Mardi 3 juin 2025
- Présidence de M. Jean-Claude Mizzon, président -
La réunion est ouverte à 16 heures
Audition de l'Association Interco' Outre-mer
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Après avoir entendu trois associations d'élus généralistes, l'Association des maires de France, l'Association des maires ruraux de France et l'association Intercommunalités de France, nous poursuivons les travaux de notre mission d'information sur le bilan de l'intercommunalité par l'audition des représentants de l'association Interco' Outre-mer, qui représente les intercommunalités des territoires ultra-marins. Cette audition fait l'objet d'une diffusion en visioconférence et sera disponible sur le site internet du Sénat. La délégation est conduite par Madame Lyliane Piquion-Salomé, présidente d'Interco Outre-mer, accompagnée de Madame Christelle-Éthève Vadier, membre du bureau d'Interco' Outre-mer et élue de la Communauté intercommunale des villes solidaires (Civis) à La Réunion, et de Madame Caroline Cunisse, directrice générale d'Interco' Outre-mer.
Madame la présidente, mesdames, nous vous remercions chaleureusement de vous être rendues disponibles pour nous faire partager votre appréciation du fonctionnement de l'intercommunalité. De manière générale, les outre-mer sont découpés entre quelques très grandes intercommunalités et un petit nombre de communes. Nous sommes très soucieux de comprendre comment ces structures intercommunales fonctionnent et de savoir quelles sont leurs réussites et leurs difficultés. Nous serons particulièrement attentifs aux propositions d'amélioration ou d'évolution que vous pourrez formuler.
Notre mission, créée à l'initiative du groupe Rassemblement démocratique et social européen, n'a pas pour objet de remettre en cause le principe de l'intercommunalité, mais vise à identifier les freins et les blocages qui entravent le bon fonctionnement de certaines structures intercommunales. Notre démarche pragmatique au plus près des réalités du terrain cherche à trouver avec les élus des voies d'amélioration pour garantir le meilleur fonctionnement possible de notre démocratie locale, notamment en termes de gouvernance et de services rendus aux citoyens.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Merci de nous accorder ce temps pour discuter des particularités et caractéristiques spécifiques de vos intercommunalités en outre-mer. Notre objectif n'est pas de faire le procès de l'intercommunalité, mais d'examiner sa réalité dans vos territoires.
Pouvez-vous d'abord nous rappeler les étapes de la mise en place des intercommunalités d'outre-mer avant 2015 et depuis la loi NOTRe ? Considérez-vous ces intercommunalités comme des réussites, des outils bien installés dans le paysage institutionnel ou encore des structures en phase de maturation ? Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ? Nous aborderons ensuite les spécificités de la carte intercommunale dans les outre-mer, ainsi que les questions de gouvernance, d'exercice des compétences et de solidarité au sein des intercommunalités ultramarines.
Mme Lyliane Piquion-Salomé, présidente de l'association Interco' Outre-mer. - Je vous remercie de nous donner l'occasion de porter la voix des intercommunalités d'outre-mer dix ans après les lois Maptam et NOTRe. C'est un moment important pour faire le point sur le chemin parcouru, les acquis et les obstacles. Si nos intercommunalités partagent les grands objectifs nationaux en matière d'aménagement, de transition écologique, de planification et de gouvernance, elles se heurtent à des réalités spécifiques : désordre foncier, habitat informel ou dégradé, rareté du foncier maîtrisé, vulnérabilité aux risques naturels et fortes attentes en matière de services publics et de développement économique de proximité. Notre contexte institutionnel, souvent jeune, est marqué par des ressources humaines et financières limitées et des relations interinstitutionnelles complexes. Malgré l'insuffisance des outils, nos intercommunalités sont des acteurs de proximité capables d'inventer des solutions adaptées, comme nous l'avons démontré pendant la pandémie de covid-19.
Dans ce contexte, Interco' Outre-mer s'efforce de renforcer la voix collective des intercommunalités ultramarines, notamment sur la question foncière, travail collectif qui a donné lieu à plusieurs propositions concrètes dans le cadre de notre feuille de route 2025. Nous appelons à la reconnaissance pleine des spécificités ultramarines. L'intercommunalité dans nos territoires est encore en construction, parfois fragile, mais porteuse d'avenir à condition de lui donner les outils nécessaires, la visibilité et une place entière dans la définition des politiques publiques.
Les intercommunalités d'outre-mer présentent des particularités juridiques, géographiques, institutionnelles et socio-économiques qui influencent fortement leur fonctionnement. Notre contexte institutionnel est récent et encore fragile, car ces structures, souvent créées à marche forcée dans des environnements communaux peu dotés, peinent parfois à asseoir leur légitimité. Cela se traduit par une appropriation incomplète du fait intercommunal et des relations parfois conflictuelles avec les communes membres, notamment aux Antilles. Nos territoires sont insulaires, morcelés ou enclavés comme en Guyane ou aux îles Marquises, confrontés à des formes d'urbanisation informelles et à une insécurité foncière chronique (indivisions, terres coutumières, désordre cadastral). Ces contraintes rendent difficiles la planification et la maîtrise du foncier. Nous subissons également des pressions sociales et environnementales aiguës : croissance démographique rapide, précarité énergétique et sanitaire, vulnérabilité aux risques naturels et besoins criants en infrastructures de base, notamment pour l'eau, problème majeur dans presque toutes nos régions. Nos ressources sont également limitées : manque d'ingénierie, difficultés de recrutement, fort turn-over et faible autonomie financière avec une ressource fiscale limitée, une forte dépendance aux dotations et des charges de service public élevées. Les situations varient toutefois fortement selon les territoires, les statuts et les régimes fonciers. Au sein d'Interco' Outre-mer, nous nous efforçons aussi d'améliorer les relations interministérielles pour que nos problématiques soient mieux prises en compte.
Mme Christelle Éthève-Vadier, membre du bureau d'Interco' Outre-mer. - Je suis adjointe au maire d'une commune de 11 500 habitants dans le sud de l'île de La Réunion et élue communautaire au sein de la Communauté intercommunale des villes solidaires ou Civis, qui regroupe environ 150 000 habitants.
