Mardi 29 avril 2025

- Présidence de M. Simon Uzenat, président -

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Audition de M. Benoît Coeuré, président de l'Autorité de la concurrence

M. Simon Uzenat, président. - Nous reprenons les travaux de notre commission d'enquête, après la période de suspension des travaux parlementaires, en continuant à explorer le volet économique de la commande publique afin d'essayer de poser des constats objectifs sur le ressenti de nombreux acheteurs publics, notamment des collectivités.

Celles-ci ont l'impression, souvent justifiée, que les procédures de la commande publique leur font subir un surcoût très net par rapport à des achats ou projets similaires effectués par des commanditaires privés. Plusieurs facteurs économiques pourraient expliquer un tel phénomène, parmi lesquels les pratiques anticoncurrentielles développées par les entreprises pour se partager les marchés. Des scandales de ce type défraient régulièrement la chronique, mais on peut s'interroger sur la prévalence réelle de ces comportements ; nombre d'entre eux restent en tout cas impunis. Ces ententes, si elles portent atteinte à la libre concurrence, ont surtout pour effet de limiter la capacité des acheteurs publics à mettre en oeuvre des politiques publiques ambitieuses, en aggravant la charge pesant sur les finances publiques.

Pour nous faire part de son expertise en la matière, nous recevons donc M. Benoît Coeuré, président de l'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante chargée de faire respecter les règles du jeu de la concurrence en France.

Cette audition est diffusée en direct sur le site du Sénat et fera l'objet d'un compte rendu publié. Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, soit jusqu'à 75 000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement, voire sept ans en fonction des circonstances. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Benoît Coeuré prête serment.

Comme les différentes auditions d'économistes que nous avons réalisées l'ont montré, les acheteurs publics sont victimes, par nature, d'une asymétrie d'information avec les acteurs économiques, que ceux-ci accentuent parfois par des pratiques anticoncurrentielles. Vous pourrez nous expliquer quels sont les mécanismes mis en place par l'Autorité de la concurrence pour identifier ces ententes et nous exposer les enquêtes que vous conduisez, ainsi que les sanctions que vous infligez.

Le champ de la commande publique est par ailleurs très vaste : travaux, fournitures, services, concessions ou encore délégations de service public. Certains secteurs sont-ils plus touchés que d'autres par les ententes ? On pense instinctivement à celui du bâtiment, mais y en a-t-il d'autres qu'on soupçonnerait moins ?

Le législateur a par ailleurs transformé la commande publique en une politique tournée vers la transition écologique et sociale, en inscrivant des exigences fortes dans les lois Égalim, ou encore dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Vous pourrez nous dire si, selon les observations que vos services ont pu réaliser, ce virage a pu contribuer à rééquilibrer les rapports concurrentiels dans les marchés publics, ou s'ils ont au contraire été propices à des ententes.

Enfin, des mécanismes de recueil de signalements par des lanceurs d'alerte ont été mis en place, dans le sillage de la loi Sapin II du 9 décembre 2016 et de la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte. Avez-vous déjà recueilli, dans ce cadre, des signalements relatifs à des ententes dans des marchés publics ?

M. Benoît Coeuré, président de l'Autorité de la concurrence. - Merci d'avoir invité l'Autorité de la concurrence à prendre part, par ma voix, à vos réflexions sur l'évolution de la commande publique, sujet au carrefour du droit et de l'économie qui soulève une pluralité d'enjeux que vous avez bien identifiés, de la bonne utilisation des deniers publics à l'accès des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises (PME), aux marchés publics, en passant par la révision en cours des directives fixant le cadre légal de la commande publique dans l'Union européenne et le rôle de celle-ci comme levier au service non seulement de la croissance, mais également de la transition écologique.

Ces interrogations m'invitent à vous présenter le rôle de l'Autorité et sa pratique dans ces domaines, ainsi que plusieurs pistes susceptibles de rendre cette pratique plus efficace et de la renforcer.

Les missions de l'Autorité de la concurrence se déclinent en trois compétences : la compétence répressive, donc la détection et la sanction des pratiques anticoncurrentielles, qui comprennent principalement les ententes et les abus de position dominante, deux pratiques qui se rencontrent en matière de commande publique ; la fonction consultative, qui consiste à éclairer les pouvoirs publics, à la demande du Parlement ou du Gouvernement, sur des projets de texte ayant des implications sur la concurrence, ou à étudier le fonctionnement d'un secteur, ce que nous faisons aussi de notre propre initiative quand nous constatons l'apparition d'un secteur nouveau qui soulève des enjeux de concurrence inédits ; enfin, le contrôle des concentrations. À ces compétences s'ajoute la régulation des professions réglementées du droit, qui nous a été confiée par la loi du 6 août 2015.

