- Mardi 20 mai 2025
- Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé
- Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mardi 20 mai 2025
- Présidence de M. Florent Boudié, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 20 mai 2025.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Florent Boudié, député, président, de Mme Muriel Jourda, sénateur, vice-président, de Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de Mme Anne-Sophie Patru, sénatrice, rapporteure pour le Sénat.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Florent Boudié, député, président. - La proposition de loi a été déposée sur le bureau de l'Assemblée le 23 janvier 2024 par l'ancien député Philippe Pradal. Elle a été inscrite à l'ordre du jour de la journée réservée au groupe Horizons & indépendants et adoptée le 14 mars 2024. Elle a été adoptée par le Sénat le 13 mai 2025.
La proposition de loi comportait initialement trois articles, puis sept après son passage à l'Assemblée nationale et neuf - dont trois supprimés et un conforme - après l'examen au Sénat. Huit articles restent en discussion.
Mme Anne-Sophie Patru, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Je me réjouis que la proposition de loi déposée par Philippe Pradal arrive presque au terme de son examen parlementaire, dans des conditions optimales. Pour ne pas faire durer inutilement le suspense, Agnès Firmin Le Bodo et moi-même sommes parvenues à un accord respectueux des positions des deux chambres, que nous soumettons aujourd'hui à votre approbation.
Notre ligne directrice était simple : nous considérons comme l'un des piliers du vivre-ensemble la reconnaissance que la société doit à ceux qui donnent de leur temps et de leur énergie pour aider les autres. C'est pourquoi la banalisation de la violence dans les lieux de soins, largement dénoncée par les professionnels, qu'ils soient soignants ou non, doit être jugulée par tous moyens, autant pour affirmer symboliquement notre soutien sans faille aux personnels soignants que pour renforcer les mesures de nature législative permettant aux soignants d'exercer leur vocation dans les meilleures conditions possibles.
Outre la volonté d'oeuvrer pour renforcer la sécurité des soignants, j'ai été particulièrement vigilante quant à la qualité juridique des mesures que nous vous proposons, comme je m'y étais engagée devant la commission des lois puis en séance publique. Cette vigilance est primordiale pour éviter une loi bavarde mais surtout déceptive, voire inopérante, pour nos soignants. Notre bonne volonté de législateur ne doit pas nous conduire à négliger le bon conseil formulé en 1816 par Pierre-Paul Royer-Collard à la tribune de la chambre des députés : « une loi nouvelle n'est nécessaire que dans l'un de ces deux cas : s'il n'y a point encore de loi nouvelle sur une matière qui en exige, ou si l'expérience a démontré le vice de la loi existante. »
Je remercie la rapporteure Agnès Firmin Le Bodo pour son écoute attentive, son implication sur ce sujet qu'elle a défendu lorsqu'elle était ministre, et sa compréhension des points de vigilance du Sénat.
Le texte que nous vous proposons est très proche du texte adopté par le Sénat en séance publique, bien que je regrette, au nom de la commission des lois, que notre alerte sur la pertinence de l'extension du délit d'outrage à des personnes qui ne seraient pas chargées d'une mission de service public n'ait pas été entendue.
L'accord que nous avons trouvé me semble, dans son ensemble, satisfaisant, en particulier pour les soignants, qui méritent un vote unanime.
L'article 1er, qui étend à tous les professionnels travaillant dans les lieux de soins la protection accordée aux professionnels de santé depuis la loi du 18 mars 2003, a été peu modifié.
Outre des ajustements rédactionnels, il me paraît important d'évoquer deux dispositifs introduits par le Sénat en séance publique. D'une part, nous souhaitons limiter la création d'une circonstance aggravante pour des faits d'agressions sexuelles à ceux dont les soignants sont victimes, comme le proposait le sénateur Hussein Bourgi. D'autre part, nous proposons de rétablir les circonstances aggravantes pour les faits de vol dans les établissements de santé. S'agissant encore de la lutte contre le vol, il est nécessaire de punir les vols, quels qu'ils soient, commis au détriment des professionnels de santé dans l'exercice de leurs fonctions. À l'inverse, l'extension des circonstances aggravantes à tout vol de produits de santé, y compris entre particuliers, nous a paru disproportionnée. Nous retenons donc la rédaction initiale qui sanctionne le vol de matériel médical et paramédical.
Nous proposons le maintien de l'article 2 dans la rédaction issue de l'amendement du gouvernement et du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) adopté au Sénat. Cette disposition a une portée symbolique pour les professionnels. J'émettrai toutefois, reprenant un instant ma casquette de rapporteure de la commission des lois, deux réserves. La première est que l'outrage est lié à l'exercice d'une mission de service public. Or tout n'est pas service public et il serait regrettable que cette spécificité se perde. La seconde est que la rédaction de l'article 2 est à mes yeux imparfaite en ce qu'elle ne protégera pas de la même manière toutes les personnes qui travaillent dans les lieux de soins. Je crains donc que nous n'ayons à y revenir. Les échanges avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, dans la continuité des débats en séance publique au Sénat, m'ont néanmoins convaincue de maintenir l'extension du délit d'outrage.
Suivant la logique du maintien du délit d'outrage à l'article 2, nous vous proposons, à l'article 2 bis A, de ne pas limiter le dispositif adopté à l'initiative de notre collègue Corinne Imbert au seul Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, mais de l'étendre à tous les ordres. Ils pourront donc tous, sans distorsion de compétence, se constituer partie civile en cas d'outrage à l'encontre d'un de leurs membres.
J'en viens désormais aux articles 2 bis et 3, qui visent à faciliter les dépôts de plainte après chaque incident. S'agissant de l'article 3, qui permet à l'employeur, à un ordre professionnel ou à une union régionale des professionnels de santé (URPS) de déposer plainte pour le compte d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel, nous ne vous proposons que des modifications mineures, de nature rédactionnelle, l'Assemblée nationale ayant accepté les principaux apports du Sénat.