La Civis a été créée en 2010 et présente aujourd'hui plusieurs atouts majeurs. D'abord, un principe de solidarité entre les communes et une forte organisation administrative qui détermine son bon fonctionnement, notamment à travers ses choix structurels et organisationnels. Le projet de territoire et sa coordination entre services administratifs et élus constituent un autre point fort. La Civis a développé divers outils lui permettant un bon ancrage dans le sud de La Réunion : la mise en place d'une société publique locale (SPL), d'une société d'économie mixte (SEM) et de schémas directeurs sur différentes thématiques (mobilité, aménagement). La SPL Grand Sud, qui fait office d'assistance à maîtrise d'ouvrage, permet concrètement de déployer nos projets structurants. En résumé, nos atouts sont la solidarité, l'organisation, le projet politique, des outils adaptés, le tout avec une bonne coordination entre le politique et l'administratif. Cela nous a permis de mener le projet d'envergure du Grand Sud à La Réunion, politique de compétitivité géopolitique, tout en maintenant un équilibre de fonctionnement avec les autres intercommunalités, ce qui est essentiel dans nos territoires d'outre-mer limités géographiquement.
Mme Maryse Carrère. - Merci pour ces propos introductifs. Pensez-vous aujourd'hui que la carte intercommunale est bien adaptée à la réalité de vos territoires ou faudrait-il la réviser ? Les compétences telles que déterminées par la loi répondent-elles aux besoins réels de vos territoires ? Vous avez évoqué le développement territorial, mais d'autres champs de compétences pourraient répondre à vos besoins particuliers. En termes de gouvernance, faites-vous le constat, fréquent dans l'Hexagone, que les maires éprouvent un sentiment de dépossession ? Autrement dit, les communes trouvent-elles leur place dans l'intercommunalité ?
Mme Lyliane Piquion-Salomé. - Il me semble intéressant de faire le point sur les forces et les faiblesses des intercommunalités ultramarines. Parmi les forces, je note une capacité d'innovation face aux carences, avec des solutions locales parfois pionnières en matière d'économie circulaire, de climat ou d'énergies renouvelables. L'ancrage territorial assure une proximité favorable à des politiques publiques ajustées. Une coopération émergente se développe, comme à Mayotte où les cinq structures intercommunales ont créé Interco 976 pour agir ensemble et être force de proposition auprès du gouvernement - un geste extrêmement fort.
Quant aux faiblesses, nous souffrons d'un déficit d'ingénierie avec un manque de compétences et de continuité administrative. Quand un cadre administratif vient de l'Hexagone, il reste trois ans, à peine le temps de s'imprégner des vrais besoins et de mener à terme la feuille de route prévue. Nous subissons également une faible autonomie financière avec une assiette fiscale réduite, une dépendance aux dotations et une difficulté à cofinancer les projets. Les relations entre intercommunalités et communes restent compliquées, avec un flou sur les compétences, notamment lors des transferts comme celui de la compétence économique par la loi NOTRe, créant une frustration pour les communes. La population reste attachée au maire, ce qui complique les choses. Enfin, les intercommunalités d'outre-mer font également face à une complexité juridique d'un cadre pensé par l'Hexagone et souvent inadapté aux spécificités ultramarines.
L'étude sur l'intercommunalité dans les départements et régions d'outre-mer que nous avons menée avec Intercommunalités de France fait ressortir plusieurs défis : renforcer l'attractivité des territoires en consolidant les fonctions de base (eau, assainissement, mobilité, gestion des déchets, développement économique local), en finançant des services publics de qualité malgré les contraintes budgétaires et en résorbant les difficultés financières persistantes, ce qui suppose de consolider les ressources fiscales et financières, optimiser le rapport qualité/coût des services publics rendus à la population et mutualiser les moyens.
Le ressenti des élus est contrasté. Ils expriment une volonté d'agir et une conscience des responsabilités, mais aussi un sentiment d'isolement face à des responsabilités lourdes, sans ingénierie suffisante ni appui technique. Ils pointent l'inadaptation des normes, la complexité du cadre juridique et la tension sur les compétences. L'avenir nous impose de mutualiser les moyens dans l'intérêt général, mais nous devons encore travailler sur la compréhension de cet enjeu.
La perception des habitants reste floue, identifiant surtout la commune comme interlocuteur principal. Les intercommunalités manquent souvent de moyens pour valoriser leur action. La culture intercommunale s'ancre progressivement, notamment chez les jeunes élus et les personnels mutualisés. La progression du fait intercommunal dépend de la clarté des projets, de leur impact et de la qualité du dialogue social. Le dialogue social est une question très sensible dans nos territoires avec parfois des interventions syndicales musclées. Nous avons besoin d'apaisement pour éviter que les grèves ne bloquent le développement économique et la vie des citoyens.
La loi « engagement et de proximité » d'une part et la loi « 3DS » d'autre part, elles ont introduit des marges de manoeuvre supplémentaires pour les intercommunalités d'outre-mer, mais leur impact concret reste encore inégal et limité. Ces textes ont permis d'ajuster certains équilibres entre communes et intercommunalités et ont ouvert la voie à une plus grande différenciation territoriale, principe reconnu comme nécessaire dans les outre-mer. Cependant, dans la majorité des cas, les intercommunalités ultramarines n'ont pas pleinement mobilisé ces outils, faute de lisibilité, de formation ou de moyens techniques. Les procédures restent complexes et nécessitent une ingénierie juridique et politique dont toutes les structures ne disposent pas. Le principe de différenciation reste encore largement théorique avec très peu de dispositions spécifiques mises en oeuvre sur le terrain. Ces lois vont donc dans le bon sens, mais n'ont pas encore permis de répondre aux besoins structurels des intercommunalités ultramarines. Il existe un besoin d'accompagnement renforcé pour que ces possibilités deviennent de véritables leviers d'adaptation et non de simples options sur le papier.
Mme Christelle Éthève-Vadier. - Je souhaite compléter les propos de la présidente sur le fonctionnement des intercommunalités, notamment concernant leurs contraintes. Il serait nécessaire de mener des politiques d'évaluation sur le fonctionnement de ces intercommunalités si nous souhaitons les perfectionner. Le besoin en ingénierie et en expertise est très important au sein des intercommunalités ultramarines, nécessitant une politique de formation des cadres et des ingénieurs, notamment au regard des différentes lois.