Pour en revenir à la commande publique, rappelons d'abord que le droit administratif et le droit de la concurrence ont des objectifs complémentaires en la matière : le premier vise à garantir l'égalité d'accès et la transparence des procédures, sous le contrôle naturel du juge administratif ; le second, quant à lui, a pour objet de veiller à l'exercice d'une concurrence effective entre les offreurs, au bénéfice des finances publiques.

Le risque concurrentiel le plus courant est celui des ententes entre entreprises soumissionnant à des appels d'offres. Ces ententes prennent souvent la forme d'offres de couverture, à savoir de fausses offres, à un prix trop élevé, déposées pour protéger l'entreprise avec laquelle on s'est entendu. Pour l'Autorité, ces pratiques figurent parmi les infractions les plus graves au regard du droit de la concurrence, car elles entravent la fixation du prix par le jeu du marché, elles trompent le consommateur, en l'occurrence la personne publique, sur la réalité de la concurrence entre les entreprises soumissionnaires, et elles portent préjudice à la fois aux finances publiques et au contribuable.

La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans la commande publique a toujours été l'une de nos priorités depuis la création de l'Autorité en 2008 et même auparavant, au temps du Conseil de la concurrence, son prédécesseur. Les moyens que nous mettons en oeuvre pour prévenir et détecter ces pratiques relèvent de nos pouvoirs généraux d'investigation.

Rappelons que l'Autorité comprend, d'une part, des services d'instruction qui mènent les enquêtes, instruisent, et gèrent le dialogue contradictoire avec les entreprises, au niveau du rapport ou de la notification de grief et, d'autre part, le collège, qui prend les décisions de sanction. L'instruction et le jugement sont ainsi séparés. En tant que président du collège, je n'ai pas à connaître du détail des enquêtes menées par les services d'instruction, qui sont sous l'autorité du rapporteur général. Je prends généralement connaissance des enquêtes au stade de la notification de grief, quand on va programmer la séance du collège qui doit aboutir à une décision.

Les enquêtes peuvent être menées à partir de différentes sources : la saisine d'un plaignant, par exemple la personne publique qui se pense victime d'une entente, ou le concurrent malheureux qui en suspecte une entre ses concurrents. L'origine de l'enquête peut aussi être une demande de clémence : l'un des participants à l'entente nous dénonce les pratiques anticoncurrentielles et en apporte des preuves en échange d'un allégement partiel ou total des sanctions à son égard ; il revient au collège d'en décider en fonction de la qualité des informations apportées par l'entreprise.

L'ouverture de l'enquête peut aussi résulter de signalements internes et externes, ainsi que des rapports administratifs d'enquête qui nous sont transmis par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Celle-ci joue un rôle clé dans la détection de ces pratiques grâce à son maillage de l'ensemble du territoire, qui lui permet d'observer les pratiques et de recueillir des informations auprès des chefs d'entreprise et des collectivités, tandis que nous n'avons pas de services déconcentrés. Pour autant, la compétence de l'Autorité de la concurrence s'étend sur l'ensemble du territoire français, y compris les collectivités d'outre-mer, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie, qui ont leurs propres autorités homologues du fait de la dévolution à ces collectivités des compétences économiques. La majorité des décisions rendues publiques en matière de marchés publics sont l'aboutissement de signalements de la DGCCRF, ce qui témoigne du caractère essentiel de notre coopération avec ce service de Bercy, qui se passe très bien.

Par ailleurs, comme vous l'avez rappelé, depuis 2022, l'Autorité de la concurrence a compétence pour recueillir les signalements de lanceurs d'alerte. Toutefois, à ma connaissance - celle-ci, je le redis, est limitée pour ce qui est des instructions en cours -, aucune enquête portant sur des marchés publics, à ce jour, n'est issue d'un tel signalement. Des lanceurs d'alerte nous ont certes permis de détecter des pratiques anticoncurrentielles, mais ce n'était pas dans le domaine des marchés publics. Rappelons cependant que cette possibilité est très récente : instaurée en 2022, elle n'a dans les faits été mise en oeuvre qu'à partir de 2023.

Les pouvoirs de sanction de l'Autorité lui permettent d'infliger des amendes pécuniaires qui peuvent aller, aux termes de la loi, jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires mondial du groupe concerné.

Ainsi, déjà en 2007, dans l'affaire des lycées d'Île-de-France, notre prédécesseur, le Conseil de la concurrence, avait infligé des amendes d'un montant total de 47 millions d'euros à des entreprises de BTP qui s'étaient illégalement réparti 88 marchés publics lancés par le conseil régional.