La principale mesure de l'article 2 bis, qui consistait à permettre aux professionnels de santé de déclarer l'adresse de leur ordre lors du dépôt de plainte, a été supprimée par le Sénat, cette faculté étant déjà prévue par le droit en vigueur. Nous proposons une rédaction de compromis qui comble une lacune dans notre législation. Alors que tous les professionnels qui exercent dans un établissement public de santé peuvent déjà déclarer leur adresse professionnelle et que les personnes qui sont employées par un professionnel libéral ou par un établissement de santé privé peuvent également déclarer l'adresse de leur employeur, sous réserve de l'accord de celui-ci, nous permettons désormais aux libéraux de déclarer leur adresse professionnelle, mettant ainsi fin à une inégalité peu justifiée.
En revanche, nous vous proposons de maintenir la suppression de l'article 3 bis, qui prévoyait la présentation annuelle au conseil de surveillance ou au conseil d'administration des divers établissements de soins d'un « bilan des actes de violences commis au sein de l'établissement ou du service et les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des personnels ». D'une part, cette présentation est en partie satisfaite puisque de telles données sont compilées dans le rapport social unique, qui fait l'objet d'une diffusion publique. D'autre part, les moyens administratifs affectés à la rédaction d'un nouveau rapport seraient mieux employés s'ils étaient dédiés au signalement systématique des violences sur la plateforme de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS).
Enfin, l'article 3 bis A résulte d'un amendement du gouvernement déposé en séance publique visant à rétablir dans son intégralité le régime de la protection fonctionnelle des agents publics, tirant les conséquences d'une décision d'inconstitutionnalité du Conseil constitutionnel. Nous vous proposons de l'adopter sans modification de fond.
Je vous invite donc à adopter ce texte de compromis, qui, je l'espère, répondra aux fortes attentes des soignants.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Nous en sommes tous conscients, la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui est particulièrement attendue par les professionnels de santé. En effet, le constat qui a été à l'origine de ce texte au mois de janvier 2024, à savoir celui d'une augmentation inacceptable des violences commises contre des professionnels de santé, se vérifie encore aujourd'hui ; la situation s'est même aggravée.
Ces violences touchent tous les professionnels de santé et tous les lieux d'exercice : hôpitaux, bien sûr, mais aussi cabinets d'exercice libéral - médical, infirmier, kinésithérapique, etc. - ou encore officines de pharmacie.
Il est de notre devoir de législateur de protéger, dans l'exercice de leurs fonctions, ces professionnels qui se consacrent corps et âme à leur mission de santé publique. Le texte que nous vous soumettons y contribuera. Comme vous le savez, il me tient particulièrement à coeur. J'ai été à son initiative lorsque j'étais ministre de la santé et de la prévention, et il s'inscrit dans le prolongement du plan pour la sécurité des professionnels de santé du mois de septembre 2023. J'ai ensuite participé aux travaux législatifs et je l'ai amendé en tant que députée lorsqu'il a été rapporté par notre collègue Philippe Pradal, auquel je tiens à rendre hommage pour sa mobilisation sans faille.
En ma qualité de rapporteure de la CMP et dans le cadre des discussions constructives que j'ai eues avec la rapporteure Anne-Sophie Patru, j'ai été particulièrement attentive à ce que les principales avancées de la proposition de loi soient préservées et consolidées.
Je pense notamment à une divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat, l'extension du délit d'outrage. Cette mesure est très attendue par les professionnels de santé, notamment ceux qui exercent en milieu libéral. Je pense également à la faculté pour l'employeur de porter plainte pour le compte du professionnel de santé, mesure très attendue par les professionnels travaillant dans les établissements de santé. Elle vise à mettre fin au phénomène d'autocensure des victimes, qui hésitent à porter plainte par peur des représailles.
J'estime que l'accord auquel nous sommes parvenues avec mon homologue du Sénat atteint pleinement ces objectifs et répond aux attentes des professionnels de santé.
J'espère donc que cette proposition de loi sera adoptée par la CMP. Je ne doute pas que nos échanges seront aussi constructifs et apaisés que lors de l'examen du texte en séance publique, texte qui a été voté, je le rappelle, à l'unanimité par nos deux chambres.
Article 1er
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2
L'article 2 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Cet article, introduit par le Sénat, autorise seulement l'Ordre des pharmaciens à se constituer partie civile en cas d'outrage. Il convenait soit de supprimer cette disposition, soit de l'étendre aux autres ordres dans un souci de cohérence et d'égalité. Les autres ordres ont donné leur accord à cette extension.
Article 2 bis A
L'article 2 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 bis
L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 bis A
L'article 3 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 bis (supprimé)
L'article 3 bis est supprimé.
Article 5 (supprimé)
L'article 5 est supprimé.
M. Roger Vicot, député. Nous nous abstiendrons sur ce texte qui s'attaque pourtant à un réel problème, l'insupportable augmentation des actes de violence commis contre les professionnels de santé. À moins d'imaginer que celles et ceux qui commettent des actes de violence connaissent le code pénal par coeur et ont donc parfaitement conscience de l'aggravation des peines qu'ils encourent, cela ne changera strictement rien et ne protégera pas les professionnels de santé.
La véritable solution pour protéger les professionnels de santé aurait été d'augmenter les moyens humains en matière de sécurité.
Mme Andrée Taurinya, députée. Ce texte d'annonce traduit une volonté de rouler des mécaniques qui ne résoudra pas le problème. De manière générale, on constate un goût pour l'inflation pénale et la répression. Tous les textes qui visent prétendument à résoudre des problèmes proposent, en guise de solution, de réprimer toujours davantage.
Dans son rapport de 2023 de suivi des recommandations du rapport sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad de 2021, la Défenseure des droits constatait que 43 % des saisines reçues après la publication de ce rapport concernaient des cas de maltraitance par excès ou négligence. Dans le rapport de 2021, elle explique que « la maltraitance provient parfois d'actes individuels, plus ou moins conscients, mais aussi et surtout de carences de l'organisation liées à la pénurie de personnel, à la rotation importante, à l'épuisement des professionnels ou au manque d'encadrement ».
