Mercredi 30 avril 2025

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Audition de M. Alexander Neef, directeur général, et Mme Aude Accary-Bonnery, directrice générale adjointe de l'Opéra national de Paris

M.  Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Alexander Neef, directeur général de l'Opéra national de Paris, et quatre de ses collaborateurs : Aude Accary-Bonnery, directrice générale adjointe, qui a pris ses fonctions en mars dernier, en remplacement de Martin Ajdari, nommé Président de l'Arcom ; José Martinez, directeur de la danse depuis octobre 2022 ; Ariane Muraour, directrice des ressources humaines ; Violaine Charpy, directrice des bâtiments et de la transition écologique.

Monsieur le directeur général, notre commission n'avait pas eu l'occasion de vous entendre depuis votre entrée en fonction le 1er septembre 2020. Alors que votre premier mandat de six ans n'est pas encore arrivé à son terme, vous avez d'ores et déjà été reconduit par le Président de la République, sur proposition de la ministre de la culture, pour un second mandat courant jusqu'en 2032. Nous sommes donc très heureux de vous recevoir pour la première fois au sein de notre commission qui, vous le verrez, suit avec beaucoup d'intérêt, de conviction, de passion parfois, le secteur du spectacle vivant public, et plus particulièrement celui des arts lyriques et chorégraphiques.

Votre audition est l'occasion, pour nous, de faire un point sur la situation de l'Opéra national de Paris et ses perspectives pour les années à venir. En effet, l'institution prestigieuse que vous dirigez fait face, depuis plusieurs années déjà, à une équation complexe à résoudre entre équilibre économique, excellence artistique et démocratisation culturelle.

Le défi est d'abord budgétaire. Pour compenser le déséquilibre croissant entre le niveau de ses charges fixes et celui de sa subvention pour charges de service public, l'Opéra a dû faire évoluer son modèle économique. Après une décennie compliquée, l'institution a renoué avec l'équilibre financier en 2023, ainsi que le constate la Cour des comptes dans un rapport rendu public en octobre dernier. Cette amélioration, qui s'est confirmée en 2024, a été rendue possible par la maîtrise des coûts et le développement de ressources propres, en particulier celles issues du mécénat.

Monsieur le directeur général, nous aimerions savoir ce qui a guidé vos choix budgétaires ces dernières années et connaître vos arbitrages pour celles à venir, sachant que l'Opéra se heurte désormais à un « mur d'investissement » immobilier considérable, évalué à 600 millions d'euros d'ici 2037. L'état de vétusté de son patrimoine oblige en effet à mener de front deux chantiers de rénovation, qui devraient conduire à des périodes de fermeture prolongées, en alternance, au Palais Garnier puis à l'Opéra Bastille. Quels leviers comptez-vous activer pour couvrir ce besoin de financement ? Quelles seront les répercussions des travaux sur la programmation lyrique et chorégraphique ?

L'Opéra national de Paris fait ensuite face à un défi artistique et sociétal. Il se doit de faire vivre un héritage d'excellence et d'exigence artistiques, tout en encourageant la création contemporaine, en formant de jeunes générations d'artistes, en s'adressant à de nouveaux publics et en s'ouvrant à d'autres usages. Sur tous ces aspects, vous avez, Monsieur le directeur général, initié plusieurs actions concrètes :

- je pense notamment à l'installation, en résidence à l'Opéra, d'une troupe lyrique destinée aux jeunes talents. Dans le cadre de ce projet, qui a pour ambition de renforcer la filière professionnelle lyrique française, quelle est la place des jeunes issus de l'école française de chant ? Plus largement, alors que vos équipes artistiques et vos distributions sont aujourd'hui très internationales, quelle place accorder aux chanteurs, chefs d'orchestre, metteurs en scène français ?

- afin de faire connaître l'institution au-delà de Paris et même du territoire métropolitain, vous avez lancé le programme « Opéra en Guyane », qui prévoit notamment l'accompagnement des jeunes talents : comment cette opération est-elle reçue en Guyane ? Comptez-vous l'étendre à d'autres territoires ultra-marins ?

- concernant plus spécifiquement la danse, vous avez promu au grade d'étoile des danseurs aux profils plus variés que par le passé et fait évoluer certaines modalités de promotion interne au sein du corps de Ballet. Vous avez également créé un « Junior Ballet » pour faire le lien entre l'École de danse et le Ballet. Comment tous ces changements sont vécus par les danseurs ?

- en matière de nouveaux usages, vous avez lancé la plateforme de streaming Paris Opéra Play qui permet d'accéder à toute une gamme de contenus en ligne. Quel accueil le public réserve-t-il à cette nouvelle plateforme ?

Au-delà du premier bilan que vous dressez de ces actions, nous aimerions connaître vos priorités pour les prochaines années en matière d'égalité des chances, de diversité et de démocratisation.

Monsieur le directeur général, vous avez la parole pour un propos liminaire d'une dizaine de minutes. Je passerai ensuite la parole à mes collègues, et notamment à notre rapporteure pour la création, Karine Daniel. Je vous rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat.

M. Alexander Neef, directeur général de l'Opéra national de Paris. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je rappellerai, à titre liminaire, les principales caractéristiques de l'Opéra national de Paris. Je présenterai ensuite les grandes lignes du projet que nous sommes en train de mettre en oeuvre avec mon équipe. J'évoquerai enfin les défis que nous identifions pour l'institution.

L'Opéra national de Paris est l'un des plus grands théâtres au monde ; premièrement par l'intensité de son activité : nous sommes implantés sur quatre sites : les deux théâtres que vous connaissez, l'Opéra Bastille et le Palais Garnier, mais aussi les Ateliers Berthier et l'École de danse à Nanterre. Nous accueillons chaque année environ 850 000 spectateurs dans nos salles, ce qui représente la moitié du public lyrique et chorégraphique de France. Un peu plus d'un million de visiteurs visitent le Palais Garnier en journée. La programmation repose sur environ 30 productions lyriques et chorégraphiques et près de 390 levers de rideau par an.

Deuxièmement, par la diversité de ses missions prévues par son décret statutaire : proposer une programmation qui allie oeuvres du répertoire et nouvelles créations à la fois pour le ballet, l'art lyrique et les concerts ; former les artistes de demain ; s'ouvrir à un public plus large ; rayonner en France et à l'international.

Troisièmement, par la diversité de ses métiers et de ses savoir-faire. L'Opéra compte près de 1 500 salariés permanents et quelques centaines de personnes en contrat à durée déterminée. Il se compose de collectifs d'artistes parmi lesquels les 154 danseurs du Ballet, les 175 musiciens de l'orchestre, la centaine de choristes, la troupe lyrique que vous avez évoquée, Monsieur le Président, d'une douzaine de chanteurs et le Junior Ballet qui compte aujourd'hui 18 danseurs, bientôt 24. L'Opéra comprend aussi des ateliers intégrés de fabrication de décors, de costumes, d'accessoires, de coiffure, de maquillage, etc. Il s'agit là d'une organisation très spécifique, indispensable pour maintenir le niveau d'exigence qui est le nôtre, et pour préserver, en France, des métiers d'art et des savoir-faire exceptionnels sans lesquels nous serions amenés à trouver des fournisseurs à l'étranger. L'Opéra national de Paris est dépositaire d'une centaine de métiers, parfois très rares.

Il est l'un des plus grands théâtres au monde, quatrièmement, par son modèle économique : son budget annuel est de l'ordre de 250 millions d'euros, aujourd'hui couvert majoritairement par des ressources propres - 60 % des recettes - et par la subvention de charges de service public - 40 % des recettes - d'environ 100 millions d'euros.

J'en viens maintenant au projet que nous sommes en train de mettre en oeuvre, qui comporte trois axes majeurs. Le premier est d'assurer le redressement économique de l'Opéra après la crise sanitaire, ce qui passe par une politique volontariste de diversification des recettes à travers l'augmentation de toutes les ressources propres. Entre 2019 et 2024, les recettes de billetterie ont augmenté de 7 %, les recettes de mécénat de 45 % et les recettes des visites du Palais Garnier de 40 %. Cette démarche inclut aussi un effort de maîtrise des charges qui engage tout l'établissement. Malgré le contexte inflationniste, les dépenses opérationnelles sont restées quasi stables entre 2019 et 2023, et les dépenses artistiques extérieures (cachets des artistes invités, décors, costumes, etc.) sont légèrement en baisse. Cette stratégie a porté ses fruits puisque l'institution a renoué, de façon anticipée, avec l'équilibre économique en 2023. L'année 2024 s'est même terminée avec un léger bénéfice.

Ce succès repose d'abord sur la confiance du public, mais aussi sur celle des pouvoirs publics et des mécènes. Les ventes de billets à date, pour la nouvelle saison 2025-2026, montrent déjà une forte hausse des abonnements, de l'ordre de 27 %. Bien qu'il soit un peu tôt pour en tirer des conclusions définitives - la campagne d'abonnement se terminera au mois d'août -, ces premiers résultats sont très encourageants et témoignent d'une confiance renouvelée en l'institution. Cependant, son modèle reste fragile. Chaque lever de rideau est une prise de risque. Nous ne savons jamais avec certitude si le public va adhérer à la proposition artistique. À cela s'ajoute un contexte économique incertain et difficile pour tout le monde.

Le deuxième axe de notre stratégie consiste à proposer une programmation diversifiée qui permet au public français et étranger de voir sur les scènes de l'Opéra national de Paris les meilleurs talents artistiques du monde. Nous mettons en oeuvre cette logique au fil de chaque saison. Le public est bien au rendez-vous puisque les taux de remplissage dépassent les 90 % ces deux dernières années. Le public se renouvelle aussi : chaque soir, l'Opéra accueille environ 50 % de nouveaux spectateurs.

Notre troisième axe stratégique est de favoriser l'émergence de nouveaux talents. Outre le rayonnement international de l'École de danse, qui reste un pilier de notre activité, je voudrais mentionner plusieurs initiatives récentes destinées à accompagner la formation et l'insertion professionnelle des jeunes artistes : le lancement, en 2022, du programme l'Opéra en Guyane, que vous avez évoqué, Monsieur le Président ; l'installation, en 2023, du premier orchestre lyrique de jeunes ADO ; la création, toujours en 2023, d'une troupe lyrique ; la composition, en 2024, d'un Junior Ballet. Ces opérations sont une nécessité pour poursuivre et répondre aux défis de demain. L'Opéra national de Paris fait face dans les années à venir à des enjeux structurants. Nous travaillons au quotidien pour y apporter des réponses.

Le premier défi est de renouveler et moderniser nos sites, et, à travers eux, de réinventer notre institution. Des travaux indispensables de modernisation et de rénovation des cages de scène de nos deux théâtres, aujourd'hui vétustes, nous attendent. Ce qui va d'abord entraîner la fermeture du Palais Garnier. Ces travaux sont aussi pour nous une opportunité de repenser nos théâtres, de nous réinventer pour répondre aux attentes du public de demain, d'améliorer les conditions de travail de nos salariés et des artistes invités, ainsi que de conforter dans la durée notre modèle économique. Nous avons la chance d'avoir deux théâtres, ce qui nous permettra d'assurer la continuité de l'activité avec l'un toujours ouvert quand l'autre sera en travaux. Ainsi, au Palais Garnier, la fermeture est prévue de l'été 2027 à l'été 2029. Nous sommes en contact avec d'autres théâtres parisiens pour leur proposer des programmations alternatives qui permettent d'accueillir nos collectifs. Je précise que le Palais Garnier restera ouvert aux visites. Nous réfléchissons également à la possibilité de présenter des petits formats artistiques, même pendant les travaux. Vous vous souvenez peut-être que, pendant la pandémie, nous avons proposé une petite programmation sur la fosse élevée devant le rideau de fer. Nous sommes en train d'évaluer si ce scénario est envisageable pendant la période de travaux. Celle-ci sera aussi l'occasion de travailler à l'amélioration du parcours de circulation et de la performance énergétique du Palais Garnier.

À l'Opéra Bastille, la fermeture est prévue à l'horizon de l'été 2030 jusqu'à l'été 2032. De la même façon qu'à l'Opéra Garnier, il faudra imaginer une programmation alternative. Les travaux indispensables de la cage de scène de Bastille nous amènent aussi à repenser les conditions de travail, qui ont évolué, et à recréer un lien plus fort avec l'environnement urbain du théâtre. C'est aussi le moment d'améliorer la performance énergétique du bâtiment - les constructions des années 80 posent, à cet égard, des défis importants. Nous travaillons donc actuellement à cet ambitieux projet de rénovation, son calendrier et son financement, en lien avec le ministère de la culture. Il va sans dire que l'impact de ces travaux sur l'activité de l'institution sera important. La programmation du Palais Garnier représente environ un tiers de notre activité ; celle de Bastille, les deux tiers. À chaque fermeture, il faudra donc à la fois anticiper son incidence sur la programmation, mais aussi accompagner nos personnels pour assurer le maintien de leur activité et la transmission de leurs savoir-faire. Il faudra aussi que nous proposions une programmation hors les murs et une activité alternative. Nous y travaillons. Je le redis : ces travaux sont indispensables pour des raisons techniques de sécurité, mais aussi pour nous permettre de répondre à d'autres défis, que je vais maintenant développer.

Le deuxième défi est de continuer à s'adresser à tous les publics et à préparer le public de demain. Comme la plupart des institutions culturelles, nous sommes attentifs à la nécessité de renouveler et d'élargir notre public. Il faut toujours faire en sorte que l'Opéra soit un peu moins impressionnant. J'aime à dire que nous devons démystifier ce que nous faisons, tout en préservant le mythe. La programmation que nous préparons doit être aux prises avec les enjeux du monde actuel pour aller vers tous les publics : telle est notre mission. Cela passe, par exemple, par une démarche d'accueil inclusive, notamment en direction du public en situation de handicap, et par une politique de prix qui préserve les catégories de places les moins chères. Aujourd'hui, un tiers des places sont vendues à moins de 50 euros. Cet enjeu est au coeur de notre mission de service public, qui justifie aussi notre financement public, sans lequel nous ne pourrions pas mener cette politique de prix. Cette démarche concerne notamment les jeunes qui bénéficient d'offres préférentielles : au cours de la saison 2023-2024, 19 % des places ont bénéficié à des jeunes de moins de 28 ans. Nous pilotons également des dispositifs d'éducation artistique et culturelle pour déceler les talents, mais aussi pour faire émerger le public de demain. Je citerai ici le dispositif « Dix mois d'école et d'opéra », qui se déploie désormais dans quatre régions en France. Aller vers tous les publics, c'est aussi améliorer la diffusion des spectacles sur tous les territoires, conformément à notre mission nationale. À cette fin, nous avons mis en place de nombreux dispositifs : des tournées ; les opérations « opéra d'été » qui permettent de diffuser gratuitement, dans les collectivités territoriales qui le souhaitent, des oeuvres captées à l'opéra ; des partenariats spécifiques en région, notamment « l'Opéra en Guyane » ; la plateforme en ligne Pop ; les diffusions de spectacles dans certaines salles de cinéma ; les actions pour le public éloigné de la culture, par exemple, en Ehpad. L'enjeu pour nous est d'aller au-devant des publics et de travailler en complémentarité avec les autres institutions du spectacle vivant sur tous les territoires, avec lesquels nous formons un réseau interdépendant.

