Mercredi 14 mai 2025

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques(JOP) d'hiver 2030 - Audition de MM. Pierre-Antoine Molina, délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques(Dijop), Edgar Grospiron, président du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques(Cojop) des Alpes françaises 2030, Cyril Linette, directeur général du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques(Cojop) des Alpes françaises 2030, et Damien Robert, directeur général exécutif de l'établissement public Société de livraison des ouvrages olympiques Alpes 2030 (SOLIDEO Alpes 2030)

M. Laurent Lafon, président. - Je voudrais d'abord saluer la délégation de députés et de fonctionnaires de l'Assemblée nationale du Bénin qui est présente avec nous ce matin. La délégation est conduite par Victor Topanou, président de la commission de l'éducation, de la culture, de l'emploi et des affaires sociales de cette Assemblée, accompagné de Djamilatou Sabi Mahomet, députée et Josué Olatoundji Chabi Kpandé, directeur des services législatifs. Soyez les bienvenus dans notre commission.

Notre premier point à l'ordre du jour est une table ronde consacrée à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver 2030. Nous avons le plaisir d'accueillir plusieurs intervenants majeurs dans la préparation de ces JOP, qui se tiendront dans les Alpes françaises : Pierre-Antoine Molina, délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques, Edgar Grospiron, président du comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, le Cojop Alpes 2030, accompagné de Cyril Linette, directeur général, et enfin Damien Robert, directeur général exécutif de la Société de livraison des ouvrages olympiques, la Solidéo Alpes 2030.

En juillet dernier, le Comité international olympique (CIO) a officiellement désigné les Alpes françaises comme territoire hôte des Jeux d'hiver 2030. Il s'agira de la quatrième édition des Jeux d'hiver organisés en France et la première depuis Albertville en 1992. Ces Jeux devront s'inscrire dans la continuité de l'héritage de Paris 2024, tout en répondant aux enjeux spécifiques des territoires de montagne, à commencer par l'adaptation au changement climatique. Leur réussite dépendra de leur capacité à conjuguer performance sportive, sobriété environnementale et retombées positives pour l'attractivité et le dynamisme des territoires alpins.

Le lancement du Cojop en février dernier marque le début d'un défi d'ampleur pour organiser ces Jeux en seulement cinq ans. Le Gouvernement a apporté une première garantie inscrite dans la loi de finances pour 2025, mais les Jeux d'hiver présentent un modèle économique différent de ceux des Jeux d'été, avec des recettes attendues plus limitées. La participation de l'État est estimée à 360 millions d'euros sur un budget global de 2 milliards d'euros. Plusieurs rapports de l'Inspection générale des finances ont mis en évidence un risque significatif de dépassement budgétaire. Un projet de loi relatif à l'organisation des Jeux de 2030 sera examiné par le Sénat fin juin. Il comprend notamment une disposition permettant aux régions d'accorder une garantie financière au Cojop, ainsi que plusieurs dispositions rappelant celles adoptées en 2018 pour les Jeux de Paris 2024.

Je vous rappelle que cette audition est filmée et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat. Si vous le voulez, Monsieur le Délégué interministériel, je vais commencer par vous donner la parole.

M. Pierre-Antoine Molina, délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop). - C'est pour moi un grand plaisir d'être devant vous aujourd'hui pour évoquer la situation inédite dans laquelle nous nous trouvons. Je dis « situation inédite » parce qu'en France, au moins depuis 1924, il ne nous est jamais arrivé d'organiser deux Olympiades dans un intervalle aussi bref. Les conditions d'organisation des Jeux Olympiques étaient différentes à l'époque. Nous sommes dans cette situation inédite qui, je crois, n'a pas de précédent dans les autres pays ayant accueilli des Olympiades. Cette situation traduit la confiance que le CIO accorde à notre pays. Elle est aussi une chance, car, contrairement à la plupart de nos prédécesseurs, nous allons pouvoir organiser une Olympiade en nous appuyant sur l'expérience de Paris 2024. La réussite des Jeux de Paris va porter les différents acteurs dans la préparation de ceux de 2030 ; l'expérience accumulée sera remobilisée.

L'organisation des Jeux de 2030 ne doit pas être sous-estimée dans sa singularité. Je laisserai à Edgar Grospiron, Cyril Linette et Damien Robert le soin d'exposer ce qu'implique l'organisation de ces Jeux d'hiver. Pour résumer, organiser des Jeux d'hiver n'est pas forcément plus simple qu'organiser des Jeux d'été. Mais du point de vue de l'État, nous sommes attentifs à l'inscription territoriale de ce projet qui est très différente. Le contrat hôte du CIO est signé avec deux régions : Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cela traduit le fait que ce projet a été d'abord porté par ces deux régions. L'État y a apporté son soutien au moyen d'un certain nombre de lettres de garantie.

Le CIO a attribué l'organisation des Jeux à la France en juillet 2024, sous condition de satisfaction des garanties financières. Les Premiers ministres se sont engagés auprès du CIO à fournir ces garanties, dont certaines ont été inscrites dans la loi française, de sorte que le contrat hôte a pu être signé.

Ce projet se déploie dans ces deux régions autour de quatre sites : le site niçois, le site du Briançonnet, le site de la Tarentaise et le site des Aravis. Il y a cette première spécificité. La seconde, c'est que nous devons organiser ces Jeux dans des délais exceptionnellement courts. Il sera très important de pouvoir s'appuyer sur l'expérience de Paris 2024 de façon à gagner du temps.

L'État s'appuie sur une organisation éprouvée, reposant sur le triptyque que nous représentons aujourd'hui : la délégation interministérielle que je dirige, le comité d'organisation présidé par Edgar Grospiron et dont Cyril Linette est le directeur général, ainsi que la Solidéo, dirigée par Damien Robert.

Je voudrais aborder trois points : le rôle de la délégation interministérielle, les étapes franchies depuis sa mise en place en octobre, et les prochaines échéances.

La Dijop a deux missions : faire vivre l'héritage de Paris 2024 et préparer les Jeux Olympiques de 2030. Pour Paris 2024, il faut mettre certains ouvrages en configuration « héritage », gérer les organismes qui ont organisé les Jeux et utiliser le boni de liquidation. Il y a également un héritage à faire vivre.

Pour les Jeux de 2030, la Dijop coordonne l'action des administrations centrales de l'État sous l'autorité de la ministre des sports et du Premier ministre. Mon rôle est de coordonner l'action de ces administrations, notamment pour l'élaboration de projets de loi, de normes réglementaires et d'instructions administratives, ainsi que pour l'obtention des moyens nécessaires à l'organisation des Jeux. Je dois également assurer le pilotage de la mise en place du Cojop et de la Solidéo, et veiller aux relations de l'État avec ces organismes et les partenaires du projet. Enfin, je dois veiller à l'impact des Jeux sur le plan budgétaire, économique, social et environnemental.

L'action de la Dijop se déploie dans le cadre d'une comitologie similaire à celle de Paris 2024, avec un Comité interministériel présidé par le Premier ministre et un Comité de coordination que je préside.

Tel est le rôle de la Dijop. Depuis sa mise en place en octobre dernier, plusieurs étapes ont été franchies. Les organismes qui m'accompagnent ont été mis en place après un travail de préfiguration. Le comité d'organisation a été lancé le 18 février, sous la présidence d'Edgar Grospiron. C'est une association qui rassemble les parties prenantes, dont les deux conseils régionaux, les comités olympique et paralympique, et l'État. Michel Barnier a été missionné pour accompagner la mise en place du Cojop et l'établissement de liens avec ses partenaires. La Solidéo a été créée par décret à la mi-février et les premières instances des deux organismes ont été réunies en avril. Deux autres étapes significatives ont été franchies. La loi de finances pour 2025 a incorporé trois décisions importantes, notamment l'adoption des garanties exigées par le CIO, la création d'un programme budgétaire spécifique pour l'organisation de l'événement et l'attribution de crédits pour amorcer les actions de la Solidéo. Le Comité international olympique a signé le contrat hôte le 9 avril dernier, attribuant juridiquement à la France l'organisation des Jeux de 2030. Voilà en quelques mots les étapes qui ont été franchies au cours des derniers mois.

Je voudrais vous dire un mot sur le projet de loi qui sera présenté au Conseil des ministres demain. Sans trahir de secret, je peux dire que le projet comportera plusieurs séries de dispositions. La première série concerne les mesures législatives liées au contrat hôte. Cela implique notamment d'attribuer au comité d'organisation la qualité d'organisateur de compétitions sportives et de lui conférer des droits de propriété intellectuelle liés à l'olympisme. De même, des mesures garantissent les droits des partenaires des JO, y compris en matière de publicité.

Deuxièmement, un dispositif visant à garantir la rigueur et l'intégrité dans l'organisation des JOP sera prévu. Cela impliquera l'adaptation des compétences de la Cour des comptes, de l'Agence française anticorruption et de l'Agence française de lutte contre le dopage. Le projet de loi prévoit la possibilité pour des parlementaires de siéger dans des instances telles que les comités d'éthique et les comités des rémunérations.

Une troisième série de dispositions vise à organiser les Jeux dans de bonnes conditions. Cela concerne notamment l'accélération des procédures pour la réalisation des infrastructures. Des dispositions similaires à celles adoptées pour Paris 2024 seront reprises, telles que le permis à double état pour les villages olympiques et la dispense d'autorisation d'urbanisme pour les installations temporaires. Figure également dans le projet de loi la possibilité de recourir plus facilement à un certain nombre d'outils du code de la commande publique, comme les marchés globaux de performance ou les accords-cadres, notamment pour la réalisation des infrastructures. Des dispositions visent également à garantir l'organisation des Jeux dans de bonnes conditions de sécurité.

Le projet de loi sera présenté au Conseil des ministres demain et le Sénat sera appelé à se prononcer sur celui-ci d'ici à la fin du mois de juin. L'adoption définitive du projet de loi devra intervenir avant la fin de l'année pour produire ses effets, notamment en matière d'urbanisme, et permettre la réalisation des infrastructures.

Deux autres séries d'échéances nous attendent. Premièrement, la consolidation budgétaire du projet. Le budget de candidature du Cojop est aux alentours de 2 milliards d'euro et la réalisation des infrastructures nécessitera un peu plus d'un milliard d'euros au total, concours publics et privés additionnés. Le Gouvernement a demandé à ses inspections de travailler pour consolider et affiner les bases techniques et budgétaires. Nous allons approfondir leur travail et le partager avec le Cojop, la Solidéo et les régions pour convenir de la manière dont nous allons prendre en charge les dépenses nécessitées par la liste des équipements qu'il nous faut ensemble définir. L'État a engagé un certain nombre de démarches dans la préparation de ces Jeux, notamment pour assurer l'organisation dans de bonnes conditions de sécurité. Mes collègues du ministère de l'Intérieur ont déjà commencé les travaux pour la planification et l'analyse des risques.

Au sein de l'État, avec le Cojop, la Solidéo et les régions, nous élaborerons une feuille de route environnementale pour les Jeux. Celle-ci définira des objectifs ambitieux pour les Jeux et la manière de les atteindre, notamment en matière de changement climatique et de minimisation de l'impact sur la nature. L'État définira un programme héritage, comme pour Paris 2024, axé sur trois principaux axes : le sport, l'optimisation des impacts économiques et l'environnement. Le sport sera abordé à travers la performance et le développement de la pratique sportive, y compris en montagne. L'optimisation des impacts économiques concernera la filière sport, le tourisme, la montagne et les technologies et secteurs économiques mobilisés par les Jeux. Enfin, l'axe environnemental et l'inclusivité de ces Jeux seront des enjeux centraux. Les Jeux doivent faire progresser l'accessibilité de certains lieux et équipements pour les personnes en situation de handicap. Un point d'étape important sera effectué d'ici à l'été, comme l'a annoncé le Premier ministre lors du premier comité interministériel sur ces JOP.

Voilà les échéances qui jalonnent notre route, une route pentue, rapide, exigeante, mais belle.

M. Laurent Lafon, président. - Je donne la parole au président du comité d'organisation qui a l'habitude des routes pentues, et parfois même bosselées !