Si nous voulons vraiment régler le problème de ces violences - c'est notre volonté à tous -, il faut absolument allouer plus de moyens humains afin que les patients se sentent pris en charge et que les familles considèrent que leur proche est bien traité et bien accompagné à l'hôpital ou à l'Ehpad. Autrement, cela crée du ressentiment qui peut conduire à des violences. Je voterai donc contre ce texte.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. J'ignore si c'est rouler des mécaniques que de vouloir apporter des réponses aux soignants. Cette proposition de loi n'a pas pour objet de résoudre tous les problèmes liés à l'insécurité dans l'exercice quotidien de leur travail par tous les professionnels de santé, qu'ils soient dans le secteur médical ou médico-social, mais seulement d'apporter quelques réponses qui nécessitaient un passage par la loi. Le plan pour la sécurité des professionnels de santé comporte quarante-deux mesures que je vous invite à lire et qui répondront à certaines des questions soulevées, sachant que quarante d'entre elles ne sont pas d'ordre législatif. Tout ne passe pas par la loi et, comme l'a rappelé Mme Anne-Sophie Patru, nous devons nous astreindre à ne mettre dans la loi que ce qui en relève.
Il va de soi que l'aggravation des peines envoie un signal aux délinquants, Monsieur Roger Vicot. Mais il s'agit surtout de montrer aux soignants que la représentation nationale est à leurs côtés. La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité en mars. Les réponses qu'elle apporte vous paraissent peut-être minimes, mais elles importent aux soignants, notamment ceux qui défilaient dans la rue il y a quelques semaines. Ce texte les incitera à porter plainte, ce qu'ils ne font pas car ils pensent que c'est inutile.
M. Florent Boudié, député, président. Je vous remercie. Nous pouvons passer au vote sur l'ensemble.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
La réunion est close à 9 h 21.
- Présidence de Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale -
La réunion est ouverte à 16 h 20.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 20 mai 2025.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, qui a été ainsi constitué :
- Mme Aurélie Trouvé, députée, présidente ;
- Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, vice-présidente.
Elle a également désigné :
- M. Romain Daubié, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;
- Mme Martine Berthet, sénatrice, rapporteure pour le Sénat.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion de la proposition de loi.
Mme Aurélie Trouvé, députée, présidente. - La proposition de loi qui nous est soumise avait été déposée à l'Assemblée nationale le 15 décembre 2023 et adoptée sous la précédente législature le 7 mars 2024. Elle l'a ensuite été par le Sénat le 22 mai 2024.
Je rappelle qu'une CMP ne constitue pas une deuxième lecture, mais une parenthèse dans la navette parlementaire.
Elle ne peut examiner que les dispositions restant en discussion après la lecture du texte dans chaque assemblée. La proposition de loi comprenait sept articles lors de son dépôt initial par ses auteurs. L'Assemblée nationale a ajouté cinq articles additionnels - les articles 1er bis, 3 bis A, 3 bis B, 3 bis et 5 bis -, portant ainsi à douze le nombre d'articles. Le Sénat a ensuite adopté trois articles conformes - les articles 1er bis, 5 et 7. Il a par ailleurs supprimé les articles 3 et 3 bis B et ajouté un article 1er bis A, tout en modifiant les autres articles qui restent en discussion.
Il ne saurait y avoir d'accord partiel. L'élaboration d'un texte par la CMP n'a de sens que s'il est susceptible d'être ensuite adopté par les deux assemblées.
Sur le fond, cette proposition aborde le problème de l'insuffisance du nombre de logements et de foncier disponible pour en construire, alors que l'accès au logement demeure très difficile pour nombre de nos concitoyens.
Dans le cadre de cette CMP, nous devons examiner tout d'abord l'article 1er, modifié par le Sénat, qui a pour objet de permettre la transformation de bâtiments existants en habitations dans les zones où les documents d'urbanisme s'y opposent.
L'article 1er bis A, introduit par le Sénat, vise à préciser que l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) aura parmi ses missions de soutenir les collectivités territoriales pour concevoir, définir et mettre en oeuvre leurs projets de transformations de bureaux en logements.
L'article 2, qui concerne l'assujettissement de ces transformations à la taxe d'aménagement, a été modifié par le Sénat.
L'article 3 a été supprimé.
L'article 3 bis A, modifié par le Sénat, exonère les locaux ainsi transformés de la taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels, lorsqu'ils sont situés en Île-de-France et en région Paca (Provence-Alpes-Côte d'Azur).
L'article 3 bis B a été supprimé par le Sénat.
L'article 4, modifié par le Sénat, a pour objet de créer un permis de construire à destinations multiples.
Enfin les articles 5 bis et 6, également modifiés par le Sénat, visent, pour le premier, à étendre la majoration de volume constructible prévu par le PLU (plan local d'urbanisme) aux constructions de logements étudiants et, pour le second, à faciliter le changement de destination d'un lot de copropriété pour transformer des locaux tertiaires en logements.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénatrice, vice-présidente. - Je vous remercie de nous accueillir pour cette CMP sur la proposition visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations, puisque c'est ainsi que nous l'avons rebaptisée au Sénat.
Cette réunion intervient quasiment un an après l'adoption de ce texte au Sénat, puisqu'elle a été reportée d'abord en raison de la dissolution, puis par les atermoiements sur le budget et par la censure du gouvernement Barnier.
Pendant ce temps, la crise du logement n'a cessé de s'accentuer. Selon l'Union sociale pour l'habitat (USH), le nombre des demandes de logement social a ainsi atteint un nouveau record au cours du premier semestre de 2025. Il s'élève à 2,8 millions, ce qui représente 70 000 demandes supplémentaires rien qu'en janvier et février 2025. De même, les constructions de logements autorisées se situent encore 20 % en dessous de leur niveau d'avant le covid - et ce malgré un léger frémissement ces derniers mois.
