Lundi 12 mai 2025

- Présidence de M. Bruno Belin, vice-président -

La réunion est ouverte à 19 h 50.

Proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues - Examen de la recevabilité

M. Bruno Belin, président. - Nous nous réunissons à la suite de l'invocation par M. Dossus, en séance, de l'article 40 de la Constitution sur la proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues. Nous avons examiné le texte en détail, tant sur le fond que sur la forme.

Sur le fond, plusieurs éléments confirment la recevabilité financière de la proposition de loi. D'abord, aucune de ses dispositions ne modifie les compétences de l'Ofii telles qu'elles figurent déjà dans les textes existants ; la proposition de loi se contente de les préciser, sans les élargir - comme le prévoit un article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Ensuite, le texte n'ouvre pas de nouveaux droits. En particulier, il ne crée pas de droit à l'aide juridictionnelle et ne modifie en rien les critères permettant d'en bénéficier. Il paraît donc recevable au regard de l'article 40 de la Constitution.

Sur la forme, j'attire votre attention sur le rapport d'information sur la recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat signé par le président de la commission des finances Claude Raynal. À la page 56, il est précisé que « l'intention du Gouvernement peut servir de base de référence afin de déclarer recevable un amendement ou une proposition de loi au regard de l'article 40 ». Or nous avons entendu l'intervention du ministre de l'intérieur sur ce point, ce qui nous autorise à considérer que cette intention constitue une base de référence au regard de l'examen de la recevabilité financière.

Je vous propose donc de déclarer recevable cette proposition de loi.

M. Thomas Dossus. - Je vais d'abord revenir sur les éléments de fond. Vous dites qu'aucune nouvelle mission n'a été confiée à l'Ofii. Pourtant, la commission des lois a adopté l'amendement COM-5, qui reporte l'entrée en vigueur de la loi pour « [laisser] le temps nécessaire à l'Ofii pour procéder aux recrutements nécessaires ». Cela implique donc des recrutements. Or, cette année, des équivalents temps plein (ETP) ont été supprimés à l'Ofii. J'entends vos propos mais la commission des lois indique l'inverse.

Par ailleurs, l'amendement COM-4 rectifié clarifie les missions de l'Ofii, mais prévoit également que les missions auparavant exercées par les associations, notamment en matière de recours, seront désormais assurées par des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle. Ce transfert de missions entraînera nécessairement des dépenses supplémentaires.

Ces deux éléments montrent bien que cette proposition de loi aggrave les dépenses de l'État. En conséquence, elle aurait dû être jugée irrecevable au regard de l'article 40. Cela justifie que le ministre ait repris la proposition de loi à son compte afin de « couvrir » ces nouvelles dépenses.

Ce texte fait partie d'un ensemble de propositions de loi dans le cadre de l'accord entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, selon lequel les initiatives relatives à l'immigration doivent émaner du Sénat. Le ministre de l'intérieur a mis le Sénat à son service : alors même que cette proposition de loi présentait une irrecevabilité financière manifeste, elle a pu être débattue en séance publique. Cela soulève également des interrogations sur la partialité ou non de la commission des finances.

Mme Nathalie Goulet. - Je soutiens, au nom du groupe de l'Union Centriste, la position du président de la commission. Cette question a déjà été abordée en séance et lors des travaux en commission. Tant que nous ne disposons pas de l'arbitrage financier, rien ne permet d'affirmer que les dépenses augmenteront.

M. Bruno Belin, président. - Dans les collectivités territoriales, nous connaissons bien ce type d'adaptation de moyens. Cela ne signifie pas nécessairement une hausse de la masse salariale...

M. Thomas Dossus. - Ce n'est pas ce que dit la commission des lois...

M. Bruno Belin, président. - S'agissant de l'aide juridictionnelle, elle fonctionne déjà ainsi sans être modifiée, cela ne constitue donc pas une charge nouvelle.

Sur le fond comme sur la forme, les réponses paraissent claires et nous disposons du rapport d'information cité précédemment.

La commission constate la recevabilité de la proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues en application de l'article 40 de la Constitution.

La réunion est close à 20 h 00.

Mardi 13 mai 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 16 h 05.

Projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte - Examen du rapport pour avis

M. Claude Raynal, président. - Notre commission examine cet après-midi le rapport pour avis de MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Patient, qui ne peut être présent aujourd'hui, étant précisé qu'il a participé aux auditions et réalisé les arbitrages avec M. Fouassin.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, qui fait suite à la loi d'urgence pour Mayotte promulguée le 24 février 2025.

Le présent projet de loi, comportant 35 articles, a été renvoyé à la commission des lois, qui a délégué à notre commission l'examen au fond de l'article 22. Notre commission s'est également saisie pour avis des articles 1er, 9, 23, 26 et 27.

L'objet de ce projet de loi est de permettre la refondation du territoire mahorais, en allant au-delà des mesures d'urgence adoptées à la suite du passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi en décembre 2024.

En effet, Mayotte constitue le département le plus pauvre de France : le taux de pauvreté y est de 77 % en 2025. Le PIB par habitant représente moins de 30 % de celui de l'Hexagone. Le taux de chômage s'élevait déjà à 34 % de la population en 2023, contre 7,3 % en France hexagonale. La situation mahoraise, bien connue, a été empirée par les crises qui se sont accumulées ces dernières années : la crise sécuritaire de 2023, qui s'est prolongée jusqu'au premier trimestre de 2024, avec des barrages ayant bloqué l'activité économique ; la crise de la vie chère, les prix à Mayotte étant de 10,3 % plus élevés que dans l'Hexagone ; ou encore la crise de l'eau de la fin de 2023, causée par la sécheresse et l'état catastrophique du système de gestion de l'eau et de l'assainissement à Mayotte.

Les événements météorologiques de décembre 2024 empirent encore une situation déjà très tendue. Ainsi, un rapport inter-inspections estime le coût des dégâts à 3,43 milliards d'euros. Seuls 16 % des logements n'ont pas été endommagés, quand 33 % ont été détruits.

Les besoins en investissements structurels de Mayotte sont donc immenses. Le présent projet de loi tente d'apporter une réponse de l'État aux difficultés des Mahorais.

Ainsi, l'article 1er, dont la commission des finances s'est saisie pour avis, porte approbation du rapport annexé au projet de loi. Le rapport en question présente une programmation par l'État des investissements prévus à Mayotte pour la période 2025-2031, qui s'élèvent à 3,176 milliards d'euros.

Près de 38 % de ces investissements sont alloués à la construction d'un aéroport sur Grande-Terre, pour un montant de 1,2 milliard d'euros. L'aéroport actuel de Mayotte, situé à Dzaoudzi-Pamandzi, sur Petite-Terre, a en effet une piste trop courte pour permettre l'atterrissage des plus gros avions capables de transporter du fret, notamment le Boeing 777. Pour soutenir l'activité économique de Mayotte, il est nécessaire de construire une piste plus longue. En raison des contraintes du site actuel et de la montée des eaux, qui rendrait difficile l'exploitation de l'aéroport dès 2035, le Président de la République a annoncé le 21 avril dernier la construction d'un nouvel aéroport sur le site de Bouyouni. Ce chantier, colossal, ne serait achevé qu'en 2036. S'il est assez difficile, au vu de la durée envisagée des travaux, de garantir que le chiffrage sera tenu, l'estimation nous est, en revanche, apparue relativement prudente et nous reconnaissons que le projet est nécessaire.

Près de 730 millions d'euros, soit 23 % des investissements, seront dédiés à la gestion de l'eau et de l'assainissement à Mayotte, notamment au financement d'une troisième retenue collinaire et d'une deuxième usine de dessalement. Comme nous l'avions vu lors de l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, les besoins à Mayotte sont très importants, puisque près de 30 % de la population n'a pas accès à l'eau potable. Une telle situation n'est pas acceptable dans un département français et appelle à consentir des investissements lourds. Les besoins avaient été évalués, pour la période 2016-2023, à 743 millions d'euros à Mayotte. Au vu des carences qui persistent dans la gestion de l'eau, les investissements prévus par le présent projet de loi paraissent pertinents.

Le rapport annexé prévoit également un financement de 407 millions d'euros pour la justice, avec notamment la construction d'un deuxième centre pénitentiaire et d'une cité judiciaire. Par ailleurs, 407 millions d'euros seront destinés à la construction d'un deuxième hôpital, ainsi qu'à la modernisation du site hospitalier de Mamoudzou. Près de 50 millions d'euros seront consacrés au déploiement de la fibre optique.

La pertinence de ces investissements ne nous paraît pas, à M. Patient et moi-même, faire débat. Nous formulons toutefois trois observations principales.

Premièrement, la plupart de ces investissements proviennent d'engagements passés de l'État, par exemple dans le cadre du plan Eau Mayotte. La construction d'une piste longue est évoquée depuis au moins 2019 par le Président de la République.

Deuxièmement, le chiffrage des dispositions du présent projet de loi n'est pas complet, comme le relève d'ailleurs le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis du 16 avril 2025. En particulier, le coût de la convergence des droits sociaux des Mahorais, pour la mise en oeuvre de laquelle le Gouvernement demande une habilitation à légiférer par ordonnance, n'est pas évoqué de manière quantifiée dans le projet de loi. Le coût pour les finances publiques et notamment pour la sécurité sociale pourrait pourtant être très élevé.

Troisièmement et enfin, il est particulièrement regrettable que le Gouvernement ne propose qu'un chiffrage global pour la période 2025-2031, au lieu d'indiquer une programmation annuelle des investissements. Il s'agit pourtant d'un élément important pour permettre aux parlementaires de voter de manière éclairée. Georges Patient et moi-même appelons le Gouvernement à déposer un amendement précisant la programmation annuelle des investissements envisagés dans le rapport annexé, et nous réservons à défaut, si la commission y consent, la possibilité de présenter nous-mêmes un amendement de programmation pluriannuelle, sur lequel nous travaillons.

Sous cette réserve, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'article 1er.

J'en viens maintenant à l'article 22, délégué au fond à notre commission. Celui-ci élargit, pour en faire une zone franche globale, le dispositif des zones franches d'activité nouvelle génération (Zfang) créé par la loi de finances initiale pour 2019. Il fait bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur le revenu (IR) ou d'impôt sur les sociétés (IS), de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) mahoraises, pour une durée de cinq ans. L'exonération d'IR ou d'IS et de TFPB n'est actuellement que de 80 %. Par ailleurs, cet article étend les secteurs d'activité concernés à pratiquement l'ensemble des secteurs d'activité. Ainsi, les professions libérales et le secteur du commerce pourront bénéficier de cette exonération, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Ce dispositif, bien ciblé, permettrait d'exonérer les entreprises mahoraises de 18 millions d'euros d'impôts pendant cinq ans. Le soutien apporté par l'État au tissu économique mahorais grâce à ce dispositif est donc significatif.

Georges Patient et moi-même sommes favorables au fait de proposer à la commission des lois d'adopter cet article, modifié par un amendement rédactionnel  COM-11.

