- Mercredi 30 avril 2025
- Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession - Examen du rapport et du texte de commission
- Rapport sur le budget de l'État en 2024 et sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 et sur le rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029 - Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques
- Rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029 - Communication
- Modalités d'application du nouveau dispositif portant sur les arbitrages de dividendes - Point d'information
- Décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits - Communication
- Dépôt d'une proposition de loi à la suite de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales - Communication
Mercredi 30 avril 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession - Examen du rapport et du texte de commission
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - L'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi par le Sénat intervient quasiment un an après son examen en première lecture par notre assemblée.
Ce texte s'inscrit dans la continuité de nombreuses initiatives parlementaires, au cours de la période récente, qui ont transcendé les clivages partisans et qui ont finalement triomphé d'une certaine inertie, voire d'une opposition certaine, des gouvernements successifs sur ce sujet.
Les frais bancaires appliqués dans le cadre des opérations de succession se distinguent par leur disparité et leur manque de transparence, ce qui suscite l'incompréhension de la plupart des personnes concernées.
Alors que ces frais représenteraient un montant annuel total estimé entre 125 millions et 200 millions d'euros, les sommes prélevées pour une succession donnée peuvent atteindre des montants significatifs, notamment pour les successions les plus modestes. Selon une étude de l'UFC-Que Choisir, ils s'établissent autour de 291 euros en moyenne pour une succession de 20 000 euros et seraient trois fois supérieurs à ceux qui sont pratiqués en Belgique et en Italie, et même quatre fois plus élevés qu'en Espagne. Ces frais présentent des disparités importantes entre banques, atteignant jusqu'à 527,50 euros dans certains établissements, contre seulement 80 euros dans d'autres.
Cette question a été très médiatisée en raison de l'émotion créée par le cas de parents qui se sont vu réclamer des frais de 138 euros pour clôturer le livret A de leur enfant de 8 ans décédé en mai 2021. Cela a alors suscité un certain nombre d'initiatives parlementaires.
Plusieurs questions écrites ont ainsi été adressées à l'exécutif. Dès novembre 2021, j'ai attiré l'attention du ministre Bruno Le Maire sur ce sujet. Dans sa réponse de janvier 2022, le ministre indiquait avoir demandé à ses services, en concertation avec les acteurs bancaires, d'examiner des pistes de réforme en la matière. Il précisait que le Gouvernement était déterminé à ce qu'« une solution soit rapidement dégagée dans le cadre des instances de concertation de Place ».
Face à l'absence de « solution rapidement dégagée », j'ai déposé en janvier 2022 une proposition de loi visant à encadrer les frais bancaires sur succession. En septembre 2022, Bruno Le Maire m'assurait à nouveau de sa volonté de faire évoluer les pratiques des banques « d'ici le début de l'automne » de la même année.
En l'absence de toute avancée, j'ai déposé, en janvier 2023, un amendement sur la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, portée par nos collègues Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier. Le dispositif proposé prévoyait la gratuité pour les comptes inférieurs à 5 000 euros bénéficiant de la procédure de clôture simplifiée et instituait, pour les autres cas, un plafonnement à 1 % du montant total des sommes détenues par l'établissement. Cet amendement, tout comme celui de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, qui était identique, a été adopté par le Sénat, malgré l'avis défavorable émis par le Gouvernement, le ministre Jean-Noël Barrot annonçant pour se justifier la conclusion sous peu d'un accord de place.
Force est de constater que la perspective d'un tel accord s'est révélée illusoire. De fait, un éventuel accord de modération tarifaire aurait été illégal au regard du droit de la concurrence.
En février 2024, la position de l'exécutif a finalement connu un revirement, lorsque Bruno Le Maire a annoncé par un tweet son soutien à la présente proposition de loi portée par Christine Pirès Beaune et les députés socialistes, qualifiant de « révoltant » et d'« inacceptable » le niveau excessif des frais bancaires prélevés à l'occasion des opérations liées aux successions.
Aussi, je tiens à saluer la détermination de Mme Pirès Beaune et des députés socialistes, qui ont porté de nouveau cette question devant l'Assemblée nationale. Nos échanges tout au long de la navette parlementaire, qui ont été fructueux, ont permis, je le crois, d'aboutir à un compromis équilibré et sécurisé sur le plan juridique. Pour le dire autrement, nous avons en quelque sorte fait la commission mixte paritaire (CMP) avant la deuxième lecture !
Je défendrai donc une adoption conforme de la version issue de la deuxième lecture par l'Assemblée nationale, votée à l'unanimité - comme en première lecture devant les deux chambres du Parlement -, le 3 décembre dernier, à la veille de la motion de censure déposée contre le gouvernement Barnier. Les modifications apportées résultent en effet d'amendements déposés par la rapporteure, qui m'a étroitement associé à ses propositions et a veillé à s'assurer de mon accord préalable, en vue d'un vote conforme du Sénat. Comme nous le verrons, cette version conserve l'essentiel des apports du Sénat. J'émettrai donc un avis négatif sur les éventuels amendements qui seront déposés sur ce texte en vue de la séance publique.
Je concentrerai mon propos sur l'article 1er, qui porte le dispositif d'encadrement des frais prélevés par les établissements teneurs de comptes au titre des opérations liées aux successions, au travers de l'introduction d'un nouvel article L. 312-1-4-1 au sein du code monétaire et financier.
Lors de l'examen en première lecture par le Sénat, cet article a fait l'objet d'une réécriture complète par notre commission, afin d'améliorer l'intelligibilité et la sécurité juridique du dispositif proposé ainsi que de prévoir au niveau législatif un plafonnement fixé en pourcentage des soldes des comptes du défunt.
Afin d'instituer au niveau législatif un encadrement du barème des frais applicables aux cas non couverts par la gratuité, qui sera fixé par décret, notre commission a ainsi introduit un plafonnement à 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d'épargne du défunt.
De même, nous avons tenu à préciser dans la loi les critères relatifs au cas de gratuité correspondant aux successions les plus simples, avec l'énumération de quatre critères d'appréciation de la complexité des opérations de succession : l'absence d'héritiers mentionnés au 1° de l'article 734 du code civil, c'est-à-dire l'absence d'héritiers en ligne directe ; le nombre des comptes et produits d'épargne à clôturer ; la constitution de sûretés sur lesdits comptes et produits ; l'existence d'éléments d'extranéité.
Par ailleurs, concernant le cas de gratuité relatif aux successions les plus modestes, nous avons substitué au seuil en valeur absolue de 5 000 euros une référence directe au seuil fixé par l'arrêté mentionné au 2° de l'article L. 312-1-4 du code monétaire et financier relatif à la procédure de clôture des comptes simplifiée, afin d'assurer son adaptation automatique dans le temps. Ce montant, fixé à 5 000 euros par l'arrêté du 7 mai 2015, est en effet indexé annuellement sur l'inflation et s'élevait ainsi à 5 909,95 euros en avril 2024.
De surcroît, en vue d'assurer la mise en oeuvre effective du dispositif, les agents de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont été habilités à contrôler le respect des nouvelles règles.
Enfin, nous avons prévu un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi afin de sécuriser la date d'entrée en vigueur du dispositif.
Lors de la deuxième lecture du texte à l'Assemblée nationale, plusieurs précisions ont été introduites sur l'initiative de la rapporteure pour renforcer encore davantage la pertinence et la sécurité juridique du dispositif. Ces modifications ont donné lieu à des échanges approfondis entre la rapporteure et moi-même, ainsi qu'avec les services du ministère de l'économie.
D'une part, la liste des produits d'épargne réglementée exclus de l'application du dispositif d'encadrement a été précisée, avec l'ajout, en plus des plans d'épargne en actions (PEA), des PEA-PME, des comptes PME innovation et des plans d'épargne avenir climat. En effet, ces plans d'épargne et ces comptes se rapprochent des caractéristiques des PEA dans la mesure où la valorisation des avoirs peut fluctuer de manière importante en fonction des périodes.
D'autre part, les critères relatifs à l'appréciation de la complexité, permettant de délimiter le champ d'application du cas de gratuité correspondant aux successions les plus simples, ont été complétés par l'ajout de deux critères supplémentaires : la présence d'un contrat de crédit immobilier en cours à la date du décès et la nature professionnelle du compte à clôturer.
À l'inverse, le critère portant sur le nombre des comptes et produits d'épargne à clôturer, considéré comme moins pertinent pour constituer un élément de complexité, a été supprimé.
Enfin, outre quelques modifications rédactionnelles, le délai d'entrée en vigueur du dispositif a été porté de trois mois à six mois.
De fait, cette version maintient l'essentiel des apports du Sénat en première lecture.
En premier lieu, l'institution d'un plafonnement à 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d'épargne pour les cas non couverts par la gratuité a été préservée. C'était un point de divergence importante avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, qui craignait une application systématique de ce pourcentage de 1 %, alors que le dispositif vise surtout le pouvoir réglementaire, lequel doit fixer le barème par décret. Nous avons réussi à la convaincre qu'il s'agissait bien évidemment d'un maximum, comme je l'avais souligné en première lecture. Il n'est nullement question de prévoir que ce pourcentage s'applique à l'ensemble ou même à la majorité des successions non couvertes par la gratuité.
En second lieu, l'énumération au niveau législatif des critères pris en considération pour l'appréciation de la complexité des opérations liées aux successions est maintenue, avec la conservation de trois critères sur quatre introduits par le Sénat - celui de l'existence d'un nombre élevé de comptes ou produits d'épargne a été supprimé -, et l'ajout de deux critères complémentaires.
Mes chers collègues, j'espère que vous soutiendrez l'adoption conforme de ce texte, afin qu'il puisse s'appliquer le plus rapidement possible.
Pour conclure, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous rappelle que les amendements éventuels sur ce texte sont soumis à la règle de « l'entonnoir » et devront être en « relation directe » avec les dispositions encore en discussion.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je salue la bonne entente entre les deux chambres, puisque le texte a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ce qui est de bon augure. Je tiens également à souligner la justesse des combats que le rapporteur a menés. C'est une satisfaction de voir aboutir les revendications qu'il a portées.
M. Marc Laménie. - Le dispositif prévu dans ce texte garantit une plus grande équité. Pour les successions les plus modestes qui ne donnent lieu à aucun frais, quel est le seuil qui s'applique ?
De plus, quelle est la date prévue pour l'application concrète du texte ?
M. Pascal Savoldelli. - J'indique que le critère du contrat de crédit immobilier qui a été ajouté dans le texte concerne la moitié des ménages.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - Monsieur Laménie, le seuil de gratuité pour les successions les plus modestes a été fixé, à l'initiative du Sénat en première lecture, par référence à un arrêté qui est réévalué chaque année en fonction de l'inflation. Dans le texte initial, il avait été fixé en valeur absolue à 5 000 euros. La réévaluation annuelle du seuil fixé par arrêté a porté ce montant à 5 909,95 euros en avril 2024.
La date prévue pour l'application concrète du dispositif dépend de la diligence du pouvoir réglementaire dans l'édiction du décret d'application. La présente proposition de loi prévoit un délai de six mois pour l'entrée en vigueur du dispositif, afin de donner à l'exécutif le temps suffisant pour la prise du décret d'application et de permettre aux établissements bancaires d'adapter leurs grilles tarifaires et leurs procédures.
Quant au nouveau critère de complexité relatif à l'existence d'un contrat de crédit immobilier en cours, monsieur Savoldelli, il a fait l'objet de discussions avec la rapporteure en amont de la seconde lecture. Les négociations ont été âpres et nous sommes parvenus à réduire les demandes de la rapporteure et des services du ministère de l'économie, qui souhaitaient que les prêts à la consommation soient également pris en compte dans les critères de complexité. Nous sommes donc parvenus à un compromis en n'incluant que les crédits immobiliers. J'ajoute que ce nouveau critère concerne environ 30 % des ménages et non pas la moitié.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
La réunion est close à 9 h 20.
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Rapport sur le budget de l'État en 2024 et sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 et sur le rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029 - Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques
M. Claude Raynal, président. - Nous procédons ce matin à l'audition de M. Pierre Moscovici, tant en sa qualité de Premier président de la Cour des comptes que de Président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), puisqu'il vient nous présenter deux rapports de la Cour des comptes - l'un sur le budget de l'État en 2024 et l'autre sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024 - et deux rapports du HCFP, l'un sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, connu sous l'ancien terme de « loi de règlement », et l'autre sur le rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) 2025-2029. Autant dire que cette audition sera substantielle !
Monsieur le Premier président, s'agissant du rapport sur le budget de l'État (RBDE), vous revenez sur le niveau massif du déficit budgétaire en 2024, lié, selon vous, à des prévisions optimistes sur les recettes, à un manque d'ambition sur les dépenses et à l'ombre portée des très mauvais résultats de 2023, ce que nous avions cherché à mettre en avant dans nos travaux sur la dégradation des finances publiques.
Nous avions aussi dit et répété au printemps dernier qu'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) était nécessaire, avant d'identifier, dans le cadre de nos travaux, que l'absence de PLFR avait été l'une cause du niveau désastreux du déficit en 2024. Je me réjouis que vous rejoigniez nos analyses.
Je me permets de vous citer longuement : « Il eût été logique qu'une fois connus ces résultats [ceux de 2023] un PLFR soit soumis au Parlement en février ou en mars 2024 pour en tirer les conséquences et, par de nouvelles mesures en recettes comme en dépenses, essayer de préserver la crédibilité de l'objectif de déficit qui venait d'être adopté. Le Gouvernement ayant fait le choix de ne pas déposer un tel PLFR pendant l'hiver 2024 s'est privé du seul vecteur qui eût permis un ajustement des recettes et a déployé, à défaut, une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères. » Le constat est sévère, mais juste, et le résultat de cette mauvaise gestion réside dans l'augmentation de l'encours de dette de l'État.
Il faut bien sûr remédier à cette situation : vous évoquez quelques pistes en matière de prévisions des recettes fiscales, vous recommandez encore de limiter les reports de crédits et, de façon nouvelle, d'indiquer au niveau de chaque mission les montants respectifs de l'évolution tendancielle des dépenses, des dépenses nouvelles et des économies proposées dans le cadre du projet de loi de finances (PLF). Vous nous direz plus largement quelles solutions vous identifiez pour améliorer la gestion des finances de l'État, anciennes comme nouvelles, et si celles que vous prônez de longue date ont, ou non, été suivies.
Vous nous présenterez également le rapport de certification des comptes de l'État, sur lesquels vous émettez une opinion « avec réserve » justifiée par cinq anomalies significatives et l'absence d'éléments probants pour fonder votre opinion sur onze postes des états financiers.
Enfin, vous nous présenterez les avis du HCFP sur la loi de règlement pour 2024 et sur le rapport d'avancement annuel 2025.
Le HCFP, dans son avis sur la loi de règlement 2024, identifie un écart « important » de 1,5 point de PIB entre la prévision de solde structurel de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et son exécution. Dès lors, vous avez déclenché le mécanisme de correction. Vous pourrez peut-être nous rappeler précisément les conséquences de ce mécanisme de correction.
Du fait de la nouvelle mouture de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), vous rendez également pour la première fois un avis sur les écarts entre les prévisions macroéconomiques de recettes et de dépenses de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et leur réalisation. La loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques confère par ailleurs au HCFP le pouvoir d'examiner, tous les quatre ans, s'il existe une importante distorsion affectant les prévisions macroéconomiques sur une période d'au moins quatre années consécutives. À cet égard, sur la période que vous étudiez (2004-2024), vous observez, hors crise, un biais optimiste en faveur de la croissance en volume de 0,4 point en moyenne - 0,5 point avant la création du HCFP et 0,3 point après. En incluant l'inflation, vous obtenez un écart moyen de 0,3 point sur la croissance en valeur.
