Lundi 5 mai 2025

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, sur la profession d'infirmier - Examen des amendements au texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, sur la profession d'infirmier ; 96 amendements ont été déposés à ce stade ; parmi eux, 21 ont été jugés irrecevables en application de l'article 40 de la Constitution et six ont été retirés, ce qui nous laisse 69 amendements à examiner. Ce texte sera débattu en séance publique à partir de 16 heures environ. Nous commençons par l'examen d'un amendement des rapporteurs.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DES RAPPORTEURS

Article 2

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n° 97 a déjà été évoqué en commission la semaine dernière.

La rédaction actuelle de l'article 2 fait l'unanimité contre elle : trop floue, celle-ci semble fondre toutes les spécialités dans le métier d'infirmier en pratique avancée (IPA) et suscite une vive inquiétude pour la sécurité et la pérennité de l'exercice spécialisé parmi les professionnels.

Or la demande des infirmiers de spécialité n'a jamais été d'exercer le métier d'IPA sous une mention ad hoc, mais elle est bien de se voir reconnaître, dans leur exercice, une forme de pratique avancée spécifique à leur spécialité.

En consacrant dans la loi une pratique avancée s'exerçant selon des modalités propres à chaque spécialité, cet amendement vise à répondre aux attentes des infirmiers de spécialité. Cette pratique avancée propre exclut l'accès direct, une perspective qui a suscité de fortes inquiétudes chez les médecins anesthésistes réanimateurs, mais qui ne figure pas parmi les principales préoccupations des infirmiers de spécialité - les puéricultrices nous ont même indiqué qu'elles n'étaient pas favorables à cette option.

Nous appelons le Gouvernement à une mise en oeuvre graduée de la reconnaissance de la pratique avancée pour chaque spécialité.

L'amendement n° 97 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  39 prévoit que les dispositions du nouvel article L. 4311-1 du code de la santé publique (CSP) seront applicables aux infirmiers, quel que soit leur lieu d'exercice. 

Cependant, cet article contient déjà les dispositions générales applicables à tous les infirmiers, quel que soit leur mode ou leur lieu d'exercice. Il n'est donc pas utile d'ajouter cette précision. Avis défavorable. 

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39.

M. Jean Sol, rapporteur. - Les amendements identiques nos  10 rectifié, 20 rectifié, 23 et  81 visent à préciser dans la loi que l'infirmier exerce en toute autonomie et en responsabilité de ses actes. Nous les avons déjà rejetés la semaine dernière.

L'indépendance des infirmiers est déjà protégée par leur code de déontologie, qui prévoit : « L'infirmier ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. » L'autonomie des infirmiers dans le cadre de leur rôle propre est, de la même manière, d'ores et déjà protégée par le CSP. Ces dispositions sont donc satisfaites : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 10 rectifié, 20 rectifié, 23 et 81.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  3 rectifié prévoit que les infirmiers initient, réalisent, organisent et évaluent les soins infirmiers dans l'intérêt global du patient.

Cette mention ne semble pas nécessaire, car tous les professionnels de santé interviennent dans l'intérêt des patients. Le CSP ainsi que les codes de déontologie de chaque profession précisent les conditions d'exercice de cette mission. Nous vous proposons, comme la semaine dernière, un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.

M. Jean Sol, rapporteur. - Les amendements nos  89 et  82 prévoient que les infirmiers prescrivent des produits de santé et des examens complémentaires : pour l'amendement no 89, dans l'intérêt global du patient et en coordination avec le médecin traitant ; pour l'amendement no 82, dans l'intérêt global du patient. Ces mentions ne sont pas nécessaires. Avis défavorable à ces deux amendements.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 89 et 82.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  72 prévoit que les infirmiers proposent la consultation d'un médecin ou de tout autre professionnel compétent lorsqu'ils l'estiment nécessaire. Or nous avons déjà prévu que les infirmiers devraient agir en coordination avec les autres professionnels de santé. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 72.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  50 vise à ce que les infirmiers participent à la conciliation médicamenteuse sous la coordination du médecin, tandis que l'amendement no  27 prévoit que la conciliation médicamenteuse reste assurée par le pharmacien.

Nous avons déjà amendé ces dispositions en commission pour préciser que les infirmiers n'assuraient pas seuls la conciliation médicamenteuse. Nous vous proposons donc d'émettre un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 50 et 27.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  75 a pour objet d'ajouter, parmi les missions de la profession, l'évaluation et la prévention de la perte d'autonomie. Toutefois, nous l'avons rejeté la semaine dernière, car la prévention figure déjà parmi les missions prévues par la loi. Celles-ci ont vocation à être précisées par décret.

Par ailleurs, les représentants que nous avons auditionnés ne souhaitent pas, dans leur grande majorité, la multiplication des missions législatives. Avis défavorable. 

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 75.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  76 prévoit que les infirmiers exercent leurs missions de prévention, de promotion de la santé et d'éducation thérapeutique en lien avec les associations agréées. 

Bien que l'action de ces associations se révèle indispensable sur le terrain, il n'apparaît pas nécessaire de les citer dans les dispositions définissant les missions de la profession infirmière. La loi ne mentionne pas non plus l'ensemble des autres professions de santé avec lesquelles les infirmiers travaillent quotidiennement. Nous vous proposons donc un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 76.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  70 tend à rétablir les dispositions détaillant le contenu et l'objectif des soins relationnels, supprimées la semaine dernière par la commission.

Je saisis cette occasion pour souligner que la commission n'a pas entendu remettre en cause, par son amendement, le rôle des infirmiers dans les soins relationnels ni l'importance de ces soins pour les patients. Mais la proposition de loi confiait deux fois aux infirmiers la mission de dispenser des soins relationnels. Les dispositions supprimées apparaissaient donc répétitives, et donnaient des soins relationnels une définition trop précise, qu'il est préférable de renvoyer au décret. Nous vous proposons donc, en cohérence avec les travaux de la commission, un avis défavorable. 

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 70.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  13 prévoit d'ajouter la participation à la réponse de l'État face aux crises sanitaires et aux situations d'urgence parmi les missions des infirmiers.

Les infirmiers sont, en effet, très fortement mobilisés lors de ce type d'événements, et nous devons leur en être reconnaissants. Toutefois, il n'apparaît pas souhaitable d'en faire l'une des grandes missions de la profession, qui s'appliquerait à l'ensemble des infirmiers, quels que soient leur lieu ou leur mode d'exercice. La proposition de loi prévoit déjà la reconnaissance des soins infirmiers et de la participation de la profession aux soins de premier recours. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  79 vise à ajouter la participation à la démarche d'accompagnement du patient face aux risques environnementaux parmi les missions des infirmiers.

Cependant, la proposition de loi inclut déjà dans ces missions la participation à la prévention, aux soins éducatifs à la santé, à la promotion de la santé et à l'éducation thérapeutique. Les risques environnementaux font bien sûr partie du périmètre de ces dispositions, et il ne semble pas souhaitable d'en faire une mission spécifique. Nous vous proposons, en conséquence, un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 79.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  38 prévoit que le décret en Conseil d'État devant préciser les domaines d'activités et de compétences des infirmiers devra être pris après avis des représentants des professionnels.

Il semble évident que les professionnels devront être consultés. Nous vous proposons donc un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 38.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  66 vise à supprimer les dispositions de l'article 1er prévoyant que chaque publication et actualisation de l'arrêté listant les actes infirmiers devra donner lieu à une négociation sur la rémunération des infirmiers afin de tenir compte des évolutions de compétences constatées.

Notre commission a plusieurs fois appelé à une revalorisation des infirmiers ces dernières années. Nous avons notamment constaté que les principaux actes réalisés par les infirmiers libéraux n'ont pas connu de revalorisation significative, en ville, depuis 2009.

Toutefois, il convient de prendre en considération plusieurs éléments.

D'abord, le Gouvernement s'est engagé, ces derniers jours, à lancer des négociations conventionnelles avant l'été. Les principaux syndicats infirmiers s'en sont d'ores et déjà félicités.

Ensuite, ce type de dispositions, contraignant l'État et l'assurance maladie à conduire des négociations à chaque évolution des compétences réglementaires, n'existe pour aucune autre profession de santé. 

Enfin, l'un des principaux objectifs de cette loi était de simplifier l'adaptation du cadre réglementaire des infirmiers aux évolutions rapides de la profession. Or de telles dispositions, en obligeant à ouvrir systématiquement des négociations conventionnelles avec les syndicats d'infirmiers libéraux et, à l'hôpital, des négociations avec les syndicats, pourraient décourager le Gouvernement à revoir cet arrêté chaque fois que cela serait nécessaire. 

La suppression de ces dispositions se révélera toutefois très sensible. Les infirmiers reprocheraient inévitablement au Sénat et à notre commission d'avoir retiré du texte une obligation qu'ils jugent protectrice, et susceptible d'améliorer à terme leurs conditions de rémunération.

C'est pourquoi nous souhaitons laisser le Sénat trancher cette question. Nous vous proposons donc un avis de sagesse.

M. Philippe Mouiller, président. - D'un côté, le caractère systématique de l'ouverture des négociations - je vous confirme que celles-ci sont ouvertes - peut être rassurant, a fortiori à l'égard d'une profession qui n'a pas connu de revalorisation depuis dix-sept ans ; de l'autre, il risque de paralyser l'action gouvernementale et créer une nouvelle contrainte pour les infirmiers. Face à cette situation, un avis de sagesse me paraît très équilibré : le sujet sera donc débattu en séance publique.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 66.

M. Jean Sol, rapporteur. - Les amendements identiques nos  8 rectifié, 21 rectifié et  40 visent à compléter les dispositions de l'article 1er prévoyant le lancement systématique d'une négociation sur la rémunération des infirmiers lors de l'actualisation de leurs actes, et ce afin de tenir compte de la pénibilité du métier. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 8 rectifié, 21 rectifié et 40.

Après l'article 1er

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  28 vise à conférer un statut légal et réglementaire aux infirmiers diplômés d'État coordonnateurs (Idec) en Ehpad.

Ce statut avait été adopté par le Sénat, avec le soutien de notre commission, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais a été censuré par le Conseil constitutionnel, considérant qu'il ne relevait pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Nous vous proposons de le soutenir à nouveau : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 28.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement no  67 concerne la remise d'un rapport sur la revalorisation salariale des infirmiers : avis défavorable, conformément à notre doctrine habituelle.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 67.

M. Jean Sol, rapporteur. - Les amendements nos  37 rectifié, 77 et  55 rectifié concernent tous des demandes de rapports relatifs à l'allongement à quatre ans de la formation initiale des infirmiers : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 37 rectifié, 77 et 55 rectifié.

La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur l'irrecevabilité des amendements identiques nos  1 rectifié et  29 en application de l'article 41 de la Constitution.

Article 1er ter

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Les amendements identiques nos  11 rectifié, 34, 44, 61 et 91 rectifié visent à supprimer l'article 1er ter, que nous avons adopté mardi dernier en commission.

Nous pensons que l'intention qui sous-tend cet article n'a peut-être pas été parfaitement comprise. Celui-ci permet une évaluation des compétences des infirmiers en reprise d'activité après une longue interruption afin de leur proposer - ce terme est important - un stage ou une formation pour se remettre à niveau : cela nous a semblé compléter utilement les dispositifs existants pour renforcer l'accompagnement des professionnels infirmiers. Ce n'est pas ni punition, ni une contrainte, ni une dévalorisation du diplôme ; c'est une possibilité qui leur est offerte pour se préparer à la reprise d'activité dans les meilleures conditions. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 11 rectifié, 34, 44, 61 et 91 rectifié.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement no  65 apporte plusieurs modifications à l'article 1er ter : il fixe à six ans la durée d'interruption minimale au-delà de laquelle la déclaration d'interruption d'activité et l'évaluation des compétences préalable à une reprise d'activité sont nécessaires ; il affermit le dispositif en prévoyant que l'autorité compétente demande obligatoirement que soient effectuées des mesures d'accompagnement en cas d'insuffisance professionnelle ; et il ne fait plus figurer dans la loi la possibilité d'une épreuve d'aptitude validante.

Nous sommes très mitigés sur cet amendement : s'il n'y a pas de difficulté à ce que la durée d'interruption d'activité au-delà de laquelle une évaluation des compétences est nécessaire soit fixée à six ans, il semble préférable, pour des raisons de suivi, que l'obligation de déclaration d'une interruption d'activité soit prévue avant six ans.

De plus, cet amendement renforce l'article 1er ter en rendant obligatoire la réalisation de mesures d'accompagnement en cas d'insuffisance professionnelle, alors que la rédaction que nous vous avons proposée s'inscrivait davantage dans une logique d'accompagnement, visant à offrir aux infirmiers en difficulté lors d'une reprise d'activité une formation ou un stage.

C'est pourquoi nous vous proposons d'émettre un avis de sagesse sur cet amendement.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 65.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement no  59 tend à supprimer l'accompagnement à la reprise d'activité des infirmiers, ce qui viderait le dispositif de sa substance. Pour les mêmes raisons que pour les amendements de suppression de l'article, nous proposons un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 59.

Après l'article 1er ter

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  88 rectifié quater ainsi que les quatre amendements identiques nos  18 rectifié, 26 rectifié, 35, 45 rectifié, 46, 51 et 84 visent à reconnaître les infirmiers scolaires comme des infirmiers de spécialité, aux côtés des infirmiers puériculteurs, des infirmiers anesthésistes et des infirmiers de bloc opératoire. Ils ont également pour objet d'ouvrir la voie vers une formation de niveau bac+5 pour les infirmiers scolaires.

Nous avons déjà rejeté cette évolution la semaine dernière, estimant qu'il semblait préférable que les infirmiers scolaires désireux d'évoluer professionnellement se forment à la pratique avancée, plutôt que de créer une nouvelle spécialité infirmière. Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 88 rectifié quater et aux amendements identiques nos 18 rectifié, 26 rectifié, 35, 45 rectifié, 46, 51 et 84.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  42 concerne une demande de rapport sur les mesures d'attractivité à mettre en oeuvre pour le métier d'infirmier. Avis défavorable, même si nous comprenons l'intention des auteurs de cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 42.

Article 1er quater

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement n°  52 vise à supprimer l'article 1er quater, permettant l'expérimentation d'un accès direct aux infirmiers, pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre, dans le cadre d'un exercice coordonné.

La commission a soutenu cet article, la semaine dernière, et cherché à mieux encadrer sa mise en oeuvre. Cette expérimentation pourrait être utile pour apprécier l'opportunité de futures évolutions des compétences infirmières. L'avis est donc défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 52.

M. Jean Sol, rapporteur. - Les amendements nos  53 et 60 rectifié bis visent à modifier le périmètre de l'expérimentation d'accès direct prévue.

L'amendement n° 53 a pour objet de supprimer la mention « ne relevant pas de leur rôle propre » et, ce faisant, étend le périmètre de l'expérimentation au rôle propre infirmier sans exclure le rôle prescrit, tandis que l'amendement n° 60 rectifié bis tend à restreindre le périmètre au seul rôle propre.

Les infirmiers bénéficient déjà, en principe, d'un accès direct sur leur rôle propre. Cet accès direct est, du reste, désormais consacré par les dispositions de l'article 1er en soins de premier recours. L'avis est défavorable sur ces deux amendements.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 53 et 60 rectifié bis.

Après l'article 1er quater

M. Jean Sol, rapporteur. - Les amendements identiques nos  4 rectifié, 17 rectifié, 24, 43 et 58 prévoient qu'un décret en Conseil d'État devra définir les exercices spécialisés exercés par les infirmiers nécessitant un diplôme de niveau master.

Comme nous l'avons annoncé la semaine dernière, afin de mieux appréhender les conséquences qu'emporterait l'adoption de ces amendements, nous sollicitons l'avis du Gouvernement sur la question.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 4 rectifié, 17 rectifié, 24, 43 et 58.

Article 2

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  54 vise à remplacer la formulation actuelle de l'article 2, unanimement décriée, par une nouvelle rédaction garantissant la reconnaissance d'une forme de pratique avancée spécifique à chaque spécialité infirmière, qui exclut notamment l'accès direct. Cette rédaction écrase toutefois tous les autres apports de l'article 2, notamment ceux sur l'ouverture de nouveaux lieux d'exercice à la pratique avancée et sur la limitation à trois mois des durées imparties pour émettre des avis sur les domaines d'intervention des IPA.

Nous proposerons un avis favorable, sous réserve qu'il soit rectifié pour être rendu identique à l'amendement n°  64 rectifié du Gouvernement ainsi qu'à notre amendement ASOC.1. Cela prémunira contre le risque de scinder les spécialités en fonction de l'ancienneté et permettra de préserver les autres apports de l'article.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 54, sous réserve de rectification.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Les amendements identiques nos  rectifié bis et 49 rectifié, rejetés par la commission la semaine dernière, visent à qualifier les auxiliaires médicaux en pratique avancée de « profession médicale intermédiaire ».

Avis défavorable, car ces amendements, dépourvus d'effet juridique, attiseraient les tensions avec les professions médicales.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 9 rectifié bis et 49 rectifié.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  22 prévoit que les domaines d'intervention des IPA peuvent être définis selon une approche populationnelle. La rédaction a été revue depuis l'examen en commission pour être moins prescriptive, et nous soutenons l'idée qu'il ne faut pas surspécialiser les IPA. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 22.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Les amendements identiques nos  7 et 64 rectifié, ainsi que l'amendement n°  36 rectifié, visent à remplacer la formulation actuelle de l'article 2, unanimement décriée, par une nouvelle rédaction garantissant la reconnaissance d'une forme de pratique avancée spécifique à chaque spécialité infirmière.

Il s'agit d'une évolution que nous avions appelée de nos voeux dès le stade de la commission. Nous nous réjouissons d'avoir pu aboutir à une rédaction commune avec le Gouvernement, qui nous permet d'assurer la recevabilité de notre initiative. Nous émettrons naturellement un avis favorable aux amendements identiques nos 7 et 64 rectifié, identiques à celui que nous vous avons proposé.

Nous émettrons également un avis favorable à l'amendement n° 36 rectifié, sous réserve qu'il soit rectifié pour être rendu identique aux précédents. Cela prémunira contre le risque de scinder les spécialités en fonction de l'ancienneté.

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 7 et 64 rectifié. Elle émet un avis favorable à l'amendement n° 36 rectifié, sous réserve de rectification.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  25 rectifié vise à réintroduire une demande de rapport supprimée par la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25 rectifié.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  92 rectifié, qui concerne une demande de rapport.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 92 rectifié.

Après l'article 2

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  86 rectifié bis vise à reconnaître les infirmiers de psychiatrie comme une spécialité infirmière. Toutefois, sa rédaction ne permet pas d'atteindre cet objectif puisqu'elle se borne à créer des procédures spécifiques pour l'exercice en tant qu'infirmier de psychiatrie par des professionnels exerçant dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen (EEE). C'est d'ailleurs l'inadéquation entre son objet et son effet juridique qui explique que cet amendement n'ait pas été déclaré irrecevable.

Nous vous proposons donc de retirer l'amendement n° 86 rectifié bis ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Quant à l'amendement n°  87 rectifié bis, il a pour objet une demande de rapport. L'avis est donc défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 86 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable. Elle émet un avis défavorable à l'amendement n° 87 rectifié bis.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Comme la semaine dernière, nous proposons un avis défavorable à l'amendement n°  16 rectifié qui concerne une demande de rapport sur l'inscription au remboursement d'actes effectués par les infirmières puéricultrices dans les services de protection maternelle et infantile (PMI).

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16 rectifié.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  41 vise à sortir les formations infirmières de Parcoursup. Avis défavorable, car il s'agit d'une réforme d'ampleur qui nécessite une étude d'impact préalable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 41.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  71 qui vise une demande de rapport.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 71.

Article 2 bis

La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n°  15.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  14 vise à alléger la rédaction de l'article 2 bis et à laisser aux partenaires conventionnels la latitude de choisir la définition nationale de l'agglomération qui leur semblera la plus pertinente. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14.

Après l'article 2 bis

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - L'amendement n°  69 tend à permettre aux infirmiers de renseigner, dans la limite de leurs compétences professionnelles, les éléments médicaux des questionnaires dans le cadre des demandes auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Cela ne semble pas opportun dans la mesure où les familles auront toujours besoin d'un médecin pour remplir les parties du certificat qui relèvent du champ de compétences des médecins : elles devront donc consulter deux professionnels de santé au lieu d'un, ce qui engorgerait davantage l'accès aux infirmiers sans répondre au problème de l'accès aux droits. Avis défavorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 69.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

Mme BRULIN

39

Application des dispositions quel que soit le lieu d'exercice

Défavorable

M. HENNO

10 rect.

Ajout de dispositions prévoyant que l'infirmier exerce en toute autonomie et en responsabilité de ses actes

Défavorable

Mme MICOULEAU

20 rect.

Ajout de dispositions prévoyant que l'infirmier exerce en toute autonomie et en responsabilité de ses actes

Défavorable

M. PATRIAT

23

Ajout de dispositions prévoyant que l'infirmier exerce en toute autonomie et en responsabilité de ses actes

Défavorable

Mme SOUYRIS

81

Ajout de dispositions prévoyant que l'infirmier exerce en toute autonomie et en responsabilité de ses actes

Défavorable

Mme MULLER-BRONN

3 rect.

Contribution des soins infirmiers à l'intérêt global du patient

Défavorable

M. CHASSEING

89 rect.

Prescription dans l'intérêt global du patient et en coordination avec le médecin traitant

Défavorable

Mme SOUYRIS

82

Prescription dans l'intérêt global du patient

Défavorable

M. HOCHART

72

Renvoi vers le médecin lorsque l'infirmier le juge nécessaire

Défavorable

Mme POUMIROL

50

Coordination par le médecin de la conciliation médicamenteuse

Défavorable

M. CHASSEING

27 rect.

Reconnaissance de la compétence des pharmaciens en matière de conciliation médicamenteuse

Défavorable

Mme SOUYRIS

75

Ajout de l'évaluation et de la prévention de la perte d'autonomie parmi les missions des infirmiers

Défavorable

Mme SOUYRIS

76

Exercice de certaines missions infirmières en lien avec les associations agréées

Défavorable

M. HOCHART

70

Rétablissement des dispositions détaillant le contenu et l'objectif des soins relationnels

Défavorable

Mme AESCHLIMANN

13

Ajout de la participation à la réponse de l'État face aux crises sanitaires et aux situations d'urgence parmi les missions des infirmiers

Défavorable

Mme SOUYRIS

79

Ajout de la participation à la démarche d'accompagnement du patient face aux risques environnementaux parmi les missions des infirmiers

Défavorable

Mme BRULIN

38

Ajout d'un avis préalable des représentants des professionnels sur le décret fixant les domaines d'activités et de compétences

Favorable

Le Gouvernement

66

Suppression des dispositions prévoyant le lancement systématique d'une négociation sur la rémunération des infirmiers lors de l'actualisation de leurs actes

Sagesse

M. HENNO

8 rect.

Prise en compte de la pénibilité dans le cadre des négociations relatives à la rémunération des infirmiers

Défavorable

Mme MICOULEAU

21 rect.

Prise en compte de la pénibilité dans le cadre des négociations relatives à la rémunération des infirmiers

Défavorable

Mme BRULIN

40

Prise en compte de la pénibilité dans le cadre des négociations relatives à la rémunération des infirmiers

Défavorable

Articles additionnels après l'article 1er

M. CHASSEING

28 rect.

Reconnaissance du statut d'infirmier coordonnateur

Favorable

M. HOCHART

67

Demande de rapport sur la revalorisation des rémunérations des infirmiers

Défavorable

Mme BRULIN

37 rect.

Demande de rapport sur la création d'une quatrième année d'études infirmières

Défavorable

Mme SOUYRIS

77

Demande de rapport sur la création d'une quatrième année d'études infirmières

Défavorable

Mme POUMIROL

55 rect.