L'article 23, dont la commission des finances s'est saisie pour avis, prévoit de zoner toutes les communes de Mayotte en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) jusqu'au prochain renouvellement de la signature des contrats de ville, prévu pour 2030. C'est un peu étonnant, car la géographie prioritaire a été revue en outre-mer au 1er janvier 2025. Actuellement, 75 % du territoire mahorais est déjà situé en QPV. Par ailleurs, l'exonération de CFE et de TPFB associée au zonage en QPV est déjà incluse dans le dispositif de l'article 22. Toutefois, ce zonage permet de bénéficier de crédits budgétaires au titre du programme 147 « Politique de la ville ». Il sert de support à certaines politiques publiques, notamment les cités éducatives ou encore le fonds vert, qui a un objectif de 15 % d'emplois supplémentaires en QPV. Par ailleurs, le sud de l'île a été beaucoup touché par les vents forts de la tempête, alors que cette région ne bénéficie pas du zonage actuel en QPV.

Par conséquent, même si la portée réelle du dispositif paraît limitée, Georges Patient et moi-même proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.

Je veux maintenant évoquer l'article 9, qui conditionne les transmissions de fonds à l'étranger, c'est-à-dire les transferts d'argent effectués grâce à des espèces, à la vérification par les établissements financiers de la régularité du titre de séjour du client souhaitant effectuer la transaction. L'objectif affiché de cet article est la lutte contre le blanchiment de capitaux et notamment le financement des filières de passeurs aux Comores. Toutefois, par nature, les flux illégaux de capitaux sont très difficiles à évaluer. Par ailleurs, ce n'est pas forcément le rôle des banques de suppléer l'État dans une fonction régalienne de contrôle de l'immigration.

Cette mesure relève en tout cas probablement bien plus de la lutte contre l'immigration illégale que contre le blanchiment de capitaux. Si elle peut se justifier au vu de la situation très particulière de Mayotte, il serait souhaitable qu'elle reste à tout le moins circonscrite à ce territoire.

Malgré ces très fortes réserves, nous vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.

J'en viens à l'article 26, qui étend le bénéfice du passeport pour la mobilité des études (PME) aux lycéens de Mayotte lorsque la filière d'enseignement souhaitée est indisponible localement. Seuls les étudiants de l'enseignement supérieur peuvent en bénéficier actuellement.

L'impact budgétaire de cette mesure serait probablement très faible, inférieur à 1 million d'euros, et le bénéfice pour les lycéens concernés serait important. En particulier, les formations des lycées professionnels ne sont pas toutes disponibles à Mayotte.

Georges Patient et moi-même vous proposons donc d'émettre un avis favorable à cet article. Nous relevons toutefois que, bien que des dispositions relatives aux PME en outre-mer, notamment à Mayotte, aient été adoptées en loi de finances initiale pour 2024, les décrets d'application n'ont en revanche toujours pas été pris. Nous appelons le Gouvernement à prendre ces décrets et à éviter de reproduire de tels délais si cet article du projet de loi était adopté.

Enfin, l'article 27 crée un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte, le fonds actuel devant disparaître au 1er septembre 2025. Il faut souligner que plus de la moitié des élèves mahorais n'ont accès à l'école que par demi-journées, les infrastructures scolaires étant insuffisantes pour tous les accueillir à temps plein. Dans ces conditions, le soutien à une offre périscolaire est pertinent, d'autant qu'il ne coûterait que 6 millions d'euros.

En conséquence, Georges Patient et moi-même vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Disposez-vous d'éléments quantifiés d'évaluation de l'efficacité des zones franches d'activité mises en place en outre-mer ? Ce dispositif a-t-il pu soutenir l'activité dans ces territoires et à Mayotte en particulier ?

Quels moyens budgétaires ont déjà été mobilisés par l'État en faveur de Mayotte ? Je pense notamment à un amendement gouvernemental adopté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

M. Marc Laménie. - Merci à nos collègues rapporteurs pour avis. Il est important de faire preuve de solidarité envers Mayotte et les autres territoires ultramarins. On se souvient du travail effectué par la Cour des comptes sur l'eau et l'assainissement en Outre-mer, qui requièrent des investissements majeurs. Quels délais sont prévus pour ces travaux à Mayotte ?

Les dispositions relatives à l'habitat et à sa reconstruction ne semblent pas compter parmi celles dont notre commission s'est saisie pour avis. Dispose-t-on d'éléments de chiffrage et, là encore, d'une temporalité pour les efforts à accomplir en la matière ?

M. Christian Bilhac. - J'aurais souhaité obtenir des précisions sur trois articles, notamment concernant l'opinion qu'en ont les élus mahorais.

Tout d'abord, concernant l'article 1er, près de 40 % des crédits programmés sont affectés à la construction d'un nouvel aéroport. Je n'avais pourtant jamais entendu dire que c'était une priorité pour Mayotte. Est-il judicieux d'y consacrer autant d'argent, alors que je ne vois aucune ligne budgétaire consacrée au logement, en dépit des nombreux bidonvilles de ce territoire ?

Ensuite, je me félicite de l'article 26, qui améliore la mobilité des lycéens de Mayotte au travers du dispositif PME. Existe-t-il un dispositif identique pour les étudiants suivant un cursus universitaire ? Ces dispositions me semblent en porte-à-faux avec les amendements tendant à relever le plafond d'exonération de cotisations salariales de manière à aller chercher de l'ingénierie en métropole : ne faudrait-il pas éviter, comme nous y appelle la jeunesse ultramarine, de réserver les emplois bien rémunérés aux métropolitains ?

Enfin, l'article 9 porte sur un sujet qui m'est cher, les transferts d'argent liquide. Une nouvelle fois, on voit le lobby bancaire s'opposer à ces dispositions au prétexte que les banques ne savent pas d'où vient l'argent. Je n'en reviens pas ! Quand on retire 2 000 euros, il faut remplir deux pages de questionnaire, et elles ignoreraient d'où viennent ces millions ! On doit faire tout ce qu'on peut pour lutter contre la fraude et le blanchiment.

M. Victorin Lurel. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est globalement d'accord avec ce texte, qui va dans le bon sens, mais quelques interrogations demeurent. Moyennant quelques amendements que nous déposerons, nous devrions voter ce texte.

Ainsi de l'article 9, dont le groupe SER demande la suppression, estimant que cette disposition susciterait des inégalités de traitement et pourrait porter atteinte à la dignité humaine. Nos collègues mahorais doutent de l'efficacité de cette disposition, à laquelle les banques sont également opposées. Toutefois, à titre personnel, je soutiens l'article, tel que proposent de l'amender les rapporteurs de la commission des lois.

Par ailleurs, il faut compléter le dispositif économique prévu, qui va déjà dans le bon sens. Je demandais déjà, lors de l'élaboration de la loi du 28 février 2017 dite Égalité réelle, que des zones franches d'activité soient mises en place pour vingt ans, mais la création d'une zone franche globale pour cinq ans est déjà une bonne mesure. Il serait par ailleurs utile d'évaluer l'efficacité des Zfang existantes.

En outre, si le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) reste en vigueur à Mayotte, il souffre d'un effet de cliquet : quand le salaire dépasse 2,5 Smic, tout le bénéfice de la mesure est perdu, ce qui crée une trappe à bas salaires. Nous proposons que l'exonération de charges persiste pour la part du salaire inférieure à 2,5 Smic.

Enfin, l'aide financière ouverte au bénéfice des entreprises mahoraises a été limitée à un mois et demi et à 20 000 euros. Le dispositif similaire créé l'an dernier pour la Nouvelle-Calédonie a lui fonctionné quatre mois, avec un plafond bien supérieur, de 500 000 euros. Nous demandons donc que le dispositif à destination de Mayotte soit revu et éventuellement prolongé de deux mois, car les entreprises mahoraises ont toutes été affectées par le cyclone, directement ou indirectement, et n'ont pas retrouvé leur niveau d'activité antérieur.

Mme Christine Lavarde. - Je comprends l'intérêt de déplacer l'aéroport de Mayotte, mais la date prévue d'ouverture de la nouvelle piste, en 2036, est très tardive. Je relève par ailleurs le problème de la concentration de bien des installations publiques sur Petite-Terre, d'autant que la liaison maritime entre les deux îles est très défaillante. La construction d'un pont ne résoudrait-elle pas largement ce problème ? Ce point n'est pas du tout abordé dans ce projet de loi.

M. Victorin Lurel. - Les élus mahorais refusent un autre emplacement pour l'aéroport.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Monsieur le rapporteur général, nous ne disposons pas vraiment d'élément quantifié d'appréciation des ZFANG existantes, en particulier à Mayotte, même si le bilan serait bien positif d'après une étude. Nous savons que les nouvelles exonérations prévues auront un coût de quelque 18 millions d'euros et que près de 493 millions d'euros ont déjà été mobilisés à Mayotte par les pouvoirs publics. Pour davantage d'informations, il faut interroger le Gouvernement.

Sur la gestion de l'eau et de l'assainissement, l'enveloppe prévue de 730 millions d'euros devrait déjà largement régler le problème, avec la construction d'une unité de dessalement et d'une retenue collinaire supplémentaire.

Concernant les crédits destinés au nouvel aéroport, il est vrai que l'estimation faite il y a plusieurs années n'a pas été réactualisée, mais on nous dit qu'elle est crédible pour la construction d'un aéroport disposant d'une piste suffisamment longue pour accueillir des gros porteurs, notamment de fret. Le changement d'emplacement de l'aéroport se justifie notamment par les conséquences de l'apparition d'un nouveau volcan sous-marin à proximité de Mayotte : les séismes afférents ont tassé le sable, provoquant de fréquentes inondations de la piste. Son allongement ne suffirait donc pas. Oui, 2036 est encore loin. Des études doivent encore être menées pendant deux ans, après quoi les travaux commenceraient.

Concernant l'effet cliquet du CICE, de fait, les propositions qui sont faites ont des effets intéressants, mais ce n'est pas une demande forte des élus mahorais. La question mérite d'être posée, mais nous préférons réétudier la question pour la séance.

Je ne dispose pas d'éléments de réponse à vous apporter concernant l'aide financière offerte aux entreprises mahoraises.

Quant à la liaison entre Petite-Terre et Grande-Terre, il nous a été dit qu'une nouvelle liaison maritime, sans doute sous forme de navettes, serait conçue en même temps que le nouvel aéroport.

Enfin, monsieur Bilhac, les étudiants de l'enseignement supérieur profitent déjà du dispositif PME, que le présent texte étend aux lycéens.

M. Claude Raynal, président. - Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, les rapporteurs proposent de considérer que, pour l'article 22, dont l'examen a été délégué au fond à notre commission, ce périmètre inclut les dispositions portant adaptation à Mayotte des règles relatives à la zone franche globale adaptant le régime de la zone franche d'activité nouvelle génération et au soutien de la compétitivité des entreprises.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE DÉLÉGUÉ AU FOND

Article 22 (délégué)

L'amendement rédactionnel COM-11 est adopté.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-32 exclut du bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés l'exercice des entreprises de l'année 2025, contrairement à ce qui est prévu par l'article dans sa rédaction actuelle. Au vu de l'ampleur de la catastrophe, cela ne nous apparaît pas pertinent.