En 2010, l'affaire des marchés publics de signalisation routière a abouti à une amende de 52 millions d'euros : les entreprises sanctionnées s'étaient réparti, pendant près de dix ans, la quasi-totalité des marchés lancés dans ce domaine par l'État, les collectivités territoriales et les délégataires de gestion d'autoroutes. Je vous invite à consulter sur notre site un podcast qui décrit de manière imagée l'enquête sur ce cartel de la signalisation routière, qui explique comment nous avons pu détecter ces pratiques.

L'Autorité est également intervenue à plusieurs reprises s'agissant de délégations de service public, qui peuvent donner lieu à d'autres types de pratiques anticoncurrentielles, comme l'abus de position dominante : une entreprise dominant un marché utilise son pouvoir pour empêcher ses concurrents de soumettre une offre. Ainsi, la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) avait présenté, en réponse à un appel d'offres alloti en plusieurs lots, une offre indivisible que ses concurrents ne pouvaient pas répliquer.

L'abus de position dominante peut aussi apparaître dans des situations où, pour l'accomplissement d'une délégation de service public, une facilité, c'est-à-dire des locaux ou une infrastructure, est nécessaire. Quand le délégataire sortant est propriétaire de cette facilité, il arrive qu'il adopte une stratégie consistant soit à refuser de la louer à ses concurrents, soit à fixer un prix excessif pour cette location. On constate ainsi que les délégations de service public constituent un champ important pour la détection et la condamnation de pratiques anticoncurrentielles.

Venons-en à des affaires plus récentes. Au cours des cinq dernières années, l'Autorité a rendu neuf décisions relatives à des ententes mises en oeuvre dans le cadre de marchés publics, dont sept décisions de sanctions et deux non-lieux - il arrive que le collège ne soit pas convaincu par le dossier -, pour un montant total de 33 millions d'euros d'amendes.

Ces décisions concernaient des secteurs variés ; les pratiques d'entente condamnées étaient le plus souvent locales. Ainsi des décisions concernant la gestion technique des bâtiments de la métropole européenne de Lille, en 2021, le transport hospitalier dans le Val d'Ariège et le pays d'Olmes, en 2022, ou encore la collecte et la gestion des déchets en Haute-Savoie, également en 2022.

Une autre affaire intéressante, en 2023, portait sur les opérations de démantèlement menées sur le site nucléaire de Marcoule ; le pouvoir adjudicateur était le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). L'Autorité a sanctionné six sociétés, à hauteur de 31 millions d'euros, pour une entente conclue dans ce secteur très spécifique et important pour la politique nucléaire de la France.

M. Simon Uzenat, président. - Quelle était l'origine principale des saisines dans les neuf affaires en question ?

M. Benoît Coeuré. - Presque toutes - sept sur neuf - étaient issues d'enquêtes de la DGCCRF, à l'exception de celle de Marcoule, dont l'origine est une demande de clémence - l'une des entreprises a dénoncé les autres - et d'une affaire portant sur des marchés de réseaux de chaleur, qui a abouti à un non-lieu : celle-ci était issue d'une saisine d'office de l'Autorité, sur la base d'un signalement ; je ne sais pas d'où celui-ci provenait.

M. Simon Uzenat, président. - Vous recevez donc très peu de sollicitations des pouvoirs publics concernés ?

M. Benoît Coeuré. - Très peu, absolument.

À ce propos, nous avons une démarche de sensibilisation des collectivités territoriales. Nous avons insisté à plusieurs reprises auprès de la Cour des comptes pour que les chambres régionales des comptes - même si elles ne sont pas compétentes en la matière, elles ont un dialogue privilégié avec les collectivités territoriales - sensibilisent celles-ci à la détection et au signalement de ces pratiques. Mais on peut faire plus ! Si les associations d'élus m'invitaient à venir leur expliquer notre action, je serais ravi d'y répondre.

Je veux aussi dire un mot de notre fonction consultative, qui nous permet de contribuer au débat, notamment sur le cadre législatif et réglementaire.

Ainsi, votre commission des finances nous a saisis en 2024 au sujet de l'assurabilité des dommages aux biens des collectivités locales. L'Autorité a rendu un rapport où figuraient certaines bonnes pratiques pour la préparation des marchés publics. Entre autres choses, nous préconisions de renforcer la connaissance qu'ont les collectivités de leur patrimoine assurable et de l'ensemble des risques auxquels elles sont confrontées, et les encouragions à mutualiser leurs ressources ou à recourir à des services d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour pallier les lacunes techniques et juridiques que l'on constate parfois dans la préparation des appels d'offres.