Demande de rapport sur la création d'une quatrième année d'études infirmières

Défavorable

Mme BRULIN

42 rect.

Demande de rapport sur les mesures d'attractivité à mettre en oeuvre pour le métier d'infirmier

Défavorable

Article 1er ter

Mme MULLER-BRONN

11 rect.

Suppression de l'article

Défavorable

Mme BRULIN

34

Suppression de l'article

Défavorable

Mme GACQUERRE

44 rect.

Suppression de l'article

Défavorable

M. JOMIER

61

Suppression de l'article

Défavorable

Le Gouvernement

65

Encadrement de la procédure d'évaluation des compétences pour les infirmiers après une interruption de carrière de plus de six ans

Sagesse

Mme IMBERT

59

Suppression de l'accompagnement à la reprise d'activité des infirmiers

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er ter

Mme AESCHLIMANN

88 rect. quinquies

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Mme GUILLOTIN

18 rect.

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Mme BILLON

26 rect.

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Mme BRULIN

35

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Mme MULLER-BRONN

45 rect.

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Mme GACQUERRE

46 rect.

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Mme POUMIROL

51

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Mme SOUYRIS

84

Reconnaissance des infirmiers scolaires comme une spécialité infirmière

Défavorable

Article 1er quater

Mme POUMIROL

52

Suppression de l'article

Défavorable

Mme POUMIROL

53

Extension du champ de l'expérimentation au rôle propre infirmier

Défavorable

Mme GUILLOTIN

60 rect. bis

Restriction du champ de l'expérimentation au rôle propre infirmier

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er quater

M. KHALIFÉ

4 rect.

Reconnaissance d'exercices infirmiers spécialisés nécessitant un diplôme universitaire de niveau master

Avis du Gouvernement

Mme GUILLOTIN

17 rect.

Reconnaissance d'exercices infirmiers spécialisés nécessitant un diplôme universitaire de niveau master

Avis du Gouvernement

M. THÉOPHILE

24

Reconnaissance d'exercices infirmiers spécialisés nécessitant un diplôme universitaire de niveau master

Avis du Gouvernement

Mme GACQUERRE

43 rect.

Reconnaissance d'exercices infirmiers spécialisés nécessitant un diplôme universitaire de niveau master

Avis du Gouvernement

Mme POUMIROL

58

Reconnaissance d'exercices infirmiers spécialisés nécessitant un diplôme universitaire de niveau master

Avis du Gouvernement

Article 2

Mme POUMIROL

54

Reconnaissance d'une forme de pratique avancée propre à chaque spécialité infirmière

Favorable si rectifié

M. HENNO

9 rect. bis

Reconnaissance des auxiliaires médicaux en pratique avancée comme profession médicale intermédiaire

Défavorable

M. CANÉVET

49 rect.

Reconnaissance des auxiliaires médicaux en pratique avancée comme profession médicale intermédiaire

Défavorable

Mme MICOULEAU

22

Orientation des domaines d'intervention des IPA vers une approche populationnelle

Favorable

Mme SCHILLINGER

7 rect. bis

Reconnaissance d'une forme de pratique avancée propre à chaque spécialité infirmière

Favorable

Le Gouvernement

64 rect.

Reconnaissance d'une forme de pratique avancée propre à chaque spécialité infirmière

Favorable

Mme BRULIN

36 rect.

Reconnaissance d'une forme de pratique avancée propre à chaque spécialité infirmière

Favorable si rectifié

M. THÉOPHILE

25 rect.

Rétablissement de la demande de rapport sur les mentions pour la formation d'IPA

Défavorable

Mme BOURCIER

92 rect. bis

Demande de rapport sur la création d'une convention nationale des infirmiers en pratique avancée

Défavorable

Articles additionnels après l'article 2

Mme SOUYRIS

86 rect. bis

Création de procédures particulières pour l'exercice en tant qu'infirmier de psychiatrie pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen

Défavorable

Mme SOUYRIS

87 rect. bis

Demande de rapport sur la création d'une spécialité de psychiatrie et de santé mentale

Défavorable

Mme GUILLOTIN

16 rect.

Demande de rapport sur l'inscription au remboursement d'actes effectués par les infirmières puéricultrices dans les services de protection maternelle et infantile

Défavorable

Mme BRULIN

41

Exclusion des formations infirmières de Parcoursup

Défavorable

M. HOCHART

71

Demande de rapport sur la création d'une mention "soins palliatifs" au diplôme d'IPA

Défavorable

Article 2 bis

Mme DEMAS

15

Amendement rédactionnel

Favorable

Mme DEMAS

14

Renvoi à la convention des infirmiers libéraux de la définition nationale de l'agglomération pour le calcul des indemnités kilométriques

Favorable

Articles additionnels après l'article 2 bis

M. HOCHART

69

Participation des infirmiers à la constitution des dossiers de demande auprès des maisons départementales des personnes handicapées

Défavorable

La réunion est close à 15 h 00.

Mardi 6 mai 2025

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 17 h 30.

Proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de Corinne Imbert et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, dont je suis le premier signataire, cosignée par 152 collègues, notamment Corinne Imbert et Bruno Rojouan.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'en est saisie pour avis, et je salue la présence parmi nous de son rapporteur, Bruno Rojouan.

Cette proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour des travaux de la semaine prochaine, à partir du lundi 12 mai ; 45 amendements ont été déposés sur ce texte. Après l'application des irrecevabilités et les retraits des auteurs, 41 restent soumis à notre examen.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'accès aux soins est l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. De nombreux textes de loi ont tenté ces dernières années d'apporter des réponses, sans parvenir à freiner la progression des difficultés constatées. Je pense, notamment, à la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist, et à la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, dite loi Valletoux, ainsi qu'aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) successives, dont notre commission a été saisie.

Pourtant, les insuffisances de l'offre dans les territoires persistent malgré des besoins en santé croissants. Depuis 2010, la France a gagné 4 millions d'habitants et leur âge moyen a augmenté de deux ans et demi. Chaque année, le nombre de patients en affection de longue durée (ALD) augmente, dans notre pays, de près de 3 %. Face à ces besoins en hausse, le nombre de professionnels libéraux apparaît insuffisant : la croissance du nombre des infirmiers ou des masseurs-kinésithérapeutes est réelle, mais insuffisante, et le nombre de médecins généralistes ou de médecins spécialistes libéraux accessibles en premier recours a diminué depuis dix ans.

Dans ce contexte général de raréfaction de l'offre, les inégalités territoriales d'accès aux soins continuent de se creuser. Depuis dix ans, le nombre de médecins a augmenté dans des départements déjà bien dotés, tels que les Hautes-Alpes et la Savoie, quand il chutait dans des départements déjà sinistrés, tels que l'Ariège et l'Ain. Les inégalités les plus fortes sont constatées à une échelle infradépartementale : les zones rurales ou suburbaines concentrent des difficultés d'accès à différentes professions de santé.

Pour répondre à cette situation, les initiatives se multiplient. Le Premier ministre vient d'annoncer un pacte pour lutter contre les déserts médicaux, dont devrait découler un plan d'action dès 2025.

Celui-ci semble avoir été préparé dans l'urgence, pour répondre à la proposition de loi portée par le député Guillaume Garot à l'Assemblée nationale. Ce texte, qui vise à lutter contre les déserts médicaux en restreignant la liberté d'installation et d'exercice des médecins, a suscité de nombreuses réactions d'opposition ces dernières semaines. Les professionnels, les étudiants, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et l'association Départements de France se sont ainsi exprimés contre une régulation coercitive de l'installation. Ces réactions illustrent la complexité du sujet, et la difficulté à définir les conditions d'une régulation équilibrée de l'offre de soins dans les territoires.

Dans le même temps, le groupe Les Républicains du Sénat s'est saisi de ces enjeux. La proposition de loi que nous examinons ce jour est le fruit d'une réflexion conduite depuis près de douze mois, au contact des acteurs de santé. Elle vise à construire des réponses partagées, durables et équilibrées, sans opposer les acteurs entre eux.

Trois principaux leviers d'action sont identifiés pour répondre au défi de l'accès aux soins : piloter la politique d'accès aux soins au plus près des territoires ; renforcer l'offre de soins dans les territoires les plus fragiles ; libérer du temps médical et favoriser les partages de compétences. Je les aborderai tour à tour.

Commençons, si vous le voulez bien, par le pilotage de la politique d'accès aux soins. Celui-ci revient aujourd'hui aux agences régionales de santé (ARS), chargées de mettre en oeuvre au niveau régional et infrarégional la politique nationale de santé en tenant compte des particularités de chaque région.

La généralisation des délégations départementales des ARS devait permettre d'atténuer cette hyperrégionalisation par une meilleure prise en compte des spécificités de chaque département. Pourtant, force est de constater que la territorialisation des politiques de santé reste trop fondée sur une logique descendante d'application des politiques établies au niveau régional. De ce fait, le département, acteur majeur en santé publique et dans le domaine médico-social, reste trop souvent un maillon secondaire dans la régulation de l'offre de santé sur son territoire.

Par ailleurs, l'analyse des enjeux liés à l'évolution de la démographie des professions de santé menée par l'observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) ne permet pas de répondre aux besoins des territoires, faute de prise en compte adéquate de ces besoins et des inégalités de densité médicale existantes. Comme nous avons pu l'entendre lors des auditions, la planification est trop centralisée et n'évolue que très peu en fonction des remontées régionales.

Cette évaluation est pourtant indispensable pour mettre en place une politique d'amélioration de l'accès aux soins réellement efficace.

Dans ce contexte, l'article 1er de la proposition de loi tend à renforcer le rôle du département afin d'améliorer l'évaluation des besoins en santé et la coordination des actions en matière d'accès aux soins. Elle vise à donner corps à sa compétence de promotion de l'accès aux soins en attribuant au département un rôle de coordination des politiques publiques en la matière, conjointement avec les ARS et les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).

Elle prévoit également de remplacer l'ONDPS et ses comités régionaux par un nouvel office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé, décliné au niveau départemental. Ces offices seraient présidés par le président du conseil départemental et chargés de l'identification des besoins en professions de santé dans le département et les territoires de santé concernés.

Par ailleurs, l'article 2 prévoit la création d'un comité de pilotage de l'accès aux soins associant les élus locaux afin de renforcer leur implication dans la définition de la stratégie nationale.

Attachée à une véritable territorialisation de la politique de santé, je soutiens la volonté de donner aux départements la capacité d'agir en matière d'accès aux soins et de définition des besoins en santé sur leur territoire. J'estime que l'échelle régionale, aujourd'hui privilégiée dans la définition des besoins en santé, ne permet pas de mesurer finement la diversité des situations locales.

Le département constitue l'échelle cohérente d'action en matière d'accès aux soins, entre proximité, réactivité et taille critique permettant la définition d'un projet cohérent.

Je présenterai tout à l'heure un amendement qui vise à renforcer le rôle des offices départementaux en prévoyant que l'identification des zones sous-denses ou sur-denses en professionnels ne pourra être réalisée par le directeur général de l'ARS qu'après avis conforme des offices départementaux concernés. Par ailleurs, il vise à ce que ce zonage soit désormais revu annuellement pour mieux l'adapter à l'évolution rapide des besoins de santé. Son adoption permettra de renverser la logique de construction du zonage et d'identification des besoins en assurant la prise en compte effective des besoins des territoires.

Le deuxième pilier de cette proposition de loi vise à renforcer l'offre de soins dans les territoires en tension.

L'article 3 vise à réduire les inégalités territoriales d'accès aux médecins en soumettant leur installation en zone sur-dense à une autorisation préalable du directeur général de l'ARS. Cette autorisation serait conditionnée, pour les médecins généralistes, à un engagement de leur part à exercer à temps partiel en zone sous-dense. Pour les médecins spécialistes, elle serait subordonnée à un tel engagement, à la cessation concomitante d'activité d'un confrère de la même spécialité dans la même zone ou, par dérogation, à une décision du directeur général de l'ARS motivée par la nécessité de l'installation pour maintenir l'accès aux soins dans le territoire.

Des mesures de régulation démographiques sont d'ores et déjà appliquées aux autres professions de santé. Le conventionnement des professionnels est ainsi régulé dans les zones les mieux dotées depuis 2008 pour les infirmiers, depuis 2018 pour les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes et depuis le 1er janvier 2025 pour les chirurgiens-dentistes. L'ouverture de pharmacies d'officine est, quant à elle, conditionnée au respect de seuils démographiques fixés par la loi sur l'ensemble du territoire national. L'efficacité de ces mesures pour stabiliser les effectifs dans les zones sur-denses et limiter les écarts constatés en matière d'accès à ces professionnels est désormais bien documentée.

Je crois que l'ampleur et l'aggravation des inégalités d'accès aux médecins justifient pleinement ces dispositions. La mesure préserve la liberté d'installation des médecins, en permettant à ces derniers d'exercer où ils le souhaitent. Elle contraint, en revanche, ceux d'entre eux qui choisiraient de s'installer dans les territoires les mieux dotés à contribuer activement à la maîtrise des inégalités d'accès, par des consultations avancées.

Les médecins concernés devront être accompagnés : l'article prévoit un soutien financier de l'assurance maladie destiné à contribuer aux investissements nécessaires à la conduite d'une activité secondaire.

Pour garantir l'effectivité de cette mesure, il est, par ailleurs, apparu nécessaire d'assortir de garanties légales la possibilité, pour les médecins, d'exercer en cabinet secondaire et de simplifier l'ouverture de ces structures. C'est l'objet de l'article 4.

Pour inciter les médecins à s'installer dans les zones sous-denses ou à y réaliser une part de leur activité, l'article 5 vise à inviter, par ailleurs, les partenaires conventionnels à définir, dans la convention médicale, des tarifs spécifiques applicables dans tout ou partie des zones sous-denses. Il prévoit le lancement sans délai d'une négociation en ce sens lors de la promulgation de la présente loi et l'entrée en vigueur immédiate des tarifs spécifiques qui en résulteront.

Ces tarifs spécifiques ne constitueront pas des dépassements d'honoraires : ils seront pris en charge, conjointement, par l'assurance maladie et les complémentaires, dans le cadre des contrats solidaires et responsables, et ne viendront pas, en conséquence, aggraver le reste à charge des patients concernés. C'est pourquoi je vous proposerai de soutenir ces dispositions.

Diverses mesures visent par ailleurs à assouplir les conditions de déploiement d'une offre de santé dans les territoires les plus fragiles.

Ainsi, l'article 6 prévoit de faciliter les remplacements de médecins, de chirurgiens-dentistes et de sages-femmes, lorsque ceux-ci s'absentent ponctuellement de leur cabinet pour concourir au maintien d'une offre de soins dans les zones sous-dotées, en ville ou à l'hôpital. Les conditions très restrictives du remplacement prévues par les codes de déontologie de chaque profession limitent fortement cette possibilité. Il paraît donc souhaitable de les assouplir, dans l'intérêt des usagers.

D'autres mesures sont directement inspirées d'initiatives locales. C'est le cas de l'article 7, qui propose de mener une expérimentation permettant de soutenir le modèle des centres de santé développé par l'association Médecins solidaires. Depuis deux ans, cette association a ouvert huit centres de santé médicaux et pluriprofessionnels dans des zones sous-denses. Reposant sur du temps médical partagé et une rotation hebdomadaire des médecins, le modèle semble faire ses preuves sur le terrain : en 2023, 2 710 patients ont retrouvé un médecin traitant dans l'un de ces centres. Il présente néanmoins des fragilités au regard du droit du travail et nécessite d'être consolidé pour pouvoir se développer. C'est l'objet de l'expérimentation, qui permettra de sécuriser le fonctionnement des centres existants, et autorisera l'ouverture de nouveaux centres de santé dans les territoires ruraux isolés. Il me semble utile de rappeler, à cet égard, que la pérennité de nombreux centres de santé pluriprofessionnels demeure conditionnée à la consolidation de leur modèle financier. Il est urgent que le Gouvernement prenne des engagements sur ce sujet.

Enfin, les articles 8, 9 et 10 visent à améliorer les conditions d'accès des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) à l'autorisation d'exercice en France. De l'avis unanime des acteurs auditionnés, la procédure d'autorisation d'exercice, bien que maintes fois réformée, mérite d'être simplifiée et adaptée à la diversité des profils des candidats.

La publication des résultats des épreuves anonymes de vérification des connaissances (EVC) de 2024, en début d'année, a d'ailleurs à nouveau suscité de vives critiques. Dans ce contexte, le ministre de la santé a annoncé son intention de faire évoluer le concours des EVC dans les prochains mois.

Les articles 8 à 10 de la proposition de loi ont pour objet, respectivement, de renforcer la portée de l'évaluation des besoins en nombre de postes à pourvoir, de confier l'évaluation des Padhue, au terme de leur parcours de consolidation des compétences, aux acteurs locaux chargés de leur supervision, et d'accélérer la délivrance des autorisations d'exercice.

Plus précisément, l'article 8 inscrit dans la loi les critères permettant de fixer le nombre de places ouvertes chaque année aux EVC. Aucun texte ne définit aujourd'hui ces critères, qui devaient pourtant être arrêtés par la réglementation. Le nombre de places ouvertes au concours est par ailleurs érigé en objectif quantitatif d'admission des candidats, sans que cela ne porte atteinte à la souveraineté des jurys.

L'article 9 prévoit de simplifier la procédure d'autorisation d'exercice à l'issue du parcours de consolidation de compétences, d'une part, en supprimant l'avis de la commission nationale et, d'autre part, en raccourcissant le délai de délivrance de l'autorisation d'exercice.

Le ministère s'est dit favorable à la substitution de l'avis des autorités médicales locales à celui de la commission nationale d'autorisation d'exercice. Toutefois, les conseils nationaux des ordres professionnels ont unanimement exprimé leurs réticences quant au fait de confier l'évaluation du candidat aux autorités chargées de son encadrement. Cette procédure, qui ne serait pas exempte de conflit d'intérêts pour les établissements d'affectation, pourrait entacher l'impartialité de l'évaluation et conduire à dégrader le niveau d'exigence, au préjudice de la qualité et de la sécurité des soins.

Sensible à ces arguments, je vous proposerai un amendement de réécriture globale, visant à réorienter le dispositif pour préserver l'avis de la commission nationale, tout en confiant aux acteurs locaux un pouvoir autonome d'évaluation du candidat, permettant de raccourcir la durée du parcours de consolidation des compétences. Ce même amendement tend à consolider les dispositions encadrant le délai de délivrance de l'autorisation d'exercice, en prévoyant que le silence gardé par l'autorité compétente dans un délai de quatre mois vaut approbation lorsque la commission nationale ne prescrit pas de prolongation de stage.

Quant à l'article 10, il vise à servir un objectif d'accès aux soins en soutenant l'affectation des Padhue dans les structures d'exercice coordonné en ville. Bien qu'autorisées depuis la loi Valletoux, ces affectations ne sont toujours pas mises en oeuvre.

Enfin, la proposition de loi porte diverses mesures destinées à augmenter et mieux allouer le temps médical disponible : il s'agit du troisième pilier.

Quatre articles visent à renforcer les partages de compétences.

L'article 11 favorise les transferts d'activités ou d'actes entre professionnels volontaires, en faisant figurer la coopération interprofessionnelle et le recours à des protocoles de coopération parmi les missions des principales structures d'exercice coordonné, partageant une patientèle commune - équipes de soins primaires, centres de santé, maisons de santé pluriprofessionnelles. Il est soutenu par la très grande majorité des professionnels que j'ai auditionnés.

L'article 12 autorise les pharmaciens d'officine à contribuer à l'évaluation et à la prise en charge de situations cliniques dont la liste sera dressée par arrêté, ainsi qu'à l'orientation du patient dans le parcours de soins. L'expérimentation Osys (Orientation dans le SYstème de Soins), lancée en 2021, a montré l'intérêt de s'appuyer ainsi sur le maillage officinal pour diminuer les recours inappropriés aux urgences, libérer du temps médical et favoriser l'accès aux soins de proximité. Je vous proposerai deux amendements visant à sécuriser la mise en oeuvre de ces dispositions et à confier à l'arrêté le soin de prévoir les modalités de prise en charge associées, en lien avec le médecin traitant.

Lorsqu'elle a été reconnue en 2016, la pratique avancée infirmière était conçue comme une partie de la réponse aux difficultés d'accès aux soins sur les territoires. Pour autant, le coût direct et indirect de la formation et un modèle économique inadapté, voire défaillant, ont conduit à un déploiement très inférieur aux attentes : l'objectif de 3 000 infirmiers en pratique avancée (IPA) en exercice pour 2022 n'est, plus de trois ans après, toujours pas atteint. Dans ces conditions, les articles 13 et 14 prévoient - enfin !, me direz-vous - les moyens nécessaires pour accélérer le déploiement de la pratique avancée.

L'article 13 prévoit un maintien de rémunération partiel pour les infirmières diplômées d'État (IDE) libérales se formant à la pratique avancée, une mesure qui simplifiera le paysage des aides existantes et permettra de systématiser leur attribution pour lever des barrières à l'entrée en formation.

Quant à l'article 14, il révise en profondeur le modèle économique des IPA en ville, en systématisant une part de tarification à l'activité en plus des forfaits perçus pour les patients réguliers et en créant un nouveau forfait visant à valoriser les activités des IPA en matière d'orientation, d'éducation, de prévention ou de dépistage.

Trois articles visent à mieux allouer le temps médical disponible.

Afin d'améliorer l'efficacité thérapeutique et organisationnelle des cabinets médicaux, l'article 15 prévoit la création d'une aide conventionnelle à l'acquisition et au fonctionnement des équipements et des logiciels ayant vocation à assister les médecins dans leur pratique quotidienne. Je vous proposerai un amendement visant à recentrer l'aide sur les dispositifs innovants, pour lesquels les besoins de financement sont les moins bien couverts par les outils existants.

Enfin, alors que nul n'ignore les difficultés d'accès aux médecins sur le territoire, il n'est plus acceptable que ceux-ci perdent, en moyenne, six à huit consultations par semaine à remplir des certificats bien souvent superfétatoires, voire inutiles. Rejoignant le souci des syndicats de médecins et de l'ordre, les articles 16 et 17 de cette proposition de loi, déjà adoptés par le Sénat lors de l'examen de la loi dite Valletoux, visent à supprimer deux certificats médicaux superflus.

L'article 16 tend à remplacer, sauf exception, les certificats médicaux pour la pratique sportive des majeurs par des autoquestionnaires : il s'agit d'une harmonisation avec le droit applicable aux mineurs. L'article 17 vise à substituer une déclaration sur l'honneur au certificat médical aujourd'hui nécessaire pour recourir au congé pour enfant malade. L'encadrement de ce congé, plafonné à trois jours par an et non rémunéré, apparaît suffisant pour limiter les risques de dérives pour les entreprises.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitue, selon moi, un texte équilibré. Les mesures qu'elle comporte permettront de mieux estimer les besoins de santé des territoires et contribueront à freiner la progression des inégalités territoriales d'accès aux soins, dont l'ampleur désormais inacceptable abîme notre pacte républicain.

Parmi les nombreuses initiatives récentes, je souhaite qu'elle constitue une voie de compromis et vous invite, en conséquence, à la soutenir ce soir.

Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives au pilotage des politiques publiques d'accès aux soins et aux compétences des collectivités territoriales en la matière ; à l'évaluation des besoins de santé et à l'analyse de la démographie des professionnels de santé, aux échelles nationale et territoriale ; aux conditions d'installation et d'exercice et aux compétences des professionnels de santé ; aux conventions professionnelles conclues entre l'assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé ; à l'organisation des structures d'exercice coordonné ; aux conditions d'autorisation d'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne ; aux certificats médicaux prévus par la loi, et à l'information du Parlement, des élus et des citoyens en matière d'accès aux soins. En revanche, je considère que ne présentent pas de lien, même indirect, avec le texte, des amendements relatifs au statut et à l'organisation des établissements de santé ; à l'approvisionnement en médicaments ; aux conditions de représentation des professionnels de santé et à l'organisation et le contenu de la formation initiale des professions de santé.