Par ailleurs, le problème de comptabilité évoqué par les auteurs de l'amendement est satisfait par la rédaction de l'article : l'ensemble des exercices ouverts entre 2025 et 2029 bénéficieront bien de l'exonération d'IS, même si l'exercice comptable est formellement fermé en 2030.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-32.

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 22 ainsi modifié.

Après l'article 22 (délégué)

M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-3 rectifié et COM-35 rectifié visent à appliquer le CICE à Mayotte sur les salaires jusqu'à 3,5 Smic, alors qu'actuellement l'exonération ne s'applique que jusqu'à 2,5 Smic, afin de soutenir la compétitivité des entreprises mahoraises.

Le Gouvernement demande à l'article 15 une habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre en oeuvre la convergence sociale à Mayotte, ce qui implique d'augmenter les cotisations, notamment patronales, expliquant ainsi la demande d'extension du CICE par les entreprises mahoraises.

Toutefois, si cette demande d'habilitation comprend les dispositifs fiscaux, Mme Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a déposé un amendement supprimant cette portion de l'habilitation, jugée trop large. S'il est adopté, le Gouvernement devra expliciter ses intentions au travers d'un amendement en séance. Il nous paraît donc préférable de ne pas adopter cet amendement avant de savoir quel dispositif fiscal de compensation de la convergence sociale le Gouvernement entend mettre en oeuvre.

Par ailleurs, la logique globale est de ne pas valoriser les salaires les plus élevés dans les exonérations fiscales et sociales. Un autre dispositif soutenant davantage les bas salaires pourrait être plus adapté, surtout à Mayotte.

En conséquence, nous émettons un avis défavorable à l'adoption de ces deux amendements identiques.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-3 rectifié et COM-35 rectifié.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-4 rectifié et COM-38 rectifié visent à asseoir le CICE sur les rémunérations jusqu'à 2,5 fois le Smic, y compris pour les rémunérations qui dépassent ce seuil pour la part inférieure à 2,5 SMIC, alors qu'actuellement, si une rémunération dépasse les 2,5 Smic, le CICE n'est pas appliqué du tout. Nous leur sommes défavorables pour les raisons que je viens d'exposer.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-4 rectifié et COM-38 rectifié.

EXAMEN DES ARTICLES POUR AVIS

La commission émet un avis favorable à l'adoption, sans modification, des articles 1er, 9, 23, 26 et 27.

Le sort des amendements sur les articles pour lesquels la commission bénéficie d'une délégation au fond examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES AVIS

Article 22

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. FOUASSIN, rapporteur pour avis

COM-11

Amendement rédactionnel 

Favorable

Mme RAMIA

COM-32

Prise en compte du fonctionnement comptable des sociétés dans l'exonération d'impôt sur les sociétés

Défavorable

Article additionnel après Article 22

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme MALET

COM-3 rect.

Extension du bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi jusqu'à 3,5 SMIC

Défavorable

Mme RAMIA

COM-35 rect.

Extension du bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi jusqu'à 3,5 SMIC

Défavorable

Mme MALET

COM-4 rect.

Extension du bénéfice du CICE y compris sur les salaires dépassant le seuil d'exonération pour la part inférieure à ce seuil

Défavorable

Mme RAMIA

COM-38 rect.

Extension du bénéfice du CICE y compris sur les salaires dépassant le seuil d'exonération pour la part inférieure à ce seuil

Défavorable

La réunion est close à 17 h 00.

Mercredi 14 mai 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Bilan annuel de l'application des lois - Communication

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme chaque année, je vais prendre quelques minutes ce matin pour vous présenter le bilan de l'application des lois renvoyées au fond à notre commission, et particulièrement celles promulguées lors de la session 2023-2024. Ce recensement des mesures réglementaires attendues et l'analyse technique que l'on peut en faire permet tout simplement, et très utilement, de s'assurer que les lois que nous avons adoptées sont effectivement appliquées.

Au cours de la session 2023-2024, quatre des six lois promulguées renvoyaient à la publication d'un texte réglementaire, d'une ordonnance ou d'un rapport. Il s'agit de la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, de la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, de la loi du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement et de la loi du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.

Aucune mesure d'application n'était prévue par les lois du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023 et du 29 mars 2024 tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

Près de 90 % des mesures renvoyant à un texte réglementaire sont concentrées sur la seule loi de finances initiale pour 2024, avec 153 des 172 mesures attendues pour cette session. D'un point de vue statistique, le taux de mise en application continue de baisser, atteignant, hors mesures différées, 79 % contre 80 % lors de la session précédente mais surtout 87 % il y a deux ans. Cette tendance peu favorable à l'application des lois que nous votons mérite de nous alerter, d'autant que le délai moyen de publication des mesures prises a fortement augmenté cette session, ce qu'il convient aussi de regretter. En effet, seule la moitié, 51 % des mesures, ont été publiées avant le délai de six mois prescrit par la circulaire du Premier ministre du 29 février 2008, contre 74 % la session précédente. Là encore, la tendance n'est pas bonne.

Cela ne vous surprendra pas non plus : les mesures trouvant leur origine dans une initiative du Gouvernement ont un taux d'application significativement supérieur à celui des mesures trouvant leur origine dans une initiative de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

J'en viens maintenant à quelques appréciations sur les mesures réglementaires attendues. La loi de finances initiale pour 2024 concentre l'essentiel d'entre elles.

Au 31 mars 2025, 27 mesures d'application de la loi de finances pour 2024 n'étaient pas encore prises, tandis que trois autres mesures sont d'ores et déjà devenues sans objet. Parmi celles-ci, on peut citer l'affectation annuelle aux communes et aux départements de deux fractions du produit de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, d'environ 50 millions d'euros chacune, pour financer l'entretien de leurs voiries, prévue par un amendement du Sénat. Tant le décret d'application que le versement aux communes et aux départements se font encore attendre, alors même que la tentative du Gouvernement d'annuler rétroactivement cette affectation lors de l'examen de la loi de finances pour 2025 a été rejetée par le Parlement.

Autre exemple, en l'absence du décret attendu, l'article 9 de la loi de finances qui étend au logement intermédiaire l'abattement sur les plus-values immobilières existant pour la cession de biens en vue de la création de logements sociaux reste non appliqué.

De la même manière, les articles 236 et 237 prévoient une aide à la mobilité pour les actifs, soit avec un projet professionnel de retour dans leur collectivité ultramarine d'origine, soit qui ont besoin d'une formation professionnelle non disponible en Outre-mer. Cette aide n'est actuellement pas mise en oeuvre faute de décret d'application. Parallèlement, une aide semblable à la mobilité est offerte aux lycéens qui n'ont pas d'offre répondant à la formation souhaitée sur leur territoire, dans le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Rien ne sert d'adopter ces dispositions pourtant bienvenues si les mesures réglementaires d'application ne sont pas adoptées ensuite...

A contrario, la réforme de la fiscalité du logement et de la rénovation énergétique, portée par l'article 71 de la loi de finances et soutenu par le Gouvernement, a presqu'intégralement été mise en oeuvre : une seule mesure sur 26 prévues ne dispose pas encore de texte d'application.

Trois autres lois de la session appelaient des mesures d'application. Tout d'abord, la loi du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement, issue d'une proposition de loi socialiste à l'Assemblée nationale, appelait un unique décret visant à déterminer la part du capital d'EDF devant revenir à l'actionnariat salarié. Or, ce décret n'a pas encore été adopté, ce qui équivaut, pour le Gouvernement, à bloquer l'application d'une mesure pourtant votée par le législateur.

La loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 appelait également un décret, portant sur les modalités de prise en compte des dépenses sociales des départements dans leur contribution à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Ce dernier n'a pas non plus été adopté.

Par ailleurs, à peine la moitié des mesures nécessaires pour l'application de la loi du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France ont été prises. En particulier, aucune des mesures d'application prévues par les articles examinés au fond par la commission des finances n'a été publiée.

Concernant l'application des lois antérieures, le nombre de mesures en attente reste toujours très élevé, avec 84 mesures en stock, pour 16 lois concernées. Seules 10 des 64 mesures non facultatives des sessions antérieures ont été prises au cours de la session, auxquelles s'ajoutent quatre mesures devenues sans objet.

Un seul de ces 16 textes, la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, est sorti du stock et ce non pas parce que sa dernière mesure d'application a été adoptée mais parce qu'elle est devenue sans objet.

Quatre lois ont également vu leur taux d'application évoluer du fait de l'adoption d'une mesure en cours de session ou d'une mesure devenue sans objet, tandis que onze autres n'ont connu aucune modification.

L'on ne peut évidemment se satisfaire de cette situation qui démontre que certaines mesures législatives n'étaient probablement pas suffisamment pertinentes ou nécessaires pour être mises en oeuvre, mais aussi que malgré la volonté du Législateur, plusieurs dispositions restent non appliquées faute de diligence de la part du Gouvernement. Cela ne manque pas d'interroger également au regard du principe constitutionnel de clarté et de lisibilité de la loi.

Je reprends à ce titre l'exemple de la création d'une réserve opérationnelle douanière, prévue par la loi du 18 juillet 2023 dite « Douane », qui avait été présentée comme stratégique pour les jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. Les mesures réglementaires nécessaires à sa création n'ont toujours pas été adoptées au 31 mars 2025. Nous sommes désormais bien loin des jeux olympiques et paralympiques mais cette réserve était, au-delà de cette événement, considérée prioritaire par le Gouvernement.

Second exemple problématique, l'article 130 de la loi de finances initiale pour 2022 prévoit plusieurs mesures relatives au recouvrement forcé des créances publiques. Il s'agit notamment de l'unification des dispositions législatives relatives au privilège du Trésor, du développement de la portée de l'hypothèque légale du Trésor, de l'extension du champ de la dématérialisation de la saisie administrative à tiers détenteur et de l'impossibilité, dans le cadre des procédures de surendettement des particuliers, d'accorder, sans l'accord du comptable public, toute remise, rééchelonnement ou effacement de dettes fiscales en cas de manoeuvre frauduleuse. Cet article est supposé être entré en vigueur au 1er janvier 2024 alors même que le décret devant définir ses modalités d'application n'a pas été pris.

J'attire l'attention de la commission sur le fait que tant le nombre de lois que le nombre de mesures du stock de notre commission va une fois de plus augmenter à l'issue de cette session. L'inflation se poursuit puisque le nombre de mesures en stock devrait dépasser la barre des 100 mesures en attente d'application, alors qu'il y en avait moins de 40 avant 2020.

En ce qui concerne le suivi des habilitations et des ordonnances, sur la session 2023-2024, le Gouvernement a reçu six habilitations à prendre des mesures par voie d'ordonnance dans le champ de la commission des finances, prévues par deux lois.

La loi de finances initiale pour 2024 contient trois habilitations à légiférer par ordonnance.