M. Edgar Grospiron, président du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) des Alpes françaises 2030. - Merci, mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, monsieur le ministre, monsieur le président, monsieur le délégué interministériel, monsieur le directeur général de la Solidéo. Je suis ravi et honoré de me retrouver aujourd'hui devant vous pour évoquer le projet des Jeux Olympiques et Paralympiques. Je suis accompagné de Cyril Linette, directeur général, récemment nommé.

Le projet Alpes françaises 2030 est né à l'été 2023 de la volonté de deux présidents de régions, Renaud Muselier et Laurent Wauquiez. L'offre du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et du Comité paralympique et sportif français (CPSF) d'organiser les Jeux d'hiver du nord au sud avec quatre clusters a séduit le CIO, qui a officiellement confié l'organisation des Jeux à la France le 24 juillet dernier.

Cette promesse engage une dynamique olympique, dans plusieurs départements des Alpes à la Méditerranée, avec la Haute-Savoie, la Savoie, les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, sans oublier les deux grandes métropoles de ces régions, Marseille et Lyon.

La désignation des Alpes comme hôte des Jeux de 2030 est intervenue dans un contexte politique et sportif particulier. Après les Jeux de Paris, le cheminement vers la création du comité d'organisation a connu quelques péripéties.

J'ai l'impression d'avoir toujours été appelé sous les drapeaux de l'olympisme. J'ai grandi au contact de gens qui ont été champions olympiques. Je suis devenu champion olympique à mon tour. J'ai été appelé à diriger le comité de candidature d'Annecy en 2018, puis sollicité par le CIO pour animer des séminaires, notamment pour Paris 2024. Ensuite, le CNOSF m'a demandé de présider l'organisation des Jeux Olympiques. C'était inattendu, car j'avais une vie et un métier établis. J'ai dû prendre une décision en huit jours, arrêter mes activités, me mettre d'accord avec ma famille et prendre des responsabilités lourdes. J'ai décidé de mettre mon énergie et mes connaissances au service de ce projet.

Le Cojop a été constitué le 18 février dernier, puis s'est doté d'une existence juridique quelques jours plus tard. Cela fait moins de 100 jours. Il nous reste 1 725 jours avant l'ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver en 2030. Ces 100 jours ont été consacrés à ma prise de fonction et à l'installation du Cojop. Il a fallu le constituer administrativement, fonctionnellement et physiquement, en partant d'une feuille blanche. Le dispositif de répartition des médailles entre les régions a été proposé par les présidents de régions et validé par le CIO. Mon rôle est de trouver les moyens humains et opérationnels pour livrer ces Jeux conformément à ce qui a été proposé et validé, dans le budget alloué.

Nous partons d'une feuille blanche, non pas en termes de projet, mais bien en termes de structure. Le Cojop est actuellement encore au début de sa construction. Cela suscite beaucoup d'attentes, légitimes de l'ensemble des parties prenantes, y compris le CIO. Le cadre est posé, les délais sont contraints, les conditions budgétaires également. J'ai accepté cette mission avec Cyril Linette, qui structure l'équipe. Nous avons conscience de l'ampleur du défi, mais nous ne partons pas sans atouts. Nous pouvons compter sur le soutien précieux du CIO et travaillons étroitement avec les régions, l'État, le CNOSF et le CPSF.

Plusieurs chantiers stratégiques avancent déjà. Mais avant de se lancer dans les phases opérationnelles, il faut prendre le temps de construire des fondations solides. Il faut construire la vision des Jeux, leur âme, ce qui guidera notre action. J'ai initié un travail de fond sur la vision des Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver 2030. Ce sera le point de départ pour les cinq années à venir afin de garantir des Jeux porteurs de sens. La vision est une boussole pour des Jeux uniques, inscrits dans une époque et un territoire. C'est ce qui fait la spécificité des Jeux Olympiques. C'est ce qui fait qu'ils sont différents d'une Coupe du monde de football, par exemple. Ils s'inscrivent dans une époque et sur un territoire. Cela signifie qu'on ne fera pas les Jeux d'Albertville ni ceux de Paris.

Cette vision doit nous permettre de poser les bases d'une ambition partagée pour aborder les grands enjeux à venir du Cojop. Premièrement, fédérer autour d'un cap clair et inspirant, notamment pour convaincre nos partenaires économiques. C'est un grand sujet qui va m'animer pendant toute la durée de mon mandat, convaincre nos partenaires économiques et impliquer l'écosystème essentiel à l'organisation de ces Jeux. Il est essentiel que nous soyons tous soudés derrière ces Jeux Olympiques. Cela nous permettra de mieux convaincre les partenaires économiques et de mieux impliquer l'écosystème essentiel à leur organisation.

Cette vision va nous permettre d'exprimer l'ambition des Jeux de 2030 en France comme à l'international, en vue notamment du prochain grand rendez-vous olympique que seront les Jeux de Milan-Cortina en février 2026. Enfin, cette vision guidera les grandes décisions stratégiques du Cojop et assurera une ligne directrice pour nos futurs directeurs dans l'ensemble de leurs domaines fonctionnels.

Dans une montagne qui évolue avec des enjeux environnementaux essentiels, dans un contexte de sobriété budgétaire, nous devons trouver des solutions pour livrer des Jeux impeccables, c'est-à-dire festifs, vertueux et utiles. C'est l'objectif de notre organisation qui va rapidement se structurer pour cela.

M. Cyril Linette, directeur général du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) des Alpes françaises 2030. - Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver dans cette salle où je suis venu il y a peu de temps pour parler d'un autre sujet qui m'anime beaucoup, à savoir le football.

Je suis très fier de me retrouver aux côtés d'Edgar Grospiron dans le cadre de la préparation des Jeux olympiques. Quelques éléments de contexte s'imposent. Il y a un mois, j'avais déjà entendu parler d'Edgar Grospiron, mais nous ne nous connaissions pas. J'ai été nommé il y a précisément quinze jours et donc je navigue encore pour le moment entre Paris et Lyon, puisque le siège du Cojop sera à Lyon. C'est un point important d'ancrer le siège du comité d'organisation au plus près de l'événement, pour mettre en valeur sa dimension territoriale et locale. Ce ne sont pas les Jeux de Paris qui vont se déplacer. Ce sont vraiment les Jeux des territoires, comme Edgar Grospiron a pu le dire.

La gouvernance du Cojop est déjà en place, mais le Cojop lui-même est encore une start-up. Nous sommes sept ou huit et nous sommes encore à chercher où sont les câbles pour installer les imprimantes. Le gros avantage, c'est que le projet tel qu'il a été porté par les régions est déjà bien dessiné.

Un vrai sujet que vous voudrez sans doute évoquer est celui du budget. On ne part pas de zéro, parce que la cartographie des sites est déjà quasiment dessinée. Il y a quelques arbitrages qui sont essentiellement à la main du président, mais qui ne seront pas de nature à modifier profondément ni la source ni les conséquences de ce projet. Ce budget a déjà été préfiguré par les services de l'État et par la délégation interministérielle, mais aussi par les inspections générales, qui en ont une vision un peu différente.

Nous sommes dans une situation qui devrait logiquement ne pas bouger beaucoup. Notre métier, à Edgar Grospiron, à moi et demain aux équipes, consiste à optimiser les revenus et à baisser au maximum les dépenses pour créer un événement à la fois festif et sportif. Les compétitions sportives sont le volet le plus important, mais il faut aussi que chacun y prenne du plaisir et vive des moments inoubliables. Paris 2024 a été un moment absolument incroyable pour tous. Ces Jeux doivent avoir du sens et c'est encore plus vrai pour des régions en pleine transformation comme les montagnes, encore plus vrai qu'à Paris. Cette dimension sera évidemment très fortement intégrée dans la vision évoquée par Edgar Grospiron.

Ces Jeux devront être sobres et coûter le moins cher possible à la collectivité. Le dimensionnement du projet, mais aussi la vie quotidienne, la capacité à gérer les équipes au plus près, à avoir un vrai rôle managérial, feront qu'on tiendra au maximum notre ligne de revenus et que l'on pourra négocier avec les meilleurs partenaires possibles. Les Jeux intéressent, et l'expérience de Paris 2024 nous aide évidemment à mobiliser des partenaires, mais aussi à maîtriser les dépenses. C'est une question de volonté managériale. Vous pouvez compter sur moi pour avoir ce sujet en tête.

Nous devons lancer le train. Très souvent, pour les Jeux Olympiques, les comités d'organisation s'élancent après un comité de candidature. Donc il y a déjà des équipes, l'organisation est sur des rails. Or, s'agissant des JOP 2030, la candidature vient des présidents de régions. Il nous faut construire des équipes, un état d'esprit, une vision. Edgar Grospiron est à la manoeuvre pour cela. Et puis, il nous faut recruter : un DRH, un directeur financier, un directeur juridique, un patron des opérations, un responsable de la marque, de la communication... Tout ce travail est à faire en utilisant pour une part les expertises de Paris 2024 et en faisant appel aux talents des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Les Jeux de Milan-Cortina, dans neuf mois, constitueront une étape importante. Le drapeau olympique nous sera alors remis. Quatre ans avant les Jeux, il faudra que nous ayons déjà une identité, un logo, un emblème, une carte des compétitions, et que nous ayons engagé un certain nombre de communautés derrière nous.

Nous avons deux vigies : l'État, qui s'assure de la partie budgétaire, et le CIO qui délègue ses droits au Cojop. Le CIO est extrêmement vigilant sur la délivrance des Jeux Olympiques, comme j'ai pu le constater lors de récentes réunions. Nous sommes conscients du nombre important de parties prenantes, mais nous sommes prêts et déterminés.

M. Damien Robert, directeur général exécutif de l'établissement public Société de livraison des ouvrages olympiques Alpes 2030 (SOLIDEO Alpes 2030). - Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le président, je vous remercie de me donner la possibilité d'expliquer ce qu'est la Solidéo Alpes 2030 et comment elle va opérer. La Solidéo est née il y a trois mois, et j'ai été nommé il y a un peu moins de deux mois et demi.

La Solidéo, société de livraison des ouvrages olympiques, est chargée de tout ce qui est solide, tandis que le Cojop s'occupera de tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui est liquide, immatériel. Elle est directement inspirée de la Solidéo 2024, qui a connu des succès avec Paris 2024. Nous avons donc dupliqué ce modèle pour créer la Solidéo 2030, un établissement public sui generis qui remplit deux missions.

Notre mission principale est de livrer en temps et en heure, conformément aux exigences olympiques, l'ensemble des ouvrages pérennes nécessaires à la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques à partir du 1er février 2030. Mais nous avons également une mission complémentaire, qui est de livrer des ouvrages sobres et utiles pour la population. C'est une double mission : olympique et territoriale.

Pour ce faire, nous allons être organisés en une petite équipe restreinte, multidisciplinaire, d'environ 70 à 80 personnes, pour réaliser un certain nombre d'ouvrages. Nous allons progressivement nous constituer, mais nous resterons une équipe de taille réduite.

Quand on parle d'ouvrages, notamment pérennes, de quoi parle-t-on ?

Sur les quatre sites olympiques, la cartographie détaillée par Edgar Grospiron montre que nous allons entreprendre de nombreuses actions nécessaires à la réalisation et à la bonne tenue des Jeux. Quatre typologies d'ouvrages seront réalisées. Premièrement, les équipements sportifs, nécessaires à la tenue de toutes les épreuves. Notons que la spécificité de la candidature de 2030 réside dans le fait que nous allons essentiellement rénover à plus de 90 % et construire très peu de nouveaux équipements. Un seul ouvrage neuf sera construit, tandis que tous les autres seront des équipements sportifs rénovés, notamment beaucoup d'équipements sportifs qui ont déjà servi pour les Olympiades de 1992.

Deuxièmement, les villages olympiques. Contrairement à Paris 2024, qui n'avait qu'un seul village olympique, voire deux, nous allons créer quatre villages olympiques situés en proximité, voire même à l'intérieur des clusters, les pôles d'épreuves olympiques.