Il en est ainsi décidé.

M. Bruno Rojouan, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je tiens à dire combien j'ai apprécié l'excellente collaboration entre la commission que je représente et votre commission des affaires sociales, au travers de son président et sa rapporteure.

Vue de ma commission, cette coopération est remarquable, presque inédite dans la pratique sénatoriale. Et cela revêt pour nous une importance toute particulière : c'est la reconnaissance du rôle que joue la démographie médicale dans l'aménagement du territoire. Ce lien, nous le partageons profondément, car nous avons tous ici à coeur de garantir un égal accès aux soins pour les Français.

Il n'y a pas une réunion dans nos territoires, avec des élus ou des acteurs locaux, où cette problématique n'est pas soulevée. Comme certains l'ont souligné, c'est un véritable enjeu républicain. Et, à ce jour, ce pacte républicain en matière de santé reste peu perceptible pour nos concitoyens.

C'est pourquoi je tiens à saluer cette proposition de loi, qui cherche un équilibre entre des acteurs souvent difficiles à faire converger : votre commission, naturellement au coeur du sujet ; la nôtre, plus périphérique sur le fond, mais pleinement concernée par ses conséquences sur l'aménagement des territoires ; une partie du corps médical, en mutation et plus ouvert à de nouvelles approches ; et bien sûr, le Gouvernement.

Je veux aussi souligner que les associations de patients, que nous avons auditionnées, ont offert un accueil plutôt favorable à cette proposition de loi. Certes, elle ne satisfait pas toutes les attentes, mais elle marque une avancée reconnue. Et cela compte, car notre objectif commun est de répondre aux besoins des patients, et non pas de rester enfermés dans une logique strictement professionnelle. Ainsi, ce texte représente une avancée décisive.

Deux dispositions retiennent particulièrement notre attention. La première, que j'appelle la règle d'installation, permet d'orienter l'installation des médecins généralistes vers les territoires sous-dotés, en instaurant un exercice partiel dans ces zones. Contrairement à certaines inquiétudes, il ne s'agit pas de les éloigner de 100 kilomètres de leur site d'exercice principal : souvent, à 10 kilomètres à peine, on trouve déjà un territoire en grande difficulté d'accès aux soins. Cette logique s'appuie aussi sur les nombreux cabinets vacants - notamment dans les maisons de santé -, qui ne demandent qu'à être réutilisés. Le cabinet secondaire, dans ce contexte, peut devenir un levier fort et concret.

La deuxième mesure importante est le principe du « un pour un » pour les médecins spécialistes : un départ ouvre la possibilité d'une nouvelle installation dans la même spécialité, tout en gardant une marge d'appréciation. Parce que, oui, dans certains territoires, la démographie évolue, et un spécialiste supplémentaire peut être nécessaire. Ce texte recherche intelligemment un équilibre entre incitation et régulation, loin des caricatures de la coercition que certains agitent.

Enfin, je veux insister sur le rôle des élus locaux, que notre commission a particulièrement défendu. Les ARS et les services de l'État ont leur place, mais ils ne doivent pas être les seuls à juger de la pertinence des besoins. Le choix d'un échelon départemental pour le zonage est, à nos yeux, pertinent : les conseils départementaux connaissent finement leur territoire et sont en mesure d'identifier les besoins médicaux réels, spécialité par spécialité.

En somme, cette proposition de loi constitue, selon nous, un levier essentiel pour améliorer l'accès aux soins pour tous. Et je me réjouis de vous annoncer que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté mon rapport cet après-midi avec enthousiasme.

Mme Corinne Bourcier. - Je remercie notre rapporteure Corinne Imbert pour son travail. J'ai cosigné cette proposition de loi, car nos concitoyens attendent de nouvelles orientations pour l'accès au soin.

Je regrette la multiplication des propositions de loi sur l'accès aux soins - je l'ai déjà dit hier, lors de l'examen de la proposition de loi sur la profession d'infirmier. Il vaudrait mieux un texte global !

Cette proposition de loi compte de nombreux articles. Nous avons besoin d'être éclairés sur son contenu, et je vais donc vous poser plusieurs questions, de manière aussi concise que possible.

Est-il utile de créer à l'article 2 un nouveau comité de pilotage, alors que l'article 1er crée déjà un Office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé, ainsi que des offices départementaux d'évaluation de la démographie des professions de santé, dont les missions pourraient être élargies ?

Pouvez-vous préciser les modalités d'application concrètes des conditions d'installation prévues à l'article 3 : quelle distance entre les deux lieux d'exercice et quelle durée d'exercice partiel seraient retenues ? En outre, une majoration de la contribution de l'assurance maladie est-elle prévue pour l'exercice en zone sous-dense ?

L'article 13 prévoit un maintien partiel des revenus pour les auxiliaires médicaux engagés dans une formation en pratique avancée. Cela concerne-t-il tous les auxiliaires médicaux ou seulement les IPA ? Les masseurs-kinésithérapeutes en pratique avancée sont-ils concernés ?

Une mise à jour plus fréquente du zonage de l'offre de soins, une fois par an plutôt que tous les deux ans, serait-elle envisageable afin de favoriser l'acceptabilité des mesures de restriction à l'installation ? Enfin, une meilleure intégration des médecins au comité de pilotage de l'accès aux soins créé à l'article 2 ne permettrait-elle pas de mieux assurer l'acceptabilité des mesures contraignantes ?

Mme Annie Le Houerou. - Je ne reviens pas sur le diagnostic que nous partageons : la situation est plus que préoccupante, les élus comme la population abordant avec angoisse la question de l'accès aux soins. Diverses réponses se concrétisent : le travail transpartisan de l'Assemblée nationale avec la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux de M. Garot, le texte que nous examinons, les déclarations récentes du Premier ministre, ou encore la proposition de loi sur la profession d'infirmier que nous avons examinée hier en séance publique. Toutefois, il faut une vision plus globale et mieux structurée de notre système de santé, que le présent texte ne fournit pas.

Je concentrerai mon propos sur les articles 1er et 2, qui concernent le pilotage de la politique de santé au plus près des territoires. Il est proposé de remplacer l'Observatoire national de la démographie des professionnels de santé par un office national d'évaluation de la démographie des professionnels de santé. À ce stade, je ne perçois pas la valeur ajoutée du changement de nom et de mission de cet office. Pourquoi ne pas améliorer les outils existants ? Compte tenu de la dénonciation actuelle du nombre pléthorique d'agences et d'offices, nous aurions intérêt à simplifier.

Je le comprends, il s'agit de redonner de la consistance à l'échelon départemental, jusqu'à lui confier la présidence des offices départementaux. Départements de France a émis un avis plutôt favorable à cette idée, mais comment cela s'articulera-t-il avec les outils existants, qui ne sont pas modifiés ? Par définition, les ARS sont compétentes pour faire remonter les diagnostics et les données en question. La situation est certes diverse selon les départements, mais les conseils territoriaux de santé et les contrats locaux de santé organisent aussi l'offre de soins au plus près des territoires. En Bretagne, dans les Côtes-d'Armor, parmi les cinq territoires de santé, trois sont à cheval entre plusieurs départements, avec l'Ille-et-Vilaine, le Morbihan ou le Finistère. Comment prendre en compte ces réalités dans une logique départementale ? Je m'interroge quant à la faisabilité technique du dispositif proposé et à la clarification de la politique de santé qui pourrait en résulter.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Évidemment, je me soucie de la situation de l'accès aux soins dans les territoires. Cette préoccupation doit nous occuper à chaque instant. Cependant, la multiplication de propositions de loi dont les dispositions se superposent et d'annonces du Gouvernement entraîne une confusion totale : comment expliquer à nos concitoyens ce que font les politiques ?

La situation est déplorable : elle crée un malaise, un découragement, surtout auprès des jeunes, sur lesquels tout repose. Nous avons trop tardé à agir sur ce sujet pendant des années, ce qui est aujourd'hui problématique. S'il est si difficile d'organiser l'accès aux soins, c'est aussi parce que nous en sommes à un changement de génération : alors que les anciens médecins de famille donnaient beaucoup de temps à leurs patients, la nouvelle génération demande légitimement à pouvoir s'épanouir d'un point de vue familial, personnel ou culturel. Le temps que cette transition ait lieu, la population vieillissante nécessite de plus en plus de soins. Il faut augmenter le nombre de médecins, car ceux-ci donnent moins de temps médical. Beaucoup de choses ont été faites ces dernières années - création des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), de pôles de santé, aménagement des politiques de soins, etc. -, mais, je le concède, cela ne suffit pas.

Je n'ai pas cosigné cette proposition de loi, et je m'abstiendrai sur certains articles. En revanche, d'autres idées me conviennent parfaitement, comme celle consistant à proposer la première année des études de médecine dans chaque département. On le sait aujourd'hui, la plupart des jeunes médecins s'installent là où ils ont commencé leurs études.

Mme Émilienne Poumirol. - Cette proposition figure dans le pacte sur les déserts médicaux du Premier Ministre !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. -Je soutiens néanmoins cette mesure, que nous avons expérimentée en Mayenne, qui répond vraiment aux enjeux d'accès aux soins. De moins en moins de jeunes médecins choisissent la médecine générale, parce que nous imposons aux jeunes médecins généralistes des choses impossibles, et parce que certaines prises de parole sont intolérables. Certains avancent que, comme leurs études sont gratuites, il faudrait qu'ils nous donnent davantage, alors qu'ils donnent déjà beaucoup durant leur internat ou leur externat. Le climat est épouvantable, et les jeunes risquent de ne plus choisir la médecine générale.

Comment cette proposition de loi sera-t-elle articulée avec les mesures annoncées par le Gouvernement ?

Je fais part de mon admiration à ceux qui s'intéressent à ce sujet, mais il ne faudrait pas essayer toutes les solutions au prétexte qu'on ne les a pas déjà essayées auparavant. Faisons attention : dans la presse, certains avancent que ces mesures régleront le problème des déserts médicaux, mais c'est de la poudre aux yeux. Le véritable problème, c'est le zonage : 87 % du territoire est sous-doté. A-t-on pris en compte le fait qu'il faudra remplacer les médecins vieillissants dans les zones surdotées ? Il y a beaucoup de confusion, et le texte ne participera pas à soutenir les vocations des jeunes médecins. C'est en prenant les problèmes à bras le corps, en recherchant une organisation territoriale cohérente au niveau local que l'on pourra répondre à cette problématique.

M. Jean-Luc Fichet. - Je siège au Sénat depuis 2008. Nous posons la question des déserts médicaux depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), portée par Roselyne Bachelot. En 2013, Hervé Maurey et moi-même avions rédigé un rapport sur ce sujet, dont l'une des propositions était d'envisager une forme de coercition pour les premières années d'exercice. Depuis, sous les différents ministres de la santé, nous avons multiplié les mesures incitatives, mais celles-ci ne suffisent pas. Les départements, les communes et les intercommunalités ont pris des initiatives pour répondre aux attentes des médecins. En tout, vingt-quatre dispositifs se superposent, engageant des moyens financiers considérables. À plusieurs reprises, j'ai demandé aux ministres de la santé des chiffres consolidés sur ces mesures incitant les jeunes médecins à s'installer dans les déserts médicaux, mais je n'ai jamais reçu de réponse. Ces sommes sont considérables, mais les déserts médicaux sont bien plus étendus qu'auparavant.

Je ne reviens pas sur les problèmes soulevés par Annie Le Houerou. Le Gouvernement a proposé deux jours par mois de présence dans les zones sous-dotées, mais nous savons déjà que cela ne fonctionnera pas. Qui aménagera les locaux, qui financera le matériel nécessaire ? L'assurance maladie financerait une part des investissements, mais nous savons très bien que cela ne sera jamais suffisant, et que les maires et les collectivités locales seront mises en concurrence, comme depuis de nombreuses années. Sur la question des transports, la mairie de Nevers paie 100 000 euros de billets d'avion par an pour transporter des médecins spécialistes au centre hospitalier universitaire (CHU), et se déclare d'ailleurs prête à multiplier cette somme par trois ou quatre afin d'assurer l'offre de soins !

Les médecins qui devront accorder deux journées par mois aux zones sous-dotées...

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Qu'il n'y ait pas de confusion sur ce sujet, il s'agit là d'une annonce du Premier ministre, et non d'une disposition de cette proposition de loi.

M. Jean-Luc Fichet. - La question demeure : qui seront les remplaçants des médecins s'absentant pour compenser le manque de spécialistes dans les zones sous-dotées ?

Il est avancé qu'une petite partie des surcoûts engendrés incombera aux patients, et que les complémentaires pourront les rembourser, mais un certain nombre de nos concitoyens ne disposent pas de complémentaire. Ils subiront donc une hausse du reste à charge du fait de la lutte contre la désertification médicale.

Une dérogation au code du travail est également prévue pour permettre aux centres de santé d'embaucher du personnel en CDD pour des durées courtes jusqu'à cinq ans ; mais de quel personnel exactement est-il question ?

Il y a aussi la question des Padhue. On dit qu'il faut alléger le dispositif et que ceux-ci devront exercer là où nous aurons besoin d'eux. Une forme de coercition n'existant pas pour les autres médecins sera donc exercée à leur égard.

Plus globalement, les auteurs de la proposition de loi refusent de s'attaquer à la question de la désertification médicale. Comment véritablement associer les élus ? Nous savons bien quelles sont les compétences des ARS, qui font leur travail tant à l'échelon régional qu'à l'échelon départemental. Les départements sont déjà en position de demander aux ARS quels sont les besoins dans leurs territoires, mais préciser les besoins des départements au niveau du comité de pilotage ne changera pas grand-chose : les médecins ne voulant pas se rendre dans certaines zones ne s'y rendront pas. Tout cela nécessite de nombreux éclaircissements. Sincèrement, il me semble que cette proposition de loi ne résoudra pas le problème des déserts médicaux.

M. Bernard Jomier. - Ce texte est intéressant, complexe, mais inachevé. Monsieur Rojouan, la situation ne sera significativement améliorée qu'à l'automne 2026, avec l'arrivée de 3 500 jeunes médecins généralistes dans les départements.

M. Alain Milon. - Bien sûr !

M. Bernard Jomier. - Il faut le dire à toutes les autorités : nous devons aujourd'hui préparer cette échéance, nous occuper de l'hébergement et du transport de ces jeunes, qui ne resteront pas dans les territoires s'ils ne peuvent pas y mener leur vie personnelle. Cela compte tout autant que les conditions pédagogiques d'exercice qu'ils trouveront.

M. Olivier Henno. - C'est vrai.

M. Bernard Jomier. - En moyenne, chaque département disposera de trente médecins supplémentaires, de manière pérenne, puisque cette mesure se renouvellera chaque année. L'autre mesure qui permettra d'améliorer la situation, c'est la hausse du nombre d'étudiants formés, dont les effets commencent à se faire sentir, puisque les CHU ne retiennent plus à tout prix les jeunes internes. Les dispositions de ce texte ne changeront donc pas grand-chose. Il faut revoir le zonage : toute politique publique qui s'appuie sur 3 % du territoire pour résoudre le problème dans les 97 % restants est vouée à l'échec.

Ce texte propose cependant des mesures intéressantes consistant à renverser la verticalité, à adopter une approche territoriale et à favoriser la maille départementale. À l'article 1er, le code de la santé publique est modifié afin de préciser que le département coordonne les actions en faveur de l'offre de soins. Selon son intitulé, la proposition de loi vise à améliorer l'accès aux soins, mais pour cela il faut tenir compte non pas seulement de l'offre de soins, mais aussi des priorités et des demandes de santé. Ces questionnements font défaut dans le texte : les priorités de santé diffèrent selon les départements, qui ne se caractérisent ni par les mêmes prévalences des pathologies ni par les mêmes conditions d'accès aux soins périnataux.

Le texte est en réalité une ébauche, qui a du sens, mais qui n'est pas aboutie. Concrètement, le seul dispositif mis sur la table est la création de l'office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé. Il n'est d'ailleurs pas précisé si l'ONDPS est supprimé ou si les dispositifs s'empilent. Il y a une dissonance entre l'intention des auteurs et sa traduction concrète.

Je reste perplexe pour amender ce texte. Le périmètre de l'article 45 est d'ailleurs très large : le texte porte sur les compétences des collectivités territoriales et sur le pilotage de la politique de santé. L'article 2 modifie en effet le pilotage de la politique de santé, touchant à l'un des points fondamentaux du code de la santé publique, uniquement pour créer un office national supplémentaire : c'est là qu'il y a dissonance. Nous essayerons de faire des propositions pour améliorer ce texte. Cet examen doit nous donner l'occasion d'affirmer que les priorités de santé doivent être discutées à l'échelle départementale, avec l'ensemble des acteurs et qu'il faut inverser la verticalité dans la détermination des priorités de santé.

Je rejoins Élisabeth Doineau : il n'est pas juste de faire porter le dispositif uniquement sur les jeunes. Je préfère la proposition du Premier ministre, selon laquelle tous les médecins installés en zone sur-dense devraient participer à un dispositif de solidarité. Le principe de solidarité doit s'appliquer à tout le monde et non seulement aux jeunes.

En outre, des ambiguïtés demeurent. Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, « l'article 5 propose d'autoriser les médecins à pratiquer des dépassements d'honoraires en zone sous-dense », mais Mme Imbert nous dit qu'il s'agira d'honoraires spécifiques. Dans l'article 5 en question, le point est renvoyé au contenu des discussions des conventions nationales. Au lieu de dire qui paiera, tout est renvoyé aux conventions. Il faudra clarifier cette question, car ces dépassements d'honoraires ne sont pas acceptables : il n'est pas question qu'en zone sous-dense, des patients peinant déjà à consulter un médecin doivent payer plus.

Mme Émilienne Poumirol. - Nous sommes nombreux à travailler ces sujets complexes depuis longtemps. Si personne n'a trouvé de solution miracle, c'est que celle-ci n'existe pas. J'ai entendu la position de Départements de France : il est intéressant de confier la mission d'évaluation des besoins aux départements, mais il faut préciser comment ceux-ci pourront financer cette compétence supplémentaire alors qu'ils ont déjà du mal à assumer toutes leurs missions.

Sur la troisième partie du texte, je suis une fervente défenseure de l'équipe de santé pluriprofessionnelle de proximité, du travail partagé, soit en MSP, ainsi que cela était prévu par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui a permis la réforme « Ma santé 2022 », soit dans des centres de santé, ou même dans les équipes de soins primaires, qui peuvent constituer un premier maillon avant la structuration en MSP. De manière généreuse et avec de bonnes intentions, l'article 11 vise à favoriser leur travail. Mais sur le plan pratique, il faut des actes forts pour élaborer de manière concertée des projets de santé locaux dans les territoires, en s'assurant que plus aucune commune ne construise des bâtiments qui restent vides. Il faut partir des projets de santé élaborés avec les professionnels avant de construire les bâtiments. Nous avons besoin de précisions à ce sujet, et la rédaction proposée à l'article 11 paraît insuffisante.

À plusieurs reprises, nous avons conféré de nouvelles compétences aux pharmaciens, qui ne sont pas là pour remplacer les médecins. Toutefois, une meilleure collaboration vaut mieux que toute nouvelle disposition législative, comme celle prévue à l'article 12.

Enfin, l'article 16 prévoit de remplacer les certificats médicaux pour la pratique sportive par un autoquestionnaire. Je ne suis élue que depuis 2020 ; en trente-huit ans d'expérience en médecine générale, je n'ai pas passé mon temps à faire de tels certificats. Qui sera responsable en cas d'accident ? Je ne suis pas favorable à ce que ces questionnaires puissent être utilisés pour tous les sports.

M. Daniel Chasseing. - Pour rejoindre les propos de Bruno Rojouan, il me semble que cette proposition de loi rendra service à la population. Je ne reviens pas sur les inégalités territoriales : dans les communes de plus de 100 000 habitants, seuls 4 % des habitants ont des problèmes pour accéder aux soins, contre plus de 20 % dans les communes rurales ou périphériques.

Lors d'une visite dans le Cantal, le Premier ministre a proposé un pacte pour les déserts médicaux, prévoyant d'imposer deux jours de présence par mois dans les zones sous-dotées. Je n'y vois pas de contradiction avec les mesures de cette proposition de loi.

Le député Guillaume Garot a proposé d'arrêter les installations de médecins en zone hyperdense. Effectivement, cette mesure rencontre une opposition forte de la part tant des praticiens que des étudiants qui, s'ils ne sont pas forcément enthousiastes à l'égard de cette proposition de loi, n'y sont pas non plus opposés.

À l'article 1er, le département est considéré comme un maillon fort. Il faut en effet renforcer le rôle du département, car son président, les conseillers départementaux et les élus locaux connaissent parfaitement leur canton. Je ne reviens pas sur les doublons que pourrait occasionner la création de l'office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé, des offices départementaux d'évaluation de la démographie des professions de santé et du comité de pilotage. Effectivement, l'ARS sera présente dans la commission. Il est très bien que le département pilote l'installation des professionnels de santé, même si j'ai déposé un amendement pour que les associations des maires puissent participer à la réflexion.

La proposition de loi prévoit de conditionner l'autorisation de s'installer en zone hyperdense à un engagement à exercer en zone sous-dense. Certes, il s'agit d'une contrainte, mais celle-ci n'est pas extraordinaire. Les médecins comprennent la situation et prennent la mesure des difficultés des territoires ruraux. S'ils ne sont pas enthousiastes, ils sont plutôt d'accord. Les spécialistes ne seraient autorisés à s'installer en zone hyperdense qu'à condition qu'un praticien de même spécialité quitte la zone.

Madame Poumirol, il faut évidemment travailler en équipe, mais l'absence de médecin signe la mort d'une commune, d'une pharmacie et de tout le secteur médico-social ! Il faut tenter des choses, au lieu de tout rejeter.

Il est proposé de simplifier la procédure d'autorisation des Padhue en la confiant aux acteurs locaux. Cela me semble complètement logique : qui mieux que les chefs de pôle ou de service connaissent ces praticiens ?

Même si le pharmacien n'a pas vocation à remplacer le médecin, il est ouvert du lundi au samedi. C'est le professionnel de santé que l'on va voir lorsqu'on ne peut pas consulter un médecin.

Les IPA en mention « pathologies chroniques stabilisées, prévention et polypathologies courantes en soins primaires » exercent parfois dans des maisons de santé, travaillant avec des médecins pour permettre à ceux-ci d'augmenter leur patientèle. Mais ils ne peuvent pas vivre de leur travail s'il s'agit de la seule source de leurs revenus ! Le forfait est trop bas, et il faut absolument passer à la rémunération à l'acte. De nombreux IPA n'exercent qu'à mi-temps pour pouvoir s'assurer par ailleurs de quoi vivre ! Pour toutes ces raisons, je soutiendrai totalement cette proposition de loi.

Mme Florence Lassarade. - Je serai brève : qu'entend-on par « zone sur-dense » ? Ne vaudrait-il pas mieux parler de « zone normo-dense » ? On parle de conditionner l'installation de spécialistes au départ de médecins exerçant dans la même spécialité, mais que faire dans les zones où il n'y a plus de spécialistes ? Parle-t-on du nombre actuel de spécialistes ou du nombre de spécialistes qui exerçaient il y a cinq ou dix ans ?

À l'échelle du département, s'agit-il d'associer le conseil départemental de l'ordre des médecins ? Tous les médecins ne sont pas interchangeables : une analyse plus fine de l'installation devrait être confiée à l'ordre.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Je ne fais pas partie du milieu de la santé, et j'aborde la question plutôt du côté des patients. Même si j'ai participé à nos travaux sur la désertification médicale, je n'ai pas cosigné cette proposition de loi, car deux points m'interpellent.