L'article 33 de cette loi habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure afin de préciser et de compléter toute disposition relative à la déclaration, au recouvrement, au contrôle et aux sanctions des impôts complémentaires dus au titre de la règle d'inclusion du revenu, de la règle des bénéfices insuffisamment imposés et de l'impôt national complémentaire. Cette habilitation a expiré sans que le Gouvernement ne prenne d'ordonnance, ce dernier ayant préféré poursuivre la transposition du mécanisme d'imposition minimale mondiale des grands groupes en inscrivant de nouveaux articles de transpositions, tenant compte des standards fixés par l'OCDE, dans le projet de loi de finances pour 2025. Cette situation interroge sur le caractère nécessaire et pertinent de l'habilitation donnée à l'article 33.

L'article 111 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte des règles relatives aux impositions frappant, directement ou indirectement, les produits, les services ou les transactions et aux impositions contrôlées ou recouvrées selon les mêmes procédures ainsi que des régimes relatifs à ces produits, services ou transactions. L'ordonnance n'a pas encore été prise mais, d'après nos informations, les travaux sont en cours et le délai d'habilitation n'est pas échu.

L'article 205 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d'adapter les dispositions en vigueur, notamment les dispositions du code général des collectivités territoriales et du code des juridictions financières, pour généraliser la mise en oeuvre du compte financier unique. Comme pour l'habilitation précédente, l'ordonnance n'a pas encore été prise mais les travaux sont en cours.

La loi 2024-537 du 13 juin 2024, visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, contient également trois habilitations à légiférer par ordonnance.

À son article 13, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour adapter le droit français afin de créer un régime de fractionnement des actions, d'obligations et de parts d'organismes de placement collectif. Cette ordonnance est également en cours de rédaction et le délai d'habilitation n'est pas échu.

À son article 22, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour réviser le cadre relatif aux organismes de placement collectif. Cette ordonnance du 12 mars 2025 a été promulguée.

L'article 26 habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnance, toute mesure relevant du domaine de la loi pour réformer le régime des nullités en droit des sociétés. L'ordonnance du 12 mars 2025 a également été promulguée.

Par ailleurs, deux habilitations à légiférer par ordonnance étaient prévues par des textes antérieurs au 1er octobre 2023. Aucune de ces deux ordonnances n'a été prise et dans un des deux cas, le délai d'habilitation est maintenant échu.

Aucune des 33 ordonnances faisant l'objet d'un suivi n'a été formellement ratifiée.

Enfin, en ce qui concerne les demandes de rapports, un seul des 11 rapports prévus pour la session a été remis au Parlement, relatif à la mise en oeuvre de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation ». On peut se réjouir du fait qu'il s'agit d'un rapport demandé par le Sénat. En revanche, les 10 autres rapports, qui n'ont donc pas été remis, ont été demandé par l'Assemblée nationale.

Mme Sylvie Vermeillet. - Merci, monsieur le Président. Cette communication m'intéresse beaucoup car elle entre dans le champ des compétences de ma vice-présidence. Je l'ai donc écouté avec beaucoup d'attention.

Nous constatons que le bilan n'est pas fameux. Quel serait, à votre avis, parmi l'ensemble des mesures en attente, le manquement le plus grave ? Est-ce par exemple l'article 130, qui concerne l'extension des compétences du Trésor ?

M. Claude Raynal, président. - Je n'ai pas hiérarchisé les différentes mesures en attente car à mon sens le plus important est de savoir pourquoi les décrets ne sont pas pris par le Gouvernement et quelle est la position de ce dernier. En effet, le stock comprend des mesures qui sont, pour certaines d'entre elles, très anciennes et qui parfois n'ont plus lieu d'être aujourd'hui.

Ce qui doit avant tout nécessiter une action de notre part, c'est lorsque le Gouvernement refuse, volontairement, de suivre la décision législative. C'est l'objet, madame la vice-présidente, de cette analyse de l'application des lois, de relever l'ensemble des points pour qu'ensuite il puisse en être fait bon usage auprès du gouvernement.

Parmi l'ensemble des mesures non-appliquées, celle prévoyant la création d'une enveloppe de deux fractions de 50 millions pour les voiries communales et départementales, votée puis maintenue par le Sénat, est un sujet d'agacement. Pour autant, le Gouvernement n'a toujours pas pris les mesures attendues, ce qui présente un petit caractère vexatoire, et qui plus est inutile, compte tenu des montants en question. Le Gouvernement doit tenir compte des votes du Parlement.

M. Michel Canévet. - Puisque l'on évoque le bilan de l'application des lois, est-ce qu'il n'y a pas également un bilan dans lequel il serait fait référence au nombre de déclarations d'irrecevabilités en vertu des articles 40 ou 45 qui semble excessif ?

M. Claude Raynal, président. - C'est un sujet qui vous est cher mais sur lequel nous avons échangé à plusieurs reprises et vous connaissez ma position cher collègue.

Contrôle budgétaire - Perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire -- Communication

M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial des crédits de la mission « Défense », sur les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Lorsque j'ai choisi, il y a quelques mois, de faire porter le contrôle sur ce sujet, je ne pensais pas coller autant à l'actualité, s'agissant non seulement des enjeux de financement des politiques publiques mais également des évolutions géopolitiques qui affectent au premier chef la défense, en France et au sein de l'Alliance atlantique.

Dans ce contexte, j'ai souhaité que le contrôle vise, d'une part, à apprécier la soutenabilité de la loi de programmation militaire 2024-2030 à la lumière de son début d'exécution et, d'autre part, à mettre en perspective les évolutions du niveau d'effort de défense dans les dernières décennies et dans les années plus récentes, que ce soit en France ou à l'étranger.

La présentation du projet de LPM 2024-2030, adoptée à l'été 2023, est intervenue alors que le contexte stratégique international s'était nettement dégradé depuis l'adoption de la LPM précédente, qui couvrait les années 2019 à 2025. La Revue nationale stratégique de novembre 2022 avait formalisé l'analyse de la situation, à savoir un changement d'échelle de la conflictualité, une extension de ses champs d'application et un retour de l'affrontement direct entre États souverains en Europe, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Dans ce contexte, la LPM 2024-2030 a prévu une enveloppe budgétaire globale de 413,3 milliards d'euros sur 7 ans, hors pensions. Une telle enveloppe peut impressionner par son montant ; elle marque la fin de l'ère des dividendes de la paix. Mais il convient d'interpréter son montant à la lumière de différents facteurs qui viennent en relativiser l'apparente portée.

Premièrement, elle est mesurée en euros courants, ce qui veut dire qu'il faudra en retrancher l'impact de l'inflation. Deuxièmement, l'enveloppe prévue n'est pas de nature à modifier sensiblement l'effort de défense en proportion du PIB, même si l'affaissement des perspectives de croissance du PIB et d'inflation par rapport à celles qui étaient sous-jacentes à la construction de la LPM y contribue quelque peu.

Troisièmement, la hausse des dépenses militaires prévue fait suite à des décennies de baisse de l'effort de défense en France. Ainsi, en France, les dépenses concernées sont passées de 7,6 % en 1953 à 1,85 % du PIB en 2013, avant de fluctuer entre ce taux et 2 % jusqu'à aujourd'hui.

En dernier lieu, et surtout, il convient de prendre en compte que le coût d'acquisition des matériels militaires augmente, de façon structurelle, nettement plus rapidement que les budgets militaires. Cet effet « ciseaux » s'explique par la course technologique continue qui s'applique aux équipements militaires. Il a d'ailleurs conduit, dans les dernières décennies, à un très fort rétrécissement du format des armées françaises.

Que prévoit la LPM grâce à l'enveloppe indiquée ? Parmi les nombreux objectifs fixés, j'en ai retenu quatre dans mon analyse : un effort en faveur des matériels, en particulier en vue de leur modernisation ; un renforcement des effectifs du ministère des armées de 6 300 ETP et de 40 000 réservistes ; une augmentation des niveaux de préparation et des capacités opérationnelles des armées, ainsi que de la disponibilité des matériels ; enfin, un renforcement de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

Dans un contexte de progression continue du coût des matériels, l'augmentation des dépenses prévue par la LPM permet seulement de stabiliser globalement les moyens, en les modernisant.

Le cadre de la LPM 2024-2030 étant posé, qu'en est-il de son début d'exécution ?

S'agissant des objectifs dits « physiques », c'est-à-dire de capacités, les travaux que j'ai menés montrent que le début d'exécution de la LPM est globalement conforme à son esprit. Mais - car il y a d'ores et déjà des « mais » - des limites notables doivent être relevées.

Pour ce qui concerne les matériels, globalement, ce qui était attendu en livraison pour 2024 a été livré et ce qui devait être commandé pour 2024 et 2025 l'a également été. Néanmoins, je dois souligner de premiers retards et reports de livraisons, notamment s'agissant de la Marine nationale, par exemple pour les frégates de défense et d'intervention.

S'agissant des effectifs, en 2024, le ministère des armées est parvenu à exécuter un schéma d'emplois positif pour la première fois depuis 2019. Néanmoins, il reste assez éloigné de celui que prévoyait la LPM, à savoir + 700 ETP, contre + 479 ETP effectivement exécutés. Surtout, l'effectif total du ministère à fin 2024 reste très en-deçà de ce que prévoyait la LPM, du fait de la très forte sous-réalisation du schéma d'emplois en 2023.

Concernant la préparation opérationnelle des forces et la disponibilité des matériels, il y a des progrès dans certains domaines. Mais cela ne suffit pas. S'agissant de la disponibilité des matériels, c'est encore loin d'être satisfaisant, comme le montre notamment le cas des hélicoptères de l'armée de terre et de la Marine nationale. Et, pour ce qui est de la préparation opérationnelle, la hausse quantitative du niveau d'activité des armées n'est en réalité prévue qu'à compter de 2028, comme cela me l'a été confirmé. C'est très lointain.

J'en viens à l'exécution cette fois-ci budgétaire du début de période de programmation de la LPM, en 2024 et début 2025.

Pour ces deux années, les lois de finances initiales ont prévu des crédits initiaux pour la mission « Défense » correspondant à ce que prévoyait la LPM. Mais pour ce qui concerne les crédits exécutés, il en va tout autrement, illustrant ainsi la fragilité de la situation. Comme me l'a indiqué un haut responsable du ministère des armées, « si l'édifice tient, les murs du ministère vibrent ».

Si le report de crédits depuis 2023 vers 2024 et l'ouverture de crédits nouveaux complémentaires en fin d'année 2024 ont conduit à un niveau de crédits exécutés supérieur à ceux prévus en loi de finances initiale, il a tout de même manqué au ministère environ 1,2 milliard d'euros l'année dernière par rapport aux besoins exprimés.

Ce reliquat de besoin de financement s'explique par plusieurs facteurs principaux. Peuvent être cités en particulier : une sous-estimation chronique initiale des surcoûts à prévoir dans l'année ; une divergence d'interprétation sur ce que recouvre le financement interministériel prévu dans la LPM s'agissant des surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures ; enfin, une ouverture de crédits nouveaux en fin de gestion forcément limitée par un contexte budgétaire général très dégradé, en contradiction sur certains points avec la lettre de la LPM.

Or, le besoin de financement subsistant en fin d'année 2024, n'a pas conduit, comme on aurait pu s'y attendre, à une baisse des dépenses du ministère. Les partisans du maintien des acquisitions capacitaires prévues en LPM s'en réjouiront et les tenants de la sincérité et de l'orthodoxie budgétaires le regretteront.