Un autre problème majeur concerne la représentativité des élus au sein des intercommunalités. Les élus des petites communes sont beaucoup moins nombreux que ceux des grandes communes, créant un paradoxe : ils pèsent moins dans les décisions, mais portent une charge de représentation plus lourde. Ma commune compte 11 500 habitants et seuls quatre élus siègent au conseil communautaire de la Civis, alors que Saint-Pierre, avec ses 80 000 habitants, dispose de trente-trois élus en son sein. Cette situation devrait nous amener à repenser ce système de représentation. Au regard du nombre important d'habitants dans les communes de La Réunion, il faudrait également envisager d'adapter le statut des intercommunalités, peut-être vers des structures plus proches des métropoles. Dans la Civis, nous avons deux grandes communes (Saint-Pierre avec 80 000 habitants et Saint-Louis avec 50 000), notre commune avec 11 500 habitants, Cilaos avec 8 000 habitants et d'autres petites communes. Ces proportions sont très différentes de celles des intercommunalités de l'Hexagone.
Mme Caroline Cunisse, directrice générale d'Interco' Outre-mer. - La carte intercommunale est le résultat de la transposition d'un modèle qui n'est pas toujours adapté aux réalités ultramarines. Le ressenti du découpage intercommunal n'est pas toujours positif, mais il diffère vraiment selon les territoires.
À Mayotte, par exemple, les intercommunalités, même si le découpage initial a été perçu comme imposé et non adapté, arrivent très bien à fonctionner. Elles ont eu quelques difficultés lors de la mise en route, notamment celle du Nord, mais elles se sont ensuite rapidement mises en ordre de marche. Aujourd'hui, elles parviennent non seulement à bien travailler avec leurs communes, mais également à coopérer entre elles, ce qui a conduit à la création d'une association représentant les cinq intercommunalités de Mayotte, Interco 976.
À La Réunion, le découpage semble plutôt cohérent, alors qu'en Guadeloupe, la situation est un peu plus complexe.
Mme Lyliane Piquion-Salomé. - En Guadeloupe, nous avons cinq intercommunalités. Nous avons compris qu'il y a des forces et des faiblesses, et notre intérêt est de travailler en bonne intelligence pour développer ce territoire où les jeunes ont des projets innovants. Nous nous heurtons cependant à des questions de formalités administratives et à la complexité des procédures de subventions. Nous avons vraiment besoin d'accompagnement et de formation, mais des rapprochements se font. Par exemple, la Communauté d'agglomération La Rivièra du Levant (CARL), qui couvre tous les littoraux, devrait développer les métiers de la mer. Le Nord Grande-Terre et Cap Excellence, dont je fais partie, axent leurs efforts sur la transformation agroalimentaire. Beaucoup de projets innovants émergent, l'état d'esprit s'améliore et notre objectif commun est de développer la Guadeloupe dans un esprit de complémentarité. Nous avons cependant besoin que les lois, les possibilités et les financements qui en découlent soient mieux adaptés à nos réalités.
Le projet de territoire constitue la base. Notre population est très vieillissante et nous devons développer certaines formations dans ce domaine. En tant qu'élue déléguée aux territoires d'industrie en Guadeloupe, j'ai récemment accompagné des lycéens pour leur montrer l'intérêt de l'entrepreneuriat industriel, en présentant la diversité des métiers disponibles. Nous manquons de certains profils techniques, comme les électromécaniciens. Nous sensibilisons les jeunes pour leur montrer qu'il existe d'autres voies que la fonction publique ou certaines professions libérales déjà saturées. La région Guadeloupe et le département accompagnent ces initiatives. À Cap Excellence, nous travaillons sur des projets comme l'agroparc et Baie-Mahault développe le projet I-NOVA. Nous avons besoin d'être mieux accompagnés pour permettre à nos jeunes diplômés de revenir contribuer au développement de la Guadeloupe.
M. Lucien Stanzione. - Madame la présidente, vous avez évoqué la réunion de toutes les intercommunalités du département de Mayotte au sein d'une organisation fédératrice. Quelle est l'incidence de cette nouvelle organisation sur le département ? Son rôle équivaut-il à celui exercé par le département ? Comment fonctionnez-vous ensemble, en complémentarité ou parfois en opposition sur certains sujets ?
Mme Lyliane Piquion-Salomé. - À la suite du cyclone Chido, les intercommunalités de Mayotte ont effectivement décidé de mieux travailler ensemble et d'être très solidaires, notamment sur la question de la reconstruction. Il s'agit d'une première dans les régions ultramarines, et peut-être même dans l'Hexagone. Leur objectif n'est pas d'être en opposition au département, mais de montrer qu'elles sont les plus à même de s'exprimer sur leurs besoins et leurs attentes, car elles connaissent mieux leur territoire que quiconque. Le moment est venu de mieux travailler avec le département et avec l'État et d'être force de proposition en étant solidaire et uni pour pouvoir arriver à reconstruire et développer Mayotte. J'ai assisté à l'assemblée constitutive de l'Interco 976 dont l'objectif est d'avoir une voix forte, car il semblerait que les intercommunalités qui la composent ne soient pas nécessairement consultées lors des prises de décisions pour Mayotte.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Merci de ces précisions, Madame la présidente. Vous avez évoqué l'inadaptation de l'intercommunalité aux territoires ultramarins. Pourriez-vous préciser en quoi ses périmètres ne seraient pas suffisamment adéquats ?
Mme Lyliane Piquion-Salomé. - Je peux vous donner plusieurs exemples. Tout d'abord, les règles régissant les questions liées au foncier ne sont pas toujours adaptées au territoire en Guadeloupe en particulier. Par ailleurs, il est difficile de souscrire une assurance aux Antilles au motif d'un trop grand risque de cyclones du fait des changements climatiques. Les collectivités sont mal assurées ou pas suffisamment, de même que les ménages sur le plan individuel. Nous avons ainsi des difficultés à avoir des textes répondant à nos besoins sur ces sujets.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Vous avez également mentionné la question de la mutualisation. Toutefois, la mutualisation n'est pas une compétence ; chacun peut mutualiser avec son voisin s'il le souhaite, sans limites. À quoi pensez-vous en particulier pour renforcer la mutualisation ? À droit constant, n'est-il pas déjà possible de procéder à la mutualisation de compétences ou est-il nécessaire de prévoir des dispositions supplémentaires d'ordre législatif ou réglementaire ?
Mme Lyliane Piquion-Salomé. - Quand j'ai parlé de mutualisation, je pensais plutôt à sa mise en oeuvre entre l'intercommunalité et les communes la composant, car celles-ci se sentent actuellement quelque peu démunies de leurs prérogatives.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Vous avez aussi soulevé la question des compétences. Pouvez-vous nous dire si les intercommunalités d'outre-mer veulent davantage de compétences et, le cas échant, lesquelles ? Dans l'Hexagone en effet, certaines communes reprochent à leurs intercommunalités de trop vouloir embrasser de compétences et de les vider progressivement de leur substance. Voulez-vous davantage de compétences par l'effet de la loi ou voulez-vous prendre, par accord avec les communes, des compétences qui sont aujourd'hui les leurs ?