Vous invitez dans ce cadre le Parlement et le Gouvernement à « considérer toute disposition complémentaire permettant d'assurer l'absence de biais dans l'établissement des prévisions » et, à défaut, à « renforcer l'accès à l'information et à détendre les délais d'instruction » fixés au HCFP, « ainsi qu'à étudier la mise en place effective d'un mécanisme de type "appliquer ou expliquer" ».
Vous semblez donc appeler de vos voeux une révision de la Lolf, dont vous nous direz peut-être ce qu'elle pourrait contenir selon vous.
Enfin, vous nous présenterez l'avis du HCFP sur le premier exemplaire du rapport d'avancement annuel, issu de la réforme du pacte de stabilité et de croissance entrée en vigueur l'an dernier. Ce rapport vise à assurer le suivi du plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029 que nous avions déjà étudié en octobre dernier. Votre analyse est bien moins sévère que celle qui portait sur le dernier programme de stabilité (PStab), même si vous soulignez des conditions de saisine dégradée. Vous notez, dans le langage propre au HCFP, que la prévision de croissance « n'est pas hors d'atteinte » et que la prévision de déficit public pour 2025 « peut être tenue, mais est loin d'être acquise ».
Avant de vous céder la parole, je rappelle que cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat.
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques. - Les différents travaux que je m'apprête à vous présenter ont été publiés le 16 avril dernier et ont tous en commun d'expliquer la situation de nos finances publiques et leurs perspectives. La publication de ces rapports est chaque année un moment important pour nous et un moment significatif dans le débat public et citoyen sur les finances publiques. Cependant, le contexte international et la dégradation sévère des finances publiques donnent un caractère particulier à notre discussion cette année.
Il y a deux semaines, le ministre de l'économie a annoncé une révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2025, passant de 0,9 point à 0,7 point de PIB. Les turbulences au niveau international pourraient engendrer de nouvelles évolutions, comme l'a signalé le Premier ministre. Ces éléments s'ajoutent aux fragilités initiales de notre trajectoire de moyen terme, déjà soulignées par la Cour, le HCFP et votre commission. Cependant, il est impératif de respecter le PSMT, à commencer par l'objectif de réduction du déficit à 5,4 % du PIB en 2025. C'est une question fondamentale de soutenabilité, de crédibilité et de souveraineté.
Je souhaite remercier les artisans de ce très gros travail, notamment la présidente de la première chambre de la Cour des comptes, Carine Camby, les rapporteurs généraux du rapport sur l'exécution du budget de l'État, Lionel Vareille et Claire Falzone, le rapporteur pour la certification des comptes, Emmanuel Giannesini, le rapporteur général Denis Soubeyran et leurs équipes qui ont travaillé sur les 61 notes d'analyse de l'exécution budgétaire, les fameuses NEB, qui accompagnent le RBDE. Je remercie également Nicolas Carnot, le nouveau rapporteur général du HCFP, ainsi que les membres du Haut Conseil et la petite équipe qui compose son secrétariat : ils produisent des travaux de grande qualité dans des conditions qui ont tendance à se dégrader.
Je commencerai par vous présenter le rapport sur le budget de l'État en 2024.
Avant toute chose, je voudrais rappeler que, comme son titre l'indique, ce rapport analyse uniquement le budget de l'État. Son champ est donc plus étroit que celui des rapports de la Cour consacrés aux finances publiques dans leur ensemble, comme le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques (RSPFP), qui intègre aussi les finances des administrations de sécurité sociale et celles des administrations publiques locales. Cette distinction est d'autant plus importante que ces trois niveaux d'administration publique ne présentent pas les mêmes dynamiques de recettes et de dépenses au cours des dernières années, en particulier en 2024.
En février dernier, je vous avais présenté un rapport sur la situation d'ensemble des finances publiques, qui qualifiait l'année 2024 comme celle d'une « dérive inédite des finances publiques », principalement en raison d'une forte dynamique des dépenses des collectivités locales, et aussi des dépenses sociales, le propos étant plus nuancé au sujet des dépenses de l'État, du fait des efforts fournis ces dernières années, ce que nous confirmons aujourd'hui.
Le RBDE revient sur le déficit budgétaire toujours très élevé de l'État, qui accroît le besoin de financement et la dette au terme d'un exercice 2024 que je qualifierai de « chaotique ». Dans ce contexte, le déficit budgétaire de l'État a atteint 156 milliards d'euros en 2024. C'est un mauvais résultat, qui est supérieur de 9 milliards d'euros à l'objectif fixé en loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Le montant du déficit s'améliore certes de 17,1 milliards d'euros par rapport à 2023, mais de manière très minimale, puisque la quasi-extinction des mesures exceptionnelles prises pour faire face à la hausse des prix de l'énergie représente une moindre dépense de 17 milliards d'euros. Le niveau du déficit reste par ailleurs très éloigné de celui d'avant la crise sanitaire, à hauteur de 92 milliards d'euros en 2019. Il est aussi supérieur à celui de l'année 2022, qui a pourtant été marquée par le déclenchement de la guerre en Ukraine et la montée de l'inflation. Le plateau reste très haut, et sans doute donc beaucoup trop haut.
Ce niveau de déficit toujours élevé a plusieurs causes, mais il est principalement imputable à la conception même du projet de loi de finances pour 2024, établi sur des bases peu réalistes, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.
En effet, lorsque je vous avais présenté l'avis du HCFP, à la fin de l'année 2023, nous avions jugé la prévision initiale de croissance de 1,4 % élevée, le consensus des économistes estimant alors la croissance à 0,8 % du PIB. Cet écart est en réalité considérable. La partie de la LFI portant sur les recettes reposait sur cette prévision de croissance, qui a été abaissée de 0,4 point dès février 2024. Le Parlement a donc voté un projet de loi de finances en décembre 2023 avec une prévision de croissance qui a été révisée deux mois après, ce qui est pour le moins chaotique. En outre, les prévisions élaborées à l'été 2023 étaient nettement trop optimistes quant à l'évolution spontanée des grands impôts, créant un écart majeur avec la réalisation.
La LFI manquait également d'ambition dans sa partie consacrée aux dépenses. Hormis l'extinction de quelques mesures exceptionnelles, elle ne prévoyait aucune réforme structurelle, en dépit des revues de dépenses qui avaient commencé dès le début de l'année 2023.
À ces deux faiblesses de la LFI s'est ajoutée l'ombre portée des très mauvais résultats de l'exercice 2023. La dégradation de 2023 n'a été pleinement mesurée qu'en toute fin d'année, ce qui explique que l'effet de base qu'elle a engendré ne pouvait être que partiellement anticipé. Cela a eu un effet clair : les objectifs de la LFI pour 2024 sont devenus inatteignables avant même que commence l'exercice.
Dans ces conditions, il eût été non seulement logique, mais même nécessaire, de prévoir une loi de finances rectificative en février ou en mars 2024 pour tirer les conséquences des résultats de 2023 et « sauver », en quelque sorte, le solde de 2024, ainsi que la crédibilité de notre trajectoire. Le Gouvernement, en faisant le choix de ne pas déposer de projet de loi de finances rectificative, s'est privé du seul vecteur qui eût permis un ajustement des recettes. À la place, il a mis en oeuvre une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères, notamment en annulant 10 milliards d'euros de crédits en février 2024 et en reportant 16 milliards d'euros de crédits en mars 2024 - deux décisions contradictoires.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous considérons que l'année 2024 se caractérise par une « gestion erratique » et un « pilotage à vue » en matière de crédits budgétaires - je ne fais que reprendre les termes du rapport sans céder au goût de la formule. Par la suite, la succession de reports, de gels, de surgels et de coups de rabot a permis d'obtenir des résultats visibles en matière de maîtrise de la dépense publique, mais in fine l'économie réalisée n'est pas pérenne. Il s'agit de mesures de gestion au fil du temps.
Le maintien d'un déficit élevé entraîne un besoin de financement important, avec une dette de l'État qui continue d'augmenter et atteint un niveau toujours plus préoccupant. Le besoin de financement de l'État s'élève à 305 milliards d'euros en 2024, soit 85 milliards d'euros de plus qu'avant la crise sanitaire.
Dans ce contexte, l'encours de la dette de l'État continue mécaniquement d'augmenter, atteignant 2 602 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Cela représente une progression de 1 075 milliards d'euros en dix ans, dont près de 780 milliards d'euros depuis 2019. Il est vrai que nous n'avons pas eu de budget en équilibre depuis cinquante ans, ce qui explique cette augmentation de la dette. Mais il y a eu des phases de relatif ralentissement et des phases de forte accélération, et nous sommes actuellement dans un cycle long de très forte accélération, comme le montrent les chiffres.
Au second semestre 2024, l'instabilité gouvernementale a été sanctionnée par les marchés, avec une augmentation des intérêts décaissés de près de 5 milliards d'euros pour atteindre 46,5 milliards d'euros. Je rappelle à cet égard que la dernière mesure des taux français à dix ans était de 3,23 % et que le spread avec l'Allemagne atteint toujours près de 72 points de base, alors que nos voisins allemands ont pourtant renoncé au frein à la dette ce qui entraîne un relâchement budgétaire. J'y insiste : nous ne sommes plus dans la décennie miraculeuse des années 2010, 2012, ou 2019, quand les taux baissaient tellement que la dette augmentait sans que son coût se ressente. C'est tout l'inverse aujourd'hui et cela risque d'aller en s'accélérant. D'ici à 2030, l'État devra avoir renouvelé 50 % de son encours de dette, soit 1 300 milliards d'euros, avec un taux d'intérêt très supérieur à celui auquel il a été émis dix ans plus tôt. L'effet de rebond sera très marqué.
Notre rapport analyse ensuite plus finement les composants de ce solde. Les recettes fiscales augmentent légèrement en 2024, mais sont très inférieures aux prévisions. Les dépenses sont en diminution, mais sans que soient engagées des économies structurelles et pérennes.
Après avoir diminué de plus de 7 milliards d'euros en 2023, les recettes augmentent légèrement en 2024, à hauteur de 325,7 milliards d'euros, mais cette progression reste très modeste et même inférieure à la croissance du PIB. Elle est tirée uniquement par des hausses d'impôts et pas par une dynamique d'ensemble. L'évolution spontanée des prélèvements obligatoires les tire même plutôt à la baisse. En réalité, aucun des grands impôts n'a été dynamique en 2024, malgré une croissance positive, maintenue de manière assez convenable, Jeux Olympiques aidant, à 1,1 % du PIB pour l'année.
Au-delà de cette relative progression par rapport à 2023, les recettes fiscales en 2024 sont très nettement inférieures aux prévisions de la loi de finances. Depuis cinq ans, des écarts importants sont constatés entre prévision et exécution des recettes fiscales. Les mauvaises surprises en matière de recettes ont été très marquées lors de ces deux dernières années.
Lorsque je vous avais présenté le RBDE l'an dernier, j'avais précisé que l'écart de 5,3 milliards d'euros entre la prévision et l'exécution de recettes en 2023 était « extraordinairement rare ». Or, cet écart en 2024 est plus de quatre fois plus élevé que l'an dernier.
Les recettes fiscales sont inférieures en exécution de 22,8 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Cet écart, considérable en 2024, provient de multiples facteurs. Il s'explique, pour deux cinquièmes, par l'effet de base des mauvais résultats de 2023 et, pour les trois cinquièmes restants, par l'optimisme des prévisions pour 2024. L'évolution spontanée, plus faible que prévu, a pesé sur la recette fiscale nette à hauteur de 19,2 milliards d'euros, dont 10,2 milliards d'euros sur le seul impôt sur les sociétés.
Encore une fois, il est inconcevable de conserver de telles incertitudes dans les prévisions qui sous-tendent la trajectoire des finances publiques. Il faut impérativement revoir notre façon d'élaborer les prévisions, parce que nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir de tels écarts, qui nous mènent dans un mur. Une exigence de réalisme doit guider les prévisions macroéconomiques. Nous n'avons plus de marge pour absorber les mauvaises surprises. C'est une question de lucidité et de volonté politique.
La volonté politique semble avoir fait défaut pour réduire durablement les dépenses de l'État en 2024. La normalisation du contexte économique à l'automne 2023 aurait dû conduire à une action résolue pour retrouver des marges de manoeuvre budgétaires. Elle aurait dû intégrer des économies structurelles inspirées par la revue de dépenses commandée par le Gouvernement, mais il n'en a rien été.
Les dépenses de l'État ont certes diminué de 11,3 milliards d'euros en 2024, pour s'établir à 444,3 milliards d'euros, mais cette baisse s'explique principalement par la résorption du dispositif exceptionnel de soutien pour faire face à la hausse des prix de l'énergie - pour 17,3 milliards d'euros - et par de bonnes surprises, notamment sur la charge de la dette, qui diminue facialement grâce à la baisse de l'inflation. En parallèle, les autres dépenses ont augmenté de 10,6 milliards d'euros, soit presque autant qu'en 2023, dont 8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires pour le personnel.
Au-delà de ces grandes masses, le pilotage à vue et la gestion erratique des dépenses ont permis d'annuler 17,8 milliards d'euros de crédits, mais ces annulations ont en partie servi à compenser le dépassement de certaines dépenses, à hauteur de 8 milliards d'euros. Seule la différence, soit près de 10 milliards d'euros, a permis de limiter l'ampleur du dérapage sans toutefois pouvoir l'empêcher. Surtout, les économies réalisées correspondent à des solutions ponctuelles qui sont peu ou pas reproductibles sur les années suivantes.
Ces décisions ont d'ailleurs été difficiles à comprendre pour les usagers, comme pour les ministères. Il faut trouver d'autres outils que la tronçonneuse ou le rabot pour parvenir à faire des économies intelligentes. Par exemple, sur les 37 programmes qui ont bénéficié d'une ouverture de crédits en loi de finances de fin de gestion pour un total de 4,7 milliards d'euros, 31 programmes avaient subi une annulation au mois de février précédent pour un total de 3,4 milliards d'euros. Autrement dit, il y a eu un stop-and-go qui est incompatible avec l'exigence d'une dépense de qualité et avec des économies de long terme.
L'ensemble de nos analyses converge donc vers un impératif, toujours le même, que je ne cesserai de marteler et de répéter jusqu'à ce qu'il soit pris en compte. Il est urgent que l'exercice de revue de dépenses engagé en 2023 prenne enfin l'ampleur et la portée nécessaires pour enclencher une véritable révolution de la dépense publique. Cela permettra de renforcer la qualité de la dépense, et la quantité en découlera. Dans notre rapport, nous recommandons, dans le contexte du plan d'action pour améliorer le pilotage des finances publiques annoncé par le Gouvernement en mars, d'inclure dans les documents budgétaires, pour chaque mission, un tableau récapitulant l'évolution de la dépense entre la loi de finances initiale et le projet de loi de finances pour l'année suivante, en tenant compte de l'évolution tendancielle des dépenses, des dépenses nouvelles et des économies proposées.
J'en viens au rapport sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024. Cette mission, qui nous a été confiée dans le cadre de la Lolf, consiste pour la Cour à émettre une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. Il s'agit d'une prérogative de puissance publique qui est déterminante pour apprécier la situation financière réelle de l'État et de la sécurité sociale. Je présenterai d'ailleurs prochainement les résultats de la certification sociale à vos collègues de la commission des affaires sociales. La Cour consacre des moyens significatifs à cette mission, qui donne l'assurance au Parlement et, plus largement, à l'ensemble de nos concitoyens que les comptes de l'État sont réguliers, sincères et fidèles, comme l'exige l'article 47-2 de la Constitution.