Toujours en 2024, nous avons publié un avis sur le fonctionnement concurrentiel du secteur des transports terrestres de personnes, qui faisait le bilan des recommandations émises depuis dix ans par l'Autorité tant pour le train que pour les taxis et les VTC, pour les transports locaux conventionnés, où encore pour le transport par bus et autocar, ouvert à la concurrence avec les « cars Macron ». Dans les services librement organisés, la concurrence entre entreprises s'exerce au quotidien - c'est le cas du TGV, par exemple -, mais ce n'est pas le cas du transport conventionné, où le seul moment concurrentiel est celui de l'appel d'offres. Nous avons donc consacré de longs développements à la structuration des appels d'offres des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en la matière.

Cet avis contient aussi des recommandations plus générales, notamment celle de recourir à des allotissements plutôt qu'à des appels d'offres en bloc, afin de favoriser l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs. Nous avons aussi pris en compte les enjeux de développement durable : dans le transport conventionné, les appels d'offres sont le moment d'intégrer, dans la mise en concurrence des entreprises, des critères environnementaux visant à renforcer la qualité et la durabilité du service.

J'en viens enfin aux pistes de réforme et d'amélioration que nous identifions dans le domaine de la commande publique. Nous considérons qu'une marge de progression importante existe : on peut mieux faire !

La première piste, c'est le renforcement de nos capacités de détection des pratiques anticoncurrentielles, particulièrement des ententes. Un enjeu important en la matière est l'accès aux données des appels d'offres des acheteurs publics en général et des collectivités locales en particulier. Nous avons déjà fait des propositions, notamment en 2019, à l'occasion de la mise à jour des arrêtés relatifs à la collecte des données pour les acheteurs publics : nous recommandions notamment qu'y soient incluses des données supplémentaires, à savoir l'identification de chaque entreprise candidate et non pas seulement de l'entreprise gagnante, ainsi que le montant des offres soumises, la note globale attribuée à chaque offre, l'estimation du montant du marché par l'acheteur public et le numéro de l'avis de mise en concurrence afférente. Aujourd'hui, en l'absence de transmission de ces données, nous sommes incapables d'utiliser des méthodes quantitatives qui nous permettraient de repérer des irrégularités dans les prix et les soumissions, donc de détecter les offres de couverture. L'expérience des autres pays montre que cela peut favoriser la détection, de manière très concrète. Nos homologues espagnols utilisent un algorithme extrêmement puissant à cette fin, mais cela nous est impossible en l'état actuel du droit, puisque nous n'avons pas été suivis par le Gouvernement sur ce point.

La deuxième piste, c'est la formation et la sensibilisation des acheteurs publics. Nous assurons déjà des sessions de formation sur la commande publique, en réponse aux sollicitations des ministères et des collectivités. Nous avons ainsi sensibilisé le ministère des armées à la prévention et à la détection des pratiques anticoncurrentielles. La Commission européenne finance un projet sur plusieurs pays, que nous conduisons en France avec la DGCCRF, pour mieux diffuser les messages relatifs aux ententes anticoncurrentielles dans les marchés publics. Mais ce qui manque aujourd'hui, c'est une information systématique des acheteurs publics.

Une dernière piste de réforme porte sur le contentieux indemnitaire. L'Autorité de la concurrence décide de sanctions de type pénal, mais les acheteurs publics lésés, les collectivités notamment, peuvent ensuite intenter des actions en réparation, devant le tribunal administratif. Cet outil a été sensiblement renforcé par la transposition de la directive Dommages du 26 novembre 2014, qui a allégé la charge de la preuve pour la victime.

Or force est de constater qu'il y a peu de demandes indemnitaires. Ces dernières années, on peut relever une décision du tribunal administratif de Strasbourg, en octobre 2021, qui a condamné les membres d'une entente dans le transport scolaire par autocar à indemniser la collectivité concernée à hauteur de 2 millions d'euros. Ledit tribunal nous avait sollicités pour évaluer le montant du préjudice, bon exemple de coopération possible entre l'Autorité et les juridictions administratives, que nous pouvons aussi aider à définir un marché ou à caractériser une position dominante.

Par ailleurs, le Conseil d'État s'est prononcé en avril 2021 sur une action en réparation portant sur le cartel de la signalisation routière que j'ai déjà évoqué, à la suite de la décision de l'Autorité de 2010. Il a confirmé un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes condamnant l'une des sociétés à verser 4 millions d'euros au département de Loire-Atlantique. C'est à saluer, mais là encore, il faudrait que ces réparations soient plus systématiques, et que la procédure soit moins longue : les pratiques en question remontaient aux années 2000 !