Notre troisième défi est d'agir pour la transition écologique dans le spectacle vivant. Nous avons déjà procédé à deux bilans carbone et mis en place un plan d'actions avec, pour principale priorité, l'amélioration de la performance énergétique de nos bâtiments. Nous avons progressé et les grands travaux doivent nous permettre de poursuivre dans cette voie. Nous devons aussi réduire l'empreinte carbone de notre activité, notamment en développant le recyclage et l'éco-conception des décors et des costumes, en lien avec d'autres maisons d'opéra en France et en Europe.

Le quatrième et dernier enjeu est de sécuriser de manière pérenne notre modèle économique et social. En matière financière, conforter ce modèle passe par la poursuite de la diversification de nos recettes et la maîtrise de nos charges. Cela implique d'inscrire le mécénat dans une perspective pluriannuelle, lorsque c'est possible, et de valoriser notre expertise et nos savoir-faire à l'international, par exemple, par la création d'une filiale d'ingénierie culturelle. En matière sociale, cela implique d'apaiser le dialogue social, en montrant notre volonté de sortir de la logique de confrontation et du préavis préalable pour laisser du temps à la discussion. Les évènements de décembre dernier ont sans doute permis une forme de prise de conscience sur les conséquences très néfastes de la logique de confrontation. Il faut reconnaître que les collectifs dans nos théâtres ont des conditions de travail compliquées - travail de nuit, le week-end, activité qui peut être très physique et très dense. Nous avons aussi besoin de préserver la confiance afin que nos spectateurs et nos partenaires puissent continuer à apprécier pleinement les propositions artistiques qui leur sont offertes.

En conclusion, l'Opéra National de Paris est une institution singulière par l'ampleur de ses missions, la richesse de ses savoir-faire et sa place dans la vie artistique, culturelle et sociale de notre pays comme à l'international. Avec mes équipes, nous avons engagé un travail exigeant au service d'un projet artistique ambitieux, économiquement équilibré, profondément ancré dans la société et tourné vers l'avenir. Les défis qui se présentent à nous en termes de grands travaux très structurants, d'amélioration du dialogue social, de diversification des publics sont de taille. Et nous avons besoin pour les relever de la confiance toujours renouvelée du public, des pouvoirs publics et de nos mécènes. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

M.  Laurent Lafon, président. - Je donne la parole à Karine Daniel, notre rapporteure pour avis des crédits « création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Mme  Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits de la création et de la transmission des savoirs et démocratisation de la culture. - Monsieur le directeur, dès votre prise de fonction, vous avez commandé à Constance Rivière, à l'époque secrétaire générale du Défenseur des Droits, et Pap Ndiaye, alors directeur du musée de l'histoire de l'immigration, un rapport sur la diversité à l'opéra. Lorsqu'ils vous l'ont remis, vous avez indiqué que la mise en oeuvre de leurs 19 recommandations ne serait pas une question de calendrier mais d'évolution de la culture de l'Opéra de Paris. Cinq ans après, constatez-vous une évolution de cette culture ? Faut-il uniquement s'en remettre à une telle évolution ou d'autres actions sont-elles nécessaires ?

Vous nous avez présenté votre objectif de démocratisation de l'accès à l'Opéra. Concrètement, disposez-vous de données et d'outils de pilotage sur l'évolution du public en termes de diversités générationnelle, sociale et géographique ? Ces éléments sont prérequis pour un grand nombre de recommandations de ce rapport.

Ma deuxième question concerne l'éducation artistique et culturelle, qui fait partie des missions de service public de l'Opéra. Quelles actions menez-vous en ce sens ? Savez-vous quelle proportion du Pass culture a été utilisée pour acheter des places à des spectacles proposés par l'Opéra de Paris, à la fois pour sa part individuelle et collective ? Vous indiquiez que les places les moins chères sont à 50 euros. Or, dans l'absolu, cela reste un prix élevé, notamment pour les jeunes et les publics éloignés des pratiques culturelles.

L'Opéra de Paris doit également aller à la rencontre des publics dans les territoires. Où en sont les partenariats avec les opéras en région, tant en matière de coproduction que de diffusion, dans un contexte marqué par le désengagement des collectivités territoriales ? Avez-vous défini des priorités en la matière ? Le désengagement de la région Pays de la Loire envers Angers Nantes Opéra est, par exemple, particulièrement réel et visible.

En fin d'année dernière, un mouvement de grève au sein du Ballet a entraîné l'annulation de plusieurs représentations. Les revendications des danseurs portaient sur les temps de préparation, d'échauffement, de maquillage et d'habillage avant les spectacles qu'ils jugeaient insuffisants, ainsi que sur les conditions de rémunération de ce temps. Où en est-on aujourd'hui ? Plus globalement, quel état des lieux dressez-vous du dialogue social au sein de l'Opéra National de Paris ?

Depuis la démission surprise du chef d'orchestre Gustavo Dudamel en mai 2023, deux ans à peine après sa nomination, l'Opéra de Paris n'a plus de directeur musical. Le recrutement de son successeur ne semble toujours pas d'actualité. Vous comprendrez que nous avons de nombreuses interrogations sur cette absence de remplacement.

Sur le volet financier, qui est au coeur de nos préoccupations, vous avez évoqué l'existence d'un « mur d'investissement » qui se dresse face à vous. Peut-on envisager une programmation pluriannuelle pour le franchir ?

Enfin, je terminerai sur une perspective plus légère. La saison 2025-2026 que vous avez dévoilée il y a quelques semaines est placée sous le signe de la liberté. Cette thématique a une résonance particulière en ces temps troublés. Pouvez-vous nous préciser ce qui a guidé vos choix artistiques ainsi que ceux de José Martinez, directeur de la danse ? Quels sont les projets et les perspectives artistiques pour la prochaine saison ?

M. Alexander Neef. - Le recrutement du directeur musical est en cours. Cependant, il faut trouver la bonne personne pour occuper ce poste. Par ailleurs, après une démission surprise, il n'est pas aisé de trouver des personnes disponibles pour prendre immédiatement le relais. Je me suis engagé auprès des musiciens à ne pas nommer quelqu'un qui n'ait jamais dirigé l'orchestre, ni qui ne soit pas accepté par une majorité critique d'entre eux. J'ai de nombreux échanges avec les musiciens pour identifier le ou la bonne candidate. Lorsqu'un candidat remplira ses deux conditions, nous procéderons à une nomination.

Entre-temps, des chefs d'orchestre invités s'occupent de notre programmation. Par ailleurs, depuis le départ de Gustavo Dudamel, j'ai présidé tous les concours de recrutement de l'orchestre, afin d'assurer une certaine continuité dans la vie du collectif.

Je laisse la parole à José Martinez pour répondre à votre question concernant la grève du corps de Ballet de décembre dernier.

M. José Martinez, directeur de la danse de l'Opéra national de Paris. - Depuis mon arrivée à la direction de la danse, j'ai essayé d'établir une relation de confiance avec les danseurs. Il y avait en effet un besoin fort de dialogue au sein de la compagnie.

La façon dont les danseurs envisagent désormais leur parcours artistique et leur carrière a changé : il y a quelques années, un danseur voulait danser le plus possible au sein du Ballet. Aujourd'hui, ils ont besoin de respirer, pour créer notamment leurs propres projets artistiques. Le covid et l'évolution de notre société sont en partie responsables de ce changement.

Les revendications relatives au temps de préparation d'avant spectacle - dont la partie consacrée au maquillage est une spécificité des danseurs par rapport aux musiciens - s'inscrivent dans ce contexte. Nous avons réduit le temps de répétition journalier afin de leur permettre de mieux récupérer et de pouvoir bénéficier du pôle de santé que nous avons mis en place et qui comprend notamment des physiothérapeutes et des psychologues. À cet égard, tant la santé physique que mentale sont importantes pour le bien-être et la performance de nos danseurs. Plutôt que d'augmenter les salaires, nous avons choisi de diminuer le temps consacré aux répétitions : cela représente deux ou trois heures par mois. Nous sommes en train de tester ces nouvelles modalités d'organisation du planning des danseurs, toujours dans le dialogue.

M. Alexander Neef. - Le rapport sur la diversité à l'opéra a fixé un cadre structurant pour nos réflexions internes. Nous travaillons pour que cette notion irrigue pleinement la culture de l'Opéra de Paris. Un comité consultatif se réunit régulièrement à ce sujet.

Le projet en Guyane nous a aidés à mieux cerner cette notion qui fait polémique : il doit s'agir davantage d'un sujet d'égalité des chances et d'accès à la culture qu'un sujet de diversité, terme désormais connoté.

Diriger une institution comme l'Opéra national de Paris est un poste privilégié pour agir concrètement en faveur de la diversité et d'ouverture à tous les niveaux. Il y a un lien fort entre ce que nous représentons sur scène et le public. Des artistes importants, comme le danseur étoile Guillaume Diop, représentent à plusieurs titres ce changement. Toutefois, certains portent cette responsabilité avec plus ou moins de facilité. C'est notre devoir de les rassurer et les accompagner.

L'âge moyen du public de l'Opéra est aujourd'hui de 46 ans, ce qui n'est pas très éloigné de l'âge moyen de la population française ; c'est en ce sens très rassurant. Les moins de 28 ans représentent presque 20 % du public. Toutes les tranches d'âge sont représentées dans notre public.

Vous m'interrogiez sur la conquête d'un nouveau public : pour chaque spectacle, entre 40 et 50 % des billets achetés le sont au moyen de nouveaux comptes clients créés. Cela permet d'avoir une idée du nombre de nouveaux spectateurs. Ceux-ci intègrent notre base de données ; nous essayons ensuite de les faire revenir à l'Opéra. Enfin, environ 25 % de notre public n'est ni parisien, ni francilien ; c'est un pourcentage assez significatif. Nous accueillons également beaucoup de touristes étrangers.

Mme Aude Accary-Bonnery, directrice générale adjointe de l'Opéra national de Paris. - Madame la rapporteure, vous nous interrogez sur les instruments de pilotage. Notre contrat d'objectifs et de moyens nous fixe des cibles à atteindre qui visent notamment la diversification des publics, qu'elle soit territoriale, générationnelle, sociale.

Certes, 50 euros pour une activité culturelle représente une somme qui n'est pas neutre. Toutefois, depuis 2017, le prix moyen des places à l'Opéra national de Paris n'a augmenté que de 3 %, alors que l'inflation cumulée sur la même période atteint deux chiffres. Cette politique de prix, permise par le soutien de l'État et la confiance que nous accordent le public et nos mécènes, est un levier essentiel pour assurer cette diversification.

M. Alexander Neef. - L'éducation artistique et culturelle est un axe d'action important pour l'Opéra depuis plus de trente ans. Il s'agit de programmes divers et variés destinés aux spectateurs dès l'âge de cinq ans. Ces programmes sont mis en place en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale et des écoles, principalement à Paris et en Île-de-France. Certaines de nos actions se déroulent aussi en région en respectant un principe : intervenir dans des régions qui ne disposent pas d'une offre locale similaire, par exemple en Centre-Val de Loire et en Corse. Nous sommes particulièrement attentifs à agir avec les opéras en région non pas en compétition mais en complémentarité.

Mme Aude Accary-Bonnery. - Les chiffres les plus récents que nous possédons pour le Pass culture concernent la saison 2023-2024. 1 354 places au titre de la part individuelle et plus de 13 000 places au titre de la part collective ont ainsi été achetées. Nous espérons reprendre prochainement les discussions avec la nouvelle direction du Pass culture.

L'ensemble des actions d'éducation artistique et culturelle menées par l'Opéra poursuivent deux objectifs : déceler et accompagner les talents là où ils sont, mais aussi inciter à la pratique artistique et faire découvrir l'opéra. C'est tout le travail que nous faisons, par exemple, dans le cadre des microfolies ou du dispositif « Dix mois d'école et d'opéra ».

Notre gamme tarifaire dispose également de prix spécifiques pour les familles ainsi que les jeunes, notamment des abonnements à 20 euros. Cet outil permet de faciliter l'accès à l'Opéra à une population dont les moyens financiers sont souvent limités.

Nous organisons également de très nombreuses avant-premières pour les jeunes. Pour la saison 2023-2024, nous avons pu distribuer plus de 30 000 places dans le cadre d'avant-premières dédiées aux jeunes.

C'est cette diversité d'instruments qui nous permet d'atteindre l'objectif de 20 % du public ayant moins de 28 ans, inscrit dans notre contrat d'objectifs et de moyens.

M. Alexander Neef. - Pour ces avant-premières réservées aux moins de 28 ans, toutes les places sont à 10 euros. Si un jour vous souhaitez y assister, vous découvrirez l'énergie incroyable qui parcourt la salle et donne un coup d'envol au spectacle.

J'en viens à présent à la liberté, sous le signe de laquelle a été placée notre programmation pour l'année 2025-2026.

Il me faut d'abord préciser que ce programme a été arrêté bien avant les événements politiques survenus dans le monde au cours de la période récente, notamment outre-Atlantique. Par ailleurs, si l'Opéra en tant qu'institution est politique, c'est dans le sens ancien du mot. Nous traitons de sujets en lien avec la vie de la cité et des citoyens ; tout notre répertoire a trait à la condition humaine.