Sans exprimer ma colère aussi vivement que je l'ai fait à l'Assemblée nationale, je suis désolé et agacé de constater que, pour la dix-neuvième année consécutive, les comptes de l'État ne sont pas en mesure d'être certifiés sans réserve très significative. Notre rapport mentionne cinq anomalies significatives - des points sur lesquels nous estimons que les comptes sont surévalués ou sous-évalués à hauteur de plusieurs milliards d'euros - et onze insuffisances d'éléments probants, de sorte que, sur certains points, il n'est pas possible de réconcilier les chiffres qui figurent dans les comptes et ce que nous savons par ailleurs des finances de l'État. Deux incertitudes ont disparu par rapport à 2023, mais deux nouvelles sont apparues, ce qui explique le même nombre de points de réserve.
Ces points peuvent se répartir en deux catégories : ceux pour lesquels la fiabilisation des chiffres requiert d'importants travaux de l'administration et ceux qui correspondent à un refus persistant de l'administration d'appliquer les principes et les normes comptables communément acceptés. Il est compréhensible que l'administration ne puisse pas mener de front tous les travaux importants qui permettent d'améliorer la fiabilité des chiffres. Mais il est anormal qu'elle se refuse à corriger des anomalies de comptabilisation qui sont relevées depuis plusieurs années par la Cour. J'ai exprimé ma mauvaise humeur, voire ma très mauvaise humeur, à ce sujet. Les réserves formulées par la Cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées ; elles devraient au contraire faire l'objet de toute l'attention de l'administration pour les faire disparaître.
J'ai d'ailleurs écrit au ministre pour lui dire que la Cour s'interrogeait sur la possibilité de faire évoluer sa position pour la certification des comptes de 2025. Si un plan n'est pas engagé pour résorber les réserves que la Cour a exprimées, celle-ci pourrait en tirer les conséquences dans son opinion, en cohérence avec les normes d'audit auxquelles elle se réfère, c'est-à-dire qu'elle pourrait ne pas certifier les comptes de l'État. Imaginez une entreprise dans laquelle le commissaire aux comptes viendrait dire que les comptes ne sont pas certifiés, ou certifiés avec réserve, et où la gouvernance répondrait : « On s'en fiche ! ». C'est un peu ce que fait l'État, et ce n'est pas acceptable.
Après avoir vivement exprimé ma colère à l'Assemblée nationale, j'ai eu quelques échanges avec les ministres concernés et il me semble que nous devrions parvenir à un plan raisonné de résorption des réserves de la Cour, mais j'attends de voir. L'administration semble avoir pris conscience qu'il fallait lever les points sur lesquels elle refusait jusque-là d'avancer. J'espère revenir devant vous l'an prochain avec un acte de certification qui marquera des progrès résolus. Si ce n'est pas le cas, je reviendrai avec un refus de certification.
J'en viens maintenant à la présentation des avis du HCFP en commençant par l'avis relatif au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.
Trois messages se distinguent particulièrement dans cet avis. Premièrement, l'aggravation très préoccupante de nos finances publiques en exécution 2024 après une très mauvaise année 2023. J'ai qualifié ces années 2023-2024 d'« années noires » pour nos finances publiques. Nous avons rarement vécu deux années avec de telles conséquences pour l'avenir, dans un contexte qui était pourtant hors crise, sans inflation, sans crise sanitaire ni financière et avec une croissance convenable. Deuxièmement, le déclenchement du mécanisme de correction prévu par la Lolf, et je reviendrai sur ce point. Troisièmement, certains biais optimistes de prévision, notamment sur la croissance, qui doivent nous conduire à renforcer et à modifier la gouvernance de la provision.
L'ampleur de la dégradation des comptes publics de 2024 est préoccupante. Le déficit, non pas de l'État, mais de toutes les administrations, a continué de se creuser l'année dernière, augmentant de 0,4 point de PIB par rapport à 2023, pour s'établir à 5,8 % du PIB, soit presque 170 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Pour mémoire, il était de 5,4 % en 2023 et de 2,4 % du PIB avant la crise sanitaire en 2019. Logiquement, nous aurions dû sortir du « quoi qu'il en coûte » et, depuis la fin de la crise covid, les déficits devraient se réduire fortement, mais ils ne cessent d'augmenter. Nous subissons donc une évolution contracyclique par rapport à nos partenaires.
Les dépenses publiques ont connu une hausse de 3,9 % en valeur et la croissance des prélèvements obligatoires de 2,4 % est moins forte et moins rapide que la croissance du PIB. In fine, la dette augmente de 3 points, pour s'établir à 113 % du PIB, alors qu'elle diminue chez nos partenaires. Notre alerte, car c'en est une, tient en quelques mots : le PLF 2024, qui avait vocation à commencer d'amortir cette dégradation, est une cible manquée. Encore une fois, l'année 2024 n'est pas une année blanche, ou une année perdue, mais une année noire où le solde public a été dégradé de 1,4 point de PIB par rapport à la prévision de la LFI 2024, et tout cela hors crise !
Le Haut Conseil a examiné les différents facteurs qui expliquent cet écart considérable. Celui-ci tient d'abord et avant tout aux prélèvements obligatoires.
En effet, l'écart avec la prévision en matière fiscale est de 40 milliards d'euros, dont plus de 20 milliards d'euros pour les recettes fiscales nettes de l'État. Il est particulièrement marqué pour l'impôt sur les sociétés, à hauteur de 15 milliards d'euros, et pour la TVA, à hauteur de 12 milliards d'euros. Ces écarts reflètent en partie des hypothèses de départ trop optimistes. L'ampleur du recul de l'impôt sur les sociétés pouvait difficilement être anticipée. En revanche, le HCFP avait alerté sur les hypothèses optimistes en matière de TVA. Il avait aussi alerté sur le caractère très élevé de l'hypothèse de croissance et des hypothèses en matière de consommation des ménages. Cela fait des années que l'on nous annonce que la croissance va bénéficier de l'augmentation de la consommation des ménages et que notre taux d'épargne va reculer. Or nous constatons tout le contraire, année après année.
Le second facteur d'explication tient aux dépenses plus élevées qu'anticipées, avec un écart de plus de 13 milliards d'euros par rapport au PLF 2024. Sur cet écart, plus de 7 milliards d'euros de dépenses résultent du dynamisme des collectivités locales et sont en grande majorité des dépenses de fonctionnement. Le Haut Conseil souligne à nouveau la difficulté des administrations publiques locales à tenir des objectifs en dépenses, en l'absence de mécanisme incitatif ou contraignant.
Sur l'écart restant de 6 milliards d'euros, 5 milliards d'euros découlent des dépenses de l'assurance chômage ou de l'assurance maladie, les dépenses de l'État restant contenues dans l'ensemble.
En résumé, nous constatons une aggravation très préoccupante de nos finances publiques qui nous retarde dans le redressement de notre trajectoire, malgré la gravité de la situation et l'entrée de la France en procédure pour déficit excessif au titre de l'année 2023.
Venons-en au déclenchement du mécanisme de correction prévu dans la Lolf. Lorsque le déficit structurel au cours de l'exercice est supérieur de plus de 0,5 point de PIB à la cible prévue par la LPFP, l'écart est considéré comme important au sens de la Lolf et le mécanisme de correction doit être activé. Cela a été le cas pour l'exercice 2024, puisque l'écart entre le déficit structurel réalisé, à 5,2 points de PIB potentiels, et le déficit structurel prévu dans la LPFP, à 3,7 points de PIB, s'élève non pas à 0,5 point, mais à 1,5 point.
Par ailleurs, en 2024, les circonstances exceptionnelles reconnues par le pacte de stabilité et de croissance qui prévalaient post-crise ne s'appliquaient plus, ce qui explique que la France soit entrée en procédure pour déficit excessif en 2023. Dès lors, nous devions déclencher le mécanisme de correction.
L'activation de ce mécanisme contraint en théorie le Gouvernement à présenter des mesures pour réduire de façon significative le déficit structurel et pour revenir aux objectifs de la LPFP. Cependant, la trajectoire de la LPFP est devenue obsolète dès sa première année d'entrée en vigueur. Depuis cinq ans que je viens devant vous, le feuilleton des LPFP a été pour le moins intéressant : faut-il qualifier leur trajectoire de virtuelle, d'optionnelle ou rapidement d'obsolète ? En tout cas, il faut une sémantique particulière.
Les effets du mécanisme de correction risquent d'être artificiels, ce qui démontre une faille dans la gouvernance, ou s'ils sont effectifs, ils pèseront lourdement sur la croissance. Il serait utile, en théorie, que le Gouvernement présente une nouvelle loi de programmation, conforme à la trajectoire du PSMT. En effet, vous observerez qu'il existe en réalité deux trajectoires, celle de la LPFP et celle du PSMT, qui ne se rejoignent pas. Est-ce vraiment logique ?
Enfin, le HCFP a examiné pour la première fois la présence de biais dans la prévision macroéconomique et dans la prévision des finances publiques. Notre premier constat a porté sur l'existence d'un biais positif dans les prévisions de croissance du Gouvernement ainsi que dans celles qui portent sur la consommation des ménages. En moyenne, si l'on exclut les années de crise en 2009, 2020 et 2021, la prévision de croissance du Gouvernement est supérieure de 0,4 point de PIB à la croissance réalisée. Ce biais est réduit depuis 2014, grâce à la création du HCFP, mais la prévision du Gouvernement reste quand même légèrement optimiste, en moyenne. On ne peut donc pas en rester là.
Pour les années 2021 à 2024, le HCFP observe que la prévision de croissance a tendance à excéder les réalisations, mais avec des différences, puisque le début de la période a été marqué par la crise sanitaire, puis par la crise énergétique, qui justifiaient le maintien de la clause exceptionnelle. Nous n'en sommes plus là.
Les prévisions en matière de finances publiques montrent des écarts moins marqués avec la réalisation sur la longue durée. Les prévisions de solde public du Gouvernement se situent en moyenne à un niveau proche de la réalisation hors années de crise. Si on les inclut, l'écart moyen correspond à 0,6 point de PIB.
Face à ces constats, nous devons être plus lucides, plus responsables et plus réalistes dans l'établissement des prévisions. L'exercice est difficile, mais nous devons ouvrir le capot des mécanismes utilisés et nous interroger sur leur performance et leur adaptation au contexte particulier des dernières années.
Il faudrait engager rapidement des études pour consolider les modèles de prévision, non seulement en matière d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu et de TVA, mais aussi sur les autres recettes fiscales de l'État. Cependant, les améliorations techniques ne suffisent pas, et pour le dire comme je le pense, l'indépendance des prévisions en France doit être mieux garantie, de manière systémique, pour éviter le volontarisme excessif du Gouvernement, quel qu'il soit. Nous rendrons ainsi à l'administration sa capacité à travailler de façon sereine et objective.
À l'échelle de l'Union européenne, cette tâche relève des institutions budgétaires indépendantes. En France, il revient au HCFP de garantir la qualité des prévisions et de les tenir éloignées de l'« hubris du politique », qui reste toujours une tentation plus ou moins forte. Je préconise donc de renforcer le rôle et le mandat du HCFP pour rendre ses avis plus effectifs et contraignants. Un éventail de solutions existe. Je reste convaincu qu'il faut instaurer un processus de validation des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement par le HCFP, qui fonctionnerait selon le mécanisme du « appliquer ou expliquer » (« comply or explain ») pour permettre au Gouvernement de rectifier ses prévisions ou d'expliquer pourquoi il ne les modifie pas, en cas de réserve émise par le Haut Conseil. Le processus devra être compatible avec le débat parlementaire, le HCFP exerçant en l'occurrence une fonction d'information et d'éclairage du débat parlementaire.
Par exemple, si le Gouvernement prévoit un taux de croissance à 1,4 %, alors que le consensus des économistes se prononce plutôt pour 0,8 %, le HCFP fixera la prévision à 1 %. Soit le Gouvernement révise sa prévision à 1 %, ce qui évitera de le faire deux mois après que la loi aura été votée, soit il maintient sa prévision à 1,4 %, mais alors, il devra expliquer les arguments sous-jacents, et cela sera difficile parce que le sous-jacent est politique.
On pourrait même envisager de confier au HCFP un rôle direct dans la réalisation de certaines prévisions macroéconomiques, voire de finances publiques, utilisées dans les textes financiers, comme c'est le cas dans de nombreux grands pays, comme le Royaume-Uni, l'Autriche ou la Belgique.
En tout état de cause, il est impératif d'améliorer les conditions de fonctionnement du HCFP, en particulier en matière d'accès à l'information. En effet, il ne va pas de soi, aujourd'hui, que le Haut Conseil puisse demander des informations en dehors de la période très courte des saisines. Il convient aussi de supprimer son interdiction d'auto-saisine et de lui laisser des délais plus raisonnables, qui peuvent être actuellement réduits à cinq ou six jours ce qui est trop peu, pour rendre ses avis.
Je plaide, par ailleurs, depuis plusieurs années, pour étendre le mandat du HCFP à une compétence d'analyse de la soutenabilité de la dette, ce qui contribuerait à renforcer la crédibilité du cadre des finances publiques.
Je termine par notre quatrième publication du 16 avril. Le HCFP a été saisi pour la première fois du rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029, qui a été adopté par le Conseil de l'Union européenne le 21 janvier 2025, le PSMT ayant remplacé l'ancien PStab. Je salue le choix du Gouvernement d'avoir saisi le Haut Conseil pour avis sur ce rapport, car les règles européennes ne l'imposaient pas. C'est un progrès, notamment en matière de transparence.
Toutefois, je regrette les conditions dégradées dans lesquelles nous avons été sollicités pour rendre cet avis, le délai ayant été réduit à six jours, avec des changements de calendrier de dernière minute, ce qui a fragilisé l'exercice du mandat du Haut Conseil, pourtant crucial pour la transparence de nos finances publiques.
Avant d'aborder les messages du Haut Conseil dans cet avis, je veux rappeler les principales différences entre le PSMT et le PStab. Tout d'abord, l'indicateur de suivi utilisé dans le cadre du PSMT est la trajectoire des dépenses primaires nettes, alors que le PStab recourait à différents indicateurs. Ensuite, le PSMT fixe cette trajectoire pour toute la période 2025-2029, contrairement aux programmes de stabilité qui entérinaient année après année les déviations constatées, ce qui nuisait à leur crédibilité.
Notre avis s'articule autour de quatre grands messages. Premièrement, la prévision de croissance à 0,7 % du PIB n'est pas hors d'atteinte dans un environnement macroéconomique international incertain, même si nous soulignons l'accumulation de risques à la baisse. Le réalisme des prévisions du Gouvernement doit bien évidemment être apprécié au regard du haut niveau d'incertitude pour 2025, en raison notamment des annonces tarifaires du président des États-Unis et de l'escalade possible entre la Chine et les États-Unis. Les effets de ces mesures commerciales sont estimés par le Gouvernement à un recul de 0,3 point de PIB pour la croissance en France en 2025, ce qui apparaît plausible.
Dans ce contexte, le Gouvernement a révisé sa prévision de croissance pour 2025 à la baisse, à 0,7 % contre 0,9 % précédemment, en tenant compte de la conjoncture internationale. Cela dépasse les prévisions de certains organismes, comme Rexecode ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ainsi que celles du consensus des économistes qui sont plutôt à 0,5 % ou 0,6 %. Ce matin, l'Insee a publié les chiffres du premier trimestre, où la croissance atteint 0,1 % du PIB, ce qui, sans être élevé, indique un acquis de croissance de 0,4 %. Atteindre la cible de 0,7 % n'est pas hors de portée mais la croissance est un peu languissante.