Mme Lyliane Piquion-Salomé. - Je pense qu'il s'agit d'une réflexion qu'il faut mener ensemble au niveau local. Telle intercommunalité peut souhaiter avoir plus de compétences que les autres. Il vaut mieux être spécialiste de questions bien précises pour mieux accompagner les communes membres que de vouloir trop embrasser de compétences, au risque de moins bien fonctionner. Il ne s'agit pas de tout vouloir, mais d'identifier les besoins et de voir ce qui peut être fait au niveau intercommunal. C'est une question d'entente entre les intercommunalités et leurs communes membres.
Mme Christelle Éthève-Vadier. - Si la question du renforcement des compétences des intercommunalités devait se poser, il faudrait l'aborder avec beaucoup de précautions. En effet, il existe dans certaines intercommunalités des conflits de représentation et des soucis de gouvernance. En outre, les communes restent le réceptacle quotidien et les maillons de proximité de terrain. Toute prise de décision devrait se baser sur une vision au plus près du terrain et selon un principe d'équilibre. Les compétences telles que l'assainissement ou la mobilité ont toute leur légitimité au sein de l'intercommunalité puisqu'elles permettent d'avoir une vision globale et non pas de réfléchir à plusieurs petites échelles.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Il est vrai qu'il n'existe pas de compétence « orpheline » ; dès qu'un échelon veut une compétence supplémentaire, cela se fait au détriment de celui qui la perd. Je ne connais pas beaucoup d'échelons qui souhaitent se séparer de compétences spontanément.
Mme Christelle Éthève-Vadier. - Si nous souhaitons renforcer les compétences des intercommunalités, il faut avoir un regard particulier, notamment sur le souci de la représentativité des petites communes au sein des intercommunalités. La loi « 3DS » a instauré la conférence des maires, outil immédiatement mis en place par la Civis. Il s'agit d'un outil décisionnel efficace si la représentativité des petites communes est assurée.
Mme Caroline Cunisse. - Pour que le transfert de compétences soit adapté et complet, les intercommunalités d'outre-mer demandent que les moyens humains, techniques et financiers adéquats y soient consacrés, ce qui n'est pas toujours le cas. Il est important de bien préparer le transfert des compétences, car les intercommunalités se retrouvent parfois avec des responsabilités et des obligations de plus en plus lourdes, parfois vécues avec une forte pression.
Mme Lyliane Piquion-Salomé. - C'est justement l'intérêt de la conférence des maires, qui permet aux maires de se mettre d'accord et d'assurer un partage équilibré et juste dans l'intérêt de chaque commune formant l'intercommunalité. Il s'agit de s'appuyer sur l'intelligence collective et la solidarité et de mettre en place des outils partagés.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - La personnalité de celui qui préside influe considérablement sur le fonctionnement de l'intercommunalité. Nous avons bien noté le déséquilibre qui peut exister entre les élus des petites communes et ceux des plus grandes communes. En effet, les petites communes sont sous-représentées en termes de nombre de représentants, lesquels sont obligés de fournir un travail très intense pour embrasser tous les sujets traités par l'intercommunalité, contrairement aux représentants des plus grandes communes qui peuvent se les partager.
Mesdames, je vous remercie pour cet échange qui contribue à nourrir notre réflexion.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est levée à 17h05.
Mercredi 4 juin 2025
- Présidence de M. Jean-Claude Mizzon, président -
La réunion est ouverte à 13 h 30
Audition de l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF)
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Nous recevons aujourd'hui les représentants de l'Association des directeurs généraux des communautés de France. Cette audition fait l'objet d'une diffusion vidéo, et sera disponible sur le site internet du Sénat. La délégation est composée de Régis Petit, président de l'ADGCF et directeur général des services (DGS) de la Communauté d'agglomération Seine Eure, Florence Cornier-Picotin, secrétaire nationale de l'ADGCF et DGS de la Communauté de communes du Bugey Sud, Fabrice Belkacem, membre du conseil d'administration de l'ADGCF et DGS de la Communauté d'agglomération Plaine-Vallée, et David Le Bras, délégué général de l'ADGCF.
Nous vous remercions chaleureusement de nous faire partager votre expertise sur le fait intercommunal. Après avoir recueilli de nombreuses analyses politiques, nous souhaitons entendre le point de vue administratif et technique des gestionnaires d'intercommunalité. Je précise que notre mission d'information, créée à l'initiative du Groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), n'a pas pour objectif de remettre en cause le principe de l'intercommunalité ou l'architecture mise en place il y a dix ans, mais d'identifier les freins qui entravent le fonctionnement de certaines structures intercommunales.
Comme le révèlent les vidéos des précédentes auditions, le fonctionnement administratif des intercommunalités a été évoqué à plusieurs reprises, des élus ayant notamment pointé le rôle des personnels qui contribueraient à marginaliser la voix des petites communes. Pour cette raison, nous souhaitons comprendre comment vous avez mis en oeuvre les changements provoqués par la loi NOTRe et à quels enjeux vous êtes confrontés. Comment définiriez-vous vos relations avec les présidents des exécutifs intercommunaux et les maires des autres communes ?
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Merci de votre présence. Votre voix est essentielle à la compréhension de cette institution, l'intercommunalité, particulièrement des communautés de communes et d'agglomération. Nous nous concentrons essentiellement sur le fonctionnement de l'intercommunalité en milieu rural, où parfois les situations ne se déroulent pas aussi bien qu'elles le devraient.
En première ligne du fonctionnement de ces intercommunalités, vous connaissez leurs forces et faiblesses, et voyez combien les élus peuvent être débordés et dépassés par cet outil encore récent. Il est important pour nous d'avoir votre vision et de connaître les possibilités d'amélioration. Avez-vous mis en oeuvre des outils particuliers pour améliorer la fluidité de l'information ? Comment faire en sorte que les maires se sentent vraiment impliqués dans le fait intercommunal ? Nous aimerions entendre les réussites de l'intercommunalité, un formidable outil de développement territorial au service des communes.