La vérité m'oblige à dire que le Gouvernement a recouru à la cavalerie budgétaire en faisant appel au report de charges, c'est-à-dire au renvoi à l'année suivante des paiements qui auraient dû normalement être réglés en 2024 au titre des prestations et matériels livrés.

Alors que le stock de report de charges de 2022 vers 2023 était de 3,9 milliards d'euros, il s'établit ainsi à plus de 8 milliards d'euros de 2024 vers 2025. En clair, le ministère des armées achète aujourd'hui davantage qu'il ne peut payer. Il est indispensable de reprendre rapidement le contrôle de la dynamique du report de charge : il y va de la sincérité du budget et du respect du Parlement.

À ces risques de soutenabilité pesant sur le report de charges s'ajoutent, en outre, les risques tenant au poids des restes à payer, c'est-à-dire du stock de crédits de paiement nécessaires pour honorer les engagements pris antérieurement. À fin 2024, ils représentent 99 milliards d'euros, soit quasiment deux budgets annuels actuels, hors pensions. Concrètement, près de 90 % des crédits de paiement prévus en 2025, hors dépenses de personnel, seront ainsi destinés à apurer ce stock, qui continue par ailleurs d'être alimenté par l'engagement d'autorisations d'engagement.

Au total, le bilan budgétaire du début d'exécution de la LPM est clair : le ministère des armées ne dispose d'absolument aucune marge de manoeuvre budgétaire en exécution, il dépense davantage que ses crédits ne le permettent pour atteindre ses objectifs, et il souffre de risques significatifs de soutenabilité budgétaire. Il incombe donc aujourd'hui au pouvoir exécutif de dégager des marges de manoeuvre pour la mission « Défense », soit en augmentant les ressources disponibles, soit en procédant à des choix dans les dépenses.

S'agissant de l'avenir, je n'ai pas souhaité formuler de recommandation ou d'orientation sur le niveau d'effort de défense à viser ; nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pourront procéder à cette appréciation. Il ne me semble pas possible de dessiner un tel effort sans prendre en compte son impact budgétaire sur d'autres politiques publiques. C'est donc un travail transversal qui est nécessaire, et c'est au Gouvernement d'en formuler une proposition.

Néanmoins, je souhaite fournir quelques éléments de réflexion.

Premièrement, à l'échelle internationale, les dépenses de défense sont orientées à la hausse depuis 2022. Entre 2021 et 2024, les dépenses de la Russie ont plus que doublé, celles de la Pologne ont quasiment suivi le même rythme, celles de l'Allemagne ont crû de moitié, tandis que la hausse est de 14 % au Royaume-Uni, de 6,8 % aux États-Unis et de 6,6 % en France. À fin 2024, la France produit un effort de défense, en proportion du PIB, la plaçant à la 20e place sur les 32 membres de l'OTAN.

Ainsi, si la trajectoire prévue en LPM présente une augmentation notable des dépenses, celle-ci n'est pas de nature à rehausser, voire à maintenir, la place de la France à l'échelle mondiale dans l'effort de défense.

Deuxièmement, quel que soit son ampleur, l'effort prévu - même si l'on s'en tient aux marches de la LPM - devra s'appuyer sur une analyse stratégique renouvelée et approfondie, et ce tant à l'échelle des États en Europe, dans le cadre d'une défense de l'Europe, qu'au niveau français. C'est ce qui manque cruellement à ce stade, même si une actualisation de la Revue nationale stratégique est en cours. En effet, parler d'une éventuelle hausse du budget ne fait pas une stratégie.

Troisièmement, il importe de s'assurer que les dépenses de défense demeurent effectivement finançables. C'est un vrai défi pour beaucoup de pays européens, et notamment pour la France. Alors que les niveaux de déficit, de dette publique et de prélèvements obligatoires sont particulièrement élevés dans notre pays, c'est un effort de réduction des dépenses publiques hors défense qui devra avant tout contribuer à la hausse des crédits des armées.

Pour mémoire, je me suis attelé à un exercice comptable : si l'on voulait atteindre un taux d'effort de défense de 3 % du PIB en 2030, il faudrait environ 103 milliards d'euros annuels à cet horizon, à savoir environ 25 milliards d'euros de plus que ce qui résulte de la trajectoire de la LPM ; dit autrement, le budget annuel devra être supérieur de 42 milliards d'euros à celui de 2025.

Quatrièmement et enfin, il est indispensable de créer rapidement les conditions de la montée en charge de l'industrie de défense en France et en Europe. Si elle est déjà en cours, il faut aller plus vite. À défaut, les efforts budgétaires se feront au profit des industriels extérieurs à l'UE. Pour y parvenir, il faudra combiner paiement des fournisseurs en temps et en heure, et soutiens normatif, financier et stratégique. En effet, la remontée en puissance de la BITD se construit, elle ne se décrète pas.

M. Claude Raynal, président. - Merci, Monsieur le rapporteur spécial. Je passe la parole à M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis du budget de la mission « Défense » pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis. - Merci pour votre invitation, Monsieur le président. Je voudrais remercier M. Dominique de Legge pour son travail essentiel. Cela nous permet d'avoir un point de situation extrêmement précis et intéressant, qui corrobore de manière structurée et étayée les informations que nous avons à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. La situation est extrêmement inquiétante. La LPM 2024-2030 est née dans des conditions difficiles et elle est exécutée dans des conditions qui le sont peut-être encore davantage. J'adhère à ce qui a été présenté.

Pour la suite, le rapporteur spécial a évoqué l'hypothèse de porter l'effort de défense à 3 % du PIB. On pourrait presque dire que ce serait un minima, un chiffre de l'ordre de 3,5 % étant plus réaliste. Mais pour le moment, on ne sait pas au service de quelles vision et stratégie cet effort serait mis en oeuvre par le Gouvernement. C'était d'ailleurs déjà le cas au moment de l'examen du projet de LPM 2024-2030. On a l'impression d'être davantage porté par le déroulé des évènements que par une perspective plus globale. Nous l'avions déjà dit, mais malheureusement, cela se confirme.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le budget de la défense est assez symptomatique des errances budgétaires que nous traversons. Pour réussir à retrouver un équilibre au regard des dépenses engagées, il reste encore un gros travail à faire.

Je partage la préoccupation du rapporteur pour avis, Pascal Allizard, et je souligne que l'augmentation des moyens de la défense nécessite certainement un travail plus abouti entre le Parlement et le pouvoir exécutif pour que les Français puissent en prendre la pleine mesure, dans un contexte de dégradation des comptes publics.

J'aurai simplement une question : le rapporteur spécial a relevé que la France est, à ce stade, au regard des moyens consacrés à la défense en proportion de son PIB, 20e sur les 32 membres de l'OTAN. Est-ce qu'au regard de l'effort en cours de chacun des autres pays, le fait de passer à 2,3 % du PIB nous permettrait de gagner quelques places ? Cet aspect me paraît important au regard du rôle et de la place que la France entend tenir à l'échelle internationale. Il ne faudrait pas reculer dans ce domaine.

Je partage les recommandations du rapport, et plus particulièrement les recommandations n° 8 et n° 9. En effet, le respect des prérogatives du Parlement s'agissant de la politique de défense est un préalable indispensable. En outre, il faudra que le Gouvernement fasse preuve de transparence s'agissant de la régulation budgétaire et des crédits nouveaux nécessaires en fin d'année. Cela permettrait que les enjeux puissent être pleinement identifiés par le Parlement et que les Français soient parfaitement éclairés sur le sujet des moyens de la politique de défense.

M. Michel Canévet. - Je voudrais remercier le rapporteur spécial. La Direction générale de l'armement (DGA) a évoqué récemment avoir consommé 21,7 milliards d'euros pour l'acquisition de matériels militaires en 2024. Pour autant, au-delà de ce chiffre, le quotidien Ouest France se demandait en début de semaine si ces livraisons arrivaient bien dans les bonnes quantités et selon les délais promis aux armées. Selon le journal, ce chiffre était fourni sans contexte ni mise en perspective et ne permettait pas de mesurer la montée en puissance concrète des forces françaises, précisant qu'aucun élément n'était par ailleurs fourni s'agissant des grands programmes en cours (missiles conventionnels à longue portée, nouveau porte-avions, sous-marins et missiles de la dissuasion). Le rapporteur spécial dispose-t-il d'informations sur le sujet ?

Je découvre le montant impressionnant du stock des restes à payer, qui est de 99 milliards d'euros fin 2024. Est-ce que des annulations sont possibles parmi ces engagements, ou tous doivent-ils être honorés ?

Enfin, le montant du report de charges est édifiant, de l'ordre de 8 milliards d'euros de 2024 vers 2025. Cela implique que l'État paie des intérêts moratoires à la base industrielle et technologique de défense (BITD). Avez-vous une idée du montant de ces derniers et des conséquences de la situation pour ces entreprises ? Le non-règlement par l'État de ce qu'il doit dans les délais ne contribue-t-il pas à leurs problèmes de financement ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Je m'interroge également sur l'incidence de la situation budgétaire décrite par le rapporteur spécial sur nos entreprises du secteur de la défense. Sont relayés dans les médias des témoignages de chefs d'entreprise qui indiquent qu'alors qu'a été annoncée une économie de guerre, elles ne voient rien arriver. Cela pose une véritable difficulté.

On entend aussi que même s'agissant des grands industriels de la défense, les discussions avec le ministère des armées sont difficiles : on leur dit qu'ils ont de l'argent, et que c'est à eux de faire des efforts. La situation devient très paradoxale dès lors qu'un effort de réarmement est attendu mais que l'on met à mal l'outil industriel.

En bref, l'État commande mais ne paie pas, ou en retard, et de fait, les entreprises s'arrêtent de produire.

M. Thomas Dossus. - Je souhaiterais faire un commentaire sur le traitement assez inégal des lois de programmation. Il apparaît que la loi de programmation militaire est à peu près respectée, et cela est bienvenu puisque nous avons pu débattre à l'occasion de son examen à la fois des secteurs dans lesquels nous allons investir et de la trajectoire financière pluriannuelle.

En revanche, nous aimerions le même suivi rigoureux sur d'autres lois de programmation que nous avons adoptées, qui ne sont absolument pas respectées, mettant en cause la portée de nos travaux. Je pense par exemple à la loi de programmation de la recherche et à celle relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Enfin, je voulais terminer sur le terme d'« économie de guerre », qui est impropre. Une économie de guerre suppose la mobilisation d'autres types d'usines au service de la production militaire, ce qui n'est heureusement pas encore le cas en l'espèce. Il faut donc sortir de ce débat. Nous pouvons en effet demander le renforcement des moyens de la défense sans forcément orienter toute l'économie vers la production de munitions ou de canons.

M. Raphaël Daubet. - Je lis dans la synthèse du rapport qu'entre 1991 et 2021, le nombre de chars de combat est passé de 1 349 à 222, ce qui représente une baisse considérable. Le nombre d'avions de chasse a également diminué, passant de 686 à 254, soit environ deux tiers de moins. De même, le nombre de grands bâtiments de surface de la Marine nationale a chuté, passant de 41 à 19. Globalement, il y a donc eu un véritable effondrement. Pourtant, dans une autre partie de cette synthèse, il apparaît qu'en 1991, les dépenses de défense représentaient environ 3 % du PIB et que nous avons donc connu une légère baisse en termes de points de PIB, mais pas à la mesure de la diminution colossale que reflètent les chiffres relatifs aux matériels.

