Mardi 27 mai 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 17 h 00.

Proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) - Examen du rapport pour avis

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons le rapport pour avis de notre collègue Laurent Somon sur la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. - La semaine dernière, trois personnes sont mortes dans le Var après un épisode orageux ayant causé d'importantes inondations. Au-delà des pertes humaines, irréparables, les territoires touchés déplorent également des dommages importants, qu'ils soient matériels, financiers ou psychologiques.

Les inondations constituent le principal aléa naturel en France, puisqu'elles expliquent à elles seules environ la moitié de la sinistralité liée aux catastrophes naturelles depuis 1982. Le drame récent dans le Var s'inscrit d'ailleurs dans une tendance à la récurrence et à l'intensification des événements météorologiques extrêmes, tels que les Hautes-Alpes et le Pas-de-Calais en avaient connu fin 2023 et début 2024, avec des conséquences terribles. J'ai moi-même connu, en 2001, un épisode tragique similaire dans mon département de la Somme.

Face à ces risques, les collectivités territoriales sont en première ligne : c'est en particulier le cas des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, qui exercent une compétence clé en la matière : la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, dite « Gemapi ». La création de cette compétence en 2014, avec la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), n'a pas entraîné de transfert de moyens de l'État, mais s'est accompagnée de la création d'un nouvel impôt local facultatif, une taxe également dite « Gemapi » codifiée à l'article 1530 bis du code général des impôts (CGI).

Cette taxe est un impôt facultatif : l'organe délibérant de l'EPCI est libre de l'instituer ou non. Elle est également un impôt de répartition, c'est-à-dire que les élus délibèrent dans le but d'arrêter un produit - et non pas un taux -, l'administration fiscale se chargeant ensuite de le répartir entre les contribuables pour lever la taxe. Elle est un impôt affecté au financement de la compétence Gemapi : son produit ne peut être supérieur ni au montant des dépenses de Gemapi prévues ni à 40 euros par habitant.

Cette taxe constitue une ressource en croissance pour les collectivités : en 2018, 428 EPCI percevaient la taxe, contre 665 en 2021, soit un taux de couverture de 53 %. Selon les premières remontées, les trois quarts des EPCI auraient levé la taxe Gemapi en 2024. Le taux de cette taxe a également progressé, passant de 6 euros par habitant en 2018 à 7,5 euros en 2021. Ainsi, le produit de la taxe Gemapi a triplé entre 2018 et 2023. Pourtant, de nombreux élus indiquent que cette taxe n'est pas suffisante.

Ce point est souvent revenu pendant les auditions : si le produit potentiel de la taxe Gemapi - chiffré à 2,9 milliards d'euros par l'administration - est encore loin d'être atteint, de fortes disparités territoriales existent. Les territoires fortement exposés aux inondations mobilisent bien souvent la taxe Gemapi à un niveau proche du plafond de 40 euros par habitant, tandis que des marges existent dans les EPCI moins exposés : l'insuffisance de la taxe Gemapi serait donc liée à sa répartition inégale sur le territoire.

L'examen de la présente proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations au Parlement s'inscrit donc dans un contexte de forte mise à l'épreuve de la capacité des collectivités territoriales de faire face aux inondations et d'insuffisance des moyens à la disposition des collectivités territoriales. Elle a été renvoyée à la commission des lois, qui en traitera les articles 1er et 2, mais qui a délégué à notre commission des finances l'examen au fond des articles 3 et 4. Il s'agit du volet fiscal de la proposition de loi, qui porte sur la taxe « Gemapi », dont l'objet est de financer la compétence éponyme.

L'article 3 prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la mise en oeuvre de la taxe Gemapi, sur les modalités d'une répartition plus équitable de son produit sur le territoire et sur l'opportunité d'instaurer un fonds de péréquation de cette taxe.

Certes, le Sénat est généralement méfiant à l'égard des rapports demandés au Gouvernement : le dernier rapport d'information de Sylvie Vermeillet sur l'application des lois a ainsi relevé que seuls 20 % des rapports demandés sont effectivement remis.