Face à ce marasme, la proposition de loi ne pourra constituer qu'une toute petite partie de la solution. Nous en avons bien conscience, la reconversion de bureaux en logements ne permettant de produire bon an mal an quelque 2 000 nouveaux logements.
Pour autant, ce texte a le mérite d'exister et je remercie notre collègue Romain Daubié d'en avoir pris l'initiative. L'ampleur de la crise est telle qu'il faut faire feu de tout bois. Ces opérations de reconversion peuvent en outre constituer ponctuellement des solutions très intéressantes pour créer des logements, tout en évitant l'apparition de friches, tant dans les métropoles que dans les villes petites et moyennes. Cela peut être particulièrement précieux dans les territoires sous contrainte « ZAN » (zéro artificialisation nette).
Pour augmenter l'efficacité de la proposition de loi, le Sénat a élargi le champ des bâtiments concernés au-delà des seuls bureaux, ce qui devrait notamment faciliter la reconversion des zones commerciales en entrée de ville, lesquelles représentent un potentiel de 1 million de logements. Je m'en félicite et salue cette initiative de notre rapporteure Martine Berthet.
Je souligne également la précieuse contribution apportée par Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances.
Ce texte n'est qu'une première étape. Nous sommes entrés depuis quelques semaines dans un nouveau cycle législatif sur le thème de l'urbanisme et du logement. La proposition de simplification du droit de l'urbanisme et du logement déposée par Harold Huwart a été adoptée par l'Assemblée jeudi dernier. Elle sera débattue au Sénat au cours de la deuxième quinzaine de juin. Durant cette même semaine, l'Assemblée nationale examinera la proposition visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété, déposée par notre collègue Amel Gacquerre.
Ces deux textes devraient être adoptés définitivement avant l'été.
Nous continuons de déplorer la fragmentation des textes et de souhaiter un grand projet de loi de programmation pour le logement, qui déclinerait enfin une vision stratégique sur un sujet ô combien crucial pour nos concitoyens et pour la cohésion sociale. Mais nous ne pouvons que constater la difficulté de faire aboutir des projets ambitieux dans le contexte politique actuel.
Nécessité faisant loi, nous continuerons à soutenir et à enrichir tous les textes susceptibles de contribuer à l'accroissement de l'offre de logement et à simplifier leur construction.
Mme Aurélie Trouvé, députée, présidente. - Je me joins à vous pour regretter l'absence un grand projet de loi pour orienter l'effort dans le secteur du logement, eu égard à sa situation actuelle. En effet, le déficit de constructions est énorme, la situation alarmante et l'offre ne permet pas de satisfaire les demandes de logements sociaux ni, plus globalement, de répondre au souhait de la population d'être correctement logée. Par-delà les nombreuses propositions de loi, fort utiles, que nous examinons, nous aurions grand besoin d'une véritable loi de programmation.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je suis heureux que nous soyons réunis pour l'examen en CMP de ce texte, qui a beaucoup traîné. Il a été déposé il y a un an et demi et voté par l'Assemblée nationale au mois de mars-avril 2024. Une CMP devait avoir lieu en juin 2024, mais la dissolution ne l'a pas permis.
Ce texte résulte d'un travail avec le Conseil supérieur du notariat, mais aussi de mon expérience de maire. J'avais en effet découvert qu'un unique copropriétaire pouvait bloquer la transformation en logement d'un bureau inutilisé. Cette proposition de loi est toujours aussi nécessaire : le besoin de logements a augmenté, tandis que l'on compte des millions de mètres carrés de bureaux disponibles. Nombre d'acteurs socioprofessionnels se sont d'ailleurs emparés du sujet et soutiennent le travail fait par nos deux assemblées.
Martine Berthet et moi-même avons donc oeuvré de concert pour trouver rapidement des compromis sur les différents articles, afin d'aider les Français à se loger en permettant aux acteurs du secteur de transformer plus facilement des bâtiments existants en logements.
L'article 1er permet de déroger aux règles du PLU pour transformer des bureaux en logements. Le Sénat a souhaité élargir le dispositif à l'ensemble des types de bâtiments. Afin de préserver les terres agricoles et protéger notre souveraineté alimentaire, il nous a semblé très important d'éviter un effet d'éviction pour les bâtiments agricoles. Il fallait donc prévoir des délais de non-utilisation agricole de ces bâtiments suffisants pour permettre la transmission des exploitations et pour empêcher que l'outil productif fasse l'objet d'une spéculation trop importante. Après en avoir discuté avec les acteurs concernés, nous proposons que les bâtiments agricoles puissent être transformés après avoir perdu leur usage depuis plus de vingt ans. Ce délai ne sort pas du chapeau : il correspond au celui accordé aux Safer (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural) pour préempter dans les zones littorales. Encore une fois, nous souhaitions prévoir une durée suffisante, car l'agriculture n'est pas une activité comme une autre.
Nous proposons également de donner aux communes la possibilité de créer une servitude de résidence principale, sur le modèle de la loi Echaniz Le Meur, ce qui permettra de s'assurer que les logements créés correspondent aux besoins des territoires. Laisser la main aux élus pour s'adapter aux particularités locales et à la démographie est un élément important de la philosophie qui guide Mme Berthet et moi-même.
Les articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B formaient le volet fiscal de la proposition de loi. Ils ont été supprimés, le principe de l'assujettissement à la taxe d'aménagement des opérations de transformation de surface de bureaux en surface de logements ayant été repris dans la loi de finances pour 2025. Ces opérations restent cependant exonérées de la part départementale de la taxe d'aménagement.
L'article 3 bis, adopté en des termes quasi identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale, permet de prendre en compte les opérations de transformation de bâtiments autres que d'habitation en logements dans les projets urbains partenariaux. Les modifications que nous vous proposons sont purement rédactionnelles.
L'article 4 propose de généraliser une innovation : le permis de construire à destinations multiples, déjà mis en oeuvre de façon expérimentale pour la construction du village olympique.