Troisièmement, les équipements et les aménités nécessaires à un bon accueil des athlètes et de l'ensemble des personnes participant à l'organisation des Jeux.

Enfin, un ensemble d'infrastructures pour faciliter l'accessibilité des sites olympiques, notamment passerelles, mise aux normes de gares, pôle multimodal, création d'une voie réservée pour faciliter les déplacements, ascenseurs valléens, tout pour essayer de faciliter les déplacements à l'intérieur des clusters et les déplacements doux et décarbonés. Pour ce faire, plus d'une trentaine d'ouvrages seront réalisés dans un temps très contraint. La Solidéo est là pour s'assurer que tout cela est fait en temps et en heure conformément aux exigences.

Pour ce faire, la Solidéo va centraliser l'essentiel des financements publics nécessaires à la réalisation des infrastructures. Soit nous réaliserons directement les ouvrages, soit nous les superviserons en nous appuyant sur l'énergie de l'ingénierie locale déjà présente - les collectivités régionales et locales ont beaucoup travaillé sur ces ouvrages. Tout cela se fera dans un calendrier serré en trois phases : une phase d'études (2025-2026), une phase travaux (2027-2029) et une phase héritage. La Solidéo restera présente après les Jeux pour assurer la reconversion des villages olympiques et faciliter la prise en gestion des équipements. Notre obsession est de faire des Jeux sobres et utiles, tout comme les ouvrages. En quelques mots, nous allons essayer de minimiser l'empreinte et maximiser l'héritage.

Ce n'est pas facile, car nous sommes sur un territoire contraint. Il faudra donc aménager le territoire tout en le préservant et en essayant de maximiser l'héritage que nous pouvons y laisser.

Deux principes guideront notre action.

Premièrement, une sobriété économique et écologique est exigée, compte tenu de la contrainte de l'enveloppe budgétaire et de l'impact environnemental. Nous allons privilégier la rénovation, qui représente 90 % de notre candidature. Cela inclut la rénovation énergétique des équipements actuels, très souvent énergivores.

Deuxièmement, nous allons concentrer les aménagements sur les sites pour tendre vers l'accessibilité universelle et minimiser les déplacements internes en favorisant les modes décarbonés. En tant qu'aménageur, notre responsabilité est de minimiser l'empreinte de notre intervention, notamment en montagne. Cela signifie minimiser l'empreinte carbone, en choisissant des matériaux appropriés, et notre impact sur la biodiversité, l'utilisation de l'eau et la gestion économique des ressources.

Enfin, nous allons essayer d'associer au maximum les filières économiques et les représentants des industries locales. Notre objectif est de faire que ces ouvrages représentent un héritage positif pour le territoire, en rendant les sites plus accessibles et plus amènes.

Nous souhaitons faciliter la pratique sportive et l'augmenter sur les territoires, en maximisant le taux d'utilisation des équipements. Aujourd'hui, beaucoup d'équipements sont relativement peu utilisés, notamment en phase estivale. Nous rénoverons les ouvrages pour que les équipements puissent être utilisés au maximum toute l'année.

Un dernier élément déterminant est la construction de logements dans les secteurs montagne, où l'on en manque pour les résidents et les saisonniers. L'objectif de la construction des villages olympiques est d'accueillir les athlètes, mais aussi de construire entre 800 et 1 000 logements pour atténuer la pénurie dans les vallées.

Tels sont les objectifs de la Solidéo pour les cinq prochaines années.

M. Laurent Lafon, président. - Nous allons commencer par les questions de notre rapporteur budgétaire, Jean-Jacques Lozach, puis celles de Michel Savin, président du groupe d'études sur les pratiques sportives et les grands événements sportifs.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits relatifs au sport. -Je souhaiterais obtenir des précisions concernant l'implication des partenaires privés. Comment les choses se présentent-elles à ce stade ? Des engagements ont-ils déjà été pris ? Quelles sont vos intuitions en la matière ?

S'agissant de l'héritage en termes de plan d'évaluation post-2030 - comment vous frayer un chemin dans cette complexité méthodologique pour placer ces JOP au service du développement durable, du rayonnement du pays et des territoires de montagne ?

En ce qui concerne la diversification touristique, est-ce que des investissements sont prévus pour développer des infrastructures multi-usages susceptibles d'être exploitées toute l'année ?

Enfin, comment les équipes de France vont-elles se préparer pour obtenir des médailles ? Est-ce que vous allez tirer les enseignements du plan 2024 dit « ambition bleue » conduit par Claude Onesta ou est-ce que, en raison des différences avec les Jeux Olympiques d'été, la page est blanche ?

M. Michel Savin, président du groupe d'études sur les pratiques sportives et les grands événements sportifs. - J'ai un certain nombre de questions à poser, qui portent sur différents domaines.

Tout d'abord, je souhaiterais que vous développiez votre stratégie, votre ambition et votre vision pour réussir cet événement majeur sportif qui se déroulera dans les Alpes françaises. Bien que M. Edgar Grospiron ait déjà abordé ce sujet, il serait utile de le développer un peu.

Ensuite, la question des sites est-elle définitivement réglée, notamment la non-sélection de Val d'Isère, qui a suscité certaines critiques ? Avez-vous une date limite pour finaliser l'ensemble des sites ?

Vous avez évoqué la politique du logement. Dans les stations de ski, les élus travaillent actuellement sur le sujet important du développement de leur parc immobilier, notamment en luttant contre les « lits froids ». Un travail est-il prévu avec les élus locaux pour cibler le type de construction et la destination de ces logements ? Il ne faudrait pas qu'à l'issue de ces Jeux Olympiques, nous ayons plusieurs milliers de logements qui deviennent des « lits froids ».

Quel programme envisagez-vous pour le recrutement des volontaires ? Concernera-t-il uniquement les volontaires de la région Rhône-Alpes, ou sera-t-il ouvert à l'ensemble des volontaires au niveau national, voire aux étrangers ?

Enfin, vous avez évoqué le projet de développement de la pratique sportive. Lors de chaque Jeux Olympiques et Paralympiques, des sports sont programmés en démonstration. Entendez-vous prendre position en faveur de l'inclusion des athlètes en situation de handicap mental et psychique en militant au moins pour l'inscription d'une compétition en démonstration ? Ce serait un message fort envoyé par la France en direction des athlètes qui ne peuvent pas participer aux grandes compétitions internationales.

S'agissant de la participation des communes ou des sites non olympiques - Je pense notamment au département de l'Isère, avec une ville olympique comme Grenoble, qui aurait pu accueillir certaines disciplines - envisagez-vous de permettre une mobilisation plus large des territoires à travers la création d'un label « Terre de Jeux 2030 » ou en permettant à ces stations non retenues d'être des centres de préparation aux Jeux ?

Enfin, envisagez-vous de développer un événement qui réunirait les athlètes et le grand public, incarnant les valeurs olympiques de partage, d'inclusion et de dépassement de soi, tout en répondant aux enjeux de sobriété et de modernité promus par le Cojop ? Une telle épreuve déclinée en format élite et grand public pourrait se dérouler dans un territoire qui ne participe pas directement aux Jeux. Je sais qu'une station d'Isère est candidate pour organiser une grande manifestation avec une visibilité majeure qui pourrait contribuer à la dynamique olympique.

M. Cyril Linette. - Sur le sujet de la féminisation, nous n'avons pas encore pu avancer, étant en poste depuis très peu de temps ; pour autant, nous avons bien entendu ce sujet à l'esprit. N'ayez aucune inquiétude : j'ai toujours eu à coeur de travailler dans cette direction dans mes précédentes fonctions.

M. Damien Robert. - La Solidéo a déjà pris des mesures concrètes. Sept des huit personnes que j'ai recrutées depuis ma nomination, il y a deux mois et demi, sont des femmes - notamment mon adjointe.

M. Edgar Grospiron. - En ce qui concerne le travail avec les partenaires privés, la tendance est excellente. Grâce au CNOSF, de premiers contacts ont été établis avec les partenaires de Paris 2024, chez lesquels nous constatons une forte attente.

Un travail important de développement de notre vision et de notre stratégie reste cependant à mener pour les convaincre. Un partenaire souhaite en effet investir dans un projet dont la vision est cohérente avec ses perspectives de développement. De notre côté, nous devons élaborer une stratégie tenant compte des différentes catégories de partenariats, selon leur équilibre entre apport en numéraire et en nature, et intégrer pour ce faire des profils compétents, en nous appuyant sur l'expertise développée par Paris 2024. Ce n'est qu'une fois ce travail achevé que nous pourrons vraiment entrer dans le coeur des négociations.

Sur les médailles, vous avez tout à fait raison. La réussite des Jeux dépend de trois facteurs : le choix des sites, l'ambiance dans les stades et l'expérience des athlètes.

Les sites iconiques sont extrêmement importants. Nous l'avons observé lors des Jeux de Paris : le surf à Teahupo'o, le beach-volley sous la Tour Eiffel ou encore le cyclisme dans les rues de Paris ont été des moments magnifiques.

Nous devons parvenir à créer une ambiance en engageant la population du territoire - et au-delà, puisque les sites sur lesquels se dérouleront ces Jeux s'étendent du Mont-Blanc à la Côte d'Azur. Ces lieux correspondent à une destination plébiscitée par un public du monde entier : c'est un atout sur lequel nous devons capitaliser. Des enseignements sont par ailleurs à tirer des carrés de supporters de Paris 2024, qui ont contribué à l'incroyable ambiance observée dans les sites olympiques.

Reste le sujet des performances des athlètes français. L'expérience de Paris 2024 a montré leur importance dans le succès des Jeux : les médailles remportées dès les premiers jours en rugby, en VTT et en natation ont créé un fort enthousiasme dans le pays. On observe aujourd'hui des performances fantastiques en biathlon ; c'est moins le cas en ski alpin ; en sports de glace, un travail important doit être effectué. Nous allons travailler avec le CNOSF, le ministère des sports et l'Agence nationale du sport (ANS) pour améliorer ces résultats dans les cinq prochaines années. Cinq ans, cela peut paraître long à l'échelle de la carrière d'un athlète ; je crois qu'il n'est cependant jamais trop tôt pour se projeter vers une médaille, qui plus est vers une médaille d'or. Cela suppose une ambition de la part des athlètes, qui doit être partagée par leur encadrement, leur entourage, les fédérations, l'ANS et le ministère.

En ce qui concerne ma vision pour ces Jeux, je ne peux m'avancer devant vous puisqu'elle est en cours d'élaboration. Nous travaillons à partir d'éléments de base que j'ai définis, et qu'il s'agit maintenant d'enrichir par la consultation d'une cinquantaine de personnalités référentes : je ne peux donc rien dévoiler sans risquer d'influencer leurs retours. L'objectif est de parvenir à une vision très claire, qui sera présentée en temps voulu.

Sur le choix des sites, la piste de Val d'Isère est à l'étude. J'agis toutefois dans le cadre du mandat qui m'a été confié, qui ne prévoit pas l'ouverture ou la permutation de lieux de compétition, mais consiste à livrer les Jeux tels qu'ils ont été définis et validés par le CIO, dans le respect d'un budget contraint. Ma mission est donc davantage d'identifier des sources de rationalisation budgétaire que de disperser les sites de compétition.

Au sujet des « lits froids », les villages olympiques actuellement en cours d'étude ne sont pas implantés au coeur des stations de ski, mais dans leurs bases arrière, situées dans des vallées ou des villages en retrait. À La Clusaz et au Grand-Bornand, le village olympique pourrait ainsi être installé à Saint-Jean-de-Sixt ; dans le cas de Courchevel et de Méribel, ce pourrait être à Bozel. Les espaces construits et rénovés qui seront mis à la disposition des athlètes ne seront donc pas des « lits froids ». Le dispositif du double permis permettra par ailleurs de les reconvertir, à l'issue des Jeux, au bénéfice de la population locale qui travaille dans les stations et vit dans ces bases arrière ; c'est un sujet auquel nous sommes très attentifs.

L'accès au volontariat ne sera pas restreint aux populations des territoires concernés : comme à Paris, il sera ouvert à l'international.

