Mardi 27 mai 2025

- Présidence de Mme Micheline Jacques, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 05.

La politique du handicap outre-mer - Table ronde consacrée à Mayotte (en téléconférence)

Mme Micheline Jacques, présidente. - Mesdames, messieurs, après avoir abordé la Guyane et la Martinique la semaine dernière, nous poursuivons cet après-midi nos travaux sur la politique du handicap outre-mer avec une table ronde dédiée à Mayotte, dont nous mesurons l'importance dans le contexte actuel.

Avec nos trois rapporteurs, Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion, Annick Petrus, sénatrice de Saint-Martin, qui s'excuse de ne pouvoir être parmi nous cet après-midi, et Akli Mellouli, sénateur du Val-de-Marne, je tiens à vous remercier vivement pour votre participation, en visioconférence.

Nous sommes sur un créneau dit « Vermeillet », lequel nous permet de nous réunir les mardis après-midi des semaines de contrôle, et non plus seulement le jeudi.

Nous allons entendre, dans l'ordre alphabétique : M. Patrick Boutié, directeur de l'offre de soins et de l'autonomie de l'agence régionale de santé (ARS) de Mayotte ; M. Madi Velou, vice-président du conseil départemental de Mayotte, en charge de l'action sociale, président délégué de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Mayotte, et Mme Ségolène Meunier, directrice de cette MDPH ; M. Jacques Mikulovic, recteur de l'Académie de Mayotte, et M. Thomas Poisson, inspecteur de l'Éducation nationale au service départemental de l'école inclusive à Mayotte ; et Mme Barbara Denjean, directrice du pôle handicap de l'association Mlezi Maore et représentant l'institut médico-professionnel (IMPro) de Doujani.

Mesdames, messieurs, je vais vous céder la parole dans l'ordre précédemment énoncé, sur la base du questionnaire qui vous a été adressé. Je vous remercie de respecter une durée de présentation comprise entre cinq et dix minutes, afin que chacun puisse s'exprimer.

Avant de débuter, je veux dire à mes collègues que nous n'aurons pas de réunion la semaine prochaine, car les rapporteurs et moi-même effectuerons un déplacement, précisément sur la politique du handicap, en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

Nous devrions achever nos travaux avec deux auditions ministérielles : celle de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap, le 18 juin à 16 h 30 ; et celle de M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer, le 19 ou le 26 juin matin - la date n'est pas encore confirmée.

Notre objectif est d'examiner le rapport le jeudi 3 juillet prochain.

M. Patrick Boutié, directeur de l'offre de soins et de l'autonomie de l'ARS de Mayotte. - Pour ce qui est du contexte général, l'État, l'ARS et le conseil départemental de Mayotte ont signé, le 19 février 2025, une convention en faveur du développement des établissements et services en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Cette convention vise à concrétiser les orientations prises par le Président de la République lors de la sixième Conférence nationale du handicap (CNH) de façon que le développement des établissements et services soit co-animé et co-instruit avec l'ensemble des partenaires sociaux de notre territoire.

L'offre médico-sociale à Mayotte est fortement déficitaire. Ce diagnostic a été largement partagé à l'occasion de la visite officielle de Mme la ministre déléguée à l'autonomie et au handicap.

Dans le champ du handicap, le taux d'équipement est cinq à dix fois inférieur à la moyenne nationale.

Dans le champ de l'autonomie, Mayotte reste caractérisée par une forte culture du maintien à domicile de nos aînés.

De manière globale, les établissements et les services sociaux et médico-sociaux (ESMS) présents à Mayotte fonctionnent principalement avec des modes d'accueil de jour et/ou des équipes mobiles en intervention.

Très peu d'établissements offrent des situations d'hébergement auprès de nos publics en situation de handicap : ne le font que 3 établissements médico-sociaux, 2 établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés (EEAP) et 1 maison d'accueil spécialisée (MAS), d'environ 10 places chacun, soit 30 places d'hébergement au maximum sur notre territoire. S'agissant de l'autonomie, aucune place d'hébergement n'est actuellement ouverte à Mayotte pour les personnes âgées.

Pour ce qui concerne les personnes en situation de handicap, l'ARS a, dès sa création, en 2020, impulsé le virage inclusif pour assurer le développement des établissements et services sur le territoire, afin de faciliter les articulations entre les différents établissements et structures médico-sociales. Le but était d'assurer un parcours de vie sans rupture aux personnes en situation de handicap, au travers de plateformes de services inclusifs.

À ce jour, il existe six plateformes de services inclusifs positionnées sur le territoire mahorais pour le secteur du handicap. Ces plateformes doivent permettre une coordination des parcours, laquelle est aujourd'hui non efficiente, sauf sur une plateforme dédiée aux enfants et aux adolescents. Nous mènerons, cette année, un travail de coordination, avec le centre régional d'études, d'action et d'informations (CREAI) et la MDPH. La MDPH devra tenir compte de ce travail pour permettre à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) d'intégrer cette notion de plateforme de services intégrés dans ses notifications, ce qui garantira un parcours plus fluide au public accueilli.

La première plateforme est dédiée aux enfants et aux adolescents. Elle intègre les instituts médico-éducatifs (IME), les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), le dispositif intégré médico-éducatif (Dime), notamment les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep), le centre d'action médico-social précoce (CAMSP), les nouveaux centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et, enfin, tout le dispositif de l'école inclusive.

La deuxième plateforme de services intégrés est consacrée aux déficiences sensorielles.

La troisième plateforme est dédiée aux polyhandicapés : elle intègre des établissements un peu plus lourds, notamment les EEAP, les MAS et les services autonomie à domicile (SAD).

La quatrième plateforme est dédiée aux adultes. Elle vise à intégrer, à terme, les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH), les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), les foyers d'accueil médicalisés, ainsi que quelques services sociaux que sont les groupes d'entraide mutuelle (GEM) et les services d'aide et de soins à domicile (SAVS) du conseil départemental.

La cinquième plateforme est consacrée aux troubles du neurodéveloppement, notamment l'autisme. Elle englobe l'ensemble des dispositifs existants : équipes diagnostic autisme de proximité (Edap), centres de ressources de l'autisme (CRA) et accueil de jour autonome dédié à ces publics, en plus des places réservées, au sein des IME et des Sessad, à ces publics autistes.

Enfin, la sixième et dernière plateforme, qui a été créée l'année dernière, est consacrée à la préprofessionalisation et à l'insertion professionnelle. Elle intègre les nouvelles places de Sessad et d'IMPro dédiées à l'insertion professionnelle ainsi que le nouvel établissement et service d'aide par le travail, que nous avons créé et dont l'activité doit démarrer avant la fin du premier semestre 2025.

Depuis l'année dernière, l'État a engagé, à l'issue de la CNH, des mesures pour renforcer l'offre disponible sur notre territoire dans le secteur du handicap. L'objectif de ce nouveau plan, qui est doté de 22 millions d'euros de crédits de fonctionnement sur les quatre ans à venir, est de renforcer l'offre sur notre territoire, d'améliorer le dépistage précoce - l'appel à projets concernant les CMPP a été lancé il y a quinze jours par l'ARS - et de créer une offre de structures médico-sociales avec hébergement.