Une réflexion collective doit donc être menée, qui dépasse le cadre de vos travaux, sur la manière d'encourager les collectivités et les autres acteurs publics lésés à engager des actions indemnitaires, de les accompagner et de les soutenir dans ces actions très longues et compliquées.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - Quelle appréciation portez-vous sur l'attribution par le Health Data Hub (HDH) de l'hébergement de nos données de santé à Microsoft ? De même, comment évaluez-vous l'attribution à Microsoft de l'hébergement des données issues de l'enseignement supérieur, notamment de l'Ecole Polytechnique ? Il semble qu'OVH ou Scaleway n'aient pas eu la possibilité de participer à cette procédure, révélant une absence de mise en concurrence effective par l'État au bénéfice de Microsoft, acteur en position dominante.

M. Benoit Coeuré. - Je distinguerai ici la question générale relative à la souveraineté en matière de cloud et à l'opportunité d'héberger des données publiques dans des clouds gérés par des entreprises étrangères des aspects strictement concurrentiels.

En premier lieu, il apparaît effectivement tout à fait souhaitable que la France assure sa souveraineté en matière de cloud. À cet égard, je précise que l'Autorité de la concurrence stocke toutes ses données localement. Il s'agit d'un choix délibéré auquel nous restons fidèles et qui n'a pas été fait par tous nos homologues : nos collègues britanniques, par exemple, hébergent l'intégralité de leurs dossiers dans des clouds gérés par des entreprises privées.

Cette souveraineté constitue donc un objectif souhaitable. L'Autorité de la concurrence s'est d'ailleurs penchée sur cette problématique dans son avis relatif au secteur du cloud publié en 2023. Elle y constatait néanmoins une difficulté liée à la profondeur du marché : les entreprises elles-mêmes indiquent parfois ne pas trouver intérêt à recourir à des solutions françaises ou européennes, précisément à cause de l'insuffisante profondeur du marché, entendu comme l'ensemble des fonctionnalités techniques et des offres de fournisseurs tiers associées à un type de cloud déterminé. Ainsi, les places de marché existant dans le domaine du cloud, où il est possible d'acquérir des services, des logiciels ou des applications, présentent une diversité et une profondeur bien supérieures autour d'Azure ou d'Amazon Web Services (AWS) qu'autour d'OVH, c'est un fait objectif.

Nous faisons donc face à un problème comparable à celui de la poule et de l'oeuf : la création d'une telle profondeur ne se décrète pas du jour au lendemain ; il est nécessaire d'engager une politique active visant à soutenir les acteurs français et européens afin de renforcer leur présence sur le marché et d'offrir aux entreprises la richesse d'offres indispensable. Une telle politique, j'en ai la conviction, ne pourra réussir qu'au niveau européen.

La priorité consiste donc à faire avancer la réflexion européenne au sujet d'un équivalent au dispositif SecNumCloud qui, comme vous le savez, présente un haut degré d'exigence.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - Si je vous adresse un signalement relatif à une absence de concurrence ou à une situation de position dominante concernant Microsoft, engagerez-vous une action ?

Je serai très clair : OVH n'est pas un acteur mineur. Il s'agit du premier acteur européen, ce qui représente une référence solide. Si nous ne lui attribuons pas nos propres marchés à 100 millions d'euros et que nous les confions systématiquement à Microsoft, nous ne lui permettons pas de croître davantage.

M. Benoit Coeuré. - Si vous nous adressez un signalement, nous ouvrirons évidemment une enquête. Toutefois, au regard du droit de la concurrence, l'analyse portera sur l'existence éventuelle d'un comportement de Microsoft ayant empêché ses concurrents de candidater.

En l'espèce, je n'exprimerai pas d'avis, n'ayant pas connaissance des conditions précises de l'appel d'offres. Il est possible que nous aboutissions à la conclusion selon laquelle la structuration même de l'appel d'offres et les conditions imposées par l'acheteur public ont conduit à privilégier Microsoft. Dans ce cas, un problème pourrait effectivement se poser, mais il ne relèverait pas du droit de la concurrence. Il s'agirait alors probablement d'une question susceptible d'être portée devant le juge administratif.

Ainsi, il conviendrait en l'occurrence de disposer d'indices suggérant que Microsoft, puisque vous l'évoquez, a conçu et mis en oeuvre une stratégie visant à exclure ses concurrents. De telles stratégies ont déjà été observées dans d'autres domaines, et j'ai mentionné à cet égard certains dossiers. Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement ce marché, aucun signalement de cette nature ne nous est parvenu.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - De la même manière, estimez-vous que l'Union des groupements d'achats publics (Ugap) occupe parfois une position dominante dans la commande publique vis-à-vis d'autres acteurs, en raison du recours systématique et facilité à ses services, empêchant ainsi des acteurs de moindre importance de répondre à certains appels d'offres ?