J'ai rencontré de nombreux patients qui n'ont plus de médecin, qui doivent faire plus de 100 kilomètres pour rencontrer un spécialiste, et doivent souvent attendre plus de six mois pour obtenir un rendez-vous. Je ne parle pas des autres embûches que représentent les zones à faibles émissions (ZFE) et les systèmes de stationnement dans les centres urbains, qui déstabilisent un peu plus les habitants du milieu rural, qui se sentent abandonnés.

Compte tenu de la situation, et d'autant plus si elle n'est que temporaire, j'ai toujours souhaité une certaine régulation de l'installation. Le rapport l'indique, de nombreuses professions de santé sont soumises à un mécanisme de régulation sans que cela provoque aucun cataclysme. Il n'y a pas d'autre solution, sauf à laisser une partie de notre population sans soins.

Le temps partiel, s'il ne s'agit que de deux jours par semaine, ne suffira pas. Pour atteindre une zone surdotée depuis mon département, il faut faire plus de 100 kilomètres. J'imagine mal un médecin, même s'il est animé des meilleures intentions du monde, faire ce trajet pour exercer un, deux ou trois jours par mois. En outre, la responsabilité de l'organisation des cabinets secondaires retombera encore une fois sur les maires, alors que les communes ont déjà beaucoup donné sans aucune contrepartie.

J'ai presque été blessée par la proposition relative aux dépassements d'honoraires en zone sous-dense, comme si y soigner demandait un effort exceptionnel. En dehors des métropoles et des zones touristiques, on se sent citoyen de deuxième, troisième, voire de quatrième zone ! Franchement, j'ai trouvé cette proposition très condescendante, voire insultante.

Mme Céline Brulin. - Je regarde avec beaucoup d'intérêt toutes les propositions de lutte contre la désertification médicale, et je me réjouis de voir que, de façon massive, le groupe Les Républicains considère que la totale liberté d'installation est une impasse. Je partage les propos de Bruno Rojouan sur l'aménagement du territoire, et j'y ajoute qu'il est question d'égalité républicaine.

Je rejoins les collègues ayant exprimé leur confusion devant la multiplication des propositions de loi et des annonces du Gouvernement. J'espère que tout cela n'est pas une mise en scène, pour qu'en fin de compte il ne se passe rien.

La maille départementale est pertinente pour analyser la densité de l'offre de soins. Toutefois, faire des départements des chefs de file en la matière peut présenter des dangers pour certains d'entre eux, qui seraient en première ligne sur un sujet suscitant légitimement des attentes de nos concitoyens, alors qu'en raison de leurs difficultés financières, ils ne pourront pas nécessairement y répondre concrètement. Même si cela relève du domaine réglementaire et non pas du domaine de la loi, il faudrait définir les zones denses, sous-denses et sur-denses avec des critères les plus objectifs possible, faute de quoi nous ne parviendrons pas à réguler l'installation.

Dans certains départements, on peut quitter une métropole et se retrouver dans des territoires sous-denses pour y pratiquer des consultations avancées. Mais dans d'autres territoires, les distances sont plus importantes, car la totalité du département est sous-dotée.

Je refuse à mon tour que l'on permette les dépassements d'honoraires dans les zones sous-denses. Madame la rapporteure, vos explications me laissent penser qu'il y aura une tarification différente de l'acte selon la zone où celui-ci est pratiqué, mais que cet acte sera remboursé par l'assurance maladie dans les conditions de droit commun. Le sujet est complexe : s'ils voyaient leurs confrères être mieux rémunérés qu'eux, des praticiens en zone sous-dense pourraient considérer cette mesure d'un mauvais oeil.

En outre, les Padhue seront-ils contraints d'exercer en zone sous-dense, ce qui créerait des droits et devoirs différents selon les catégories de médecins ?

Il faut sûrement inventer un nouveau modèle pour permettre aux médecins d'exercer dans les centres de santé. Toutefois, dans les hôpitaux, un mercenariat s'est développé parce qu'on y a autorisé la rémunération différenciée des vacations. Il ne faut pas que cette mise en concurrence se reproduise dans les centres de santé.

Enfin, cette proposition de loi fait l'impasse sur le sujet de la formation des médecins, pourtant important. Il faut former davantage, là où nous en avons besoin. Des imprécisions demeurent. Je souhaiterais que l'on m'enlève le doute que ces propositions sont mises sur la table pour qu'en fin de compte, il ne se passe pas grand-chose.

Mme Solanges Nadille. - Ce texte répond à une demande faite dans mon territoire archipélagique. En Guadeloupe, nous sommes en souffrance. J'éprouve toutefois une réserve quant au fait que la restriction d'installation ne s'applique qu'aux jeunes médecins, qui bien souvent ne sont pas les seuls à ne pas se déplacer dans les déserts médicaux.

Je reste réservée sur la proposition de simplifier le recours aux Padhue en zone sous-dense, notamment lorsqu'ils exercent en maisons de santé pluriprofessionnelles. Je ne comprends pas pourquoi leur réserver cette condition, ce qui pourrait dissuader certains médecins de s'installer.

Enfin, je ne retrouve pas dans le texte de proposition relative à la taxe lapin.

Mme Nadia Sollogoub. - Beaucoup de textes sont examinés en même temps. Pour que chacun sache comment se positionner, il faut se fixer des lignes rouges. Premièrement, et je rejoins Bernard Jomier sur ce point, il me semble trop strict de faire porter uniquement sur les jeunes des mesures dont ils ne sont pas responsables. J'ai soutenu la proposition d'imposer aux docteurs juniors un service dans ces zones, car si ces formations sont bien organisées, il s'agit d'un complément gagnant-gagnant pour eux.

Deuxièmement, la coercition constitue pour moi une autre ligne rouge. J'ai soutenu la proposition de loi et je voterai en sa faveur, car le texte est très peu coercitif. Il y a très peu de territoires sur-denses, et la mesure centrale consistant à y conditionner l'installation au départ d'un même spécialiste n'est pas rédhibitoire. Une petite alerte toutefois : nous nous sommes trompés en oubliant que les médecins ne donnent pas tous le même temps médical. Ne nous mettons pas en difficulté en omettant davantage ce point.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Beaucoup de choses ont déjà été dites : 87 % du territoire national est considéré comme un désert médical, et 6 millions de Français déclarent ne pas bénéficier d'un accès aux soins. La situation est inquiétante, et je salue l'initiative des auteurs de ce texte, que j'ai cosigné. Il faut trouver des solutions. Comme Nadia Sollogoub, je suis contre les mesures coercitives. Le texte me semble assez équilibré sur cette question.

J'éprouve une véritable inquiétude au sujet des zones sous-denses, que le Premier ministre a qualifiées de « rouges », car on ne parle pas du temps médical disponible dans les territoires. Les départs à la retraite ou les temps partiels ne sont pas pris en compte, pas plus que la notion de bassin de vie. Lorsqu'un territoire est situé à la limite de différents départements, voire de différentes régions, comme dans la Marne, entre l'Aisne et les Ardennes, la situation est particulièrement compliquée. Il faut aujourd'hui 2,3 médecins pour remplacer un médecin qui part à la retraite : la proposition de n'autoriser l'installation d'un médecin que pour un départ est assez inquiétante.

Enfin, je salue l'article 13, qui prévoit de maintenir une rémunération partielle pour les infirmières libérales souhaitant se former à la pratique avancée. Cela correspond à l'un des points soulevés par les infirmiers libéraux lors des auditions que Jean Sol et moi-même avons menées en préparation de la proposition de loi que nous avons examinée hier.

M. Jean Sol. - Même si l'échelle départementale me semble pertinente, pourquoi avoir choisi de confier au président du conseil départemental la présidence de l'office départemental ? Quid du conseil de l'ordre et de l'antenne territoriale des ARS dans les départements ?

Quelle articulation est-elle envisagée entre le comité de pilotage de l'accès aux soins et l'office départemental d'évaluation de la démographie des professions de santé ? Je m'interroge aussi sur les jeunes partis à l'étranger pour faire leurs études, ainsi que sur les retraités, dont certains souhaitent poursuivre leur travail. Dans mon département, d'assez nombreux retraités volontaires continuent d'exercer au sein de médicobus, ce qui fonctionne assez bien. Qu'en est-il de l'universitarisation territoriale, qui commence dans certains départements ?

En outre, certains conseils départementaux et certaines régions ont déjà pris des dispositions relatives au salariat des médecins.

M. Alain Milon. - Je partage presque l'ensemble des propos de Bernard Jomier, ce qui m'a décidé à intervenir. Francis Blanche disait : « il faut penser le changement et non pas changer le pansement. » Certains articles de cette proposition de loi pensent le changement, quand d'autres changent simplement le pansement.

Permettez-moi de faire un peu d'histoire : la loi HPST a mis en place les ARS pour regrouper les agences régionales d'hospitalisation (ARH), la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass), les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass) et les caisses régionales d'assurance maladie (Cram). Le but était de regrouper un ensemble d'organismes pour être au plus près des médecins et des professionnels de santé. Elle a aussi inventé les MSP, facilitant ainsi le travail de tous les professionnels de santé sur un même site.

La loi Touraine a créé les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui permettent aux médecins libéraux de se regrouper pour travailler ensemble, et a complété les communautés hospitalières de territoire (CHT) en créant les groupements hospitaliers de territoire (GHT), auxquels il faudrait peut-être d'ailleurs donner la personnalité morale - c'est un autre sujet.

La loi Buzyn est essentielle, car elle a supprimé le numerus clausus. Nous commençons à en percevoir les conséquences dans les hôpitaux. En région PACA, le CHU de Marseille se libère de certains de ses internes vers des hôpitaux de Toulon ou d'Avignon. La loi Buzyn est donc essentielle dans la lutte contre la désertification médicale.

Il y a aussi les 3 500  « docteurs juniors » qui arriveront en novembre 2026. Je le rappelle, la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale de Bruno Retailleau avait été complétée par un amendement de sa rapporteure Mme Imbert.

Monsieur le rapporteur pour avis, il n'est pas vrai de dire que les médecins sont responsables de l'aménagement du territoire. De même, il n'y a plus de lycées, de collèges d'écoles primaires ou d'écoles maternelles dans nos territoires. Ce sont les politiques, tous gouvernements confondus, qui en sont responsables.

Mme Frédérique Puissat. - Le sujet n'est pas simple. Les rapporteurs ont travaillé avec beaucoup d'humilité. Nous sommes tous d'accord pour dire que l'on ne peut pas ne rien faire et attendre neuf ans pour voir les effets de la fin du numerus clausus, ainsi que M. Véran, alors ministre, nous le conseillait. Nous ne pouvons pas non plus attendre que la politique de santé se fasse par décret : le ministre Neuder nous l'a dit, comme le Gouvernement ne dispose pas d'une majorité au Parlement, il prend beaucoup de décisions par décret, qui nous échappent. Remettre les enjeux de la santé et de la lutte contre les déserts médicaux au coeur du Parlement est une bonne chose.

Les membres du groupe Les Républicains ont évolué sur les questions de coercition, et ne voient pas la médecine comme une activité libérale par essence. C'est aussi la force d'un groupe politique que de faire des propositions consensuelles, du fait de la diversité des expériences de chacun dans les départements. Nous ne proposons pas de mesures coercitives à tout crin : dans une pensée plus libérale, nous faisons une proposition équilibrée. Notre proposition de loi poursuivra son chemin au Parlement, sera amendée en séance puis examinée par l'Assemblée nationale, et nous verrons où cela atterrira.

Lorsque Corinne Imbert défendait l'idée de prioriser l'installation des docteurs juniors dans les zones sous-denses, certains exprimaient leurs doutes, mais cette idée semble aujourd'hui s'être imposée. Voyons comment les propositions que nous faisons aujourd'hui seront reçues dans le temps. Certains de nos collègues s'interrogent actuellement sur la pertinence d'imposer deux jours de service par mois dans les zones sous-dotées pour les médecins s'installant en zones dites « sur-denses », mais cette mesure ne fera peut-être plus débat dans quelques années. La pire des choses serait de ne rien faire.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - La proposition de loi n'a évidemment pas la prétention de régler tous les problèmes. Très sincèrement, j'espère que nous ne faisons pas ce travail pour rien. Nous avons prévu des mesures très pragmatiques : certaines sont innovantes, certaines visent à améliorer l'effectivité de dispositions existantes. S'il y a une volonté politique de les appliquer, il y aura des conséquences perceptibles pour tous. Chacun devra prendre ses responsabilités : la nôtre, c'est de voter ce texte qui, je l'espère, fera consensus ; ensuite, les décrets d'application devront être publiés dans des délais raisonnables, sans que nous devions attendre deux ans...

La proposition de loi n'aborde pas les sujets relatifs à la formation, parce que la commission a demandé à la Cour des comptes un rapport sur le remplacement de la première année commune aux études de santé (Paces) par le parcours accès santé spécifique (Pass) et la licence accès santé (Las), avant de mettre en place une mission d'information pour approfondir ce sujet. Il ne nous paraissait pas pertinent d'aborder cette question tant que ces travaux n'auront pas été achevés.

Je vous remercie d'avoir parlé de l'installation des docteurs juniors. La proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale de Bruno Retailleau, dont j'avais eu l'honneur d'être rapporteure, avait été décriée, avant que sa principale disposition ne soit reprise dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Aujourd'hui, elle est saluée, y compris par certains syndicats d'internes, ainsi que par des élus. Tout le monde en convient, cette mesure était la plus efficace et rapide. Les premiers docteurs juniors arriveront le 1er novembre 2026 dans les territoires. J'ai indiqué au Premier ministre, au ministre de la santé et au directeur de l'ARS dans ma région que nous sommes collectivement dans l'obligation d'assurer la qualité de leur accueil. En revanche, si l'on veut respecter l'esprit de la loi, il faut veiller à ce que le nombre de places prévues par les ARS n'excède pas celui de docteurs juniors.

Enfin, je vous prie d'excuser notre erreur dans la rédaction de l'exposé des motifs, qui mentionne des dépassements d'honoraires. Je remercie chacun de son honnêteté, et je partage l'analyse d'Anne-Marie Nédélec : il y aurait là une double peine inacceptable qui pèserait sur ceux qui ont déjà des difficultés à consulter un médecin. Nous avons corrigé cette erreur dans le texte, où il est question de tarifs spécifiques. Ne s'agissant pas de dépassements d'honoraires, ceux-ci n'auront pas de conséquence sur le reste à charge des patients ayant souscrit à une complémentaire santé. Il y aura, certes, un impact financier pour les 4 % de patients ne disposant pas d'assurance complémentaire. Les syndicats nous ont reproché de nous mêler des négociations conventionnelles. Nous mettons cette possibilité sur la table, et l'assurance maladie ainsi que les syndicats prendront leurs responsabilités. Qu'il n'y ait donc pas d'ambiguïté sur ce sujet.

Concernant la gouvernance, a maille départementale nous est apparue comme la plus pertinente. Le conseil départemental, où les élus sont associés, est un interlocuteur privilégié de la délégation départementale de l'ARS, de la CPAM, ainsi que de l'ordre départemental des médecins. Ces quatre acteurs importants dialoguent déjà sur d'autres sujets, et il nous semblait important de les mobiliser à la maille départementale pour coordonner l'analyse des besoins. Ce qui ressortira des décisions de l'ARS devra être accompagné d'un avis conforme de l'office départemental, d'un avis consultatif des conseils territoriaux de santé, en y associant éventuellement des représentants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ainsi que les auteurs d'un amendement le proposent.

Madame Bourcier, est-il utile de créer un nouvel outil de pilotage ? L'audition de l'ONDPS avait été déconcertante. Je ne mets pas en cause son président, et cette organisation est probablement sous-dimensionnée, mais les remontées des régions ne semblent pas correspondre aux informations transmises par l'observatoire national au ministère. Créer un nouvel outil de pilotage au plus près des territoires nous semble dès lors important.

Il faut évidemment une mise à jour plus fréquente de l'analyse des besoins, pour laquelle le conseil départemental dispose de l'agilité et de la réactivité nécessaires. L'ARS actualise difficilement le zonage tous les trois ans ; il y a un an et demi, nous avons prévu dans la loi Valletoux de réduire cette durée à deux ans, mais il semble d'ores et déjà certain que tous les zonages ne seront pas actualisés. La réactivité du conseil départemental est essentielle.

L'article 13 ne concerne à ce jour que les IPA, seules consacrés en droit. Il existe certes une expérimentation pour les masseurs-kinésithérapeutes en pratique avancée, mais pour l'instant aucune généralisation n'est prévue.

Sur l'article 3, la durée d'exercice partiel en zone sous-dense sera prévue par décret en Conseil d'État. Je ne commenterai pas la cartographie des zones « rouges » du Premier ministre, dont j'ignore la méthodologie. Il a parlé d'une analyse à l'échelle des EPCI, or la maille n'est pas forcément la bonne : une partie de certains EPCI est incluse dans un zonage d'intervention prioritaire, alors qu'une autre est située en zone d'accompagnement complémentaire. En revanche, les conseils départementaux peuvent apprécier les besoins de manière équitable. En outre, ils ont intérêt à prendre en compte les bassins de vie de santé, au sens de l'Insee, qui en effet dépassent parfois les limites des départements, pour objectiver les propositions faites vis-à-vis des élus et des professionnels de santé.

Enfin, madame Bourcier, la proposition de loi prévoit un soutien financier de l'assurance maladie, pour assurer notamment les frais de déplacement ou l'équipement du cabinet secondaire, qui sera défini par les conventions médicales.

Madame Doineau, la proposition de loi prévoit bien de compléter le zonage existant, en invitant les ARS à identifier les zones bien dotées. Ce zonage sera ensuite soumis à l'avis conforme de l'office départemental. Nous ne proposons pas d'écarter les ARS ; au contraire, nous demandons aux départements de travailler avec eux, ainsi qu'avec la CPAM et le conseil départemental de l'ordre, mais l'ARS ne proposera pas un zonage depuis Paris.

Monsieur Fichet, de nombreux modèles sont disponibles pour assurer l'accueil des médecins en zone sous-dense : maisons de santé pluriprofessionnelles, locaux mis à disposition par les collectivités, cabinets partagés, etc.

Sur l'article 5, il y aura des tarifs spécifiques, mais je pense que les écarts avec les zones non sous-denses ne seront pas très importants. Ces tarifs représentent en effet un coût pour l'assurance maladie, mais si les patients ont accès aux soins plus rapidement, cela évitera peut-être des dépenses, en fin de compte. Les assurés ayant une complémentaire santé représentent plus de 96 % des patients. Parmi eux, 97 % bénéficient d'un contrat responsable et ne seront pas affectés. Je concède toutefois qu'il pourra y avoir un surcoût pour les patients ne disposant pas d'une complémentaire santé. Les plus précaires, eux, bénéficient de la complémentaire santé solidaire (C2S), et ne seront pas affectés par ces tarifs différenciés.

Vous l'avez compris, les deux jours d'exercice par mois dans les zones sous-denses correspondent à une proposition du Gouvernement.

La dérogation au code de travail pour le recours aux CDD dans les centres de santé a été réfléchie avec l'association Médecins solidaires, qui nous faisait part d'un problème. Il s'agit d'une expérimentation.

Sur l'affectation prioritaire en zone sous-dense, les Padhue seront logés à la même enseigne que les docteurs juniors : il n'y a donc aucune discrimination. Une partie des syndicats de Padhue nous ont indiqué ne pas souhaiter la dévalorisation de leur autorisation d'exercice et la suppression du concours. En revanche, leur parcours de consolidation des compétences pourra être raccourci si le chef de service ou le coordonnateur local de la spécialité le valide, et non seulement le président de la commission médicale d'établissement (CME), car les deux premiers ont la meilleure connaissance du travail réalisé. En outre, si l'avis n'est pas transmis dans les quatre mois, la réponse sera présumée favorable. Cela obligera le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) à donner le résultat de l'examen par la commission nationale, ce qui va dans le bon sens.

Monsieur Jomier, nombre d'entre vous ont souligné que l'article 3 vise les jeunes, mais il vise toutes les nouvelles installations, y compris celles de médecins généralistes de 50 ans.

M. Bernard Jomier. - Il n'y en a pas beaucoup...

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Cela existe. Dans sa réponse écrite à notre questionnaire, l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) indique que cette mesure est plus pertinente que la régulation stricte de l'installation. En outre, on ne peut faire porter l'obligation sur des médecins qui se sont déjà installés.

Madame Poumirol, insérer le développement des protocoles de coopération parmi les missions des structures d'exercice coordonnées pourrait permettre d'inciter financièrement celles-ci à les réaliser. L'article 11 prévoit que les accords conventionnels pourraient en faire l'une des conditions au versement des aides prévues.

Sur l'article 12, nous en sommes à une deuxième phase de l'expérimentation Osys, qui porte sur six situations, dont deux ont déjà été réalisées, à savoir les tests rapides d'orientation diagnostique pour les angines et les cas présumés de cystite. Les pharmaciens ne peuvent pas tout faire, et n'en ont pas l'intention. Les équipes officinales sont souvent ouvertes toute la semaine. Les pharmaciens sont capables de soigner des plaies bénignes ou d'orienter vers les urgences le cas échéant. Quant aux certificats médicaux pour la pratique sportive, je vous rejoins, les médecins ne font pas qu'en délivrer, mais, comme le rapport l'indique, cela concerne tout de même entre six et huit consultations par semaine.

Monsieur Chasseing, nous partageons le même constat. Le modèle économique des IPA doit évoluer : en moyenne, ils perdent entre 20 000 et 30 000 euros par an par rapport à leur exercice libéral.

Madame Nédélec, je vous remercie de votre franchise. Je vous ai déjà répondu au sujet des dépassements d'honoraires...

Mme Anne-Marie Nédélec. - C'est la Sécu qui paiera...

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les complémentaires en financeront également une part. Il n'y a pas de dépassement d'honoraires et de double peine pour les patients.

Les maires n'interviennent pas sur les autorisations des cabinets secondaires. Des élus ont souvent pensé que construire des cabinets suffirait à assurer l'arrivée des médecins, mais ce n'est pas toujours le cas. De nombreux investissements ont été réalisés, et certains s'en sont parfois mordu les doigts. Les collectivités ont déjà donné, et les associer à la réflexion est important.

Madame Romagny, le zonage est établi sur la base de l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL) de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Il tient compte du niveau d'activité des professionnels, du nombre d'actes réalisés, et de l'âge de la population. L'agilité des conseils départementaux, en dialogue avec les autres acteurs, pourrait permettre de trouver d'autres indicateurs pertinents pour établir le zonage selon les territoires, en fonction des priorités en santé identifiées localement. C'est sur ce sujet que la maille départementale me semble particulièrement pertinente.

Enfin, monsieur Sol, il me semble vous avoir exposé les raisons pour lesquelles nous confions cette mission au président du conseil départemental. En effet, madame Puissat, le sujet n'est pas simple.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les amendements identiques COM-4 et COM-45 visent à renforcer le rôle des offices départementaux dans la détermination des zones sous-denses.

L'amendement COM-31 rectifié a pour objet la révision annuelle du zonage d'installation des médecins qui est prévue par l'amendement COM-4. L'amendement COM-26 tend à associer les collectivités territoriales et leurs groupements à la composition des offices départementaux. Il est également satisfait par l'amendement COM-4.

Les amendements identiques COM-4 et COM-45 sont adoptés. Les amendements COM-31 rectifié et COM-26 ne sont pas adoptés.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-28 vise à ajouter les URPS parmi les instances coordinatrices d'accès aux soins. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-28 n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-35 rectifié bis tend à ajouter les communes parmi les autorités coordinatrices des politiques en faveur de l'installation des professionnels de santé. L'avis est défavorable, car nous proposons de départementaliser cette coordination. En revanche, les communes sont bien associées à l'alinéa 13 de l'article.