Ensuite, cette notion de liberté doit être entendue sous ses deux facettes. Elle renvoie tout d'abord à la liberté fondamentale du spectateur de choisir et d'aimer ou non un spectacle. La connexion avec une oeuvre d'art, qu'il s'agisse d'un opéra, d'un ballet, d'une symphonie, d'un tableau ou d'un roman, passe d'abord par l'émotion. Dans le cas d'une représentation théâtrale, cette émotion ressort d'une expérience à la fois collective et individuelle - à l'Opéra Bastille, elle est partagée avec 2 700 spectateurs. La liberté de choisir un spectacle, de l'aimer ou de ne pas l'aimer, d'en dialoguer de façon respectueuse avec les autres membres du public, voilà ce qui fonde le petit laboratoire de société que constitue un théâtre. Elle renvoie ensuite à la liberté de création. Nos scènes proposent une lecture par des artistes d'aujourd'hui, pour un public d'aujourd'hui, d'oeuvres parfois très anciennes, qui continuent de vivre à travers ces regards portés sur elles.

Mme Laure Darcos. - J'entends certains de mes collègues regretter que l'Opéra national de Paris soit seul invité à s'exprimer devant notre commission, alors qu'il existe d'autres salles de spectacle sur notre territoire. Vous l'avez rappelé : vous êtes une institution nationale, dont l'une des principales missions réside dans la diffusion de la création sur l'ensemble du territoire français, en métropole comme dans les outre-mer.

À cet égard, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur les difficultés que vous rencontrez pour contractualiser avec les scènes de province ? Identifiez-vous des freins à lever pour améliorer la situation - en dehors bien entendu des difficultés budgétaires rappelées par notre rapporteure Karine Daniel ?

Je souhaiterais également revenir sur l'expérience menée en Guyane. Alors que nos concitoyens ultramarins ont l'impression d'être laissés de côté en matière culturelle, ce projet constitue un véritable modèle. Envisagez-vous de l'étendre à d'autres territoires d'outre-mer ?

Le projet « Dix mois d'école et d'opéra », mis en place il y a plus de trente ans, me paraît tout aussi important. Alors que la mise en oeuvre du Pass culture est souvent délicate à l'opéra, il permet de mettre les jeunes en contact avec ses métiers. Peut-être pourriez-vous approfondir ce point.

M. Jean-Gérard Paumier. - Toutes les institutions culturelles, y compris les plus prestigieuses comme la vôtre, sont confrontées aux mutations liées à la révolution numérique, qui donne naissance à de nouvelles attentes et à de nouveaux modes de consommation.

Le visionnage de spectacles sur des plateformes de streaming, le règne du format court, la demande de contenus en ligne accessibles à distance constituent autant de défis. Les publics sont désormais demandeurs d'instantanéité et de personnalisation, ce qui contraste avec les modes de consommation traditionnels. Surtout, l'offre culturelle disponible en ligne est immense et permet de consommer du spectacle vivant à distance, y compris des spectacles donnés à l'étranger.

Deux phénomènes en découlent : une fracturation des audiences et une désaffection partielle des jeunes générations à l'égard du spectacle vivant et de l'acte de venir assister à une représentation, qu'elle soit de théâtre, d'opéra, de ballet ou de concert.

Certes, l'Opéra national de Paris a entamé sa transition numérique, notamment via des captations de spectacles disponibles en streaming, des retransmissions ou une présence acclamée sur les réseaux.

Trois questions se posent cependant. Comment l'Opéra national de Paris se positionne-t-il face aux défis du numérique et aux nouvelles formes de concurrence qui en découlent ? Quelle est votre stratégie pour y répondre et attirer, ou réattirer, un nouveau public ? Comment l'Opéra de Paris envisage-t-il l'équilibre entre la représentation « en présentiel », qui provoque des émotions uniques, et l'offre numérique, sans dénaturer l'essence même du spectacle vivant ?

Mme Colombe Brossel. - Je voudrais revenir sur le sujet de la protection des artistes, qu'il s'agisse des adultes ou des enfants. La protection des mineurs face aux violences qui peuvent survenir dans des environnements clos tels que des internats et des établissements scolaires est aujourd'hui une question importante dans le débat public.

Vous avez la particularité d'accueillir, de former et d'accompagner des artistes en devenir, parfois très jeunes. En 2018, vous avez été à l'initiative - ce qui n'était pas si fréquent il y a six ans - d'une enquête dans laquelle 75 % des danseurs de l'Opéra ont répondu avoir été victimes ou témoins de pratiques de harcèlement moral. J'ai également lu avec intérêt vos déclarations devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma et l'ensemble du spectacle vivant.

Vous avez commencé à travailler avec des coordinateurs d'intimité il y a deux ans. Quel premier bilan dressez-vous de cette expérience ? De quelle façon envisagez-vous de développer l'accompagnement des mineurs par des responsables identifiés ? C'est là l'une des préconisations de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

Mme Sabine Drexler. - Dans le cadre des travaux à venir, quelles sont les solutions techniques envisagées pour améliorer les performances énergétiques du Palais Garnier et de l'Opéra Bastille, en respectant les contraintes architecturales et patrimoniales de ces bâtiments ? Avez-vous identifié des difficultés techniques ou budgétaires qui pourraient faire obstacle à cet objectif ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je salue tout d'abord le travail de l'équipe de l'Opéra National de Paris, qui a devant elle des défis immenses. Les travaux que vient d'évoquer Sabine Drexler en font partie ; la Cour des comptes parle à cet égard d'un « mur d'investissement ».

De nombreux opéras des territoires sont confrontés à ce même défi d'investissement pour la rénovation de leurs bâtiments patrimoniaux. Un plan de financement est ainsi en cours d'achèvement à Strasbourg.

Vous avez évoqué le défi majeur auquel vous faites face, qui est celui de votre modèle économique, dont dépend la pérennité de votre institution. Je vais peut-être lancer un pavé dans la mare : ne croyez-vous pas que l'Opéra national de Paris, qui est aujourd'hui exclusivement subventionné par l'État, à hauteur de 44 % de son budget, mériterait également d'être financé par des collectivités, notamment celles du bloc intercommunal ? Cela suppose bien entendu que ces collectivités soient dotées de moyens suffisants par les lois de finances.

Les opéras situés en région sont majoritairement financés par le bloc intercommunal. Pourquoi la ville de Paris ne contribuerait-elle pas au financement de l'opéra qui se trouve sur son territoire ? Pour peu que les collectivités soient convenablement dotées, il me semble qu'un tel rééquilibrage de votre financement permettrait de mieux asseoir ce dernier, et peut-être de sécuriser davantage votre modèle économique. D'autres institutions culturelles nationales situées en région sont confrontées à la question de la pérennité de leurs financements. Nous devons donc avoir une réflexion sur ce sujet.

Le véritable enjeu est cependant celui de la manière dont peut être organisé un modèle de permanence artistique tel que le vôtre. Comme beaucoup d'opéras et d'orchestres européens, vous faites en effet vivre et fonctionner tout un écosystème artistique. Que pensez-vous du prochain pacte lyrique et symphonique sur lequel la ministre est sollicitée depuis plusieurs mois par la réunion des opéras de France, l'association française des orchestres - dont je fais partie - et les forces musicales, et dont la signature a été différée du fait des aléas politiques ? Depuis Landowski, il n'y a pas eu de discours fort du ministère de la culture sur un plan relatif à la musique, au patrimoine et à la création.

En réponse à la question de notre collègue Karine Daniel, vous avez à juste titre souligné que vous entretenez une relation de coopération, et non de concurrence, avec les opéras situés en région. Comment vous inscrivez-vous dans le dispositif « Mieux produire pour mieux diffuser », qui m'apparaît comme une bonne initiative dans le contexte de limitation des moyens ? Nous devons trouver la bonne manière de faire mieux vivre et mieux circuler les oeuvres à travers le territoire, y compris en outre-mer.

Quelle est votre appréciation sur le rapport de Caroline Sornier relatif à l'art lyrique, demandé par Roselyne Bachelot ?

J'en terminerai en formant le voeu que notre commission entende également les structures régionales, ce qui nous permettrait d'apprécier le fonctionnement de l'écosystème de l'opéra dans son ensemble.

M. Jacques Grosperrin. - L'éducation artistique et culturelle est un enjeu majeur pour l'égalité des chances et la cohésion nationale. Comment mesurez-vous l'impact concret des différents dispositifs que vous mettez en oeuvre à ce titre, notamment les « Dix mois d'école et d'opéra » et le Pass culture, sur la démocratisation de l'accès à l'opéra, en particulier pour les élèves issus des territoires ruraux ? À l'heure du resserrement budgétaire, quels leviers pourriez-vous activer pour renforcer encore cette mission éducative ?

M. Bernard Fialaire. - Quelle est la part du mécénat dans vos recettes et comment peut-elle évoluer ?

Quelle est la proportion de vos spectacles qui fait l'objet d'une diffusion à l'opéra ?

Enfin, quelle part de vos spectacles joue entièrement à guichets fermés ? Alors qu'il est souvent difficile d'obtenir des places, proposer des séances supplémentaires pourrait être très rentable. Je sais que les choses se programment longtemps à l'avance ; il doit cependant être possible d'anticiper le succès de certains spectacles.

M. Alexander Neef. - Nous sommes aujourd'hui à un taux de remplissage de 92 à 93 % par saison, ce qui est satisfaisant, surtout avec une programmation qui se soucie de diversité. Cela signifie qu'on ne programme pas seulement des spectacles qui vont remplir les salles de façon certaine : nous avons aussi l'obligation de présenter au public un répertoire large et varié. Les programmations sont arrêtées très longtemps à l'avance, entre trois et quatre ans pour le lyrique et un peu moins pour le chorégraphique. L'ajout de spectacles, même quand une représentation enregistre de bons résultats, n'est pas toujours possible faute de disponibilité des salles. Aujourd'hui, les deux théâtres de Bastille et Garnier sont quasiment utilisés tous les jours pour les répétitions ou les spectacles, sauf une petite période de quelques semaines à l'intersaison que nous utilisons pour la maintenance. Nous avons donc maximisé le nombre de spectacles programmables dans les deux théâtres ces dernières années, avec une bonne vingtaine de spectacles, notamment des ballets. Je pense que nous sommes aujourd'hui quasiment au bout de ce que nous pouvons programmer pour ne pas créer une tension insupportable sur l'outil de production.

Le mécénat représente aujourd'hui un peu moins de 30 millions sur les 150 millions d'euros de recettes propres, ce qui est assez considérable et a évolué très rapidement. Lors de mon arrivée à la direction de l'Opéra il y a cinq ans, nous étions à moins de 20 millions. Ce financement est de plus en plus indispensable pour le fonctionnement de l'institution, surtout parce qu'il y a beaucoup d'initiatives, notamment dans le domaine d'éducation artistique et culturelle, qui sont mécénées à 100 %. Le mécénat, très souvent, nous aide aujourd'hui à mieux remplir notre mission de service public. Le programme avec la Guyane, par exemple, est mécéné à 100 %. Il y a beaucoup d'autres programmes qui le sont également comme l'orchestre lyrique de jeunes ou le Junior Ballet. Cela crée cependant une certaine fragilité par rapport à la pérennisation de ces actions. En même temps, ce modèle de financement contribue à créer un lien avec la société. C'est pourquoi il est vraiment essentiel d'embarquer des mécènes sur nos projets pour ancrer la programmation et les activités un peu plus générales de l'Opéra dans la société. Nous avons récemment lancé un projet pour permettre de pérenniser ces activités via un fonds de dotation. Cela suppose pour l'Opéra de solliciter les mécènes pour nous aider à bâtir un capital dont les revenus nous aideront à inscrire certaines activités dans le temps. Les mécènes s'intéressent aussi aux nouvelles productions. Vous le comprenez, le mécénat est devenu indispensable pour notre bon fonctionnement aujourd'hui.

Les recettes des visites du Palais Garnier sont un autre levier crucial de financement. Nous sommes à 1,2 million de visiteurs pour une recette de 12 à 13 millions d'euros.

Tous ces leviers de financement témoignent de notre stratégie de diversification, qui va devenir de plus en plus cruciale pour maintenir l'équilibre économique de l'Opéra dans les années à venir.

J'en viens aux questions de Madame Darcos. Par rapport à la mission nationale de diffusion dans les territoires, il y a un obstacle très pratique : les productions de Bastille ou de Garnier ne rentrent quasiment dans aucun autre théâtre en France, à l'exception peut-être de quelques courtes productions que nous montons avec le Festival d'Aix. Il y a en effet une relation de très longue date entre le festival et l'Opéra, avec une logique de productions qui sont créées là-bas pour ensuite entrer dans le répertoire de l'Opéra. Il y a d'autres festivals, comme celui de Salzbourg, avec lesquels nous travaillons dans la même logique.

Ensuite, il y a le travail de l'Académie. Celle-ci réalise une à deux nouvelles productions lyriques chaque saison, qui sont de taille moyenne, voire petite, et que nous aimerions bien diffuser un peu plus sur le territoire national. Cela se fait parfois quand il y a des partenariats - nous en avons eu un avec Dijon, par exemple, qui a accueilli plusieurs de ces productions. Il y a aussi le nouveau levier que constitue le Junior Ballet : si vous regardez la programmation de la saison 2025-2026, il y a plusieurs représentations de celui-ci hors les murs dans de nombreux endroits du territoire national. Le Junior Ballet est une structure qui est plus flexible, avec des productions adaptables, même dans des lieux ne disposant pas d'un cadre de scène ou d'une fosse.

M. José Martinez. - Le Junior Ballet a été créé pour établir un lien entre l'École de danse et la compagnie, afin d'aider les danseurs à devenir professionnels et de créer un pont entre la vie scolaire et la vie professionnelle. Deux autres raisons motivent également cette création.

Tout d'abord, nous souhaitons nous adresser à de nouveaux publics. En effet, certains théâtres en France ne disposent pas d'infrastructures suffisantes pour accueillir le Ballet de l'Opéra national de Paris avec des spectacles comme Le Lac des Cygnes ou Gisèle. En revanche, des spectacles de plus petit format où les juniors - 18 cette année, 24 la saison prochaine - peuvent se produire. Il s'agit de spectacles pratiquement sans décor, avec très peu d'éléments, où la danse est mise en avant.

Ensuite, nous voulons montrer au public, certes, des chorégraphies classiques inscrites au répertoire du Ballet de l'Opéra, mais aussi donner la chance à de jeunes chorégraphes contemporains de présenter leurs créations.