M. Benoit Coeuré. - Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, car nous n'avons pas examiné ce point. Je vous remercie de l'avoir porté à ma connaissance.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - Sont en cause 9 milliards d'euros de commande publique, mais une contrainte assez forte en faveur de l'Ugap me semble empêcher l'émergence d'une vraie concurrence.

M. Benoit Coeuré. - Il conviendrait d'examiner ce point ; là encore, ma réponse sera similaire : il s'agirait de distinguer, d'une part, une éventuelle position dominante susceptible de résulter de la taille relative des acteurs ou des stratégies mises en oeuvre par les soumissionnaires eux-mêmes, et d'autre part, les stratégies adoptées par les commanditaires, qui peuvent structurer le marché de telle sorte que l'attribution bénéficie naturellement à un acteur particulier.

Dans ce second cas, la question échapperait au droit de la concurrence, puisque notre autorité ne s'exerce pas sur les personnes publiques, et relèverait alors d'autres problématiques, en l'espèce du juge administratif, chargé d'apprécier l'équité des conditions d'attribution du marché.

M. Henri Cabanel. - Vous avez évoqué les services d'instruction et ceux du collège. Quels sont vos moyens humains dans chacun d'entre eux, et combien d'affaires traitez-vous en moyenne par an ? Vous avez indiqué que vous pourriez « faire mieux » : pouvez-vous préciser davantage votre vision sur ce point ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je souhaite prolonger et compléter la question de notre rapporteur sur l'attribution des marchés publics aux géants de la Big Tech. Je tiens d'abord à vous féliciter, Monsieur le président, que l'Autorité de la concurrence confie ses données à un acteur souverain. Vous constituez en cela un exemple que, je l'espère, beaucoup suivront.

M. Benoit Coeuré. - Nous ne les confions à personne ; nous les gardons pour nous.

Mme Catherine Morin-Desailly. - C'est encore mieux ! Je vous remercie d'avoir cette préoccupation.

Vous avez indiqué en préambule combien la commande publique est importante pour assurer la croissance et la transition écologique. Peut-on considérer qu'elle a également un rôle à jouer dans la quête d'autonomie stratégique et de souveraineté, questions qui se posent aujourd'hui de manière cruciale ? Peut-on envisager d'intégrer précisément ces conditions dans les appels d'offres ?

J'évoque d'autant plus volontiers ce sujet en reprenant la question de M. Wattebled sur l'attribution à Microsoft de l'hébergement des données de santé des Français par cette nouvelle plateforme, le HDH. Aucun appel d'offres spécifique n'avait alors été lancé alors que le besoin de nouvelles fonctionnalités avait émergé. N'aurait-il pas fallu précisément en lancer un, compte tenu de ces nouveaux éléments ?

À ce propos, quel est votre pouvoir d'évaluation concernant la puissance du lobbying exercé par les Gafam - Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft -, en particulier les trois principaux acteurs que sont Google, AWS et Microsoft, qui vise à capter intégralement le marché du cloud ? Cette puissance s'exerce également sur l'Ugap, ainsi qu'on nous l'a rapporté à plusieurs reprises, et sur les administrations d'État, pénalisant ainsi d'autres acteurs.

Vous avez évoqué à juste titre la question du problème de la poule et de l'oeuf concernant la profondeur du marché. Toutefois, ce problème constitue parfois une bonne excuse pour ne pas s'engager dans une démarche volontariste permettant d'utiliser la commande publique pour favoriser la montée en puissance de nos propres entreprises.

Une autre question connexe concerne la réglementation européenne. Trop souvent, jusqu'à une période récente, les règles européennes de concurrence jouaient à notre détriment. Quelle appréciation portez-vous sur les nouvelles mesures contenues notamment dans le Data Governance Act, anticipées dans la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (SREN), dans laquelle nous avions introduit des articles pour revoir ces règles de concurrence ? Par exemple, les Big Tech devront désormais réduire les frais de sortie imposés aux entreprises utilisatrices de leurs services.

Enfin, quelle analyse faites-vous des pratiques commerciales comme les essais gratuits, destinés à habituer les utilisateurs à une solution spécifique dont il devient ensuite extrêmement difficile de sortir, en raison, notamment, de délais excessivement longs ? Cette législation a récemment évolué en notre faveur. Considérez-vous que nous sommes allés suffisamment loin pour garantir une concurrence réellement loyale à nos propres entreprises ?

