet avant une incertitude sur la possibilité pour le préfet de mobiliser, sur ce type de contrôle, les agents des ARS, par ailleurs déjà sollicités sur de nombreuses autres missions. Cela reste donc relativement récent et nous n'avons pas eu écho, à ce stade, de la mise en oeuvre d'une telle coopération. Du reste, nous sommes favorables à ce que les services de PMI, s'ils ont suffisamment de temps, discutent du projet éducatif avec les équipes concernées.

La Cnaf est très mobilisée sur le plan national pour assurer le contrôle du financement public des grands groupes de crèches. Elle a recruté un certain nombre d'experts à cette fin et procède déjà à des contrôles au niveau des sièges des groupes et notamment de People&Baby.

La complexité même de la PSU entame le temps des responsables des crèches, qui feraient mieux d'être auprès des enfants et de leur équipe. Or qui dit complexité, dit contournement du modèle.

Concernant le contrôle des grands opérateurs privés, nous devrons aller plus loin, car ils parviennent encore à réaliser d'importants bénéfices financés en grande partie par de l'argent public.

Madame Lassarade, ce n'est pas parce que nous constatons une baisse de la natalité que nous devons anticiper une réduction des effectifs, d'autant que l'accueil en structures n'est pas majoritaire parmi les modes de garde et que la demande continue de s'accroitre.

Les PMI verront le processus de certification comme un soulagement, puisqu'elles pourront se concentrer sur le contrôle de la qualité d'accueil.

Il est normal que l'enfant, quel que soit l'endroit où il est accueilli, ait le droit d'être suivi par le même type de personnel qualifié. N'ayons donc pas peur du décret qui affectera les micro-crèches.

Au demeurant, l'âge d'or de People&Baby, des Petits Chaperons rouges, de Babilou et de La Maison bleue est révolu. Ces groupes rencontrent des difficultés à ouvrir de nouvelles places. Par ailleurs, compte tenu du nombre et du champ des contrôles effectués aujourd'hui, ces groupes auront plus de difficultés à réaliser des bénéfices au détriment de la qualité de l'accueil des enfants.

La création de conseils de crèches est intéressante, car ces derniers permettent aux parents de participer à la vie de l'établissement et d'assurer un suivi régulier. Toutefois, la question de la disponibilité des parents se pose.

J'entends les propos de notre collègue Apourceau-Poly sur le service public de la petite enfance. On déplore aujourd'hui un manque d'objectifs généraux et de règles communes, d'où la nécessité de réfléchir à un pilotage national.

Enfin, a-t-on suffisamment de personnels qualifiés ? Il y a en effet beaucoup de postes vacants, en raison des difficultés de recrutement. Cela doit nous amener à réfléchir à la question de l'attractivité des métiers.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Je précise, à l'intention de Corinne Bourcier, que nous misons beaucoup sur la grille nationale de contrôle et les fiches d'auto-évaluation : elles permettront d'atténuer les disparités dans le mode de fonctionnement et la qualité même des contrôles.

Deux modèles coexistent : celui de la PSU et celui de la Paje, qui inclut les familles, la CAF et les groupes privés. Il ne s'agit pas de remettre en cause ce second modèle, car cela entraînerait la fermeture de nombreuses structures. Néanmoins, nous devons accentuer les contrôles, comme pour les Ehpad. Voilà pourquoi nous avons besoin d'un engagement fort de la part de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

Surtout, il faut inverser la logique du contrôle pour l'orienter vers l'accompagnement et la qualité. Finissons-en avec les contrôles à l'ancienne, où l'on tremble quand les évaluateurs arrivent et on souffle quand ils repartent : ce n'est absolument pas productif !

Le modèle mis en place en Maine-et-Loire est intéressant pour assurer la coopération des différents acteurs concernés, d'autant que l'on constate une disparité entre les moyens significatifs dont disposent les CAF et les faibles moyens des PMI, qui varient d'un endroit à un autre et s'ajoutent au manque de personnels.

La place des parents au sein des crèches est un atout. Il s'agit non pas de permettre aux parents d'être intrusifs à l'excès, mais d'accompagner et d'encadrer la volonté de participation. Force est de constater qu'il y a moins de dérives au sein de ces établissements que dans les Ehpad, car les parents s'y rendent tous les jours.

Malgré notre souhait d'augmenter les contrôles, les personnels manquent pour les effectuer. D'ailleurs, beaucoup de départs en retraite ne seront pas remplacés, ce qui n'arrangera pas les choses.

Concernant le décret précité et la situation des micro-crèches, il faut se méfier des injonctions contradictoires. On ne peut pas vouloir améliorer la qualité de l'accueil et, en même temps, ne pas être exigeant sur la formation et les diplômes. Il y va de la valorisation du métier.

Si les contrôles sont moins disparates, plus qualitatifs, cohérents et mieux centrés sur l'accompagnement, notre mission d'information aura été utile.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous avons déclenché une série d'échanges avec la Cour des comptes et nous pousserons l'initiative parlementaire pour réaliser des contrôles dans les groupes de crèches privés, la loi ne permettant toujours pas d'aller au bout de la démarche.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

Audition de M. Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail, sur la situation de l'emploi

M. Philippe Mouiller, président. - Monsieur le directeur général, un peu plus d'un an après votre nomination à la tête de France Travail, validée par la commission des affaires sociales des deux Assemblées, il m'a semblé opportun de vous recevoir. Cette audition nous permettra de faire le point sur votre action et plus généralement sur la transformation de Pôle Emploi en France Travail.

Nous souhaitons également avoir votre analyse sur l'évolution de l'emploi dans le contexte économique, social et politique actuel.

M. Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail. - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénatrices et les sénateurs, 2024 fut une année de transformation et d'expérimentation pour l'opérateur devenu France Travail et le service public de l'emploi. La mise en oeuvre de la réforme issue de la loi pour le plein emploi, mais aussi du rapport de préfiguration, a marqué un réel tournant en fixant un cadre ambitieux pour mieux accompagner les demandeurs d'emploi, fluidifier le recrutement des entreprises et répondre aux besoins des territoires, grâce à des solutions adaptées et co-construites avec l'ensemble des acteurs du réseau pour l'emploi.

Plus que jamais, nous nous sommes appuyés sur des solutions issues du terrain pour enrichir notre offre de service et nous avons agi en coopération pour mutualiser les pratiques et optimiser les coûts.

Nous avons par ailleurs agi dans un contexte économique en mutation, qui devrait se poursuivre en 2025. Ce contexte nous oblige à agir pour améliorer constamment nos services aux demandeurs d'emploi et aux entreprises. Nous entendons les critiques légitimes et travaillons pour faire évoluer nos pratiques et nos outils pour fluidifier toujours plus le marché du travail.

Conscient du rôle qu'il s'est vu confier, l'opérateur a d'ores et déjà franchi de premières étapes. Des actions engagées produisent des résultats concrets, mais nous devons aller beaucoup plus loin.

Aussi, je suis heureux de pouvoir partager avec vous un bilan synthétique de l'année 2024, avec ses avancées, mais également nos priorités et points d'attention pour 2025.

Tout d'abord, je souhaite évoquer quelques éléments de contexte.

En 2024, le taux de chômage s'est stabilisé à l'un des niveaux les plus bas depuis 40 ans, bien que l'Insee prévoie une légère remontée à 7,6 % au deuxième trimestre 2025 et la Banque de France à 7,8 % sur l'année.

Le taux d'emploi connaît une forte augmentation depuis une décennie. Celui des jeunes et des seniors a progressé de manière significative, avec une hausse de + 4,2 points pour les 15/24 ans et de + 20,3 points pour les 55/64 ans depuis 2010.

Cependant, cette dynamique positive masque une réalité beaucoup plus dégradée sur les derniers mois : le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A a augmenté de 4 % au dernier trimestre 2024, soit 114 000 personnes en France métropolitaine. Le nombre d'embauches en contrat d'un mois ou plus a diminué de 4 % par rapport à 2023 et le nombre d'offres collectées par France Travail a baissé de près de 7 % au dernier trimestre 2024 et de près de 15 % en janvier.