Notre deuxième message porte sur les prévisions de finances publiques pour 2024. Le HCFP estime que l'objectif de dépenses publiques à 5,4 % du PIB, s'il peut être tenu, est loin d'être acquis.
En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, le Gouvernement prévoit une hausse de recettes de 2,1 points en 2025, qui repose pour près de la moitié sur des mesures nouvelles, instaurées cette année, à hauteur de 23 milliards d'euros, mais dont certaines sont réputées temporaires. L'autre moitié de cette hausse repose sur une prévision d'évolution spontanée des recettes un peu élevée et sur l'abandon de certaines hypothèses de prudence concernant le rendement de certains prélèvements.
Les marges de prévision en recettes sont donc limitées et le rendement des prélèvements obligatoires serait directement exposé en cas de concrétisation des risques macroéconomiques ou de mauvaise surprise.
Quant à la prévision de dépenses, elle table sur une progression de 1,3 % en volume, moins élevée qu'en 2024, qui ne permettrait pas de réduire le poids des dépenses publiques dans le PIB. Les dépenses ne seraient réellement contenues que pour l'État et les administrations publiques centrales à 0,5 % en volume, avec un effet renforcé de 5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances avec de nouvelles mesures de gel puis d'annulation de crédits. Mais l'ajustement du déficit de 5,8 % à 5,4 % du PIB requiert une stricte maîtrise des dépenses directement pilotables par l'État et des dépenses sociales. Il impose aussi de trouver des moyens pour que le ralentissement observé des dépenses locales se poursuive.
En conséquence, la dette publique augmenterait encore de 3 points de PIB en 2025 pour atteindre un ratio de plus de 116 % du PIB, dépassant ainsi le point haut atteint lors de la crise sanitaire. Le niveau du ratio pourrait même être plus élevé que ce que prévoit le Gouvernement.
Dans un troisième message, le HCFP souligne le non-respect de la trajectoire de croissance de la dépense primaire nette, prévue à 0,9 % en 2025, alors que le Conseil de l'Union européenne l'avait plafonnée à 0,8 % du PIB.
Enfin, le Haut Conseil a examiné les trajectoires prévues par le PSMT et le rapport d'avancement pour les années 2026-2029, malgré des informations limitées. Compte tenu des incertitudes que j'ai mentionnées, l'exercice de projection pour les prochaines années appelle à la modestie, et cela est encore plus vrai pour un horizon fixé à moyen terme. Le scénario d'une augmentation potentielle du PIB de 1,2 point jusqu'en 2028 et de 1 point en 2029 apparaît raisonnable, à condition - et c'est crucial - que les réformes favorables à la croissance et au plein emploi soient suivies.
Nous n'avons d'ailleurs pas le choix. Ces réformes sont la condition de certaines flexibilités dont la France bénéficie pour son PSMT actuel, notamment la période étendue à sept ans pour lisser les efforts à fournir. À plus court terme, l'hypothèse de croissance retenue pour 2026 est abaissée de 0,2 point par rapport au PSMT pour être fixée à 1,2 %. Là encore, c'est possible, surtout si la situation internationale se stabilise. Mais cela suppose une nette accélération de la dépense privée qui n'est pas acquise, compte tenu des effets de contraction liés à l'ajustement budgétaire.
S'agissant du scénario de finances publiques, le déficit continuerait de baisser jusqu'à moins de 3 % du PIB en 2029. En revanche, le ratio d'endettement continuera de s'accroître en 2026 et 2027, avant de commencer à s'infléchir en 2028. Ce scénario prévoit les conditions minimales qui nous permettront de maintenir le contrôle des finances publiques tout en finançant les investissements prioritaires, sans affecter notre potentiel de croissance. Cela signifie que les marches à franchir dans les années à venir seront plus élevées que celle de cette année. Notre déficit passera, si tout va bien, de 5,8 % à 5,4 % du PIB. Pour rester sur la piste des 3 % du PIB, il faudrait atteindre un taux de 4,6 % l'an prochain.
Le HCFP réitère donc ses alertes pressantes. Les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif restent à préciser et à crédibiliser. Étant donné l'ampleur des économies nécessaires, les efforts doivent être continus et renouvelés chaque année. Ils porteront sur l'ensemble des administrations. Je le répète et je le martèle : nous n'avons pas le choix. Cette trajectoire est exigeante et fragile, mais elle est le résultat d'une accumulation et d'une superposition de difficultés. Les années 2023 et 2024 ont plus que doublé l'effort à faire pour atteindre l'objectif d'un déficit public à 3 % de PIB. Telle est la réalité. L'effort à fournir est passé de 50 milliards d'euros à 110 milliards d'euros, ce qui justifie que je parle d'« année noire ». Notre dette totale est de plus de 3 300 milliards d'euros, la dette de l'État est de plus de 2 600 milliards d'euros et la charge de la dette a presque triplé depuis 2021. Elle va continuer d'augmenter pour dépasser vraisemblablement 100 milliards d'euros, ce qui risque de poser un problème de souveraineté, car nous n'aurons alors plus d'argent pour investir dans la transition écologique, dans la défense ou l'innovation.
Nous sommes en démocratie et ce n'est pas à une institution indépendante comme la nôtre de fixer les objectifs, les voies et les moyens, mais c'est à vous de le faire. Toutefois, je voudrais rappeler quelques principes qui devraient guider notre action collective.
Tout d'abord, nous devons faire preuve de lucidité sur la situation. Le HCFP a pour mission non pas de porter des jugements, de perturber ou de critiquer, mais de garantir une certaine lucidité. Ensuite, la nécessaire volonté politique de traiter la situation doit être confirmée. La pédagogie est indispensable pour guider les efforts d'économies. Il faut allier le réalisme et la prudence en matière de prévisions économiques. Enfin, une révolution de la dépense publique s'impose, qui requiert des économies intelligentes et structurelles, sans coups de rabot, car ceux-ci sont rarement efficaces et jamais constructifs, comme nous l'avons encore constaté en 2024.
M. Claude Raynal, président. - Nous vous remercions de ce rapport très complet.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Le Premier président de la Cour des comptes est un président révolutionnaire !
Je salue vos équipes, notamment le nouveau rapporteur général et je lui souhaite d'être à la fois une force d'analyse et de proposition dans le travail qu'il aura à mener.
À vous entendre, monsieur le Premier président, la Cour des comptes est la chambre d'écho des travaux que la commission des finances du Sénat mène depuis quelques années - ou l'inverse d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, nous souscrivons en grande partie aux analyses et au diagnostic que vous venez de faire sous la forme d'une alerte solennelle au sujet d'un état d'extrême urgence. Vous avez employé à dessein des formules fortes en mentionnant « une gestion erratique » et « un pilotage à vue ». Il y a treize mois seulement, je m'étais permis de faire une visite à Bercy. En vous écoutant égrener les rapports, les difficultés et les alertes, j'ai presque eu l'impression que vous faisiez le bilan du quinquennat présidentiel. Tout cela donne le vertige.
Vous avez rappelé à juste titre que la loi de programmation des finances publiques était déjà presque obsolète un an après avoir été votée. Il faudrait tirer la sonnette d'alarme. En effet, nos concitoyens perçoivent que la situation est intenable, mais tout comme les élus et un certain nombre d'entre nous - personne n'y échappe -, ils ont développé une capacité de résistance qui leur fait refuser que l'on touche à leur budget. Au gré des renoncements, la dégradation de la situation se poursuit. L'un des moyens dont l'exécutif et le Parlement pourraient se saisir serait de prévoir une nouvelle LPFP. Cela aurait le mérite de tirer les conséquences de la situation passée et d'en établir un bilan clair. Pour que nos concitoyens acceptent de participer à l'effort pour redresser la situation alarmante et dramatique de nos comptes publics, il faut avoir un point d'appui solide.
Vous défendez l'idée que le HCFP, qui est une autorité indépendante, soit saisi en matière de prévisions. J'ai bien entendu votre démonstration, pour ne pas dire votre plaidoyer, mais nous avons entendu en audition, dans le cadre de nos travaux sur la dérive des comptes publics, l'ancien ministre de l'économie et des finances, qui nous a affirmé que, s'agissant des prévisions, jamais le politique n'intervenait. Selon lui, l'étanchéité est totale. Je ne sais donc plus qui croire, même si je vous accorde ma confiance et que nous avons émis quelques doutes en entendant ces propos du ministre - je le dis avec une certaine ironie.
Il y a quelques jours, le Premier ministre faisait sien le slogan selon lequel « la vérité permet d'agir ». J'espère que quand nous aurons établi la vérité, nous pourrons agir, car nous avons le devoir de le faire.
Sur le RBDE et les notes d'exécution budgétaire, il est vrai que, à peine la loi de finances votée, il y a eu des annulations de crédits. Nous avons dit à la ministre des comptes publics combien cette situation était désagréable, car cela revient à piétiner les décisions issues du travail parlementaire, en concertation d'ailleurs avec le Gouvernement. Or l'objectif est que ce travail soit fluide et constructif.
En comparant les annulations de crédits par le décret de février 2024 et les ouvertures de crédits dans la loi de finances de fin de gestion à l'automne 2025, vous avez parlé de « stop and go incompatible avec l'impératif d'une dépense de qualité ». Diriez-vous la même chose de l'exercice en 2025, même si les montants sont certes moins élevés ?
Sur la certification des comptes de l'État, nous sommes dans le même dilemme que vous. Vous exprimez une insatisfaction, et même un agacement, face aux nombreuses réserves que le Gouvernement n'a pas levées concernant la qualité des comptes. Quelles pourraient être les conséquences d'une non-certification ? Ne faudrait-il pas donner une plus grande portée juridique à la non-certification des comptes de l'État ou des administrations de sécurité sociale par la Cour des comptes ?
M. Claude Raynal, président. - Je vous propose, monsieur le Premier président, de répondre de manière synthétique aux questions du rapporteur général. Pourquoi vouloir qu'une autorité indépendante étudie les prévisions macroéconomiques alors que l'administration est censée travailler de manière indépendante ?
M. Pierre Moscovici. - J'ai occupé le poste de ministre des finances il y a une douzaine d'années et, pendant deux ans, j'ai eu la responsabilité de préparer le budget. Puis, pendant cinq ans, à la Commission européenne, j'ai été chargé de suivre les budgets nationaux. Je ne sais pas si le ministre a vraiment utilisé le mot d'« étanchéité totale ». Si c'est le cas, soit les choses ont énormément changé, soit je suis devenu amnésique. En effet, l'exercice de prévision n'est jamais totalement soustrait aux politiques, sans être non plus totalement politique. C'est une interaction entre l'administration et le politique. Il n'est pas exact de dire que la décision n'est pas in fine politique. Le politique peut être plus ou moins réaliste, ou prudent, mais la tentation de l'hubris existe toujours. C'est la raison pour laquelle je propose de changer cet état de fait.
Le HCFP est une institution budgétaire indépendante. J'étais ministre des finances à l'époque de sa création et nous avions pris la décision, qui s'est révélée sage, de le rattacher à la Cour des comptes. Il est composé du Premier président, de membres de la Cour des comptes et d'économistes indépendants, ce qui garantit une grande pluralité.
Il faut à la fois empêcher la tentation de l'hubris et rendre à l'administration sa sérénité, et pour cela, il est nécessaire de recourir à un tiers. C'est le sens du mécanisme « comply or explain » : je vous ai expliqué qu'il devrait fonctionner en interaction avec le Parlement, puisque c'est vous qui trancherez le débat entre le HCFP et le Gouvernement. Le Gouvernement devra expliquer ses choix non pas devant le HCFP, mais au fil du débat parlementaire. Cela permettra d'éviter le genre de situation absurde que nous avons connue en 2024, où une prévision de croissance a été modifiée de 0,4 point de PIB en février, alors que le PLF avait été voté au mois de décembre. Encore une fois, il aurait fallu un PLFR pour rétablir la situation.
Voilà pourquoi j'ai fait cette proposition qui, loin d'être pro domo, est surtout très pragmatique. D'autres solutions sont possibles, plus ambitieuses : ainsi, au Royaume-Uni, l'Office for Budget Responsibility est chargé d'établir les prévisions. C'est un peu plus lourd et ne correspond pas forcément à notre tradition : je ne le demande pas, même si cela peut être envisagé pour avoir des prévisions de recettes et de dépenses publiques plus solides. Mais il est indispensable de soustraire l'exercice des prévisions au seul dialogue entre le politique et l'administration. Car pour l'instant, c'est ainsi que cela fonctionne : c'est une vérité objectivement établie.
J'ai lu le plan d'action pour améliorer le suivi et la transparence des prévisions de finances publiques et l'ai trouvé bienvenu, car cela permettra à Bercy de mieux fonctionner. Mais l'ouverture sur l'extérieur reste faible et il faut aller plus loin. Il ne peut s'agir que d'une première étape.
Il est trop tôt pour parler de 2025. Nous avons rendu un avis sur ce qui pourrait se passer. Quelques leçons semblent avoir été tirées de 2024. Certains risques sont à la baisse et quelques prévisions ne sont pas hors d'atteinte. Nous n'avons pas l'impression que l'exercice soit aussi irréaliste ou volontariste que celui de 2024 qui a entraîné un résultat catastrophique. Le Gouvernement semble tenir compte des enseignements de ce dérapage massif de 2024 dans les décisions qu'il prend et dans les prévisions qu'il établit. Est-ce que cela se vérifiera in fine ? L'exercice le dira. Mais il n'y aura pas eu les mêmes erreurs de conception initiale, car en 2024, le ver était dans le fruit.
Sur la certification, ma réponse sera à double détente. Premièrement, si aucun effort n'est fait pour améliorer les réponses à nos demandes en matière de certification, je n'hésiterai pas à proposer à la Cour des comptes de refuser de certifier le budget des comptes de l'État en 2025. Je l'ai écrit au Gouvernement et j'espère que celui-ci a reçu le message. Deuxièmement, les conséquences seront réputationnelles. Cela changerait le regard que l'on porte sur la France si la Cour des comptes refusait de certifier les comptes de l'État, et ce serait très malvenu, car la France est observée, notamment à Bruxelles et sur les marchés, par ses créanciers qui analysent la qualité de notre gestion publique, ou encore par les agences de notation.
Faudrait-il aller plus loin ? Je vous laisse apprécier cela dans le cadre des discussions que vous pourrez avoir sur l'évolution de la Lolf.
M. Vincent Delahaye. - La présentation de quatre rapports aussi importants aurait mérité qu'on y consacre plusieurs réunions, car les sujets abordés sont fondamentaux, de sorte que nous devrions prendre le temps d'en débattre.
Je ne suis pas opposé au dialogue entre le politique et l'administration, mais l'urgence pour nous, c'est la transparence et la prudence. La transparence nécessite que les prévisions soient documentées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les documents dont nous disposons, en tant que parlementaires, sur les prévisions de recettes sont indigents. Quant à la prudence, elle est nécessaire, car mieux vaut avoir de bonnes surprises que de mauvaises.
Les prévisions de recettes dans la loi de finances de 2025 me semblent optimistes, même si vous considérez qu'elles sont raisonnables. Il me semble qu'elles sont basées sur la loi de finances initiale de 2024, sans reprise des réalisations de 2024. Par conséquent, ne risquons-nous pas d'avoir la même surprise en 2025 que celle que nous avons eue en 2024 ?