Les disciplines additionnelles sont au nombre de quatre et devront se dérouler dans la région Sud. C'est le mandat qui m'a été confié, auquel je ne dérogerai pas.

Sur les épreuves de masse, qui sont évidemment un sujet qui m'anime, nous devrons être en phase avec la vision que nous choisirons de porter, notamment en ce qui concerne l'évolution du modèle économique de la montagne. Les décisions sur ce point seront donc prises lorsque cette vision sera consolidée.

Le débat sur le lien entre CPSF et les autres acteurs des Jeux, qui n'a pas été ouvert à ce jour, ne peut être mené à notre niveau. Nous agissons dans le cadre du mandat qui nous a été confié par le CIO et les différentes parties prenantes de ces Jeux. Nous prendrions évidemment en compte une demande qui nous serait adressée sur ce point par le CIO ou le comité international paralympique (IPC). Pour l'heure, nous mettons en oeuvre les éléments présents dans le contrat de Ville Hôte, et uniquement ces éléments.

Concernant les sites non retenus, des contacts ont déjà été pris avec les acteurs qui ont oeuvré en faveur de l'engagement des populations et des territoires pour Paris 2024, et qui ont notamment créé le label « Terre de Jeux ». Cette démarche nous intéresse fortement, car nous ne voulons pas que ces Jeux soient uniquement ceux de la montagne, et que le mouvement d'accueil se termine avec eux. Dans ces destinations très touristiques, l'engagement des territoires doit permettre de renforcer la vitalité du tourisme et de l'industrie, notamment pour les sports d'hiver. De tels labels sont nécessaires pour y parvenir.

M. Pierre-Antoine Molina. - Les Jeux sont en effet au coeur de la montagne, et leurs enjeux économiques au coeur de l'économie montagnarde. Leur perspective permet aux secteurs économiques des territoires concernés de se projeter sur une échéance pluriannuelle : c'est déjà précieux. Nous prenons toutefois en compte une diversité de paramètres pour que ces Jeux ne servent pas seulement les territoires qui les accueilleront, mais plus largement les Alpes et la montagne françaises. Nous sommes à pied d'oeuvre sur ce sujet avec les administrations compétentes et la ministre chargée de la ruralité, Françoise Gatel.

Je connais l'attachement du Sénat à l'association des acteurs de la montagne dans la préparation de ces Jeux. Le comité de massif des Alpes, présidé par Fabrice Pannekoucke, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et qui a mis en place un groupe de travail pour préparer ces Jeux, est impliqué.

C'est en travaillant avec les acteurs de la montagne, qui y sont déjà confrontés - chacun, bien entendu, selon les atouts et le degré d'exposition de leur territoire - que nous répondrons à la question de la prise en compte du changement climatique, qui nous sera bien évidemment posée.

Nous ferons une évaluation des impacts des Jeux ex post, comme on le demande désormais à tous les grands événements sportifs - avec, pour chacun, un niveau d'exigence adapté à leur taille. Pour Paris 2024, quatorze études d'impact pilotées par des organismes indépendants ont été mises en chantier ; après un premier rendu il y a quelques semaines, ces études se poursuivent et il y aura bien une évaluation ex post.

En ce qui concerne les performances sportives, l'ANS est en effet à pied d'oeuvre, sous la direction de Yann Cucherat et au moyen de la stratégie « Ambition Bleue », qui avait vocation dès l'origine à être prolongée au-delà de Paris 2024 et à être adaptée à l'échéance de 2030.

Sur plusieurs des sujets auxquels nous sommes confrontés, nous travaillons en lien avec les acteurs directement concernés. C'est le cas des « lits froids », de la localisation des villages olympiques et de leur programmation : il nous faut tenir compte des différents besoins du terrain en termes d'hébergement touristique, de logement des populations locales et des saisonniers et d'accès à des logements abordables. C'est également le cas de la rénovation énergétique des logements et de l'hébergement montagnard, sujets sur lesquels les politiques publiques n'ont pas apporté de réponses performantes à ce jour. Nous travaillerons à définir des réponses innovantes dans la perspective des Jeux, en lien avec les collectivités locales et l'agence nationale de l'habitat (Anah).

Le comité de la charte sociale a joué un rôle majeur dans la préparation des Jeux de Paris 2024 ; nous souhaitons reproduire cette méthode pour les Jeux 2030. S'il reviendra aux partenaires sociaux de déterminer les modalités de leur organisation et de leur travail, des instances ont été prévues pour accueillir leurs représentants.

En ce qui concerne le label « Terre de Jeux » et le centre de préparation aux Jeux, la ministre des Sports a déjà indiqué que ces deux dispositifs seraient reconduits et revisités pour l'échéance de 2030.

M.  Patrick Kanner. - Alors que la candidature de Paris pour les Jeux de Paris 2024 avait été lancée par François Hollande dix ans avant l'événement, vous semblez sereins sur les délais des Jeux de 2030. Leur contraction vous paraît-elle toutefois vraiment compatible avec l'objectif d'une grande réussite, même avec moins d'épreuves et de délégations sportives ?

L'absence de loi d'héritage sur les Jeux de 2024, évoquée par Jean-Jacques Lozach, constitue-t-elle pour vous une difficulté pour l'évaluation prévisionnelle du coût des Jeux de 2030 ?

En ce qui concerne enfin la minimisation de l'empreinte des Jeux et la maximisation de leur héritage, des polémiques locales commencent à se faire jour, par exemple sur la question de la patinoire de Nice. Quels éléments pouvez-vous nous communiquer à ce sujet ?

Mme Pauline Martin. - Vous avez évoqué un projet développé à partir des territoires. Or, de nombreuses collectivités territoriales ont gardé un goût amer des Jeux Olympiques de 2024. Alors qu'elles se sont fortement mobilisées, tant d'un point de vue financier qu'humain, elles ont eu la désagréable surprise de se retrouver bâillonnées en termes de communication, avec des délais contraints ou encore des dénominations imposées pour les villages olympiques lors du passage de la flamme.

Quelle sera votre stratégie en la matière, si tant est que vous disposez d'une marge de manoeuvre ?

M. Ahmed Laouedj. - Je vous remercie pour les éclairages que vous nous avez apportés sur l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver 2030. Ceux-ci constituent une opportunité unique pour la France, non seulement sur le plan sportif, mais également sur le plan territorial, économique et social.

En tant que sénateur de Seine-Saint-Denis, j'ai vécu de près les préparatifs des Jeux de Paris 2024, dont une grande partie des infrastructures sont implantées dans mon département. J'en tire une conviction : la réussite d'un grand événement sportif ne se mesure pas uniquement au succès de son organisation, mais à l'héritage concret qu'il laisse derrière lui. Les Jeux d'hiver 2030 doivent être pensés non seulement pour les territoires alpins, mais aussi pour que toute la jeunesse française, des stations de montagne aux quartiers populaires, puisse s'identifier à ce projet. Il est essentiel que ces Jeux incarnent les valeurs olympiques d'excellence, de diversité, d'accessibilité et de durabilité.

Cela suppose une gouvernance ouverte, des engagements sociaux clairs et une mobilisation de toutes les jeunesses de France, y compris celles qui n'ont jamais approché les pistes de ski. Pouvez-vous nous indiquer les actions que vous comptez mener pour faire vivre ces Jeux d'hiver au-delà des territoires alpins, notamment auprès des jeunes urbains ? Comment faire en sorte que ces Jeux soient perçus non pas comme un événement lointain, mais comme un levier d'engagement et d'inspiration pour toute la jeunesse française ? Pouvez-vous nous préciser les objectifs fixés en matière d'insertion professionnelle, de transition écologique et d'accessibilité des ouvrages afin de garantir un héritage à la hauteur des ambitions affichées ?

Mme Mathilde Ollivier. - Je me réjouis de ces échanges au sein de notre commission sur les Jeux d'hiver 2030.

Jusqu'à présent les sportives n'ont pas été évoquées. La parité pour les sportifs et les encadrants doit être l'un de nos objectifs. Pour les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, des objectifs avaient été fixés en termes de parité et de visibilité. Cependant, les dernières études montrent que les femmes sportives restent moins visibles que les hommes. Or cela a des conséquences sur leur pratique du sport ainsi que sur leur capacité à trouver des sponsors.

J'ai trois questions. L'une concerne le budget. Vous avez mentionné un budget de 2 milliards d'euros. Il me semblait que celui-ci est un peu plus élevé - environ 2,4 milliards d'euros. Quelles sont les projections budgétaires ? Vous indiquiez un investissement de l'État de 360 millions d'euros. L'Inspection générale des finances évoque pour sa part un déficit potentiel de 800 à 900 millions d'euros. Qui absorberait ces 500 millions d'euros manquants ? Quelle part de financement serait assurée par les collectivités territoriales et les régions ?

Vous avez également souligné les délais inédits et très contraints pour l'organisation des Jeux et insisté sur la nécessité d'une solidarité nationale et territoriale autour de l'organisation de cet événement. Cependant, il n'y a eu jusqu'à présent pas ou peu de discussion avec les acteurs du terrain et du territoire. Or la perspective d'une consultation démocratique a contribué à la désignation de la France pour accueillir les Jeux d'hiver 2030. Comment comptez-vous impliquer davantage les citoyens et les acteurs locaux dans les prochains mois et années, malgré les délais contraints ?

Enfin, l'expérience de Paris 2024 a montré que la volonté politique de promotion d'un héritage durable des Jeux s'estompe peu de temps après ceux-ci. Quelles mesures allez-vous prendre pour démocratiser la pratique du sport, alors que seulement 10 % des Français pratiquent le sport d'hiver ? Je souhaite également connaître vos propositions pour adapter les stations de montagne à l'avenir.

M. Jérémy Bacchi. - Je me réjouis de la tenue des Jeux Olympiques dans notre région, Provence-Alpes-Côte d'Azur, et en région Auvergne-Rhône-Alpes. Bien qu'il y ait des débats sur la tenue des Jeux Olympiques et l'idée même de l'olympisme, je crois qu'il est important de réaffirmer que les Jeux Olympiques sont des moments de communion. Nous l'avons vu lors des Jeux de Paris. Il existe peu de moments aussi populaires, aussi larges, aussi accessibles que les Jeux Olympiques. Notre pays et le monde ont besoin de temps de communion de cette nature-là.

La réussite de ces Jeux repose d'une part sur leur acceptation sociale et d'autre part, sur la mise en place de plusieurs garanties.

L'acceptation sociale inclut la question de l'impact environnemental et de la préservation de l'environnement. Les Jeux peuvent être vecteurs de messages éducatifs à destination des jeunes générations. Les projecteurs du monde entier seront tournés sur nos régions en 2030 : à nous d'en profiter pour faire passer des messages.

Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne les grands chantiers. Comment concilier le déficit, y compris d'emplois, de ces régions alpines avec une réelle opportunité économique et pour l'emploi local ? Comment créer les conditions de redynamisation durable de ces régions en matière économique ?

Nous devons également nous assurer de la sécurisation des droits des travailleurs, compte tenu des délais extrêmement contraints et des inquiétudes qui peuvent naître face à des dérogations au code du travail. Cette dimension sociale est essentielle.

Par ailleurs, les Jeux Olympiques doivent être accessibles à toutes et à tous, notamment pour les personnes en situation de handicap. L'accessibilité concerne également la question des tarifs. Il est crucial de créer des conditions d'une accessibilité la plus large possible.

Enfin, l'héritage des Jeux passe par des politiques de rattrapage pour les régions alpines, notamment sur les logements saisonniers. Les Jeux Olympiques doivent participer à la fois à la redynamisation de ces territoires après 2030 et à une mutation de nos montagnes face à des défis de reconversion de leur logique industrielle, par le développement de sports d'été comme d'hiver. Les transports et les pôles multimodaux sont également des enjeux importants. Si nous réussissons cela, nous aurons réussi en matière d'acceptation sociale.

M. Cédric Vial. - Les Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver représentent une opportunité majeure pour nos territoires de montagne. J'ai trois questions à poser.