Les difficultés de recrutement restent néanmoins prégnantes.

Face à ce contexte contrasté, nous avons tenté d'agir avec pragmatisme et efficacité en 2024 pour contenir la hausse du chômage anticipée à la fin de l'année 2023.

Nous avons repensé nos méthodes, simplifié l'accès aux services et intensifié notre soutien aux demandeurs d'emploi et aux entreprises.

Nos trois axes stratégiques sont :

- l'accompagnement des demandeurs d'emploi, en particulier ceux qui en ont le plus besoin, tout en renforçant le contrôle de la recherche d'emploi et la lutte contre les fraudes et les abus.

- l'appui renforcé aux entreprises, notamment aux TPE, avec le lancement de France Travail Pro pour fluidifier et simplifier les recrutements, notamment pour les secteurs en tension, et structurer une approche territorialisée, bassin d'emplois par bassin d'emplois, avec les employeurs.

- la modernisation du service public de l'emploi, avec la mise en place de la nouvelle gouvernance opérationnelle locale, le développement d'outils communs et une approche centrée sur l'efficience de notre action et la simplification de l'accès aux services.

Sur ces trois axes stratégiques, nous avons commencé à engranger de premiers résultats en 2024 et devrons amplifier nos efforts en 2025.

D'abord concernant l'accompagnement, la loi plein emploi a fixé l'objectif d'une prise en charge rapide et adaptée des demandeurs d'emploi et des publics en difficulté grâce à un parcours d'accompagnement rénové. Nous avons donc changé de méthode et privilégié l'expérimentation, principalement à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), main dans la main avec les départements volontaires.

En 2024, 75 000 bénéficiaires du RSA ont intégré un parcours rénové avec une approche plus intensive et un suivi renforcé dans les 49 départements pilotes. Plus de 70 % d'entre eux ont été orientés vers des solutions socioprofessionnelles. Pour rappel, moins d'un quart des contrats contenaient une action à visée d'emploi avant la mise en oeuvre de cette démarche. Depuis, 40 % des bénéficiaires sont sortis du RSA douze mois après leur entrée en parcours et 54 % ont accédé à l'emploi dans les six mois. Le délai d'entrée en parcours est passé de cinq mois à environ 15 jours dans la plupart des départements pilotes.

Le 1er janvier 2025 a marqué une étape cruciale avec la généralisation de l'inscription à France Travail pour toutes les personnes en recherche d'emploi. Plus d'un million de personnes ont été inscrites, dont 130 000 jeunes et 950 000 bénéficiaires du RSA. Cette opération a nécessité un effort technique et humain sans précédent des équipes de France Travail, en collaboration avec nos partenaires - départements, Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et missions locales - pour que les outils et processus soient opérationnels au 1er janvier dernier.

La promesse du « Dites-le-nous une fois » se concrétise même si de nombreux ajustements sont encore à parfaire. Les services publics cessent d'imposer aux citoyens leur complexité et les lourdeurs administratives qu'ils engendrent. Cette première pierre posée constitue pour le citoyen une évolution majeure.

L'inscription automatique constitue la première étape d'une orientation et d'une entrée en parcours plus rapide. Cette démarche est expérimentée au plus près des réalités locales avec les conseils départementaux dans le cadre de l'accompagnement rénové, élaboré en concertation avec l'ensemble des acteurs de terrain. Le référentiel de diagnostic des demandeurs d'emploi a été largement adopté en juillet dernier par le Comité national pour l'emploi.

Au cours du mois de janvier, plus de 150 000 orientations ont déjà été réalisées, dont 77 % par France Travail, 260 000 diagnostics et 95 700 contrats d'engagement établis. Ce contrat d'engagement définit les parcours individualisés avec des engagements réciproques, renforçant la logique des droits et devoirs de part et d'autre.

Pour vérifier que le droit à l'accompagnement et le devoir d'engagement dans la recherche d'emploi sont bien respectés, nous augmenterons les contrôles de la recherche d'emploi dans les prochaines années, comme nous en étions convenus. Un peu plus de 600 000 contrôles ont été réalisés en 2024, soit une hausse de 20 %, atteignant l'objectif fixé. C'est une première étape vers un objectif de 1,5 million de contrôles à l'horizon 2027.

La lutte contre la fraude et les comportements abusifs est également une priorité pour France Travail. L'action conjuguée des moyens de détection et de la professionnalisation des équipes en charge de la lutte contre les fraudes a permis de doubler le montant des fraudes détectées en dix ans, atteignant 116 millions d'euros en 2024.

En parallèle, nous avons lancé en juin 2024 un plan d'action volontariste de prévention de certaines situations dites abusives, extrêmement coûteuses et détournant les règles d'assurance chômage. Cela concerne notamment les travailleurs transfrontaliers, en particulier avec la Suisse et le Luxembourg, les abus d'usage de la rupture conventionnelle ou le détournement d'objets de l'accompagnement pour les créateurs d'entreprises.

L'objectif est d'adapter l'offre de service et l'accompagnement pour chaque catégorie à risque identifiée afin de favoriser le retour rapide à l'emploi pour l'ensemble de ces personnes. Nous ne luttons pas contre les travailleurs transfrontaliers ou les créateurs d'entreprises, mais nous renforçons l'accompagnement de ces personnes pour identifier celles qui sont dans un détournement d'objets ou dans un abus des règles d'assurance chômage.

Cet accompagnement efficace pour chaque demandeur d'emploi implique aussi la sécurisation de son indemnisation, à laquelle nous accordons la plus grande importance, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle réforme d'assurance chômage depuis le 1er janvier. Certaines nouvelles dispositions n'entreront en vigueur que le 1er avril et d'autres au 1er juillet. Nos équipes travaillent à la mise en oeuvre de cet accord signé avec les partenaires sociaux fin 2024.

En 2025, nous poursuivrons notre mobilisation vis-à-vis de ceux qui en ont le plus besoin et des publics les plus fragiles. Aux côtés des missions locales, l'accompagnement des jeunes s'est intensifié. En 2024, plus de 85 000 jeunes ont bénéficié de l'accompagnement de France Travail via un contrat d'engagement jeune et 48 % d'entre eux sont en emploi six mois après leur entrée en parcours.

Nous généraliserons largement le déploiement du dispositif Avenir Pro qui proposera sur l'ensemble des 2 200 lycées professionnels un accompagnement personnalisé aux élèves en dernière année pour favoriser leur insertion professionnelle. Je remercie les missions locales, que nous avons associées à ce projet dont l'expérimentation avait été lancée il y a un peu plus de trois ans.

France Travail est également pleinement impliqué dans la mise en oeuvre du Pacte des solidarités, notamment dans la lutte contre le non-recours, avec sa forte implication dans l'expérimentation lancée par l'État, « territoire zéro non-recours », et les démarches d'« aller vers » et de repérage des personnes les plus éloignées de l'emploi. Ces actions sont conduites sur les territoires en s'appuyant sur les relais de proximité tels que les clubs sportifs - en un an, plus de 10 000 clubs nous ont rejoints pour favoriser ces ponts -, les régies de quartier ou encore les tiers lieux.

Des travaux sont par ailleurs en cours avec le ministère de l'Intérieur pour assurer, à partir de 2026, l'inscription de tous les étrangers primo-arrivants auprès de France Travail, et leur offrir un parcours d'accompagnement rénové, incluant du français langue étrangère à visée professionnelle, afin de faciliter leur recrutement dans les secteurs en tension.

Concernant les demandeurs d'emploi en situation de handicap, qui demeurent deux fois plus touchés par le chômage que le reste de la population, la réforme actuelle, dans le contexte de difficulté de recrutement, constitue une opportunité historique d'intégrer durablement ces personnes sur le marché du travail.

Nous commençons à expérimenter des mesures ambitieuses. La plus structurelle est issue de la Conférence nationale du handicap, posant comme principe que, d'ici 2027, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne pourront plus orienter en établissement ou service d'aide par le travail (ESAT) sans proposition préalable de France Travail - Cap emploi.

C'est la fin des orientations sur la base d'un dossier, sans associer la personne, sans examiner le champ des possibles et sans réinterroger régulièrement cette orientation. On redonne du pouvoir d'agir et on garantit que la personne est d'abord regardée sous le prisme de son potentiel et de ses envies, avant celui de son handicap.