Pour ce faire, nous nous appuyons sur la structuration du projet régional de santé (PRS) en bassins de santé, afin de développer une offre avec hébergement par bassin, lequel deviendrait notre structure de référence dans le secteur du handicap dans les années à venir. Voilà comment s'articuleront les futurs appels à projets à compétence propre de l'ARS ainsi que les appels à projets lancés conjointement avec le conseil départemental.

Cette présentation retrace ce que je vous ai envoyé dans les éléments préparatoires à cette audition.

M. Madi Velou, vice-président du conseil départemental de Mayotte, en charge de l'action sociale, président délégué de la MDPH de Mayotte. - Merci pour cette audition. Je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit. J'aborderai le sujet sous un angle plus politique, et m'attacherai à sa dimension traditionnelle - pour ne pas dire culturelle - locale. Je dirai ce que nous pensons, en tant qu'élus, de la façon dont cette politique est conduite sur le territoire. Je finirai par tracer quelques pistes d'amélioration.

À Mayotte, la politique du handicap est à la fois très intégrée dans nos familles et très taboue. Considérant que les enfants handicapés sont soit un don, soit une punition divine, la population musulmane estime qu'ils doivent être gardés dans le noyau familial. Derrière, il y a sûrement quelques cas de maltraitances, et les familles bien accompagnées sont minoritaires - songeons à la pauvreté de certaines familles face au besoin de formation. C'est une réalité du territoire.

Depuis les années 2010, il y a eu quelques campagnes de communication à la suite de la création de la MDPH et de l'action de l'ARS et, surtout, des associations apparues sur notre territoire ces dix dernières années.

L'Association pour les déficients sensoriels de Mayotte (Adsm), qui a, depuis, été absorbée par une grosse fédération, l'Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh), a été la première à mettre en avant les enfants et les personnes en situation de handicap, en particulier les enfants de la lune. C'est donc une petite association qui a permis de sensibiliser les gens à la question ; petit à petit, les pouvoirs publics s'y sont intéressés.

Nous comptons aujourd'hui, dans nos quartiers et nos villages, beaucoup d'adultes et d'enfants qui ne viennent pas vers les associations et encore moins vers la MDPH pour l'ouverture de leurs droits. C'est une grosse difficulté. Nous avons encore énormément à faire pour « aller vers » et amener les gens vers nos dispositifs.

L'Insee estime que, dans un département d'un peu plus de 320 000 habitants, il devrait y avoir presque 30 000 personnes en situation de handicap. Or à peine 10 000 personnes sont recensées ! Cela montre bien qu'il y a énormément à faire en termes de communication.

Si les associations continuent à jouer un rôle énorme au niveau local, très peu de communes et d'intercommunalités se sont intéressées sérieusement à la question du handicap, s'agissant aussi bien de leurs salariés que de leur population. Les centres communaux d'action sociale (CCAS) sont très jeunes sur notre territoire : ils n'existent que depuis 2015. Il n'y a pas eu de gros travail de la part des collectivités locales, à l'exception des départements, par le biais surtout de la MDPH et du fait que certains dispositifs sont compensés par le conseil départemental. Pour leur part, les mairies et les intercommunalités, qui datent elles aussi de 2015, n'ont pas beaucoup travaillé sur cette question.

Pour ce qui concerne tant le schéma départemental de l'autonomie que le schéma régional de santé de l'ARS, les élus attendent beaucoup du déploiement de la convention que nous avons signée avec la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap et l'ARS.

Les politiques d'accompagnement, d'insertion et de loisirs pour les personnes en situation de handicap, notamment pour les enfants, sont tout simplement manquantes. Il n'y a même pas eu d'effort ! Nous sommes très loin du compte. Je considère que nous ne sommes même pas à 20% de ce que nous devons faire sur le territoire, qu'il s'agisse de la scolarisation ou de la mise en sécurité.

L'ARS est notre partenaire, mais elle gêne quelquefois le conseil départemental dans les efforts que nous devons faire collectivement. Il n'y a tout simplement pas de structure d'hébergement, mis à part la première expérimentation de 10 places difficilement arrachée par le département à l'ARS pour les enfants polyhandicapés de l'aide sociale à l'enfance, que nous ne savons pas gérer avec les familles d'accueil. Aujourd'hui, sur 10 places, seuls 3 ou 4 enfants polyhandicapés de l'aide sociale à l'enfance sont accueillis effectivement.

Nous avons énormément à faire en la matière. Pour les enfants de 0 à 6 ans, il n'y a quasiment rien. Quelques initiatives ont été déployées sans cofinancement de l'ARS et du conseil départemental, portées, par exemple, par Mlezi Maore ou par l'Association laïque pour l'éducation, la formation, la prévention et l'autonomie (Alefpa), mais nous sommes encore très loin du compte.

Les deux schémas définissent des orientations et des actions pour les prochaines années, mais nous devons aussi, pour réussir, professionnaliser ceux qui exercent déjà les métiers, dans les associations ou les collectivités.

Nous devons aussi amener les centres de formation à Mayotte. Voilà plus de trente ans que le conseil départemental forme dans tous les domaines. Or nous nous sommes rendu compte récemment que, si le département de Mayotte formait pour d'autres départements, les centres de formation ne sont pas sur place, et nos enfants qui partent ont du mal à rentrer une fois formés. Il faut donc un plan de formation à Mayotte, proposer des diplômes, reconnaître ceux qui font déjà le travail au quotidien et cibler les titulaires du baccalauréat qui n'ont pas de formation pour leur permettre de renouer avec l'emploi. Ces secteurs sont pourvoyeurs d'emplois. Ce sont les emplois de demain !

Sur notre territoire, bien trop peu d'emplois sont occupés par des professionnels diplômés - la plupart ont une équivalence. Beaucoup de partenaires recrutent leurs éducateurs parmi les titulaires d'un brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS), par exemple, mais ces derniers ne sont pas du tout formés au handicap. Les diplômes requièrent un minimum de connaissances.

Mayotte ne dispose pas des mêmes prestations que les autres départements. C'est aussi le parent pauvre sur ce plan ! Les prestations atteignent souvent, au maximum, 50 %, voire 30 % des montants qui existent ailleurs ; c'est un autre fléau. Les prestations sont quasiment inexistantes pour soulager les familles.

Le département s'efforce d'accompagner certaines familles dans la rénovation des logements, mais l'offre est insuffisante en nombre, et nous ne sommes pas soutenus par le grand public malgré nos efforts de communication.

Une autre contrainte est administrative : il peut être compliqué, voire impossible d'accompagner une famille qui a besoin de voir son logement amélioré si elle n'a pas les documents requis pour prétendre aux aides - permis de construire ou titre de propriété. Or beaucoup ne les ont pas...

La santé mentale a été évoquée par M. Boutié. C'est un fléau à Mayotte. Pour ma part, j'estime - là aussi, cela n'engage que moi - qu'il n'y a aucun dispositif de prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux.

Madame la sénatrice, vous êtes venue à Mayotte : vous n'avez pu que croiser un certain nombre de malades sur la voie publique ! Il arrive que des personnes atteintes de troubles tuent des membres de leur famille... Personne n'en parle. C'est le statu quo, comme je le constate chaque fois que je soulève ce sujet. Il y a vraiment des choses à faire.