Nous aimerions connaître vos marges de manoeuvre. Nous aimerions savoir si les fusions consécutives à la loi NOTRe ont apporté une réelle plus-value dans l'exercice des missions des intercommunalités, tant sur le service public que sur l'investissement, notamment en matière de développement économique. Notez-vous une réelle plus-value liée à l'intercommunalité ? L'accroissement de la taille de ces intercommunalités a-t-il été bénéfique ? Nous voulons également aborder la gouvernance intercommunale, les outils qui favorisent la communication entre les élus, et le rôle de la conférence des maires. Est-ce un outil important selon vous ?
M. Régis Petit, président de l'ADGCF. - L'ADGCF regroupe effectivement près de 1 000 adhérents avec peu de multi-adhésions, ce qui nous rend assez représentatifs du travail des DGS et DGA, compte tenu de ce que la France regroupe 1 254 intercommunalités. À la suite du mouvement récent de rapprochement qui a considérablement réduit leur nombre, la situation s'est désormais stabilisée.
Nous constatons que l'intercommunalité est avant tout un espace de dialogue apprécié par les élus locaux. Cette habitude de travail en commun est essentielle et je suis convaincu que peu de maires souhaiteraient revenir en arrière. Cette habitude de travail en commun me paraît essentielle. En intercommunalité, le clivage n'est jamais politique au sens traditionnel du terme : un président doit quasiment reconstituer une majorité sur chaque dossier, car les périmètres d'accord varient selon les sujets (ville-centre contre zone rurale, rivalité autour d'un équipement, etc.). Les maires d'une intercommunalité sont condamnés à travailler ensemble. Cet espace de dialogue est extrêmement important.
Ainsi, l'objectif de réduire l'urbanisation en extension sur les espaces ruraux justifie de créer un plan d'urbanisme intercommunal. La discussion entre élus permet de trouver des solutions, parfois lentement - mais des solutions sont trouvées.
À présent, 70 % des compétences du bloc communal s'exercent en intercommunalité. L'intercommunalité offre la capacité de mobiliser une ingénierie que chaque commune individuellement ne pourrait pas financer. Sur des sujets techniques comme l'eau, l'assainissement ou les déchets, l'échelon intercommunal offre une réelle plus-value. Cette ingénierie, autrefois présente dans les services déconcentrés de l'État (Direction départementale de l'équipement, Direction départementale de l'agriculture), a progressivement glissé vers les intercommunalités, qui comptent souvent plus d'agents de catégorie A que les communes.
L'échelon intercommunal est donc le plus pertinent pour aborder un certain nombre de sujets techniques. L'intercommunalité permet aussi d'éviter des concurrences inutiles, notamment s'agissant du développement économique, et favorise un aménagement du territoire plus réfléchi, avec une stratégie globale pour les zones d'activité et les équipements structurants. Enfin, pour relever les défis des transitions écologique, énergétique et démographique, l'intercommunalité constitue sans doute une réponse adaptée.
La démographie est un enjeu majeur pour nos territoires. Nous constatons une baisse significative des cohortes scolaires, et selon l'Insee, au-delà de 2030, nous faisons face à un quasi-effondrement dans certaines portions du territoire. Cette question de la mutation des territoires requiert une réflexion à l'échelon intercommunal, qui constitue la bonne maille pour y réfléchir.
Concernant les marges de manoeuvre, je crois qu'il faut davantage de souplesse dans la relation commune-intercommunalité. L'intercommunalité se concentre généralement sur les investissements, tandis que les communes, plus proches du terrain, sont mieux placées pour gérer le fonctionnement. Par exemple, une commune sans moyens suffisants devrait pouvoir compter sur l'intercommunalité pour investir dans un centre de loisirs, tout en en assurant elle-même le fonctionnement. Des solutions administratives sont trouvées, mais cette faculté offerte aux élus locaux apporterait une souplesse en ouvrant la possibilité d'une décision partagée selon les cas entre les communes et l'intercommunalité.
S'agissant de la compétence eau et assainissement, la fusion des budgets lorsque nous avons ces deux compétences apporterait une véritable souplesse, permettant d'investir selon les besoins prioritaires sans être contraints par deux budgets strictement séparés. Ces solutions offertes aux territoires sont très appréciées, surtout dans une époque où la question de l'argent est primordiale.
M. Fabrice Belkacem, membre du conseil d'administration de l'ADGCF. - Au-delà du dialogue entre élus, qui se connaissent désormais bien mieux qu'il y a dix ans, les directeurs généraux des services des communes se réunissent régulièrement pour mettre en oeuvre les objectifs politiques fixés par les élus. L'intercommunalité offre une vraie plus-value par rapport aux communes. Cette volonté de mutualisation ne génère pas forcément d'économies, mais elle permet une action plus efficace sur l'ensemble du territoire. Notre capacité à nous réunir sur des sujets variés et à trouver un terrain d'entente, même quand nous ne sommes pas d'accord, représente un atout important de notre intercommunalité.
Mme Florence Cornier Picotin, secrétaire générale adjointe de l'ADGCF. - Concernant l'eau et l'assainissement, la prise de cette compétence au niveau de l'intercommunalité a eu des effets très positifs. Notre travail sur les bassins versants, bien plus larges que ceux des communes, permet de sécuriser la ressource en eau et d'assurer des interopérabilités qui n'existaient pas auparavant, générant un bénéfice technique et un meilleur service pour l'usager.
S'agissant de la gouvernance, indépendamment des fusions réalisées pour atteindre le seuil des 15 000 habitants, nous avions déjà des habitudes de travail. Le modèle a été reconfiguré. Les intercommunalités comportent en moyenne 28 communes, la mienne en rassemble 41, ce qui reste à taille humaine. Nous fonctionnons efficacement grâce à la Conférence des maires et aux commissions qui préparent tous nos sujets, associant également des conseillers non communautaires, et parfois la population. C'est un lieu de fermentation et de dialogue, dans la recherche d'un service public efficace.
Les projets de territoire sont essentiels, particulièrement en début de mandat. Comme l'intercommunalité se constitue après les élections municipales, ce projet permet de trouver le fil rouge commun et d'assurer une continuité pour les futurs élus pour les dix années à venir. Cette situation favorise la continuité pour les nouveaux élus.
M. David Le Bras, délégué général de l'ADGCF. - La principale réussite de l'intercommunalité est selon moi d'avoir préservé les communes. Contrairement à nos voisins européens qui ont massivement fusionné leurs communes, la France a fait un autre choix. Je rappelle que 85 % des communes en France comptent moins de 2 000 habitants et qu'elles ne peuvent assurer seules un service public de qualité. Or la justification d'une collectivité territoriale réside dans sa capacité à délivrer un service aux habitants.