J'aurais, pour ma part, été prêt à faire au Sénat une première proposition de création d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi : notre commission en a la capacité technique, et cela aurait permis d'engager un débat en forçant le Gouvernement à se positionner. Toutefois, à la suite de mes échanges avec les auteurs de la proposition de loi, je respecte leur choix d'en rester à une demande de rapport afin d'engager une réflexion partenariale avec le Gouvernement, et surtout d'affirmer qu'il lui revient en priorité de prendre ses responsabilités en matière de solidarité nationale.

Je vous propose donc d'adopter l'article 3 sans modification.

L'article 4, quant à lui, prévoit que les recettes de la taxe Gemapi puissent désormais financer les actions menées dans le cadre de la compétence « maîtrise des eaux pluviales en zone non urbaine », qui ne fait pas fait partie de la compétence Gemapi.

Il permet également aux personnes à qui la compétence Gemapi a été transférée de reverser la taxe, en partie ou en totalité, aux communes afin de prendre en charge la compétence « maîtrise des eaux pluviales » en zones non urbaines.

Cet article me semble tout d'abord superflu s'agissant des départements. En effet, l'article 1er de la proposition de loi prévoit la possibilité d'une délégation, et non pas d'un transfert de la compétence aux départements. Or il est déjà possible de reverser les financements aux communes dans le cadre d'une délégation.

En outre, il ne semble pas que la taxe Gemapi soit en mesure d'absorber le financement d'une nouvelle compétence. Comme je l'indiquais, cette taxe n'est pas suffisante aujourd'hui pour prendre en charge l'ensemble des dépenses relatives à la prévention des inondations, et de nombreuses personnes auditionnées nous ont fait part de leur inquiétude quant à l'intégration d'une nouvelle mission dans la Gemapi.

Il vous est donc proposé de supprimer cet article.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, nous vous proposons de considérer que, pour les articles 3 et 4 de la présente proposition de loi, le périmètre comprend les dispositions concernant le financement de la compétence Gemapi, ainsi que les dispositions relatives à la taxe Gemapi prévue à l'article 1530 bis du CGI.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souscris aux orientations et aux propositions du rapporteur, que je remercie pour le travail réalisé. Les recettes issues de la taxe Gemapi ne sont pas du tout à la hauteur des besoins, et il me semble que ce dispositif doit encore se stabiliser.

La plus grande récurrence de pluies de forte intensité doit nous conduire à mener un travail spécifique, mais il ne me semble pas que cette taxe constitue, en l'état, une réponse adéquate. Dans le contexte actuel, proposer un accroissement de fiscalité qui pèserait au niveau des collectivités ne me paraît pas souhaitable.

M. Marc Laménie. - Combien de personnes sont-elles mobilisées pour percevoir cette taxe ?

M. Arnaud Bazin. - La demande de rapport semble proposer une démarche de mutualisation de la taxe Gemapi à l'ensemble des territoires. Si tel est le cas, des collectivités qui n'ont pas levé cet impôt en raison de l'absence de risques d'inondations sur leur territoire pourraient être sollicitées par celles qui y sont confrontées, ce qui pourrait être, selon moi, très mal perçu.

M. Grégory Blanc. - Ce texte part d'une bonne intention, qui consiste à corriger certaines carences. Dans le cadre du troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), je rappelle que l'État chiffre à 143 milliards d'euros les impacts des catastrophes naturelles d'ici à 2050.

Autrement dit, présenter des propositions de loi qui s'apparentent à des rustines pour répondre aux enjeux de la transition écologique pose un problème de fond, puisque nous continuerons à multiplier les « petits » textes sur chaque sujet, qu'il s'agisse des inondations et des sols. Il faudrait plutôt une loi de programmation pluriannuelle de la transition écologique. Anticiper les événements climatiques coûtera cher, et il faut mener ce débat sereinement.