Je rappelle que c'est chez nous qu'est née la fameuse drogue dite « chimique », arrivée ensuite à La Réunion, puis au niveau national. Personne ne sait comment les jeunes mélangent les produits pour parvenir à fabriquer cette drogue de synthèse. Or, par sa faute, de nombreux jeunes, devenus un danger pour eux comme pour les autres, se retrouvent aujourd'hui sur la voie publique, notamment dans la zone de Mamoudzou.

J'en passe...

J'entends souvent, dans les ministères ou en réunion avec certains partenaires, que Mayotte n'aurait pas besoin de moyens financiers complémentaires. Je ne peux pas l'accepter quand je sais les souffrances sur le terrain !

J'ai volontairement cité l'exemple des enfants de la lune. Les équipements coûtent très cher pour accompagner ces enfants, qui ne peuvent être exposés aux rayons du soleil. Or, à Paris, on me dit que Mayotte a suffisamment de moyens, que l'on ne peut en débloquer davantage... On nous tient un double langage : on reprend ce que nous disons au niveau national pour nous faire plaisir, mais la réalité est tout autre.

Nous avons à faire. Le conseil départemental participe, aux côtés de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), au lancement de résidences autonomie pour adultes. Nous avons attribué 2 résidences, pour 50 places, à une intercommunalité et un établissement d'accueil médicalisé à une association. Il faudra construire et animer ces nouveaux projets. Nous soutenons fortement le projet de création du premier Ehpad sur le territoire.

Je souligne la nécessité d'accompagner les opérateurs du territoire. Au conseil départemental, nous sommes opposés, politiquement parlant, à ce que l'on fasse venir des opérateurs d'ailleurs pour travailler sur ces questions complexes, comme cela peut arriver. Ces opérateurs ne connaissent ni nos langues, ni nos traditions, ni nos pratiques. Je reconnais que certains font un excellent travail, et nous les en remercions, mais ce n'est pas en allant chercher les opérateurs ailleurs que l'on accompagnera ceux qui sont sur notre territoire, qu'on les fera monter en compétences et qu'on les rendra plus autonomes, comme nous l'avons fait pour Alzheimer et comme nous sommes en train de le faire pour l'autisme. Notre volonté et notre élan demeurent. Nul besoin d'aller chercher ailleurs : nous pouvons faire avec ceux qui sont ici et les former ici, pour les faire monter en compétences.

Mme Ségolène Meunier, directrice de la MDPH de Mayotte. - La MDPH de Mayotte est une structure récente - elle existe sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) depuis 2016 - et de taille modeste. Environ 1 600 dossiers y sont déposés chaque année, dont la moitié sont des premières demandes. À ce jour, 9 627 personnes sont identifiées par la MDPH, dont 52 % ont moins de 20 ans. Toutefois, les besoins sont bien plus importants.

Le non-recours s'explique en partie par une représentation du handicap qui freine la reconnaissance administrative. Dans une étude menée en 2021 par l'Insee, seules 5 600 personnes déclaraient se sentir handicapées, sur un total estimé à 22 000.

Par ailleurs, les transports et l'accessibilité physique constituent un problème majeur à Mayotte, la voirie étant généralement inadaptée aux personnes à mobilité réduite.

À cet égard, la présence physique de la MDPH a démontré son efficacité dans l'amélioration de l'accès aux droits. Ainsi, l'ouverture d'une antenne à Dembéni, plus au sud, et l'organisation de permanences régulières dans des maisons France services de plusieurs communes éloignées du chef-lieu ont permis de doubler le nombre de dossiers déposés jusqu'alors sur le site de Mamoudzou - il a été porté à près de 2 000. Le renforcement de cette présence locale nous paraissant essentiel, deux minibus équipés seront mis en service en juin prochain pour devenir des bureaux mobiles de la MDPH. Nous ouvrirons également une antenne supplémentaire sur Petite-Terre avant la fin de l'année.

Concernant les établissements médico-sociaux, je rejoins Patrick Boutié : le nombre de places à Mayotte est dramatiquement insuffisant. Par exemple, on n'y compte que 230 places en Sessad, pour 768 orientations de la CDAPH, ou 39 places en SAMSAH, pour 173 orientations. Certains établissements n'existent tout simplement pas : si des projets sont en cours, le territoire ne compte, à ce jour, aucun établissement et service d'accompagnement par le travail (Ésat). De nombreuses familles font le choix de quitter Mayotte pour rejoindre La Réunion ou l'Hexagone afin d'accéder à des soins et à des structures adaptés.

Jusqu'à très récemment, l'attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) se limitait essentiellement à l'aide humaine, tout simplement par manque de professionnels compétents pour évaluer les besoins en aide technique ou en aménagement du logement, par exemple. L'arrivée récente d'un ergothérapeute au sein de la MDPH a permis d'élargir le champ des prestations offertes, mais aussi d'augmenter le nombre de demandes adressées au fonds départemental de compensation du handicap : d'une dizaine de dossiers par an, nous sommes passés à 27 demandes sur les cinq premiers mois de l'année 2025. Sur le plan financier, l'écart persiste, pour l'aide humaine, avec les barèmes nationaux, les montants étant calculés sur la base d'un Smic local inférieur au Smic national. Cet écart peut atteindre 225 euros par mois pour un aidant familial dédommagé. Le versement de la PCH se heurte également à des obstacles administratifs liés à la nécessité de fournir des justificatifs. Beaucoup de familles, par exemple, ne sont pas en mesure de fournir un relevé d'identité bancaire.

Nous dénombrons 1 242 bénéficiaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), dont seulement 38 % de femmes. L'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap demeure extrêmement limitée. Le taux d'emploi est de seulement 0,7 % dans le secteur privé, très loin de l'objectif national fixé à 6 %. Ce déficit d'inclusion peut notamment s'expliquer par le faible taux de reconnaissance du handicap, par un chômage extrêmement élevé et par l'absence de dispositifs Cap emploi par exemple. Il faut toutefois souligner que l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés ne s'applique à Mayotte que depuis 2022 et que des progrès ont été réalisés dans les trois fonctions publiques - le taux moyen d'emploi a plus que doublé en trois ans, passant de 1,07 % en 2022 à 2,3 % en 2024.

La MDPH de Mayotte évolue dans un contexte où le manque de personnel qualifié, notamment dans le secteur médico-social, constitue un obstacle majeur. Nos missions d'évaluation exigent des compétences très spécifiques, et le départ d'un seul agent peut désorganiser tout un service. En décembre dernier, le cyclone Chido a encore davantage perturbé le fonctionnement de la MDPH. La mobilisation rapide des équipes a toutefois permis d'assurer la continuité du service. Ainsi, l'accueil physique et la réception des dossiers ont pu se faire dès le 30 décembre. En revanche, les évaluations ont repris en mode dégradé, dans un premier temps à cause d'un problème d'accès à notre logiciel métier et de la mobilisation de plusieurs agents sur des missions humanitaires. Par chance, nos bâtiments ont été assez épargnés et le fonctionnement normal a été rétabli en février.