Le second axe majeur de notre stratégie concerne l''appui renforcé aux entreprises. Conscients que seulement 23 % des entreprises ayant fait un recrutement en emploi durable ont eu recours aux services de France Travail, nous avons intensifié les efforts et les actions engagées afin de restructurer notre action en faveur des entreprises, notamment les TPE-PME qui portent 70 % des projets de recrutement. Notre offre de service s'est considérablement améliorée ces dernières années, mais elle demeure encore trop peu connue des recruteurs. C'est pourquoi nous avons lancé France Travail Pro en octobre dernier, qui témoigne de notre nouvelle approche client et de notre volonté de devenir le partenaire RH incontournable des employeurs en étant au plus près de leurs besoins, avec par exemple des horaires élargis de contact, de 7 heures 30 à 20 heures, y compris le samedi, un interlocuteur dédié et des nouvelles fonctionnalités sur nos sites Internet.

Nous avons également développé les actions de prospection. L'expérimentation de la prospection des entreprises par les conseils du service public de l'emploi, réalisée par des chercheurs, a démontré l'énorme potentiel de la prospection d'employeurs, avec sept CDI supplémentaires créés pour 100 entreprises contactées de manière proactive.

Sur le deuxième semestre 2024, nous avons mené 160 000 actions de prospection avec nos partenaires, qui ont permis de créer plus de 30 000 emplois. Nous serons en mesure d'atteindre les 400 000 prospections dès 2025, soit quatre fois plus qu'en 2023, grâce à ce travail en « équipe entreprise » avec nos partenaires, notamment les missions locales, Cap emploi, mais aussi les chambres de commerce, les chambres d'agriculture, les représentations patronales et les différents clubs d'entreprises.

Grâce à ces « teams entreprises » et une « gestion de la relation client » communs, nous avons mis en place un outil permettant de partager les informations et d'organiser la relation avec l'entreprise pour l'accompagner de bout en bout sur son recrutement. Nous jouons ainsi sur les complémentarités entre les différents acteurs dans les territoires.

Nous devons encore travailler à un meilleur ciblage des candidatures proposées, notamment en recourant aux outils numériques et à l'intelligence artificielle. Dans les régions Pays de la Loire et Centre-Val de Loire, nous sommes actuellement en train de tester l'outil Match FT qui analyse l'offre et identifie parmi plus de sept millions de personnes dans nos bases celles qui correspondent le mieux aux besoins. Une intelligence artificielle (IA) générative engage ensuite une discussion par SMS avec la personne pour effectuer une présélection pour le compte des entreprises. Cet outil est en déploiement dans 87 agences et nous permet, dans 50 % des cas, de trouver des mises en relation en moins de 24 heures.

Concernant la formation professionnelle, malgré un environnement institutionnel complexe et éclaté, nous enregistrons plus d'un million d'entrées en formation, dont 70 % pour les publics prioritaires. Nous ne pouvons cependant pas nous satisfaire d'un taux de retour à l'emploi ne dépassant pas les 58 % en moyenne, notamment au regard des volumes financiers investis.

Notre conviction est qu'il y a trop de formations proposées sans projet de recrutement associé. Nous souhaitons développer le « former pour recruter » et le dispositif de la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), qui permet de former un demandeur d'emploi directement sur un poste avec un taux de retour à l'emploi de 85 % à six mois. Nous avons réalisé plus de 100 000 POE l'année dernière et visons un déploiement plus important en 2025, en partenariat avec les opérateurs de compétences (Opco), désormais tiers de confiance, et les régions.

Nous poursuivons également la mobilisation de leviers efficaces comme l'immersion professionnelle, avec 250 000 immersions réalisées en 2024,) et la méthode de recrutement par simulation, avec 85 000 recrutements effectués. Nous visons un million d'immersions d'ici 2026.

Grâce à ces efforts, près de 4 millions de demandeurs d'emploi ont retrouvé un emploi en 2024.

Enfin, en matière de modernisation du service public de l'emploi, nous avons cherché à gagner collectivement en simplicité et en efficacité. La coopération entre les acteurs du réseau Pôle Emploi a été renforcée avec l'installation d'une gouvernance locale rénovée et la mise à disposition d'outils communs et partagés coconçus avec nos partenaires, permettant ainsi d'installer une culture commune de pilotage de performance et d'évaluation.

Plus de 250 comités locaux pour l'emploi sont déjà installés sur les 330 prévus hors départements et régions d'outre-mer (DROM). Une majorité de territoires est d'ores et déjà engagée dans la réalisation du diagnostic territorial et environ 100 territoires sont engagés dans la mise en oeuvre d'ateliers opérationnels pour coconstruire des feuilles de route locales.

France Travail met à disposition des tableaux de bord pour suivre l'impact réel des décisions prises et des actions menées, offrant aux élus une visibilité sur l'ensemble des demandeurs d'emploi et des besoins des entreprises. Il s'agit donc d'un changement de paradigme avec un véritable pilotage par les résultats des actions, garant du bon usage des deniers publics et réalisé avec des données partagées en transparence par, et avec, les acteurs.

Nous développons un système d'information plateforme et des outils numériques partagés pour faciliter la gestion et le suivi des parcours des demandeurs d'emploi auxquels on ne doit plus imposer notre complexité. La mise en place d'un SI plateforme permettra également de rationaliser les dépenses SI des différents acteurs du réseau public de l'emploi (RPE). Avec les missions locales, nous visons un SI partagé entre nos deux réseaux d'ici 2026. Des travaux de rapprochement d'une ampleur sans précédent sont également en cours avec les 101 départements pour le partage des données.

L'académie France Travail, ouverte en septembre dernier, permet de développer une culture commune entre tous les professionnels de l'accompagnement du RPE. Elle permet de garantir le développement de compétences, l'homogénéité des pratiques et en définitive la pertinence et l'efficacité des actions menées sur le terrain sans oublier la mutualisation des coûts. À ce jour, on compte plus de 42 000 professionnels utilisateurs et 160 modules de formation proposés par France Travail et l'ensemble des membres du réseau Pôle Emploi.

Enfin, France Travail a déjà prouvé qu'avec des moyens adéquats, l'établissement est capable de transformer durablement l'accompagnement vers l'emploi et a pleinement conscience de la situation budgétaire nationale, du contexte international actuel et des efforts que chaque opérateur doit accomplir afin de contribuer à la stratégie de redressement des comptes publics du pays.

À cette fin, l'opérateur s'engage dans un plan d'efficience ambitieux, visant le redéploiement d'au moins 3 700 ETP d'ici 2027, à travers l'automatisation des tâches répétitives sans valeur ajoutée et une démarche de simplification des tâches du quotidien. Ce plan passe aussi par l'adaptation de l'organisation de notre établissement, avec par exemple la réduction progressive du nombre de fonctions supports au bénéfice des activités plus opérationnelles, une revue des dépenses et priorisation par le retour sur investissement ou encore la mobilisation de l'intelligence artificielle. Conformément à la volonté de l'État et de l'Unédic formalisée dans la convention tripartite, ces gains d'efficience seront réinvestis dans l'accompagnement des usagers et pourront ainsi contribuer à la mise en oeuvre des nouvelles missions de l'opérateur.

L'année 2024 a marqué une transformation profonde de notre service public de l'emploi, 2025 doit être l'année de l'accélération et de la consolidation. Nous avons posé les bases d'un accompagnement plus personnalisé, d'une relation plus étroite avec les entreprises et d'un service plus efficient pour tous, mais il y a encore beaucoup à faire.

C'est avec détermination et grâce à l'engagement de tous les collaborateurs de France Travail que nous poursuivrons tous ensemble cette mission au service de l'emploi et des territoires.

La réforme de France Travail est une mission collective et j'aimerais saluer ici la mobilisation de l'ensemble des acteurs qui contribuent à la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi : l'État et ses services, centraux et déconcentrés, les élus des différentes collectivités territoriales et les parties prenantes, notamment les partenaires sociaux.