Nous avons souhaité distinguer deux cas de figure :
Soit le permis de construire peut se contenter d'autoriser plusieurs nouvelles destinations pour la construction ; mais cette autorisation ne permet pas de faire l'économie du dépôt d'une autre demande de permis de construire lors d'un changement ultérieur de destination - par exemple en cas de création de balcons sur un ancien immeuble de bureaux. Le porteur de projet saura simplement qu'il ne pourra pas se voir refuser le permis en raison du changement de destination ;
Soit le permis de construire peut indiquer précisément les différents états de la construction selon les destinations prévues, ce qui permet d'évaluer dès le départ la conformité du projet aux autres règles d'urbanisme. Dans ce cas, les travaux pourront être réalisés sans avoir à déposer une nouvelle demande d'autorisation.
Dans tous les cas, il faudra avoir prévenu le maire et l'EPCI (établissement public de coopération intercommunale) en cas de changement de destination.
Dans la version de l'Assemblée nationale, la durée de validité du permis n'était pas limitée. Le Sénat avait pour sa part proposé une durée maximale de dix ans, renouvelable deux fois par tranche de cinq ans. Nous avons abouti à une solution de compromis : les deux formes de permis de construire à destinations multiples seront valables pour une durée de vingt ans, ce qui correspond aux réalités économiques décrites par les porteurs de projets.
L'article 4 bis relatif aux marchés de conception-réalisation a été voté conforme par le Sénat.
Nous vous proposons de conserver l'article 5 dans la version du Sénat pour permettre à l'ensemble des résidences universitaires, au-delà des seuls Crous (centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires), de bénéficier des majorations de construction prévues par le code de l'urbanisme.
Enfin, il me paraissait important de continuer à exclure les commerces du dispositif de l'article 6, qui permet de faciliter la transformation de locaux autres que d'habitations en logements dans les copropriétés.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Comme l'a souligné la présidente Estrosi Sassone, ce texte ne sonnera pas le coup d'envoi du « grand soir » du logement, car il se focalise exclusivement sur les bâtiments réversibles. Mais, comme le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables a disparu dans le maelström de la dissolution, cette proposition de loi contribuera utilement à élargir la palette des outils à la disposition des collectivités territoriales pour accroître l'offre de logements.
Le Sénat a donc tout naturellement soutenu ce texte et en a étendu la portée autant que possible, notamment en élargissant le champ des constructions concernées au-delà des seuls bureaux. Les hôtels, les parkings et bien souvent les commerces constituent également un gisement important de créations de logements - y compris hors des métropoles.
S'agissant de la mesure permettant de changer la destination des bâtiments dans les zones naturelles, agricoles et forestières (NAF), l'intention du Sénat n'est bien entendu pas de favoriser l'éviction des activités agricoles, mais bien plutôt de tirer profit de bâtiments ayant perdu leur usage agricole pour redynamiser nos campagnes. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avions prévu un avis conforme de la CDPENAF (commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers) sur ces changements de destination dérogatoires. Je précise du reste - et c'est une sécurité de plus - que ces changements de destination demeureront toujours à la main du maire, ce qui est une garantie supplémentaire contre le mitage incontrôlé.
Nous avons cependant entendu les inquiétudes à ce sujet. Afin de sécuriser encore davantage le maintien des activités agricoles, nous avons précisé que de tels changements de destination ne pourraient concerner que des bâtiments ayant perdu leur usage agricole depuis plus de vingt ans. Ce délai correspond au délai maximal en vigueur dans certaines zones protégées, au-delà duquel une Safer ne peut plus préempter d'anciens biens agricoles pour les rendre à cet usage. Cela nous semble donc cohérent.
En outre, afin de garantir que ces changements de destination ne servent pas exclusivement à créer des résidences secondaires dans les zones naturelles, agricoles ou forestières (NAF) où l'on manque de logements, nous vous proposons de permettre aux communes ou aux EPCI de soumettre les logements ainsi créés à une servitude de résidence principale. Cette disposition est calquée sur celle en vigueur depuis quelques mois et qui vise à réguler les meublés de tourisme. La commune ou l'EPCI pourra recourir à la procédure de modification simplifiée pour délimiter dans le PLU(i) (plan local d'urbanisme intercommunal) des secteurs soumis à cette servitude de résidence principale, qui s'appliquera exclusivement aux logements créés en zone NAF par changement de destination d'un bâtiment agricole. Voilà le compromis que nous vous proposons pour l'article 1er.
Le Sénat a également voulu sécuriser les collectivités sur la maîtrise de leurs projets, afin de garantir que ces opérations de reconversion ne pourraient se faire qu'en co-construction avec les élus. Dans cette optique, le permis de construire à destinations multiples créé par l'article 4 a fait l'objet d'échanges nourris lors de la préparation de cette CMP. La rédaction qui vous est proposée procède d'abord à des clarifications rédactionnelles, en distinguant explicitement deux cas. Si le permis n'autorise que le premier changement de destination, le demandeur devra, lors du deuxième changement, obtenir un nouveau permis portant seulement sur les travaux. En revanche, si le projet est suffisamment abouti au moment de la demande de permis de construire pour permettre de vérifier la conformité à l'ensemble des règles d'urbanisme applicables au moment de sa délivrance des états futurs du projet propres à ses destinations postérieures, le permis autorise alors ces derniers par anticipation, sans qu'il puisse être exigé ultérieurement de nouvelle autorisation d'urbanisme.
La seule divergence entre nos deux chambres concernait la durée de validité du permis. Le Sénat l'avait fixée à dix ans, avec la possibilité de la proroger à deux reprises pour cinq ans. L'Assemblée nationale n'avait quant à elle fixé aucune limite, ce qui nous paraissait exorbitant car cela revenait à figer des règles d'urbanisme pour des dizaines d'années. Nous vous proposons de porter d'emblée cette durée à vingt ans, ce qui est à la fois suffisamment long pour inciter les promoteurs à s'engager dans une telle démarche, et suffisamment court pour ne pas priver d'effet pendant un temps excessivement long les modifications que la collectivité voudrait apporter à son PLU.