Cette crise a surtout accentué les difficultés de la MDPH en matière de ressources humaines. Le manque d'attractivité du territoire s'est en effet encore accru après le cyclone. Malgré tout, une dynamique positive de stabilisation est engagée, avec une équipe aujourd'hui quasiment complète et des recrutements supplémentaires en cours. Ces derniers nous permettront de doubler certains postes, dans un contexte de turnover important. Nous espérons ainsi réduire les risques liés au départ de membres du personnel.

Nous travaillons aussi à l'amélioration de notre système d'information. L'objectif est d'aligner les performances sur celles des autres départements et de permettre l'échange de flux avec nos partenaires comme France Travail.

En conclusion, la MDPH de Mayotte s'inscrit dans une transformation plus large, avec la perspective d'évoluer en maison départementale de l'autonomie (MDA). L'objectif serait de créer un guichet unique capable de gérer toutes les situations en lien avec la perte d'autonomie, qu'elle soit le fruit du handicap ou du vieillissement. Ce modèle nous semble particulièrement adapté à Mayotte, où les ressources humaines sont rares et l'identification des interlocuteurs appropriés encore trop souvent complexe pour les usagers.

M. Jacques Mikulovic, recteur de l'académie de Mayotte. - Je vous propose une intervention à deux voix avec M. Thomas Poisson, conseiller technique ASH (adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés), qui s'occupe de l'ensemble des collègues chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

Cela a été bien dit : il y a, à Mayotte, un problème de perception du handicap, qui peut apparaître comme un fléau et une fatalité, mais qui est surtout un sujet tabou, donc masqué. Cette représentation délicate du handicap rend les signalements difficiles. Le vice-président du département citait le pourcentage de personnes en situation de handicap à Mayotte. Toutes proportions gardées, c'est la même chose à l'école, où seulement 1 % des élèves sont identifiés comme ayant des besoins éducatifs particuliers reconnus par une notification MDPH.

Si la MDPH a connu une période difficile pour traiter l'ensemble des dossiers, les choses sont désormais rentrées dans l'ordre. L'accompagnement des familles pour entamer les démarches n'est pas aisé. Et, quand les démarches sont entamées, il est parfois difficile, notamment au collège, d'obtenir une place en établissement spécialisé. Je pense notamment aux Itep pour les enfants souffrant de troubles du comportement. Les familles refusent d'envoyer leurs enfants dans ces établissements en raison d'une connotation liée à la déficience intellectuelle. Certes, il existe un manque de places, mais, quand bien même nous aurions de la place, nous aurions des difficultés à obtenir l'adhésion des familles pour placer certains élèves dans les dispositifs les plus appropriés.

De manière générale, nous manquons, à Mayotte, de salles de classe pour scolariser l'ensemble des élèves dans des conditions équivalentes à celles de l'Hexagone. Cela nous a conduits, bien avant Chido, à des situations de rotation. Depuis sept semaines, nous scolarisons de nouveau tous les enfants inscrits sur les listes, mais avec parfois une quadruple rotation. En d'autres termes, nos élèves n'ont pas tous une scolarité complète, et 90 % d'entre eux n'ont que vingt-quatre heures de classe par semaine. Certains n'ont même que six à douze heures d'enseignement ! Et nous utilisons les mêmes locaux à quatre reprises. C'est vous dire l'agilité pédagogique dont il faut faire preuve pour accueillir tous les élèves.

Comme souvent, les plus lésés sont ceux qui ont des besoins éducatifs particuliers, en raison des difficultés d'accès à des infrastructures appropriées. Le vice-président Velou évoquait les enfants de la lune. Nous peinons déjà à trouver des salles de classe pour tous les élèves ; adapter des salles à un public spécifique est encore plus compliqué. De même, alors que nous avions obtenu le financement et les emplois nécessaires à la création d'une unité d'enseignement en maternelle autisme (UEMA), nous n'avons pas trouvé de commune capable de nous mettre à disposition une salle de classe adaptée.

Quand bien même nous aurions ces capacités d'accueil, d'autres problèmes se posent, qui sont liés aux transports. Après Chido, nous avons eu d'énormes difficultés pour récupérer un certain nombre d'enfants scolarisés dans le cadre des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Ainsi, à Grande-Terre, les enfants ont dû être récupérés par des taxis, ce qu'il a fallu financer. Sur Petite-Terre, les problèmes de barges et de délais d'attente étaient tels que les taxis ont renoncé à aller chercher les élèves.

M. Thomas Poisson, inspecteur de l'Éducation nationale au service départemental de l'école inclusive à Mayotte. - D'autres communes ont rapporté des difficultés liées au manque de structures scolaires et à leur accessibilité à la suite du cyclone.

Monsieur le recteur a raison : au contexte culturel et cultuel s'ajoute un problème de représentation et de diagnostic. Par manque de connaissance, les certificats médicaux intègrent rarement les difficultés liées aux handicaps invisibles. Nous avons, c'est vrai, des difficultés à trouver des bâtiments adaptés pour accueillir des élèves en UEMA ou en unité d'enseignement en élémentaire autisme (UEEA). À défaut d'avoir des places en IME, une grande partie des élèves est encore scolarisée en Ulis. Nous avons donc un gros problème structurel, et nous n'avons pas été aidés par les derniers événements naturels.

Il faut par ailleurs mener une politique de recrutement de personnel spécialisé, médical et paramédical. Nous manquons notamment de psychologues scolaires : seulement 6 postes sur 22 sont pourvus. Des ergothérapeutes arrivent à la MDPH, et c'est tant mieux ! Mais combien en faudrait-il pour pouvoir faire un recensement adéquat ? Combien manque-t-il d'éducateurs spécialisés, d'orthophonistes, de psychomotriciens, etc. ? Il y a manifestement un problème de formation sur le territoire. Nous essayons d'agir structurellement. L'ouverture d'une UEMA a été évoquée, mais l'enseignant a été nommé depuis trois ans. Il faut peut-être changer de vision.

M. Jacques Mikulovic. - Depuis la loi du 11 février 2005, nous avons toujours cherché à respecter scrupuleusement les obligations scolaires. Nous avons mis en place les Ulis et développé des projets avec les partenaires locaux. Nous sommes parfois, c'est vrai, confrontés à des problèmes d'infrastructures indépendants de notre volonté. Néanmoins, les élèves qui sont identifiés sont accompagnés. Point positif, nous avons pu avoir des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) en correspondance.

Paradoxalement, je dirai que, si l'ensemble des personnes en situation de handicap étaient réellement identifiées, nous nous retrouverions sans doute en grande difficulté. Pour parler de manière cynique, le quota d'élèves notifiés et identifiés nous convient parfaitement pour afficher une activité sereine de prise en charge des élèves en situation de handicap : nous avons les enseignants spécialisés et l'accompagnement correspondants. En revanche, si la situation réelle devait apparaître, nous aurions probablement des difficultés à accompagner tous ceux qui en ont besoin.

Nous continuons néanmoins à anticiper, car il faut aller de l'avant. Pour la rentrée prochaine, nous créerons des pôles d'appui à la scolarité (PAS). Pour jouer un rôle de catalyseur, nous devrons renforcer notre partenariat avec les associations. Elles sont toutes très volontaires, mais nous sommes tributaires du nombre d'enseignants contractuels. Parfois, les associations ont du mal à maintenir leur personnel en activité. Il y a un turnover très important, faute d'offre de formation, de vivier suffisant sur place ou encore en raison d'un manque d'attractivité.