Pour autant, la proposition de loi a le mérite de soulever une incohérence, à savoir l'incapacité à traiter de front la problématique des eaux de ruissellement et le financement des infrastructures. Pour prendre l'exemple des digues de Loire, certains territoires échappent au financement d'infrastructures qui les concernent pourtant.

Par ailleurs, une étude d'impact avant d'adopter un tel texte serait nécessaire.

Enfin, la suppression de l'article 4 que propose le rapporteur me gêne en ce qu'elle revient à vider la loi de sa substance : souhaitons-nous donc que ce texte disparaisse ?

M. Claude Raynal, président. - N'oubliez pas les deux articles qui seront examinés par la commission des lois.

M. Grégory Blanc. - Certes, mais l'article 4 est essentiel.

M. Christian Bilhac. - L'Hérault est particulièrement exposé à des événements climatiques tels que les épisodes cévenols. Par le passé, on accusait le « bon Dieu » lorsque des inondations survenaient, mais la responsabilité en est désormais imputée au président d'intercommunalité, plus facile à trouver et à traîner devant un tribunal !

Par ailleurs, je ne parviens pas à faire la distinction entre les eaux pluviales et les autres : selon moi, les premières sont à l'origine de toutes les inondations en aval. Je suis donc gêné par la suppression de l'article 4 et préférerais que nous arrêtions de construire des digues très onéreuses en aval, afin de nous concentrer, en amont, sur les eaux de ruissellement et les eaux pluviales.

Quelques décennies plus tôt, Nîmes avait été en proie à des inondations, et un rapport d'expertise qui avait coûté une fortune avait conclu que l'eau venait d'en haut, ce qui avait suscité l'hilarité générale. Négliger le volet des eaux de ruissellement constitue, selon moi, une erreur.

Mme Christine Lavarde. - La compétence Gemapi réunit deux politiques publiques assez différentes, dont, d'une part, la politique de prévention des inondations qui a fait l'objet d'un important travail au Sénat sous l'égide de Jean-François Rapin. Ce travail a débouché sur l'adoption de la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, le texte devant encore être inscrit à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.

D'autre part, la Gemapi renvoie à la politique de gestion des milieux aquatiques, qui doit être portée par les agences de l'eau si l'on souhaite agir de manière mutualisée et plus fine, avec une gestion par bassin qui ne s'arrête pas aux frontières administratives. Sommes-nous capables de mettre en perspective les crédits desdites agences et la péréquation prévue par certains articles de la proposition de loi ?

M. Vincent Delahaye. - Le rapporteur nous suggère de supprimer l'article 4 : ne subsisterait donc que l'article 3, qui renvoie à une demande de rapport à laquelle je suis défavorable, comme l'est le Sénat de manière générale. Le rapporteur souhaite-t-il maintenir cette proposition de loi, ou envisage-t-il de demander à ses auteurs de la retirer ?

M. Michel Canévet. - Je suis exactement dans le même état d'esprit : pourquoi perdre du temps à examiner pareille proposition de loi ? L'article 2 impliquant de nouveaux financements, la suppression de l'article 4 pose problème, et je peine à identifier l'intérêt de ce texte.

M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. - Certes, le texte n'a pas une grande portée et je suis en principe également réservé sur les demandes de rapport. Pour autant, le texte a le mérite de remettre en débat les fonctions et les limites d'une taxe qui reste tout à fait insuffisante, sujet sur lequel il convient d'interroger le Gouvernement, sauf à faire nous-mêmes des propositions, ce que nous n'avons pas souhaité faire : cela nous aurait en effet conduits à soulever les questions posées par Arnaud Bazin au sujet d'une éventuelle péréquation horizontale et de la perspective d'imposer une taxe à des territoires qui ne l'ont pas mise en oeuvre. Nous revient-il de proposer une fiscalité nouvelle dans le cadre d'un texte tel que celui que nous examinons aujourd'hui ?