Je précise aussi qu'à la demande de mon collègue rapporteur, nous proposons le titre de compromis suivant : « Proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements ».
Article 1er
M. Frédéric Pierre Vos, député. - La nouvelle rédaction de l'article L. 152 6 5 du code de l'urbanisme que vous proposez permet elle, conjuguée avec l'article L. 421 6 du même code, de corriger les méfaits de la jurisprudence Sekler ?
Mme Danielle Simonnet, députée. - À l'occasion de l'examen de l'article 1er, le Sénat a permis de déroger aux règles du PLU relatives à la taille minimale des logements. Or, c'est un problème car cela risque d'aboutir à la production de logements qui ne respecteraient pas les critères de décence. Je souhaite donc que la CMP revienne sur cette mesure.
M. Inaki Echaniz, député. - Je me réjouis de la décision de nos deux rapporteurs d'intégrer la question de la servitude dans le texte, comme nous l'avions voulu à l'Assemblée, ce qui s'inscrit dans l'application du texte cité que certaines communes commencent à mettre en oeuvre, à commencer par Chamonix. Je n'ai pas eu le temps de regarder la rédaction dans le détail, mais cette disposition me semble aller dans le bon sens.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Madame Simonnet, il nous a semblé important de pouvoir transformer les bureaux en tout type de logements, notamment en résidences pour étudiants - une catégorie dont nous avons besoin - en autorisant une taille plus petite que celle prévue par le PLU.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous sommes en train d'examiner l'arrêt Sekler du Conseil d'État, que vient de mentionner notre collègue Vos, pour déterminer s'il conviendrait de modifier sur ce point notre rédaction.
Mme Danielle Simonnet, députée. - Pourriez-vous me préciser qu'elle est cette taille minimale des logements, qui s'appliquera aux futurs logements étudiants ?
M. Frédéric Pierre Vos, député. - La jurisprudence Sekler couvre la non-conformité d'un bâtiment devenu non conforme par l'évolution de la règle de droit. Imaginez un permis de construire obtenu en 1980 pour un bâtiment, conforme au plan d'occupation des sols (POS) de l'époque, qui imposait un retrait de 6 mètres par rapport à la voie publique. Dans l'intervalle, la règle a changé : si vous déposez une demande de permis de construire dans le même endroit aujourd'hui, on vous imposera d'être à l'alignement. L'instruction de votre permis de construire débouchera donc sur un refus, puisque votre construction est devenue non conforme. La non-conformité n'impose pas une démolition, mais elle empêche la délivrance du permis. Dans la rédaction proposée, un petit hiatus subsiste. Changer de destination est une vision de l'esprit : vous allez transformer des bureaux en logements, ce qui n'est rien, vous modifiez seulement la dénomination de la zone. Dans ce cas, la dérogation fonctionne. Mais si votre bâtiment de bureaux était construit à 6 mètres alors qu'il faut désormais être à l'alignement, l'instruction du permis sera impossible. La dérogation ne sera pas possible, parce que la matérialité de la non-conformité persistera. Il faut donc que la dérogation couvre la modification de la destination, mais aussi le problème de l'implantation ou de la non-conformité révélée.
M. Thibault Bazin, député. - Certaines réglementations doivent être respectées, même si le plan local d'urbanisme (PLU) ne l'est pas en termes de destination. Quand on crée des logements étudiants, la taille minimale est aussi conditionnée par le respect de certains textes sur le logement évolutif et l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Quand un bâtiment existe déjà, la situation est un peu différente par rapport au cas où la transformation passe par une démolition-reconstruction. Je comprends votre questionnement, mais quand le bâtiment existe, on ne change que sa destination, pas son implantation. L'intention du législateur peut être clarifiée par nos propos. Quand on légifère après une jurisprudence, la nouvelle législation s'impose. Il importe donc que les deux rapporteurs, lors de leur prise de parole, précisent clairement l'intention du législateur lors de la CMP : le permis sera conforme et il n'y aura pas besoin d'une démolition pour mettre le bâtiment à l'alignement.
M. Inaki Echaniz, député. - Pouvez-vous m'assurer que les dispositions sur la servitude, transférées de l'article 6 à l'article 1er, concernent bien toutes les zones, pas seulement les zones agricoles naturelles et forestières ? J'ai un doute sur ce point.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Comme je n'ai peut-être pas été assez claire, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas de faire des logements qui correspondent à des critères d'insalubrité. Pas du tout ! Nous conservons les normes de salubrité, mais nous voulons permettre la création de petits logements dans des proportions plus importantes que celles qui peuvent être prévues par le PLU en application de l'article L. 151 14 1 du code de l'urbanisme, qui dispose que « Le règlement peut délimiter dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels les programmes de logements comportent une proportion de logements d'une taille minimale qu'il fixe. ». Quand on transforme des bureaux en logements, on a souvent de petites pièces et des circulations centrales qui ne permettent pas de faire de grands logements, ou alors à des coûts prohibitifs. Dans ce cas, il vaut mieux faire de petits logements que pas de logement du tout.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il ne s'agit pas de faire des capsules comme on peut en voir dans certains pays d'Asie. Il s'agit de pouvoir déroger à certaines normes qui stipulent, par exemple, qu'un immeuble doit comprendre un tiers d'appartements d'une ou deux pièces, un tiers de quatre pièces et un tiers de cinq pièces. Nous avons eu des débats passionnants avec M. Bazin sur les poteaux poutres et autres contraintes techniques qui facilitent ou compliquent la transformation de bureaux administratifs en logements. Certes, tout est possible sur le plan technique, mais à quel coût ? On se heurte à la réalité économique : pour utile qu'il soit, le logement est aussi une activité économique, même quand il s'agit d'un opérateur social. Nous avons tenu compte des échanges que nous avions eus.