Concernant l'allocation aux adultes handicapés (AAH), c'est plutôt à la MDPH de répondre. Toujours est-il que des aménagements sont envisagés et envisageables, mais que, comme l'expliquait le vice-président Velou, un certain nombre de familles vivent dans des conditions qui ne permettent pas les adaptations attendues, qu'il s'agisse de l'habitat ou de l'accueil d'un fauteuil roulant.

M. Thomas Poisson. - Certains quartiers ressemblent en effet à des favelas, et l'accès aux bangas, ces maisons traditionnelles, est pratiquement mission impossible. Au nombre de places limité dans les établissements médico-sociaux, à l'inexistence de certaines structures d'accueil, à la jeunesse de la population - 75 % ont moins de 25 ans - s'est ajouté Chido...

M. Jacques Mikulovic. - En tout cas, l'accompagnement vers des diagnostics généralisés chez tous les enfants serait fortement utile. Les problèmes de déficit sensoriel, qu'ils frappent l'ouïe ou la vue, pourraient être résolus avec des dispositifs très simples.

Nous formons désormais tous les enseignants à la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers. L'amélioration de l'inclusion scolaire passera par la formation des enseignants. Pour une grande partie des élèves, nous pouvons trouver des formes d'adaptation.

Après Chido, en dehors des problèmes matériels, de transport et de capacités d'accueil, nous avons tout de même répondu aux enjeux de scolarisation. Il y a eu, au début, une forme d'« Éducation nationale bashing », qui n'avait pas lieu d'être. Les enseignants répondent présents. Les écoles sont ouvertes. Elles accueillent les élèves, et nous essayons de faire le « moins mal possible ». Pour le reste, nous travaillons sur la formation.

Notre problème principal est l'attractivité d'un certain nombre de fonctions et la faiblesse du vivier. Si cette difficulté existe dans l'Hexagone, elle est accentuée dans les outre-mer. L'exemple des psychologues de l'Éducation nationale est édifiant : nous avons les postes, pas les candidats. Cette situation est dramatique, et concerne d'autres catégories professionnelles.

Nous sommes pour l'instant en mesure de faire face aux recrutements d'ASH par rapport à des ouvertures potentielles de dispositifs. Nous devons poursuivre le renforcement de notre partenariat local. C'est l'objet de la prochaine réunion du comité départemental de suivi de l'école inclusive (CDSEI), au sein duquel nous travaillons conjointement avec l'ARS et les associations.

L'accessibilité reste un objectif difficile à atteindre à Mayotte compte tenu de son aménagement environnemental particulier. Je dois avouer que les contraintes - notamment l'accès pour les personnes à mobilité réduite (PMR) - sont très fortes par rapport au coût des reconstructions comme des constructions initiales. On ne peut certes pas nier la nécessité de l'accessibilité, mais, en cette période de disette budgétaire, il ne faudrait pas systématiser la contrainte. Dès lors que l'accueil est possible en rez-de-chaussée, il n'est peut-être pas nécessaire d'étendre les obligations aux étages. Je pense aux ascenseurs, qui soulèvent des enjeux de maintenance. Depuis que je suis arrivé à Mayotte, je n'ai jamais vu l'escalator de l'aéroport en service ! C'est encore plus délicat lorsqu'il s'agit d'un équipement municipal. Il y a là des enjeux de compétences et de maintenance d'appareils qui ne sont pas forcément adaptés aux contraintes environnementales actuelles. Nous n'en sommes donc qu'au début du chemin vers l'accessibilité pour tous et partout.

M. Thomas Poisson. - Concernant le recensement du handicap, peut-être pourrions-nous nous appuyer sur la protection maternelle et infantile (PMI) et sur le centre hospitalier de Mayotte (CHM) afin de détecter plus précocement les déficiences dans la tranche d'âge 0 à 6 ans. À partir de l'âge de 3 ans, et en vertu de la loi de 2019, les élèves sont scolarisés, mais nous avons encore un énorme déficit de recensement dans le premier degré.

Mme Barbara Denjean, directrice du pôle handicap de l'association Mlezi Maore, Institut médico-professionnel (IMPro) de Doujani. - L'association Mlezi travaille sur le terrain, principalement avec l'ARS et le conseil départemental. Je précise tout de même qu'il existe trois CAMSP sur le territoire, qui essayent d'accompagner, en tout cas de repérer les enfants de 0 à 6 ans. C'est peu, il y a peu de places, mais nous sommes présents.

En ce qui concerne la perception du handicap, il y a manifestement une réelle méconnaissance de l'offre médico-sociale. Lorsque les familles reçoivent leur notification MDPH, très peu savent ce qu'elles doivent en faire. Le contexte très particulier de l'île fait que, entre les notifications émises et le moment où les familles se présentent pour inscrire leur enfant dans nos établissements, la perte est déjà considérable.

Je rejoins ce qui a été dit : la faiblesse du dépistage et du repérage entraîne de grandes difficultés. Les enfants n'entrent pas tous à l'école à 3 ans, et il y a très peu de structures de crèches à Mayotte. Le repérage se fait donc à l'entrée à l'école. Je remarque, en tant que membre de la CDAPH, que les premières demandes de notification interviennent, en moyenne, à 10 à 12 ans. Cela interroge, car ces enfants peuvent développer des surhandicaps. Nous avons donc un gros travail à faire : nous devons repérer les enfants plus tôt et leur proposer un accompagnement immédiat.

Il arrive également que des enfants qui ont été repérés, par exemple dans les CAMSP ou au CMPP de Combani, soient perdus ou retrouvés tardivement, le temps que la notification arrive, que les familles s'en saisissent ou que les travailleurs sociaux leur expliquent de quoi il s'agit. Les ruptures de parcours sont donc très courantes à Mayotte. Nous sommes là complètement en dehors des attendus réglementaires.

On a parlé de croyances ou de déni. J'ajouterai - personne ne l'a évoqué, mais c'est très important - que plus de la moitié des enfants que nous accueillons ont des parents qui sont en situation irrégulière. Il est donc très frustrant pour nous de repérer un enfant, de le diagnostiquer et de préconiser des solutions - ne serait-ce qu'une paire de lunettes ou un appareillage classique - auxquelles sa famille ne pourra pas prétendre, faute d'être éligible à la sécurité sociale.

La loi de 2005 visait l'égalité des chances. Nous en sommes très loin à Mayotte. Les niveaux de scolarisation, d'insertion professionnelle, de participation citoyenne sont très en deçà de ce qu'ils devraient être. Le handicap étant plutôt tabou, nous sommes très loin également d'une expression et d'une reconnaissance du handicap en général. En matière d'accessibilité, les agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) qui devaient être mis en place au niveau national sont quasi inexistants à Mayotte. Nous-mêmes avons du mal à respecter la loi dans nos établissements. On compense, on adapte, on installe des rampes, mais il n'y a pas d'ascenseur. Nous sommes par ailleurs souvent sur du locatif et il est très difficile d'accéder à du terrain pour construire et rendre les établissements conformes aux attendus réglementaires. Nous faisons notre possible, mais l'accès aux bâtiments peut rester difficile pour des enfants à mobilité réduite.