De plus, quelque 53,5 milliards d'euros de crédits sont inscrits pour les intérêts de la dette en 2025 alors que, en 2024, ils ont coûté 57 milliards d'euros et que l'on estime aujourd'hui qu'ils représentent entre 63 milliards et 67 milliards d'euros. Est-ce qu'il manque dans le budget de la France 10 milliards d'euros de crédits, ou un peu plus, pour couvrir les intérêts de la dette en 2025 ?
Enfin, on nous annonce que le gel des crédits portera sur un montant de 8 milliards d'euros, qu'il y aura 5 milliards d'euros d'annulations de crédits et qu'il faudra prévoir 40 milliards d'euros d'économies, mais nous ne savons pas comment ces montants sont calculés. La Cour des comptes le sait-elle ? Si je demande des détails à la ministre chargée des comptes publics ou au ministre des finances, ils répondront certainement que c'est pour atteindre l'objectif d'une réduction du déficit à 5,4 % du PIB. Certes, mais que l'on nous donne le détail de l'addition ! Quels sont les facteurs qui nous empêchent de parvenir à remplir cet objectif ? S'agit-il de mauvaises surprises concernant les recettes, ou bien les dépenses ? Pourquoi faut-il prévoir un gel de crédits portant sur 8 milliards d'euros et pas sur 20 milliards ou 15 milliards d'euros ? Et comment sont calculés les 40 milliards d'économies à réaliser que l'on nous annonce ?
M. Thierry Cozic. - Vous avez évoqué la possibilité d'externaliser les prévisions. Vous avez également eu des mots forts devant nos collègues députés, à l'Assemblée nationale, sur le dérapage du déficit public.
Vous préconisez que le HCFP, qui est une autorité indépendante, ait des pouvoirs élargis. Est-ce que cet élargissement doit se faire uniquement sur les prévisions ou bien le Haut Conseil devrait-il avoir un pouvoir contraignant sur le Gouvernement en cours d'exercice budgétaire ?
M. Grégory Blanc. - Vos constats sont clairs, précis et dramatiquement lucides. Ils correspondent à ceux que nous avons pu faire également au sein de cette commission.
Vous avez mentionné le fait que le Gouvernement, en refusant de prévoir une loi de finances rectificative, s'était mis dans l'impossibilité de tenir la trajectoire de 2024. Par conséquent, nous sommes confrontés à un contournement de l'esprit du fonctionnement de nos institutions.
L'an dernier, vous nous disiez que si, sans loi de finances rectificative, il y avait impossibilité de tenir la trajectoire, alors il faudrait que l'on soit capable de qualifier cela d'insincérité budgétaire. Autrement dit, s'il y a sans doute un travail à conduire sur la justesse de la prévision, il est également nécessaire de poser des actes de contrôle eu égard au respect de la loi budgétaire de façon à ce que nous puissions contraindre le Gouvernement à remettre sur le chantier le budget.
Par ailleurs, le Gouvernement a publié un PSMT qui n'est pas documenté, ou très peu. Cela correspond au principe de ce texte qui vise à garder le plus de souplesse possible. N'y figurent donc que quelques annonces d'axes de réforme. Or depuis l'adoption du PLF, nous constatons l'absence de réformes structurelles, le maintien d'un pilotage à vue et le manque de mesures de correction significatives autres que la technique du rabot.
Le PMST est examiné par la juridiction financière en France, mais c'est aussi un engagement vis-à-vis de l'Europe. Par conséquent, comment la Cour des comptes ou le HCFP pourraient-ils travailler davantage avec les institutions indépendantes à l'échelle européenne ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Vous avez évoqué à juste titre la question de l'exercice de prévision. Avant d'envisager l'intervention d'un tiers de confiance dans l'élaboration de l'exercice, ne faudrait-il pas s'interroger sur l'exercice même de la construction des prévisions ?
Il fut un temps où cette construction obéissait au principe du contradictoire, puisque deux exercices de prévision concomitants étaient menés. L'un - voire deux à l'époque où la direction de la prévision n'avait pas été absorbée par la direction du Trésor - était basé sur des données macroéconomiques et l'autre, indépendant du premier, reposait sur des approches microéconomiques à la main des directions concernées (direction du budget, direction générale des finances publiques et direction de la sécurité sociale). Ces deux exercices de prévision étaient construits sur des approches différentes et aucun n'était juste à 100 %. On organisait donc ensuite un débat contradictoire entre ces deux exercices.
Cette dimension contradictoire est, à mon avis, indispensable pour garantir la qualité des prévisions. Est-ce-que ces méthodes se sont bien maintenues, même depuis que la direction du Trésor a le monopole de l'exercice de prévision ?
Il serait opportun de se réinterroger sur la construction même des exercices de prévision en organisant l'indépendance, au sein même de l'État, de plusieurs logiques de prévision. Cela éviterait des erreurs importantes comme celles que nous avons connues, notamment en 2024.
M. Vincent Capo-Canellas. - Vous avez fait preuve d'un sens de la formule remarquable et d'une certaine alacrité dans votre analyse de l'exercice 2024, dont vous avez dit qu'il se caractérisait par une exécution « chaotique », par une « gestion erratique » des dépenses, un « pilotage à vue » et des prévisions de croissance surestimées.
Lorsque j'examine l'avis du Haut Conseil sur 2025, je reste dubitatif. En effet, le sens de la litote et de la prudence ainsi que les talents de rédaction diplomatique font perdre la teneur du propos. Ainsi, quand je lis que « la prévision de croissance pour 2025 n'est pas hors d'atteinte, malgré l'accumulation de risques à la baisse », et que « cette prévision est en ligne avec celles présentées par certains organismes, mais dépasse celles avancées par d'autres », je ne perçois plus le message d'alerte qui est le vôtre. Par conséquent, je m'interroge : est-ce que le HCFP valide la prévision ? La valide-t-il avec réserve ? En demande-t-il une autre ? En établit-il une autre ou bien établit-il une fourchette ? Pour que le propos soit efficace, pourriez-vous formuler une alerte claire ?
En outre - je vous pose cette question avec infiniment de respect - n'est-il pas difficile, dans la mesure où vous devrez aussi juger l'exécution 2025, de porter les deux casquettes de Premier président de la Cour des comptes et de président du HCFP ?
Pour en revenir à l'exercice 2025, la question que nous nous posons tous est de savoir si nous parviendrons à tenir l'objectif d'un déficit à 5,4 % du PIB et s'il faudra un projet de loi de finances rectificative. En effet, vous nous avez dit que, l'an dernier, la correction de la prévision de croissance à hauteur de 0,4 point de PIB le justifiait. Or nous sommes déjà à 0,2 point de PIB de correction de croissance, avant l'effet des taxes Trump. La Banque de France se prononcera sur le sujet en juin, ainsi que les différents instituts, mais je crains que l'on n'atteigne 0,4 point de PIB de correction de croissance. Faudra-t-il donc élaborer rapidement un projet de loi de finances rectificative ?
M. Christian Bilhac. - Monsieur le Premier président, nous nous doutions que les nouvelles de ce matin ne seraient pas réjouissantes et nous n'avons pas été déçus. Toutefois, je vous trouve presque optimiste. Car si vous avez expliqué que les marches à franchir seraient plus élevées dans les années à venir, vous avez évoqué la nécessité d'abandonner le rabot pour une révolution de la dépense publique. Est-ce une idée que vous jugez réalisable ou un voeu pieux ? À ce stade, je n'en vois pas l'ébauche.
L'élaboration du PLF 2025 a été particulièrement ardue. Nous avons adopté le volet recettes en novembre selon les prévisions de croissance de l'époque. Lorsque nous avons examiné les dépenses, après les divers épisodes politiques qu'a connus le pays, ces prévisions étaient tout à fait différentes, mais nous n'avons pas pu revenir sur les recettes.
Il est question de réduire nos dépenses de 40 milliards d'euros. Mais nous savons très bien que les économies risquent d'entraîner une raréfaction des recettes. Par exemple, si nous réduisons les dotations du ministère du logement, qui a un effet de levier très fort sur la vie économique du pays, nous nous priverons de cotisations et de recettes fiscales importantes. Il en va de même pour les collectivités locales. Celles-ci représentant 70 % de l'investissement public, une baisse de leurs dotations entraînerait une baisse de l'investissement, une baisse de l'activité et une baisse de la fiscalité des entreprises. Et cela, nous ne le mesurons jamais ! Aussi allons-nous, me semble-t-il, au-devant de graves désillusions.
Monsieur le Premier président, nous devrions goûter le bonheur qui est actuellement le nôtre, parce que nous allons certainement passer à plus de 4 000 milliards d'euros de dette avant la fin du PSMT 2025-2029. Pensez-vous que nous pouvons inverser la tendance avant d'atteindre les 5 000 milliards d'euros ?
M. Claude Raynal, président. - Monsieur le président, je me permets de vous poser à mon tour quelques questions.
La première a trait à la précaution dont il convient de faire preuve lorsque l'on fait des prévisions. Sur certains sujets, on ne sait pas sur quoi celles-ci se fondent. Je pense notamment au cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, ou à la demande de remboursement de TVA par les entreprises, qui peut être plus ou moins forte et a été très amplifiée en 2024.
J'ai tendance à dire que, par prudence, il vaut mieux ne rien prévoir lorsque l'on ne sait pas. Dans la mesure où notre déficit est très élevé, pourquoi ne pas nous fonder sur des valeurs nulles, notamment pour le cinquième acompte ? De la sorte, si celui-ci nous apportait des recettes supplémentaires, ce serait une bonne nouvelle et nous pourrions les mobiliser pour alléger notre dette. On me répond qu'en faisant cela, nous manquerions de sincérité, car nous ne ferions plus de prévisions. Mais est-il plus sincère d'effectuer des prévisions sur des choses que nous ne connaissons pas ? J'estime que nous devrions être beaucoup plus précautionneux sur les prévisions.
Concernant les remboursements des entreprises, comme nous connaissons le montant maximal que celles-ci pourraient être amenées à demander, nous pourrions nous fonder sur une valeur maximale. J'ai conscience que cela limiterait un peu la marge de manoeuvre pour élaborer le budget, mais cela ferait du bien par la suite. Lorsque je dis cela, je ne suis bien reçu ni par l'administration ni par les ministres, qui estiment que cela reviendrait à mentir que de se fonder sur une prévision fausse. Quel est votre avis sur cette question ?
Par ailleurs, ne serait-il pas plus sincère de nous fournir un montant prévisionnel de consommation des crédits reportés dès la loi de finances initiale ? Cette suggestion ne suscite pas non plus un grand enthousiasme au sein d'une certaine administration que vous avez bien connue.
Enfin, la ministre chargée des comptes publics a publié samedi dernier un décret d'annulation de crédits. Elle explique que les montants annulés étant mis en réserve en début d'exercice et donc non disponibles, cette annulation ne remet pas en cause l'exercice des politiques publiques tel que présenté lors de l'examen du budget. Dès lors, le montant de la réserve de précaution ne devrait-il pas être indiqué pour chaque programme dans les documents budgétaires du PLF ? S'il n'y a pas de conséquences sur l'exécution des crédits, pourquoi s'en priver ? Cela nous offrirait une vision plus claire des politiques publiques qui doivent être menées. D'un côté, on annule des crédits, c'est-à-dire qu'on supprime des politiques publiques, et d'un autre côté on nous dit que ce n'est pas le cas car on a indiqué que les politiques publiques en question étaient rabotées dès le départ.
M. Pierre Moscovici. - Monsieur Delahaye, je suis moi aussi respectueux du dialogue entre l'administration et les responsables politiques. Quand je parle de tiers de confiance, il s'agit de faire en sorte d'éclairer et d'objectiver ce dialogue.
En ce qui concerne le dérapage des recettes, il n'y a pas de garantie que les recettes pour 2025 soient tout à fait alignées sur les prévisions, mais nous ne sommes pas pour autant dans la situation de 2024. Vous voyez, monsieur le sénateur, Nicolas Carnot vient de l'Insee, il n'a pas été recruté au sein du Quai d'Orsay, car il n'y a pas de diplomates au HCFP. Aussi, lorsque nous n'avons pas envie d'être diplomates, nous ne le sommes pas !
Lorsque je suis venu vous présenter notre avis sur le programme de stabilité 2024-2027 il y a un an, nous l'avons qualifié d'incohérent et de non crédible. Quand nous devons être sévères, nous le sommes ! Le message pour 2025 est centré sur la situation actuelle. Oui, le Gouvernement actuel a tenu compte de la situation de 2024. Cela écarte-t-il totalement les mauvaises surprises ? Non. Notre expression modérée correspond très exactement à ce que nous pensons et à ce que nous observons.
Il en va de même pour les recettes. Certains facteurs doivent être pondérés. Le point de départ est moins dégradé qu'en 2024. Les hypothèses économiques sont certes un peu élevées, mais, je le redis, elles ne sont pas hors d'atteinte. Si nous ne savons pas ce qu'il va se passer dans le monde, à l'heure où je vous parle, une croissance de 0,7 % en 2025 n'est pas hors d'atteinte, alors que les 1,4 % anticipés pour l'année dernière n'ont jamais été crédibles. C'est une très grosse différence !
Enfin, les hypothèses concernant le rendement de certains prélèvements sont à peu près « centrées », pour employer un vocabulaire propre aux finances publiques. C'est pourquoi nous jugeons cohérentes les prévisions de prélèvements obligatoires, bien qu'un peu élevées. Nous estimons qu'il n'y a pas de risque de dérapage massif, alors que nous l'avions anticipé pour 2023 et 2024.
Bien heureusement, les différentes alertes, qu'elles soient formulées par vous, mesdames, messieurs les sénateurs, par nous, ou par des tiers, ont été entendues par le Gouvernement, ce dont je me réjouis.
Pour ce qui est des intérêts de la dette, il s'agit d'une conséquence technique de la prise en compte non plus de la dette du seul État, mais de celle de toutes les administrations publiques (APU) confondues. Ainsi, si les intérêts de la dette de l'État représentent plus de 50 milliards d'euros, ils s'élèvent toutes APU confondues à 67 milliards d'euros en 2025, et ce chiffre pourrait atteindre les 100 milliards d'euros dans quelques années.
En ce qui concerne la double casquette Cour des comptes et HCFP, elle ne me semble pas problématique, car il s'agit de deux institutions différentes. Le HCFP est présidé ès qualités par le président de la Cour des comptes, celui-ci incarnant une institution respectée dans le débat public, mais il est également composé d'économistes et s'appuie sur un secrétariat qui fournit un travail technique. Cela donne, croyez-moi, des débats très vivants, et je joue avant tout un rôle de porte-parole, bien que mon rôle ne se limite pas à cela.
Vous m'avez posé une excellente question sur le tendanciel. Les 40 milliards d'euros d'économies dont il est question sont chiffrés par rapport à du tendanciel, ce qui implique que l'exercice est ambigu et non documenté. Lorsque j'ai présenté mon avis sur le PLF 2025 version Barnier, le Gouvernement disait vouloir réaliser un effort de 60 milliards d'euros, dont les deux tiers reposeraient sur des économies et l'autre tiers sur les prélèvements. Nous indiquions pour le ratio inverse : un tiers d'économies et deux tiers de prélèvements. Si la base n'est pas claire, cela ne peut pas fonctionner. Je me demande toujours pourquoi nous ne prenons pas des indicateurs un peu plus simples, par exemple une croissance en volume des dépenses, qui est un chiffre assez stable. Cela donnerait une référence plus éclairante que celles qui sont actuellement mises en avant.