Mme Frédérique Puissat. - Monsieur le directeur général, je tiens à vous remercier pour la mise en oeuvre de la stratégie de changement dans les équipes, une tâche qui n'est pas toujours simple d'un point de vue humain. Je remercie également tous les collaborateurs de France Travail présents dans les départements.

Je souhaite par ailleurs informer la commission que nous organisons, avec Agnès Canayer, un petit-déjeuner le 2 avril à l'attention de tous les sénateurs pour mieux faire connaître France Travail.

J'ai quatre questions.

Concernant les effectifs et le PLF 2025, vous avez évoqué un plan d'efficience. Cependant, je rappelle que le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoyait initialement la suppression de 500 emplois en équivalent temps plein (ETP), réduite à 205 ETP après négociation, avant de revenir finalement à 500 ETP. Comment envisagez-vous la préparation du PLF 2026, sachant que des économies supplémentaires pourraient être nécessaires ?

Sur la formation, j'ai noté que vous n'avez pas mentionné de difficultés liées à la diminution du budget du plan d'investissement dans les compétences (PIC). Pouvez-vous nous en dire plus sur l'impact de cette baisse de financement sur vos équipes ?

Depuis le 1er janvier 2025, tous les territoires sont concernés par l'inscription à France Travail des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Pouvez-vous nous indiquer le nombre de départements ayant déjà contractualisé avec France Travail sur l'accompagnement renforcé des allocataires ? Quel pourcentage cela représente-t-il au niveau national ?

Enfin, au sujet des comités territoriaux pour l'emploi, vous semblez optimiste quant à leur mise en place. Cependant, pour le moment, nous n'avons fait qu'installer ces comités sans réellement travailler. Pouvez-vous confirmer votre optimisme pour l'avenir de cette gouvernance ?

Mme Pascale Gruny. - Je suis satisfaite d'entendre l'utilisation des termes « France Travail » et « Cap emploi ». Cependant, sur le terrain, nous sommes encore obligés de préciser « Pôle emploi » pour être compris. Par souci de cohérence, puisque vous vous souvenez peut-être que j'étais opposée au fait de renommer Pôle emploi en France Travail, car cela me semblait être une complexification du paysage pour nos concitoyens, j'aurais souhaité connaître le coût de ce changement de nom et de logo.

Depuis le 1er janvier 2025, l'ensemble des bénéficiaires du RSA sont inscrits automatiquement auprès de France Travail, et sont donc soumis à cette durée de 15 heures d'activité. Cependant, nous nous trouvons un peu au milieu du gué, puisque nous attendons encore le décret d'application de la mesure dite de « sanction-remobilisation ». Celle-ci prévoit de suspendre les allocations pour les bénéficiaires qui ne suivraient pas le programme d'activités. Savez-vous où en est la parution de ce décret ? Plus généralement, en l'absence de ce dernier, comment sont appliquées et suivies ces quinze heures d'activité ? De plus, comment ces obligations ont-elles été adaptées pour les agriculteurs bénéficiaires du RSA ?

J'ai participé à une soirée France Travail Pro et j'ai constaté la satisfaction des employeurs, notamment des TPE-PME, concernant ce nouveau service avec des plages horaires étendues. Les conseillers semblaient également très investis dans cette nouvelle approche. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce dispositif et son déploiement ?

J'ai reçu en revanche des retours de terrain qui soulèvent des interrogations. En effet, j'ai eu vent que certains conseillers de Pôle emploi recommandent encore aux personnes d'attendre un an au chômage et d'épuiser leurs droits avant d'envisager la suite.

Je suis convaincue que ce message ne vient pas de vous, mais il serait peut-être nécessaire de rappeler l'importance de faire revenir les gens vers l'emploi le plus rapidement possible.

Concernant Cap emploi, je reste sceptique quant à la capacité de tous les conseillers à être des interlocuteurs adéquats pour les personnes en situation de handicap. Les conseillers spécialisés de Cap emploi me semblaient essentiels.

Vous avez mentionné l'intelligence artificielle. J'aimerais aborder les aspects de cybersécurité et de sécurité juridique. Ces enjeux ont-ils suffisamment été pris en compte dans le déploiement des outils que vous nous avez présentés ?

Quant à l'efficience, j'espère que l'IA permettra de réduire le temps consacré par les conseillers aux statistiques, qui était auparavant considérable.

Enfin, j'ai rencontré en janvier des personnes qui affirmaient que les effectifs avaient été réduits dans les territoires d'expérimentation. Pouvez-vous clarifier ce point, notamment à Laon ?

M. Thibaut Guilluy. - Concernant les défis à venir et notre méthode, je suis favorable à ce que nous commencions dès maintenant des échanges, comme nous l'avions fait lors des débats sur le projet de loi de finances.

Le plan d'efficience vise à maintenir notre niveau de service avec 3 700 ETP en moins, sans pour autant détériorer la qualité de vie au travail. Cela passe par la réduction des charges de reporting inutiles, l'automatisation de certaines tâches et la priorisation de nos activités en fonction de leur efficacité en termes de retour à l'emploi.

La question cruciale est de savoir comment réaffecter ces 3 700 ETP. Bien que ce ne soit pas encore inscrit dans la convention tripartite avec l'Unédic et l'État, nous pourrions envisager de réinvestir ces ressources. Par exemple, nous prévoyons de redéployer plus de 1 000 effectifs pour l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, en soutien aux départements.

Nous devons également faire des choix stratégiques, comme dans la lutte contre les détournements d'objets. Les travailleurs transfrontaliers, par exemple, coûtent 800 millions d'euros par an à l'État, sans bénéfice pour les demandeurs d'emploi ou les entreprises. Nous avons mis en place un plan dans 19 agences transfrontalières pour lutter contre ces abus, ce qui nécessite des effectifs supplémentaires. Cela va coûter 10 millions d'euros, mais peut rapporter plusieurs centaines de millions d'euros et améliorer le rapport et l'acceptation du système d'assurance chômage pour tous ceux qui travaillent et cotisent. Un travail de priorisation doit donc être mené. Par exemple, face aux réductions budgétaires du ministère du Travail, notamment sur les formations, nous devons prioriser et mutualiser nos ressources.

Certes, la diminution du budget du PIC a un impact. Mais cette baisse contraint en même temps tout le monde à faire des choix. Par exemple, en mutualisant les fonds des Opco avec ceux de France Travail et des régions, nous pouvons simplifier les procédures administratives et nous concentrer sur les formations ayant un réel impact sur le retour à l'emploi.

La transition sera difficile, particulièrement en 2025, avec des baisses significatives de financement dans certaines régions. Nous devons être vigilants pour ne pas compromettre des services essentiels dans ce processus de rationalisation.

Enfin, nous explorons également la possibilité d'internaliser certaines activités, comme la valorisation de l'image de soi, lorsque nos conseillers ont les compétences nécessaires. Cela peut s'avérer plus économique que le recours à des prestataires externes.

Je suis ouvert à poursuivre ces discussions avec vous et les sénateurs intéressés, en collaboration avec la ministre, pour trouver les meilleures solutions face à ces défis.

Concernant la contractualisation des départements, une réunion a eu lieu hier avec la ministre Catherine Vautrin et les départements. Il est un peu tôt pour tirer des conclusions. Néanmoins, il semble qu'environ une centaine de départements soient engagés dans la contractualisation avec l'État, à l'exception de deux ou trois qui restent en dehors. Cette contractualisation comporte trois volets, avec des choix différents selon les départements.

Par exemple, environ un quart des départements souhaitent actuellement déléguer l'orientation à France Travail. Cette proportion pourrait augmenter à l'avenir, sous réserve que les outils fonctionnent correctement. L'efficacité du système conditionnera donc l'évolution de ces choix.

Si 250 sur 330 comités locaux pour l'emploi (CLE) se sont installés, leur fonctionnement reste encore largement formel. Pour l'instant, seule une petite centaine de comités ont commencé à mener des actions concrètes. Des initiatives ont été lancées par endroits : par exemple à Metz sur la santé mentale, à Béthune sur la problématique des conducteurs de lignes dans la stratégie industrielle territoriale ou à Dunkerque sur la féminisation des métiers de l'industrie. L'objectif est d'avoir des comités locaux opérationnels d'ici deux à trois ans, ce qui représenterait une transformation majeure.