Pouvez-vous nous dire si, à votre connaissance, des investissements ont été orientés ailleurs que dans le matériel opérationnel ?

M. Thierry Cozic. - Lorsque l'on examine l'hypothèse de trajectoire budgétaire portant l'effort de défense à 3 % du PIB à horizon 2030, cela représente près de 25 milliards d'euros supplémentaires par rapport à ce que prévoit la LPM.

Je voulais interroger le rapporteur spécial pour savoir si ce n'est pas une équation insoluble. Il faudrait accroître de 25 milliards l'effort dans la défense mais dans le même temps rechercher 40 milliards d'économies rien que pour l'année 2026.

Dès lors, pour financer ce modèle, ne faut-il pas chercher des modes de financement alternatifs, tels que le livret d'épargne défense souveraineté, proposé par notre collègue Rachid Temal, ou encore un grand emprunt ? Est-ce que ce sont des pistes sur lesquelles, aujourd'hui, le Parlement devrait réfléchir pour essayer de répondre en partie à cette équation à de multiples inconnues ?

M. Claude Raynal, président. - Avant de donner la parole au rapporteur spécial, je voudrais au préalable revenir sur un point évoqué par Michel Canevet et Vincent Capo-Canellas.

Je trouve que le plus délicat dans votre rapport, c'est la question de l'articulation entre les objectifs et la capacité de les tenir. In fine, l'État se trouve en réalité en incapacité de suivre l'effort qu'il se fixe, ce qui est tout à fait étonnant.

En réalité, ce ne sont pas les 99 milliards d'euros de restes à charge qui me gênent le plus, mais plutôt le fait que la LPM ne se décline pas à la bonne échelle en exécution. Si nous partons d'ores et déjà avec 8 milliards d'euros d'écart entre ce qu'on achète et ce qu'on paye, il me parait compliqué d'entrainer les entreprises de la BITD dans le bon sens, alors même que l'État en est un client majeur.

Demander à une entreprise de défense de s'engager sur des investissements et des recrutements sans garantir le paiement final ne me paraît pas opportun. Or, dans le secteur de la défense, il est impossible pour les entreprises d'éviter la dépendance à l'État, même si l'on peut vendre à l'étranger. Sans certitude sur la rentrée financière, je comprends que l'industrie de défense se montre prudente. Il ne suffit pas d'avoir une commande, elle doit être honorée.

Comment cette perspective est-elle appréhendée dans vos discussions par les administrations ? Je ne sens pas d'amélioration sensible et je reste sceptique, mais peut-être avez-vous un autre point de vue.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Je tiens à remercier Pascal Allizard pour sa présence et ses propos. Je vais essayer de répondre à l'ensemble de vos questions, mais permettez-moi de vous livrer une réflexion plus personnelle sur ce que j'appelle le péché originel de la LPM.

Vous vous souvenez, nous partons d'une enveloppe de 413,3 milliards d'euros dans la LPM, dont 13,3 milliards d'euros ne sont pas des crédits budgétaires mais des ressources complémentaires, dont une partie n'est pas documentée. En effet, avec la prise en compte du report de charges dès le départ, on nous a présenté comme des recettes quelque chose qui était en réalité une moindre dépense.

Deuxième péché originel : une part des objectifs de capacités, en nombre de matériels militaires, fixés pour 2030 avant l'adoption de la LPM a été repoussée par cette dernière à 2035.

Le troisième péché originel, c'est un concept qui figure dans la LPM, à savoir l'économie de guerre. Vous vous interrogez, Thomas Dossus, sur ce qu'est l'économie de guerre : je m'interroge avec vous. J'ai peine à croire que nous soyons en économie de guerre lorsque l'on gèle tous les ans, y compris cette année, une partie des crédits du budget de la défense. Si nous étions réellement en économie de guerre, nous ne gèlerions pas 3,3 milliards d'euros de crédits.

Par ailleurs, il y a un sujet sur lequel nous ne sommes pas très au clair, c'est le débat entre la cohérence et la masse s'agissant des matériels militaires. Cela me permet de répondre à Raphaël Daubet. Je parle sous le contrôle de Pascal Allizard, mais qu'est-ce qui s'est passé sur les dernières décennies ? On nous a expliqué que, dès lors que nous allions avoir des équipements de plus en plus performants - et coûteux -, nous en aurions besoin de moins. En théorie, cette affirmation est vérifiée, en particulier en temps de paix. Mais ce n'est pas tout à fait pareil si l'on s'en sert en situation réelle.

Nous sommes aujourd'hui beaucoup plus exposés en cas de réalisation de deux risques : un taux effectif de disponibilité des équipements insuffisant et/ou une attrition de leur nombre en cas de conflit. En effet, lorsque vous disposez de 1 000 avions avec un taux de disponibilité de 50 %, il vous en reste 500. Lorsque vous en avez initialement 200, il ne vous en reste plus que 100. Et si vous devez les engager, ce serait une erreur de penser qu'à la fin du conflit, il y aura autant d'équipements qu'au début. Or, quand il y en a déjà peu au départ... C'est là que se situe le débat. Sans mise en perspective de cette question, on ne peut pas comprendre ce qui se passe actuellement dans l'exécution de la LPM.

Jean-François Husson me pose la question de savoir si dans le cas où nous augmenterions l'effort de défense à 2,3 % du PIB, nous serions mieux classés dans le palmarès des pays de l'OTAN ayant le taux d'effort de défense le plus élevé. La réponse est oui, en théorie. Sauf que tous les pays sont en train d'augmenter leurs dépenses et, comme je l'ai indiqué dans le rapport, notre trajectoire de hausse est plutôt moindre que celle de nos partenaires. Donc, si l'on veut véritablement maintenir notre rang, il n'y a pas d'autre solution que d'augmenter l'effort, sans que je puisse vous dire comment le financer.

Michel Canévet, ce qui me frappe sur le stock des restes à charges, qui représente 99 milliards d'euros, c'est surtout la rigidité induite du budget. Près de 90 % du budget pour 2025, hors dépense de personnel, correspond ainsi à l'apurement des engagements antérieurs. C'est dire que si nous devions changer la stratégie, si nous devions faire évoluer notre dispositif et notre format, nous ne pourrions jouer que sur 10 % des crédits. Nous n'avons plus aucune marge de manoeuvre.

Pour répondre à la question de Michel Canévet, le coût des intérêts payés à la BITD représente environ 30 millions d'euros par an, rapporté aux 8 milliards d'euros de reports de charges. Pour les grandes entreprises, ce n'est pas forcément un mauvais placement. C'est plus complexe pour leurs sous-traitants, qui en bénéficient moins, voire pas du tout, et ne sont pas réglés. Je sais que la DGA essaye de les accompagner et de veiller à ce que ces fournisseurs soient payés en temps et en heure, mais tous ne sont pas concernés.

J'ai d'ailleurs un exemple concret sur ma commune d'une entreprise qui vient d'être rachetée : le chef d'entreprise me disait : « On n'a pas de clarté ». Nous avons tous entendu un témoignage similaire hier soir lors de l'interview du Président de la République.

Thomas Dossus a évoqué les autres lois de programmation ; je ne peux pas me prononcer sur ce point.

Je complète ma réponse à la question de Raphaël Daubet en indiquant que dans le rapport, vous pourrez trouver des développements sur la « loi d'Augustine ». Norman Augustine était un spécialiste de l'armement américain qui expliquait dès les années 1970 que plus le temps avance, plus les équipements militaires sont technologiques, et plus le coût unitaire de chaque matériel augmente. Le résultat, disait-il, était qu'à un moment donné, il ne resterait plus d'argent que pour un seul avion. Nous n'en sommes pas là mais nous devons avoir ce raisonnement en tête.

Thierry Cozic, les financements alternatifs que vous évoquez peuvent constituer une réponse technique. Mais concrètement, si on met en place un grand emprunt, il faudra le rémunérer. Cela aura un coût, qui viendra s'ajouter au montant de la dette et de ses intérêts. Cela contribue à une fuite en avant.

Je voudrais terminer sur un point plus personnel. J'entends dire qu'il faut mettre plus d'argent sur la LPM dès 2025. Peut-être, encore faudrait-il savoir pourquoi. Une mesure utile pourrait déjà être de lever le gel des crédits de paiement gelés cette année, afin de payer nos fournisseurs. Cela n'appelle pas de décret d'avance, de nouvelle loi, ou de révision de la LPM. Cela s'appelle simplement le respect du Parlement et de la loi votée.

Marie-Claire Carrère-Gée. - Pourquoi ne pas en faire la recommandation n° 1 ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Cela pourrait être la recommandation numéro 1. Je ne l'ai pas mise aussi haut dans la liste car il y avait également d'autres sujets et à ce jour, et nous ne sommes saisis de rien par le Gouvernement.

M. Claude Raynal, président. - Merci, monsieur le rapporteur spécial.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle budgétaire - L'incidence du taux d'emploi des seniors sur l'équilibre financier du système de retraite - Communication

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec notre collègue Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, qui va nous présenter ses observations et ses recommandations concernant l'incidence du taux d'emploi des seniors sur l'équilibre financier du système de retraite. Madame la rapporteure spéciale, vous avez la parole.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Comme je l'ai mentionné lors de la venue de Monsieur le Premier président de la Cour des comptes au Sénat mercredi dernier, j'ai souhaité conduire une réflexion sur la possibilité d'accroître le taux d'emploi des seniors. En abordant ce sujet structurel, en lien avec le conclave convoqué par le Premier ministre, j'ai tenté de trouver des solutions pour améliorer le financement à long terme de notre système de retraite.

Pour commencer, un constat : au sein de l'OCDE, la France est un pays dans lequel le taux d'emploi des seniors est particulièrement faible. En effet, alors que l'Allemagne emploie en 2024 75% de ses 55-64 ans, et ce taux est le même aux Pays-Bas, la France peine à atteindre 60,4%.

Les causes de cette faiblesse du taux d'emploi sont multiples.

D'abord, la France a relevé l'âge de départ avec plus de prudence et moins de rapidité que ses partenaires, alors que le choc démographique était similaire. Ainsi, le point bas de taux d'emploi des seniors est atteint dans les autres pays de l'OCDE en 1995, mais il ne survient en France qu'en 2005. Or, c'est bien avant tout la distance à la retraite qui permet d'arbitrer pour les employeurs comme pour les individus entre le choix de l'emploi et celui de la retraite ou de l'inactivité. C'est ce que les économistes appellent l'effet horizon.

Ensuite, les emplois proposés aux seniors ne sont pas toujours adaptés à ce à quoi ils aspirent à l'approche de leur fin de carrière : plus de temps partiel, des emplois plus proches de chez eux et qui leur permettent de rester socialement intégrés.