Tout d'abord, pourriez-vous nous préciser l'état d'avancement du calendrier relatif à la définition des épreuves additionnelles ? J'ai compris que vous avez exclu les départements du nord des Alpes. Est-il possible d'envisager des épreuves parallèles en démonstration, comme l'escalade sur glace par exemple ?

Concernant Val d'Isère, si cette commune fait partie de la carte des sites retenus, aucune épreuve n'y a été affectée. Y-at-il une réflexion pour une éventuelle évolution ?

Ces Jeux doivent être une vitrine d'une montagne en transition, plus durable et résiliente. Comment cette ambition est-elle intégrée dans le projet du Cojop ? Quels bénéfices concrets pouvons-nous attendre pour nos territoires ? Comment le Cojop peut-il soutenir un nouveau modèle de développement montagnard ?

Enfin, ces Jeux pourraient être l'occasion d'une avancée majeure sur le plan de l'inclusion en ouvrant la compétition à des équipes de sports adaptés. J'aimerais également connaître votre position sur ce point.

Mme Catherine Belrhiti. - Je voudrais dire que je suis très heureuse que ce soit un sportif de haut niveau tel qu'Edgar Grospiron, qui ait été choisi par la ministre pour prendre la présidence du Comité d'organisation des Jeux Olympiques.

Nous nous sommes rencontrés en 1992 au Grand Prix des champions. À l'époque, j'étais également sportive de haut niveau, et vous veniez de remporter votre premier titre olympique. Je retrouve aujourd'hui le garçon intrépide et passionné avec lequel j'avais alors échangé.

Je voudrais connaître les justifications des choix de sites aussi éloignés géographiquement. Quelles mesures concrètes sont prévues pour limiter les émissions liées au déplacement du public et des accrédités ?

Comment justifiez-vous également l'écart entre le budget annoncé par le Cojop et l'estimation faite par l'inspection générale des finances ?

Dans le cadre de ce projet, le Cojop s'engage à réutiliser 95 % des infrastructures déjà existantes. Pourriez-vous préciser quelles infrastructures spécifiques ont été sélectionnées pour cette réutilisation ? Enfin comment leur capacité d'accueil sera-t-elle ajustée afin de répondre aux exigences particulières des Jeux ?

M.  Adel Ziane. - Permettez-moi avant tout d'adresser un message de soutien, d'encouragement et de pleine réussite dans ce projet au délégué interministériel. Je sais que le Préfet Molina avait déjà eu un avant-goût, dans ses précédentes fonctions, de ce défi.

En janvier 2024, à six mois de l'ouverture des Jeux Olympiques, nous avions reçu vos prédécesseurs, Michel Cadot et Nicolas Ferrand, pour faire un point d'étape. Certains doutaient de la capacité de notre pays à tenir ses engagements et à assurer la réussite des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

En tant qu'élu municipal à Saint-Ouen et en Seine-Saint-Denis, je mesurais déjà pleinement le travail accompli par le Cojop, la Dijop et la Solidéo et j'étais convaincu que nous serions prêts pour l'ouverture des Jeux Olympiques. Quelques mois plus tard, le succès de ces Jeux, rappelé par M. Grospiron, a confirmé la capacité de la France d'organiser un événement mondial complexe dans des délais contraints et de tenir ses engagements. J'en tire deux enseignements importants.

Premièrement, les Jeux ont marqué une rupture avec le modèle standardisé des Olympiades. L'utilisation d'infrastructures existantes, une gouvernance plus partenariale avec les collectivités, et un projet tourné vers l'héritage matériel et immatériel ont été des éléments clés de cette réussite. Cette nouvelle approche, saluée par le comité international olympique, est un véritable changement de méthode. Il doit nous permettre une meilleure coordination entre les acteurs publics, les collectivités territoriales et les acteurs privés.

Plusieurs enjeux me semblent majeurs : tout d'abord capitaliser sur l'expertise de Paris 2024, ensuite pérenniser le savoir-faire des structures opérationnelles efficaces, comme la Solidéo, qui avait su bâtir un cadre agile et rigoureux. Je suis ravi de voir qu'une Solidéo Alpes 2030 a été créée. À ce sujet, des liens ont-ils été formalisés entre Paris 2024 et Alpes 2030 ? L'expertise acquise par les premiers sera-t-elle intégrée au sein des équipes des seconds ?

Je rebondis sur la proposition du sénateur Michel Savin, en lien avec le « marathon pour tous » des Jeux Olympiques, qui avait été un grand événement populaire. Nous sommes plusieurs dans cette commission à y avoir participé. Je suis convaincu que l'organisation de grands évènements en marge des Jeux Olympiques participera à rassembler le plus grand nombre.

M.  Jean-Gérard Paumier. - Les deux co-présidents des Jeux Olympiques d'Albertville 1992, Messieurs Michel Barnier et Jean-Claude Killy, avaient lancé le slogan « Les Jeux paieront les Jeux ». Cependant, avec un déficit de 280 millions de francs, la réalité a montré qu'il en est allé autrement. L'État a dû prendre en charge 75 % de ce déficit, alors que 50 % seulement étaient prévus par convention en 1987.

Dans le contexte actuel de disette budgétaire, j'ai deux questions. Pouvez-vous nous assurer que ces Jeux se dérouleront sans dépassement des niveaux financiers prévus, à l'instar de Paris 2024 ? Pouvez-vous confirmer que la totalité du déficit éventuel sera prise en charge par l'État, conformément aux garanties financières données par Michel Barnier, alors Premier ministre dans sa lettre au Comité International Olympique du 2 octobre 2024 ?

M. Jacques Grosperrin. - Je souhaiterais poser trois questions en lien avec le réchauffement climatique, qui se traduit par deux degrés supplémentaires dans les Alpes depuis 1900.

Premièrement, dans quelle mesure celui-ci menace-t-il l'organisation et le bon déroulement des Jeux 2030 ? Comment pouvons-nous les faire fonctionner, notamment en produisant de la neige artificielle, sans épuiser nos ressources en eau ?

Deuxièmement, les estimations financières chiffrent le coût des Jeux 2030 à 2,4 milliards d'euros, avec un déficit attendu entre 850 et 900 millions d'euros. Comment faire pour que cette charge financière ne soit pas un fardeau pour les régions, les départements et les communes concernées ?

Troisièmement, quelle est la date de livraison opérationnelle des infrastructures nécessaires au bon déroulement des Jeux 2030 ?

M. Damien Robert. - Je vais répondre sur le point qui concerne les ouvrages et la Solidéo. Tout le monde sait que le temps est court, plus court qu'en 2024. Cependant, nous avons un avantage : nous allons réaliser beaucoup de rénovations, ce qui nous permettra d'aller un peu plus vite, en tout cas sur les équipements dont nous aurons la charge.

Tout se joue maintenant ; la difficulté tient surtout aux études et aux procédures. L'objectif de la Solidéo est de réduire les aléas en 2025 et début 2026 pour que les études soient finalisées.

La patinoire de Nice est un très bon exemple d'héritage positif que peuvent laisser les JO. La patinoire actuelle est sous-dimensionnée, très énergivore et complètement vétuste. Nous allons créer une patinoire plus ergonomique, moins énergivore, connectée au chauffage et au réseau de froid urbain, et surtout modulable. Cela sera un équipement multisport, polyvalent, pour les Niçois et les Niçoises.

Nous avons à coeur d'associer le tissu économique local dans nos marchés, dans les règles de la commande publique. Nous allons également élaborer une charte d'insertion professionnelle avec des objectifs très ambitieux, à l'instar de la Solidéo 2024. Les collectivités sont au coeur de la construction des ouvrages et sont souvent à l'initiative. Nous prenons en compte leurs propres études et agissons de concert avec elles.

La capitalisation de l'expertise Solidéo 2024 est formalisée. Nous avons créé un établissement sui generis, dont la mission est d'aider Solidéo 2030. Je peux vous dire qu'il le fait au quotidien. Nous avons repris les outils et les procédures de Solidéo 2024, capitalisant ainsi sur l'expertise acquise. Nous nous réunissons tous les vendredis matins avec le directeur général de cet établissement, ce qui nous permet de gagner beaucoup de temps.

M. Cyril Linette. - Pour répondre à la question sur le tuilage Paris 2024-Alpes 2030, il est vrai que la situation est inédite, avec deux Olympiades aussi rapprochées. Il serait illogique de ne pas en tirer profit, que ce soit en termes de talents, de personnes intéressées à nous rejoindre, ou de processus et de technologies de l'information.

Cependant, nous sommes soumis à la commande publique. Tout ce que nous entreprendrons sera mis aux enchères, dans une approche décentralisée. Nous ne pourrons pas automatiquement reconduire les prestataires ou fournisseurs de Paris 2024.

En ce qui concerne les équipes, il est intéressant d'intégrer des talents de Paris 2024, mais aussi de nouveaux talents, notamment locaux. J'ai reçu de nombreux CV ; il faut traiter toutes ces demandes avec respect. Nous allons essayer de créer une équipe composée de talents de Paris 2024 et de nouvelles compétences.

M. Edgar Grospiron. - En ce qui concerne la communication, nous sommes soumis aux exigences et aux règles du CIO quant à l'utilisation des marques olympiques. Les marges de manoeuvre seront celles de Paris 2024.

Les épreuves additionnelles seront au nombre de quatre, organisées dans le sud. Elles devront être à l'équilibre budgétaire : les revenus devront être à la hauteur des dépenses, car nous n'avons pas de budget spécifique pour organiser ces épreuves. Les épreuves de démonstration ne seront pas envisageables si elles coûtent de l'argent, car nous sommes contraints par le budget.

Le calendrier concernant Val d'Isère est à l'étude. Pour des jeux durables, il faut arriver à faire converger les intérêts des acteurs économiques de la montagne et ceux des associations environnementales. Nous devons être présents dans ces débats et partager des indicateurs. Je ne peux cependant pas vous en dire plus aujourd'hui, car nous n'avons pas encore une vision partagée du sujet.

Nous essayons de voir comment mettre ces Jeux au service de quelque chose de plus grand, c'est-à-dire une montagne où la qualité de vie s'améliore à l'horizon 2050. Il faut donc une méthode pour accompagner le mouvement jusqu'en 2050.

Les quatre clusters éloignés sont une opportunité pour répartir la charge. Cela signifie que nous n'allons pas tout concentrer au même endroit. Nous aurons quatre aéroports : Genève, Lyon, Turin et Nice. C'est la garantie d'avoir des Jeux qui affectent moins un seul environnement. À l'intérieur des clusters, les sites sont très compacts, très peu éloignés les uns des autres et des villages, ce qui contribue à réduire notre empreinte carbone.

Sur l'organisation des jeux, nous pouvons garantir la livraison de neige grâce à des techniques de neige de culture ou de snow farming, qui permettent de stocker de la neige d'une année sur l'autre. Lors d'une épreuve olympique ou d'une épreuve de Coupe du monde, la livraison se fait sans souci, car la neige est stockée. L'exemple du biathlon au Grand Bornand est caractéristique. Pour livrer l'épreuve, 22 000 mde neige sont nécessaires pour enneiger la piste et le pas de tir, selon les standards de la Fédération internationale. Cette épreuve nécessite de la neige de culture pour garantir l'équité entre les athlètes. Nous avons stocké 30 000 mde neige sur deux sites pour la prochaine Coupe du Monde en décembre 2025. Nous avons des technologies pour garantir la livraison des épreuves, mais cela ne signifie pas que nous sommes certains qu'il tombera suffisamment de neige. Sur la gestion de la ressource en eau, la neige de culture retient temporairement de l'eau qui repart ensuite quand la nature en a besoin ; elle est stockée à l'automne et fond au printemps. Cette rétention est donc plutôt favorable à la nature. Les domaines skiables français occupent 1 % du territoire alpin et 30 à 40 % de ce domaine est équipé de canons à neige. L'impact sur l'eau est minime.

Enfin, nous avons la chance d'avoir l'accompagnement du CIO et l'expertise de Paris 2024 pour livrer les Jeux dans de bonnes conditions. Nous disposons également d'une grande expertise locale d'organisation de grands événements, tels que les championnats du monde 2023 de ski Alpin à Courchevel et Méribel. Avec toute cette expertise, nous sommes rassurés quant à notre capacité de livrer de beaux Jeux dans les délais.