Alors que 50 % des communes disposent de moins de quatre agents, l'intercommunalité permet de délivrer ce service que les communes seules ne pourraient fournir. Cette double dynamique, consistant à préserver la commune et délivrer un service de qualité par son intermédiaire, constitue la réussite de l'intercommunalité.
M. Régis Petit. - À propos de la marginalisation perçue de certains maires par les services intercommunaux, j'ai l'habitude de rappeler aux élus que l'intercommunalité, c'est eux avant tout. Les maires sont conseillers communautaires ou ont choisi de ne pas l'être. L'intercommunalité n'est pas déconnectée des communes, mais leur émanation, un travail partenarial de coopération.
Il est surprenant que des maires puissent se sentir extérieurs à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) alors qu'ils sont pleinement impliqués et votent les décisions. Ce ne sont pas les agents qui pilotent, mais bien les élus qui décident. Les intercommunalités ne sont pas au pouvoir des services, mais des élus. Pas plus tard que le 3 juin, j'ai réuni les secrétaires de mairie et DGS des 60 communes de mon intercommunalité. Ils étaient extrêmement ravis de cette occasion d'échanger, particulièrement les représentants des petites communes qui se sentent parfois isolés. Notre structure sert de support au dialogue, ce qui est perçu comme une plus-value.
Mme Florence Cornier Picotin. - Pour les intercommunalités étendues comme la mienne, nous travaillons en bassins de service. Bien que notre territoire résulte de la fusion de quatre intercommunalités, nous avons préservé les habitudes de travail des communes au sein de ces anciennes structures. Nous nous efforçons de dispenser un service public de manière équitable dans ces bassins, conformément à notre projet de territoire.
Les services communs sont essentiels pour animer ce collectif, notamment concernant les secrétaires de mairie, véritables piliers de nos communes, qu'il faut soutenir. Face aux départs massifs à la retraite, nous avons créé un secrétariat de mairie itinérant assurant les remplacements et animant un collectif. Nous envisageons de créer un service commun permettant à l'intercommunalité de recruter ces secrétaires de mairie pour les communes qui proposent davantage de prestations sociales et d'aides.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Je souhaite apporter quelques compléments sur le sentiment de déconnexion de certains maires face au poids de l'administration. La complexité actuelle de l'intercommunalité s'explique par la multiplication des procédures - une pour chaque commune qu'elle contient. Nous ne fonctionnons ni sur les mêmes périmètres ni avec la même machine administrative. Le poids important de l'administration est nécessaire pour décortiquer ces procédures. De nombreux élus, notamment en milieu rural, nous font remonter ce sentiment d'être là uniquement pour voter sans comprendre pleinement les enjeux de l'intercommunalité.
Concernant l'espace de dialogue, celui-ci existait déjà avant la fusion, mais sur des périmètres le plus souvent choisis. La difficulté actuelle liée à la mise en oeuvre de la loi NOTRe vient des nouveaux périmètres parfois imposés, créant des espaces de dialogue plus grands, mais pas nécessairement plus efficaces.
S'agissant de la compétence eau et assainissement, j'ai fait partie avec mon groupe de ceux qui souhaitaient rendre cette compétence facultative pour les intercommunalités l'année prochaine. Nous n'avons pas retiré la possibilité aux communautés de communes de l'exercer, mais simplement donné le choix aux maires. Il fallait certes améliorer la mutualisation et la professionnalisation des réseaux, mais pas forcément avec le degré de maturité actuel des intercommunalités rurales. Des syndicats publics d'eau potable font aujourd'hui un travail aussi efficace qu'une intercommunalité pourrait le faire.
Les services communs sont essentiels pour que les intercommunalités regagnent la confiance des communes. Dans mon département, quatre intercommunalités ont créé un service commun de secrétaires de mairie, ce qui permet leur remplacement pendant les congés maladie - un exemple concret d'efficacité intercommunale.
En milieu rural, le seuil de 15 000 habitants a imposé la création d'intercommunalités avec des territoires immenses. Pour atteindre 5 000 habitants dans les zones montagneuses, il faut parfois regrouper plusieurs bassins de vie, ce qui complique les relations.
Concernant les projets de territoire, ceux-ci devraient devenir un outil essentiel, mais concret, parlant aux élus. Avez-vous des exemples où ces projets ont amélioré les relations internes ? Quels outils de gouvernance recommanderiez-vous, notamment au sujet du fonctionnement par pôles correspondant aux anciennes intercommunalités ? L'ingénierie est parfois prise en charge par les départements au travers des agences, mais la création de services communs en intercommunalité est intéressante.
En ce qui concerne votre souhait exprimé d'obtenir davantage de souplesse, sollicitez-vous la création d'un système à la carte ?
M. Régis Petit. - Je préconise plus de souplesse dans les outils opérationnels. Si une intercommunalité souhaite investir dans un équipement, nous devrions pouvoir, au sein du bloc local, lui permettre d'investir tout en laissant les communes assurer le fonctionnement de cet équipement, ou inversement. Le système devrait être plus souple qu'il ne l'est aujourd'hui.
Le défi est que sous le terme d'intercommunalité, nous regroupons des situations extrêmement hétérogènes. Je vis dans une intercommunalité située dans l'Eure qui regroupe 60 communes, et je traverse mon territoire en 30-45 minutes, ce qui n'a rien à voir avec les réalités montagnardes de l'Aveyron ou des Pyrénées. Les règles trop rigides fonctionnent pour la majorité, mais créent des difficultés dans les cas particuliers. Les effets de seuil sont toujours très complexes. L'intercommunalité revêt toujours une très grande diversité de situations.
Sur le projet de territoire, je partage votre vision de création d'un document souple. La question fondamentale est la suivante : qu'avons-nous envie de faire ensemble et avec quelle stratégie ? Dans un projet de territoire, nous devons déterminer nos ambitions communes et nos projets de développement communs, qu'il s'agisse de développement économique adapté à nos réalités ou d'organisation de services comme les centres de loisirs. Ce travail de dialogue et de maturation de création d'un projet de territoire prend généralement un an, parfois 18 mois, en début de mandat.