Cette saison, la tournée du Junior Ballet commence fin mai-début juin. Les danseurs se produiront notamment à Vaison-la-Romaine, à Vichy, à Sisteron. Il s'agit d'une saison courte, car c'est la première année, mais dès la deuxième année, il y aura plus d'une trentaine de villes partenaires - parmi lesquelles Lyon, Mérignac, Maubeuge, Echirolles - et une soixantaine de dates. Nous irons dans des théâtres plus importants, dans des théâtres plus petits ; nous adapterons le spectacle en fonction de la scène, de l'espace. Noé Soulier a même réalisé une création qui peut être dansée en dehors, pas sur scène mais dans d'autres lieux dans le but d'aller chercher de nouveaux publics. C'est vrai que le Ballet de l'Opéra de Paris donne 190 représentations à Paris ; il y a un vrai besoin qu'il soit plus présent en région. Nous espérons, en développant les spectacles du Junior Ballet, y parvenir.

M. Alexander Neef. - J'ajoute qu'il existe une certaine tension entre le désir de présence sur le territoire national et la nécessité de jouer à Paris, car notre modèle économique repose principalement sur des recettes et des salles pleines à Paris. L'activité de tournée est quasiment toujours déficitaire. Nous avons donc besoin d'un financement supplémentaire, principalement par le mécénat.

Je voudrais revenir sur notre projet en Guyane. Il a été établi à l'origine par Myriam Azouzi, directrice de l'Académie, qui a entamé une réflexion à la suite des émeutes de 2017. Après avoir été retardé par la pandémie et d'autres événements importants non directement liés, il a été reproposé par Myriam lorsque j'ai été nommé à l'Opéra. J'ai accueilli favorablement ce projet et nous avons donc lancé l'Opéra en Guyane. En 2022, c'est la première fois que nous sommes allés là-bas. Je pense que c'est aussi la première fois qu'une institution culturelle majeure parisienne est allée en Guyane. Lorsque nous avons présenté le premier spectacle d'opéra et de danse dans la petite salle à Cayenne, c'était vraiment la première fois que celle-ci accueillait de la danse classique et du chant lyrique. Nous avons pu construire ce projet parce qu'il y a un conservatoire sur place. Nous avons en effet besoin d'une structure locale avec laquelle bâtir un partenariat, établir des liens et des connexions. Je pense que la première année, il y avait une petite hésitation de la part des Guyanais, avec la crainte que ce soit juste un coup de communication de l'Opéra qui n'aurait pas de suite. Dès la deuxième année, je pense que la confiance s'est installée et un vrai partenariat a pu s'engager. Et nous ne sommes pas seulement à Cayenne aujourd'hui. Nous allons vraiment dans tout le territoire guyanais, dans des villes assez éloignées qui ne sont pas accessibles autrement qu'en pirogue ou en avion, pour y installer non seulement nos programmes d'éducation artistique, mais aussi pour repérer des talents qui ensuite pourront être formés à l'Académie ou même avant l'Académie dans un conservatoire national. Émilie Delorme, directrice du Conservatoire de Paris, m'a récemment appris qu'ils ont accueilli pour la première fois une jeune danseuse de Guyane qui a été repérée par nos soins lors d'un de nos ateliers de danse. Nous nous y rendons avec certains de nos meilleurs artistes, dont des étoiles du Ballet et des solistes de l'orchestre. Cette activité consomme cependant énormément d'énergie et de temps. Ce sont des territoires qui sont très éloignés ; la Guyane, c'est 9 heures de vol de Paris.

Il y a donc certaines limites en termes de ressources humaines qui nous empêchent de mener plus de projets comme celui-ci ; c'est l'obstacle principal. Il nous faut aussi une structure locale pour être partenaire ; or il n'y a pas de conservatoire dans la plupart des territoires ultramarins, sauf à la Réunion. Ce qui, d'ailleurs, est un désir à peine caché de peut-être commencer un deuxième volet là-bas. Mais, encore une fois, c'est plutôt l'aspect ressources humaines au sein des équipes de l'Opéra qui nous fait avancer avec un peu de prudence.

Je réponds maintenant à la question relative au programme « Dix mois d'école et d'opéra ». Il existe depuis une trentaine d'années et se fonde sur un partenariat avec des écoles et des classes. Il faudrait d'ailleurs l'appeler « Vingt mois d'école et d'opéra », car ce n'est pas une année scolaire, mais deux. Nous allons dans des écoles pour présenter l'Opéra, parler de nos métiers, de la programmation, et accueillons ensuite les classes à l'Opéra de façon régulière pour bâtir un lien dans la durée.

Ce qui finalement nous importe dans toutes ces activités, c'est de créer une certaine masse critique de connaissances et d'éducation culturelle qui forment un futur public, mais aussi de diversifier et d'élargir nos créneaux de recrutement. Je suis le premier exemple de cela. Je viens d'une famille en Allemagne sans grande pratique culturelle ; c'est mon lycée public qui m'a permis de comprendre et de connaître la culture, qui m'a fait me sentir légitime quand je suis allé dans un théâtre ou dans un musée pour la première fois. Je n'aurais jamais pu avoir l'ambition de diriger l'Opéra de Paris un jour sans cela.

Je pense qu'il faut vraiment commencer avec des points d'accès très basiques et, de façon assez simpliste, dire aux jeunes, qu'ils soient à Paris, en région ou dans un milieu rural, que la culture est pour eux, qu'elle parle d'eux. Ils ont le droit d'interagir avec. Ils ont le droit, comme je l'ai dit avant, quand on parle de liberté, d'aimer ou de ne pas aimer. Cela commence là et je pense qu'accorder ce droit aux plus jeunes, c'est quelque chose d'extrêmement important.

S'agissant de notre politique de recrutement, notre nouvel orchestre lyrique de jeunes, ADO, répond à la volonté d'élargir nos viviers. Parce qu'aujourd'hui, en France, la plupart des musiciens sont fils ou filles de musiciens. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres enfants qui pratiquent des instruments, mais pour la plupart, ils abandonnent parce qu'ils n'ont pas de perspective de pré-professionnalisation. Cet orchestre de jeunes vise surtout à trouver des enfants doués, à leur proposer une perspective de pré-professionnalisation pour entrer ensuite dans un conservatoire, faire le conservatoire de Paris ou de Lyon et peut-être ensuite arriver dans notre Académie pour être formés là-bas.

J'en viens au numérique qui est devenu essentiel à notre activité. C'est un investissement assumé, qui nous permet d'élargir notre public, au bénéfice des personnes les plus éloignées. Nos salles parisiennes sont quasiment pleines, ce qui limite notre capacité d'accueillir de nouveaux publics. Le Palais Garnier a une capacité de 1 700 places. Le défi pour nous est de remplir Bastille qui compte 2 700 places. En termes de croissance des publics, le numérique est assez important.

Néanmoins, nos produits numériques ne pourraient pas exister sans le produit primaire qu'est le spectacle en salle. Et, si l'on parle de liberté, l'expérience numérique est très différente. Lorsque vous êtes spectateur en salle, vous êtes l'arbitre de votre expérience. Lorsque vous regardez une captation, quelqu'un décide pour vous ce qu'il faut regarder. Il est important d'expliquer au public que le vrai spectacle a lieu en salle. Nous sommes quasiment le dernier rempart que l'on pourrait qualifier d'analogique dans un monde de plus en plus digital.

Avec l'essor du numérique, le secteur du spectacle vivant a d'abord craint de ne plus être en phase avec son temps. J'aimerais plutôt que l'on considère cette caractéristique comme une force assez unique. Nous construisons, grâce au numérique, toute une offre de produits secondaires qui nous permettent de mieux faire connaître l'opéra et peut-être, dans un monde idéal, d'inspirer des gens qui ne sont jamais venus au théâtre. Nous connaissons quelques cas de personnes ayant visionné des captations sur la plateforme Pop qui ont ensuite acheté une place pour venir voir le spectacle. Ce sont des cas limités mais intéressants.

Mme Aude Accary-Bonnery. - Monsieur le sénateur Paumier, effectivement, pour nous, le numérique est également une opportunité de toucher un public qui, pour différentes raisons, ne viendrait peut-être pas spontanément à l'opéra. C'est un moyen d'enrichir notre offre. Nous proposons sur notre plateforme et sur notre site des entretiens avec des artistes, ainsi que des contextualisations des oeuvres.

C'est aussi une manière, nous semble-t-il, de bien faire fonctionner ensemble le spectacle qu'Alexander Neef qualifiait d'analogique, avec le numérique. C'est une opportunité de parler à notre public de manière très simple. Aujourd'hui, environ 75 % de notre billetterie passe par le site Internet. Nous sommes très présents sur les réseaux sociaux car c'est un moyen pour nous de toucher ce nouveau public et, au fond, de faire tomber les barrières, de rendre l'opéra plus accessible et moins impressionnant.

M. Alexander Neef. - J'en arrive au sujet de la protection des artistes en général, et notamment des mineurs. Par exemple, l'appel à des coordinateurs d'intimité est une démarche assez nouvelle en Europe. Elle est beaucoup plus acceptée et normalisée en Amérique du Nord. Aujourd'hui, le premier défi, ce n'est pas seulement de faire venir ces coordinateurs d'intimité, mais aussi de les faire accepter par les artistes et de démontrer l'utilité de leur mission.

Nous avons fait appel à des coordinateurs d'intimité dans le cadre de plusieurs productions lyriques ou chorégraphiques. Leur travail est de mieux en mieux accepté. Cette démarche permet d'évoquer des questions telles que le consentement, de montrer que ce qui se passe sur scène est précisément défini et de libérer la parole si les choses ne se passent pas comme prévu. Les deux volets sont importants pour nous. Chaque spectacle implique de nombreux intervenants. Nous encourageons nos salariés comme les artistes invités à parler. Nous nous engageons à écouter, à lancer des enquêtes et à sanctionner s'il le faut. Ce fonctionnement s'est banalisé. Les gens ont de moins en moins peur de parler parce qu'ils voient que la maison réagit.

S'agissant des mineurs, et notamment de l'internat de l'École de danse, la direction des ressources humaines assure un suivi quasiment quotidien. Nous souhaitons libérer la parole. En réponse à certains faits qui ont été dénoncés par des enfants, nous avons réagi, nous avons enquêté, nous avons sanctionné s'il le fallait.

M. José Martinez. - Les danseurs ont un rapport au corps particulier. Certains nous disent qu'ils n'ont pas besoin de coordinateurs d'intimité. D'autres, en revanche, en ont besoin. Nous proposerons l'an prochain une pièce d'un chorégraphe contemporain où se posera une question de nudité. Nous sommes en train de voir comment mettre en place les castings. Nous ne voulons pas qu'un danseur ait le sentiment qu'il sera obligé d'accepter cette nudité pour être choisi pour ce ballet.

M. Alexander Neef. - Sur les questions relatives aux bâtiments et travaux, je passe la parole à Violaine Charpy.

Mme Violaine Charpy, directrice des bâtiments et de la transition écologique de l'Opéra national de Paris. - L'établissement est engagé de longue date dans une démarche d'amélioration de la performance énergétique de ses bâtiments. Cette dynamique s'est intensifiée en 2022, avec la réalisation par l'Opéra d'un audit énergétique de ses deux théâtres, ainsi que de son premier bilan carbone. Cette même année, un plan de sobriété énergétique a été mis en oeuvre. Il a permis de réduire de manière significative les consommations énergétiques de l'établissement. Entre l'hiver 2021-2022 et l'hiver 2023-2024, une diminution de 16 % de la consommation d'électricité et de 32 % de la consommation de chauffage a été observée.

Trois leviers sont mobilisés : l'amélioration du pilotage des équipements, notamment leur extinction en période d'inactivité, l'ajustement des usages techniques et la sensibilisation des usagers. Enfin, nous travaillons sur le bâti. Ce levier sera plus long à mobiliser. De grands travaux démarrent cette année dans nos deux théâtres. Nous démarrerons cette année la rénovation des toitures de l'Opéra Bastille. Ces travaux permettront d'améliorer l'isolation et de diminuer nos consommations de chauffage. Ils se poursuivront au niveau des façades. Leur mise en oeuvre est plus simple sur des sites récents tels que l'Opéra Bastille ou l'École de danse, que sur des bâtiments patrimoniaux comme le Palais Garnier où il y a un enjeu de préservation du monument historique. Afin d'agir malgré ces contraintes, nous dialoguons de façon permanente avec l'architecte en chef des monuments historiques.

Des actions sont également engagées sur les équipements techniques internes, avec la recherche de dispositifs permettant une meilleure efficacité énergétique, notamment par le pilotage optimisé et la récupération d'énergie. Le réemploi et la réutilisation des matériaux font également partie de nos priorités pour la prochaine décennie.

Plusieurs contraintes techniques sont associées à ces projets. Outre les exigences liées au statut de monument historique du Palais Garnier, l'établissement doit également faire face à la problématique de la pollution au plomb sur ce site. Les grands travaux engagés offrent l'opportunité de traiter ce problème de manière plus efficace que par des interventions ponctuelles. Enfin, la contrainte opérationnelle est majeure : il s'agit de conduire ces travaux tout en maintenant l'activité des sites et en préservant le lien avec le public. L'enjeu est de fermer la scène tout en maintenant le site ouvert pour les visites et activités événementielles.

Mme Aude Accary-Bonnery. - Madame la sénatrice Morin-Desailly, vous nous interrogez sur le « mur d'investissement ». Un certain nombre d'opérateurs du ministère de la culture sont concernés, quelque trente à quarante ans après le lancement de la politique des grands travaux. Vous avez cité l'Opéra de Strasbourg qui connaît une problématique similaire. Il y en a d'autres en Europe.

Les enjeux sont d'abord techniques. Il s'agit de renouveler nos équipements mais aussi de répondre à des enjeux de sécurité et de remise aux normes. L'amélioration des conditions de travail des salariés et artistes invités, ainsi que des conditions d'accueil du public, est une autre de nos priorités.

Nous avons souhaité inscrire ces travaux dans une perspective pluriannuelle, dans le cadre d'un plan qui s'étale jusqu'à 2037 et dont le montant total est estimé à 600 millions d'euros. Nous souhaitons autofinancer une part significative de ces travaux.

Ce plan s'appuie notamment sur le contrat d'objectifs et de moyens avec l'État, qui arrive à échéance et que nous souhaitons prolonger ou renégocier. Pour nous, il est essentiel de pouvoir compter à la fois sur le soutien de l'État - car nous ne pourrons pas faire sans lui - et sur notre capacité d'autofinancement, ainsi que sur la solidité du modèle évoqué par Alexander Neef et que nous avons su restaurer. Cela nous permettra de limiter l'effet d'endettement.