L'amendement COM-35 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-42 vise à ajouter des actions en faveur de l'accès aux soins à domicile parmi les compétences des départements, alors que celui-ci est déjà pris en compte. Avis défavorable.

L'amendement COM-42 n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-25 a pour objet de proposer une expérimentation d'un schéma départemental d'organisation des soins, beaucoup plus rigide, moins souple et agile que le dispositif proposé. Avis défavorable.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-5 prévoit la publicité du bilan annuel de l'office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé.

L'amendement COM-5 est adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-6 vise à élargir le champ des acteurs devant mettre à disposition les éléments nécessaires au fonctionnement de l'office national et des offices départementaux.

L'amendement COM-6 est adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-27 vise à modifier la composition du conseil d'administration des ARS, en y associant un représentant de chaque département. L'avis est favorable, dans la mesure où nous souhaitons départementaliser l'analyse des besoins.

L'amendement COM-27 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-7 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à ajouter les élus des groupements de communes aux conseils territoriaux de santé. L'avis est défavorable, car le code prévoit déjà une ouverture assez large de ces conseils, associant notamment les élus.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Article 2

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-36 rectifié bis a pour objet de remplacer le comité de pilotage par l'office national de l'évaluation de la démographie des professions de santé. L'avis est défavorable sur cet amendement dont l'adoption reviendrait à supprimer l'article 2.

L'amendement COM-36 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à renforcer les missions du comité de pilotage de l'accès aux soins et modifie sa composition.

L'amendement COM-8 est adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-32 rectifié tend à ajouter des représentants des ordres dans la composition du comité de pilotage. L'avis est défavorable, car les ordres sont déjà associés à l'office départemental.

L'amendement COM-32 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-29 tend à remplacer l'engagement à exercer en zone sous-dense par une incitation. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-29 n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-33 rectifié vise à remplacer la notion de « médecins généralistes » par celle de « médecins spécialistes en médecine générale ». Je me suis interrogée sur cette proposition intéressante, mais le code de la santé publique fait référence à la médecine générale et aux médecins spécialistes. Si la remarque est pertinente, l'avis est défavorable, car l'adoption de cet amendement supposerait de réécrire tout le code.

L'amendement COM-33 rectifié n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-37 rectifié tend à fixer la durée mensuelle minimale d'exercice à temps partiel en zone sous-dense à deux jours par semaine. L'avis est défavorable : il y a eu des annonces du Gouvernement sur ce sujet, et je ne souhaite pas figer ce point dans la loi.

L'amendement COM-37 rectifié n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-10 rectifié a pour objet d'autoriser l'installation d'un médecin spécialiste en zone sur-dense lorsque celui-ci exerce en tant que collaborateur d'un médecin de la même spécialité durant huit mois précédant le départ à la retraite de ce dernier. L'avis est défavorable, car cette mesure dérogatoire n'est pas empêchée par la rédaction actuelle de l'article 3.

L'amendement COM-10 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement de correction COM-13 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-40 rectifié vise à retranscrire dans la proposition de loi le projet gouvernemental de solidarité territoriale. À ce stade, l'avis est défavorable.

L'amendement COM-40 rectifié n'est pas adopté.

Article 4

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-14 vise à accorder au conseil départemental de l'ordre des médecins la possibilité d'émettre un avis sur l'installation en cabinet secondaire.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Les amendements identiques COM-12 rectifié et COM-43 visent à supprimer l'article 5, en faisant notamment référence aux tarifs spécifiques prévus. L'avis est défavorable.

Les amendements identiques COM-12 rectifié et COM-43 ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

Les amendements rédactionnels COM-15 rectifié, COM-16 et COM-17 sont adoptés.

L'article 7 est adopté dans la rédaction des travaux issus de la commission.

Après l'article 7

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-3 a pour objet d'étendre le dispositif expérimental de création d'antennes pharmaceutiques lorsque l'approvisionnement en médicaments est compromis. À ce stade, compte tenu de la rédaction actuelle de l'amendement, l'avis est défavorable.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Article 8

L'amendement rédactionnel COM-18 est adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-38 rectifié tend à définir les conditions de réussite aux épreuves de vérification des connaissances des Padhue. Je souscris à la nécessité d'harmoniser les exigences des jurys entre les spécialités, ainsi que tous les acteurs auditionnés l'ont souligné. La direction générale de l'offre de soins (DGOS) envisage de transformer le concours en examen, du moins pour certains candidats. Il est clair que le concours doit être réformé, mais les modalités de cette réforme restent à définir. Il semble délicat de fixer les conditions d'obtention du statut de lauréat, comme le propose l'auteur de cet amendement, car le jury reste souverain. L'avis est donc défavorable, mais le Gouvernement reviendra peut-être sur ce sujet dans la suite de la discussion.

L'amendement COM-38 rectifié n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-19 vise à permettre la modulation du parcours de consolidation des compétences avec le maintien de la commission nationale d'autorisation. Vous l'aurez compris, en fonction de l'avis des trois personnalités compétentes, le parcours pourra être raccourci, et si aucune réponse n'est reçue au bout de quatre mois, l'avis sera présumé favorable.

L'amendement COM-19 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-44 qui tend à supprimer l'article 10.

L'amendement COM-44 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté sans modification.

Article 11

L'article 11 est adopté sans modification.

Article 12

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-20 vise à ajouter la prise en charge de situations cliniques par les pharmaciens d'officine aux exceptions à l'exercice illégal de la médecine.

L'amendement COM-20 est adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-21 a pour objet de préciser que les modalités de prise en charge en lien avec le médecin traitant seront fixées par des arrêtés, sur la base d'arbres décisionnels.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

L'article 13 est adopté sans modification.

Article 14

L'article 14 est adopté sans modification.

Article 15

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-22 vise à recentrer l'aide sur les équipements et logiciels innovants.

L'amendement COM-22 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-23 rectifié tend à substituer au certificat médical d'aptitude une attestation médicale d'absence de contre-indication à la pratique sportive rédigée par un médecin ou une infirmière en pratique avancée. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-23 rectifié n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté sans modification.

Article 17

L'article 17 est adopté sans modification.

Article 18

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-11 rectifié, qui tend à supprimer l'article 18.

L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-9 a pour objet d'assurer la publication du rapport annuel sur l'évolution des inégalités sociales et territoriales en matière d'accès aux soins.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 18

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement COM-39 rectifié a pour objet de prévoir la remise d'un rapport sur l'application d'une disposition que nous n'avons pas retenue. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-39 rectifié n'est pas adopté.

Article 19

L'article 19 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er :
Donner aux départements un rôle de coordination des actions en matière d'amélioration de l'accès aux soins
et améliorer l'évaluation de la démographie des professions de santé

Mme IMBERT, rapporteure

4

Renforcement du rôle des offices départementaux dans la détermination des zones dites « sous-denses »

Adopté

M. ROJOUAN, rapporteur pour avis

45

Renforcement du rôle des offices départementaux dans la détermination des zones dites « sous-denses » 

Adopté

Mme BOURCIER

31 rect.

Révision annuelle du zonage d'installation des médecins

Rejeté

Mme MULLER-BRONN

26

Association des collectivités territoriales et leurs groupements dans la composition des offices départementaux d'évaluation

Rejeté

Mme LASSARADE

28

Ajout des URPS parmi les instances coordinatrices des politiques d'accès aux soins

Rejeté

M. CHASSEING

35 rect. bis

Ajout des communes parmi les autorités coordinatrices des politiques en faveur de l'installation des professionnels de santé

Rejeté

Mme SOUYRIS

42

Ajout des actions en faveur de l'accès aux soins à domicile parmi les compétences du département

Rejeté

Mme MULLER-BRONN

25

Expérimentation de la mise en oeuvre d'un schéma départemental d'organisation des soins

Rejeté

Mme IMBERT, rapporteure

5

Publicité du bilan annuel de l'office national d'évaluation de la démographie des professions de santé

Adopté

Mme IMBERT, rapporteure

6

Élargissement du champ des acteurs devant mettre à disposition les éléments nécessaires au fonctionnement de l'office national et des offices départementaux

Adopté

Mme MULLER-BRONN

27

Modification de la composition du conseil d'administration des ARS

Adopté

Mme IMBERT, rapporteure

7

Amendement rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 1er

M. MARGUERITTE

1

Ajouts des élus des groupements de communes aux conseils territoriaux de santé

Rejeté

Article 2 :
Associer les élus au pilotage de la politique de santé

M. CHASSEING

36 rect. bis

Remplacement du comité de pilotage par l'office national d'évaluation de la démographie des professions de santé

Rejeté

Mme IMBERT, rapporteure

8

Renforcement des missions du comité de pilotage de l'accès aux soins et modification de sa composition

Adopté

Mme BOURCIER

32 rect.

Ajout de représentants des ordres dans la composition du comité de pilotage

Rejeté

Article 3 :
Encadrement de l'installation des médecins dans les zones les mieux dotées

Mme LASSARADE

29

Remplacement de l'engagement à exercer en zone sous-dense par une incitation

Rejeté

Mme BOURCIER

33 rect.

Remplacement de la notion de médecin généraliste par celle de médecin spécialiste en médecine générale

Rejeté

M. CHASSEING

37 rect.

Fixation de la durée mensuelle minimale d'exercice à temps partiel en zone sous-dense à deux jours par semaine

Rejeté

Mme LERMYTTE

10 rect.

Autorisation de l'installation d'un médecin spécialiste en zone sur-dense lorsqu'il exerce en tant que collaborateur auprès d'un médecin de la même spécialité les huit mois précédant le départ à la retraite de ce dernier

Rejeté

Mme IMBERT, rapporteure

13

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 3

Mme HAVET

40 rect.

Obligation d'exercice à temps partiel en zone sous-dense pour les médecins installés lors de la promulgation de la présente loi

Rejeté

Article 4 :
Simplifier l'ouverture de cabinets secondaires pour les médecins

Mme IMBERT, rapporteure

14

Possibilité pour le conseil départemental de l'ordre d'émettre un avis sur l'installation en cabinet secondaire

Adopté

Article 5 :
Mise en place de tarifs spécifiques applicables dans les zones sous-denses

Mme LERMYTTE

12 rect.

Suppression de l'article

Rejeté

Mme SOUYRIS

43

Suppression de l'article

Rejeté

Article 6 :
Faciliter le remplacement d'un médecin concourant à l'accès aux soins en zone sous-dense

Article 7 :
Expérimenter un recours simplifié aux contrats à durée déterminée (CDD) dans les centres de santé

Mme IMBERT, rapporteure

15 rect.

Encadrement de la participation à l'expérimentation sur avis du directeur de l'ARS

Adopté

Mme IMBERT, rapporteure

16

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme IMBERT, rapporteure

17

Amendement rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 7

Mme LERMYTTE

2 rect. bis

Autoriser la mise à disposition de fonctionnaires auprès des cabinets médicaux et des maisons de santé

Irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution

Mme BERTHET

3

Extension du dispositif expérimental de création d'antennes pharmaceutiques lorsque l'approvisionnement en médicaments est compromis

Rejeté

Article 8 :
Mieux évaluer les besoins de recrutement des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue)

Mme IMBERT, rapporteure

18

Amendement rédactionnel

Adopté

M. CHASSEING

38 rect.

Définition des conditions de réussite aux épreuves de vérification des connaissances

Rejeté

Article 9 :
Simplifier le dispositif d'autorisation d'exercice des Padhue et favoriser leur orientation
vers les zones sous-denses en ville

Mme IMBERT, rapporteure

19

Possibilité de moduler la durée du parcours de consolidation des compétences

Adopté

Article 10 :
Simplifier le dispositif d'autorisation d'exercice des Padhue et favoriser leur orientation
vers les zones sous-denses en ville

Mme SOUYRIS

44

Suppression de l'article

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 10

Mme HAVET

41 rect.

Obligation d'exercice d'une activité minimale en zone sous-dense par les médecins recrutés par les agences régionales de santé

Irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution

Article 12 :
Mise en place de tarifs spécifiques applicables dans les zones sous-denses

Mme IMBERT, rapporteure

20

Ajout de la prise en charge de situations cliniques par les pharmaciens d'officine aux exceptions à l'exercice illégal de la médecine

Adopté

Mme IMBERT, rapporteure

21

Fixation par arrêté des modalités de prise en charge en lien avec le médecin traitant

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 12

Mme LASSARADE

30

Faculté pour les masseurs-kinésithérapeutes de prescrire une activité physique adaptée

Irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution

Article 15 :
Créer une participation financière à l'acquisition d'équipements et de logiciels permettant d'assister les médecins dans leur pratique quotidienne

Mme IMBERT, rapporteure

22

Recentrage de l'aide sur les équipements et logiciels innovants

Adopté

Article 16 :
Supprimer certains certificats médicaux peu utiles

Mme LERMYTTE

23 rect.

Substitution au certificat médical d'une attestation médicale d'absence de contre-indication à la pratique sportive, rédigée par un médecin ou une infirmière en pratique avancée

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 17

M. MARGUERITTE

34

Exonération de majoration du ticket modérateur pour des patients n'ayant pas de médecin traitant

Irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution

Article 18 :
Rendre compte annuellement des mesures en faveur de l'accès aux soins

Mme LERMYTTE

11 rect.

Suppression d'article

Rejeté

Mme IMBERT, rapporteure

9

Publication du rapport annuel sur l'évolution des inégalités sociales et territoriales en matière d'accès aux soins

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 18

Mme HAVET

39 rect.

Demande de rapport sur l'application d'une durée annuelle minimale de continuité d'exercice en zone « sous-dense »

Rejeté

La réunion est close à 19 h 40.

Mercredi 7 mai 2025

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Proposition de loi visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Monique Lubin et du texte de la commission sur la proposition de loi, présentée par Thierry Cozic, visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés.

Ce texte est inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat, dans le cadre de l'espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER), le jeudi 15 mai après-midi.

Notre rapporteure n'ayant pu se libérer ce matin, elle sera suppléée, dans sa présentation, par Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure, en remplacement de Mme Monique Lubin. - Avant toute chose, je vous prie de bien vouloir excuser la rapporteure Monique Lubin, qui ne peut être présente parmi nous ce matin, et qui m'a chargée de présenter ses travaux sur la base des auditions menées.

La proposition de loi de notre collègue Thierry Cozic prévoit de limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés. Les mesures envisagées s'inscrivent dans un contexte de multiplication des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), que nous constatons malheureusement toutes et tous sur nos territoires, appelant ainsi à une action rapide et déterminée du législateur.

Avant d'en venir aux dispositions de la présente proposition de loi, et à leur intérêt pour répondre aux abus identifiés auprès de certaines grandes entreprises, permettez-moi de rappeler brièvement le cadre légal propre aux licenciements pour motif économique.

Le licenciement économique est un cas unique en droit du travail, puisqu'il trouve sa cause non pas dans la situation ou le travail du salarié, mais dans des circonstances qui lui sont extérieures : les « raisons économiques » qui légitiment son licenciement. Cette exception a longtemps valu qu'une autorisation administrative préalable soit accordée, avant de faire place à une appréciation a posteriori des motifs allégués par l'entreprise par le juge judiciaire.

Progressivement, les critères relevant du licenciement économique ont été précisés par le juge, puis codifiés par le législateur. Ils sont aujourd'hui au nombre de quatre. D'abord, le critère le plus commun, puisqu'il a été invoqué par 46 % des entreprises ayant procédé à un plan de sauvegarde de l'emploi en 2024, est celui des difficultés économiques rencontrées par l'entreprise. Ces difficultés économiques sont définies par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique de l'entreprise : baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, pertes d'exploitation, dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation. Restent ensuite des critères plus généraux, qui correspondent aux mutations technologiques se traduisant par une transformation de l'emploi, liée par exemple à la numérisation, à la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d'activité de l'entreprise.

Il convient de souligner que ces causes de licenciement sont appréciées au niveau du secteur d'activité commun à l'entreprise au sein du groupe, sur le seul territoire national, et non de l'ensemble du groupe, ce qui explique qu'un groupe de dimension européenne ou mondiale puisse être fortement profitable, tout en procédant à des licenciements pour motif économique sur un site particulier.

Enfin, compte tenu de l'objet de la présente proposition de loi, qui concerne les entreprises d'au moins 250 salariés, je présenterai brièvement la procédure propre aux licenciements économiques dits « grands licenciements collectifs », c'est-à-dire concernant plus de 10 salariés dans une même période de trente jours.

Dans ce cas, les entreprises de plus de 50 salariés sont en effet tenues de recourir à un PSE. Ce dernier doit, afin de limiter les destructions d'emplois, comporter des actions en vue du reclassement interne des salariés sur le territoire national, des mesures favorisant la reprise de tout ou partie des activités pour éviter la fermeture d'un établissement, ou encore des actions facilitant le reclassement externe dans le bassin d'emploi. Il peut également prévoir un plan de départs volontaires. Ce PSE peut être déterminé par un accord collectif ou, à défaut, être établi par un document unilatéral de l'employeur, et fait l'objet respectivement d'une validation ou d'une homologation par les services déconcentrés de l'État, qui peuvent dès lors proposer des modifications du PSE avant la dernière réunion du comité social et économique (CSE).

Je formulerai quelques éléments de constat.

Je l'évoquais en préambule, et ces chiffres ne surprendront malheureusement personne, nous assistons à une hausse inquiétante des PSE et des licenciements économiques en France. Lors de son audition, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a précisé que le nombre de PSE avait augmenté de 30 % de 2023 à 2024, et que 129 PSE avaient déjà été enclenchés entre le 1er janvier et le 28 février 2025. Le constat est sans appel, puisque plus de 77 000 emplois risquent ainsi d'être supprimés au titre des PSE validés en 2024, et les prévisions de l'Insee indiquent que cet étiage devrait être dépassé en 2025. Or, nous le savons tous, il est beaucoup plus difficile pour un travailleur de retrouver une activité dans un bassin d'emploi sinistré à la suite d'un PSE qu'ailleurs.

Face à ce constat, plusieurs organisations syndicales entendues lors des auditions ont souligné l'inadaptation du droit pour caractériser les « difficultés économiques » rencontrées par une entreprise ouvrant la possibilité de recourir au licenciement économique. Ces critiques visent tout particulièrement certaines opérations, notamment d'ordre financier, réalisées par les entreprises. Elles soulignent notamment que la capacité d'une entreprise à distribuer des dividendes, parfois de façon massive, ou à poursuivre un programme d'actionnariat salarié en faveur de ses dirigeants, peut légitimement être considérée comme le signe d'une absence de difficultés économiques réelles, et devrait logiquement faire obstacle au recours à un licenciement économique.

Ce constat avait déjà conduit à une proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers, qui avait été adoptée par notre commission en 2012. Cette logique peut être étendue à d'autres critères, à commencer par le fait d'avoir bénéficié d'aides publiques, telles que le crédit d'impôt recherche (CIR), ou encore d'exonérations de cotisations patronales consenties afin de soutenir la compétitivité des entreprises.

Cette réflexion trouve un sens nouveau dans le contexte actuel. En effet, les PSE qui font l'objet de la plus grande visibilité médiatique semblent accréditer les observations formulées par les organisations syndicales. J'attire votre attention, à titre d'exemple et non pas de stigmatisation, sur le cas de quelques entreprises.

Le groupe Michelin a annoncé un PSE tendant à la suppression de 1 254 salariés sur les sites du Maine-et-Loire et du Morbihan, après avoir versé 1,4 milliard d'euros à ses actionnaires en 2024. De même, Sanofi entend supprimer plus de 330 postes, alors que le groupe a bénéficié de plus de 100 millions d'euros de CIR, a versé près de 4,4 milliards d'euros de dividendes en 2023 et procédé à 600 millions d'euros de rachat d'actions. Enfin, l'instruction de cette proposition de loi a été rattrapée par l'actualité avec le cas d'ArcelorMittal, qui annonce un PSE de l'ordre de 637 emplois, et qui pourtant a distribué en moyenne 200 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires sur les dix dernières années.

La proposition de loi que nous examinons ce matin tend précisément à répondre aux incohérences qui viennent d'être soulignées et qui choquent, à juste titre, les salariés concernés et une grande partie de l'opinion publique.

L'article 1er prévoit d'interdire le recours au licenciement économique pour les entreprises d'au moins 250 salariés qui, durant leur dernier exercice comptable, ont procédé à une distribution de dividendes, à une attribution d'actions gratuites ou à un rachat d'actions. Le recours au licenciement économique serait également rendu impossible si, dans les mêmes bornes temporelles, l'entreprise a réalisé un résultat positif, a bénéficié du CIR ou du dispositif des allégements généraux de cotisations patronales.

L'article 2 tend en conséquence à prévoir une sanction pour l'employeur qui aurait procédé à un licenciement économique jugé injustifié, en le privant de certaines aides publiques comme le CIR ou les allégements dégressifs de cotisations sociales. Il s'agit là de dissuader les entreprises de procéder à des licenciements sans cause réelle et sérieuse, alors que le plafonnement des indemnités de licenciement, par les ordonnances dites « Macron » de 2017, a réduit le risque encouru pour les employeurs fautifs.

Au terme des auditions, l'intérêt de cette proposition de loi paraît réel, et l'encadrement qu'elle prévoit équilibré. Elle ne consiste pas en effet à nier l'importance pour les entreprises placées en réelle difficulté, en raison d'activités devenues non rentables, de pouvoir procéder à des licenciements. Il s'agit plutôt d'opérer une mise en cohérence, voire même une moralisation, des actions des entreprises. Les opérations financières concernées peuvent en effet répondre à des besoins des entreprises, voire être utilisées au bénéfice des salariés. Toutefois, dans ce cas, il faut bien convenir que l'on ne peut pas véritablement parler de « difficultés économiques ».

Plus fondamentalement, il me semble que cet encadrement relève d'une forme de justice. En effet, de même que les bénéfices font l'objet, au sein de l'entreprise, d'un partage de la valeur, les risques d'une activité économique devraient être portés conjointement par les salariés et par l'actionnariat en cas de plan de redressement. Lorsqu'un PSE est accompagné d'une distribution de dividendes pour les actionnaires, les efforts sont répartis de manière manifestement déséquilibrée. Cet encadrement permettrait également de limiter les cas, fort heureusement assez rares, où le licenciement économique est utilisé comme un levier pour augmenter la valorisation financière de l'entreprise à court terme, sans lien avec une activité économique pérenne.

Évidemment, les mécanismes prévus ne permettront pas de répondre à l'ensemble des enjeux sous-jacents à cette multiplication des PSE. Le rééquilibrage du droit du travail en faveur de la protection des salariés pourra faire intervenir d'autres dispositifs : ajout de nouvelles missions à l'administration chargée de contrôler les PSE, redéfinition des causes économiques justificatives du licenciement ou de son périmètre d'application.

Enfin, la proposition de loi apporte une première réponse au sujet, peut-être encore plus complexe, de la conditionnalité des aides publiques. Dans un contexte de finances publiques plus dégradées que jamais, il ne paraît pas légitime qu'une entreprise bénéficiant d'allégements de cotisations sociales ou du CIR, et donc d'un soutien coûteux pour les finances publiques, puisse procéder à des licenciements économiques sans en rendre compte.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à adopter cette proposition de loi, afin d'apporter une réponse concrète au désarroi des salariés victimes de licenciement économique.

Pour finir, et bien qu'aucun amendement n'ait été déposé à ce stade, il revient à la rapporteure de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Il vous est proposé que ce périmètre comprenne des dispositions relatives au droit du licenciement économique, et notamment aux conditions de mise en oeuvre du licenciement.