Le changement de logo et de signalétique de France Travail a représenté un coût d'environ 2 500 à 3 000 euros par agence. Cette évolution coïncidait avec la nécessité de renouveler des enseignes vieilles de 15 ans.

Pour le décret sanction, les discussions sont en cours avec l'objectif d'une consultation du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) et une mise en oeuvre opérationnelle pour le mois de juin. Concernant les 15 heures d'activité pour les bénéficiaires du RSA, leur mise en oeuvre se fait progressivement. Un référentiel d'activité a été coconstruit et validé. Il est important de noter qu'il n'y a pas de travail obligatoire ni de bénévolat forcé, et que 91 % des bénéficiaires du RSA se disent satisfaits ou très satisfaits de l'accompagnement reçu.

Les agriculteurs ayant un revenu mensuel supérieur à 500 euros sont dispensés de ces 15 heures. Pour ceux se situant en dessous de ce seuil, un diagnostic de leur situation est effectué, non pas pour leur imposer des activités supplémentaires, mais pour les aider à sortir d'une situation économiquement précaire. France Travail collabore à cet effet étroitement avec des acteurs comme la MSA, l'ANEFA, OCAPIAT et les chambres d'agriculture pour offrir un accompagnement adapté.

Enfin, concernant Cap emploi, le rapprochement avec France Travail a permis d'améliorer l'accompagnement des personnes en situation de handicap : 84,7 % des demandeurs d'emploi en situation de handicap sont satisfaits suite à ce rapprochement. Dans les faits, 80 % sont désormais accompagnés par des conseillers France Travail, dont 1 000 conseillers experts Cap Emploi pour les situations complexes, et 2 000 conseillers à dominante handicap qui ont bénéficié d'une montée en compétences.

Je souhaite attirer votre attention sur l'évolution des demandeurs d'emploi de longue durée. Nous observons une hausse de la courbe depuis juillet 2023.

En ce qui concerne nos systèmes d'information, nous avons mis en place de nombreuses mesures. Notre organisation est extrêmement robuste en matière de SI et de cybersécurité. Comme vous le savez, les attaques ont encore augmenté de 15 % sur l'ensemble de la sphère publique l'année dernière, avec 198 millions de données compromises.

Notre principal point de vigilance concerne les utilisateurs, qui représentent la principale fragilité de tous les acteurs. Notre grand chantier porte sur la sensibilisation à la cybersécurité de nos conseillers, mais aussi de ceux de Cap emploi, des missions locales, etc. L'objectif est de développer le réflexe cyber et de prévenir les risques d'hameçonnage, qui constituent la principale faiblesse des systèmes d'information.

Concernant le reporting, nous avons fait des progrès concrets. Par exemple, pour les contrats d'engagement jeunes, nos conseillers France Travail ne font plus de reporting manuel. Mon ambition est d'étendre cette approche aux missions locales, avant même la convergence des SI, afin de réduire le temps consacré à ces activités.

Mme Chantal Deseyne. - Je souhaite vous interroger sur la situation particulière des demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Comme vous l'avez rappelé, ce public connaît toujours un taux de chômage deux fois supérieur à celui de l'ensemble de la population. La loi pour le plein emploi a conduit à un important rapprochement de France Travail et du réseau Cap emploi, concrétisant la promesse d'un accompagnement unifié des personnes en situation de handicap.

Depuis 2022, l'ensemble des demandeurs d'emploi en situation de handicap est en effet accueilli au sein d'un lieu unique d'accompagnement dans toutes les agences France Travail, avec une coordination assurée par une équipe handicap composée de conseillers de France Travail et de Cap emploi.

Quels sont les premiers retours d'expérience sur ce changement de philosophie ? Le rapprochement entre France Travail et Cap emploi a-t-il permis un meilleur accompagnement et une meilleure insertion professionnelle des personnes handicapées ? Constatez-vous une inflexion du taux de chômage dans cette population ?

M. Laurent Burgoa. - Lors des travaux de notre commission dans le cadre du projet de loi de finances, et plus particulièrement sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », nous avons entendu les inquiétudes des acteurs de la solidarité quant aux conséquences de l'inscription obligatoire des conjoints et conjointes de bénéficiaires du RSA sur les listes de Pôle emploi. Cette obligation est compréhensible, le RSA étant une prestation familialisée, et le rapprochement du marché du travail demeure souhaitable pour l'ensemble du foyer.

Avez-vous des éléments sur la mise en oeuvre de cette obligation d'inscription à l'échelle du foyer de nature à rassurer les acteurs de la solidarité ?

Connaissez-vous la proportion des chômeurs de catégories F et G, c'est-à-dire les allocataires du RSA, relevant de cette situation ?

Enfin, pouvez-vous nous présenter l'état du travail de contractualisation avec les organismes chargés du repérage et de l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi, créé par la loi plein emploi ?

Mme Monique Lubin. - J'ai trois questions et un commentaire.

Premièrement, concernant la réduction des postes au PLF 2025 et la possible poursuite de cette tendance en 2026, comme l'a évoqué notre collègue Frédérique Puissat, comment les agents de France Travail vont-ils faire face à une potentielle augmentation du nombre de demandeurs d'emploi avec des effectifs réduits ?

Deuxièmement, sur l'emploi des seniors, je souhaite nuancer la statistique que vous avez présentée remontant à 2010. Il est important de rappeler que depuis cette date, deux réformes des retraites ont été mises en place, ce qui a mécaniquement prolongé la durée d'emploi des seniors. Il ne faudrait pas en déduire que la situation de l'emploi des seniors s'est spontanément améliorée en France. Quelles actions concrètes France Travail peut-elle mener pour les chômeurs de longue durée, les seniors, et particulièrement ceux qui cumulent ces deux caractéristiques ?

Troisièmement, nous sommes interpellés par la sous-traitance, mise en avant l'année dernière par Mediacités, par le gouvernement des tâches de France Travail, avec une augmentation significative du recours à des prestataires externes par Pôle emploi, passant de 250 millions d'euros en 2018  à 650 millions d'euros en 2023. Avec la création de France Travail, une nouvelle externalisation massive semble être à l'ordre du jour. Un accompagnement dédié à la reprise rapide d'emploi devait être sous-traité à des opérateurs privés. Ce dispositif devait concerner entre 700 000 et 900 000 personnes privées d'emploi chaque année, pour un coût estimé à 448 euros par usager. Pouvez-vous nous informer de l'état actuel de cette externalisation ? Comment se justifie-t-elle et quel en est le coût réel ?

Enfin, je souhaite aborder la question des 15 heures de travail demandées aux bénéficiaires du RSA. Des premiers retours d'expérience, relayés notamment par la presse, semblent moins optimistes que prévu. Un reportage diffusé ce matin sur France 2 faisait état de constats préoccupants, soulignant la pauvreté du contenu proposé à ces demandeurs d'emploi et une possible concurrence avec des tâches habituellement dévolues au secteur public. De plus, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), qui travaille en lien avec le gouvernement, lance une alerte sur les effets de paupérisation que commence déjà à entraîner la mise en application de cette mesure.

Mme Corinne Bourcier. - Monsieur le directeur général, je souhaite attirer votre attention sur la situation de l'emploi dans la région des Pays de la Loire. Bien que cette région soit généralement l'une des moins touchées par le chômage en France, nous avons constaté une hausse surprenante au quatrième trimestre 2024. Dans mon département de Maine-et-Loire, nous avons enregistré 1 600 demandeurs d'emploi supplémentaires en catégorie A entre octobre et décembre, soit une augmentation de 5,4 % par rapport au trimestre précédent. Les jeunes sont particulièrement affectés, avec une hausse de 10 % pour les moins de 25 ans. Pouvez-vous nous présenter votre analyse de la situation de l'emploi pour cette tranche d'âge et préciser les mesures spécifiques que vous envisagez pour lutter contre le chômage des jeunes ?