Quant au mode de financement, je l'ai évoqué brièvement. Nous sommes encore en train d'y travailler. Je me fie à la sagesse du Sénat pour déterminer s'il est nécessaire de mobiliser l'échelon communal. Nous sommes une institution nationale, s'adressant à l'ensemble du public. Nous devons à la fois, à travers notre politique d'investissement, notre politique de programmation et de diffusion, aller au-devant de ce public, où qu'il soit.

Laurent Lafon - L'État a-t-il pris un engagement concernant les 600 millions d'euros de travaux ?

Mme Aude Accary-Bonnery. Nous sommes en discussion avec l'État. Les travaux sur le Palais Garnier sont d'ores et déjà inscrits dans un plan de financement. Pour le reste, le dialogue avec l'État se poursuit.

M.  Laurent Lafon, président. - Comment les 600 millions d'euros se répartissent-ils entre les deux principaux sites, Garnier et Bastille ?

Mme Aude Accary-Bonnery. - Nous sommes en train d'affiner les chiffres.

M. Alexander Neef. - S'agissant du pacte lyrique et des coopérations avec les théâtres en région, il convient de rappeler que nous ne pouvons pas évoluer en dehors de l'écosystème lyrique et chorégraphique national. Cet écosystème, composé de grandes institutions, de structures de taille moyenne et de petits théâtres, est essentiel au développement des talents, à l'offre d'emplois, de formations et de contrats pour les artistes, artisans et techniciens du secteur.

L'établissement est engagé dans cette dynamique, notamment à travers sa participation à la Réunion des Opéras de France, qui permet un dialogue régulier avec les opérateurs de tout le territoire et une meilleure compréhension des enjeux.

Notre modèle économique, fondé sur un haut niveau de ressources propres - environ 60 % - reste singulier. Il n'est pas généralisable à tous les théâtres. L'offre culturelle nécessite une masse critique, qui permette de soutenir le secteur professionnel et de mobiliser un public suffisamment nombreux. La vie culturelle est essentielle pour la stabilité du pays.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Les publics sont présents. Il y a un engouement pour l'opéra, contrairement à la vision erronée que certains en ont. Nous avons un public formidable et très renouvelé.

M.  Laurent Lafon, président. - Je vous remercie, Monsieur le directeur général, ainsi que votre équipe, pour vos réponses à nos questions. Nous suivrons avec attention les différents enjeux sur lesquels vous avez appelé notre attention.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 10.

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Audition de Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

M. Laurent Lafon, président. - Nous sommes heureux d'accueillir cet après-midi Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

Nous avons eu plusieurs fois l'occasion d'échanger avec vous au cours des derniers mois, notamment lors de l'examen en séance des crédits de votre ministère en janvier dernier, mais aussi dans le cadre du colloque organisé le 13 mars par le Sénat sur le bilan et l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Nous nous réjouissons de vous entendre aujourd'hui, pour la première fois, dans le cadre d'une audition plénière de notre commission sur l'ensemble des domaines dont vous avez la responsabilité.

Cette audition sera l'occasion de revenir sur le contexte budgétaire contraint de votre ministère, qui constitue, de l'avis de nombreux acteurs, un frein au développement de la pratique sportive. Alors que les collectivités territoriales sont, elles aussi, sous pression, ce contexte financier remet en cause notre capacité à concrétiser l'héritage de Paris 2024. Au même moment, il nous faut organiser les Jeux de 2030 dans des délais particulièrement courts. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le contenu et le calendrier du projet de loi olympique qui doit être déposé prochainement en première lecture au Sénat ?

Je tiens également à rappeler la situation financière fragile de nombreuses associations dans un contexte marqué par une forte inflation ainsi que par des restrictions budgétaires. Le Sénat avait alerté en novembre dernier sur la tendance de plus en plus présente qui vise à remplacer les subventions de fonctionnement par des subventions accordées en réponse à des appels à projets. Évidemment, cela n'est pas de même nature et n'offre pas le même degré de récurrence. Ce sont les plus petites associations qui en souffrent le plus. Nous avions également souhaité qu'il soit mis fin à l'expérimentation du service national universel (SNU). Celui-ci n'a pas réussi à trouver sa place parmi les dispositifs en faveur de la jeunesse. Notre rapporteur budgétaire Yann Chantrel y reviendra.

En dehors de ces préoccupations générales, nous souhaiterions vous interroger sur deux sujets essentiels, au coeur des travaux de notre commission ces dernières semaines.

Il s'agit, d'une part, de la laïcité dans le sport. À l'initiative de Michel Savin, le Sénat a adopté en février une proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, qui interdit le port de signes religieux ou politiques ostensibles lors des compétitions sportives et prohibe tout détournement de l'usage d'un équipement sportif à des fins cultuelles. Vous aviez émis des réserves sur ce texte que nous avons néanmoins adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, sur la base des travaux réalisés par le rapporteur, Stéphane Piednoir. Nous souhaitons que ce texte soit inscrit prochainement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

D'autre part, vous savez que nous sommes particulièrement préoccupés par la situation du football professionnel. Dans le prolongement de la mission d'information, dotée de pouvoirs d'enquête, sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français, conduite l'an dernier par notre commission, j'ai déposé une proposition de loi sur l'organisation, la gestion et le financement du sport professionnel. Ce texte sera débattu en séance publique le 10 juin. Il s'agit de renforcer la lutte contre le piratage, identifié à juste titre par l'ensemble des acteurs comme un fléau majeur pour notre modèle de financement du sport. Mais il s'agit aussi de clarifier le rôle des différents acteurs, de renforcer l'éthique, la transparence et la régulation, afin de redonner confiance dans la gestion du sport professionnel. Les deux volets du texte sont indissociables et cohérents. La lutte contre le piratage sera, à elle seule, insuffisante.

Madame la ministre, vous avez ouvert le 3 mars dernier les états généraux organisés par la Fédération française de football (FFF). Ces états généraux doivent rendre leurs conclusions prochainement, a priori mi-mai. Quelles sont, d'après vous, les conditions de réussite de cette concertation, dont nous avons été étonnés d'apprendre qu'elle excluait la Ligue 2, pourtant concernée par ces sujets ?

Je vous rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. - Je suis ravie et honorée de me retrouver devant vous pour évoquer la feuille de route du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Nous avons élaboré le budget 2025 avec prudence, sans compter sur les crédits mis en réserve qui ont été annulés par décret ces derniers jours. Cette annulation n'a donc pas d'impact sur la programmation budgétaire en cours.

En revanche, à cette annulation s'ajoute une demande de surgel pour faire face à la situation de nos finances publiques. Contrairement à l'annulation de la réserve, ce surgel aura un effet. Nous y travaillons avec mes équipes ; nous allons réduire le nombre de services civiques pour le porter de 150 000 à 135 000, sachant que l'objectif est de dégeler ces crédits. J'ai alerté la ministre des comptes publics sur la nécessité d'apporter une solution rapidement, puisque la majorité des recrutements des services civiques est réalisée à la rentrée scolaire.

Nous allons également mobiliser les ressources propres de l'Agence nationale du sport (ANS) et piloter sa trésorerie avec pour objectif de ne pas réduire le plan de soutien à la rénovation des équipements sportifs, afin d'accueillir un maximum de pratiquants dans nos clubs.

Au-delà de cette année où l'impact est réel, mais limité, j'attire votre attention sur la construction du budget 2026 - il y a une pente à remonter ! Nous commençons à y travailler et j'aurai plaisir à échanger avec vous durant les prochains mois, puisque notre objectif est d'être proactifs.

J'en viens à la feuille de route. L'an dernier, notre pays a connu un moment d'une rare intensité, de joie et de fierté. Nous le devons aux athlètes et à leurs performances, aux artistes, aux volontaires, aux dizaines de milliers d'agents publics et d'entreprises qui ont livré ensemble cet événement exceptionnel que furent les Jeux de 2024.

Dans cinq ans, dans les Alpes françaises, notre pays accueillera à nouveau les JOP. Accueillir les Jeux à un intervalle si rapproché est une chance historique que nous devons saisir. Depuis le début de l'année, nous posons les fondations de l'organisation de cet événement : en janvier, vous avez voté les garanties nécessaires pour lancer le projet ; en février, nous avons créé le comité d'organisation et nommé son président, Edgar Grospiron, qui lui-même a recruté son directeur général, Cyril Linette ; en avril, nous avons lancé la Société de livraison des ouvrages olympiques, la Solideo, élu son président, Renaud Muselier, et recruté son directeur, Damien Robert, qui a été nommé par décret.

Le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop), Pierre-Antoine Molina, qui participera prochainement à l'une de vos tables rondes, pilote un travail exigeant de consolidation technique et budgétaire pour que ces fondations soient solides, avec une exigence de sobriété et d'équilibre budgétaire qui devra guider tous nos choix. J'insiste sur ce point : c'est le travail qui nous attend avec le Dijop.

Nous devrons, comme pour Paris 2024, nous appuyer sur un projet de loi. Ce texte comportera environ 30 articles et concernera des sujets tels que la dispense d'autorisation d'urbanisme pour des installations temporaires ou la soumission du Comité d'organisation des JOP (Cojop) et de la Solideo au contrôle de la Cour des comptes et de l'Agence française anticorruption (AFA). Nous prévoyons d'entamer l'examen de ce texte ici au Sénat en juin. Il sera présenté en Conseil des ministres le 14 mai. Puis je rencontrerai les présidents de commission pour dialoguer avec le Sénat et préparer au mieux ce passage dans l'hémicycle.

Cet événement est un formidable élan pour faire vivre l'héritage de Paris 2024 avec la même ambition, notamment en termes de performance sportive. Dès cette année, nous consacrons des moyens supplémentaires à la haute performance pour préparer nos athlètes dans les meilleures conditions pour ce rendez-vous.

Faire vivre l'héritage de Paris 2024, c'est aussi être en mesure d'accueillir de nouveaux pratiquants dans l'élan des jeux. Cela nécessite une offre de pratiques accessibles, des infrastructures suffisantes et un encadrement de qualité. C'était le sens du relèvement de 80 millions d'euros de l'affectation à l'ANS de la taxe sur les paris sportifs que vous avez votée lors de l'examen du projet de loi de finances. Grâce à cette hausse, nous poursuivrons nos efforts sur les équipements sportifs aux côtés des collectivités et progresserons.

J'ai engagé un travail pour agir sur deux leviers. Le premier, vraiment important, déjà initié par le passé, mais désormais accéléré, en collaboration avec Élisabeth Borne, vise à lancer une expérimentation pour ouvrir plus largement les équipements sportifs scolaires. Actuellement, sur 28 000 équipements sportifs scolaires, environ 5 000 seulement sont ouverts à nos clubs en dehors du temps scolaire. Cette expérimentation concerne des académies franciliennes et les académies de Lille, Rennes, et Orléans-Tours. Elle sera un démonstrateur pour déterminer les conditions d'une mutualisation réussie de ces équipements. Aujourd'hui, le coût des équipements sportifs est trop élevé pour que ces derniers ne soient pas partagés avec l'ensemble des acteurs d'une même collectivité, dans le temps scolaire et en dehors du temps scolaire. L'objectif est de passer à l'échelle supérieure l'année scolaire prochaine.

Deuxième axe de travail, nous devons mieux connaître et mieux piloter le taux d'utilisation de nos équipements sportifs. Je me suis rendu compte que nous n'avions pas ces outils-là pour nous aider à décider. Ce travail est engagé par mon ministère, les premiers résultats seront attendus fin mai. Cela va être un bel outil d'aide à la décision pour nous, mais aussi pour les collectivités.

L'accès au sport se heurte également à des difficultés économiques, notamment pour les parents. C'est la raison d'être du Pass'Sport, créé en 2021 et toujours d'actualité. Nous travaillons à un meilleur ciblage et à un plus grand effet incitatif.

Améliorer l'accès au sport, c'est aussi agir avec une attention particulière pour les personnes en situation de handicap. Vingt ans après la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap, on constate des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire, notamment dans le sport. L'annonce par le Président de la République, en février dernier, du remboursement intégral des fauteuils roulants sportifs, lève un frein majeur, celui du coût des équipements sportifs pour pratiquer.

Au-delà de ce frein, nous avons aussi besoin d'éducateurs formés. C'était le sens du programme Club inclusif lancé par Paris 2024 et le Comité paralympique et sportif français (CPSF), qui est amplifié par mon ministère. Aujourd'hui, il y a environ 2 200 clubs inclusifs partout en France avec des dirigeants et des éducateurs formés spécifiquement. Nous visons 3 000 clubs d'ici le début de l'année 2026, et 4 000 clubs en 2027 - avec les moyens correspondants.

Entretenir la flamme de 2024, c'est aussi oeuvrer pour un sport toujours plus responsable. Le football français traverse une crise à la fois structurelle et conjoncturelle. J'espère que les états généraux, que j'ai eu le plaisir de lancer en mars dernier avec le président Philippe Diallo, vont permettre des avancées importantes et concrètes. De premières conclusions seront présentées le 12 mai.

Monsieur le président, votre proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel s'inscrit également dans ce contexte. Elle porte de nombreuses propositions sur lesquelles nous pouvons converger et aboutir. Elle sera également un véhicule pour améliorer notre arsenal pour lutter contre le piratage sportif qui nuit au financement de tout le sport, y compris du sport amateur.

Agir pour un sport responsable nous conduit aussi à poursuivre nos efforts sur d'autres sujets : améliorer le fonctionnement démocratique et éthique du sport, accompagner la transition écologique ou encore prévenir, signaler et sanctionner toutes les formes de violence, de dérive et de séparatisme.

Pour accueillir en toute sécurité tous les publics, notamment les femmes, sur les terrains, mais aussi dans les tribunes, nous travaillons avec l'Instance nationale du supportérisme (INS) que j'ai réunie à deux reprises et que je réunirai à nouveau cet été.

Cinq années après la création de l'ANS, il est temps d'écrire une nouvelle page de la jeune histoire de cette agence. Comme le prévoit sa convention constitutive, plusieurs bilans et évaluations sont en cours. L'agence a fait ses preuves : elle n'a pas à rougir de ses cinq années d'existence. Nous pouvons agir encore mieux, en soutien des acteurs qui font vivre le sport, à commencer par les fédérations et les collectivités territoriales. Dans le contexte actuel de « chasse aux agences », c'est important de le dire. L'agence peut leur apporter des solutions et des outils mutualisés. Elle permet aussi de dégager des économies très significatives. Elle doit renforcer sa capacité à porter des programmes cofinancés. Sa gouvernance partagée, associant l'État, le mouvement sportif, les collectivités et le monde économique, est un véritable atout, qui doit être encore mieux exploité. Cette promesse doit être pleinement tenue dans les meilleurs délais.