En revanche, ne présenteraient aucun lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux dispositifs de dépenses fiscales ou d'allègements de cotisations sociales patronales, ainsi qu'au droit régissant la distribution de dividendes ou la modification du capital social et de l'actionnariat des salariés.

Il en est ainsi décidé.

Mme Frédérique Puissat. - Je remercie Thierry Cozic, Mme la rapporteure, ainsi que tous nos collègues qui ont porté cette proposition de loi, et ce pour deux raisons.

Dans nos territoires, nous sommes tous touchés - parfois très directement, jusque dans notre entourage proche - par les licenciements économiques, qui représentent un enjeu sensible pour les personnes concernées. En outre, nos collègues font preuve de constance : ce texte visant à « administrer l'économie » n'est pas le premier du genre et avait déjà été adopté par la commission des affaires sociales en 2012, sous la présidence d'Annie David, sans toutefois être voté en séance publique.

Cela étant dit, nous n'avons pas la même vision de l'économie, car notre approche est plus libérale. La décision de licencier est toujours très difficile à prendre pour un chef d'entreprise. Mais certains licenciements économiques, bien qu'ils doivent être justifiés par une cause réelle et sérieuse, sont nécessaires pour préserver la compétitivité des entreprises et éviter des suppressions massives d'emplois. Des entreprises de plus de 250 salariés ont parfois dû procéder à des licenciements tout en poursuivant leur activité, voire en réembauchant par la suite.

Si le présent texte était adopté, il empêcherait les entreprises de s'inscrire dans cette logique et entraînerait des pertes d'emplois. En effet, si l'on considère les critères proposés, notamment celui des allégements de cotisations, qui concerne, en réalité, toutes les entreprises de plus de 250 salariés, nous pouvons en déduire qu'aucune entreprise de cette taille ne pourrait plus licencier.

C'est pourquoi, même si nous respectons la vision économique de nos collègues, le groupe Les Républicains (LR) ne votera pas ce texte.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je remercie également Mme la rapporteure.

Il ne s'agit pas simplement d'une question de vision. Une approche de l'économie présentée comme libérale peut parfaitement coexister avec une intervention massive de l'État. L'Inspection générale des finances (IGF) évalue à 99 milliards d'euros l'ensemble des dispositifs d'aides, sans compter les allégements généraux estimés en 2024 à 75 milliards d'euros par la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), soit un total de 174 milliards d'euros d'aides publiques. Cela ne correspond pas à une vision libérale fondée sur la non-intervention de l'État. On pourrait même parler d'un « acharnement thérapeutique » pour maintenir ces aides !

Lorsque vous dites, Madame Puissat, que la décision de licencier est difficile à prendre, vous parlez très certainement des PME au sein de vos territoires. Mais je vous invite à regarder ce qui se passe dans les grands groupes. Forte de mon expérience en tant que consultante, notamment dans le cadre des lois Auroux sur les licenciements et les PSE, j'ai constaté que ces mesures sont souvent utilisées comme des leviers de valorisation boursière. Après des licenciements, le capital des entreprises se porte très bien et ces dernières redistribuent dividendes et actions gratuites.

La Cour des comptes estime que les aides publiques aux entreprises en réponse à la crise du covid ont représenté jusqu'à 260 milliards d'euros pour la période 2020-2022, soit environ 10 % du PIB. Si cela relève d'un modèle libéral, je dois sans plus tarder réviser mes anciens cours d'économie...

Il me semble nécessaire d'évaluer en amont l'efficacité de ces aides, tant en matière d'emploi que de compétitivité, au regard des sommes en jeu. On prétend soutenir l'emploi, mais qu'en est-il réellement ? Le cas du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est parlant : plusieurs milliards d'euros ont été mobilisés pour, en définitive, 100 000 emplois créés, et l'on admet aujourd'hui que cette politique fut une erreur.

Je suis convaincue que ces aides gagneraient à être ciblées - sur la recherche, l'emploi ou la compétitivité -, et conditionnées à des résultats. On exige bien des contreparties de la part des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) ; il doit en être de même pour les entreprises.

Chaque année, nous déposons des amendements en ce sens, et je ne comprends pas pourquoi vous refusez cette logique de conditionnement. Cela permettrait, par exemple, d'exiger le remboursement des aides lorsqu'un groupe comme Michelin décide de licencier tout en distribuant des dividendes.

Il faut aussi renforcer les contrôles, l'administration elle-même reconnaissant qu'ils demeurent largement insuffisants. Je pense notamment aux aides à la recherche, dont bénéficient certains groupes comme Solvay, y compris pour la transition écologique, tout en continuant à polluer et à mettre en danger la santé de leurs salariés.

Enfin, si les conditions ne sont pas respectées, il faut pouvoir exiger un remboursement, selon la logique que vous préconisez pour les prestations sociales : conditionner, contrôler, évaluer et rembourser en cas d'usage abusif. Cette chaîne du bon usage de l'argent public devrait s'appliquer de la même manière aux aides aux entreprises, qui représentent désormais une part non négligeable du PIB.

Pour autant, je ne suis pas défavorable à l'attribution d'aides, surtout aux très petites entreprises, souvent composées de moins de trois salariés. Ces entreprises licencient souvent à contrecoeur, en raison de pertes de compétences ou de difficultés de recrutement, mais ce n'est pas le cas des grands groupes, qui perçoivent d'importantes aides et licencient malgré tout. Ces aides, notamment les exonérations sociales censées soutenir l'emploi, doivent pouvoir être remboursées a posteriori.

Mme Marion Canalès. - Mme la rapporteure a indiqué que 46 % des entreprises justifient leurs licenciements par des difficultés économiques. C'est précisément l'objet de cette proposition de loi : non pas administrer, mais réguler l'économie pour que les licenciements demeurent justifiés.

Nous visons, avec ce texte de loi, de grandes entreprises, qui organisent parfois leur propre fragilité dans le cadre juridique du groupe. Je pense notamment à la galaxie Mulliez, propriétaire d'Auchan, qui supprime 2 400 emplois alors qu'elle verse 1 milliard d'euros de dividendes, grâce à des enseignes très rentables comme Decathlon ou Leroy Merlin, tout en ayant perçu, en dix ans, 630 millions d'euros d'aides fiscales, 1,3 milliard d'euros de réductions de cotisations sociales et 67 millions d'euros d'aides à l'embauche. Ce groupe fait aussi le choix de fermer certaines enseignes moins rentables dans des quartiers prioritaires de la ville, avec des conséquences directes pour nos territoires.

Le président d'Auchan a reconnu, lors d'une récente audition devant la commission d'enquête sénatoriale sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, que le soutien de l'État avait contribué à renforcer la compétitivité de l'entreprise et qu'il serait probablement légitime de flécher des contreparties. C'est précisément le sens de cette proposition de loi : s'il y a rupture du pacte moral que représente l'aide publique, il est légitime d'empêcher les licenciements ou de procéder à des remboursements.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je salue la présentation de cette proposition de loi, dans la continuité de celle qui a été déposée en son temps par Annie David, et j'attends les conclusions de la commission d'enquête précitée, rapportée par notre collègue Fabien Gay. Nous serons nombreux, je le crois, à être interpellés par ses travaux, tant certains faits sont proprement scandaleux.

Mon département du Pas-de-Calais est depuis longtemps fortement touché par les licenciements économiques. Je pense notamment aux salariés de Logil, qui, voilà deux ans, ont découvert la fermeture de leur entreprise de Noyelles-sous-Lens en arrivant le matin au travail, sans aucun interlocuteur pour les accueillir. Je pourrais citer aussi Prysmian à Calais, ou encore ArcelorMittal, des entreprises qui ont reçu des centaines de millions d'aides publiques, de l'État ou des collectivités territoriales.

Pour moi, il est clair qu'une entreprise qui ferme ou délocalise du jour au lendemain doit rembourser les aides perçues. Il est inadmissible que l'argent public serve à financer des dividendes, puis des licenciements.

Mme Corinne Bourcier. - S'il est vrai que certaines aides publiques ont pu être mal utilisées, interdire les licenciements économiques pour les entreprises qui bénéficient d'aides ou d'allégements de cotisations n'est pas une solution. J'ai bien conscience des difficultés dans lesquelles les licenciements plongent les salariés et leurs familles - je vois notamment le cas de l'entreprise Michelin à Cholet -, mais je n'ai pas la même vision que vous sur la manière d'agir, tout en reconnaissant votre constance sur ces sujets, à l'instar de Frédérique Puissat.

Un dirigeant d'entreprise a la responsabilité de rémunérer ses salariés, d'investir pour l'avenir et, parfois, de verser des dividendes pour sécuriser les investissements de ses actionnaires. Interdire les licenciements ne sauvera pas les emplois quand une entreprise est en difficulté ; cela pourra même précipiter sa chute. Aucun dirigeant ne licencie par plaisir.

Rappelons enfin que le code du travail encadre strictement le licenciement économique. S'il n'est pas justifié, le juge peut l'annuler. Ce débat est utile, mais nous restons opposés à l'administration de l'économie que vous proposez au travers de ce texte.

Mme Pascale Gruny. - Le sujet est important et mérite débat, mais je trouve la proposition prématurée. Attendons les conclusions de la commission d'enquête sur les aides publiques. Au regard des critères retenus dans le texte, nous avons l'impression que vous souhaitez interdire tous les licenciements économiques. Or, c'est plutôt au cas par cas qu'il faut raisonner, chaque situation d'entreprise étant différente. Certaines entreprises licencient pour préserver l'essentiel, notamment lorsque les prévisions économiques sont mauvaises, même si leurs résultats sont bons à court terme.

Quant aux dividendes, ce n'est pas le diable ! Ils rémunèrent un risque. Si tous les actionnaires partaient investir ailleurs, il n'y aurait plus d'emplois. Il faut arrêter de les caricaturer. Ce sont aussi des épargnants, des retraités...

J'ai dû, par le passé, procéder à des licenciements économiques, parfois localement, même quand le groupe était rentable. Ce sont des décisions extrêmement douloureuses, mais parfois nécessaires.

Quant aux allégements de charges sociales, il faut encore le rappeler : ils sont indispensables, car le coût du travail en France demeure trop élevé. Je suis d'accord sur la nécessité de mieux contrôler, mais votre texte est trop général. Je voterai contre.

M. Olivier Henno. - Dans un contexte de turbulences économiques et de faible croissance, il est tout à fait logique que ces sujets reviennent dans le débat public. Pour moi, il n'y a aucun tabou : quand une entreprise ne respecte pas ses engagements, elle doit rembourser les aides publiques. Mais il ne me semble pas pertinent de lier mécaniquement la question des aides publiques à celle des licenciements économiques.

Le monde est concurrentiel. Il faut que nos entreprises puissent s'adapter, même celles de plus de 250 salariés. Si l'on interdit les licenciements, certaines ne survivront pas, et quand une entreprise disparaît, c'est un savoir-faire, un bassin d'emploi, un tissu économique qui s'effondre.

Je comprends les préoccupations, elles sont légitimes, mais ce texte apporte de mauvaises réponses. Je ne le voterai pas.

Mme Émilienne Poumirol. - Je souhaite apporter une précision importante : cette proposition de loi ne vise en aucun cas à interdire l'ensemble des licenciements économiques. Elle n'a pas pour objet de contester la réalisation de profits par les entreprises, puisqu'il s'agit du principe même d'une entreprise. L'objectif du texte est de mieux encadrer certaines pratiques choquantes, dans un esprit de responsabilité.

Permettez-moi de rappeler l'exemple emblématique de l'entreprise Sanofi, auditionnée en 2021 par notre commission. À cette occasion, le directeur de Sanofi France a assumé, non sans un certain cynisme, la suppression de 400 postes de chercheurs sur le site de Strasbourg. Cette décision, qualifiée de « choix stratégique », visait à réorienter l'activité vers la thérapie génique, jugée plus prometteuse économiquement. Or, dans le même temps, Sanofi affichait un bénéfice net de 11 milliards d'euros, dont 4 milliards reversés aux actionnaires sous forme de dividendes, et continuait par ailleurs de bénéficier du crédit d'impôt recherche, pourtant conçu pour soutenir l'emploi et l'innovation sur notre territoire.

Ces pratiques posent clairement question. Peut-on encore justifier l'octroi de fonds publics à des entreprises qui, tout en réalisant des profits considérables, suppriment massivement des emplois ? Cette proposition de loi, soutenue par notre groupe, entend justement poser des limites à ces dérives.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Il est important de ne pas caricaturer. Il serait injuste de considérer que toutes les entreprises bénéficiant d'aides publiques se comportent comme des bandits. Si la commission d'enquête actuellement en cours sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, dont je suis membre, a permis de mettre en lumière des dysfonctionnements, ils ne sont pas non plus majoritaires.

Il convient également de rappeler que chaque aide publique répond à une finalité bien précise. Le crédit d'impôt recherche, par exemple, n'a pas vocation à maintenir l'emploi, mais à soutenir l'effort de recherche et développement. D'autres dispositifs sont conçus pour accompagner la transition écologique ou favoriser l'innovation industrielle.

Notre système économique est complexe : d'un côté, la fiscalité française reste lourde, notamment sur le travail ; de l'autre, les exonérations et subventions permettent d'en atténuer les effets. Idéalement, il faudrait une réforme systémique, qui irait bien au-delà du cadre de la présente proposition de loi.

La commission d'enquête ne vise par ailleurs que les grandes entreprises, dont il ne faut pas oublier qu'elles contribuent de manière significative à la richesse nationale, à l'emploi, mais aussi à la fiscalité. Les impôts qu'elles payent en France sont souvent supérieurs au chiffre d'affaires qu'elles réalisent sur notre sol.

La proposition de loi vise, pour sa part, toutes les entreprises de plus de 250 salariés. Or, un grand nombre d'entre elles sont des sous-traitantes, notamment dans le secteur automobile, qui subit actuellement une transformation industrielle majeure avec la perspective de la disparition des moteurs thermiques en 2035. Ces entreprises sont fragilisées et doivent s'adapter. Il serait contre-productif de leur imposer des contraintes supplémentaires, qui pourraient nuire à leur survie. Ne tombons pas dans la caricature en opposant systématiquement travail et capital.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. - Nous sommes tous d'accord : les licenciements économiques peuvent, dans certains cas, être nécessaires, notamment pour permettre aux entreprises de rester compétitives. Cette proposition de loi vise simplement à répondre à certains abus que nous connaissons bien. Je pense notamment à ces grandes entreprises qui, tout en versant régulièrement des dividendes très importants - le cas d'Auchan a été cité -, procèdent à des licenciements. Ces décisions ont des conséquences humaines très lourdes, et nous en faisons tous l'expérience dans nos départements. Chaque fois, cela nous affecte profondément.

Je veux être claire : il ne s'agit nullement de revenir à une économie administrée en réimposant une autorisation préalable aux licenciements comme cela a existé en France jusque dans les années 1970. L'objectif est tout autre. Il s'agit de responsabiliser davantage les entreprises, en particulier celles qui bénéficient d'un soutien public conséquent.

En 2019, sur cinq euros de profits, un euro était distribué aux actionnaires. En 2023, la moitié du profit revient désormais aux actionnaires. Il est donc légitime de s'interroger : comment partager de façon équilibrée la richesse produite ? Quelle part revient aux actionnaires ? Quelle part doit revenir aux salariés, en termes de rémunération, mais aussi en termes de sécurité de l'emploi ? Car, faut-il le rappeler, une entreprise ne fonctionne pas sans ses salariés.

L'objectif est donc bien de limiter les excès que l'on constate aujourd'hui dans certaines entreprises.

Il me semble indispensable d'évaluer l'impact des aides publiques accordées aux entreprises. Ces exonérations ont un objectif - préserver l'emploi, soutenir la compétitivité -, mais encore faut-il que cela soit vérifié. Il faut que ces objectifs fassent l'objet d'un contrôle effectif.

Je pense aussi que la commission d'enquête en cours sur les aides publiques mettra en lumière des éléments importants, et confirmera la nécessité de trouver un juste équilibre entre la liberté d'entreprendre, qui doit être garantie, et le droit à l'emploi, qui est fondamental. Mme Nédélec l'a rappelé à juste titre, l'entreprise, c'est à la fois du capital et des salariés. L'un ne doit pas s'opposer à l'autre. Il faut trouver un équilibre durable entre les deux.

Depuis 2012, plusieurs réformes ont allégé le droit du travail, notamment la loi dite El Khomri en 2016, puis les ordonnances dites Macron. Le droit du licenciement a été assoupli. La première des contreparties, c'est d'éviter que cela ne donne lieu à des dérives. C'est aussi l'esprit de ce texte.

Il faut rappeler que les indemnités prud'homales ont été plafonnées en 2017. Le risque juridique pour l'employeur est donc aujourd'hui limité. Il me semble que, dans ces conditions, il est juste d'attendre en retour un effort de maintien de l'emploi, et a minima une absence d'abus. On ne peut accepter que, d'un côté, des dividendes soient distribués à grande échelle, et que, de l'autre, des licenciements soient engagés sans justification réelle en termes de difficultés économiques ou de perte de compétitivité.

Enfin, il faut interroger le périmètre retenu pour apprécier la situation économique de l'entreprise. Le droit actuel limite cette évaluation au périmètre national, sans tenir compte de la situation globale du groupe, au niveau européen ou mondial. Cela facilite certaines dérives. Je pense ici aux transferts de savoir-faire. Nous avons vu des entreprises recevoir des aides pour développer des compétences précises, puis délocaliser en Inde ou ailleurs une fois l'aide encaissée. Résultat : les emplois sont détruits, le savoir-faire disparaît, et nous perdons des capacités de production et d'innovation sur notre propre territoire.

Il y a donc aussi là un enjeu de souveraineté économique. Il faut pouvoir soutenir les entreprises, mais à condition qu'elles jouent le jeu. Ce texte s'inscrit dans cette logique de réciprocité et d'équité.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1eret 2

Les articles 1eret 2 ne sont pas adoptés.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

- Présidence de M. Thierry Cozic, vice-président de la commission des finances, et M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales -

Communication de la Cour des comptes au Premier ministre intitulée « Impacts du système de retraite sur la compétitivité et l'emploi » - Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - La commission des affaires sociales et la commission des finances reçoivent ensemble ce matin le Premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Moscovici, afin qu'il nous présente la seconde communication publiée par la Cour en réponse à sa saisine par le Premier ministre le 20 janvier dernier.

Pour mémoire, le Premier ministre attendait de la Cour qu'elle dresse un « constat objectif de la situation de notre système de retraites et de ses perspectives à court, moyen et long termes ». Ce constat devait servir de base aux discussions entre les partenaires sociaux, qui se réunissent depuis le 20 février et jusqu'au mois de juin à un rythme hebdomadaire afin de faire des propositions visant à rétablir l'équilibre financier de notre système de retraite en 2030.

La première communication, remise au Premier ministre le 19 février, était relative à la situation financière et aux perspectives du système de retraite. La commission des affaires sociales vous a entendu sur ce sujet, monsieur le Premier président, le 5 mars dernier.

Cette nouvelle communication, complémentaire, a pour objet les répercussions du système de retraite sur la compétitivité et l'emploi.

Comme de coutume, vous serez interrogé, à l'issue de votre intervention, par les membres de nos deux commissions, en commençant par les rapporteurs généraux, la rapporteure de la branche vieillesse de la commission des affaires sociales et la rapporteure spéciale de la commission des finances.

M. Thierry Cozic, vice-président de la commission des finances. - Le premier rapport remis par la Cour faisait le constat que la montée en charge de la réforme de 2023 devrait permettre une stabilisation du déficit du système de retraite autour de 6,6 milliards d'euros jusqu'en 2030, avant une dégradation jusqu'à 30 milliards d'euros en 2045.

Le second rapport, qui nous est présenté aujourd'hui, analyse les effets des paramètres actuels du système de retraite sur la compétitivité de l'économie française, ainsi que sur l'emploi. Cette analyse doit permettre une réflexion sur les mesures qui seront les plus favorables pour atteindre l'équilibre financier du système, tout en préservant l'emploi, l'activité économique et la cohésion sociale en France.

Nous sommes donc attentifs aux problématiques que vous pourrez soulever, monsieur le Premier président, tant sur la question des recettes du système que du temps passé en emploi, ou encore sur l'évolution du montant des pensions de retraite.

Je rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et qu'elle est diffusée en direct sur le site internet du Sénat ; elle sera aussi consultable en vidéo à la demande.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Je vous remercie de m'accueillir devant vos deux commissions pour que je vous présente le rapport de la Cour relatif aux impacts du système de retraite sur l'emploi et la compétitivité. Vous l'avez rappelé, j'ai remis ce rapport le 10 avril au Premier ministre ainsi qu'aux partenaires sociaux, réunis dans ce qu'on appelle le conclave - un terme de circonstance aujourd'hui !

Lors de sa déclaration de politique générale, le 14 janvier dernier, le Premier ministre a annoncé qu'il souhaitait « remettre [l]e sujet [des retraites] en chantier avec les partenaires sociaux pour un temps bref et dans des conditions transparentes », en s'appuyant « sur un constat et des chiffres indiscutables ».

Il a saisi la Cour des comptes pour réaliser une mission en deux temps.

Le premier temps fut consacré au constat objectif de la situation financière du système de retraite et de ses perspectives à court, moyen et long termes, un travail que nous avons mené en un mois et demi.

Le second temps a consisté à examiner les impacts du système de retraite sur la compétitivité et l'emploi. Nous avons conservé la même méthode que pour notre premier rapport : une formation ad hoc, qui regroupe plusieurs chambres de la Cour des comptes et dont j'ai moi-même présidé la collégialité.

Je souhaiterais remercier publiquement devant vous les membres de l'équipe : les présidents de la première, cinquième et sixième chambre - Carine Camby, qui est présente, Sophie Thibault et Bernard Lejeune -, le rapporteur général, Jérôme Brouillet, qui est également présent, les rapporteurs et la contre-rapporteure, Mathilde Lignot-Leloup.

Notre rapport s'inscrit dans un contexte de négociations qui a, j'en suis bien conscient, évolué depuis la première réunion des partenaires sociaux. Vous savez que les participants autour de la table ne sont plus exactement les mêmes : un certain nombre d'entre eux ont quitté d'eux-mêmes les discussions et d'autres ont vu leur présence refusée.

En tant que Premier président de la Cour des comptes, je n'ai pas à m'exprimer sur l'évolution des négociations en cours, sinon pour dire que j'espère sincèrement qu'elles aboutiront à un accord. Car, s'il y a un message à retenir de nos rapports, c'est que le statu quo en matière de financement du système de retraite est impossible, ou du moins qu'il est insuffisant pour préserver un système soutenable à moyen et long termes. Vous devez tous en être conscients, même s'il peut naturellement exister un désaccord démocratique sur les solutions à mettre en oeuvre.

Quelle que soit l'issue des discussions en cours, je suis persuadé que nos deux rapports sur les retraites, celui de février et celui que je m'apprête à vous présenter, seront utiles. Je sais qu'ils servent déjà de base aux négociations actuelles, mais j'espère qu'ils serviront également aux négociations futures entre partenaires sociaux et dans les discussions législatives qui suivront.

En effet, pour rester soutenable, notre système de retraite nécessitera des adaptations au cours des prochaines années. Je ne crois pas à la réforme magique, faite une fois pour toutes, qui clôturerait le dossier. Nous irons plutôt vers une série d'adaptations au fil du temps, qui peuvent être soit envisagées d'emblée ensemble, soit pensées au fur et à mesure.

Avant d'entrer dans le constat et les conclusions de la Cour, je reviens sur le périmètre de ce second rapport et sur la méthode employée. Notre rapport documente les répercussions économiques des principaux paramètres du système de retraite sur la compétitivité de notre économie et sur l'emploi, en prêtant une attention particulière à l'emploi des seniors.