Je ne reviens pas sur la PCH, qui a été évoquée, mais j'insiste sur la particularité de cette population qui, pour moitié du moins, dispose de droits très limités.

Chido a heureusement eu pour nous un impact assez limité. Nous avons finalement perdu très peu de familles et retrouvé tous nos enfants. Nous en sommes heureux. Certains de nos bâtiments ont en revanche été endommagés, ce qui restreint nos capacités d'accueil.

On pallie, on s'adapte, on développe davantage d'interventions à domicile, mais, lorsqu'il s'agit d'accueillir des enfants dans certaines structures, les difficultés persistent. Tous les sites ne disposent pas encore d'une connexion internet, ou les toitures n'ont pas été rénovées. Cependant, à 98 ou 99 %, les activités ont pu reprendre rapidement, bien qu'en mode dégradé.

Ce qui a peut-être changé, c'est l'attractivité. Nous étions déjà en tension à Chiconi. À titre d'exemple, sur le pôle handicap de Mlezi Maore, qui regroupe 200 salariés, 70 % des postes paramédicaux - infirmières, ergothérapeutes, orthophonistes - sont vacants. Il me semble qu'il n'y a que deux orthophonistes sur tout le territoire. Les psychologues aussi font défaut. Tous ces métiers nous manquent.

Cela signifie que l'accompagnement que nous proposons est dégradé par rapport aux prestations que nous devrions fournir. Nous faisons le maximum. Nos équipes sont très engagées, mais il manque l'aspect médical. Les médecins sont très rares. Nous faisons venir régulièrement des médecins de métropole pour des missions temporaires, de trois mois généralement, avant qu'ils ne repartent.

Nous essayons de développer la téléconsultation afin de pallier l'absence de professionnels, mais tout ne peut pas passer par ce biais, d'autant plus qu'il s'agit d'enfants, qui doivent être accompagnés pendant les téléconsultations. Les soins libéraux sont eux aussi très peu accessibles. Il existe donc une véritable difficulté concernant l'offre de soins et de suivi paramédical. C'est un enjeu fondamental pour le médico-social.

L'ARS propose de développer l'offre, ce qui est évidemment indispensable, compte tenu du manque de places et de dispositifs à Mayotte, même si, dans l'ensemble, nous disposons déjà de structures, mais je suis très inquiète quant à notre capacité à mobiliser des professionnels pour faire fonctionner les nouveaux dispositifs. L'une des grandes difficultés tient au fait que nous sommes en concurrence directe avec d'autres structures. Nous sommes une association financée principalement par l'ARS, avec un appui très partiel du conseil départemental pour certains dispositifs, comme les CAMSP. Nous ne pouvons pas nous aligner sur les salaires et les avantages proposés par le CHM ou d'autres administrations, faute de moyens budgétaires comparables. À Mayotte, les travailleurs associatifs - j'en fais partie - ne cotisent pas pour la retraite. Nous ne pouvons pas financer un treizième ou un quatorzième mois ni proposer de primes.

Le problème central aujourd'hui, comme M. Velou l'a rappelé, c'est la psychiatrie et la prise en charge des troubles psychiques. Nous disposons d'un CMPP, qui s'efforce de répondre aux besoins des personnes les plus en difficulté, mais l'offre reste extrêmement limitée.

Il n'existe pas d'hôpital de jour à Mayotte. Un groupe d'entraide mutuelle propose des activités pour les personnes souffrant de troubles psychiques, mais cela ne peut remplacer des soins adaptés.

Autre point critique : le secteur adulte. Sur le secteur enfant, nous couvrons l'ensemble du territoire. Les bassins sont globalement bien dotés, même si l'offre reste insuffisante. Mais pour les adultes, c'est le désert : quelques places en SAVS, quelques-unes en SAMSAH, aucun foyer de vie, aucun foyer d'hébergement. Les enfants qui sortent de nos établissements à 20 ans retournent presque tous au domicile familial. Il y a une véritable rupture de parcours. C'est alarmant, frustrant, et les familles sont en détresse. Que faire de son enfant à 20 ans ? Toutes les familles se posent cette question, et nous n'avons pas de réponse.

Concernant l'offre segmentée pour les publics en situation de handicap, nous sommes plutôt bien dotés pour les enfants. En revanche, il faut passer d'une logique de places à une logique de service coordonné, comme le préconise l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans le cadre de la transformation de l'offre médico-sociale. Cette approche modulaire permettrait davantage de souplesse et de dynamisme pour intégrer plus d'enfants. Actuellement, nos fonctionnements sont figés. Créer une dynamique autour des listes d'attente et des files actives nous permettrait d'accompagner plus efficacement.

Concernant la formation et le recrutement, M. Velou a évoqué la faiblesse de l'offre de formation sur le territoire : c'est une réalité. L'Institut régional du travail social (IRTS) est présent depuis peu, mais ne forme que de petites promotions de moniteurs-éducateurs, d'éducateurs spécialisés et d'accompagnants de vie scolaire (AVS). Cela ne couvre en rien nos immenses besoins. Les candidats doivent partir se former à La Réunion ou dans l'Hexagone. Certains ne reviennent pas, ou repartent rapidement. Il est essentiel de former les Mahorais sur place. Ils connaissent déjà le territoire, ce qui facilite leur intégration professionnelle. Les métropolitains, eux, ont besoin d'une phase d'adaptation, parfois infructueuse. Le turnover est très important.

Il existe un double problème : l'attractivité du territoire et la fidélisation des professionnels. La formation locale, adaptée au contexte mahorais, serait une piste d'amélioration majeure. Nous nous sommes interrogés sur les difficultés de recrutement, mais le manque d'attractivité du territoire pèse : l'insécurité, le déficit d'offre de soins, une école parfois perçue comme insuffisante par les familles venues de l'Hexagone. Tout cela dépasse la question des salaires.

L'accès à l'école est un sujet majeur pour nous. La scolarisation de tous les enfants devrait être la norme. Or, ce n'est pas le cas, même pour les enfants sans handicap, faute de places.

Pour les enfants en situation de handicap, c'est encore plus difficile. Certes, les AESH sont présents et plutôt bien formés, mais il manque des bâtiments accessibles, et surtout, les familles ne pensent pas à la scolarisation. Elles perçoivent encore les IME comme des écoles. Lorsque les enfants prennent le transport pour s'y rendre, les parents disent qu'ils vont à l'école. Or ce n'est pas le cas. Cela révèle une méconnaissance de l'école inclusive. Nos professionnels eux-mêmes n'ont pas encore pleinement intégré ce réflexe. Nous sommes très loin du compte, notamment à l'école primaire, là où l'on devrait pourtant agir pour prévenir les situations de surhandicap. Se pose aussi la question du droit à l'école, du droit à l'inscription pour les enfants en situation de handicap. Sur l'insertion professionnelle, nous avons ouvert en août dernier, avec le soutien de l'ARS, le premier Institut médico-professionnel (IMPro) et le premier Centre d'éducation spécialisée à l'apprentissage et au travail (Cesat Pro) de Mayotte. Ce sont de toutes petites structures : il n'y a que 8 places pour l'IMPro et 4 pour le Cesat Pro. Nous espérons pouvoir étendre ces dispositifs à l'ensemble du territoire.