L'Agence du service civique fête ses quinze ans. Le service civique est un dispositif triplement important : d'abord, pour les jeunes volontaires qui vivent une expérience d'engagement. Deux tiers d'entre eux sont de jeunes femmes. Il est également important pour les structures d'intérêt général qui les accueillent et, enfin, pour les citoyens qui bénéficient de leurs actions d'intérêt général.

Le SNU a des objectifs importants : soutenir l'engagement de la jeunesse, développer la mixité sociale et renforcer la cohésion autour des valeurs de la République. Cependant, vous êtes les premiers à avoir souligné certaines limites.

La question n'est pas de savoir s'il faut supprimer le SNU, mais plutôt : quel est le nouveau modèle que nous devons proposer ? Nous travaillons sur un nouveau modèle d'engagement qui n'est pas le SNU, mais un modèle inscrit dans le parcours d'engagement de la jeunesse. Favoriser l'engagement, c'est aussi faciliter la vie des associations : la généralisation du Guid'Asso sur l'ensemble du territoire est en cours. Nous visons le déploiement d'un Guid'Asso par EPCI à l'horizon 2027.

Enfin, accompagner et favoriser l'engagement, c'est aussi repenser son financement afin de le renforcer et de le pérenniser. Dans cette optique, je réunirai dans les prochains mois la Conférence de la générosité, pour mobiliser et faciliter l'accès à un maximum de leviers de financement grâce auxquels le tissu associatif renforcera ses ressources et construira de nouveaux partenariats.

Les chantiers sont nombreux. Je les porte avec énergie, car j'ai la conviction que, dans la période que nous vivons, le sport et l'engagement sont essentiels à notre nation, à sa cohésion, à sa résilience et à son avenir.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits relatifs au sport. - Merci pour cette présentation qui a balayé de nombreux sujets.

Le décret du 25 avril dernier a annulé de nombreux crédits. Je n'ai pas très bien compris votre position : vous avez parlé de gel puis de surgel.

M. Michel Savin. - Et de dégel !

M. Jean-Jacques Lozach. - Ces annulations portent sur 23 millions d'euros de crédits de paiement pour le programme 219 Sport. Quelles actions seront touchées par cette suppression ? Ces suppressions s'ajoutent-elles totalement ou partiellement aux 4 % de gel envisagés dans la réserve de précaution ?

Qu'en est-il de la suppression de 30 millions d'euros dans le programme 350 JOP 2024, concernant la Solideo, qui visait la reconversion du village olympique et du centre des médias, avant la commercialisation de logements, bureaux, etc., et la transformation des sites d'entraînement et de compétition ou bien la construction d'équipements publics, notamment de groupes scolaires ?

Pouvez-vous apporter quelques compléments sur les agences ? La ministre des comptes publics a annoncé la fusion ou la suppression d'un tiers des agences d'ici à la fin 2025. Si j'ai bien compris votre propos, l'ANS ne serait pas menacée. Réfléchissez-vous à des modifications profondes de l'efficacité opérationnelle et notamment de la déclinaison territoriale avec les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs ? Dès la création de l'ANS en 2019, une clause de revoyure était envisagée après les JOP.

Vous avez présidé le colloque du 2 avril dernier organisé par la Dijop de restitution du programme d'évaluation des impacts des JOP de Paris 2024. Quatorze études ont été engagées, quatre sont terminées. Pouvez-vous nous donner des informations sur les études achevées, notamment sur l'impact économique des JOP sur le PIB français, voire sur la stratégie « Ambition bleue » sur la très haute performance, pilotée par Claude Onesta ?

Votre champ ministériel est concerné par la transversalité des politiques publiques : comment articulez-vous votre action avec celle des autres ministères concernés par le sport : éducation nationale, santé, transports, affaires étrangères, cohésion des territoires, etc., afin de mener des politiques publiques aussi efficaces et efficientes que possible ?

Quelles sont les grandes lignes de votre feuille de route ministérielle sur l'articulation entre le sport de haut niveau et le développement de la pratique sportive, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones rurales les plus fragiles ?

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la jeunesse et à la vie associative. - Vous avez répondu à certaines de nos interrogations.

Presque 50 % des coupes prévues par le décret du 25 avril dernier pour votre ministère portent sur la jeunesse et la vie associative. Vous avez précisé qu'une partie d'entre elles concernerait le service civique, avec 130 000 jeunes prévus au lieu de 150 000. Comment allez-vous procéder ? Quelles seront les conséquences pour les services d'accueil et les jeunes qui se mobilisent principalement en septembre-octobre ? Est-il raisonnable de couper ce dispositif, qui est souvent une bouée de sauvetage pour une jeunesse de plus en plus en souffrance ? Ne faudrait-il pas plutôt le renforcer pour éviter des drames et des dépenses ultérieures que peuvent engendrer des causes désespérées ? Je pense notamment à l'éco-anxiété ou aux problèmes de santé mentale... Nous avons la preuve que le service civique peut répondre aux problèmes d'une partie de la jeunesse isolée socialement.

Lors du dernier débat budgétaire, et après cinq années d'expérimentation infructueuse et dans le contexte actuel des finances publiques, nous estimions collectivement qu'il était temps de mettre fin aux déboires du SNU. Mi-mars, le Président de la République annonçait vouloir une refonte du SNU pour qu' « il corresponde aux besoins de la Nation et aux priorités identifiées ». Quelles sont les pistes envisagées pour le transformer ? Vous venez d'évoquer un « nouvel engagement ». Quels seraient les ministères concernés par cette nouvelle version du SNU ? Y aura-t-il le ministère des armées, celui de l'intérieur ? Je pense à l'engagement des sapeurs-pompiers... Qu'en est-il de votre ministère ou de celui de l'éducation nationale ? Quelles sont les priorités identifiées ? Enfin, resterait-on sur un dispositif visant à promouvoir l'engagement notamment civil et associatif, ou bien se concentrerait-il sur un volet plus militaire ?

Ma dernière question porte sur l'application de la loi de 2024 visant à soutenir l'engagement bénévole et simplifier la vie associative. Je salue la signature du décret relatif aux dons de jours de repos, même si je m'interroge sur son caractère très restrictif : seuls trois jours peuvent être donnés chaque année.

En revanche, le décret relatif aux prêts entre associations et aux flux de trésorerie entre associations membres d'un même groupement n'a pas été pris. Quels sont les sujets de débat avec Bercy, mais aussi avec la Fédération bancaire française et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ? Pouvez-vous nous donner une échéance indicative de publication de ce décret ?

Mme Marie Barsacq, ministre. - Les annulations de crédits correspondent à des réserves de précaution constituées lors de la construction du budget 2025. Ces sommes n'étaient pas facialement affectées à des actions, mais mises en réserve. Ces 91 millions d'euros de réserves sont annulés, sans impact sur l'activité : 24 millions d'euros pour le sport, 45 millions pour la jeunesse et la vie associative, et 23 millions pour les JOP de Paris 2024 et qui n'avaient plus lieu d'être, puisque nous n'avons plus d'activité sur ce sujet.

Désormais, nous devons reconstituer des réserves. Nous devons agir sur des lignes facialement affichées, derrière lesquelles il y a des actions. Les marges de manoeuvre ne sont pas simples. Parmi les pistes figure celle de réduire le nombre de services civiques. Ces crédits pourraient être partiellement gelés. J'ai attiré l'attention de Bercy sur la temporalité du dégel : nous avons besoin de ces crédits à la rentrée, et donc d'une réponse en juillet ou début août pour aller au plus près des 150 000 services civiques prévus. Une réponse en novembre ne permettrait pas de lancer des missions... Je ne me réjouis absolument pas de devoir faire ce gel. Mais les services civiques constituent la ligne la plus élevée du budget du ministère : 580 millions d'euros.

Pour le sport, nous jouons avec la trésorerie de l'ANS pour la piloter au plus près afin de limiter l'impact au maximum. L'effet sur les équipements se produira plutôt en 2026. En 2025, nous pouvons contenir la situation, mais il risque d'y avoir un effet rebond en 2026. Nous sommes très vigilants sur la construction du budget 2026 pour remonter la pente et pallier le problème éventuel de gel de lignes de l'ANS en 2025.

À ce stade, les travaux continuent sur les agences et leur refondation. Le dialogue au sein du Gouvernement est constructif. Il a été reconnu que l'ANS répond à son objectif. Je ne suis pas inquiète sur son devenir, mais nous travaillons sur son efficacité et sur une meilleure optimisation de ses actions, objectif à cinq ans qui était déjà prévu lors de sa création. Des inspecteurs sont en train de rédiger des rapports pour nous aider dans cette réflexion.

L'objectif est de considérer que les conférences des financeurs et les conférences régionales du sport aient un caractère facultatif et non plus obligatoire. Certains territoires n'ont pas encore mis en place ces conférences des financeurs ; cela enlèvera de la lourdeur.

Nous avons organisé un colloque sur les JOP de Paris 2024, avec la présentation de quatorze études. Une étude a montré que leur impact économique s'est élevé à 7,11 milliards d'euros : 3,53 milliards d'euros pour l'organisation des jeux, 2,28 milliards sur les infrastructures et 1,3 milliard d'impact touristique. Ces chiffres correspondent au scénario intermédiaire de l'étude réalisée en amont des jeux avec le Centre de droit et d'économie du sport. Avec satisfaction, nous avons donc répondu à nos engagements.

Le programme « Ambition bleue » a rencontré un grand succès : les médailles ont été au rendez-vous. Nous voulions atteindre le cinquième rang des médailles aux jeux Olympiques et le huitième rang aux jeux Paralympiques. Ce résultat a été atteint. Nous travaillons d'ores et déjà avec cette méthode pour les JOP de 2030. C'est une chance de connaître les bonnes clés pour réussir en 2030. Nous aurons aussi du recul pour réaliser les ajustements nécessaires. Grâce aux 80 millions d'euros de taxes affectées, nous avons déjà injecté 6 millions d'euros sur la haute performance pour nourrir le nouveau programme « Ambition bleue » pour les JOP de 2030.

L'interministérialité est un enjeu important de mon ministère. Je mène de nombreux travaux avec le ministère de l'éducation nationale. Nous voulons ouvrir les équipements sportifs scolaires aux associations. Avec Élisabeth Borne, nous avons annoncé la poursuite du soutien des ministères au déploiement des trente minutes d'activité physique quotidienne pour s'assurer que le taux de 100 % soit atteint dans les meilleurs délais. Certaines académies en sont proches : à Nice, 98 % des écoles mettent en place ces trente minutes d'activité physique quotidienne. L'éducation nationale s'est engagée à renforcer les efforts de formation et d'accompagnement des enseignants grâce aux conseillers pédagogiques.

Autre héritage des jeux avec l'éducation nationale, les tests de forme à l'entrée en sixième : ce dispositif a été testé l'année dernière au sein de l'Académie de Créteil. Élisabeth Borne a annoncé son ouverture à toutes les académies sur la base du volontariat à partir de la rentrée prochaine. Ce moment important permet d'identifier les élèves qui ont le plus besoin d'une activité physique régulière, et aidera les enseignants d'EPS à mieux les orienter vers des offres de pratique régulière qui correspondent à leur envie et à leur situation personnelle.

Je travaille aussi étroitement avec le ministère de la santé. En septembre, nous annoncerons une Stratégie nationale Sport Santé. Vous en connaissez les effets positifs, puisque vous avez voté des lois qui promeuvent la prescription du sport sur ordonnance. Nous bénéficions aussi de l'expérimentation, au titre de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale, « As du coeur » qui pourrait permettre un changement d'échelle. Nous nous appuyons également sur le rapport Delandre de 2023 qui vient d'être présenté à Yannick Neuder et à moi-même et qui nous permet de disposer d'une feuille de route assez complète pour la Stratégie nationale Sport Santé.

Avec le ministère chargé de l'autonomie et du handicap, nous avons une feuille de route Sport et handicap et nous avons réuni les différents acteurs à plusieurs reprises, dont les clubs inclusifs. La pratique sportive dans les établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (ESMS) se poursuit avec un référent sport par ESMS, des financements pour aider les clubs qui proposent des parasports à se rendre dans les ESMS pour faire découvrir ces sports et encourager les jeunes à rejoindre les clubs. Ce travail se poursuit dans le cadre de cette Stratégie nationale Sport et handicaps que nous portons conjointement.

Vous avez évoqué les territoires, en particulier les QPV et les territoires ruraux. Nous travaillons avec les deux ministères concernés, notamment dans le cadre du prochain Comité interministériel des villes qui se réunira le 15 mai. Il sera l'occasion d'annoncer, pour chaque ministère, sa contribution pour les QPV. Le sport y prend toute sa part. Nous avons des ambitions chiffrées sur un certain nombre de sujets : dans ces quartiers, il y a un enjeu majeur à investir pour la jeunesse, la vie associative et le sport, afin que ces quartiers vivent et que ces projets puissent jouer leur rôle de cohésion sociale.

Il en est de même pour la ruralité, même si je ne connais pas encore la date du prochain Comité interministériel aux ruralités. J'ai travaillé avec Mme Gatel sur le sujet. Nous savons aussi l'importance du soutien aux associations et aux clubs sportifs dans les zones rurales pour créer de l'animation et de la cohésion sociale, et aussi pour retenir ou attirer des familles. Ce travail interministériel est important.

Je le mène également avec le ministère de l'écologie, notamment dans le cadre du Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc). Dans la perspective des jeux de 2030, nous devrons construire une stratégie d'excellence environnementale qui mobilisera pleinement le ministère de l'écologie.

En ce qui concerne le SNU, le nouveau dispositif sur lequel nous travaillons n'est pas encore validé, donc je n'entrerai pas dans le détail. Nous militons pour un dispositif d'engagement civil et citoyen, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, car nous souhaitons, avec Élisabeth Borne, que ces missions puissent être valorisées pour l'obtention du brevet des collèges, voire dans Parcoursup. Il s'agirait en quelque sorte de valider les compétences acquises par ces jeunes lors de missions bénévoles.

Concernant la loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative, dite loi Bataillon, il reste du travail à faire d'ici au mois de juin, qui est la prochaine échéance.