Ma deuxième question concerne la multiplication récente des plans sociaux. Nous avons vu 2 399 postes supprimés chez Auchan, 868 chez Valeo, puis 135 de nouveau chez Valeo, et 1 250 chez Michelin dans le Maine-et-Loire et en Bretagne. Ces chiffres alarmants ne représentent qu'une partie du problème, car les petites et moyennes entreprises de nos territoires en subissent également les conséquences, avec une augmentation de 20 % du nombre de faillites en France en un an. Comment prévoyez-vous d'anticiper les effets à venir de cette crise industrielle ? Quelles mesures spécifiques envisagez-vous pour accompagner les salariés touchés ?

Je tiens à vous remercier pour l'attention particulière que vous portez aux personnes en situation de handicap. Il est crucial que ces personnes soient au coeur de nos dispositifs, car c'est leur avenir et leur bien-être au travail qui sont en jeu.

M. Thibaut Guilluy. - Concernant l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) et la question du handicap, je tiens à souligner que nous avons atteint nos objectifs partagés avec Cap emploi pour 2024. Nous avons enregistré 206 000 retours à l'emploi, dépassant notre cible de 197 000. De plus, la satisfaction des bénéficiaires de l'obligation d'emploi continue de progresser, atteignant 84,3 %. La facilité d'obtention d'une réponse suite à une démarche s'est également améliorée, avec un taux de 85,5 %.

Il est important de noter que nos équipes, tant chez Cap emploi que chez France Travail, se sentent mieux soutenues et outillées.

Cependant, nous devons encore progresser sur le taux de retour à l'emploi post-formation, qui n'est que de 43 % pour les personnes en situation de handicap. Pour remédier à cela, nous avons revu les modalités d'achat auprès des organismes de formation, en exigeant désormais des solutions accessibles, comme des formations à mi-temps pour pallier la fatigabilité de ces publics.

Notre prochaine étape, en lien avec la Conférence nationale du handicap, est d'intégrer davantage les acteurs du secteur tels que les établissements ou services d'aide par le travail (ESAT), les établissement et service de réadaptation professionnelle (ESRP) et les entreprises adaptées pour mieux accompagner les personnes avec des situations de handicap plus lourdes. Nous avons déjà signé des accords avec tous les ESAT, mais le travail de collaboration locale reste à développer.

Concernant les employeurs, notre approche consiste à intégrer la question du handicap dans l'ensemble de nos projets France Travail, plutôt que de créer une direction handicap séparée. Nous avons mis en place une mission handicap qui veille à ce que tous nos services, qu'ils soient physiques ou numériques, soient accessibles. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) pour garantir cette accessibilité.

Quant à la situation des jeunes et des personnes en situation de handicap face au chômage, nous constatons que ces groupes sont plus rapidement affectés lors des remontées du chômage, ce qui souligne la nécessité d'une vigilance accrue les concernant.

Pour ce qui est des bénéficiaires du RSA, nous observons une nouvelle pratique d'entretien où la conjointe ou le conjoint est présent. Nous suivrons attentivement les retours sur cette approche à mesure qu'elle se développera. Nous n'avons pour l'instant pas d'alerte forte sur des situations d'incongruité par rapport à ce qui a été mis en place sur 2023 et 2024. Nous nous situons actuellement à environ 70 % en orientations professionnelles et socioprofessionnelles (catégorie G), avec une estimation de 25-à 30 % en catégorie sociale (F). La catégorie G reste pour l'instant une catégorie d'attente qui devrait devenir résiduelle avec le temps.

Enfin, des appels à projets ont été lancés par les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) pour le repérage et l'accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l'emploi. Ma préoccupation principale est d'éviter le travail en silos. Il est crucial que les efforts de repérage soient connectés à nos actions de placement pour que ces initiatives produisent des résultats concrets.

Concernant la baisse de nos effectifs, je tiens à souligner le niveau d'engagement exceptionnel de nos équipes dans cette période de transformation. Nous devons donc rester attentifs aux risques de surengagement et veiller à trouver le bon équilibre entre les missions, les effectifs et les moyens alloués, tout en nous assurant que le personnel ne devienne pas une variable d'ajustement entre les ambitions et les ressources disponibles.

Je n'ai pas affirmé que la situation du marché de l'emploi pour les seniors s'était améliorée ces dernières années, notamment en termes d'exclusion et de discrimination. Bien que je ne dispose pas de données scientifiques solides, il ne semble pas que nous ayons fait des progrès significatifs dans ce domaine.

Pour mettre en place des solutions, la ministre m'a demandé, dès sa prise de fonction, d'examiner comment mobiliser nos capacités et celles de nos partenaires. Par exemple, le parcours emploi compétences (PEC) affiche de belles expériences en matière de prise en charge. Des acteurs associatifs et des élus locaux, à Roubaix et Tourcoing notamment, ont également développé des initiatives intéressantes. L'objectif est de dupliquer à grande échelle des petites initiatives réussies.

Nous avons ainsi déjà lancé le programme Atout Senior proposant un accompagnement à la reconversion avec quatre mois d'apprentissage, quatre mois en entreprise, et potentiellement un CDI à la clé.

Nous travaillons également sur la sensibilisation des employeurs. La ministre prévoit de les réunir prochainement. Nous collaborons avec la NDRH, le club Les entreprises s'engagent et d'autres organisations pour changer les mentalités et les pratiques. En Allemagne, par exemple, cette problématique est moins présente. Nous devons donc travailler sur l'accompagnement des employeurs pour faire évoluer leurs pratiques en 2025.

Concernant la sous-traitance, je peux vous annoncer qu'en 2025, elle s'élèvera à 448 millions d'euros, contrairement aux rumeurs d'explosion des coûts. La sous-traitance, comme les effectifs, n'est qu'un moyen d'atteindre nos objectifs. Elle est généralement deux fois plus chère que l'internalisation, mais peut être vertueuse dans certains cas. Par exemple, pour le Parcours Emploi Santé (PES), nous faisons appel à des expertises externes, car nous ne disposons pas du savoir-faire en interne. Cependant, pour d'autres sujets, nous privilégions la réinternalisation ou la réduction de la sous-traitance.

Je tiens à rassurer sur le fait que France Travail n'entraînera pas une externalisation massive. Au contraire, nous observons une baisse substantielle de la sous-traitance.

Concernant le RSA, j'entends les inquiétudes depuis 2023. Chaque situation difficile me touche personnellement. Nous devons être attentifs aux effets de bord et former nos conseillers en conséquence. Il est important de noter que de nombreuses voies de recours existent avant toute sanction sur le RSA, impliquant notamment une décision d'un travailleur social revue par une commission pluridisciplinaire.

Pour les jeunes, notamment les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEETs), nous avons mis en place le contrat d'engagement jeune et développé l'apprentissage. Nous travaillons en étroite collaboration avec les missions locales pour mobiliser des outils efficaces, comme les immersions en entreprise. Actuellement, moins de 10 % des jeunes en contrat d'engagement jeune bénéficient d'une immersion, ce qui est insuffisant. Notre objectif est d'augmenter significativement ce taux.

Concernant les plans sociaux, comme celui de Michelin à Cholet, nous devons anticiper et ne pas attendre que les gens soient au chômage pour agir. Nous devons travailler main dans la main sur la prévention avec les entreprises et les acteurs du Conseil en évolution professionnelle (CEP). Nous commençons à expérimenter cette approche préventive avec les régions, notamment en Pays de la Loire avec sa présidente Christelle Morançais, pour repositionner les travailleurs avant qu'ils ne se retrouvent au chômage.

Mme Jocelyne Guidez. - Je souhaite revenir sur la question de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Actuellement, seules 31 % des entreprises soumises à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés respectent le taux minimum de 6 %. De plus, certaines entreprises contournent cette obligation en accueillant des stagiaires en situation de handicap pour de très courtes périodes, leur permettant ainsi d'être partiellement exonérées et d'éviter de payer la majoration.

Pourriez-vous nous présenter un état des lieux détaillé de l'emploi des personnes en situation de handicap en France ? Comment peut-on empêcher ces employeurs de contourner le système ? Du point de vue de France Travail, avez-vous identifié des freins spécifiques au recrutement et au maintien dans l'emploi qui mériteraient d'être examinés ?