Les auditions menées ont cependant permis d'identifier la diversité des problématiques dans les territoires, la possibilité de lever une taxe dépendant notamment du nombre d'habitants. Dans des zones exposées aux risques et faiblement peuplées telles que la montagne, il est difficile de lever les sommes suffisantes pour réaliser les travaux nécessaires, même en appliquant un taux maximum. Il existe donc bien un hiatus entre le cadre de la taxe Gemapi et les caractéristiques des territoires qui peuvent la collecter.

Plus généralement, je n'oublie pas la proposition de loi portée par Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, qui laissait ouverte la possibilité de trouver les moyens nécessaires à la réalisation des travaux concernés. Par ailleurs, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation mène actuellement une mission d'information flash relative à la compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques, afin d'améliorer l'efficacité de l'action publique dans ce domaine.

Monsieur Laménie, il faudrait solliciter la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour connaître précisément le nombre d'agents affectés à la collecte de cette taxe.

Monsieur Bazin, vous avez raison, mettre en place une péréquation horizontale ou instaurer une fiscalité à des territoires qui ne le demandent pas serait effectivement malvenu dans le contexte actuel. C'est pourquoi nous avons conservé le texte tel que proposé par ses auteurs.

Monsieur Blanc, nous examinons en effet une série de propositions de loi « rustines », le Gouvernement ne s'attaquant pas à des projets globaux. Malgré tout, le texte a le mérite de lever un lièvre par le biais de cette demande de rapport, les inégalités territoriales étant ainsi mises en lumière.

Nos auditions nous ont permis de constater que certains élus ne souhaitent pas étendre la taxe Gemapi à la gestion des eaux pluviales en amont, tandis que d'autres ne désirent pas que le périmètre de la taxe intègre la protection du littoral. Nous devrons donc trouver des solutions au regard de la fréquence accrue des événements climatiques.

Madame Lavarde, la récurrence de ces événements incite justement les agences de l'eau à se réinterroger sur la gestion des milieux aquatiques. Dans le cas du bassin Artois-Picardie, des fonds ont ainsi été réalloués à la réalisation d'aménagements d'hydraulique, domaine d'action qui avait été totalement abandonné par le passé. Il incombe bien à ces agences de prendre en compte l'ensemble du cycle de l'eau.

Je comprends les observations de Michel Canévet et de Vincent Delahaye, c'est pourquoi la proposition que je présente aujourd'hui reflète une position médiane.

M. Jean-François Rapin. - Nous savons très bien sur quoi débouchera la demande de rapport : la dernière proposition d'un gouvernement relative à la taxe Gemapi remonte à Barbara Pompili, qui avait suggéré son déplafonnement, et celle-ci avait été rejetée à l'unanimité par le Sénat. Je ne pense donc pas qu'il y ait matière à attendre une volonté réelle du Gouvernement dans ce domaine.

Par ailleurs, il existe bien un problème d'articulation entre solidarité locale et solidarité nationale, le même problème se posant pour le recul du trait de côte, puisque le Gouvernement s'oriente peu à peu vers l'abandon de la solidarité nationale sur ces questions. Je crains donc qu'une demande de rapport sur le sujet n'amène des déceptions...

M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. - Le recul de la solidarité nationale est effectivement préoccupant.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 3 (délégué)

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 3 sans modification.

Article 4 (délégué)

L'amendement de suppression COM-1 est adopté.

La commission propose à la commission des lois de supprimer l'article 4.

La commission a donné l'avis suivant sur l'amendement dont elle est saisie qui est retracé dans le tableau ci-après :

Article 4

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SOMON, rapporteur pour avis

COM-1

Suppression de l'article

Favorable

La réunion est close à 17h35.

Mercredi 28 mai 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 11 h 00.

Audition de M. Sébastien Raspiller, secrétaire général, de l'Autorité des marchés financiers (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024 - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 1456 (A.N., XVIIe lég.) d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024, sous réserve de sa transmission, et désigne M. Vincent Delahaye rapporteur pour avis.

La réunion est close à 12 h 30.