Cela rejoint l'une de vos questions, monsieur le président de la commission. En effet, il serait souhaitable de simplifier les documents pour faire figurer pour chaque mission le tendanciel, les mesures nouvelles et les économies prévues. Sinon, les chiffres que nous donnons sont à la fois extrêmement anxiogènes - 40 milliards d'euros ! - et pas forcément exacts.
Monsieur Cozic, je préconise en effet que le HCFP joue un rôle dans l'élaboration des prévisions. Je vais même plus loin, et je réponds par là même à la question de Mme Carrère-Gée : la version basse de ce que nous proposons, c'est le principe du « comply or explain », appliquer ou expliquer ; la version haute, c'est de confier les prévisions à un HCFP redimensionné. Pour cela, il faudrait sortir de la direction générale du Trésor ce qui fut la direction de la prévision et confier sa mission à un organisme externe, à l'image de l'Office for Budget Responsibility britannique.
Je comprends que cette seconde option heurte notre tradition administrative. En revanche, le comply or explain est un minimum ! Dès lors, il convient, monsieur Blanc, d'améliorer nos conditions de fonctionnement. L'accès à l'information doit être développé ; nous devons pouvoir nous autosaisir ; il faut nous laisser des délais plus raisonnables ; et je plaide pour que nous ayons une compétence d'analyse de la soutenabilité de la dette et un accès plus réaliste aux prévisions en matière de recettes et de dépenses publiques.
En réalité, en demandant que le Haut Conseil soit correctement dimensionné, je préconise tout simplement qu'il ait un mandat comparable aux organismes similaires d'autres pays de l'Union européenne.
Pour ce qui est de nos engagements européens, nous relevons que l'évolution de la dépense primaire nette en 2025 serait légèrement supérieure à celle qui est requise : le plafond est à 0,8 %, nous sommes à 0,9 %. Le Gouvernement devrait respecter strictement la limite d'évolution annuelle en 2025 en s'octroyant un léger dépassement prévisionnel. Alors que cette évolution a déjà été assouplie, il réduit sa marge de précaution à l'égard de nouvelles règles.
De manière générale, l'ensemble des prévisions du Gouvernement pour 2025 sont, comme le diraient des psychanalystes, borderline : elles ne sont pas hors d'atteinte, mais le risque d'un léger dérapage existe. Nous sommes loin de la chronique d'une catastrophe annoncée, par vous comme par nous, l'année précédente, mais le Gouvernement ne s'est pas doté d'une marge de précaution.
Nous avons des échanges techniques avec la Commission européenne, qui devrait tenir compte de nos avis dans ses recommandations. Les institutions budgétaires indépendantes sont d'ailleurs une création européenne, à l'image du European Fiscal Board (EFB).
Le déficit public risque-t-il de déraper comme cela a été le cas en 2023-2024 ? Selon nous, l'objectif n'est pas impossible à atteindre, mais il n'est pas acquis. Nous penchons toutefois plutôt pour l'hypothèse d'un léger dérapage que pour celle d'une amélioration substantielle.
Faut-il un projet de loi de finances rectificative en 2025 ? Le PLF 2024 n'intégrait pas les mauvais résultats de 2023. La situation actuelle est différente. D'une certaine façon, le projet de loi de finances ayant été voté plus tard, il intègre de fait les résultats de 2024. Il y a donc objectivement moins de risques de dérapage. Aussi, sans parler du fond, que je n'ai pas à commenter, un pilotage des crédits paraît à ce stade plus adapté qu'un PLFR. Si une guerre commerciale devait nous percuter, peut-être que la donne changerait, mais nous n'en sommes pas là.
Monsieur le président, il faut bien sûr être prudent. Vos propositions me semblent pertinentes mais je ne peux y répondre à brûle pourpoint. Elles rejoignent, me semble-t-il, celles que nous avons formulées dans notre rapport sur le budget de l'État. Il convient avant tout de nous montrer réalistes, c'est-à-dire d'écarter tout optimisme, même léger. Comme le disent les techniciens, il faut être centré. Nous le sommes davantage en 2025 que nous ne l'étions en 2024, mais nous pouvons aller encore plus loin.
En ce qui concerne le cinquième acompte d'impôt sur les sociétés, la Cour des comptes a demandé dès 2024 que l'administration contacte les grandes entreprises, ce qui a été repris dans le plan d'action du Gouvernement.
Sur les crédits de TVA, de nombreux mouvements sont liés à des besoins de trésorerie. À cet égard, le plan d'action gouvernemental est plutôt bienvenu, car nous avions perdu le contact avec nos recettes. Nous ne voyions plus comment évoluaient nos impôts.
Monsieur Bilhac, je ne sais pas si nous pouvons éviter d'atteindre les 4 000 milliards d'euros de dette, mais j'ai envie de dire que nous n'atteindrons pas les 5 000 milliards d'euros. En effet, l'alternative qui se présente aux responsables politiques est extrêmement claire : faire des efforts maintenant ou subir l'austérité plus tard. Pour ma part, j'ai toujours été hostile à l'austérité, car il s'agit de mesures extraordinairement brutales, aux effets destructeurs sur la qualité de l'action publique, qui peuvent nous être imposées par l'extérieur.
Vous vous demandez si une révolution de la dépense publique est possible. Objectivement, je ne la vois pas se dessiner moi non plus. J'ai le sentiment, après avoir pris du recul par rapport à l'action publique et politique, dont j'ai été un acteur pendant trente ans, que nous manquons de bon sens, voire que nous marchons sur la tête. En effet, nous ne sommes pas en train de traiter les vraies questions.
Pourtant, nous disposons de nombreuses marges de manoeuvre sur les dépenses publiques. Les revues de dépenses qui ont été faites tant par les inspections que par la Cour des comptes le montrent bien. Nous avons récemment montré comment nous pouvions économiser 20 milliards d'euros en cinq ans sur l'assurance maladie, de manière relativement indolore. Les assurés ne seraient touchés qu'à hauteur de 300 millions d'euros, pour les cures thermales. Si elles sont précieuses, nous sommes presque les seuls en Europe à les rembourser...
Nous sommes face à un choix : engager cette révolution des dépenses en faisant dès maintenant des efforts volontaires, intelligents et raisonnés, ou subir l'austérité plus tard. La situation de la France n'est pas catastrophique. Nous sommes bien loin d'une mise sous tutelle. Néanmoins, il ne faut pas aller trop loin. Certains scénarios pessimistes montrent que nous pourrions aisément atteindre 120 % ou 130 % de dette publique. Si nous allons trop loin dans cette direction, la confiance en la France finira par s'effriter et l'austérité nous sera imposée de l'extérieur.
Voilà pourquoi je pense que nous ferons en sorte de ne pas atteindre les 5 000 milliards d'euros de dettes. L'austérité nous ferait beaucoup de mal, et c'est quelqu'un qui a été commissaire européen chargé du suivi du programme grec pendant cinq ans qui vous le dit.
M. Claude Raynal, président. - Monsieur le Premier président, je vous remercie de vos réponses, et je remercie également ceux qui vous accompagnent, madame la présidente de la première chambre, mesdames, messieurs les conseillers maîtres et membres de la Cour des comptes.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029 - Communication
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette communication va faire écho à la présentation que vient de nous faire le Premier président de la Cour des comptes. En effet, je vais vous livrer mon analyse du rapport d'avancement annuel (RAA) pour 2025, qui porte sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) 2025-2029.
Ce rapport a été présenté il y a deux semaines en conseil des ministres et doit être transmis aujourd'hui à la Commission européenne, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du nouveau cadre de gouvernance économique de l'Union européenne le 29 avril 2024.
Je vous rappelle que les règles du pacte de stabilité et de croissance ont été fortement modifiées l'année dernière. Un nouvel indicateur de suivi de l'effort de redressement des comptes publics a ainsi été instauré : la dépense primaire nette (DPN). Désormais, la Commission propose aux États membres dont la dette publique dépasse 60 % du PIB ou dont le déficit public est supérieur à 3 % du PIB une trajectoire de référence. Puis, les États membres déterminent, dans le cadre de leur PSMT portant sur une période de quatre ou cinq ans, leur trajectoire de dépense nette, qui doit être validée par le Conseil. Cette trajectoire est sous-jacente à une période d'ajustement de quatre à sept ans, à l'issue de laquelle le déficit public doit être inférieur à 3 % et la trajectoire de la dette publique doit être descendante.
Pour obtenir un allongement de la période d'ajustement de quatre à sept ans, les États membres doivent détailler la liste des réformes et des investissements conformes aux priorités communes de l'Union européenne qu'ils comptent déployer. C'est ce qu'a fait la France. Les États membres doivent ensuite communiquer chaque année à la Commission, avant le 30 avril, un rapport d'avancement annuel qui remplace le programme de stabilité et le programme national de réforme. Cette démarche a vocation à assurer le suivi de l'application du PSMT. Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc le rapport d'avancement annuel 2025, qui vise à faire le point sur l'application du PSMT 2025-2029.
En cas de déviation ponctuelle ou cumulée trop importante par rapport à la trajectoire de dépense nette, les États membres dont le déficit public est supérieur à 0,5 % du PIB et la dette publique supérieure à 60 % du PIB se voient appliquer la procédure pour déficit excessif. Pour les États qui sont déjà en procédure de déficit excessif, comme la France, la trajectoire de dépense nette fait figure de trajectoire de correction : une déviation par rapport à cette trajectoire doit entraîner des actions suivies d'effets et, à défaut, des sanctions financières.
Le PSMT 2025-2029 de la France, adopté en conseil des ministres le 23 octobre 2024 et dont le Sénat a débattu en séance publique le 30 octobre 2024, a été validé par le Conseil de l'Union européenne le 21 janvier 2025. Sa trajectoire de dépense avait au préalable été rectifiée au cours du mois de janvier 2025 pour prendre en compte l'évolution de la cible du déficit 2025 entre les gouvernements Barnier et Bayrou. Je précise que le Sénat n'avait alors pas eu connaissance du détail de cette révision.
Alors que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) n'a pas encore été actualisée pour tenir compte du remplacement du programme de stabilité par le PSMT et le rapport annuel d'avancement, le Gouvernement a tout de même transmis au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ce dernier document, en amont de sa transmission au Parlement. Je salue ce geste, sans en exagérer la portée : la transmission du programme de stabilité était une pratique bien établie et la forte dégradation des finances publiques de notre pays, qui exige une transparence accrue, aurait rendu impensable la rétention de ce document par le Gouvernement.
J'en viens à mon analyse du rapport à proprement parler, en débutant par un point sur la situation économique.
Entre la fin 2019 et la fin 2024, le PIB de la France a progressé de près de 1,5 point de moins que celui de la zone euro. Si l'on peut tenter de se rassurer en constatant qu'il a augmenté de près de quatre points de plus que celui de l'Allemagne, j'estime à titre personnel que les performances économiques de la France depuis six ans ont été relativement médiocres.
S'agissant des prévisions de croissance, le Gouvernement revient assez fortement sur le scénario du PSMT 2025-2029 présenté il y a six mois.
Pour 2025, le Gouvernement a fait évoluer son scénario macroéconomique et a revu à la baisse sa prévision de croissance initiale : de 1,1 %, elle était tombée à 0,9 % au moment de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances (PLF). Par la suite, une semaine avant la présentation du rapport annuel d'avancement, le ministre de l'économie et des finances a annoncé une nouvelle révision de la prévision de croissance pour 2025, en l'établissant à 0,7 %, s'alignant ainsi sur les autres prévisions officielles.
Ces révisions successives à la baisse témoignent d'une intensification des incertitudes, que le Gouvernement impute essentiellement à l'environnement international. Aussi, malgré un recul de 0,4 point de la prévision de croissance par rapport à octobre 2024, il n'est pas exclu que celle-ci soit de nouveau revue à la baisse en raison des nombreux aléas qui pourraient nuire à notre économie.
Cette orientation à la baisse se manifeste dans les prévisions les plus récentes, légèrement plus pessimistes que celle du Gouvernement. Ainsi, dans leurs projections du mois d'avril, le Fonds monétaire international (FMI) et le consensus des économistes prévoient une croissance de 0,6 %, tandis que l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) l'estime à 0,5 %.
Les facteurs de croissance identifiés par le Gouvernement pourraient être légèrement moins porteurs qu'il ne le prévoit et les facteurs de recul un peu plus marqués. J'emploie le conditionnel, car il convient de rester prudent.
La croissance serait principalement portée par la consommation des ménages, qui augmenterait de 1,2 % selon le Gouvernement. Hors administrations, alors qu'une progression - certes très limitée - était envisagée en janvier dernier par le Gouvernement, l'investissement poursuivrait sa baisse malgré l'assouplissement de la politique monétaire que la Banque centrale européenne (BCE) a engagé au printemps 2024, dont les effets mettent du temps à se produire. L'investissement des ménages reculerait ainsi de 0,3 point et celui des entreprises de 0,8 point.
Au total, la demande intérieure privée hors stocks contribuerait à hauteur de 0,5 point à la croissance du PIB en 2025, en retrait de 0,1 point par rapport à la prévision gouvernementale de janvier. Si l'on suit les prévisions du consensus ou de l'OFCE, elle pourrait contribuer légèrement moins à la croissance, ce qui est cohérent avec la prévision du FMI.
Cet écart peut s'expliquer par le fait que le Gouvernement ne tient compte que de manière limitée des effets de l'incertitude qui continue de régner à l'échelle nationale. Selon l'OFCE, l'incertitude nationale grèverait la croissance de 0,3 point en 2025, contre 0,1 point en 2024. Celle-ci se conjugue à une incertitude internationale grandissante et à une situation politique toujours instable, qui implique un manque de visibilité sur les mesures de politique économique et fiscale à venir. Ces facteurs sont de nature à renforcer le comportement attentiste des entreprises.
S'ajoute à ce contexte une dégradation du marché de l'emploi due au ralentissement de l'activité et au redressement de la productivité, qui se manifeste par une hausse progressive du taux de chômage. Selon la Banque de France et l'OFCE, celui-ci approcherait les 8 % en 2025, contre 7,4 % en 2024 et 7,3 % en 2023. Cette situation n'encouragerait que modérément la reprise de la consommation des ménages.
En revanche, la consommation publique soutiendrait davantage la croissance qu'initialement prévu du fait d'une consolidation budgétaire moins marquée entre la mouture du budget 2025 du gouvernement Barnier et la cible actuelle du gouvernement Bayrou.
Enfin, le Gouvernement anticipe une contribution nulle du commerce extérieur à la croissance, alors qu'il prévoyait à l'origine une contribution de 0,1 point. Pour l'OFCE, elle pourrait même être légèrement négative, à - 0,1 point.
Ce recul s'explique par l'assombrissement du tableau de l'économie mondiale causé par la politique commerciale américaine, dont les effets seront globalement négatifs sur l'économie française. Le Gouvernement s'est risqué à une réflexion prospective sur l'impact de l'augmentation des droits de douane engagée en février 2025 par le président américain, malgré le caractère imprévisible de ce dernier, qui est revenu à deux reprises sur cette augmentation. Il estime qu'elle grèverait la croissance de 0,3 point en 2025. Ce chiffre est un peu moins élevé que pour d'autres pays européens du fait de la moindre dépendance de l'économie française au marché américain. Au demeurant, cette estimation se fonde sur les mesures annoncées jusqu'au 2 avril inclus, ne tenant donc pas compte de l'assouplissement annoncé par Donald Trump le 9 avril dernier. Par conséquent, elle est probablement légèrement surévaluée.