Nous avons choisi d'examiner les trois paramètres qui ont un effet direct sur l'équilibre de notre système de retraite : le taux de cotisation, l'âge effectif de départ à la retraite - un mélange, si j'ose dire, entre l'âge légal et la durée d'assurance requise - et, enfin, l'indexation des pensions. Il existe bien sûr d'autres paramètres que nous n'avons pas évoqués dans le rapport, car ils ne relevaient pas de notre lettre de mission.

La notion de compétitivité elle-même ne va pas de soi. L'Insee, qui est une bonne référence, définit la compétitivité d'une économie comme sa capacité à gagner ou non des parts de marché sur ses concurrents. La Commission européenne propose, quant à elle, une définition plus large de ce qu'elle appelle la « compétitivité durable », qui intègre les enjeux d'équité. Nous avons prêté dans ce rapport une attention toute particulière à cette notion d'équité parce qu'elle est au coeur de l'évolution du système de retraite, qu'il s'agisse d'équité intergénérationnelle ou intragénérationnelle. La raison en est simple : les paramètres du système de retraite ont des effets très différenciés selon les catégories de populations concernées. Il faut se garder d'une approche trop mécaniste, et faire parfois preuve de flexibilité pour s'adapter à des situations particulières.

Compte tenu de ce champ d'investigation, le rapport présente certaines spécificités.

D'abord, nous avons adopté une démarche comparative au niveau européen. Je sais que nous aimons revendiquer que nous sommes français et que nous sommes très particuliers. Néanmoins, si notre système de retraite présente des spécificités, les comparaisons avec d'autres pays sont à la fois possibles et nécessaires. La Cour a choisi de concentrer son analyse sur trois principaux partenaires économiques européens qui ont des modèles sociaux et de retraite, tous par répartition, assez proches du modèle français. Il s'agit de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne. Notons que les quatre pays ainsi comparés représentent 70 % du PIB de la zone euro.

Ensuite, nous n'avons pas produit nous-mêmes l'ensemble des chiffres, des modèles et des projections qui sont au fondement de nos analyses. Nous nous sommes appuyés sur les modèles économiques disponibles, les données des administrations et, surtout, sur l'abondante littérature économique qui existe sur les économies française, allemande, italienne et espagnole. Je remercie les économistes qui ont répondu à nos sollicitations, mais aussi les administrations qui nous ont appuyé dans cette mission, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la direction générale du Trésor, la direction de la sécurité sociale et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.

De notre travail, nous avons tiré des constats desquels découlent quatre messages.

Premier message : le financement des retraites a des effets ambivalents sur notre niveau de compétitivité. Nous faisons le constat, dans ce rapport mais aussi dans de nombreux autres travaux récents de la Cour, que la compétitivité française s'est structurellement dégradée depuis le début des années 2000. L'évolution de la balance des biens et des services, tout comme les performances relatives d'un pays à l'exportation, permettent d'apprécier l'évolution de la compétitivité. Or ces deux indicateurs sont très dégradés pour l'économie française. Depuis 2006, la France a constamment enregistré un déficit de la balance des biens et des services jusqu'à atteindre 21,5 milliards d'euros en 2024, soit 0,7 point de PIB. Par comparaison, l'Allemagne, mais aussi l'Espagne et l'Italie, ont enregistré des excédents importants en 2024, et il en est de même pour la zone euro dans son ensemble, dont l'excédent s'élève à 4,5 points de PIB.

Ce recul de la compétitivité est une anomalie française durable, qui s'explique par un déficit persistant et croissant des échanges de biens, notamment industriels. C'est la conséquence directe de la désindustrialisation longue à l'oeuvre dans notre pays. En 2023, la part de l'emploi industriel a cessé de reculer - disons que l'hémorragie a été, peut-être provisoirement, stoppée. Cette part a été stabilisée à 10 % de l'emploi total en France, contre 17 % en Italie, un pays bien plus industrialisé que la France, et 18 % en Allemagne.

Cette dégradation s'inscrit aussi dans un contexte de décrochage de la compétitivité de l'Union européenne par rapport aux États-Unis et à la Chine. La croissance dans l'Union a ralenti, du fait d'une baisse de la productivité, et elle a été plus lente que celle des États-Unis de façon persistante. En conséquence, l'écart de PIB entre les États-Unis et l'Union européenne va en s'accroissant : il est passé de 15 % du PIB en 2000 à 30 % en 2023 à prix constants. Environ 70 % de cet écart s'explique par une productivité plus faible dans l'Union européenne. Ce décrochage a été parfaitement mis en évidence par le rapport remis à la Commission européenne en septembre 2024 par Mario Draghi.

Pour résumer, la compétitivité française se dégrade au sein d'une Union européenne qui, elle-même, a tendance à décrocher par rapport à ses principaux concurrents. Notre pays est donc confronté à un important problème de compétitivité, comme l'a documenté la Cour des comptes au travers de divers rapports.

Dans ce contexte, quels sont les liens entre les paramètres du système de retraite et la compétitivité ? Il faut distinguer la compétitivité-coût, qui mesure l'évolution des coûts de production, en particulier des coûts salariaux, et la compétitivité hors coût, qui est, comme son nom l'indique, associée à d'autres dimensions, comme les gammes de produits, l'innovation ou encore les compétences de la main d'oeuvre.

Le financement des retraites, via les cotisations sociales, explique une partie des coûts unitaires, donc de la compétitivité-coût de l'économie française. En France, le système de retraite est financé aux deux tiers par des cotisations sociales sur la masse salariale, qui ont donc un impact sur le coût du travail. Ces cotisations représentent environ 9,5 points de PIB en France et en Espagne, un niveau supérieur à celui de l'Allemagne, avec un écart de quelque cinq points.

Cependant, la compétitivité-coût n'est pas le principal sujet en France aujourd'hui. Elle s'est relativement améliorée, d'abord avec les allégements généraux de charges, puis avec la politique de baisse du coût du travail mise en oeuvre en France, certes avec des nuances, mais continûment depuis 2013. Ces politiques ont permis de résorber, et même d'inverser, les écarts d'évolution des coûts salariaux par rapport à nos principaux partenaires européens. Entre 2000 et 2024, l'évolution des coûts salariés unitaires a été plus modérée en France qu'en Allemagne et dans les principales économies de la zone euro. C'est particulièrement le cas dans le bas de l'éventail des rémunérations. Pour résumer, nous n'avons plus de problème massif de compétitivité-coût, même s'il peut y avoir des difficultés de répartition des coûts entre le haut et le bas de l'échelle des salaires.

La faiblesse de la compétitivité hors coût est plus préoccupante. Nous l'avons souligné dans le rapport 10 ans de politiques publiques en faveur de l'industrie : des résultats encore fragiles, que nous avons rendu à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale en novembre dernier. Les exportations françaises n'ont pas connu de montée en gamme depuis vingt-cinq ans. Les dernières enquêtes Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves) témoignent non seulement d'un décrochage de nos écoles, mais aussi d'un décrochage scientifique. Nous ne sommes plus qu'à la dixième place mondiale en termes de publications scientifiques.

En France, la structure des cotisations sociales consacrées au financement des retraites est assez atypique, ce qui pourrait avoir un impact sur la compétitivité hors coût. En effet, les cotisations sociales se caractérisent dans notre pays par d'importants allégements de cotisations au niveau du Smic et des plus bas salaires. Symétriquement, sur les niveaux de salaire les plus élevés, les cotisations sociales sont plus importantes que chez nos partenaires européens. Cela permet de préserver l'emploi peu qualifié en France, mais pourrait aussi peser sur la compétitivité hors coût et la productivité française. Je tiens néanmoins à souligner qu'il n'existe pas, à notre connaissance, d'études économiques sur le cas français qui permettraient de démontrer ce qui est pour le moment une simple hypothèse.

Pour conclure sur la compétitivité, je ferai un rappel en forme d'évidence : le financement du système de retraite est l'un des facteurs qui peuvent avoir un impact sur la compétitivité, mais il est loin d'être le seul. Les autres prélèvements, le coût de l'énergie, les taux de change ou, pour rester dans l'actualité, les droits de douane doivent évidemment être pris en compte lorsque l'on analyse notre compétitivité globale.

J'en arrive au deuxième message de notre rapport : les réformes des retraites ont entraîné une augmentation du taux d'emploi des plus de 55 ans en France, mais ce taux demeure encore un peu faible et il masque des inégalités.

La France, comme ses partenaires européens, est confrontée au vieillissement de sa population. Au sein de l'Union européenne, la population en âge de travailler a commencé à diminuer vers 2010, principalement en raison de la baisse du taux de natalité, non compensée, contrairement à ce que l'on dit parfois, par un solde migratoire positif. De ce fait, la proportion de la population âgée de plus de 65 ans a augmenté partout en Europe. Les projections démographiques à long terme indiquent une poursuite de ce déclin. En conséquence, le ratio de dépendance, c'est-à-dire la part de la population de plus de 65 ans comparée à la population de 20 à 64 ans, augmente pour tous les pays européens. En France, ce ratio passerait de 38 % en 2022 à 53 % en 2050.

Dans ce contexte, l'amélioration du taux d'emploi de la population active est essentielle. Or, en France, ce taux est structurellement faible. En 2023, le taux d'emploi des personnes âgées de 15 à 64 ans s'établissait à 68,4 %, en dessous de la moyenne de la zone euro. Il a progressé depuis 1995, mais exactement au même rythme que chez nos voisins : les écarts sont donc conservés.

Au niveau de la zone euro, seuls cinq pays, dont l'Espagne et l'Italie, ont des taux d'emploi plus faibles que la France. Le taux d'emploi des jeunes est faible en France, notamment en comparaison avec l'Allemagne. Ce n'était pas le sujet sur lequel nous devions travailler cette fois, mais nous l'avions examiné dans notre rapport public annuel. La cause principale de l'écart du taux d'emploi français par rapport à celui de nos partenaires, c'est la faiblesse du taux d'emploi des hommes de 55 ans et plus. Certes, la part de seniors hommes en emploi a beaucoup progressé dans notre pays au cours des trente dernières années, mais les autres pays européens ont connu des augmentations symétriques.

Nous avons donc analysé les effets d'une augmentation du taux d'emploi sur le financement du système de retraite, mais aussi, en miroir, l'impact des paramètres du système de retraite sur le taux d'emploi.

D'une part, les travaux de la direction générale du Trésor, à partir du modèle Mésange, modèle économétrique de simulation et d'analyse générale de l'économie, montrent qu'une augmentation du taux d'emploi améliorerait le financement du système de retraite, grâce à la hausse de la base de cotisations. Ainsi, il résulterait d'un alignement du taux d'emploi français sur le taux d'emploi allemand un gain net à long terme de 7 milliards d'euros pour le financement des retraites. C'est une somme importante, qui, cependant, ne suffirait pas à améliorer la situation, contrairement à ce que certains disent. En outre, ne perdons pas de vue qu'il s'agit de travaux assez théoriques.

D'autre part, les études économiques concluent que les réformes du système de retraite se sont accompagnées d'une amélioration du taux d'emploi - c'est un argument précieux, au vu des reproches idéologiques qui sont souvent adressés à la Cour. L'ensemble des pays européens, face à la dégradation des ratios de remplacement, ont réformé leurs systèmes de retraite au cours des trente dernières années, notamment en augmentant progressivement l'âge de départ. Au même moment, ces pays ont connu une augmentation du taux d'emploi des personnes âgées de plus de 55 ans.

Les études économiques montrent donc que ces deux phénomènes sont liés. Les mesures de recul de l'âge de la retraite à 63 ans, 65 ans ou 67 ans, décidées en Allemagne et en Italie, ont eu pour principal effet une hausse du taux d'emploi des seniors. En France, également, la réforme des retraites de 2010, qui a porté l'âge légal de départ de 60 à 62 ans, s'est traduite par une augmentation très nette de l'emploi des personnes âgées de 55 à 60 ans. Au cours de la décennie 2010, l'âge de départ effectif à la retraite a augmenté de 2,1 ans. En moyenne, le temps passé en emploi s'est allongé de 1 an et 7 mois.

C'est ce que l'on nomme « l'effet horizon » : plus que l'âge des individus, c'est la distance qui les sépare de l'âge légal de la retraite qui encourage les individus proches de la retraite à se former ou à rechercher un emploi et qui influence, également, le comportement des entreprises.

Cependant, l'impact de ce décalage de l'âge légal sur le taux d'emploi dépend de la situation des personnes avant le recul de l'âge de départ. Les études économiques montrent que la réforme de 2010 a surtout eu pour effet de prolonger la situation des personnes sur le marché du travail. Cependant, le recul de l'âge de départ peut aussi donner lieu à une augmentation du nombre de personnes qui ne sont ni en emploi ni à la retraite - c'est-à-dire celles qui sont au chômage, inaptes ou encore en arrêt maladie.

Il existe en effet des disparités importantes entre catégories socioprofessionnelles, entre femmes et hommes, et selon l'état de santé des seniors concernés. Le recul de l'âge moyen de départ à la retraite s'est ainsi traduit par un allongement de la durée en emploi pour seulement 66 % des ouvriers, mais pour plus de 85 % des professions intermédiaires et des cadres.

Concernant les disparités entre les femmes et les hommes, la réforme des retraites de 2010 a entraîné une augmentation de l'emploi après 60 ans pour les deux populations. Cependant, cette poursuite de l'emploi s'est davantage faite à temps partiel pour les femmes que pour les hommes. Par ailleurs, au-delà de 55 ans, les femmes sont plus souvent que les hommes sans emploi, sans être pour autant à la retraite. Quand on les interroge sur les raisons de cette situation, elles citent fréquemment des contraintes familiales ou personnelles. C'est la problématique du rôle d'aidant, majoritairement joué par les femmes, notamment à cet âge pivot où elles doivent s'occuper de leurs parents et petits-enfants.

Ainsi, l'évolution du taux d'emploi des seniors n'est pas un préalable aux réformes des retraites ; c'en est une conséquence. Les réformes de recul de l'âge de la retraite ont pour effet, en moyenne, d'augmenter le taux d'emploi des seniors. Cependant, des disparités importantes demeurent : la probabilité de se retrouver ni en emploi ni à la retraite est plus forte pour les travailleurs les moins qualifiés, pour les femmes et pour les personnes qui connaissent des difficultés de santé. Il faut donc les accompagner de manière spécifique, pour que les augmentations de l'âge de départ se traduisent par un allongement du temps en emploi, sans distinction ni discrimination.

Le troisième message de notre rapport est qu'il est nécessaire de prendre en compte l'équité dans les réflexions sur l'emploi des seniors et sur les paramètres de notre système de retraite.

Tout d'abord, nous devons préserver l'équité intragénérationnelle. En moyenne, en 2023, 1,6 million de personnes sur les 8,5 millions de personnes âgées de 55 à 64 ans, soit une personne sur cinq dans cette tranche d'âge, n'était ni en emploi ni à la retraite. La plupart subissent leur situation : c'est le cas des près de 300 000 chômeurs qui cherchent activement un emploi, mais n'en trouvent pas, ainsi que des personnes inactives pour une raison de santé ou de handicap.

Face à ces disparités, il est évident qu'il faut de nouvelles mesures de la part des entreprises et des pouvoirs publics, pour accompagner les seniors les plus vulnérables, mais aussi les aidants, qui sont le plus souvent des femmes. L'objectif est simple : il faut que le recul de l'âge moyen de départ à la retraite favorise le maintien en activité, ou le retour à l'emploi, de manière équitable, en tenant compte des difficultés concrètes auxquelles sont confrontés certains seniors.

En France, les pouvoirs publics privilégient le levier du dialogue social pour faire évoluer la perception des seniors dans le monde professionnel. C'est dans cet esprit que le récent accord national interprofessionnel (ANI) en faveur de l'emploi des seniors a été signé en novembre 2024.

Mais il faut également jouer sur d'autres leviers. La Cour l'avait noté dans son rapport sur les carrières longues en 2019 : les seniors touchés par le chômage éprouvent de grandes difficultés à retrouver un emploi, en raison de discriminations à l'embauche. De même, la Dares a montré que les personnes de plus de 50 ans ont moins de chances que les plus jeunes d'être retenues pour des formations, alors qu'elles se présentent plus souvent aux convocations.

L'équité intragénérationnelle implique également de tenir compte des écarts persistants d'espérance de vie entre catégories de populations. En France, l'écart d'espérance de vie à 65 ans entre les cadres et les ouvriers était de deux ans pour les femmes et de trois ans pour les hommes en 2020. Cet écart tend à se réduire, et il tient à de multiples facteurs qui dépassent les conditions de travail. Cependant, en 2018, les anciens ouvriers passaient en moyenne deux années de moins à la retraite que les anciens cadres, et ce malgré un âge de départ plus précoce.

Plus largement, pour pratiquement toutes les générations, l'âge moyen de départ des retraités dont la pension est la plus faible est plus élevé que celui des retraités dont la pension est la plus élevée - ce n'est pas logique. Le dispositif de départ anticipé pour carrière longue n'a pas changé cette situation : ses effets sont concentrés sur les personnes qui touchent une pension moyenne, du cinquième au huitième décile de pensions, tandis que les retraités dont les pensions sont les plus faibles, du premier au quatrième décile, n'ont représenté que 13 % des départs pour carrière longue.

L'équité intragénérationnelle n'est donc pas garantie.

Ensuite, le souci de préserver l'équité intergénérationnelle de notre système de retraite, c'est-à-dire entre les générations actuellement à la retraite et les générations futures, nous pousse à nous interroger sur la soutenabilité de notre système de retraite et sur la répartition des efforts entre actifs et retraités. Cet enjeu est de plus en plus prégnant dans toute l'Europe.

Aujourd'hui, la France consacre près de 14 points de son PIB aux dépenses publiques de retraite, soit 2,5 points de plus que la moyenne de la zone euro. Seule l'Italie a des dépenses publiques de retraite plus élevées que notre pays. Le surcroît de dépense publique de retraite en France par rapport à la moyenne de la zone euro est de 66 milliards d'euros en 2022, et il atteint 118 milliards par rapport à l'Allemagne. Il s'explique pour moitié par la différence de richesse nationale et pour moitié par des paramètres du système de retraite plus favorables.

L'évolution des rapports entre cotisants et retraités constitue un défi majeur pour le financement du système de retraite. Cette situation nous oblige à prêter une attention particulière à l'équité intergénérationnelle, notamment au niveau du pilotage des adaptations du système. Tous les pays européens, ou presque, sont confrontés aux mêmes problématiques. Certains ont adopté des réformes pour y faire face tout en garantissant l'équité du système. Par exemple, plusieurs pays se fixent pour objectif une stabilité du temps passé à la retraite au cours de la vie, pour veiller à la pérennité financière des systèmes de retraite et au partage équilibré des efforts entre les générations.

J'en viens au quatrième message de notre rapport. Il existe, ailleurs en Europe, des mécanismes qui permettent une adaptation progressive des paramètres des systèmes de retraite aux évolutions démographiques et économiques.

L'ajustement des paramètres du système de retraite repose sur trois principaux leviers : le niveau des cotisations sociales affectées aux retraites, le niveau moyen des pensions, qui dépend des règles d'indexation sur l'inflation, et l'âge effectif moyen de départ à la retraite, qui est défini par l'âge d'ouverture des droits et la durée d'assurance requise. Pour la Cour, ces principaux leviers de réforme ont des effets différenciés sur la compétitivité et l'emploi.

Une hausse des cotisations aurait un impact négatif sur l'emploi et la compétitivité selon les modèles économiques, mais son ampleur pourrait varier, selon que l'augmentation concerne les cotisations employeurs ou salariales, et qu'elle cible ou non les bas salaires.

À l'inverse, reculer l'âge effectif de départ à la retraite, que ce soit par une augmentation de la durée d'assurance ou par un recul de l'âge d'ouverture des droits, aurait un impact positif sur le taux d'emploi moyen. Dans cette hypothèse, l'augmentation de l'emploi des seniors n'affecterait pas négativement la compétitivité. Mais au vu des disparités de taux d'emploi entre les catégories de populations, il faudrait mettre en oeuvre des mesures spécifiques pour garantir le maintien en emploi des seniors tout en tenant compte des difficultés concrètes de certains.

Enfin, la question de l'indexation automatique des pensions sur l'inflation a suscité de récents débats. Aujourd'hui, comme le prévoit la loi, les pensions sont indexées annuellement sur l'inflation. Mais les dynamiques respectives des salaires et des prix, au cours des dernières années, ont conduit à une réflexion sur une moindre indexation des pensions par rapport à l'inflation. En effet, en cas de choc économique inflationniste, cette règle d'indexation automatique peut conduire à augmenter les pensions de retraites plus rapidement que les salaires. Ce n'est pas une fiction : c'est arrivé au moment de la crise énergétique et cette situation pourrait se reproduire aux États-Unis. Les études économiques montrent globalement qu'une indexation inférieure à l'inflation aurait un très faible impact sur l'emploi.

Plus largement, cette indexation sur l'inflation n'apparaît pas nécessairement la mieux adaptée à la recherche d'un équilibre durable et équitable du système de retraite. Une indexation au moins partielle sur les salaires, assortie d'un facteur de soutenabilité, comme chez certains de nos voisins, présenterait l'avantage de faciliter le pilotage du système de retraite. Surtout, elle exposerait les actifs et les retraités de manière solidaire aux mêmes aléas économiques.

Une réforme pourrait, voire devrait, mobiliser et combiner plusieurs de ces leviers. À ce titre, nos trois principaux voisins, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, ont mis en place différents outils d'équilibrage de leur système de retraite pour garantir à la fois la pérennité financière des systèmes de retraite et le partage équilibré des efforts entre les générations. Certains mécanismes prévoient, par exemple, d'ajuster l'âge de la retraite en fonction des gains d'espérance de vie. D'autres permettent de revaloriser les pensions en tenant compte des conditions démographiques et économiques. De telles règles permettraient d'équilibrer, dans la durée, le système de retraite, mais elles doivent être décidées collectivement.

Par ailleurs, nos principaux partenaires européens ont aussi introduit des clauses de revoyure automatiques dans la gestion de leurs systèmes de retraite, pour mettre fin aux incessantes réformes par à-coups, qui ne garantissent pas nécessairement la soutenabilité du système à moyen et long terme. Ces clauses de revoyure permettent d'ajuster le niveau des cotisations et des pensions ainsi que l'âge de départ à la retraite en fonction de l'évolution de plusieurs indicateurs démographiques ou économiques. En cas d'évolution favorable ou défavorable de ces indicateurs, les paramètres du système de retraite sont modifiés progressivement, selon des règles préétablies.

Ces mécanismes sont comparables à celui qui a été mis en place par les partenaires sociaux, dans le cadre du pilotage des retraites complémentaires de l'Agirc-Arrco. De telles règles, si elles étaient convenues par les partenaires sociaux et que vous les votiez, permettraient des adaptations prévisibles, progressives et concertées du système de retraite.

Ce rapport permet ainsi de conclure à plusieurs impératifs.

Tout d'abord, nous devons préserver et améliorer l'équité intragénérationnelle et intergénérationnelle de notre système de retraite.

Ensuite, il faut renforcer la compétitivité de notre économie, dans un contexte de décrochage européen.

En outre, il est essentiel d'améliorer le taux d'emploi en France, en particulier pour les hommes de plus de 55 ans, dont la part en emploi est très faible comparée à nos voisins.

Enfin, ce rapport offre une perspective : nous pourrions nous inspirer des réformes mises en oeuvre par nos voisins européens, en combinant plusieurs leviers, d'une part, et en instaurant des clauses de revoyure, d'autre part, qui nous feraient sortir d'un incessant stop and go en matière de réforme des retraites.

Il n'appartient pas à la Cour de formuler des propositions détaillées. Nous avons seulement fourni des données, qui ont été approuvées par tous les membres du conclave, quelle que soit leur appartenance, car elles ont le mérite d'éclairer le débat.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. - Vous avez insisté sur la nécessité d'améliorer le taux d'emploi des seniors ainsi que la situation des aidants. Nous étions d'ailleurs nombreux à estimer que les dispositions de la dernière réforme des retraites destinées à ces deux catégories n'allaient pas assez loin. Aussi, quelles mesures préconisez-vous spécifiquement ?