Ce document offre une base concrète pour 2026. Les périmètres intercommunaux sont désormais fixés, même s'ils ne sont pas parfaits, ce qui permet de réengager le dialogue sur une base établie.
Mme Florence Cornier Picotin. - Le projet de territoire doit non seulement organiser la relation entre l'intercommunalité et les communes, mais aussi entre les communes elles-mêmes. Pour des sujets de proximité comme la petite enfance, qui relèvent davantage des communes, l'enjeu consiste à établir des organisations horizontales. Les communes peuvent s'organiser entre elles pour mutualiser un centre de loisirs, avec l'intercommunalité en appui d'ingénierie.
Le projet de territoire doit également s'accompagner d'outils comme le pacte fiscal et financier pour redistribuer la richesse sur tout le territoire. Au-delà de la relation commune-intercommunalité, les relations entre ville-centre et communes périphériques sont cruciales pour les élus. Nous devons les fluidifier.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Ces propositions peuvent se mettre en place à droit constant, sans modification législative. Vous évoquiez, monsieur le président, le fait que certains maires ne se sentent pas pleinement intégrés dans leur intercommunalité. Ce qui nous intéresse, c'est de savoir quelles solutions vous proposez pour remédier à cette situation. Notre objectif consiste à produire un rapport contenant des recommandations concrètes permettant une évolution positive. La réalisation d'équipements comme des piscines relève du fonctionnement normal des intercommunalités. Nous recherchons des solutions pour résoudre les blocages constatés.
M. Régis Petit. - Le problème des maires qui se sentent mal dans leur intercommunalité n'est pas une question de droit, mais plutôt de relations humaines avec la présidence et de différences de personnalités. C'est un sujet très humain. Souvent, le sentiment dominant chez les maires est que l'intercommunalité n'en fait pas assez pour leur commune. La communauté d'agglomération que je dirige exerce la compétence de la voirie. Tous les maires veulent être responsables de la voirie. Pourtant, si nous analysons objectivement la situation, les intercommunalités consacrent généralement plus de moyens aux compétences transférées que ne le faisaient les communes individuellement. Cette perception ne peut être améliorée que par le dialogue.
Certes, l'intégration forcée de certaines communes dans une intercommunalité laisse des traces durables. Un point particulièrement crispant concerne les attributions de compensation, qui nécessitent l'unanimité pour être modifiées. Lorsqu'une commune conserve une attribution liée à une industrie qui n'existe plus, cette situation peut créer des tensions entre communes. Il faudrait davantage de souplesse et de dialogue dans ce domaine.
L'intercommunalité doit fondamentalement être un espace de solidarité, permettant à des communes qui n'avaient pas les moyens d'exercer certaines compétences d'en bénéficier.
La présidence d'une intercommunalité est un travail à temps plein qui exige un dialogue constant avec les maires. La Conférence des maires et les rencontres par secteurs géographiques sont des outils essentiels. L'éloignement ressenti par les conseillers municipaux vis-à-vis de l'intercommunalité reste un défi majeur, particulièrement dans les intercommunalités comptant de nombreuses communes.
M. Fabrice Belkacem. - Pour illustrer cette déconnexion des élus, je propose de livrer une anecdote révélatrice. Dans une précédente intercommunalité, nous avons fusionné l'ensemble des bibliothèques du territoire, tout en maintenant chaque site. Pour les achats de livres, nous avons logiquement massifié les marchés publics. Le premier acteur à remporter ce marché fut Amazon, ce qui a provoqué la colère du président de l'intercommunalité, qui a rappelé que les maires achetaient auparavant leurs livres dans les librairies indépendantes locales. Nous avons dû trouver une alternative en misant sur ce qu'Amazon ne peut pas offrir : la proximité, comme les animations autour de la lecture de contes avec les enfants. Nous avons réintroduit du local. C'est davantage une question de marché public que de droit de l'intercommunalité, mais ce sujet est très important.
Concernant notre projet de territoire 2025-2035, que nous venons de finaliser en fin de mandat, les élus étaient initialement divisés, mais ils ont finalement été satisfaits de ce travail réalisé en commun. La clé a consisté à comprendre que ce projet n'était pas une simple addition des projets politiques de chaque commune, mais une vision territoriale partagée. Rendre obligatoire le schéma de mutualisation permettrait au minimum de mettre ces sujets à l'ordre du jour, ne serait-ce que pour envisager des groupements de commandes ou des services communs.
Mme Florence Cornier Picotin. - Les élus peuvent aussi se décourager lorsqu'ils travaillent de nombreuses heures sur des projets qui n'aboutissent pas, rendant difficile leur mobilisation sur les projets suivants. Prenons l'exemple récent des accords locaux : en Conférence des maires, nous avions trouvé un consensus pour redonner plus de voix aux petites communes et résoudre le problème des fusions de communes qui perdent des sièges au mandat suivant. Malgré ce travail collectif et ce consensus trouvé entre élus, la législation permet à la ville-centre, si elle représente plus d'un quart de la population, de bloquer toute la démarche. C'est dans ce domaine qu'il faut trouver des solutions pour préserver ce consensus entre les élus.
M. David Le Bras. - Le blues des maires est une réalité objective dont nous parlons beaucoup. Ce sentiment reflète souvent la situation qu'ils vivent dans leur propre commune. Si le nombre de démissions de maires reste relativement stable par rapport aux mandats précédents, nous observons une augmentation significative des démissions de conseillers municipaux et d'adjoints. Le maire peut ainsi se sentir isolé quand son équipe se désolidarise, et cette solitude se répercute sur son attitude envers l'intercommunalité.
Ensuite, de nombreuses études commandées par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) identifient principalement la complexité croissante des dossiers comme cause de ce malaise des maires. Cette situation soulève la question de la formation des élus : seulement 3 % des élus locaux suivent une formation alors qu'elle est obligatoire. Le temps disponible pour investir le mandat intercommunal est également problématique, ce qui renvoie à la question du statut de l'élu.
En ce qui concerne les fusions, les extensions de périmètres imposées n'ont pas toutes été heureuses. Les villes centres sont de plus en plus isolées au sein de leur intercommunalité. Avant la loi NOTRe, un président sur deux était maire de la ville-centre, contre seulement un sur quatre aujourd'hui. Les tensions entre périphérie et centralité sont préjudiciables au fonctionnement intercommunal, ce qui soulève la question de l'extension des intercommunalités.
Quant aux compétences à la carte que vous évoquiez, elles risquent de « syndicaliser » l'intercommunalité et de remettre en cause la solidarité intercommunale.