M. Pierre-Antoine Molina. - Capitaliser sur la compétence et l'expérience de Paris 2024, c'est une chance tant pour la Solidéo, le Cojop, que pour les services de l'État. Personnellement, je m'appuie sur ce que mes prédécesseurs ont fait à ce poste et sur ce que j'ai pu expérimenter, notamment lorsque j'étais à la préfecture de région lors de la préparation de Paris 2024.

Nous sommes surtout très vigilants et très mobilisés parce que nous sommes dans des délais très serrés et inédits. La première urgence, c'est la réalisation des infrastructures. C'est pourquoi, dès le premier conseil d'administration de la Solidéo, nous avons pris des décisions pour lancer des procédures concernant la patinoire de Nice, le village de Nice et le village de Briançon, pour tenir nos délais.

Sur les aspects budgétaires, nous parlons d'un budget de candidature élaboré par les parties prenantes, les deux régions et les deux comités. Les chiffres cités sont issus des rapports d'inspection de mai 2024. Le budget de candidature était alors chiffré à 2 milliards d'euros. En décembre dernier, le Premier ministre Michel Barnier a demandé aux inspections de retravailler ce chiffrage. Nous sommes en lien avec elles pour actualiser les prévisions. Dans le budget de candidature de 2 milliards, il était prévu un peu moins de 500 millions d'euros de concours publics, portés autour de 362 millions par l'État et le reste par les deux régions.

Nous souhaitons que ces concours n'augmentent pas. Nous demandons donc au Cojop d'établir d'ici la rentrée un budget à l'équilibre, sans augmentation des concours publics. Cela nécessitera des efforts de maîtrise des dépenses, non seulement dès maintenant, mais aussi dans la durée. Paris 2024 a mis en place des dispositifs de contrôle des dépenses qui ont permis de limiter l'écart entre le budget initial et le budget final à 15 %, ce qui est très modeste par rapport aux Olympiades précédentes. Nous allons essayer de capitaliser sur cette expérience pour tenir les budgets et éviter que le coût ne soit plus élevé que prévu.

Il est important de rappeler que le coût des Jeux concerne les montants du Cojop, mais également les concours publics. Le Cojop est majoritairement financé par des recettes privées et le CIO, son plus gros contributeur. La Solidéo est financée en partie par des concours publics et des recettes de promotion immobilière. Nous voulons avoir à la rentrée un tableau complet des coûts et des contributions de chacun pour nous prononcer.

Les garanties données par l'État sont une exigence du CIO. Il y en a une série, dont certaines ont été adoptées dans la loi de finances pour 2025. Deux restent à compléter : la garantie sur les droits de télévision et la garantie sur le déficit éventuel du Cojop. C'est l'objet de la deuxième lettre, écrite par le Premier ministre, François Bayrou, au moment de la session du CIO d'avril. Cette garantie n'avait pas pu être inscrite dans la loi de finances pour 2025 en raison des conditions de sa préparation et de l'état de préparation du projet. Notre but est de ne pas activer ces garanties, comme ce fut le cas dans le cadre de Paris 2024.

Sur l'héritage de Paris 2024, l'absence de loi spécifique ne nous freine pas dans l'organisation des Jeux de 2030. Il y a néanmoins des sujets sur lesquels nous souhaiterions pouvoir tirer des enseignements des JOP de cet été, notamment la sécurité ou encore, la baignabilité de la Seine.

La consultation démocratique a lieu dans les instances prévues à cet effet, notamment les conseils régionaux et les communes concernées. Ce sera aussi l'objet du débat qui se déroulera prochainement au Parlement. Les procédures environnementales prévoyant l'association du public seront suivies.

Tant le Cojop que la Solidéo sont appelés à établir leur propre programme dans le domaine environnemental. En surplomb, l'État élaborera, en lien avec les collectivités locales, une feuille de route environnementale.

Sur le sport adapté, nous ne pouvons pas vous apporter de réponse pour le moment, mais le sujet est pris en compte.

M. Edgar Grospiron. - Sur la féminisation, par exemple, nous discutons actuellement avec la fédération internationale de hockey sur glace, afin de parvenir à la parité en termes de nombre de compétitions. Quant à la visibilité, c'est le diffuseur et non l'organisateur qui décide des programmes qu'il diffuse.

M. Laurent Lafon, président. - Merci, Messieurs, pour ces échanges fructueux et nécessaires.

Cette réunion a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 heures 30.

Projet de loi d'habilitation à prendre par voie d'ordonnance les mesures permettant de transférer à l'État les personnels de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent le rapport de notre collègue Evelyne Corbière Naminzo sur le projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna dont nous débattrons en séance lundi prochain.

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. - Je tiens tout d'abord à remercier ceux d'entre vous qui ont assisté aux auditions. Je remercie tout particulièrement notre collègue Mikaele Kulimoetoke pour ses interventions très éclairantes sur son territoire et sur une organisation de l'école qui surprend au premier abord.

Je souhaite également exprimer un regret sur la méthode de législation retenue par le Gouvernement. En tant que sénatrice d'un territoire ultra-marin, je regrette qu'une fois encore, pour l'outre-mer, le Gouvernement ait fait le choix de l'ordonnance et demande au Parlement de se dessaisir de sa compétence, au motif qu'il s'agirait de sujets techniques.

Ce dont il est ici question, c'est l'enseignement. Le débat devrait avoir lieu dans l'hémicycle. Malheureusement, il sera tronqué en raison du recours à l'ordonnance et du périmètre qui nous est imposé.

Avant d'aborder le projet de loi, il me semble essentiel de présenter en quelques mots le système éducatif à Wallis-et-Futuna, tant il diffère de ce que nous connaissons. Il faut évoquer l'héritage historique de ce territoire, fait de colonisation et d'évangélisation.

Lorsque, en 1961, les îles de Wallis et Futuna ont quitté le statut de protectorat pour devenir un territoire d'outre-mer, la loi a donné compétence à l'État en matière d'enseignement, tant sur les programmes et les enseignants que sur le bâti scolaire, ce qui est déjà une première spécificité. L'État est ainsi compétent pour la construction et l'entretien des écoles, collèges et lycées.

Deuxième spécificité, à l'origine du texte que nous examinons aujourd'hui, l'État a concédé en 1969 l'organisation de l'enseignement primaire à la mission catholique. L'Église disposait depuis la fin du XIXe siècle d'un monopole en matière d'enseignement. L'État entendait en outre respecter les équilibres locaux entre l'Église, l'État et les chefferies. Il en résulte une situation unique en France : à Wallis-et-Futuna, l'école primaire est exclusivement privée et catholique.

Cette concession est régie par une convention régulièrement renouvelée. La dernière a été signée le 5 juin 2020 pour une période de cinq ans. Elle arrive donc à échéance le 5 juin 2025, soit dans trois semaines.

En échange de la gratuité de l'école et de l'accueil de l'ensemble des enfants sans distinction, l'État assure la rémunération des maîtres d'école. La convention précise, à son article 19, que ceux-ci sont des agents de droit privé. Elle prévoit leurs modalités de rémunération et la progression salariale via une grille indiciaire qui ressemble à la grille des professeurs des écoles, sans lui être toutefois identique.

La situation particulière d'enseignants soumis au droit privé et les dispositions salariales de la convention de concession ont conduit à une succession de grèves, en particulier depuis 1990 : les maîtres d'école de Wallis-et-Futuna revendiquent l'obtention des mêmes droits que leurs homologues enseignants fonctionnaires.

En effet, ce qui n'est pas prévu dans la convention n'est pas appliqué. Ce fut le cas du congé maternité. Les enseignantes ont dû se battre pour pouvoir bénéficier d'une durée de congé maternité identique à celle qui est applicable aux salariées et aux fonctionnaires. Cette conquête sociale date de 1987. En revanche, aujourd'hui encore, la durée du congé paternité n'est que de onze jours pour les enseignants de Wallis-et-Futuna : l'allongement à vingt et un jours en métropole date de 2021, soit après la signature de la dernière convention.

Mentionnons en second lieu l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (Isae), créée en 2013 et versée à l'ensemble des enseignants du premier degré : elle n'a été attribuée à ceux de Wallis-et-Futuna qu'à partir de 2020, après une grève en 2019.

Deux revendications récurrentes étaient au coeur de la dernière grève, en 2023. La première est l'application du coefficient de majoration de 2,05 dont bénéficient, pour leur traitement, tous les fonctionnaires qui travaillent à Wallis-et-Futuna. Les enseignants, agents de droit privé, ne le touchent pas. En compensation, un coefficient spécifique a été créé, mais à un taux de 1,7. La deuxième revendication porte sur l'accès à la grille nationale des professeurs des écoles.

La grève de 2023 a été particulièrement éprouvante. Elle a duré plus de deux mois et demi. Le président de la commission Enseignement de l'assemblée territoriale, que j'ai auditionné, m'a d'ailleurs indiqué qu'il s'agissait de la plus longue grève à Wallis-et-Futuna, tous secteurs confondus. Elle a fortement dégradé les relations entre la direction de l'enseignement catholique et les enseignants.

Le protocole de fin de conflit signé en juillet 2023 prévoyait une réflexion pour mettre fin au régime de concession. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui en découle.

Ce texte habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions permettant l'intégration des personnels enseignants dans les corps de la fonction publique d'État. Ils pourraient également opter pour le maintien dans le régime de retraite de Wallis-et-Futuna, plus avantageux.

Il me semble important de souligner que ce projet de loi fait consensus parmi l'ensemble des acteurs.

En effet, il répond aux attentes des enseignants et permet de sécuriser leur statut. Ensuite, le vice-rectorat y voit le moyen de renforcer le pilotage pédagogique, qui est aujourd'hui quasi inexistant, ainsi que la formation continue, au service de la réussite des élèves, dont les résultats aux évaluations nationales sont inférieurs à la moyenne nationale, mais aussi à ceux des élèves de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, la direction de l'enseignement catholique est consciente de la dégradation des relations avec les enseignants, qui rend presque impossible toute discussion. Enfin, les parents d'élèves espèrent que ce transfert permettra l'amélioration du système scolaire.

Si je salue ce projet de transfert, qui permettra de normaliser la situation de l'enseignement primaire à Wallis-et-Futuna, j'ai néanmoins quelques points de vigilance.

Il me semble tout d'abord impératif que l'ensemble des personnels enseignants soient intégrés à la fonction publique. En exclure certains d'entre eux pour des raisons de diplôme, alors même qu'ils sont aujourd'hui titulaires et accomplissent les mêmes missions, serait très mal perçu localement. Ce texte a pour objectif de résoudre les tensions sociales et non d'en créer de nouvelles.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai tout à l'heure d'adopter un amendement de précision du champ de l'habilitation.

Les autres points de vigilance ne relèvent pas de la loi. Je souhaite toutefois les souligner. Le Gouvernement devra être particulièrement attentif à ce que le reclassement dans les grilles du corps de professeur des écoles n'entraîne pas un déséquilibre salarial entre territoires français du Pacifique.

Par ailleurs, j'estime indispensable la création d'une circonscription de l'éducation nationale à Wallis-et-Futuna. Elle serait neutre budgétairement, car elle pourrait s'appuyer sur les équipes d'inspection déjà présentes. Cette entité administrative participerait à la normalisation de la situation scolaire à Wallis-et-Futuna. Elle s'inscrirait pleinement dans la volonté du vice-rectorat de renforcer le pilotage pédagogique. Elle serait également garante d'un meilleur accompagnement des enseignants, au moyen de rendez-vous de carrière plus réguliers. Il s'agit d'un point important, car le reclassement va entraîner pour les enseignants de la classe normale un écrasement de la grille : quinze d'entre eux, avec une ancienneté supérieure à dix ans, seront reclassés dans les deux premiers échelons de la nouvelle grille, sans toutefois subir de perte de salaire. Ils devront faire l'objet d'un suivi de carrière particulièrement attentif.

Avant-dernier point, l'État est compétent à Wallis-et-Futuna sur le bâti scolaire : le personnel non enseignant ne doit donc pas être oublié.