Aujourd'hui, l'insertion professionnelle n'en est qu'à ses débuts. Dans les représentations, les personnes en situation de handicap ne sont pas perçues comme ayant des potentialités. L'enfant handicapé devient adulte, retourne à la maison, et la famille prend le relais. La société ne se projette pas encore dans une logique d'inclusion professionnelle. C'est à nous de faire émerger cette perspective. Nous espérons l'ouverture rapide des ateliers protégés pour accueillir les jeunes adultes sortant de nos dispositifs.

Chido a durement affecté les entreprises, qui peinent à se relever. L'insertion professionnelle est d'autant plus difficile. Comme l'a souligné Mme Meunier, aucun dispositif fléché de type Cap emploi n'existe encore à Mayotte.

Enfin, concernant l'accessibilité des transports et des bâtiments, nous avons déjà évoqué les limites criantes.

Concernant la participation des personnes handicapées, nous organisons bien sûr des conseils de la vie sociale (CVS) et des groupes d'expression, mais libérer la parole reste difficile. Les familles nous considèrent encore comme les sachants, et se contentent d'écouter. Il faut donc mener un travail en profondeur sur les droits et sur l'autodétermination. Ce mot reste très éloigné de la réalité mahoraise.

M. Akli Mellouli, rapporteur. - Les Jeux paralympiques ont révélé une réalité préoccupante : la participation des ultramarins y a été nettement plus faible que celle des athlètes valides.

Disposez-vous, dans les outre-mer, d'équipements adaptés pour les personnes en situation de handicap ? Constate-t-on une volonté politique affirmée et des efforts concrets pour combler ce retard ? La même problématique se pose en matière d'accès à la culture.

Monsieur le Recteur, disposez-vous de statistiques relatives à la capacité des personnes en situation de handicap à poursuivre des études, notamment dans l'Hexagone ? Existe-t-il un accompagnement spécifique, ou bien ces étudiants sont-ils livrés à eux-mêmes ? Avez-vous mis en place des passerelles avec les MDPH et l'ensemble des dispositifs existants en métropole afin de ne pas compromettre l'avenir de ces jeunes ?

Mme Audrey Bélim, rapporteure. - Concernant l'inclusion scolaire, j'aimerais comprendre ce que représente concrètement le chiffre de 20 %. J'aimerais également obtenir davantage de précisions sur les notifications d'AESH : combien sont en poste sur le territoire, et, en moyenne, combien d'enfants leur sont confiés ?

La maison territoriale de l'autonomie à Saint-Pierre-et-Miquelon semble une source d'inspiration pour Mayotte. Nous avons auditionné ses représentants vendredi dernier. Le modèle envisagé s'appuie-t-il intégralement sur leur système, qui va du guichet unique jusqu'à l'attribution des compensations, notamment financières, ou ne reprend-il que certaines étapes de leur dispositif ?

M. Jacques Mikulovic. - Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) n'ont pas eu ici le même impact. Pour autant, un important mouvement de soutien s'est formé autour de l'athlète mahorais finaliste du 110 mètres haies, Raphaël Mohamed, qui a ensuite été accueilli dignement à Mayotte. En ce qui concerne la pratique paralympique, nous organisons systématiquement, en milieu scolaire, dans le cadre de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), des épreuves de sport partagé. Les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers y sont pleinement associés.

Pour ce qui est des activités culturelles, l'Éducation nationale, avec le soutien de la direction des affaires culturelles (DAC), mène un certain nombre d'initiatives. Hier encore, j'ai assisté à des représentations théâtrales où les élèves en situation de handicap participaient activement, chacun selon ses capacités. Quant à leur avenir dans l'enseignement supérieur, il nous faut renforcer la coopération avec l'Université et la MDPH. Pour les élèves en situation de handicap (ASH), l'égalité doit demeurer le principe directeur.

M. Thomas Poisson. - Pour ce qui est des continuités post-baccalauréat pour les étudiants, la compétence relève davantage du service départemental de l'école inclusive (SDEI), que je représente ici, en lien avec le référent handicap de l'université et la MDPH, auprès desquels il serait possible d'obtenir les chiffres précis.

Nous disposons actuellement de 220 équivalents temps plein (ETP) d'AESH. Cela représente environ 320 personnes mobilisées.

Ces trois dernières années, les ouvertures de postes ont été définies en fonction de la visibilité dont nous disposions, notamment de notre capacité à bénéficier de notifications permettant un accompagnement effectif des élèves. Jusqu'ici, les effectifs augmentaient d'environ 10 ETP par an. Toutefois, cette année, grâce à l'appui du partenaire qu'est la MDPH, le volume a été triplé : nous prévoyons une ouverture de trente postes supplémentaires. Ainsi, à la rentrée, les effectifs passeraient de 220 à 250 ETP, ce qui représenterait environ 360 AESH sur le territoire.

M. Madi Velou. - La délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes) a recensé une cinquantaine d'équipements sportifs. En comparaison des besoins du territoire, cela constitue une offre relativement satisfaisante. Néanmoins, les jeunes de moins de 18 ans demeurent majoritaires au sein de la population, et les éducateurs chargés d'accompagner cette jeunesse sont en nombre insuffisant. Il faut le dire sans détour : les personnes en situation de handicap sont presque totalement exclues de l'accès à la pratique sportive.

Pour ce qui est de l'accès à la culture, quelques initiatives existent, portées par des parents eux-mêmes, accompagnés par des associations ou par certaines entreprises à vocation sociale. Celles-ci encouragent les familles à orienter une minorité d'enfants et de personnes en situation de handicap vers les offres culturelles présentes sur le territoire.

Dans ce domaine également, un travail de fond reste à mener.

Mme Ségolène Meunier. - Du côté de la MDPH, nous dénombrons actuellement 252 notifications d'AESH : 161 pour des demandes individuelles et 91 pour du mutualisé. Mais nous avons du retard dans le traitement des dossiers et les évaluations, à la suite d'une crise ayant touché nos services : il faut plutôt retenir entre 400 et 450 notifications d'AESH attendues.

Mme Micheline Jacques, présidente. - Ayant été rapporteur pour avis du projet de loi pour la refondation de Mayotte, je rappelle que l'article 1er de cette loi comprend un rapport annexé fixant un certain nombre d'orientations. J'ai donc examiné attentivement tout ce qui relève du champ du handicap, afin de m'assurer que ce sujet était bien pris en compte.

En matière de scolarisation, le Gouvernement a prévu un budget de 680 millions d'euros destiné au développement des salles de classe, mais également au déploiement des pôles d'appui à la scolarité et des dispositifs spécifiquement dédiés aux élèves en situation de handicap.

Dans le champ de la santé, une enveloppe de 31,3 millions d'euros est prévue pour le développement de nouvelles solutions. Il s'agit là d'une formidable occasion de faire remonter des initiatives innovantes issues du territoire. Les Mahorais et les acteurs locaux sont en effet les mieux placés pour identifier les dispositifs adaptés aux besoins de la population.