Enfin, France Travail a-t-elle constaté ces mêmes dérives ? Quelles actions pourraient être renforcées pour garantir une application plus effective et sincère de cette obligation et encourager un recrutement pérenne des travailleurs en situation de handicap ?

Mme Céline Brulin. - Je souhaite revenir sur le sujet des suppressions de postes. Malgré vos explications, je reste sceptique quant à la capacité de France Travail à assumer de nouvelles missions, à faire face à une situation de l'emploi qui se dégrade et à maintenir la proximité des antennes et des agences sur l'ensemble du territoire. Nous avons déjà connu des vagues de fermetures et d'éloignement de ces agences, alors que le contexte actuel nécessite une grande proximité.

Par ailleurs, j'ai eu l'impression que vous suggériez que les situations de tension pouvaient avoir des aspects positifs. Cependant, nous continuerons à défendre, comme vous l'avez vu de manière assez transpartisane, la nécessité d'un nombre conséquent d'emplois à France Travail.

Concernant l'emploi des jeunes, vous avez évoqué de nombreux partenariats avec les missions locales. Or celles-ci nous alertent actuellement sur des réductions budgétaires qui menacent leur capacité à maintenir leurs dispositifs. Ces restrictions impactent-elles vos partenariats ?

À propos des comités locaux pour l'emploi, j'ai été frappée par une situation dans mon territoire, en Seine-Maritime. Nous avons vécu l'arrêt de l'activité chimie chez Exxon, avec des répercussions importantes sur de nombreuses entreprises sous-traitantes. Nous avons constaté qu'aucune entité n'était en mesure d'évaluer le niveau de dépendance de certaines entreprises vis-à-vis d'un grand donneur d'ordre comme celui-ci. Ne serait-il pas pertinent d'inclure dans les attributions des comités locaux pour l'emploi un recensement précis du niveau de dépendance entre les entreprises ? Cela nous permettrait d'anticiper les effets en cascade lors de crises similaires.

Enfin, nous faisons face à une pénurie de secrétaires de mairie. Dans certains départements ou régions, des formations sont mises en place en partenariat entre France Travail, les régions, les centres de gestion et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Cette initiative se généralise-t-elle à l'échelle nationale ? Cela semble nécessaire compte tenu des difficultés de recrutement dans ce domaine.

M. Olivier Henno. - Monsieur le directeur général. Je salue votre engagement et votre passion. J'ai deux questions à vous poser.

La première concerne le risque de « travail en silos ». Malgré vos efforts de coordination, quel regard portez-vous sur ce que j'appellerais tout de même le millefeuille en matière de retour à l'emploi ? Je pense notamment aux missions locales, aux plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) ou encore aux maisons de l'emploi. Lorsque Jean-Louis Borloo avait conçu le plan de cohésion sociale, il avait imaginé que les maisons de l'emploi remplaceraient les autres structures. En réalité, face aux résistances, elles sont devenues des structures supplémentaires. N'y a-t-il pas, malgré les efforts de coordination, une déperdition de moyens ?

Deuxièmement, y a-t-il une réelle mobilisation des milieux économiques pour la remise à l'emploi des plus de cinq millions de personnes qui en sont éloignées ? Récemment, lors d'une réunion, un chef d'entreprise important a déclaré qu'on aura besoin de « cinq millions de bras et de cinq millions de migrants ». N'est-ce pas parfois plus simple que de travailler au retour à l'emploi de ces personnes ?

M. Daniel Chasseing. - Monsieur le directeur général, je tiens à vous féliciter pour votre action volontariste et communicante à France Travail, ainsi que pour vos initiatives en faveur des jeunes, des seniors, des personnes handicapées et des demandeurs d'emploi

J'apprécie particulièrement votre collaboration avec les missions locales, Cap emploi, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et les entreprises pour mobiliser tous les acteurs du département ou des bassins d'emploi afin d'accompagner les personnes éloignées de l'emploi.

On constate une nette amélioration des synergies entre les départements et France Travail. Cependant, comme l'ont souligné Madame Lubin et Madame Puissat, les suppressions de postes à France Travail et la diminution du plan d'investissement dans les compétences suscitent des inquiétudes. Dans ce contexte, aurez-vous les moyens nécessaires pour mener à bien vos missions ?

Lors de mes visites à Pôle emploi, j'ai constaté que le personnel était passionné et faisait le maximum, mais l'accompagnement, qui est primordial, nécessite moins de personnes à accompagner par référent. Avec la diminution du nombre d'emplois à France Travail, ne risquez-vous pas de rencontrer des difficultés pour assurer cet accompagnement de qualité ?

Lors du vote de la loi, nous étions convenu que les 15 heures d'activité ne constituaient pas un travail, mais plutôt un accompagnement pour découvrir l'emploi. Cela suppose parfois une collaboration avec le département pour créer les conditions favorables à l'emploi, comme trouver un logement, une garde d'enfants ou découvrir une entreprise. Malgré quelques critiques initiales, il semble que ce qui avait été prévu est en train de se mettre en place. Aurez-vous les moyens de mettre pleinement en oeuvre ces mesures ?

En France, le taux d'emploi de seniors est de 40 %, contre 70 % en Allemagne. Malgré les instabilités politiques et internationales actuelles, qui ont entraîné une baisse des investissements et des embauches, quelles actions ou recommandations pourriez-vous proposer pour rapprocher ce taux d'emploi de l'exemple allemand ? Cela serait crucial pour les cotisations sociales et les retraites.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je vous remercie pour ce rapport détaillé. J'ai plusieurs questions à vous poser.

Tout d'abord, je souhaite partager un témoignage positif. Lors d'une visite ministérielle de Mme Vautrin, nous avons entendu une salariée en poste qui avait été suivie par Cap emploi. Cela démontre qu'il existe de beaux parcours et que le système fonctionne, même s'il faut rester vigilant.

Concernant le comité local pour l'emploi mis en place dans la Marne, je suggère de veiller à ce que le réseau pour l'emploi travaille davantage au développement des objectifs territoriaux. Je note une volonté croissante de collaboration entre Cap Emploi, les missions locales et France Travail. Cependant, il est important que ces comités élaborent un diagnostic territorial partagé entre tous ces acteurs, afin d'établir des objectifs correspondant à la réalité, sans être biaisés par le seul point de vue de France Travail.

Vous avez mentionné la formation d'un million de personnes, avec un taux de retour à l'emploi de 58 %, que vous jugez assez faible. Quelle est la méthode employée par France Travail avec les entreprises et les acteurs locaux pour anticiper et répondre aux besoins du marché de l'emploi ? Certains départements, comme la Seine-et-Marne, ont lancé des expérimentations en matière de formation professionnelle pour mieux correspondre aux perspectives d'emploi locales. Envisagez-vous de contribuer à ce type d'initiatives pour faciliter le retour à l'emploi ?

Lors du PLF, pendant l'examen de la mission « Travail et emploi », la ministre a évoqué un objectif sur les sorties de contrats d'engagement jeune (CEJ) plutôt que sur les entrées. Quel est votre point de vue sur cette possibilité ?

Enfin, avez-vous des plans d'action spécifiques pour les zones rurales ? Nous connaissons les actions menées dans les quartiers prioritaires de la ville, mais les zones rurales font face à des freins particuliers, notamment en termes de mobilité. Vous avez mentionné que l'immersion en entreprise n'était que de 10 %. En milieu rural, la mobilité est un véritable obstacle. Quelles actions spécifiques sont menées pour favoriser le retour à l'emploi dans ces zones ?

Mme Solanges Nadille. - J'aimerais aborder la situation en Guadeloupe, notamment concernant les suppressions de postes annoncées. Je pense qu'il faut porter une attention particulière aux outre-mer, où le taux de chômage est deux fois plus élevé que dans l'Hexagone.

Ma deuxième question porte sur la mise en oeuvre des 15 heures d'activité en Guadeloupe. Comment cela se passe-t-il concrètement ?

Le président de la Chambre de commerce des îles de Guadeloupe m'a fait part de difficultés de recrutement liées à la mobilité et au logement. Des actions spécifiques sont-elles prévues pour répondre à ces problématiques ?