Par ailleurs, vous soulignez les différences entre les simulations du modèle Mésange employé par la direction générale du Trésor et celles du modèle e-mod.fr de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ainsi, dans le cas des cotisations employeurs, le modèle du Trésor indique un impact sur le PIB et sur l'emploi beaucoup plus négatif que celui de l'OFCE. Votre rapport explique que, selon le modèle de l'OFCE, la baisse de l'activité économique et la hausse du chômage annuleraient à long terme l'impact de la hausse des cotisations employeurs sur le coût du travail. Considérez-vous l'un des modèles comme plus plausible ou intéressant que l'autre ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. - Vous avez, une nouvelle fois, mis en évidence les sérieuses difficultés de notre système de retraite par répartition. Il sera toujours plus mis sous tension au fil du temps du fait d'une démographie défavorable : de plus en plus de bénéficiaires, pour une durée de plus en plus longue, soutenus par une population active qui a tendance à se réduire et à connaître une moindre productivité, par exemple du fait des carrières hachées. Si l'on ne touche ni aux pensions ni aux cotisations, le système aura du mal à tenir.

Vous avez fait le choix de ne pas faire figurer de solutions complémentaires dans ce rapport, mais, dans une approche prospective, j'aimerais vous interroger sur la possibilité d'explorer une autre voie. Pourrait-on profiter du débat sur une potentielle réforme pour expertiser le déploiement d'un « deuxième socle », autour d'une retraite dite par capitalisation ?

En effet, je m'étonne qu'aujourd'hui, en France, l'unique système obligatoire de retraite par capitalisation, le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), ne concerne que les fonctionnaires et soit géré par les partenaires sociaux ! Nous n'avons certes que vingt ans de recul, mais ce système, me semble-t-il, commence à faire la preuve de sa pertinence. Il est important de poser l'ensemble des sujets sur la table à l'occasion du conclave, au moins dans une perspective de long terme. Comment expliquer le paradoxe que la France se refuse à un tel système, à l'exception des fonctionnaires et de leurs représentants syndicaux ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. - Nous apprécions encore plus que de coutume de pouvoir vous auditionner sur ce sujet sensible et crucial des retraites.

Nous n'avions pas pu, dans la réforme des retraites de 2023, faire prospérer nos amendements relatifs à l'emploi des seniors ou à la pénibilité. Or vous relevez dans ce rapport la faiblesse du taux d'emploi des 15-64 ans en France, qui s'établit à 68,4 % en 2023, en dessous de la moyenne de la zone euro, qui est de 70 %. Cette faiblesse relative résulte d'un important écart dans le taux d'emploi des seniors. Par ailleurs, vous indiquez que l'allongement de la durée en emploi résultant des différentes réformes reculant l'âge de la retraite est très hétérogène suivant le sexe et la catégorie socio-professionnelle. Selon l'Insee, cette situation s'expliquerait par le rôle pivot des femmes en tant qu'aidants, qui les amène à sortir plus rapidement du marché du travail, notamment avant l'obtention du taux plein. Comment encourager les femmes à partir à la retraite à la fin d'une carrière complète ? Comment les accompagner alors que le ratio de dépendance va continuer à s'accentuer, passant de 38 % en 2022 à 53 % en 2050 ?

Vous soulignez aussi que l'Unédic constate un léger ressaut d'entrée au chômage trois ans avant l'âge légal de départ à la retraite, qui pourrait s'expliquer par un comportement stratégique visant à utiliser la filière senior de l'assurance chômage, qui prévoyait une durée maximale d'indemnisation de trois ans avant le 1er février 2023, comme un « sas » avant le départ à la retraite. La nouvelle convention d'assurance chômage entrée en vigueur au 1er janvier 2025 prévoit désormais de décaler cette durée maximale d'indemnisation à partir de 55 ans, contre 53 ans auparavant, et de la réduire à vingt-deux mois pour les personnes âgées de 55 ou 56 ans à la fin de leur contrat de travail, et à vingt-sept mois pour les personnes âgées d'au moins 57 ans. Quelles mesures pourraient être prises pour rompre ce phénomène de sas ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ». - Vous soulignez dans votre rapport l'importance du sujet du taux d'emploi des seniors, sur laquelle je rendrai moi-même un rapport prochainement.

Je m'intéresse notamment aux personnes qui ne sont ni en emploi ni à la retraite et sont en bonne santé. Selon l'Insee, cette catégorie, entre 60 et 64 ans, regroupe 323 000 personnes, soit un nombre non négligeable. Auriez-vous des préconisations à formuler pour favoriser leur emploi ? Faudrait-il développer des postes spécifiques, une culture d'entreprise ou de société propice à leur emploi, à l'instar de ce que l'on observe en Allemagne ?

Votre rapport n'analyse pas les conséquences de la baisse de notre natalité. Certes, celle-ci demeure un peu supérieure à celle de nos voisins, mais un taux de fertilité de 1,62 enfant par femme semble insuffisant. Ce n'est pas une fatalité, il convient de croire en notre jeunesse, mais c'est un souci de long terme, puisque le rapport entre cotisants et retraités est un défi majeur. Ne faudrait-il pas préconiser certaines politiques natalistes ?

Vous avez insisté sur la nécessité de l'équité intergénérationnelle. À cet égard, il me semblerait dangereux de compromettre le niveau de vie des retraités tant que nous n'aurons pas résolu le problème du financement de la dépendance. Vous préconisez une éventuelle indexation des pensions de retraite sur les salaires, qui pourrait être modulée en fonction de l'évolution du rapport entre cotisants et retraités. Cela témoignerait d'une solidarité, mais non d'une équité intergénérationnelle. Si l'on veut sauver notre système par répartition, système éminemment vertueux et moins exposé à l'inflation que les systèmes par capitalisation que nous avons connus avant-guerre, il me semble essentiel de lui adjoindre un fonds de réserve des retraites chargé de gommer les déséquilibres entre générations.

M. Pierre Moscovici. - Je tiens à redire que nous avons fait le choix de ne pas inclure dans ce rapport-ci - d'autres suivront ! - de préconisations ou de recommandations. Celui-ci est le fruit de missions flash menées dans des délais très resserrés en réponse à une demande précise du Premier ministre ; nous devions dresser un état des lieux objectif et incontestable. De ce point de vue, mission accomplie : il n'a été contesté que par certains croisés épousant des thèses sans grand soutien politique ou financier. Je ne pourrais donc sans doute répondre à toutes vos questions, à moins de vous apporter des réponses assez spéculatives.

Mme Doineau m'interroge sur l'accompagnement des seniors les plus fragiles. Si l'on s'intéresse à ce que font d'autres pays, on constate que le mot-clé, c'est la formation, notamment dans les TPE et PME. L'Allemagne a mis en oeuvre un vaste programme de cette nature, qui a produit des effets très importants.

Quant aux éventuelles divergences entre les simulations des modèles Mésange, du Trésor, et e-mod.fr, de l'OFCE, je relève tout de même que les résultats de ces deux modèles vont largement dans le même sens, mais avec une ampleur très différente. De fait, leur construction même diffère largement : l'un, celui du Trésor, repose plutôt sur les coûts, c'est une approche orientée vers l'offre ; l'autre, celui de l'OFCE, est plus keynésien et raisonne davantage sur les effets économiques d'investissements additionnels. Dès lors, le second fait moins apparaître d'effets négatifs sur l'emploi d'éventuelles augmentations de cotisations. Mon expérience personnelle, en tant qu'ancien élu, m'inciterait plutôt à juger que le modèle Mésange a tendance à surestimer ces effets, mais je sors de mon rôle de Premier président de la Cour des comptes en vous le disant... Cela explique en tout cas pourquoi je me garde de citer des chiffres précis de possibles destructions d'emplois, mais il n'en reste pas moins que l'impact serait négatif selon les deux modèles.

Mme Gruny demande comment l'on pourrait encourager les femmes à ne prendre leur retraite qu'après une carrière complète, sachant que le ratio de dépendance va continuer à s'accentuer. Il y a là une grande diversité de situations, et ce problème concerne également d'autres politiques publiques, comme la prise en charge du grand âge ou de la petite enfance.

Sa question sur le « sas » de chômage entre l'emploi et la retraite rejoint celle de Mme Vermeillet sur les seniors en bonne santé ni en emploi ni retraités. Il faudrait, comme le prévoit d'ailleurs l'ANI de novembre 2024, inciter les entreprises à anticiper les fins de carrière. Les entretiens à mi-carrière ont un rôle à jouer, la formation est également cruciale, de même que le recours au temps partiel. Il faut aussi lutter contre les comportements de discrimination affectant les seniors qui cherchent un emploi. Tous les chômeurs ne sont pas volontaires, loin de là ! Toutes ces pistes doivent être explorées et de nombreuses politiques publiques doivent être adaptées.

M. Husson a le mérite de souligner un point absolument incontournable : on ne peut pas faire comme si notre système de retraite était en bonne santé financière. Les conclusions de notre premier rapport sur ce point n'ont été contestées par personne, même si les réponses proposées divergent, entre économies, augmentation de cotisations, nouveaux impôts... Le déficit actuel est de 6 milliards d'euros ; le besoin de financement à l'horizon 2035, de 15 milliards ; à l'horizon 2045, de 30 milliards. Je ne reprendrai pas certaines thèses sur la fonction publique auxquelles la Cour ne croit pas, mais l'ordre de grandeur du problème est incontestable.

Quant à la capitalisation, c'est un débat que les partenaires sociaux peuvent avoir au cours de leurs négociations. Notre rapport rappelle qu'il existe bien en France des dispositifs de retraite, individuels ou collectifs, fonctionnant par capitalisation. De nombreux autres pays, notamment l'Allemagne, ont introduit des mécanismes comparables en complément de leur système par répartition. Mais il me semble que la question de la mise en place d'un étage de capitalisation n'a pas de lien direct avec la nécessité d'équilibrer les comptes du système de retraite par répartition. Mario Draghi concluait certes qu'une généralisation de la capitalisation pourrait avoir des effets bénéfiques sur l'économie européenne, notamment via le financement des entreprises, mais l'actualité récente nous montre que de tels dispositifs comportent des risques, qui doivent être limités par une diversification des actifs investis.

En toute hypothèse, si la capitalisation peut être retenue dans le cadre des négociations entre partenaires sociaux, il ne faudrait pas y voir une solution magique ; elle doit rester un complément. Nos deux rapports montrent que la retraite par répartition est viable, ou à tout le moins sauvable, et qu'elle doit rester le fondement du système français. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons effectué des comparaisons avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, trois pays où la répartition est encore au fondement du système de retraite. Un équilibre doit être trouvé, et si une part de capitalisation est retenue, de manière complémentaire, les risques doivent en être mitigés.

Enfin, en réponse à Mme Vermeillet, je confirme que la natalité n'entrait pas dans le champ de notre rapport. Il y a un autre problème très important que nous n'avons pu traiter dans ce rapport-ci, même si nous l'avons abordé dans notre rapport public annuel : celui de l'emploi des jeunes. Si la situation est globalement assez satisfaisante, il reste 12 % de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en éducation, ni en formation, ce qui engendre des phénomènes de pauvreté.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Merci de ce rapport très complet. Nous partageons largement votre constat, mais notre appréciation des causes diffère, ce qui explique notre dissensus quant aux solutions. Nous partageons aussi votre préoccupation de maintien de l'équité. À cet égard, il est important de relever la bonne performance du système français en matière de lutte contre la pauvreté des personnes retraitées, et de la préserver. Une indexation insuffisante des pensions de retraite reviendrait sur cette réussite ; la part de retraités pauvres, qui diminuait tendanciellement, commence d'ailleurs à remonter.

Vous constatez que l'amélioration du taux d'activité des personnes atteintes par le recul de l'âge légal de départ à la retraite et de l'allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein repose essentiellement sur les personnes qui occupaient un emploi avant d'entrer dans cette classe d'âge. On observe très peu de progrès pour les autres, aucun effet d'horizon ne semble avoir joué. Selon Dominique Méda, il n'y aura pas d'amélioration du taux d'emploi des seniors sans un effort massif d'amélioration des conditions de travail. Les constats de la Dares sont accablants quant à l'évolution des conditions de travail depuis vingt ans. Avez-vous pris en compte les conditions de travail dans votre appréciation de l'emploi des seniors ?

Vous avez parlé d'espérance de vie, mais pas d'espérance de vie en bonne santé, alors que cette donnée est essentielle pour apprécier le temps passé à la retraite. Les premiers déciles de niveau de vie ont vu leur durée de vie à la retraite en bonne santé diminuer ; plus de personnes meurent même avant d'atteindre la retraite. Du fait de la réforme de 2010, tous les gains d'espérance de vie ont été, depuis lors, absorbés par l'allongement de la période de travail. On évoquait une répartition de deux tiers de l'allongement de l'espérance de vie pour la période travaillée et un tiers pour la retraite, mais ce n'est plus le cas : la durée de vie à la retraite a même tendance à baisser.

Recourir à un système par capitalisation ne résoudrait en rien le rapport démographique ; c'est absolument neutre en la matière. Si de tels systèmes existent depuis trente ans, y compris pour des régimes obligatoires, il faut noter qu'il s'agit de systèmes en montée de charge, disposant de trois fois plus de cotisants que de bénéficiaires ; ils disposent donc de réserves, comme en avait naguère notre système de retraite par répartition, mais le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui devrait nous permettre de faire face au choc démographique, a été dilapidé !

M. Pascal Savoldelli. - Votre expertise et celle de vos équipes sont toujours précieuses pour un exercice critique de l'action publique. Je vous avoue m'être interrogé en vous écoutant, mais le souvenir des propos que vous teniez la semaine dernière devant la commission des finances m'a permis de saisir la cohérence de votre pensée.

Vous parlez d'équité ; pour ma part, particulièrement en matière sociale, je préfère la notion d'égalité, qui figure au coeur de notre devise républicaine. Je ne souhaite pas la voir remplacer, dans nos réflexions, par celle d'équité, qui n'appartient pas de la même façon à notre modèle républicain. Nous sommes égaux, en droits comme en obligations. Le problème de l'équité, c'est de savoir qui décide du caractère juste ou injuste d'une inégalité.

Dès lors, même si vous vous refusez à formuler des recommandations, de manière à maintenir une forme d'objectivité, on ne peut pas parler de neutralité. Vous évoquiez la semaine dernière une « révolution de la dépense publique » ; pour ma part, j'attends plutôt une révolution de la recette publique... Vous avez fait montre d'une expertise de qualité, dans des délais très courts. Vous avez examiné, entre autres éventualités, celle d'une sous-indexation des pensions sur l'inflation ; cet examen est nécessaire, mais il n'est pas neutre !

Si l'on maintient le système de retraite par répartition, l'on devra débattre, de manière apaisée, mais argumentée, de la nature de ladite répartition, et de l'effort qu'elle exige. Dès lors, faudrait-il selon vous prendre en compte le régime fiscal des travailleurs, des plus modestes à ceux qui reçoivent les plus hauts salaires, et celui des revenus du capital, qui leur est beaucoup plus favorable ? Quelle est la ligne d'équilibre, d'harmonie, entre les efforts demandés à tous ceux qui travaillent et la contribution des revenus du capital ?

Mme Monique Lubin. - Je veux en préambule rappeler un propos que vous avez tenu lors de votre présentation de la première partie de ce rapport devant la commission des affaires sociales : vous affirmiez clairement que le système de retraite par répartition avait des bases solides et qu'il n'était pas en danger. J'aime à le répéter, parce que certains parmi nous ont tendance à dramatiser la situation. Notre rôle de politique est de ne pas effrayer la population, notamment les jeunes qui, persuadés qu'ils n'auront pas de retraite, ne se mobilisent pas pour sauver le système actuel.

Cela étant dit, vous avez produit un rapport étayé sur les prévisions de déficit, qu'il convient de mettre en rapport avec les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR). Nous n'avons rien à redire quant aux prévisions à cinq ou dix ans ; méfions-nous en revanche de ce que l'on peut dire pour 2045, car ce qu'il s'est passé ces cinq dernières années doit nous inciter à la prudence : nous ne savons pas quels événements économiques peuvent survenir, et à l'inverse certaines prévisions très inquiétantes faites au moment de la crise du covid ne sont pas avérées. Prenons les chiffres tels qu'ils ont, mais n'affolons personne !

On parle beaucoup d'emploi des seniors ; je lirai avec beaucoup d'attention le rapport que Sylvie Vermeillet remettra sur ce sujet. En 2019, René-Paul Savary et moi-même en avions publié un, où nous préconisions déjà certaines solutions. Les années ont passé, mais les entreprises ne se saisissent absolument pas de ces recommandations, en dépit de leur bonne volonté. Je crains que nous soyons enfermés en France dans une culture du non-emploi des seniors : les entreprises n'en recrutent pas ; en cas de difficultés, elles licencient toujours les plus âgés. C'est très regrettable ; il faudrait vraiment sortir de l'incantation en la matière et trouver des mesures qui inciteraient, sans en venir à la coercition, à les employer davantage.

Nous devons donc décider si nous voulons réellement conserver notre modèle de retraite par répartition. Nombreux sont ceux qui, parmi nous, ont compris les limites des systèmes par capitalisation. Il faudrait un modèle de répartition qui permette à ceux qui ont exercé les métiers les plus difficiles de partir relativement tôt, sans avoir à travailler jusqu'à un moment où ils ne pourraient plus profiter de leur retraite, et garantir aux retraités un niveau de revenu décent par rapport à celui des salariés. Dès lors, tout comme Pascal Savoldelli, j'estime qu'il faut certainement se poser la question des recettes.

M. Pierre Moscovici. - Le propos de Pascal Savoldelli m'a considérablement rajeuni, me ramenant à une époque où je n'étais pas Premier président de la Cour des comptes et où je ne faisais pas même de politique : jeune étudiant, je me plongeais dans des débats philosophiques sur les notions d'égalité et d'équité... Il y a d'ailleurs plusieurs types d'égalité, de celle des chances à celle des conditions, égalité formelle et égalité réelle.

Mais quand nous parlons d'équité dans ce rapport, notre intention est bien de réduire des situations d'inégalité. Quand on regarde de trop loin le système de retraite, on passe à côté de situations qui doivent être traitées : inégalités entre femmes et hommes, liées aux carrières hachées, au rôle d'aidant que la société fait encore peser surtout sur les femmes, ou encore à des paramètres sanitaires ; inégalités subies aussi par ceux qui exercent les métiers les plus pénibles, ou par ceux qui ne sont ni en emploi ni en formation.

M. Savoldelli m'invite aussi à réfléchir à la fiscalité. Ce n'est pas par idéologie que nous ne l'avons pas fait ; c'est parce que ce n'est ni le rôle de la Cour des comptes en général - nous travaillons presque exclusivement sur la dépense publique - ni la commande qui nous a été faite en l'occurrence. Oui, j'ai évoqué une nécessaire révolution de la dépense publique : il faut sortir des réflexions mécanistes selon lesquelles toute dépense serait suspecte, ou encore il ne faudrait agir que sur son volume. La révolution, selon moi, consisterait à travailler sur la qualité de la dépense publique.

Celle-ci représente 57 % du PIB dans notre pays ; c'est beaucoup. Ce niveau de dépense s'explique par le fort attachement des Français à leur modèle social, mais la différence de 8 points par rapport à la moyenne de la zone euro n'en est pas moins énorme et se pose la question de l'efficacité de cette dépense. Celle-ci a augmenté de 3 points de PIB depuis 2019 ; peut-on croire que cela corresponde à un surcroît équivalent d'efficacité du service public, en particulier pour l'éducation et la santé, les deux enjeux cruciaux d'aujourd'hui ? Nous venons de publier une revue des dépenses d'assurance maladie ; ce rapport montre que l'on pourrait en la matière économiser quelque 20 milliards d'euros sans toucher, pour l'essentiel, aux assujettis, mais en réglant des questions de gouvernance, en pratiquant davantage la prévention ou encore en luttant mieux contre la fraude. Certains m'ont critiqué : lutter contre la fraude sociale serait de droite ! Mais ceux qui trichent sont loin d'être les plus modestes. On peut faire des économies sans affaiblir le service public.

À mon tour, monsieur Savoldelli, de vous taquiner sur la sémantique : il me semble que vous confondez quelque peu répartition et redistribution. La répartition, c'est le fait que notre système est financé par des cotisations sociales assises sur la masse salariale. La redistribution suppose d'introduire dans ce système des éléments de réduction des inégalités ; c'est l'un des objectifs de la fiscalité, mais ce n'est pas inhérent à notre système de retraite.

À ce propos, pour répondre à Mme Lubin, je tiens à dire que je ne vois pas de contradiction entre nos deux rapports. Je crois que notre système de retraite par répartition repose sur des bases solides et qu'il doit perdurer. Pour autant, les problèmes de soutenabilité et de financement à venir ne peuvent pas être ignorés. Et ce n'est pas anticiper sur les conclusions du conclave que de vous rappeler que les constats faits dans le premier rapport ont été approuvés de la CGT jusqu'au Medef. Ensuite, à chacun de choisir les solutions qu'il préfère, entre fiscalité et économies ; notre rôle est simplement d'éclairer le débat. Nous restons donc attachés au système par répartition ; la capitalisation, si elle peut être développée avec précaution, ne saurait être qu'un étage complémentaire.

Madame Poncet Monge, je conviens avec vous que la capitalisation n'améliore pas le rapport démographique. Elle ne peut pas être la solution au problème du financement du système de retraite, mais seulement un plus.

Pour ce qui est de l'espérance de vie en bonne santé, pardonnez-moi, mais il convient selon moi de tordre le cou à la légende selon laquelle les Français à la retraite ne seraient pas en bonne santé : heureusement, l'espérance de vie en bonne santé a beaucoup augmenté. À 65 ans, elle est estimée aujourd'hui à 12 ans pour les femmes et 10,8 ans pour les hommes. Certes, il existe des disparités, qui rejoignent les inégalités socio-professionnelles que j'ai relevées : la différence entre ouvriers et cadres ou professions intermédiaires est de 2 ans pour les femmes, 3 ans pour les hommes. Cette question doit absolument être traitée.

Enfin, madame la sénatrice, vous avez évoqué les conditions de travail. Certes, nous ne les avons pas abordées en tant que telles dans notre rapport, mais cette question recoupe notre réflexion sur l'équité telle que nous l'avons définie. Je ne sais pas ce qui sortira des discussions des partenaires sociaux à ce sujet, même si nous les avons consultés. J'ai tout de même constaté chez eux tous un état d'esprit propice à la discussion. Ils doivent être capables de modifier la gouvernance du système et de définir des clauses de revoyure. L'important est qu'ils travaillent aux trois chantiers que j'ai relevés : la situation des femmes, de ceux qui ont des conditions de travail plus pénibles que d'autres, et de ceux dont la situation sanitaire est plus difficile. On ne s'en sortira pas sans traiter ces trois questions.

M. Laurent Somon. - L'équité intergénérationnelle me paraît un enjeu extrêmement important. Dans votre étude bibliographique et comparative, avez-vous pris en compte l'espérance de vie à la retraite par profession par rapport à l'écart-type de la moyenne ? Avez-vous relevé en la matière, dans d'autres pays ou systèmes de retraite, un impact sur la compétitivité et l'emploi ?

M. Pierre Moscovici. - C'est une colle que vous me posez là... Nous vous ferons parvenir une réponse détaillée en creusant les références du rapport.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Avant de clôturer cette audition, je vous remercie encore, monsieur le Premier président, de ce rapport qui éclaire notre réflexion et nos travaux.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 30.