La hausse des droits de douane de l'ordre de 10 % subie par la France devrait conduire à une baisse des exportations et affaiblir la contribution du commerce extérieur à la croissance. La baisse du dollar et la hausse concomitante de l'euro enregistrée depuis mars dégraderaient notre compétitivité prix, tandis que la réorientation des exportations chinoises vers l'Europe - celles-ci sont soumises à des droits de douane américains de 145 % hors produits high-tech et semi-conducteurs depuis début avril - peut faire craindre une aggravation du déficit commercial.
Les mesures et contre-mesures commerciales auraient un effet positif sur les prix, mais en raison de l'appréciation de l'euro et de la baisse des prix du pétrole résultant du ralentissement des échanges et de l'économie mondiale, un recul de l'inflation en deçà de la prévision gouvernementale de 1,4 % paraît assez probable : la prévision d'inflation pour 2025 est décrite par le HCFP comme « un peu élevée ».
Les risques de délocalisation sur le territoire américain, bien qu'ayant rencontré un certain écho médiatique, restent à documenter, tandis que la baisse des valorisations boursières mondiales pourrait venir amputer la consommation des ménages détenant des actifs.
Les prévisions de croissance contenues dans le rapport annuel d'avancement pour les années à venir sont légèrement révisées à la baisse, ce qui constitue un scénario un peu plus réaliste qu'un maintien pur et simple des prévisions du PSMT, même si elles pourraient être amenées à être encore une fois reconsidérées à la baisse à cause de la multiplication des incertitudes. Cette moindre croissance nous compliquerait la tâche pour atteindre notre cible de déficit pour 2025.
Après un dérapage majeur en 2023, lorsqu'il a atteint 5,4 % du PIB, notre déficit public a continué de se dégrader et s'élevait en 2024 à 5,8 %, au lieu des 4,4 % prévus dans la loi de finances pour 2024 et dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027. La cible de 3,7 % de déficit public en 2025 fixée par la LPFP il y a seulement dix-huit mois est définitivement hors d'atteinte. Pour l'année en cours, le Gouvernement prévoit en effet un déficit public de 5,4 % du PIB, soit un écart de l'ordre de 50 milliards d'euros par rapport à la cible de la LPFP.
Si l'ambition d'un retour du déficit à son niveau de 2023 est fragilisée par l'assombrissement des perspectives économiques et par le caractère sans doute un peu optimiste des prévisions de recettes, le décret du 25 avril dernier est une raison supplémentaire de penser qu'elle reste atteignable. En effet, celui-ci annule 2,7 milliards d'euros de crédits en crédits de paiement et prévoit, selon le rapport qui lui est associé, qu'« une mise en réserve complémentaire, d'un montant comparable à la présente annulation, sera mise en oeuvre pour reconstituer des marges de manoeuvre visant à sécuriser le bon déroulement de la gestion budgétaire tout au long de l'année 2025 ».
J'en viens maintenant à la trajectoire de finances publiques pour la période 2026-2029. Celle qui est contenue dans le rapport annuel d'avancement n'est pas contraignante, le droit européen se limitant à prévoir que ce document doit rendre compte des progrès accomplis. Mais tant qu'à faire, autant donner tous les éléments dont nous disposons, tant en matière de trajectoire que d'objectifs.
La trajectoire est utilement précisée par le RAA 2025, qui prévoit un effort de l'ordre de 110 milliards d'euros, dont 40 milliards d'euros pour la seule année 2026 pour atteindre notre objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB à l'horizon 2029. La réduction prévue par le RAA serait portée par, d'une part, « un ajustement structurel cumulé de 2,1 points de PIB potentiel, malgré un renchérissement du coût de la charge d'intérêt de la dette de 1 point, soit un ajustement structurel primaire de 3,1 points » ; et, d'autre part, « une amélioration de 0,4 point de PIB du solde conjoncturel, la croissance effective étant supposée être plus dynamique que la croissance potentielle jusqu'en 2029 ».
En raison de cet ajustement et de la croissance faible dans les années à venir, l'endettement public augmenterait encore plus que prévu dans le PSMT jusqu'en 2027, pour s'approcher des 120 % du PIB, avant de suivre une trajectoire descendante à partir de 2028.
Cette trajectoire, même si elle part d'un point de départ alarmant, est cohérente avec celle qui est prévue par le PSMT et paraît soutenable. Les décisions nécessaires pour respecter la trajectoire de dépense nette, la seule vraiment contraignante et actuellement tenue, devront de toute façon être prises en temps et en heure.
Je déplore au passage des explications un peu rapides, ou tout du moins pas assez précises sur la prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB. Après les erreurs d'estimation de 2023 et 2024, ce n'est pas pleinement satisfaisant.
Seule véritablement engageante au niveau européen, la trajectoire de dépense primaire nette (DPN), qui est également notre trajectoire de correction dans le cadre de la procédure pour déficit excessif, est pour l'instant tenue.
Le rapport annuel d'avancement signale que, en 2025, l'évolution de la dépense primaire nette, prévue à + 0,9 %, serait de 0,1 point supérieure à ce que recommande le Conseil, ce qui constitue un écart inférieur au maximum de 0,3 point prévu par les nouvelles règles. Cette bonne orientation ne doit toutefois pas faire perdre de vue que la vigilance et le volontarisme doivent demeurer les maîtres mots de l'action du Parlement en matière de finances publiques dans les années à venir.
En conclusion, je voudrais me réjouir de l'amélioration de la qualité de la documentation dont nous disposons désormais, même si elle reste perfectible. En remettant ce rapport annuel d'avancement, le Gouvernement s'est montré davantage respectueux du Parlement et bien plus rigoureux qu'il ne l'avait été par le passé, notamment dans le cadre du programme de stabilité 2024-2027. Je rappelle que nous avions intitulé notre rapport, d'une manière quelque peu prémonitoire, Programme de stabilité 2024-2027 : chronique d'une dérive budgétaire annoncée. Dans l'océan d'incertitudes dans lequel nous sommes plongés, cette transparence accrue mérite d'être soulignée.
M. Grégory Blanc. - Je m'interroge sur la trajectoire du déficit public. Aux dires du rapporteur général, l'objectif d'une baisse de 0,4 point du déficit en 2025 semble atteignable. Celui-ci passerait ainsi de 5,8 % du PIB en 2024 à 5,4 % en 2025. En revanche, nous savons que l'effort sera considérable pour le ramener de 5,4 % en 2025 à 4,6 % en 2026. Il est question d'un redressement de 40 milliards d'euros en tendanciel, mais nous savons que le chiffre est beaucoup plus faible en structurel.
Sauf erreur de ma part, les ponctions sur les agences de l'État représentent environ 10 % de l'effort en 2025. L'année prochaine, cela ne sera pas le cas. Existe-t-il une estimation des économies qui pourraient encore être réalisées ? Il n'est pas neutre de faire reposer 10 % à 15 % de l'effort sur une ponction des trésoreries. Nous ne pourrons certainement pas reproduire un tel effort l'année prochaine.
Mme Florence Blatrix Contat. - Je partage la satisfaction du rapporteur général sur le fait de disposer de prévisions plus fiables, notamment sur la croissance. Toutefois, je tiens à exprimer mes inquiétudes sur les incertitudes liées au contexte international. Nous espérons davantage de consommation grâce à un reflux de l'inflation, mais les inquiétudes risquent de pousser les ménages à épargner plutôt qu'à dépenser.
Dans le même temps, nous constatons que les entreprises investissent peu. La réindustrialisation promise ne se concrétise pas. Nous observons même plutôt une poursuite de la désindustrialisation, ce qui est inquiétant.
Par ailleurs, le PSMT est relativement peu documenté sur les années à venir. Nous voyons mal comment financer nos besoins d'investissement très importants, tout en respectant la trajectoire proposée. Nous en débattrons cet après-midi en séance publique.
Mme Christine Lavarde. - Mes propos s'inscriront dans la continuité de ceux de Florence Blatrix Contat, avec qui je travaille sur le cadre de gouvernance économique européen, qui a été modifié, et a conduit à la production de ce nouveau document.
Certes, grâce à ce rapport annuel d'avancement, la Commission va nous donner son feu vert sur le PSMT alors que ce n'était pas garanti en janvier. Mais quid de la suite ?
Nous sommes passés du programme de stabilité et du programme national de réforme (PNR) au rapport annuel d'avancement. La partie prospective est désormais optionnelle. Le Gouvernement l'a incluse, mais il aurait pu ne pas le faire. Je me suis amusée à regarder les PNR précédents et rien n'a changé, à part le titre. On nous dit toujours la même chose.
Il est cocasse de lire que les réformes des gouvernements précédents seront poursuivies quand on voit à quel point elles ont bien fonctionné, nous conduisant au niveau de dette et au déficit actuel, qui sont structurels.
Nous devons nous poser la question de l'avenir. Oui, ce document est un quitus pour aujourd'hui, car la trajectoire d'évolution du déficit public qu'il fait figurer est conforme aux attentes des instances européennes. En revanche, qu'avons-nous à proposer à nos concitoyens ? Je ne suis pas sûre que l'évolution de la dépense primaire soit très évocatrice à leurs yeux...
M. Vincent Delahaye. - Je me réjouis des améliorations constatées par le rapporteur général en matière de transparence. Toutefois, j'aimerais que nous profitions tous de ces avancées, car je me pose encore de nombreuses questions.
La prévision de croissance est en baisse. Elle était de 1,1 % au moment où nous avons adopté la partie recettes du PLF ; elle est désormais à 0,7 %, voire moins. Or, nous avons l'impression que cela ne change rien aux recettes. Le Premier président de la Cour des comptes estime atteignable la trajectoire malgré presque un demi-point de croissance de moins que prévu, sauf mauvaise surprise. En réalité, il se couvre en évoquant de potentielles mauvaises surprises, car il pourra toujours dire qu'il nous avait prévenus si tel était le cas - ce qui me semble le plus probable.
J'ai râlé ces dernières années sur le fait qu'on ne distingue pas les dépenses exceptionnelles et les dépenses courantes, ce qui constituait un manque de transparence. A priori, nous n'avons plus de dépenses exceptionnelles, puisque nous sommes sortis de la crise. Cela facilite donc la comparaison. Néanmoins, je m'étonne que l'on nous ait présenté à l'automne 2024 un document prévoyant 0 % de croissance de la dépense nette primaire et que l'on prévoie aujourd'hui 0,9 %. Que s'est-il passé depuis l'automne ? Ces 0,9 % incluent-ils les 5 milliards d'euros de dépenses qui ont été annoncés en faveur de la défense ? Je n'ai pas trouvé la réponse en lisant le rapport.
Nous avons eu une bonne surprise relative en 2024, le déficit s'élevant à 5,8 %, alors que nous redoutions qu'il atteigne 6 %, voire 6,1 %. Dès lors, pourquoi ne modifions-nous pas notre trajectoire pour faire un effort supplémentaire dès 2025 et réduire les marches à franchir les années suivantes ? Cela me semblerait logique et de bonne gestion.
Je suis étonné que la trajectoire change si peu et que les économies nécessaires soient aussi peu documentées, que ce soient les 40 milliards d'économies annoncées ou les 8 milliards d'euros de crédits gelés. J'y reviendrai en séance, mais je veux bien travailler avec le Gouvernement, à condition de le faire en toute transparence. Lorsqu'il nous annonce des chiffres, j'attends de sa part qu'il nous les explique. Aujourd'hui, je suis dans une forme de flou artistique.
M. Claude Raynal, président. - Je suis d'accord avec la dernière remarque de Vincent Delahaye. Pourquoi, malgré le déficit meilleur que prévu en 2024, rien ne se passe-t-il en matière de prospective ? Pourquoi ne pas faire évoluer l'objectif de cette année pour rendre plus facilement atteignable celui des années suivantes ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je donnerai simplement mon point de vue, car mon rôle n'est pas de répondre à la place de l'exécutif. Il y a quelques mois, Laurent Saint-Martin disait espérer que le déficit se limite à 6 % du PIB. Or il a finalement été contenu à 5,8 % - cela, je le répète, n'est tout de même pas glorieux. Cette différence de 0,2 point représente tout de même 6 milliards d'euros ; ce n'est pas l'épaisseur du trait !
Selon moi, en réalisant les efforts nécessaires et en ayant de bonnes surprises, il est possible d'obtenir un résultat meilleur que la prévision. J'entends une bonne partie des sénateurs appeler à trouver 40 milliards d'euros d'économies, mais le dire est une chose, l'obtenir en est une autre. Cela exige du volontarisme.
L'exercice budgétaire est devenu un tunnel dont on ne sort plus. On ne fait que s'accorder quelques pauses.
Chacun en convient, la vision prospective est le principal point d'amélioration. Certes, il existe déjà une loi de programmation des finances publiques, mais il convient de tirer les conséquences des erreurs commises et de la dégradation vertigineuse des comptes publics. Il faut dresser un état des lieux et fixer des objectifs et des trajectoires pour redresser la situation. Il y aura toujours une part d'aléas, mais il est possible de solidifier les trajectoires avec les bons outils et la bonne documentation. Ce travail ne doit pas être optionnel. Nous devrons trouver un moyen de l'imposer.
Monsieur Delahaye, en ce qui concerne les perspectives de croissance, on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien. La publication rapide d'un décret d'annulation de crédits me semble tenir compte des alertes que nous avons formulées. Je suis disposé à recevoir la ministre des comptes publics pour évoquer ce sujet.
À ce stade, je pense pouvoir affirmer que l'augmentation des dépenses en matière de défense n'est pas incluse dans les données que je viens de vous présenter.
Enfin, pour répondre à votre dernière question, le Gouvernement chiffre à + 0,15 % l'effet positif sur le solde en 2025 de l'amélioration du solde en 2024 (-5,8 % du PIB au lieu de -6,1 %). Toutefois, cette amélioration risque d'être neutralisée par les mauvaises nouvelles sur la croissance et l'emploi.
La commission autorise la publication de cette communication sous la forme d'un rapport d'information.
Modalités d'application du nouveau dispositif portant sur les arbitrages de dividendes - Point d'information
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il m'a semblé nécessaire de m'exprimer devant vous ce matin sur la façon dont le Gouvernement a décidé d'appliquer la disposition « anti-CumCum » que nous avons votée à l'unanimité en février dernier dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
À mes yeux comme à ceux du président de la commission, avec qui j'ai envoyé des courriers d'alerte au ministre, le dispositif est fragilisé par le rescrit publié par le Gouvernement dans le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) le 18 avril dernier. Celui-ci nous semble porteur de brèches potentielles et ne nous satisfait donc pas du tout.
Je souhaite d'abord vous rappeler les grandes étapes qui ont mené à l'adoption de la mesure avant de vous expliquer en quoi elle se trouve aujourd'hui fragilisée.
L'adoption unanime de ce dispositif a été l'aboutissement d'un travail lancé en 2018 par notre commission. La mesure adoptée par le Sénat cette année-là avait été vidée de sa substance lors de son passage à l'Assemblée nationale.
Lorsque j'ai souhaité défendre de nouveau une mesure anti-fraude lors de l'examen du PLF pour 2025, la Fédération bancaire française m'a transmis une note indiquant dès la première ligne : « Il n'existe pas de phénomène de fraude, en France, résultant de pratiques d'arbitrage de dividendes. » Or les auditions que j'ai menées m'ont bien confirmé l'inverse et ont renforcé ma conviction qu'il était nécessaire d'agir. En outre, les perquisitions réalisées par le parquet national financier (PNF) en 2023 au sein de certains grands établissements de la place ont mis au jour les modalités de cette pratique.
Le Gouvernement a en permanence tenté, tout au long de la navette, d'empêcher d'intégrer dans le texte un dispositif efficace. Nous avions, en séance publique, repoussé un sous-amendement gouvernemental qui revenait sur la mesure centrale du dispositif : l'inscription dans la loi de la notion de « bénéficiaire effectif ». L'amendement de notre commission a par la suite été adopté contre l'avis du Gouvernement - il s'agissait alors du gouvernement Barnier.