Enfin, le niveau de pension joue. En France, en 2022, le taux de remplacement pour les hommes est de 71,9 % contre 55,3 % en Allemagne. Un Allemand divise presque par deux ses revenus en passant à la retraite. Cela l'encourage évidemment à rester au travail.

Par ailleurs, le taux de pauvreté des retraités a diminué : 8,7 % aujourd'hui contre 14,6 % en 2019. Leur niveau de vie, en prenant en compte le fait que nombre d'entre eux sont propriétaires, est 9,5 % plus élevé que pour l'ensemble de la population.

J'affirme que ce niveau de vie est nécessaire pour financer le grand âge ou la dépendance. Tant que ce cinquième risque n'est pas financé, il faut préserver les ressources des premiers concernés.

Forte de ces constats, j'ai cherché à modéliser l'amélioration du solde de notre système de retraite qui serait consécutive à une hausse de l'emploi des seniors en France.

Grâce aux données transmises par les administrations auditionnées et au travail interne de la commission, nous avons pu obtenir quelques données chiffrées. Cependant, je précise que les chiffrages, quelle que soit la méthodologie retenue, sont fondés sur des hypothèses fortes. Celles-ci portent, par exemple, sur le nombre de seniors qui reviendraient en emploi, sur la productivité de ces derniers ou encore sur leur exposition aux risques sociaux. Il convient donc de traiter avec prudence les chiffres que je vais évoquer et de retenir, avant tout, des ordres de grandeur.

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) propose une analyse de ce qui arriverait si la France alignait son taux d'emploi sur celui des Pays-Bas. Il en résulterait un bénéfice brut pour les finances publiques de près de 125 milliards d'euros par an. La direction générale du Trésor, qui a produit des travaux très approfondis sur la question, modélise l'amélioration du solde des finances sociales si la France alignait son taux d'emploi sur celui de l'Allemagne, en tenant compte de la prégnance plus forte des emplois à temps partiel outre-Rhin. Avec une hausse de 16,4 points de l'emploi des 60-64 ans et une hausse générale de 3,6 points de l'emploi dans la population française, le bénéfice pour le système de retraite serait d'environ 9 milliards d'euros.

Enfin, plus spécifiquement, la chaire Transition démographique, transition économique, se fondant sur une hausse théorique de 10 points du taux d'emploi des 60-64 ans, obtient un bénéfice brut pour le système de retraite d'environ 9,7 milliards d'euros.

Voici pour les ordres de grandeur, qui sont tout de même substantiels.

Au-delà de savoir combien rapporterait la remise en emploi des seniors, il faut imaginer, surtout, comment y parvenir et à quel prix.

En imaginant réintégrer au marché du travail l'intégralité des personnes entre 55 et 64 ans qui ne sont ni en emploi ni en retraite, qui ne sont pas au chômage et en bonne santé, soit environ 590 000 personnes, le bénéfice brut pour les finances publiques serait de 11,7 milliards d'euros. Cependant, pour y parvenir, il faudrait consentir à au moins 5,9 milliards de dépenses dans différentes mesures de formation et d'adaptation.

Au final, l'on obtiendrait un bénéfice net d'environ 5,8 milliards d'euros.

Même en comptabilisant le coût de remise en emploi des plus âgés, l'accroissement du taux d'emploi a donc un effet très positif sur le solde de notre système de retraite.

Il ne suffira cependant pas à équilibrer le système, car la Cour des comptes chiffre à 6,6 milliards d'euros le déficit moyen du système dès 2025, et prévoit une dégradation du solde à 15 milliards d'euros hors inflation en 2035, puis à 30 milliards d'euros en 2045. Cependant, si le réemploi des seniors pèse 6 milliards d'euros, vous conviendrez qu'il mérite toute notre attention.

Je souhaite donc proposer à notre commission des pistes pour avancer sur le sujet du taux d'emploi des seniors et, plus largement, sur le système de retraite.

Dans la construction de ces recommandations, mon premier objectif a été, comme l'a souligné Pierre Moscovici le 7 mai dernier, de préserver l'équité intergénérationnelle de notre système de retraite. Je rejoins le Premier président de la Cour des comptes : au vu des évolutions auxquelles nous faisons face, notamment d'un point de vue démographique, il est nécessaire que le poids du déficit du système d'aujourd'hui ne soit pas résolu en pénalisant les retraités de demain.

Pour continuer à croire dans le système de répartition dont nous héritons, il est nécessaire que, d'une génération à une autre, les droits ne soient pas diminués injustement.

Pour parvenir à cet objectif, il est indispensable de développer l'investissement dans les compétences des seniors et dans la formation à partir de 50 ans pour maintenir l'employabilité des salariés les plus âgés. Il nous faut, comme en Allemagne, développer une culture du travail senior par la création d'emplois adaptés, notamment à temps partiel, qui répondent aux attentes des actifs en fin de carrière. L'arrivée du projet de loi transposant l'accord national interprofessionnel sur l'emploi des seniors au Sénat en juin prochain pourra favoriser le développement de ces recommandations.

Dans un deuxième temps, et plus largement, il faut soulager et simplifier notre système par répartition trop déséquilibré.

En 1960, il y avait 4,69 actifs par retraité. Aujourd'hui, on compte seulement 1,71 actif par retraité. Face à ce ratio, je m'étonne qu'aucun des récents rapports sur le sujet des retraites ne soulève la nécessaire question de la « natalité ». Pourquoi la baisse du taux de fécondité en France serait une fatalité ? Le gouvernement doit soutenir des politiques natalistes par tous moyens : aide à la garde d'enfants, crèches, allongement de la durée du congé maternité, allocation familiale bonifiée pour 2 et 3 enfants, plafonnée après 5, politique résolue en faveur du logement, facilitation de l'entrée des jeunes sur le marché du travail. Aucune société ne peut parler d'avenir sans parier sur sa jeunesse. Certes, les politiques natalistes ont un coût et des bénéfices de long terme, mais sans cela, il est vain de chercher des solutions pour les retraites.

Ensuite, il me paraît indispensable de toiletter le système par répartition dont les financements croisés sont d'une complexité inouïe : la CSG, les cotisations, les impôts, les taxes, l'assurance chômage, les allocations familiales, les subventions, les transferts entre régimes, les réserves etc. Tout finance les retraites et inversement.

Enfin, pour réussir la transition démographique à laquelle nous faisons face, il est nécessaire de redonner au Fonds de réserve des retraites (FRR) sa mission initiale, à savoir jouer un rôle d'amortisseur des chocs démographiques et économiques. J'invite donc à réabonder le FRR en mettant ses missions en cohérence avec les motivations qui ont poussé à sa création. Imaginé en 2001 pour provisionner les futures dépenses de retraite liées aux baby-boomers, le FRR devait atteindre 150 milliards d'euros en 2020. Et curieusement, c'est le chiffre que cherchait à combler la réforme des retraites en 2023. Or, notre FRR ne compte plus que 20 milliards d'euros aujourd'hui, en raison de son changement d'affectation en 2010, pour rembourser la dette de la CADES, c'est-à-dire 2,1 milliards par an depuis 2011 jusqu'en 2024. On a donc ponctionné 30 milliards d'euros sur le FRR jusqu'en 2024, puis on ponctionnera1,45 milliard par an de 2025 à 2033. Les retraites financent donc la maladie et l'on s'étonne du déficit du système !

Selon moi, un système par répartition doit obligatoirement s'accompagner d'un fonds de réserve qui absorbe et provisionne les effets démographiques de chaque génération. Si la natalité est en baisse, il faut prévoir des modalités de financement et anticiper les manques. Il n'est pas raisonnable de déclencher des réformes au coup par coup alors que l'on sait parfaitement modéliser le système. Cela l'expose aux critiques alors qu'il est robuste, bien plus que la capitalisation, qui fut notre premier système de retraite en 1910, ruiné par la Première Guerre mondiale. De nouveau à l'essai en 1930, l'inflation et la Deuxième Guerre mondiale ont de nouveau ruiné ceux qui s'y étaient réessayés.

C'est en raison de ces échecs successifs que la France a choisi après-guerre la répartition afin d'octroyer rapidement et sûrement une pension à ses retraités. La répartition peut s'accompagner de capitalisation, et c'est le cas aujourd'hui pour 15 % des Français, mais le socle reste le plus sûr à condition de provisionner les deltas dans un fonds dédié.

En conclusion, s'il s'agit de maintenir notre système sans augmenter les cotisations et sans travailler plus, j'espère que mon travail vous aura convaincu de la nécessité d'améliorer le taux d'emploi des seniors en bonne santé, dont le bénéfice net peut être estimé à près de 6 milliards d'euros. Cela ne suffira pas, mais c'est un début de solution.

M. Michel Canévet. - Je voudrais remercier l'excellente rapporteure spéciale pour ce sujet particulièrement important qui concerne l'emploi des seniors. Le graphique qui se trouve à la première page de la synthèse du rapport est particulièrement explicite sur la situation de la France, où nous sommes en complet décalage avec le taux d'emploi des seniors dans les autres pays autour de nous, ce qui montre l'effort qui est à faire effectivement.

Je partage l'appréciation sur le Fonds de réserve des retraites. Il me paraît tout à fait anormal qu'un prélèvement soit opéré sur ce fonds alors qu'il faudrait au contraire le renforcer pour les retraites compte tenu des besoins de financement à l'avenir. Il faudrait que l'on puisse déposer des amendements tendant à supprimer ce prélèvement.

Concernant l'emploi des seniors, beaucoup affirment un souhait de travailler moins. Par ailleurs, la transmission des savoirs est une habitude bénéfique qu'il faudrait introduire dans un certain nombre de professions. Je pense par exemple aux enseignants. En effet, un certain nombre d'entre eux sont usés à la fin de leur carrière et ils ont un savoir-faire pédagogique. Pourquoi pas imaginer qu'ils puissent y avoir dans la même classe un jeune professeur et un professeur très expérimenté pendant un certain temps, ce qui permettrait ainsi d'éviter que des jeunes soient lancés sans aucune expérience ? Et ce qui est vrai pour l'enseignement, l'est également pour d'autres professions, notamment dans le domaine industriel, ce qui permettrait peut-être de relancer l'industrie dans notre pays.

En tout état de cause, ce rapport sur l'emploi des seniors arrive à propos parce que nous avons parallèlement, comme cela a été dit, une baisse très significative de la natalité dans notre pays. Donc il faut qu'on puisse compenser cela, même si la baisse de la natalité n'aura des effets que dans quelques années. Il convient d'anticiper. Des mesures sont-elles prévues aujourd'hui pour permettre de concilier un emploi à temps choisi et la possibilité de pouvoir aller jusqu'à la retraite ?

Mme Isabelle Briquet. - Notre rapporteure s'est attaquée à un sujet délicat et épineux.

Nous aurons sans doute d'autres débats où nous ne serons pas forcément d'accord sur les solutions à apporter. Néanmoins, j'apprécie le travail qui a été fait, parce qu'il est très objectif. Le constat n'échappe aujourd'hui à personne : il suffit de comparer les ressources qu'apportent les cotisants et le coût des retraites pour voir que le compte n'y est pas.