Le Directeur régional est très impliqué, notamment à travers des initiatives sur la silver économie, l'économie bleue, l'économie verte et le tourisme. Cependant, l'échange avec les collectivités n'est pas toujours fluide. J'en veux pour preuve les difficultés rencontrées par l'Institut Guadeloupe Formation. Pouvez-vous nous éclairer sur les problèmes liés à la perte d'agréments de cet organisme ?

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je souhaite revenir sur certaines expérimentations. Il semblerait que le nombre de radiations soit supérieur à la baisse du nombre de bénéficiaires sortant du RSA. Comment évaluez-vous l'efficacité de la réforme plein emploi dans ces conditions ? Si ce sont principalement les radiations qui réduisent le nombre de bénéficiaires du RSA, cela pose question. Avez-vous des chiffres sur les radiations en 2024, en particulier celles pour insuffisance de recherche d'emploi ? Je voudrais également comparer ces radiations au flux d'inscriptions pour voir si ce dernier n'est pas régulé par les radiations.

Par ailleurs, comment initiez-vous les contrôles ? Comme vous le savez, un problème avec un algorithme basé sur des données sociales est survenu à la Cnaf. Vous semblez cibler vos contrôles sur les besoins des entreprises et les emplois dits vacants. Cependant, ne serait-il pas plus pertinent d'analyser les raisons pour lesquelles ces emplois restent vacants, notamment en termes de conditions de travail et de rémunération ? Pouvez-vous m'expliquer comment démarrent les contrôles ? Est-ce par les métiers vacants ou selon d'autres critères, peut-être aléatoires ?

Je souhaiterais également aborder la question soulevée par Monique Lubin concernant le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce conseil, légitime et expert, commence à lancer des alertes, allant jusqu'à demander un revenu plancher pour les bénéficiaires du RSA. Le Conseil s'inquiète du fait que certains bénéficiaires sont radiés pour ne pas avoir répondu à deux ou trois convocations.

Les effets de paupérisation ne sont pas inventés par ceux qui n'ont pas voté la loi plein emploi. Ces alertes, quoique récentes, soulèvent des questions importantes. Il ne faudrait pas que cette politique conduise à créer davantage de pauvreté et d'exclusion, en transférant simplement ces bénéficiaires vers une autre politique publique.

M. Thibaut Guilluy. - Concernant le nombre de radiations, je n'ai pas de chiffres précis à vous communiquer. La loi plein emploi permettra justement d'obtenir ces informations à l'avenir, ce qui nous permettra de discuter sur des données concrètes plutôt que sur des suppositions.

Actuellement, le processus de radiation est complexe et long, ce qui limite naturellement leur nombre.

Le contrôle de la recherche d'emploi s'effectue selon trois modalités, aléatoires, par signalement par exemple lorsqu'on découvre qu'une personne perçoit le RSA alors qu'elle est incarcérée depuis plusieurs années et par requêtes ciblées. Ces dernières peuvent notamment concerner les métiers en tension où les chances de trouver des personnes en défaut de recherche d'emploi sont plus importantes ou encore une personne en rupture conventionnelle diplômée d'une grande école n'ayant pas signé de contrat de travail depuis six semaines.

Il est important de noter que le contrôle de la recherche d'emploi n'est pas l'ennemi du demandeur d'emploi, mais un outil d'accompagnement. Il faut donc que l'engagement soit réciproque.

Dans 70 % des cas, cette investigation permet de démontrer que la personne recherche activement un emploi. Dans les 30 % restants, la moitié révèle une absence de recherche d'emploi entraînant des sanctions, tandis que l'autre moitié met en lumière des défaillances du système, nous permettant d'améliorer notre fonctionnement.

La loi plein emploi supprimera le système de radiation automatique, ce qui éliminera les soupçons de manipulation des chiffres du chômage.

Concernant les DROM, nous avons mis en place une organisation pour prendre en compte leurs particularités, qu'il s'agisse de la situation après le passage du cyclone Chido à Mayotte, des différences d'organisation territoriale, ou des enjeux démographiques variés en Guadeloupe et en Guyane. Nous adaptons donc notre approche à ces spécificités tout en maintenant un cadre commun. Pour les quinze heures d'activité, un délai supplémentaire d'un an est prévu pour les DROM, mais les modalités restent les mêmes, adaptées localement.

Quant aux moyens humains, je défends constamment les effectifs de France Travail, les considérant comme le meilleur investissement possible. Je comprends et apprécie, qu'en tant qu'élus, vous nous questionniez sur notre efficacité. Ma conviction est qu'un renforcement des effectifs de France Travail aurait un impact positif significatif, mais c'est à vous, dans une vision budgétaire globale, de faire les arbitrages nécessaires.

Enfin, concernant les comités locaux, je suis d'accord avec vous. La réforme du plein emploi ne réussira que si elle part de la réalité concrète du terrain. Nous mettons d'ailleurs à disposition de tous les élus et des services de l'État, par bassin d'emploi, l'ensemble des données propres à chaque territoire pour faciliter la prise de décision locale. Cette base sera bientôt accessible, y compris sur vos téléphones portables.

Concernant la démarche de GPECT (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales), France Travail n'a pas la capacité d'analyser les liens entre filières. Nous pouvons en revanche identifier et anticiper les risques en matière de ressources humaines ainsi que les besoins de recrutement ou les risques liés au départ d'un gros acteur. Si nous disposons des données, nous devons maintenant apprendre à les exploiter pour anticiper les risques et être proactifs vis-à-vis des petites entreprises, ce que nous ne faisons pas assez actuellement. Je suis ouvert pour tester des solutions sur vos territoires si vous êtes confrontés à des problématiques particulières.

Concernant le handicap, nous mettons en place fin mars une autre mesure en faveur de l'inclusivité afin de donner plus de visibilité aux employeurs engagés pour les demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'OETH et les entreprises souhaitant recruter des demandeurs d'emploi. Cela facilitera le recrutement pour les petites entreprises qui n'atteignent pas le quota de 6 %.

Le budget alloué par France Travail aux missions locales n'a pas diminué. Il est même en augmentation puisque nous allons débloquer un montant supplémentaire pour travailler main dans la main avec les missions locales dans le cadre du partenariat avec Avenir Pro. Conscients que fragiliser une mission locale affaiblit l'ensemble du dispositif, nous estimons essentiel qu'elles bénéficient d'un maximum de moyens.

À propos de la difficulté à recruter des secrétaires de mairie, nous travaillons avec l'Association des maires de France et le CNFPT pour assurer une couverture complète du territoire. Bien que la situation s'améliore, il reste des endroits où nous ne sommes pas encore connectés avec les centres de gestion.

Concernant les objectifs de sorties de CEJ, j'y suis totalement favorable. Mmes les ministres Vautrin et Panosyan-Bouvet ont d'ailleurs envoyé un courrier aux préfets dans ce sens. Il faut cependant être attentif, car certains jeunes sont plus éloignés de l'emploi, notamment dans les missions locales, ce qui peut entraîner des taux de sortie plus faibles. L'important est de comparer l'efficacité du système avec des publics comparables.

La question de la mobilité est un enjeu majeur, notamment dans la ruralité. Le comité local de Chalon-sur-Saône a travaillé sur ce sujet. Nous avons également des actions en cours, comme dans le Pays de Meaux ou dans le Poher, en Bretagne. Je propose d'utiliser les comités locaux qui ont des problématiques rurales pour traiter ces questions de ruralité, plutôt que de créer un service public de l'emploi rural spécifique.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi sur la profession d'infirmier - Désignation des rapporteurs

La commission désigne M. Jean Sol et Mme Anne-Sophie Romagny rapporteurs sur la proposition de loi n° 420 (2024-2025) sur la profession d'infirmier.

Mission de contrôle commune avec la commission des lois sur l'aide sociale à l'enfance - Désignation des rapporteurs

Enfin, nous allons lancer une mission conjointe de contrôle avec la commission des lois sur l'aide sociale à l'enfance.

Je vous propose que les rapporteurs pour la commission des affaires sociales soient Pascale Gruny et Anne-Marie Nédélec.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 12 heures 30.