M. Inaki Echaniz, député. - Je n'ai pas eu de réponse à ma question sur la servitude. Je voudrais être sûr que la disposition ne concerne pas que les zones agricoles et forestières, et qu'elle peut s'appliquer dans les coeurs de ville.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La servitude de résidence principale, c'est uniquement pour les bâtiments agricoles.
M. Inaki Echaniz, député. - Alors je me suis peut-être avancé, en me réjouissant que le texte allait dans le bon sens. Le problème se pose surtout dans les villes et dans les zones en tension où il n'y a pas de bâtiments agricoles. C'est dans les villes que nous devons veiller à faire en sorte que les rares immeubles de bureaux restant ne soient pas transformés en immeubles entièrement dédiés à des résidences secondaires ou à des meublés pour touristes. En l'état, cette proposition de rédaction me laisse sceptique, car je pense qu'elle rate sa cible. En fait, je suis même en désaccord profond avec les rédacteurs.
M. Frédéric Pierre Vos, député. - Je propose de faire un ajout à la fin du passage où il est question de déroger aux règles relatives aux destinations fixées par le plan local d'urbanisme ou le document en tenant lieu. Il serait ainsi rédigé : « même si l'immeuble concerné était devenu non conforme aux dispositions du document d'urbanisme en vigueur. »
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous saluons l'apport du député Vos, dont le passé professionnel se manifeste ici, mais cette proposition de rédaction, qui n'est pas écrite à ce stade, nous prend au dépourvu.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Nous avions échangé avec Guillaume Kasbarian, alors ministre du logement, sur la question de la servitude. De toute façon, les communes appliqueront les dispositions issues des derniers textes qui, précisément, ont été adoptés pour éviter la transformation de résidences principales en locations de tourisme.
La réunion est suspendue de dix-sept heures cinq à dix-sept vingt-cinq.
Proposition commune de rédaction des rapporteurs.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Nous acceptons l'un et l'autre d'élargir les dispositions relatives à la servitude de résidence principale : nous l'élargissons donc aux transformations dérogatoires de tout bâtiment en logements, sous condition de décision en ce sens de l'autorité compétente en matière d'urbanisme, à savoir, selon les cas, les communes ou les intercommunalités.
Proposition de rédaction de M. Frédéric Pierre Vos.
M. Frédéric Pierre Vos, député. - À l'article L. 152 6 5, je propose un ajout après la phrase : « La dérogation s'applique également aux travaux ou aux constructions d'extension ou de surélévation faisant l'objet de l'autorisation d'urbanisme. » Cet ajout serait ainsi rédigé : « y compris si l'immeuble concerné était devenu non conforme aux dispositions du document d'urbanisme en vigueur. »
M. Daubié m'a posé une question concernant les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) et des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN). Soulignons que l'autorité en charge de la délivrance du permis de construire possède un pouvoir discrétionnaire puisque ce même article L. 152 6 5 dispose : « En tenant compte de la nature et de la zone d'implantation du projet, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut, à l'occasion de la délivrance d'une telle autorisation, (...) » Elle « peut » autoriser le changement. Elle n'est pas en compétence liée et possède un pouvoir discrétionnaire. En cas de risque d'inondation, par exemple, l'autorité pourrait donc refuser la dérogation.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Je ne suis pas favorable à votre proposition, Monsieur Vos, étant donné que rien ne s'oppose à l'application de la jurisprudence que vous avez citée dans les cas couverts par cette proposition de loi. Néanmoins, nous pouvons demander à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) de l'expertiser. S'il apparaissait qu'un tel ajout permettait de sécuriser le texte, nous pourrions l'introduire par voie d'amendement lors de l'examen en séance des conclusions de la CMP.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Même si je comprends l'idée de M. Vos, j'estime que je n'ai pas suffisamment d'éléments pour être favorable à cet ajout. Faisons évaluer le risque. Un engagement pris lors des débats peut-il suffire à couvrir la jurisprudence dont je viens de découvrir l'existence ? Faut-il, au contraire, apporter une précision ? Dans ce cas, il faut veiller à ne pas ouvrir le champ à trop d'exceptions. Le cas échéant, après expertise, il sera possible d'introduire cette précision par le biais d'un amendement du Gouvernement. Sans être fermé à la discussion, il me semble plus prudent de m'abstenir à ce stade.
M. Frédéric Pierre Vos, député. - J'accepte bien volontiers de retirer ma proposition pour qu'elle soit soumise à expertise et éventuellement reprise sous forme d'un amendement du Gouvernement.
La proposition de rédaction de M. Vos est retirée.
La proposition commune des rapporteurs est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 1er bis A : Inclusion dans les missions de l'ANCT du soutien aux collectivités territoriales dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets de transformation de bureaux en logements
L'article 1er bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2
Proposition commune de suppression des rapporteurs
M. Stéphane Sautarel, sénateur. - Il est proposé de supprimer l'article 2, l'article 3, l'article 3 bis A, car le transfert de leur contenu dans la loi de finances pour 2025 les rend inutiles dans le présent texte, et l'article 3 bis B.
L'article 2, repris intégralement dans l'article 111 de la loi de finances pour 2025, vise les objectifs suivants : instaurer une taxe d'aménagement par défaut, sans qu'une délibération spécifique soit nécessaire, afin d'accélérer sa mise en oeuvre tout en laissant aux communes la liberté d'exonérer les opérations de transformation ; étendre l'assujettissement à toutes les opérations de création de logements à partir de tout type de locaux non destinés à l'habitation ; instaurer uniquement la part communale de la taxe d'aménagement, en cohérence avec l'objectif d'encourager les autorités chargées de la délivrance des autorisations d'urbanisme ; transférer dans le présent article les dispositions relatives à l'assiette de la taxe, ce qui justifie la suppression de l'article 3 par coordination ; instaurer dans cette assiette un abattement de 50 % visant à prendre en compte l'existence d'équipements déjà financés lors de la construction initiale de l'immeuble par la taxe d'aménagement ou la taxe locale d'équipement.