À propos de la dernière recommandation qui encourage l'emploi des seniors et la création d'emplois adaptés, je souscris à l'idée que ces emplois seraient bien majoritairement à temps partiel. Est-ce à dire, cependant, que les seniors vont travailler plus longtemps pour avoir une retraite moins importante à la fin ? En effet, le temps partiel est synonyme de cotisations moins élevées, donc probablement de moindre pension. Ce maintien en emploi à temps partiel serait-il associé à un mécanisme de garantie ?

M. Arnaud Bazin. - Je me joins aux remerciements adressés à notre rapporteure pour ces éléments de réflexion éclairants.

Je m'étonne cependant que l'influence du régime d'assurance chômage n'ait pas été prise en compte dans les paramètres envisagés. Nous savons qu'un certain nombre de seniors au chômage ne retrouvent pas un niveau de rémunération qui les encourage à reprendre rapidement un emploi, ce qui doit avoir des conséquences sur ce taux d'emploi.

J'ai entendu que vous avez évoqué les seniors qui ne sont ni en emploi, ni en retraite, ni en formation, mais pas nécessairement ceux qui se trouvent dans le régime de l'assurance chômage. Pouvez-vous fournir des éléments complémentaires sur ce point ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je tiens à souligner l'excellente qualité du rapport présenté par madame la Rapporteure, avec des diagnostics et des prises de position très nettes. Je partage sans réserve, c'est le cas de le dire, vos observations sur le fonds de réserve des retraites et m'associe à la proposition qui vient d'être faite.

Il est catastrophique qu'au cours des quinze dernières années on ait rendu de plus en plus opaque la tuyauterie financière générale de la Sécurité Sociale, participant ainsi à une méconnaissance et une incompréhension majeure des enjeux, y compris par beaucoup de décideurs publics. Le fonds de réserve en est un exemple. Ce qui lui est arrivé participe à l'affaiblissement de la crédibilité globale du système par répartition, lequel repose sur la confiance que l'ensemble des Français, quel que soit leur âge, peuvent en avoir ainsi que dans l'utilité des cotisations qu'ils paient et la pérennité de leurs droits, une fois arrivés à la retraite.

Je trouve que l'on aurait pu faire une critique sur la transposition tardive de l'accord national interprofessionnel sur l'emplois des seniors. Il y a deux façons de ne pas respecter les partenaires sociaux : soit on ne leur demande pas leur avis, soit, quand ils négocient, on met un an à inscrire dans la loi le fruit de leur accord. Évidemment, il y a beaucoup de circonstances politiques qui expliquent cet état de fait, mais prendre un an pour transposer un tel accord me semble disproportionné alors qu'il y a de nombreuses dispositions qui pourront faire bouger les curseurs. Même s'il ne s'agit pas d'un accord décisif pour traiter du sujet, il y a urgence car on voit que la situation du chômage des seniors se dégrade rapidement. Les menaces qui pèsent sur leurs emplois se sont renforcées, alors que la tendance précédente était à son amélioration.

M. Laurent Somon. - On nous a vendu la baisse de l'âge de la retraite avec la possibilité d'une substitution des emplois seniors supprimés par une augmentation de l'emploi des jeunes. A-t-on vraiment des chiffres tangibles qui démontrent cette théorie de l'effet de substitution qui nous a été proposée à une époque ?

À l'inverse, y a-t-il effectivement, et notamment en comparaison avec nos partenaires de l'Union européenne, la démonstration que l'employabilité des personnes de plus de 50 ans ne dégrade pas et même parfois améliore l'embauche des jeunes ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Michel Canévet a soulevé la question du Fonds de réserve des retraites. Je réponds également à Marie-Claire Carrère-Gée qui en a fait mention.

Effectivement, les prélèvements sur le FRR ont été très dommageables au système par répartition. Ce fonds avait atteint près de 38 milliards d'euros en 2010, lorsqu'il a été décidé de verser chaque année 2,1 milliards à la CADES pour rembourser la dette de la Sécurité sociale. Il est excellemment géré par la Caisse des dépôts et consignations, avec un taux de rendement supérieur à 10 % certaines années.

Si l'on imagine un fonds de réserve des retraites d'environ 40 milliards d'euros en 2010, qui aurait engrangé environ 4 milliards d'euros chaque année, on peut facilement se représenter le montant qu'il aurait atteint en 2023. Peut-être aurions-nous pu éviter la réforme de 2023.

En tout cas, lors de sa création, ce fonds de réserve était destiné à provisionner les cotisations surnuméraires de l'époque, liées au pic d'activité des baby-boomers, pour pouvoir encaisser le choc démographique qui était à venir. Aujourd'hui, ces fonds nous font cruellement défaut : le FRR aurait dû atteindre 150 milliards d'euros de réserves en 2020. Même avec seulement 80 milliards d'euros en réserve, avouez que la question du financement de nos retraites aurait été singulièrement différente en 2023.

Lorsque je dis qu'il faut cesser de ponctionner le fonds de réserve des retraites pour financer la dette de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), on me répond favorablement, mais qu'il faut quand même rembourser la dette de la CADES. Je suis bien d'accord, la dette sociale doit être remboursée : néanmoins, à cause de cette utilisation dévoyée du FRR que l'on a ponctionné, on se retrouve obligé de réformer souvent les retraites.

Je ne peux pas faire une autre recommandation que de dire qu'a minima, laissons ce qui appartient aux retraites au financement du régime des retraites. Effectivement, cette fragilisation du système par répartition crée des poussées pour développer de la capitalisation.

Je suis très claire, je ne suis pas opposée à la capitalisation, mais seulement en complément du système par répartition. En effet, le jour où l'on remet en question le système actuel par répartition en voulant le remplacer par une part de capitalisation, on va créer un gouffre immense, car il manquera les cotisations éventuelles qu'on a aujourd'hui par répartition. Si elles partent en capitalisation, il manquera ces cotisations pour financer les pensions actuelles. Il ne faut pas l'oublier. On ne peut pas substituer de la répartition par de la capitalisation, sauf à générer des gouffres très importants.

Michel Canévet, vous posiez la question : y a-t-il des mesures prévues aujourd'hui sur la transmission des savoirs enseignants ou industriels ? Il y a la montée en puissance des cumuls emploi-retraite, des retraites progressives qui est en train de s'opérer grâce à la réforme de 2023. Dans les mesures supplémentaires, l'accord national qui sera bientôt transposé obligera, dans l'entretien professionnel à 60 ans, à aborder la question de l'aménagement de la fin de carrière, ce qui est une bonne chose.

De plus, l'investissement sur la formation des seniors des plus de 50 ans est extraordinairement bénéfique, en tout cas davantage - et c'est peut-être contre-intuitif - que la formation pour les 20-50 ans. Selon les chiffres dont je dispose, investir sur les compétences d'un senior est 1,75 fois plus efficace que sur celles des 20-50 ans. Pourquoi ? Essentiellement à cause de l'absentéisme qui est plus fréquent pour les 20-50 ans. La formation des plus de 50 ans a donc un bon retour sur investissement.

Isabelle Briquet, vous évoquiez la création d'emplois adaptés. Cela me semble logique, et l'Allemagne le fait beaucoup d'ailleurs. C'est une culture qu'il est nécessaire de développer, avec une part plus importante des emplois à temps partiel et des emplois adaptés. Les estimations tiennent compte du fait que si les seniors qui sont en bonne santé travaillent davantage, cela va produire des cotisations supplémentaires. Cela fera également sans doute des prestations sociales en moins. En revanche, oui cela génèrera des pensions de retraite supplémentaires, car les seniors auront cotisé davantage. Cet effet est bien inclus dans l'estimation et ces pensions vont se déporter dans le temps.

Arnaud Bazin, sur la question de l'assurance chômage : mon travail n'a pas porté sur ces aspects-là. Néanmoins, je mentionnerai l'existence des dispositifs, notamment dans le domaine privé, qui ont accompagné les départs anticipés en retraite, bien que ces derniers se soient aujourd'hui beaucoup réduits. Il faut aussi rappeler que la France est un pays où l'on accompagne beaucoup plus que les autres pays à partir de 55 ans en matière de chômage. Est-ce qu'il faut encore y toucher ? Je préconise évidemment de plutôt basculer sur la formation que sur l'indemnisation chômage. Les dispositifs de pré-retraite et de chèques ont faibli parce que la France a aussi besoin de main-d'oeuvre. Cela n'enlève rien au constat que la France accompagne beaucoup plus : les plus de 57 ans peuvent bénéficier d'indemnisations chômage jusqu'à 27 mois consécutifs, ce qui est beaucoup plus par rapport aux pays européens. Cependant, je n'ai pas de chiffrage particulier sur cet aspect.

Marie-Claire Carrère-Gée, sur le fonds de réserve des retraites : je l'ai évoqué précédemment, et effectivement, l'accord des partenaires sociaux sur l'emploi des seniors tarde à être mis en oeuvre, ce que je ne comprends pas car il ne s'agit pas d'un sujet qui fâche. Ce sont des gens qui recherchent, qui ont besoin de travailler, qui demandent à travailler. On a simplement trop de difficultés à créer des emplois adaptés. Pour le temps partiel, je considère que la limite est que ce soit bien le minimum pour valider des trimestres. Il faut que les personnes qui ont eu des carrières hachées ne soient pas désavantagées - il y a les femmes, mais pas uniquement. Notre taux d'emploi senior chez les hommes est aussi faible par rapport aux autres pays, ce qui signifie qu'il y a une culture de l'emploi senior à développer. Je pense qu'on aurait pu aller beaucoup plus vite sur ces aspects-là.

Laurent Somon, vous posiez une question sur les jeunes. Nous avons assez peu d'éléments qui documenteraient un effet d'éviction des jeunes sur le marché du travail si les seniors se maintenaient en emploi. Par exemple, en 2022, le taux d'emploi senior chez les hommes est de 77,2 % en Allemagne et de 58,3 % en France. Mais le taux d'emploi des jeunes est aussi plus élevé en Allemagne : c'est 52,5 % contre 36,3 % en France. Il faut évidemment travailler à la fois sur l'emploi des jeunes et sur l'emploi des seniors.

J'ai souhaité me positionner dans ce rapport sur l'emploi senior parce que c'était un sujet sur lequel nous avions encore assez peu de chiffres.

J'ai également voulu souligner l'importance de l'investissement et de la formation dans les compétences des seniors. Le rapport Draghi a mis en lumière le fait que nos compétences étaient extrêmement déterminantes dans la croissance de notre PIB. Il a montré que ce n'est pas seulement le temps de travail qui compte, mais aussi nos compétences. Puisque nous avons naturellement acquis des compétences à 50 ans, et que le retour sur investissement en formation est 1,75 fois plus élevé que pour les plus jeunes, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de questions à se poser. C'est pourquoi je peux faire des recommandations qui peuvent paraître parfois un peu simplistes, mais qui visent à mettre des priorités dans les marges de manoeuvre que nous pouvons avoir, par exemple sans augmenter les cotisations ou sans reculer l'âge de départ à la retraite.

La commission adopte les recommandations de la rapporteure spéciale et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Emmanuel Capus comme rapporteur de la proposition de loi n° 380 (2024-2025) instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches.

La réunion est close à 11 h 25.