De façon inhabituelle dans un processus législatif, le Gouvernement a ensuite demandé au Conseil d'État de produire un avis sur la mesure adoptée au Sénat. Cette initiative s'est révélée être en notre faveur : loin de dénigrer notre travail ou de juger le dispositif inopérant, argument qui nous était opposé jusque-là, l'avis a apporté quelques précisions salutaires. Je les ai défendues en commission mixte paritaire (CMP) et elles ont été inscrites dans la loi.
La détermination du Gouvernement n'a pourtant pas faibli et s'est exprimée jusqu'en CMP : certains députés y ont défendu une proposition de rédaction reprenant la position gouvernementale et visant à ajouter, outre les précisions que le Conseil d'État jugeait nécessaires, des éléments supplémentaires qui risquaient d'introduire une brèche dans le dispositif. Cette proposition a été rejetée.
J'insiste sur le fait que nous avons adopté une mesure à la fois robuste et dont la valeur est renforcée par son effet dissuasif. Les premiers échos qui m'avaient été rapportés du secteur financier étaient que l'adoption de notre dispositif avait bien sonné le glas des comportements frauduleux. Je n'ai rien contre les banques et suis respectueux du savoir-faire de chacun. Je ne suis pas hostile à ce que des montages financiers complexes soient élaborés lorsqu'il s'agit de réaliser les opérations nécessaires à la compétitivité de l'économie française.
Néanmoins, la complexité ne justifie pas l'impunité. Il convient donc de nous assurer que le texte adopté, comme son application, ne soit pas une occasion d'officialiser des moyens d'échapper indûment à l'impôt et de commettre de la délinquance en col blanc.
À la suite de la CMP, j'avais confiance dans la volonté affichée par le nouveau ministre d'associer la commission des finances à la rédaction de la doctrine fiscale, afin d'assurer la bonne application de notre dispositif. J'avais d'ailleurs été très clair dès notre première rencontre sur notre volonté que soit respecté le texte adopté par le Parlement.
C'est ainsi que, le 21 mars dernier, un mois après la publication du PLF pour 2025, le ministre de l'économie a transmis au président de la commission et à moi-même une première proposition de rédaction explicitant l'application de la loi fiscale pour une publication au Bofip. Il paraît évident que la Fédération bancaire française a demandé au Gouvernement de préciser le dispositif, justifiant cette requête par la volonté de le sécuriser juridiquement.
Globalement, il n'y avait rien à y redire, sauf sur la partie qui concerne les marchés réglementés, ces places d'échanges où un intermédiaire permet de distendre le lien entre le vendeur et l'acheteur. Sur ce point, le Bofip n'est pas, selon nous, conforme à l'intention du législateur. Alors que la très grande majorité des opérations CumCum ont lieu sur ces marchés, la rédaction du Bofip s'éloigne sans raison de celle qui est proposée par le Conseil d'État et permet d'échapper à la retenue à la source dans de nombreux cas.
En effet, le Bofip indique : « Lorsque les opérations susceptibles de générer un transfert de valeur [...] interviennent sur un marché réglementé, ces dispositions n'imposent pas de soumettre ce transfert de valeur à retenue à la source, de manière préventive, si l'établissement payeur ne connaît effectivement pas sa contrepartie. »
Or, d'une part, des montages frauduleux d'arbitrages de dividendes peuvent parfaitement intervenir sans que l'établissement payeur connaisse sa contrepartie, en particulier sur des marchés réglementés. D'autre part, la rédaction proposée est beaucoup moins efficace et englobante que l'avis du Conseil d'État qui dispose : « s'agissant des opérations intervenant sur un marché réglementé, ces dispositions n'imposent pas de soumettre à retenue à la source, de manière préventive, le transfert de valeur résultant de la vente d'un contrat à terme alors que l'État de résidence de la personne ayant acquis le contrat ne pourrait pas être connu. »
Le Conseil d'État restreint cette possibilité de ne pas soumettre à la retenue les seuls contrats à terme et impose d'appliquer la retenue à la source lorsqu'il est possible de connaître l'État de résidence de la contrepartie, et non son identité. Plusieurs signaux, comme celui du prix du produit, permettent de savoir que le résident est étranger sans nécessairement connaître son identité.
Constatant cette brèche, le président de la commission et moi-même avons envoyé un courrier commun au ministre de l'économie le 31 mars dernier pour faire état de nos craintes sur les effets potentiellement délétères de cette doctrine fiscale. Nous y avons affirmé notre volonté que soit reprise la rédaction du Conseil d'État, ou, a fortiori, que soit supprimé le paragraphe sur les marchés réglementés, qui introduit une brèche dans le dispositif, alors que rien n'oblige à l'intégrer au Bofip.
La réponse du ministre est venue de son cabinet : le 8 avril, au cours d'un échange avec le directeur de cabinet d'Éric Lombard, ce dernier s'est engagé à nous transmettre une nouvelle proposition de rédaction du rescrit qui serait publié dans le Bofip. Alors que j'attendais cette proposition dans les jours suivants, nous avons finalement reçu un courrier du ministre le 17 avril contenant une nouvelle mouture de ce rescrit, qui allait en fait être publiée le soir même à minuit.
Dès lors, le lien de confiance s'est rompu : non seulement le ministre n'a pas tenu compte de nos remarques sur les marchés réglementés, mais la nouvelle version de la publication dans le Bofip excluait également l'application de la retenue à la source pour certaines opérations sur indices réalisées à partir des variations du CAC40 et de l'Euro Stoxx 50 en les citant nommément, sans que nous ayons le temps d'expertiser cette rédaction, qui ne nous a jamais été soumise.
Entre la réception du courrier et la publication au Bofip, nous avons tout de même, le président de la commission et moi-même, réaffirmé au ministre la volonté du législateur de mettre fin à la pratique des CumCum. Nous lui avons dit que nous jugions inimaginable que la doctrine fiscale fragilise le dispositif. Vous l'aurez compris, nos alertes n'ont pas suffi. La publication le soir même s'apparente, selon moi, à un passage en force.
Alors que nous ne cessons de demander des efforts supplémentaires aux Français, il est inconcevable de laisser prospérer des phénomènes de fraude. Il est de notre devoir de maintenir par tout moyen l'exigence d'application de la loi, conformément à la volonté unanime que nous avons exprimée.
M. Claude Raynal, président. - Nous avons voté à l'unanimité un dispositif contre les CumCum. L'application qui en est faite par l'administration fiscale est un peu en deçà de nos attentes. Nous allons donc voir comment reprendre la main et le rapporteur général s'exprimera de nouveau devant la commission dès que nous aurons des propositions précises à formuler.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je reste disponible pour échanger. Il ne faut pas se précipiter, mais il convient tout de même d'agir vite. La méthode du Gouvernement n'a pas été respectueuse. Elle ne suscite pas un bon climat de travail entre l'exécutif et les parlementaires. Ne nous faisons pas piétiner une nouvelle fois et faisons jouer la volonté unanime du Parlement !
M. Claude Raynal, président. - La mesure est effectivement également très largement portée par l'Assemblée nationale, même si l'unanimité reste relative...
Mme Christine Lavarde. - Nos échanges en commission mixte paritaire en ont été l'illustration...
Décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits - Communication
M. Claude Raynal, président. - Le rapporteur général va nous présenter brièvement le décret d'annulation de crédits du 25 avril 2025.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le Gouvernement a pris, vendredi dernier, un décret portant annulation de 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). C'est conforme à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), qui dispose que le Gouvernement peut annuler jusqu'à 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI), ce qui correspond à 12,7 milliards d'euros en AE et 12,2 milliards d'euros en CP. Ces limites sont donc respectées par le récent décret et le Gouvernement est encore en droit d'annuler plus de 9,5 milliards d'euros de crédits sans recourir à une loi de finances rectificative.
Ce décret d'annulation porte sur plus de la moitié des programmes du budget général - 74 sur 136 sont concernés -, ainsi que, de manière résiduelle, sur les trois programmes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et sur le programme 824 « Prêts et avances à des services de l'État ».
Le rapport du Gouvernement relatif à ce décret est succinct. Certaines annulations dépassent le montant des crédits mis en réserve. Par exemple, près de 20 % du montant des annulations, soit 513,5 millions d'euros, portent sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales en 2025 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » de la mission « Économie ». Il s'agit non pas de crédits ouverts en LFI, mais de crédits reportés depuis plusieurs années, pour un montant total de 1,8 milliard d'euros en 2025. Nous pouvons donc penser que l'annulation correspond surtout au constat de la non-utilisation probable de ces crédits, et nous dénonçons ces reports depuis longtemps.
Quatre autres programmes subissent des annulations d'un montant supérieur à la mise en réserve. C'est le cas tout particulièrement pour le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques 2024 », dont 47 % des crédits sont annulés.
Le rapport justifie l'annulation des crédits mis en réserve par le fait que ces crédits n'ont pas été inclus dans la programmation initiale des dépenses des ministères. Par conséquent, leur annulation ne devrait pas, selon le Gouvernement, porter atteinte à l'exécution des politiques publiques selon les termes convenus dans la loi de finances initiale.
Je formulerai trois remarques sur cette analyse.
En premier lieu, les projets annuels de performance donnent une justification au premier euro de chaque programme, action et ligne budgétaire. Faut-il en conclure que les coûts indiqués dans les projets annuels de performance sont légèrement surestimés, puisqu'une partie de ces crédits est en fait mise en réserve et considérée comme non nécessaire ? Je me demande si une évolution de la présentation des dépenses dans les documents budgétaires ne serait pas nécessaire pour apporter davantage de transparence.
En deuxième lieu, le rapport de présentation annonce qu'un surgel, c'est-à-dire une mise en réserve complémentaire, va être opéré pour un montant équivalent à l'annulation de crédits. Ce surgel aura par définition un effet sur les crédits disponibles. En conséquence, certaines des actions jusqu'alors prévues grâce aux financements de la loi de finances ne seront pas mises en oeuvre.
Il conviendra de prêter attention à ce surgel et à son caractère soutenable sur certains programmes ou missions. Par exemple, le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » bénéficiait les années passées de la sous-exécution des crédits destinés à MaPrimeRénov', qui permettait de combler des besoins de financement sur d'autres lignes. Ce n'est plus le cas cette année, car ce dispositif a été basculé vers une autre mission. Au reste, je me méfie toujours de ce qui est fait à bas bruit.
En troisième lieu, le fait même que seule la moitié des programmes soit concernée par les annulations montre bien que des choix ont été faits. Les raisons qui les ont guidés sont peut-être tout à fait légitimes, mais il convient de les donner.
La dispense d'annulation ne concerne pas seulement les programmes dotés de crédits évaluatifs ou qui portent des dépenses de guichet. L'ensemble des programmes des missions « Défense », « Outre-mer », « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » ont été dispensés d'annulation de crédits. À l'intérieur de missions fortement concernées par les annulations de crédits, certains programmes sont également épargnés alors qu'ils ont un niveau élevé de mise en réserve hors titre 2. C'est notamment le cas du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » ; du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ; du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » dans la mission « Cohésion des territoires » ; ou encore du programme 107 « Administration pénitentiaire » dans la mission « Justice ».
Des éléments de l'actualité peuvent bien sûr expliquer la volonté de ne pas annuler des crédits sur certains de ces programmes.
Par ailleurs, ce décret d'annulation porte uniquement sur les crédits hors masse salariale, ce qui ne laisse pas de nous interroger.
Ce décret d'annulation ressemble dans une certaine mesure à celui de février 2024. Dans les deux cas, plusieurs milliards d'euros sont annulés environ deux mois après la promulgation de la loi de finances issue du vote souverain du Parlement, ce que je trouve particulièrement irritant. Il s'en distingue par l'ampleur des annulations - 2,7 milliards en 2025, contre 10,2 milliards en 2024 - mais le principe est le même et la brèche est ouverte.
Aussi, je compte solliciter les ministres de l'économie et des comptes publics pour hâter le travail qu'il nous reste à faire d'ici à l'examen du PLF 2026.
M. Marc Laménie. - Comme il n'est pas prévu d'examiner un projet de loi de finances rectificative (PLFR), nous prenons connaissance de ces annulations de crédits en commission des finances, mais elles ne font l'objet d'aucun vote. Est-ce que nous prenons simplement acte de cette mesure ?
M. Claude Raynal, président. - Nous ne pouvons que la constater. Il s'agit d'un décret relevant des pouvoirs propres de l'exécutif.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il s'impose à nous.
Mme Christine Lavarde. - Je constate que des crédits sont annulés sur le programme 181 « Prévention des risques ». Or, en exécution 2024, nous sommes allés au-delà des crédits qui étaient inscrits. Comment est-il possible d'annuler des crédits dans des programmes qui ont été sur-exécutés l'année antérieure, sachant que la plupart avaient déjà été rabotés ?
De même, je vois que 62 millions d'euros sont supprimés du programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires ». Pourtant, pendant la suspension de nos travaux, j'ai eu des réunions avec le cabinet du ministère compétent pour appliquer les crédits votés par le Parlement. Aussi, je serai intéressée de connaître le détail de ces annulations au sein des actions et des sous-actions de ce programme.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous devons imaginer un suivi inhabituel de l'exécution budgétaire.
Face aux incohérences comme celle qui vient d'être relevée par Christine Lavarde, nous devons montrer que nous ne lâcherons rien. Plus les crédits diminueront, plus ils seront rudement disputés, d'autant qu'il a déjà été annoncé que certains programmes bénéficieront de crédits supplémentaires.
Dépôt d'une proposition de loi à la suite de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales - Communication
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souhaite enfin vous informer d'une proposition de loi que j'ai déposée et qui fait écho aux travaux que nous avons menés au sein de la commission sur les difficultés assurantielles des collectivités territoriales.
Le 14 avril s'est tenu le Roquelaure de l'assurabilité des territoires, auquel j'ai participé. Un premier pas est annoncé : le Gouvernement s'est engagé à prendre certaines mesures qui peuvent l'être par voie réglementaire.
Dans notre rapport d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales, nous avions formulé treize recommandations, dont j'ai tiré une proposition de loi. Compte tenu des annonces du Gouvernement, j'ai décidé de consacrer cette proposition de loi aux mesures ne pouvant pas être déployées par la voie réglementaire.
Je me suis hâté de déposer cette proposition de loi car plusieurs ministres ont en quelque sorte estimé qu'ils allaient publier leurs décrets et qu'ils verraient plus tard si une loi est nécessaire. Or nous savons qu'une loi est nécessaire ! J'ai donc cherché à accélérer le processus, car peu de nos recommandations ont été reprises par le Gouvernement.
Alors que les prochaines élections municipales approchent, il convient de soulager les élus en proie aux difficultés. Il nous faut les sécuriser au plus vite, car si les choses finiront certainement par se réguler, pour le moment, tout le monde en pâtit.
J'espère que tous les membres de la commission, mais aussi tous les groupes politiques du Sénat seront cosignataires de cette proposition de loi, quitte à l'amender à la marge. Mon objectif est qu'elle soit examinée avant la suspension estivale de nos travaux.
Je précise que le Gouvernement a repris ma proposition d'élargir les prérogatives du médiateur de l'assurance, alors qu'il l'avait jugée inapplicable lors de la publication du rapport. Je me suis attaché, au sein des six articles de la proposition de loi, à élaborer des mesures neutres pour les finances publiques.
La réunion est close à 12 h 45.