Il est plutôt conforme aux bonnes pratiques que les mesures fiscales figurent dans la loi de finances plutôt que dans une loi ordinaire. Le calendrier nous a aidés à le faire. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, nous pourrons éventuellement réexaminer ces dispositions. C'est ainsi que l'assujettissement des opérations de transformation à la part de la taxe d'aménagement revenant aux départements et aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui n'est pas prévu dans ce texte, a fait l'objet de sollicitations et sa pertinence pourrait être réexaminée ultérieurement.
Mme Florence Blatrix Contat, sénatrice. - Je déplore la suppression, par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, de l'application de la part départementale de la taxe d'aménagement : elle n'avait pas un impact très important sur le coût de l'opération et donc sur son équilibre économique, alors qu'elle permettait aux départements de financer notamment les CAUE et les espaces naturels sensibles (ENS). Je souhaite vivement que l'on puisse y revenir l'année prochaine lors de l'examen du budget, car les départements connaissent des difficultés et ont besoin de ces ressources. Nos collectivités ont besoin des CAUE car elles ont besoin d'ingénierie.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je suis totalement d'accord avec M. Sautarel et Mme Blatrix Contat : le travail se fera lors de l'examen du budget.
La proposition de suppression est adoptée.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3
La proposition commune de suppression des rapporteurs est adoptée.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article 3 bis A
La proposition commune de suppression des rapporteurs est adoptée.
En conséquence, l'article 3 bis A est supprimé.
Article 3 bis B
Proposition commune de suppression des rapporteurs
M. Stéphane Sautarel, sénateur. - La mesure nous semblait inutile car déjà satisfaite, puisqu'il existe des textes qui permettent à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de reverser à ses communes membres tout ou partie du produit de la taxe d'aménagement perçue sur ces opérations de transformation.
La proposition de suppression est adoptée.
En conséquence, l'article 3 bis B est supprimé.
Article 3 bis
Proposition commune de rédaction des rapporteurs
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Il s'agit d'un ajustement rédactionnel concernant la possibilité de recourir aux projets urbains partenariaux.
La proposition commune de rédaction est adoptée.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4
Proposition commune de rédaction des rapporteurs
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il s'agit de distinguer deux situations, suivant que le détail des états ultérieurs du projet est connu ou non au moment de la délivrance du permis, et de porter à vingt ans la durée de validité du permis.
M. Frédéric Pierre Vos, député. - Je crois que c'est à l'occasion de la loi « Elan » que l'on avait supprimé la notion de caractère et de vocation de la zone, inventée dans les années 1960 avec les POS (plans d'occupation des sols) et qui marchait très bien. C'était la règle du « tout sauf ». Maintenant, parce qu'en France on adore avoir des cases, il y a quatorze identifiants possibles, avec des acronymes épouvantables. L'esprit humain est toujours contrarié par ce genre de choses. Le texte proposé valorise l'ancienne rédaction. Le « tout sauf » éviterait au législateur de revenir sur ce qu'il a déjà fait et d'ajouter un problème aux problèmes. Il serait beaucoup plus intelligent qu'une grande loi d'urbanisme vienne enfin toiletter l'obésité des documents d'urbanisme, plutôt que de poser un cautère sur une jambe de bois.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Ce texte a été travaillé sérieusement par les députés et les sénateurs. La modification principale est d'ordre paramétrique. Elle concerne la durée de validité de ce nouveau permis, avec un système de dix ans prorogeable deux fois de cinq ans, comme l'avait prévu le Sénat au départ, ou sans durée limite comme l'avait prévu l'Assemblée nationale. Après avoir consulté l'ensemble des acteurs concernés, la durée de vingt ans paraît pertinente.
La proposition commune de rédaction est adoptée.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5 bis
Proposition commune de rédaction des rapporteurs
Mme Danielle Simonnet, députée. - La rédaction de l'Assemblée nationale, qui restreignait le bonus de constructivité aux gestionnaires publics, est plus intéressante que celle du Sénat qui l'étend aux logements étudiants détenus par des acteurs privés. On connaît la spéculation dans ce domaine.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il manque des logements étudiants. L'important, c'est que les étudiants puissent étudier dans de bonnes conditions de logement. Qu'ils soient conventionnés par le Crous (centre régional des oeuvres universitaires et scolaires) ou gérés par un bailleur privé, peu importe, du moment que l'étudiant est bien logé. La nouvelle rédaction permet d'élargir utilement le champ. Par ailleurs, la question de l'égalité devant la loi se posait et nous ne voulions pas prendre de risques.
M. Frédéric Pierre Vos, député. - On vit dans un pays merveilleux... À l'occasion des débats sur le DPE cet hiver, mon collègue Falcon et moi avons espéré encadrer le Gouvernement dans sa chasse aux logements de catégorie F et G, notamment parce que nous savions qu'il y a parmi eux tout un tas d'habitations attribuées au logement étudiant - tout ce qui se trouve dans les hauteurs des constructions haussmanniennes notamment. Je ne parle pas de logements insalubres au sens hugolien du terme, mais de ceux qui le seraient au sens de ce que le DPE en a fait. En réalité, certains logements sont parfaitement aux normes, mais ils ont été déclarés insalubres et sortis du parc locatif, parce qu'il y avait un radiateur de type grille-pain comme chauffage. D'un côté, on a sorti je ne sais pas combien de centaines de milliers de logements d'un revers d'hermine. De l'autre, le législateur intervient pour chercher à compenser ce qu'il a supprimé.
La proposition commune de rédaction est adoptée.
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 6
Proposition commune de rédaction des rapporteurs
Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat. - Sur la transformation possible des locaux en pied d'immeuble, nous avons repris la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Romain Daubié, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous souhaitons éviter que des locaux commerciaux en rez-de-chaussée dans les centres bourgs soient transformés en logements, afin de préserver le lien social qu'apportent ces petits commerces.
La proposition commune de rédaction est adoptée.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Titre
La proposition commune de rédaction des rapporteurs est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements.
La réunion est close à 17 h 50.