M. Michel Savin, président du groupe d'études Pratiques sportives et grands événements sportifs. - Je souhaite évoquer l'inquiétude que suscite la situation financière de l'Agence nationale du sport, ainsi que l'impact budgétaire des décisions prises récemment par le Gouvernement. Vous avez indiqué tout à l'heure que les crédits gelés en 2024, à hauteur de 94 millions d'euros, avaient été réintégrés au budget général. Or l'ANS avait programmé, sur la base de ces crédits, des aides à l'investissement pour les équipements structurants des collectivités, pour un montant de plusieurs centaines de millions d'euros. Aujourd'hui, ces collectivités attendent toujours les versements correspondants.

Sera-t-il fait appel aux fonds propres de l'ANS pour financer ces aides ? Cela ne ferait qu'aggraver sa situation, déjà fragile, d'autant que son budget pour 2024 a été présenté avec un déficit de 65 millions d'euros, déficit qui a été compensé par un prélèvement sur les fonds propres. À force d'y puiser, ces ressources finiront par s'épuiser, laissant l'agence sans aucune marge de manoeuvre. Des réflexions sont-elles engagées sur cette situation ? Vous avez commencé à répondre, en évoquant une réforme de l'agence.

Plus précisément, quel regard portez-vous sur l'efficacité des conférences régionales et des conférences des financeurs ? Nombreux sont ceux qui s'inquiètent de la lourdeur de ce dispositif. Seriez-vous favorable au transfert de certaines missions aux préfets de département, notamment pour ce qui concerne les subventions aux collectivités ? Aujourd'hui, celles-ci sont soumises à un processus département-région-national, dont la lourdeur administrative mérite d'être corrigée. Ne conviendrait-il pas, plutôt, de confier directement ces attributions aux préfets, qui travaillent déjà sur les dotations des équipements territoriaux de la ruralité, des contrats d'intérêt local et du fonds vert ? Cela permettrait de disposer d'une vision plus cohérente et globale.

Deuxième sujet : la gouvernance du sport professionnel. La commission examinera le 28 mai la proposition de loi du président Laurent Lafon relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. En tant que rapporteur de ce texte, je souhaite connaître votre analyse sur l'équilibre des relations entre fédérations et ligues. La mission d'information que nous avons menée l'an dernier a mis en lumière l'absence de contre-pouvoirs face aux dérives potentielles dans la gestion du sport professionnel. Or les ligues exercent une mission de service public. Dès lors, plusieurs questions se posent : comment rendre à l'État ou aux fédérations un réel pouvoir d'action face à ces dérives ? Faut-il confier au ministère des sports un pouvoir d'arbitrage et lui permettre de retirer une subdélégation ? Que pensez-vous de la possibilité de permettre aux fédérations de créer directement une société commerciale pour organiser les compétitions professionnelles ? Une telle mesure permettrait de clarifier les rôles et responsabilités de chacun, et d'éviter la superposition des structures.

Vous avez évoqué, madame la ministre, les jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 et la question du sport handicap. À ce jour, les athlètes en situation de handicap mental ou psychique demeurent exclus des disciplines paralympiques. Alors que la France s'apprête à accueillir une nouvelle édition des jeux Olympiques d'hiver en 2030, entendez-vous engager des mesures en faveur de leur inclusion dans le programme paralympique ?

Enfin, vous avez été interpellée, le 8 avril dernier, lors de la séance de questions orales, au sujet de dysfonctionnements graves au sein de la Fédération française de karaté et disciplines associées, révélés par la presse : opacité financière, délivrance illégale de grades, irrégularités multiples. Plusieurs plaintes ont été déposées. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a rendu un avis particulièrement sévère et réclame l'organisation de nouvelles élections du président de la fédération. Quelle est votre position concernant l'agrément délivré à cette fédération et le contrat de délégation conclu avec l'État ? Que compte faire le ministère face à ces dérives, sans attendre nécessairement une décision judiciaire ?

M. Max Brisson. - Madame la ministre, nous avons voté un budget et le Gouvernement en exécute un autre. Nous comprenons vos contraintes, mais nous ressentons tous un malaise face à cette situation.

Vous n'avez pas répondu à la question du président Lafon sur la proposition de loi de Michel Savin visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport. Quelle est votre position sur la neutralité religieuse dans la pratique sportive ? Comptez-vous pousser pour inscrire ce texte rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je m'associe à cette dernière question de Max Brisson.

Vous avez effectivement rappelé que les jeux Paralympiques de Paris 2024 ont marqué un tournant historique pour la visibilité du handisport en France. Néanmoins, de nombreux défis subsistent : accessibilité des infrastructures, formation des encadrants et moyens concrets pour les clubs. Dans ce contexte, quel plan d'investissement prévoyez-vous pour rendre accessibles les équipements sportifs existants, notamment dans les petites communes ? Quelles mesures d'accompagnement et de formation sont prévues pour soutenir les clubs souhaitant développer des sections handisport ou sport adapté ? Quelle stratégie envisagez-vous pour pérenniser l'intérêt médiatique et public pour le handisport, au-delà de l'effet des JOP 2024 ?

M. David Ros. - Nous avons sonné la mobilisation générale pour vous aider, en tout cas au Sénat, dans le cadre du PLF 2025. Maintenant, vous faites face aux suppressions de crédits, à la préparation périlleuse du PLF 2026... Traiter avec Bercy, c'est un véritable sport de combat !

Je souhaite vous interroger sur un point que vous avez commencé à aborder, et qui me paraît fondamental : la relation de votre ministère avec l'ensemble des autres ministères. Cette articulation interministérielle soulève également, de manière sous-jacente, la question d'une éventuelle reconfiguration de l'ANS. Nous traversons une période au cours de laquelle, de façon précipitée, certains députés envisagent de supprimer de nombreuses structures. Il serait regrettable que l'ANS en fasse les frais.

Vous avez évoqué les enjeux liés à la santé et à l'éducation nationale. Or une question importante reste pendante : celle de la généralisation des deux heures supplémentaires d'activité physique hebdomadaire au collège, mesure aujourd'hui abandonnée. Le test pratiqué en classe de sixième fait également débat. Dans le cadre de la mission actuellement menée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur le thème « sciences et sport », j'ai eu l'occasion d'échanger avec de nombreux spécialistes en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), qui jugent pertinente l'idée d'un test à l'entrée au collège, à condition qu'il y ait un suivi dans la durée. Ces spécialistes plaident pour la mise en place d'un véritable passeport sport, qui permette de suivre les progrès de l'élève en matière de capacités physiques tout au long de sa scolarité. Une telle démarche suppose un nombre suffisant d'heures d'enseignement, relevant de l'éducation nationale.

Plus précisément, nous nous interrogeons sur l'avenir des Programmes prioritaires de recherche (PPR). Nombre d'acteurs scientifiques et sportifs s'interrogent sur la visibilité de ces programmes et sur leur devenir. Que pouvez-vous nous en dire ?

La seconde question, plus taboue, touche à la place et à l'évolution du brevet d'État d'éducateur sportif dans le monde sportif et universitaire. Se pose notamment la question des critères d'attribution et du socle commun de compétences scientifiques requis. Avez-vous engagé une réflexion sur ce sujet ?

Mme Mathilde Ollivier. - Je suis impressionnée par la façon dont les coupes budgétaires s'enchaînent depuis un an et demi que je suis élue. On parle de 23 millions d'euros pour le sport supprimés par décret. Par ailleurs, un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) parle d'un budget des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver en déficit de 850 millions à 900 millions d'euros à couvrir par les collectivités publiques. Et on est encore à cinq ans de ces JOP. Est-ce que vous pourriez revenir sur la stratégie que vous souhaitez mettre en oeuvre pour éviter un déficit aussi important ?

Par ailleurs, que comptez-vous faire pour développer la pratique sportive chez les jeunes ? La France est très mal placée à cet égard dans les classements internationaux de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il faut savoir que les trois quarts des 11-17 ans ne bougent même pas une heure par jour.

Vous avez également évoqué une stratégie d'excellence environnementale pour les jeux d'hiver 2030. Pouvez-vous développer ?

Enfin, je voudrais revenir sur le port de signes religieux dans le sport, qui a largement et malheureusement occupé l'espace médiatique ces derniers mois. Le rapport de l'Assemblée nationale parlait de 25 à 130 associations sportives à visée séparatiste et de 500 clubs confrontés à des comportements communautaristes sur 360 000 associations sportives.

Vous avez déclaré, madame la ministre, que le port du voile dans la pratique sportive n'était pas de l'entrisme. Je vous remercie pour le courage de votre position, à contre-courant de vos collègues du Gouvernement et d'un certain nombre de collègues de cette commission. Et je regrette de vous voir bien seule au sein de votre camp. Alors que l'islamophobie ne cesse de progresser dans ce pays, est-ce qu'empêcher les femmes musulmanes de porter le voile dans le sport est vraiment une priorité ?

M. Jacques Grosperrin. - Le Pacte pour l'inclusion par le sport, lancé en 2024, a pour ambition de mobiliser 1 000 éducateurs, 10 000 clubs et 100 000 jeunes. La décision de ne pas reconduire les crédits affectés au recrutement, conjuguée aux diverses modifications relevées par mes collègues, ne laisse pas d'interroger sur la capacité réelle du ministère à maintenir sa présence et son action sur le terrain. Comment envisagez-vous concrètement le déploiement de ce pacte dans les territoires, notamment dans les zones rurales, où les besoins sont criants ?

La prévention des noyades est un enjeu majeur de santé publique. Quelle stratégie votre ministère entend-il mettre en oeuvre pour garantir un apprentissage effectif et homogène de la natation sur l'ensemble du territoire ?

Enfin, je souhaiterais revenir sur la proposition de loi de notre collègue Michel Savin, adoptée le 18 février en séance publique au Sénat. Lorsque, à l'Assemblée nationale, le 12 février, vous affirmez que le port du voile ne constitue pas une stratégie d'entrisme, vous vous trompez. J'estime que votre vision de la laïcité dans le sport relève d'une approche anglo-saxonne qui me trouble profondément. Certes, nul ne souhaite d'amalgame, mais une politique forte s'impose face aux dérives communautaristes dans le sport.

J'avais moi-même rédigé un rapport, à l'époque où M. Patrick Kanner était ministre, sur les arts martiaux mixtes (MMA). Les constats étaient déjà alarmants. Des phénomènes troublants ont été relevés et il serait irresponsable de les minimiser. Aujourd'hui encore, une personne fichée S pour menace terroriste ou atteinte à la sûreté de l'État peut encadrer nos enfants. Cela, la République française ne peut l'accepter. Pouvez-vous nous indiquer clairement votre position sur la poursuite de la navette sur ce texte à l'Assemblée nationale ?

Mme Karine Daniel. - Ma question porte sur le financement de la pratique sportive et de la vie associative. Au gel des crédits d'État, il faut ajouter la baisse des crédits octroyés par les collectivités locales. De toutes parts, des alertes nous remontent : associations, centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps). On assiste même à des licenciements. Les bénévoles ressentent un profond découragement. Que comptez-vous faire ?

Par ailleurs, on voit monter un mouvement social dans les salles d'escalade privées à but lucratif. Votre ministère contrôle-t-il ces établissements ? Pouvez-vous intervenir ?

M. Patrick Kanner. - Ce coup de rabot sur le plus petit budget de l'État est vraiment une ineptie technocratique et budgétaire.

Quid de l'éducation populaire ? De grandes associations ont beaucoup souffert de la disparition des emplois aidés voilà huit ans, alors qu'elles sont indispensables pour le maintien du lien social. Qu'envisagez-vous de faire pour elles ?

Enfin, ne pensez-vous pas que la politique publique du sport souffre de l'absence d'un chef de file territorial ? Ne faudrait-il pas envisager une réforme législative pour y remédier ?

M. Laurent Lafon, président. - L'avenir de la concession du Stade de France est assez nébuleux. Or l'échéance approche. Pouvez-vous faire un point sur les discussions avec GL Events ?

Mme Marie Barsacq, ministre. - La proposition de loi de M. Savin doit être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, mais l'ordre du jour réservé au Gouvernement est d'ores et déjà rempli jusqu'à la fin de la session ordinaire. Cette inscription ne peut donc venir que d'un groupe parlementaire.

M. Jacques Grosperrin. - Quelle est votre position sur le fond ?

Mme Marie Barsacq, ministre. - Le Gouvernement soutient ce texte. La proposition de loi suivra son chemin.

En ce qui concerne la reconfiguration de l'ANS, monsieur Savin, vous avez raison de souligner qu'il s'agit d'un sujet extrêmement important. Je ne donnerai pas une réponse définitive aujourd'hui, car les discussions sont encore en cours. Toutefois, comme vous, nous travaillons à une amélioration de l'efficacité du dispositif, notamment pour mettre fin au millefeuille administratif et aux lourdeurs qui pèsent actuellement sur le fonctionnement de l'agence, en particulier sur le volet « équipements ».

Dans ce cadre, la perspective de confier un rôle accru aux préfets et de leur transférer la responsabilité de l'attribution des financements pour les équipements nous paraît opportune. En effet, les préfets disposent de leviers de fongibilité budgétaire entre les différents fonds qu'ils gèrent. Cette capacité est précieuse, notamment pour les sites des établissements territoriaux de référence (ETR) que vous évoquiez.

Cela implique d'adosser à cette responsabilité une enveloppe spécifique destinée aux équipements. Vous le savez, la bataille budgétaire de 2026 sera homérique. Il faudra impérativement sécuriser les crédits afin de garantir aux préfets les moyens d'exercer efficacement cette nouvelle compétence.

Encore une fois, rien n'est acté à ce jour. Il s'agit de pistes de travail, partagées avec les membres du bureau exécutif de l'ANS.

Concernant le Programme performance recherche, la bonne nouvelle est que le succès du PPR 2024 nous permet d'envisager un PPR 2030. Le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) est pleinement mobilisé. J'ai rencontré M. Bonnell hier : il m'a confirmé que ce programme était bien prévu. Nous communiquerons au mois de mai sur le sujet.

Le PPR s'inscrira également dans le cadre d'un conseil interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (Cijop), qui devrait se tenir d'ici à la fin du mois de juin.

Cette démarche s'articule aussi avec notre feuille de route pour l'excellence environnementale. Je ne suis pas en mesure, à ce stade, de vous en détailler les axes, mais vous imaginez aisément les grandes thématiques concernées : la biodiversité, les mobilités, les enjeux liés à la neige et à l'eau.

Cette stratégie environnementale est intimement liée à notre stratégie d'héritage. Comme pour Paris 2024, nous voulons répondre en priorité aux besoins des populations avant ceux de l'événement sportif. C'est selon cette grille de lecture que nous travaillons : un héritage structurant, à forte composante environnementale. J'espère être en mesure de vous présenter des éléments concrets sur ce sujet d'ici au mois de juin.