Il s'agit de 49 agents dans le premier degré, qui sont actuellement des personnels de la direction de l'enseignement catholique. La fin de la concession entraîne le basculement de ces personnels à l'État. Or le texte est muet à leur sujet, le ministère considérant que le droit existant se suffit à lui-même. Ces agents passeraient sous le statut défini par l'arrêté n° 76 du 23 septembre 1976, dit « arrêté 76 ». Il s'agit pourtant d'un statut en voie d'extinction depuis que la collectivité de Wallis-et-Futuna a créé un statut spécifique pour sa fonction publique, en 2022. Les agents du vice-rectorat seraient les seuls encore soumis à cet arrêté. Cela représente environ 120 personnes : les 49 agents non enseignants du premier degré, auxquels s'ajoutent les 72 agents du second degré dont le vice-rectorat a déjà la charge. Concrètement, les droits en matière de congés et d'autorisations d'absence accordés aux agents régis par l'arrêté 76 sont inférieurs à ceux des contractuels de l'État. La majoration du traitement appliquée aux agents de l'arrêté 76 est de 1,5 depuis janvier 2023, contre 2,05 pour les contractuels de l'État.

Cela implique, au quotidien, de traiter différemment des agents exerçant des missions semblables selon qu'ils soient fonctionnaires, de l'État ou de la collectivité de Wallis-et-Futuna, ou soumis à l'arrêté 76. Le maintien de cette situation est source d'un nouveau conflit social.

Il ne nous est malheureusement pas possible de légiférer sur ce sujet dans ce texte. Toutefois, j'appelle le Gouvernement à permettre rapidement à ces personnels d'être soumis au droit commun du code de la fonction publique, le cas échéant avec quelques adaptations nécessitées par les spécificités locales. Pourquoi ne pas d'ailleurs envisager la création d'un corps spécifique à ces personnels accomplissant des missions nécessaires relevant du bon exercice d'un service public d'État ?

Je conclurai en soulignant le calendrier particulièrement serré auquel nous contraint le Gouvernement. Le protocole de fin de conflit date de juillet 2023, la mission d'inspection préconisant l'intégration dans la fonction publique de mars 2024. Or le Gouvernement a déposé ce texte seulement à la mi-avril 2025, tout en sachant que la convention actuelle de concession prend fin le 5 juin prochain.

Lors de mes travaux, j'ai eu des contacts avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Mikaele Seo, pour déterminer ensemble les points possibles d'évolution du texte dès l'examen par le Sénat. L'objectif est de permettre à nos collègues députés d'adopter le texte sans modification.

Mes chers collègues, ce texte marque une rupture majeure dans l'organisation scolaire à Wallis-et-Futuna. À bien des égards, il s'agit du retour de l'école de la République sur ce territoire. Cette réforme fait consensus parmi les acteurs. Tous m'ont confirmé attendre l'adoption de ce texte avec un objectif partagé : la réussite des élèves.

Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer qu'il inclurait les dispositions relatives aux modalités d'intégration des personnels enseignants de Wallis-et-Futuna et à leurs conséquences en termes de droits et devoirs. En revanche, n'entreraient pas dans ce périmètre les dispositions relatives au personnel non enseignant de Wallis-et-Futuna et à l'organisation du système éducatif à Wallis-et-Futuna.

Il en est ainsi décidé.

M. Max Brisson. - Goûtons notre bonheur : si l'on est généralement réduit ces temps-ci à des propositions de loi, c'est bien un projet de loi que nous examinons aujourd'hui ! Je tiens à lever d'emblée le suspense : le groupe Les Républicains partage les constats, les préconisations et les vigilances de notre rapporteure et votera son texte.

Mme la rapporteure a parfaitement présenté l'héritage auquel nous avons affaire. Si le consensus est qu'il doit évoluer, il faut le faire dans le respect de l'histoire et des habitants de ce territoire, si différent de la France hexagonale. Or, absurdement, alors qu'il aurait fallu avoir du doigté, prendre le temps de la réflexion et du travail parlementaire, le Gouvernement commence par procrastiner, puis nous bouscule, nous impose de l'habiliter, dans l'urgence, à légiférer par ordonnance. Nous y consentons, mais il faudra que les Wallisiens et les Futuniens soient respectés au cours du processus.

Oui, le système est aujourd'hui à bout de souffle : les agents de droit privé font le travail de fonctionnaires de l'éducation nationale sans avoir les mêmes avantages. De telles distorsions, même avec leurs collègues de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française, ne sont plus acceptables. Nous approuvons à ce propos l'amendement que nous présentera Mme la rapporteure : il ne faudrait pas laisser sur le côté dix agents qui méritent de terminer dans la dignité leurs années de service.

Bien entendu, nous devons être vigilants sur certains points. Le transfert ne peut se faire automatiquement de grille à grille ; même si bien évidemment il faut veiller à ce que les agents ne voient pas leur salaire baisser. J'ajoute que ce transfert leur permettra de profiter des avantages de leur intégration dans le corps des professeurs des écoles.

Reste un point que Mme la rapporteure n'a pas abordé - je ne doute pas que Pierre Ouzoulias y reviendra après moi ! -, celui de la laïcité. Oui, notre objectif partagé est bien d'aller vers une école publique, donc laïque et gratuite. Oui, la neutralité des fonctionnaires est un grand principe de notre République. Simplement, la mise en place de cette école doit se faire progressivement, avec doigté et dans le respect de l'histoire wallisienne, des traditions, des pratiques et de la culture de ce territoire. Wallis-et-Futuna est un territoire de la République, mais un territoire très spécifique. Je demande donc avec force que l'administrateur supérieur et le vice-recteur ne bousculent pas les Wallis-et-Futuniens, mais mettent en oeuvre le principe de laïcité avec pragmatisme, respect et progressivité.

M. Mikaele Kulimoetoke. - Aujourd'hui est un jour exceptionnel pour moi, puisque c'est la première fois que je vois Wallis-et-Futuna au centre des discussions de la grande maison qu'est le Sénat. Vous m'en voyez particulièrement honoré. Je tiens à remercier notre président d'avoir facilité le travail sur ce texte et notre rapporteure, Mme Evelyne Corbière Naminzo, sénatrice de La Réunion, de son écoute et de son sérieux, sans oublier tous nos collègues qui ont participé aux auditions.

Je suis conscient de la difficulté de faire comprendre les spécificités de Wallis-et-Futuna, qui ne ressemble à aucune autre collectivité de la République. Je suis d'autant plus reconnaissant à notre rapporteure de sa volonté de comprendre les anomalies qui perdurent dans le fonctionnement de ce territoire.

Je voudrais partager avec vous, en tant que natif et qu'élu de Wallis-et-Futuna, ma vision de ce dossier. Je rappellerai d'abord que c'est le seul territoire où il existe encore des royautés au sein de la République française, mais aussi le seul où le pouvoir exécutif est encore assuré par le représentant de l'État, et ce malgré la décentralisation de 2003. Notre territoire est administré directement par l'État. Depuis sa mise en place en 1962, notre Assemblée territoriale se limite à voter des délibérations qui sont rendues exécutoires selon la bonne volonté du préfet.

Je remonterai un peu plus loin dans l'histoire de Wallis-et-Futuna pour expliquer la situation qui justifie le présent texte. Notre histoire a toujours été liée à l'Église catholique depuis l'arrivée des pères maristes, en 1837, et l'évangélisation qui suivit, pendant le règne du roi d'Uvea, ou lavelua, Soane-Patita Vaimua, qui fut le premier autochtone baptisé. C'est sa fille, Amelia Tokagahahau, qui régna de 1869 à 1895, qui a demandé le protectorat français, institué le 5 mars 1888. La proximité entre la royauté et l'Église était telle que les souverains successifs ont cédé gracieusement plusieurs parcelles de terre à l'Église pour faciliter son intégration dans la société wallisienne et futunienne. C'est sur ce foncier qu'ont été construits les presbytères, mais aussi toutes les écoles primaires qui existent aujourd'hui. La population était totalement asservie aux pratiques imposées par ces religieux, qui ont oeuvré pour imposer leur ascendance sur le roi, allant jusqu'à le choisir lors des successions, mais aussi pour asseoir la mainmise de la France sur Wallis-et-Futuna. Le protectorat marque l'arrivée à Wallis d'un représentant de l'État français, alors appelé le résident ; il n'avait dans les premiers temps qu'un rôle de représentant de Paris et, surtout, d'exécutant des volontés coutumières et religieuses.

En 1959, l'intronisation du roi Tomasi Kulimoetoke, dont je suis le premier petit-fils de la lignée directe, marqua la fin des tentatives répétées de l'Église de décider à la place du roi et de sa chefferie. Ce lavelua régna quarante-huit ans, jusqu'à son décès le 7 mai 2007. C'est grâce à son action auprès du général de Gaulle que le statut de territoire d'outre-mer fut octroyé à Wallis-et-Futuna par la loi du 29 juillet 1961. La population du territoire reste aussi attachée à la mémoire de ce souverain, adulé pour sa bienveillance et la protection qu'il apportait à ses sujets, qu'au respect strict du statut de 1961 dont il fut à l'origine.

Wallis-et-Futuna demeure une collectivité à part, tant par son statut que par sa gestion. L'on compte deux rois à Futuna et, traditionnellement, un à Wallis ; toutefois, depuis 2016, du fait de l'immixtion de l'État dans les affaires coutumières, la division des chefferies fait qu'il y a aussi deux rois à Wallis.

La répartition des compétences entre l'État et le territoire est très claire. Ainsi, l'article 7 de la loi du 29 juillet 1961 définit l'enseignement comme une compétence régalienne. L'État a cependant décidé, en 1969, de déléguer par convention de concession l'enseignement primaire à la mission catholique, alors même que cette possibilité n'a jamais été prévue en droit français. En outre, le tribunal du travail de Mata-Utu a jugé en septembre 2022 que la direction de l'enseignement catholique n'avait aucune personnalité juridique à Wallis-et-Futuna. Par conséquent, non seulement la convention de concession n'avait aucun fondement juridique, mais elle avait été signée avec une entité inexistante : son illégalité est donc absolue.

Je regrette le chemin sinueux sur lequel cette décision de l'État de 1969 a emmené les personnels dont nous parlons et leurs familles, jusqu'à ce que nous tentions de rétablir la situation légitime prévue dans la loi statutaire de 1961. Je remercie chaleureusement M. Pap Ndiaye, alors ministre de l'éducation nationale, de m'avoir répondu, lors des questions d'actualité au Gouvernement du 7 juin 2023, que les enseignants du premier degré pourraient accéder au statut d'agent public de l'État.

J'attache une grande importance à la parole donnée. C'est pourquoi je tiens à restituer fidèlement les revendications portées durant deux mois et demi de grève par les personnels du primaire. Sous la pression du préfet, l'on n'a pas fait figurer dans le protocole de fin de conflit signé le 20 juillet 2023 avec le syndicat Force ouvrière tous les points de revendication ; manque notamment l'intégration à la fonction publique d'État des personnels non enseignants, pourtant obligatoire aux termes de la loi de 1961. Faute de cette intégration, le 5 juin prochain, ces personnels se retrouveraient sans statut ni corps d'attache.

Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui relèvent actuellement des circonscriptions administratives, doivent également bénéficier de cette intégration, car leur activité est par nature étroitement liée à l'enseignement primaire. Il serait impensable de laisser des agents sur le carreau, ou que nos travaux aboutissent à créer des situations inéquitables entre des agents qui contribuent à la réussite de la même mission de service public, l'enseignement primaire. L'expérience de l'application à Wallis-et-Futuna, en 2019, de la loi dite Sauvadet du 12 mars 2012, qui a permis de résorber l'emploi précaire, m'incite à la plus grande prudence ; il ne faudrait pas répéter les erreurs du passé !

Enfin, pour ce qui est des aumôniers, il est prévu qu'ils soient pris en charge par l'État, sur mise à disposition par la mission catholique auprès du vice-rectorat pour dispenser la catéchèse en dehors des heures d'école.