M. Jean-Marc Ruel. - Dans un contexte de tension économique mondiale caractérisé par les politiques industrielles offensives de certains États tiers, notamment au travers des subventions massives, comment l'Autorité de la concurrence, en lien avec les instances européennes et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), envisage-t-elle de maintenir l'équilibre entre ouverture concurrentielle et protection des secteurs stratégiques français ? Faut-il repenser les principes de concurrence pour mieux intégrer les impératifs de souveraineté économique, notamment dans les secteurs stratégiques comme l'énergie et le numérique ?

M. Benoit Coeuré. - Je vous remercie de m'interroger sur les moyens dont nous disposons, alors que se prépare déjà le budget pour 2026. L'Autorité de la concurrence dispose actuellement d'environ 200 à 205 équivalents temps plein (ETP), répartis à hauteur de 160 dans les services d'instruction et de 40 dans les autres services. Les services d'instruction incluent les équipes chargées d'enquêter sur les pratiques anticoncurrentielles, le service des concentrations compétent pour les demandes de fusion-acquisition, ainsi que le service économique et celui de l'économie numérique. Ce dernier, bien que restreint, apporte un soutien important aux autres équipes.

Ces moyens, correspondant à un budget annuel d'environ 24 millions d'euros, doivent se rapporter au montant des amendes prononcées par l'Autorité et collectées par le Trésor public, soit 1,4 milliard d'euros en 2024. Réduire les moyens de l'Autorité conduirait dès lors à une diminution de ses capacités d'investigation, et par conséquent à une baisse des recettes pour l'État. Or les effectifs prévus pour 2025 accusent une baisse de deux ETP par rapport à l'année précédente. L'Autorité comprend pleinement la nécessité de discipline budgétaire à laquelle elle est soumise et s'attache à une gestion rigoureuse ; pour autant, si nos moyens sont réduits, nous rapporterons moins d'argent à l'État.

Cette diminution est particulièrement préoccupante dans le contexte de l'outre-mer, où des problèmes graves de concurrence existent et où les pouvoirs publics demandent légitimement une intensification des enquêtes. J'ai eu l'occasion de le rappeler au ministre concerné : sans moyens adéquats, une telle intensification ne pourra avoir lieu.

Concernant le Health Data Hub, l'Autorité n'a pas été saisie de la procédure en cause et n'a donc pas de commentaire particulier à formuler. Cela étant, il serait évidemment souhaitable que toutes les infrastructures publiques reposent sur un cloud souverain, français ou européen. La question d'une telle infrastructure européenne se pose de manière aiguë : le standard français SecNumCloud est très exigeant, mais limité au territoire national, il constitue un peu une réserve d'Indiens, et ne permet pas au marché européen d'atteindre toute la profondeur et le dynamisme économique nécessaires. Il importe ainsi d'adopter une approche européenne sur ce sujet.

Intégrer des critères d'autonomie stratégique ou de souveraineté dans les appels d'offres apparaît parfaitement légitime. Cette question relève naturellement d'une discussion au niveau européen, compte tenu des directives sur les marchés publics. Toutefois, il convient d'être conscient des arbitrages à effectuer : un marché plus étroit avec moins d'acteurs induirait nécessairement un coût supérieur pour les acheteurs publics. Le cloud souverain offre un bon exemple à ce titre : l'autonomie stratégique implique un prix qu'il faut accepter, identifier clairement et inscrire dans les textes européens afin d'éviter tout comportement discrétionnaire.

Face aux déséquilibres induits par les Gafam, plusieurs textes européens, notamment le règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act - DMA), permettent de corriger certaines distorsions. Au niveau national, l'Autorité dispose d'une jurisprudence importante en matière de sanctions à leur encontre : il y a un mois, Apple a été sanctionnée à hauteur de 150 millions d'euros concernant ses pratiques relatives à la protection de la vie privée dans son magasin d'applications ; d'autres sanctions ont visé Meta et Google.

Dans son avis sectoriel de 2023, l'Autorité a constaté que le marché du cloud se caractérisait par une structure oligopolistique croissante, dominée par des acteurs américains, dans un domaine où la France accuse un retard d'adoption du cloud, particulièrement au niveau des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), particulièrement dommageable. Cette situation exige une vigilance accrue non seulement en matière de droit de la concurrence, mais également au travers du droit des pratiques commerciales restrictives, relatif notamment à l'opacité et au déséquilibre des contrats imposés par les grands acteurs américains. Très souvent, l'utilisateur se voit demander d'approuver des conditions générales d'utilisation sur un site Internet, sans qu'un véritable contrat existe. Toute tentative de renégociation s'avère alors extrêmement difficile. De grandes entreprises elles-mêmes nous ont indiqué leur incapacité à renégocier leurs contrats avec les hyperscalers américains. Cette situation relève d'une combinaison du droit de la concurrence, du droit des pratiques commerciales restrictives ainsi que, plus généralement, du droit des contrats devant le tribunal de commerce.