S'agissant enfin du budget 2030, permettez-moi d'apporter quelques précisions. Ce budget ne relève pas du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Il n'existe pas de vases communicants entre ce budget spécifique et celui de notre ministère. C'est une distinction importante.

Deux budgets distincts sont concernés : celui de la Solideo et celui du Cojop. Le groupe de candidature a défini une première enveloppe, qui a ensuite été expertisée par les inspections générales compétentes. Ces dernières ont formulé des préconisations en vue d'optimiser l'ensemble. Nous travaillons actuellement sur ces éléments, avec pour objectif d'arrêter un budget définitif à l'été, en juillet ou en août. Notre ligne directrice repose sur trois piliers : sobriété financière, sobriété environnementale et réponse aux besoins des territoires et des populations.

Comme pour Paris 2024, nous construirons très peu. Un seul équipement pérenne est prévu : une patinoire à Nice. Le reste reposera sur l'existant, avec des opérations de rénovation.

En parallèle des budgets de la Solideo et du Cojop, un autre volet budgétaire sera consacré aux transports : routes nationales, routes départementales, et, surtout, transport ferroviaire. Ce budget fait l'objet d'une concertation plus large dans le cadre du plan de transport national, piloté par le ministère des transports.

Notre objectif est clair : respecter l'enveloppe cible de 2,2 milliards d'euros. La contribution de l'État est déjà votée : elle s'élève à 262 millions d'euros pour le Cojop et à 100 millions d'euros pour la Solideo. Nous y tenons fermement, comme vous l'imaginez.

Par ailleurs, nous cherchons à mobiliser des financements privés. Comme pour Paris 2024, certains ouvrages réalisés dans le cadre de la Solideo seront réaffectés à des usages résidentiels après les jeux : logements étudiants et logements sociaux. Ces projets seront portés par des promoteurs, qui en assureront le financement.

Enfin, les collectivités territoriales prendront également leur part dans le financement des équipements et de l'organisation.

Monsieur Ros, un Grenelle de l'emploi et des métiers du sport a été organisé l'année dernière, au cours duquel un diagnostic clair et transparent a été posé : une meilleure articulation entre les diplômes relevant du champ jeunesse et sport et ceux relevant de l'enseignement supérieur est nécessaire. En effet, nous devons améliorer les parcours professionnels des personnes concernées, qui sont surtout des jeunes, faciliter les passerelles et renforcer leur employabilité en les faisant profiter de formations accessibles tout au long de leur vie professionnelle.

Ce travail a été lancé entre les conférences des universités et les services du ministère de la jeunesse et des sports, qui est un ministère certificateur. Nous allons prochainement célébrer le premier anniversaire de ce Grenelle des métiers du sport pour montrer les avancées réalisées.

Madame Ollivier, il est important de profiter de l'héritage de Paris 2024 pour amener les jeunes à être plus actifs. Un fort engouement s'est manifesté chez les jeunes à la rentrée d'automne pour rejoindre un club sportif. Le Pass'Sport a rencontré cette année un tel succès que nous avons dû l'abonder de crédits supplémentaires pour répondre aux attentes.

Nous réfléchissons aux moyens de rendre ce dispositif plus incitatif pour les jeunes adolescents, qui sont les moins actifs. En effet, si beaucoup d'enfants sont inscrits dans des clubs de sport par leurs parents lorsqu'ils sont à l'école primaire, c'est moins le cas des adolescents, dont la décision prend plus de place - c'est peut-être là que le bât blesse. Nous réfléchissons par exemple à proposer un autre montant. En tout état de cause, les arbitrages devront être pris rapidement pour que nous puissions lancer la campagne du Pass'Sport à la fin du mois de juin.

En ce qui concerne le pacte de l'inclusion par le sport, j'ai cru comprendre que M. le sénateur Grosperrin disait que nous avions bloqué le recrutement, ce qui n'est pas tout à fait le cas. En effet, les 80 millions d'euros que vous avez obtenus pour doter l'Agence nationale du sport financent non seulement les équipements sportifs et le programme prioritaire de recherche sur le sport de très haute performance, mais aussi ces emplois.

Lors de ma prise de fonctions, j'ai constaté que ces emplois n'étaient pas budgétés sur trois ans comme ils auraient dû l'être et je me suis attachée à y remédier. Des moyens sont donc bel et bien mobilisés par l'Agence nationale du sport pour soutenir ces emplois, qui participent de notre stratégie d'inclusion par le sport.

Pour dynamiser cette stratégie, nous avons nommé deux ambassadeurs, Philippe Lamblin, qui a précédemment travaillé sur le dispositif « du Stade vers l'emploi » dans le cadre de Paris 2024, et Jean-Philippe Acensi. Le premier mène une mission pour améliorer l'accès des personnes les plus éloignées de l'emploi à des parcours de formation dans le champ du sport et de l'animation. Le second anime le réseau des acteurs de l'inclusion par le sport.

Par ailleurs, je tiens à rassurer M. Grosperrin sur le fait que nous n'avons pas réduit les moyens consacrés à la prévention des noyades. Au contraire, nous avons attaché une importance particulière à cette question, notamment dans les zones rurales et les QPV, où les enfants ont souvent un accès limité à l'apprentissage de la natation. Ainsi, 3,5 millions d'euros ont été mobilisés sur ce sujet en 2024, et nous prévoyons de reconduire le même niveau de crédits cette année.

En outre, le programme « 1, 2, 3 nagez ! » se poursuit pour favoriser l'apprentissage de la natation durant l'été, que ce soit en milieu naturel ou dans des bassins mobiles placés, par exemple, dans des cours d'école, comme cela a été le cas dans la ville de Dugny.

En matière d'équipements sportifs, nous maintenons les objectifs du plan Génération 2024. Il est vrai que la trésorerie de l'agence est fragilisée, car elle est très mobilisée, mais nous restons au-dessus de la norme prudentielle de gestion de l'agence. Cette situation n'est pas satisfaisante, mais elle nous permet malgré tout de ne pas remettre en question les engagements financiers qui ont été pris.

Nous pilotons la trésorerie de l'ANS de façon très prudente, mais aussi très précise, pour ne pas la mettre en danger. Nous faisons en sorte de répondre aux demandes des collectivités dans le cadre des appels à projets qui ont été lancés.

M. Laurent Lafon, président. - Pouvez-vous nous répondre sur le handicap mental et psychique ?

Mme Marie Barsacq, ministre. - La décision d'inscrire de nouvelles disciplines au programme des Jeux de 2030 appartient à l'International Paralympic Committee (IPC). Cette instance collabore avec les organisations internationales, notamment la Fédération mondiale des sourds et Special Olympics, qui organise des épreuves sportives pour des personnes en situation de handicap mental. Ces discussions se tiennent à l'échelle internationale. Les comités nationaux, notamment le CPSF, n'ont pas réellement droit de cité dans la prise de ces décisions.

Sincèrement, je ne pense pas que des épreuves ouvertes aux personnes présentant des troubles mentaux soient inscrites aux Jeux de 2030, même si nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne surprise. Cela ne nous empêche pas de soutenir les organisations internationales qui se battent sur cette question. Un très bel événement s'est ainsi déroulé en 2023 à Vichy, les Global Games.

Madame Daniel, la conjoncture est en effet extrêmement difficile pour les associations. C'est pourquoi nous avons maintenu les enveloppes qui leur sont allouées et fait porter l'effort sur le service civique. Le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative n'est qu'un ministère d'intervention. Nous ne faisons que fournir des subventions ou mettre en oeuvre des programmes de financement, tels que le service civique ou le Pass'Sport. En tout état de cause, les dotations au fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) et au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ont été préservées.

Toutefois, nous partageons évidemment votre inquiétude face au constat du désengagement de certaines collectivités dans le soutien aux associations. Notre objectif est de réfléchir, dans le cadre de la Conférence de la générosité que j'ai évoquée précédemment, aux moyens de mieux aider ces dernières. Je suis consciente que cette réponse n'est pas pleinement satisfaisante, mais nous pouvons imaginer de nouveaux moyens de financement. Je pense par exemple aux fondations nationales, qui financent actuellement essentiellement des projets parisiens et pourraient être davantage mobilisées dans les territoires, en particulier dans les zones rurales. Cela permettrait de faire un pas dans la bonne direction. En effet, il est nécessaire de mobiliser plus de fonds privés.

Vous m'apprenez l'émergence de ce mouvement social dans les salles d'escalades privées. Je vais me renseigner sur le sujet et je reviendrai vers vous. Je tiens tout de même à vous rassurer, ces salles ont besoin de notre agrément pour poursuivre leur activité et nous serons vigilants sur ce sujet.

Comme je ne l'ai pas évoqué au sujet de la laïcité, j'en profite pour partager avec vous des chiffres sur le contrôle que nous opérons dans les établissements sportifs. Selon le dernier rapport que nous avons produit sur le sujet, en 2024, sur 300 000 clubs, 700 signaux faibles ont été repérés, ce qui a abouti à la fermeture de onze clubs. De nombreux agents sont mobilisés dans les territoires pour veiller aux bonnes conditions de travail dans les associations agréées pour éviter toute dérive.

La procédure concernant le Stade de France est en cours et sera bientôt finalisée. Comme vous le savez, elle est suivie non pas par mon ministère, mais par Bercy, au travers de la mission d'appui au financement des infrastructures (Fininfra). Ce service a lancé la procédure et rédigé le cahier des charges et c'est lui qui est chargé de dialoguer avec GL Events. La concession de Vinci s'achevant début août, il est nécessaire de désigner au plus vite le prochain concessionnaire pour rassurer les fédérations sportives, en particulier la Fédération française de football et la Fédération française de rugby (FFR), mais aussi les organisateurs des concerts qui doivent avoir lieu au Stade de France dès la rentrée prochaine. Le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques a également un oeil sur le dossier.

En ce qui concerne notre stratégie sur le handicap, l'Agence nationale du sport mobilise une enveloppe de 3 millions d'euros pour lever les freins d'accessibilité. Il ne s'agit pas de réaliser de grands travaux, mais plutôt d'acheter les équipements nécessaires pour ouvrir des sections parasport. Cette enveloppe, créée l'année dernière, a été entièrement consommée, ce qui montre qu'elle répond à un besoin réel. Elle a donc été reconduite cette année pour permettre la création de nombreuses sections parasport.

Vous m'avez également interrogée sur la Fédération française de karaté et disciplines associées. Je me suis émue que celle-ci n'ait pas suivi les recommandations des conciliateurs. Il s'agit à mon sens d'une mauvaise décision et je l'ai fait savoir à la fédération. Nous sommes très mobilisés sur le sujet et nous nous poserons la question de retirer notre agrément si nous constatons que les conditions requises pour continuer d'en bénéficier ne sont pas réunies.

M. Michel Savin. - Le CNOSF préconise de nouvelles élections. Soutenez-vous cette idée ?

Mme Marie Barsacq, ministre. - Je suis favorable à la tenue de nouvelles élections, mais je ne peux pas l'imposer, car la fédération, en tant qu'association, a un pouvoir décisionnaire propre.

M. Michel Savin. - Le ministère donne tout de même une délégation de service public. C'est son rôle de contrôler que tout se passe bien.

Mme Marie Barsacq, ministre. - Tout à fait. Je ne peux pas forcer la fédération à organiser de nouvelles élections, mais je peux lui retirer la délégation. Cette option est à l'étude.

Monsieur Kanner, vous avez raison, la question de l'éducation populaire est majeure. J'ai rencontré de nombreux acteurs du secteur, car mon ministère les sollicite largement pour déployer divers dispositifs. Je pense par exemple au mentorat et aux « colos apprenantes », sur lesquels ils sont toujours au rendez-vous.

Le secteur manque de moyens. J'ai engagé une réflexion avec la Banque des territoires et le SGPI afin de trouver les financements nécessaires pour que les associations d'éducation populaire puissent rénover leur parc immobilier et mieux accueillir un public plus nombreux. Il est compliqué d'aboutir sur ce sujet, car la Banque des territoires a vocation à financer des projets économiques performants et les associations d'éducation populaire ne sont pas en mesure d'apporter les garanties requises.

Nous estimons à 140 millions d'euros les besoins d'investissement. Nous ne les trouverons pas du jour au lendemain, mais je suis mobilisée sur le sujet. Nous lancerons également des expérimentations. Nous discutons avec certains acteurs tels que l'Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA) pour nous inspirer des modèles économiques intéressants qu'ils sont parvenus à trouver, mais aussi avec des acteurs privés qui entretiennent des partenariats. Ainsi, nous cherchons des solutions pour l'éducation populaire. Je précise que nous n'avons pas touché aux subventions pour l'éducation populaire au sein du budget.

En ce qui concerne la proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, je vous remercie, monsieur le président, de ce travail utile, qui permet de provoquer le débat, de sensibiliser de nombreux acteurs et de susciter une certaine émotion. Je vous vois sourire, mesdames, messieurs les sénateurs ; c'est donc que nous nous comprenons.

Je soutiens pleinement les mesures liées au piratage, qui sont très consensuelles. Elles seront importantes dans la nouvelle dynamique qui se dessine. Une nouvelle chaîne devant être créée par la Ligue de football professionnel (LFP), celle-ci aura besoin que la lutte contre le piratage soit plus efficace.

En ce qui concerne les aspects éthiques, le respect des règles et l'articulation des délégations et des subdélégations, sans doute est-il nécessaire de conserver un parallélisme des formes dans les procédures d'attribution et de retrait de celles-ci. Je vous rejoins donc sur le fait que le ministère a un rôle important à jouer en la matière.

Il convient de distinguer la question du football et celle des autres sports professionnels. Dans le cas du football, les choses avancent cahin-caha dans le cadre des états généraux du foot professionnel. Nous verrons ce qui en ressortira prochainement.

Il est certain que cette proposition de loi arrive à point nommé, à un moment où nous avons besoin de clarifier les choses pour mieux réguler. Nous appelons chacun des acteurs à prendre des décisions courageuses. Le président de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) appelle les clubs de football professionnels à ne pas intégrer les droits TV ou d'hypothétiques ventes de joueurs à leurs recettes. Il s'agit en effet de faire preuve de responsabilité financière et de ne pas faire de plans sur la comète.

Cette proposition de loi arrive donc au bon moment et nous aurons l'occasion de l'examiner en détail très prochainement.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu à nos nombreuses questions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site internet du Sénat.

La réunion est close à 18 heures.