Concernant les personnes âgées, 9,1 millions d'euros seront alloués au développement de l'offre médico-sociale. La maison départementale fera également l'objet d'un accompagnement, même si ce soutien n'a pas encore été chiffré.

Vous avez eu raison d'alerter sur les questions liées à la psychiatrie. Ce volet ne figure pas dans les préconisations actuelles et mérite donc une attention particulière.

Concernant la convergence sociale, 22 millions d'euros seront mobilisés pour développer de nouvelles solutions en faveur des personnes en situation de handicap. Toutefois, les contours de ces solutions n'ont pas été précisés. Une somme de 7 millions d'euros supplémentaires est prévue pour financer des formes d'hébergement adaptées.

Dans le cadre de la politique du logement, certaines constructions, notamment celles qui relèvent de l'offre sanitaire et médico-sociale, seront considérées comme prioritaires. Je pense notamment aux dispensaires. Une programmation annuelle des investissements devra être présentée au Parlement avant le 31 décembre 2025. Les représentants du territoire doivent se rapprocher du général Facon, chargé de la mise en oeuvre de la refondation de Mayotte, afin de faire remonter les propositions les plus adaptées aux réalités locales.

Je sais pouvoir compter sur les acteurs du territoire, et vous pourrez compter sur nous. Les parlementaires resteront attentifs à toutes les remontées en provenance du terrain. Les difficultés de Mayotte en matière de handicap sont bien identifiées.

Je souhaitais également poser une question sur le recensement des enfants en situation de handicap. Sont-ils tous identifiés ? Vous avez en partie répondu : près de 50 % d'entre eux seraient issus de familles en situation irrégulière. C'est un enjeu spécifique, et il faudra, sur ce point aussi, envisager des solutions innovantes.

M. Madi Velou. - Du côté de la MDPH, des engagés en service civique ont été déployés sur le terrain. Nous les appelons des « ambassadeurs d'accessibilité ». Leur mission consiste à recenser les besoins et à assurer un travail d'explication auprès de la population.

Je le rappelle, deux camions-bureaux mobiles ont été commandés et réceptionnés. Ils seront mobilisés pour atteindre un objectif clair : disposer, d'ici la fin de l'année, de chiffres précis, village par village, sur le nombre de personnes en situation de handicap, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes.

Vous avez évoqué le général Pascal Facon. Comme d'autres partenaires ici présents, j'ai participé au séminaire social organisé sous son autorité. Cependant, l'information m'est parvenue seulement deux jours avant. La représentation départementale n'a pas été suffisamment associée à la préparation de cet événement, ce qui ne nous a pas permis de présenter l'ensemble des dispositifs existants au sein du département.

La question sociale n'a pas, selon moi, été suffisamment prise en compte dans la mission confiée au général Facon. Certes, ce dernier mène d'autres chantiers avec efficacité, notamment en matière de reconstruction du bâti et des infrastructures, mais il me paraît nécessaire que nos notes respectives puissent vous éclairer sur nos constats, car je ne suis pas seul à partager cette analyse. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les articles de presse publiés aussitôt après, qui ont largement relayé ce qui s'est déroulé au sein de la Technopole. La question sociale appelle un accompagnement spécifique, assuré par des personnes véritablement au fait des enjeux.

Pour conclure, permettez-moi de revenir sur la situation démographique de Mayotte. Selon l'Insee, le territoire compte moins de 330 000 habitants. Les élus locaux, quant à eux, évoquent plutôt 500 000 habitants, mais pas plus. Nous ne sommes donc pas si nombreux que cela. La solidarité nationale doit aider ce territoire à se mettre à niveau et permettre d'accompagner dignement les personnes vulnérables.

M. Patrick Boutié. - On a évoqué tout à l'heure la question de l'attractivité, en soulignant qu'un projet collectif pouvait mobiliser autour de l'envie de venir travailler à Mayotte. Évidemment, les projets que nous portons collectivement participent à cette dynamique d'attractivité fondée sur un projet partagé.

Dans le cadre du projet de loi pour la refondation de Mayotte, un volet spécifique porte sur l'attractivité des professionnels du secteur sanitaire. Je sais que la ministre chargée de l'autonomie a souhaité compléter ce dispositif en y intégrant le champ de l'autonomie et de l'accompagnement des personnes en situation de handicap. J'ignore où en sont les travaux, mais ils ne semblent pas avoir pleinement abouti.

Je souhaite revenir sur la convention signée en février entre l'État, le conseil départemental et l'ARS. Dans ce cadre, une cartographie des besoins en emplois avait été demandée. Il me semble que ce travail devrait être finalisé à la mi-juin.

M. Jacques Mikulovic. - Concernant l'Éducation nationale, 50 % des élèves de Mayotte se trouvent dans des situations administratives encore floues. C'est le reflet de la situation locale, et cette proportion se retrouve également parmi les élèves en situation de handicap. Ce sont des enfants que nous scolarisons du mieux possible.

L'espoir demeure que cette jeunesse puisse envisager des perspectives d'avenir. L'une des préoccupations majeures des jeunes à leur entrée au lycée réside dans leur situation administrative. Celle-ci a un impact direct et massif sur leur santé mentale. Il n'est pas nécessaire de passer beaucoup de temps dans un lycée pour être interpellé par un élève vous demandant : « Pouvez-vous m'aider à avoir mes papiers ? » Cette angoisse est omniprésente. Elle touche l'ensemble des élèves, et tout particulièrement les jeunes filles, souvent brillantes, qui aspirent à un avenir, à des opportunités, et se heurtent à une impasse.

Certes, l'immigration constitue une problématique au regard du flux et de l'ampleur des arrivées, mais, dans le même temps, nous formons des jeunes à qui nous ne donnons aucune perspective. Cette contradiction crée un mal-être profond, qu'il faut reconnaître et prendre en charge. Il est aussi présent au sein des équipes pédagogiques, qui se sentent démunies.

Par ailleurs, sur la question de l'attractivité, nous observons, au niveau du second degré, que 60 % des enseignants sont contractuels. Jusqu'ici, l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) n'intervient pas à Mayotte : aucune cotisation n'est versée pour ces enseignants contractuels, alors même que c'est obligatoire. Ce régime fonctionne à l'hôpital, car les contrats y relèvent d'un cadre national. En revanche, dans l'Éducation nationale, ce manquement persiste. Il serait juste que cette situation soit enfin prise en compte, car elle constitue une réelle inégalité pour nos collègues contractuels, dont un grand nombre exerce à Mayotte.

Mme Barbara Denjean. - Dans le cadre de l'IMPro, par exemple, nous accueillons des enfants, ou plutôt de grands adolescents, jusqu'à l'âge de 20 ans, conformément à la réglementation.

Nos établissements reçoivent également des jeunes dont la situation administrative demeure non régularisée. À 18 ans, ces jeunes ne peuvent ni accéder à un emploi ni effectuer de stage. C'est une difficulté majeure : bien que nous ayons pour mission de les accompagner jusqu'à 20 ans, nous nous trouvons contraints de renoncer à leur proposer un accompagnement vers le monde professionnel, en raison du flou administratif qui entoure leur situation. Ce blocage représente un véritable obstacle à l'insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap.

La réunion est close à 15 h 45.