Pour ce qui la concerne, l'Autorité de la concurrence demeure très mobilisée. À cet égard, une enquête est en cours dans le domaine spécifique, mais crucial, des cartes graphiques, essentielles pour le cloud comme pour l'intelligence artificielle, avec des perquisitions réalisées récemment chez un acteur mondial majeur du secteur

Le lobbying des grands acteurs du secteur constitue une manifestation naturelle de leur puissance économique. Toutefois, le problème fondamental demeure leur position dominante sur le marché.

Concernant le Data Act européen et la loi SREN, l'Autorité avait formulé des recommandations précises, reprises lors du dialogue fructueux avec le Sénat pendant l'examen de ce texte, qui a permis des améliorations par rapport à la version initiale du Gouvernement, que je qualifierais de perfectible. L'équilibre final atteint me semble satisfaisant, notamment grâce à l'élimination anticipée des frais de sortie, facteur critique identifié par l'Autorité pour renforcer la concurrence.

De même, la régulation des crédits cloud, c'est-à-dire des offres gratuites de services cloud, ne figure pas dans le Data Act européen, la France n'ayant pas réussi à l'imposer, mais se retrouve désormais dans la loi, sous une forme qui me paraît raisonnable. Dans l'avis rendu sur ce sujet, l'Autorité avait insisté sur le fait que ces crédits, dès lors qu'ils restent mesurés, ne constituent pas nécessairement une mauvaise pratique. Les start-ups françaises, par exemple, en bénéficient souvent, alors qu'elles ne disposent pas, à leurs débuts, des moyens nécessaires pour financer ces services. La possibilité d'y accéder gratuitement facilite donc leur démarrage. Pour autant, il convient d'éviter toute accoutumance à l'égard d'acteurs dominants. De ce point de vue, l'équilibre trouvé dans la loi SREN me semble pertinent.

Enfin, l'attribution à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) d'une compétence en matière d'interopérabilité constitue une avancée positive.

En matière de concurrence et de souveraineté, le droit européen et français de la concurrence n'exclut pas la protection des secteurs stratégiques. Ainsi, le domaine militaire demeure largement exempté des règles de concurrence, avec toutefois quelques subtilités concernant les activités duales, civiles et militaires. À titre d'exemple, l'Autorité avait autorisé sans condition l'an dernier l'acquisition de Cobham Aerospace Communications par Thales, après examen détaillé, alors que cette entreprise produit des logiciels d'avionique destinés aux aéronefs civils comme militaires.

Par ailleurs, tant l'Autorité que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne disposent de la faculté d'intégrer des considérations d'intérêt général dans leurs analyses. De surcroît, la possibilité d'autoriser, pour des motifs d'intérêt général non concurrentiels, une opération pourtant défavorable à la concurrence selon l'Autorité est explicitement prévue par le code de commerce. Enfin, le ministre peut autoriser une opération que nous nous apprêterions à interdire, pour des motifs d'intérêt général, qui ne peuvent toutefois avoir un lien avec la concurrence elle-même. La loi prévoit donc une forme de dialogue entre l'Autorité, dont le champ est étroit, et le Gouvernement.

Concernant les subventions, l'Autorité de la concurrence n'exerce pas de contrôle direct sur celles-ci. L'Europe a accusé un retard important à l'allumage sur cette question. Alors que l'Union disposait d'un système très performant, détaillé et intrusif en matière de contrôle des aides d'État, aucun instrument comparable n'existait concernant les subventions octroyées par des autorités étrangères.

Désormais, ce trou dans la raquette se trouve comblé. Le règlement sur les subventions étrangères commence à être appliqué ; il permet à la Commission européenne de condamner des opérations bénéficiant d'un niveau de subvention accordé par un État étranger non équivalent à celui dont disposent les concurrents européens. Cette évolution, très récente, constitue un progrès.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 15 h 30.

Audition de M. Jean-Noël de Galzain, président, et Mme Dorothée Decrop, déléguée générale d'Hexatrust, avec des représentants d'entreprises membres de cette association

Le compte rendu sera publié ultérieurement

Audition de M. Cosimo Prete, président de l'entreprise CST (Crime Science Technology)

Le compte rendu sera publié ultérieurement