Voilà l'éclairage historique que je tenais à apporter pour aider à votre bonne compréhension du contexte local et de l'histoire de mon territoire, marquée par l'influence de l'État comme de l'Église, qui n'a pas toujours bien accompagné les instances coutumières et la population de Wallis-et-Futuna.

Au bénéfice de ces observations, je vous demande, mes chers collègues, de soutenir ce projet de loi d'habilitation, tout en demandant au Gouvernement de présenter un calendrier d'intégration du personnel non enseignant dans la fonction publique d'État ; ainsi, l'on redonnera tout simplement un minimum de dignité à Wallis-et-Futuna.

Mme Colombe Brossel. - Le groupe SER votera évidemment ce projet de loi, dont la nécessité a été démontrée par nos collègues, chacun à sa façon, mais il n'est pas sûr que toutes les difficultés soient ainsi réglées. Nous avons tous à coeur d'améliorer la situation des personnels, mais aussi l'enseignement apporté aux élèves et la cohésion sociale de la communauté éducative. Tout reste à faire pour le Gouvernement ! Nous aurions intérêt à aborder tous ces sujets pour que la situation s'apaise et que l'école de la République aille vers la normalité à Wallis-et-Futuna, faute de quoi nous irons au-devant d'autres difficultés, et notre travail aura été inutile.

Mme Annick Billon. - Je remercie notre rapporteure pour son travail, ainsi que notre collègue élu de Wallis-et-Futuna pour son explication de la situation de l'école sur ce territoire ; c'est bien l'héritage historique qui explique la spécificité de l'organisation et notamment le fait que l'enseignement primaire soit exclusivement privé et catholique.

L'échéance du 5 juin nous oblige à légiférer dans l'urgence ; c'est regrettable, mais s'explique sans doute par la succession de cinq ministres de l'éducation nationale en un an, ce qui empêche toute stratégie de long terme. Je déplore l'injustice que subissent les enseignants de Wallis-et-Futuna, qui ne bénéficient pas des mêmes droits que leurs collègues d'autres territoires, notamment en matière de congé maternité ou paternité. Ce texte permet en partie de réparer cette injustice, mais il en appellera d'autres.

Le groupe UC suivra la position de la rapporteure ; il doit y avoir consensus sur ce texte au Sénat comme parmi les acteurs locaux. Nous défendons souvent la différenciation entre territoires dans l'élaboration des politiques publiques, mais cet argument ne vaut pas pour l'école, qui fait face à des enjeux majeurs de transmission des savoirs et doit être protégée. La laïcité aussi interroge, mais ce n'est pas l'angle de ce projet de loi. L'important est l'unité de décision, pour des politiques fortes et adaptées ; c'est bien ce qui nous est proposé ici.

M. Pierre Ouzoulias. - Je salue à mon tour la qualité du travail de notre rapporteure et voudrais, en préambule, envoyer un message de fraternité à notre collègue Mikaele Kulimoetoke, qui a su exprimer avec clarté et dignité la situation très particulière de Wallis-et-Futuna, sans cacher les incohérences qui se font jour aujourd'hui. Je l'en remercie très sincèrement, ainsi que de m'avoir fait découvrir à cette occasion la civilisation Lapita et la grande spiritualité des peuples océaniens.

Ce texte demande à un sénateur communiste de s'exprimer sur un territoire où il y a trois royaumes et où l'éducation est aujourd'hui encore assurée par l'Église... je m'efforcerai d'être modéré, mais comprenez que je ressente quelques crispations !

Oui, il faut assumer le poids de l'histoire et traiter dignement des personnels qui, dans une situation de vide juridique absolu, ont assuré une mission d'enseignement dont nous n'avons pas à juger. Cette dignité doit évidemment s'étendre aux dix enseignants que le ministère entendait traiter d'une manière inéquitable, dans une volonté d'économie absolument misérable ! Il faut que ces personnes profitent pleinement des dispositions proposées ici.

Mikaele Kulimoetoke a bien rappelé que la loi de 1961 définissait clairement l'enseignement comme une responsabilité de l'État. Celui-ci l'avait déléguée ; aujourd'hui, il la reprend, ce qui exige de réorganiser un service public de l'enseignement, dans des conditions conformes au droit. La première exigence est le respect des droits et des obligations des fonctionnaires ; vous connaissez sur ce point l'attachement du groupe CRCE-K à la loi Le Pors du 13 juillet 1983. Il faudra donc garantir le droit à la neutralité des agents de l'éducation nationale : on ne saurait les obliger à assurer un enseignement religieux qui serait contraire à leur conscience. Nous y serons attentifs et le ferons savoir à la ministre en séance. Il ne faudrait pas que le Gouvernement nous soumette à l'avenir, pour Wallis-et-Futuna, des dispositions dérogatoires à certains principes qui suscitent déjà des discussions très intenses en France. Je crains que ces dérogations n'en justifient ensuite d'autres, en Corse ou sur d'autres territoires.

Enfin, je veux rappeler le nom polynésien de Wallis, Uvea, homophone d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, dont les habitants sont originaires de Wallis. Cela évoque toute l'ampleur et la complexité de la civilisation polynésienne, que notre pensée métropolitaine a tant de mal à assimiler, mais à laquelle je voudrais ici rendre hommage.

Mme Monique de Marco. - Je tiens à remercier notre rapporteure, mais aussi notre collègue Mikaele Kulimoetoke, qui avait alerté le Gouvernement sur cette situation. Il me semblait à l'origine que l'objet de ce projet de loi était simple et évident, l'intégration de 135 maîtres d'école dans la fonction publique, mais j'ai découvert au fil des auditions toute la complexité de la situation. Rappelons que les 24 heures de cours hebdomadaires comprennent un enseignement religieux, et que les enseignants doivent être bilingues pour passer au quotidien dans leur salle de classe, notamment pour la maternelle, du français aux langues vernaculaires parlées par leurs élèves. Nous nous réjouissons de la présentation d'un texte pour régler au moins une partie du problème, même si nous regrettons, par principe, le recours du Gouvernement à une ordonnance, qui nous dessaisit quelque peu du sujet. De nombreuses questions resteront toutefois en suspens, notamment le devenir du personnel non enseignant. Nous voterons ce texte, ainsi que l'amendement de Mme la rapporteure.

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. - Je vous remercie de la confiance que vous me témoignez.

Si le sujet de la laïcité a été régulièrement abordé au cours des auditions, je n'en ai pas fait mention dans mon intervention, car je savais qu'il y aurait débat sur ce point et souhaitais qu'il ait lieu en séance publique. Je veux toutefois vous exposer quelques éléments qui, je l'espère, vous rassureront sur ce sujet très sensible. Certains aménagements se mettent progressivement en place sur le terrain, chapeautés par le vice-rectorat, en lien avec l'Église, le préfet, les enseignants et leurs représentants syndicaux. Dans les échanges que j'ai eus avec le ministère de l'éducation nationale, j'ai beaucoup insisté sur la nécessité de garantir les droits comme les obligations de ces nouveaux fonctionnaires intégrés au corps de professeurs des écoles. Ils doivent mesurer la liberté pédagogique dont ils pourront jouir, dans le respect de la neutralité. J'ai pu être rassurée sur ces sujets, mais il faut rester attentif et accompagner cette évolution.

Ce projet de loi est un premier pas, nécessaire, qui empêche tout retour en arrière et nous engage vers la pleine mise en oeuvre de l'école publique, de l'école de la République, à Wallis-et-Futuna.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Mikaele Kulimoetoke. - Mon amendement COM-1 vise à réécrire l'article 1er, pour les raisons que je vais vous exposer.

À l'issue d'un conflit social qui a duré deux mois et demi, de mai à juillet 2023, et en réponse à ma question au Gouvernement du 7 juin 2023, le ministre Pap Ndiaye s'était engagé à permettre aux enseignants de Wallis-et-Futuna d'accéder au statut d'agent public de l'État. Une mission interministérielle a rendu, en mars 2024, ses recommandations, autour desquelles les groupes de travail composés de toutes les autorités du territoire de Wallis-et-Futuna se sont concertés, pour parvenir à un consensus en faveur de l'intégration à la fonction publique d'État des personnels enseignants et non enseignants du premier degré.

Ayant pris part aux différentes négociations, je relève les insuffisances flagrantes du présent projet de loi, qui sont susceptibles de provoquer d'autres mouvements sociaux et une incompréhension totale des autorités locales si l'État décidait de passer en force en s'en tenant à des dispositions minimalistes. Selon le ministère de l'éducation nationale, le projet d'ordonnance se baserait uniquement sur les termes du protocole de fin de conflit signé le 20 juillet 2023. C'est un tort, car ce protocole résulte d'une action d'intimidation du préfet, qui a refusé d'en signer les annexes. Tout n'est donc pas écrit.

On avait alors acté, en vain, une mise en oeuvre des engagements de l'État pour la rentrée scolaire de février 2025. C'est pourquoi la principale organisation syndicale, Force ouvrière, a déposé un nouveau préavis de grève le 1er avril 2025 effectif depuis le 5 mai. Il a depuis lors été suspendu, dans l'attente des négociations en cours à Paris.

Il me paraît par conséquent opportun de rédiger l'article 1er du projet de loi de manière à en faire bénéficier les personnels non enseignants, c'est-à-dire administratifs, techniques et de cuisine, les surveillants et les assistantes maternelles, ainsi que d'y préciser la date de prise d'effet des mesures envisagées, au 1er janvier 2025. Il convient également de préciser que les reclassements se feront conformément à la réglementation en vigueur et de garantir le maintien des droits acquis spécifiques à Wallis-et-Futuna, comme le maintien de l'indexation en cas d'évacuation sanitaire de l'agent ou en cas de congé d'accompagnement. Enfin, nous devrions préciser que ces personnels du premier degré seraient administrés dans le cadre d'une circonscription scolaire propre au territoire.

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. - Je comprends bien, à la suite des auditions que j'ai menées, la position de notre collègue Mikaele Kulimoetoke. Il est impératif que l'État n'oublie pas les personnels non enseignants. L'arrêté 76, qui définit le statut qu'ils vont se voir appliquer, est obsolète et risque de susciter de nouveaux conflits.

Toutefois, la Constitution, à son article 38, interdit au Parlement de se dessaisir de sa compétence législative. Dès lors, aux termes de l'article 44 bis, alinéa 3 bis de notre Règlement, cet amendement, comme tout amendement parlementaire qui prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance ou élargit le périmètre d'une habilitation demandée par le Gouvernement est irrecevable.

M. Max Brisson. - Je comprends parfaitement l'argument de notre rapporteure quant à l'irrecevabilité de cet amendement, mais il faudra bien régler les problèmes soulevés par notre collègue. Nous l'évoquerons en séance avec la ministre. Il serait également pertinent de créer une circonscription scolaire pour le territoire, dotée d'un inspecteur de l'éducation nationale (IEN). Le dispositif proposé par notre collègue comporte donc de bonnes idées, même si je comprends son irrecevabilité.

M. Laurent Lafon, président. - Je suggère à notre collègue Mikaele Kulimoetoke d'interpeller le Gouvernement sur ce sujet lors de son intervention dans la discussion générale du texte en séance publique, plutôt qu'en redéposant cet amendement en vue de la séance, qui serait également déclaré irrecevable.

L'amendement COM-1 est déclaré irrecevable en application de l'article 44 bis du Règlement du Sénat.

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. - Mon amendement COM-2 vise à préciser le périmètre de l'habilitation. Comme nous avons pu le comprendre lors de nos échanges avec le ministère, il convient de sécuriser les choses pour ne pas exclure les 10 enseignants qui ne sont pas titulaires du baccalauréat, mais n'en sont pas moins actuellement en fonctions devant leurs classes. Je propose donc d'expliciter la rédaction en insérant les mots : « quel que soit leur niveau de diplôme ».

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. KULIMOETOKE

1

Élargissement du champ de l'habilitation aux personnels non enseignants

Irrecevable art. 44 bis, al. 3 bis RS

Mme CORBIÈRE NAMINZO, rapporteure

2

Amendement de précision du champ de l'habilitation

Adopté

La réunion est close à 12 h 25.