M. Régis Petit. - Les changements incessants posent de réelles difficultés aux intercommunalités. Détricoter quelque chose qui fonctionne présente le risque que cette organisation fonctionne encore moins bien demain. Il existe une grande incertitude à envisager des défusions, car si fusionner n'est pas facile, défusionner ne l'est pas davantage. Les discussions sur les attributions de compensation seraient très complexes dans les deux sens. Sans prétendre que tous les périmètres d'intercommunalité sont parfaits, nous observons qu'il existe 1 700 bassins de vie identifiés en France pour 1 254 intercommunalités. Nous ne sommes pas très loin du compte.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - Avez-vous des informations sur les périmètres et des territoires qui ne se sentiraient pas à l'aise dans leur périmètre ?
M. Régis Petit. - Non, nous n'avons pas ce type de remontée. Il n'y a pas de mouvement massif de communes qui voudraient sortir de l'intercommunalité à laquelle elles appartiennent. Cette situation est selon nous marginale. Certains périmètres étaient peut-être mal calibrés lors de la mise en oeuvre de la loi NOTRe. Encore une fois, détricoter un système en place, c'est aussi extrêmement prendre un risque de créer une grande confusion.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Ce n'est pas notre intention. Nous savons très bien à quel point il est difficile de revenir au travail du Sénat, que ce soit sur l'eau et l'assainissement, sur le zéro artificialisation nette (ZAN), sur tous ces sujets où, à la base, la loi a été mal conçue. Nous essayons de revenir légèrement sur le fonctionnement actuel pour améliorer la situation, mais sans bouleverser non plus fondamentalement les intercommunalités, parce que nous savons très bien que ce serait pire.
M. Régis Petit. - Je propose de vous livrer un chiffre sur mon intercommunalité. Le fait d'avoir travaillé ensemble sur le PLUI a entraîné une diminution de l'ouverture à l'urbanisation de 35 %. Nous étions presque à 50 % de baisse, sans avoir à créer de ZAN dans notre territoire.
M. Lucien Stanzione. - Je souhaite intervenir sur un sujet dont nous venons de parler. Il se trouve qu'autour de cette table, parmi les sénateurs et sénatrices, certains ont été maires ou conseillers communautaires. Certains ont été DGS dans les communes et même directeurs de services départementaux. J'ai un peu le sentiment de l'autorité assise des DGS de communautés de communes ou de communautés d'agglomération. Lorsque nous vous parlons de l'isolement des maires, cette situation est liée au fait qu'ils sont confrontés à cette espèce de rouleau compresseur administratif. Ils sont isolés dans leurs communes avec leur mandat, avec les difficultés que vous avez soulevées à l'instant.
Les questions que nous nous posons depuis le début de nos travaux sont liées au devenir des maires et des communes. J'ai été DGS et je peux vous dire que de temps en temps, nous écrasons un peu autour pour faire avancer la « machine ». Les élus de terrain sont souvent isolés, mal conseillés. Par ailleurs, votre collègue a soulevé la question de la formation des élus. Je pense qu'il faut engager une réflexion sur ce sujet. Si vous prenez la parole sur ce sujet devant une assemblée de maires, telle que vous le faites devant nous aujourd'hui, vous ferez peur à tout le monde.
M. Régis Petit. - Je n'ai pas le sentiment de faire peur à tout le monde, mais je propose de vous répondre sur ce sujet. Je n'ai pas le sentiment que les DGS - ce n'est en tout cas pas mon cas - écrasent tout le monde pour que leur projet avance. Je passe ma vie à expliquer au service de l'agglomération dans lequel je travaille que si un maire n'a pas compris, s'il n'est pas d'accord, il faut retourner le voir, il faut lui expliquer, il faut y consacrer du temps. Encore une fois, il faut faire oeuvre de pédagogie, parce que tout n'est pas si simple.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Si je peux me permettre, le rouleau compresseur administratif est lié à l'inflation de procédures. Lorsque vous êtes en conseil communautaire avec 76 communes comme dans mon intercommunalité, avec 158 conseillers communautaires, sur un ordre du jour de conseil communautaire classique, nous traitons 60 points à l'ordre du jour. À un moment, tout le monde ne peut pas avoir le même degré d'information, le même niveau de compréhension.
C'est l'écrasement dont nous voulons parler, c'est ce poids administratif que vous subissez, et le fait que les maires en face se trouvent démunis face à cette situation. Même avec toute la meilleure volonté du monde, vous n'allez pas passer trois heures dans chaque commune pour traiter les 60 points de l'ordre du jour.
M. Régis Petit. - Nous devons être vigilants. Vous avez raison sur un point. Les intercommunalités comptent de nombreuses commissions. Le service du cycle de l'eau va envoyer une convocation pour la réunion de la commission compétente. Le même jour, la secrétaire de mairie va recevoir un autre document concernant la voirie. L'après-midi, un papier est envoyé, relatif au développement économique. Les secrétaires de mairie me signalent qu'elles peuvent recevoir 15 mails de l'intercommunalité dans la même journée sur des sujets différents.
Cette situation soulève le problème de la taille critique de certaines communes. À un moment, je plains le maire d'une commune de 200 ou 300 habitants qui a les 300 habitants en direct en face de lui, et n'a pas de service pour leur répondre. C'est un sacerdoce, je le pense sincèrement. Selon moi, les fusions n'ont pas tellement bien fonctionné.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - La situation varie selon les territoires.
M. Jean-Pierre Grand. - Je voudrais évoquer le sujet des métropoles, qui sont des intercommunalités, et non pas des collectivités de plein exercice, comme trop souvent les directeurs des services des métropoles le pensent. J'ai l'expérience d'une métropole qui compte de toutes petites communes. C'est une catastrophe. De nombreux sujets sont mutualisés, par exemple la gestion des bibliothèques et des piscines. Dans ce cas, il n'y a jamais de problème majeur, même quand le choix de l'implantation d'un équipement est un peu politique.
En revanche, l'évolution de la technostructure administrative me pose problème, car les compétences sont inégales. Au sein de la métropole de Montpellier, la mise en oeuvre du PLUI devient un enfer, ce qui souligne deux choses : la faiblesse du dossier - dont on ne sait pas si elle est politique -, mais aussi, peut-être, une petite incompétence. Les grandes intercommunalités ne maîtrisent plus le problème de la voirie.
Le maire gère des contradictions toute la journée. Nous devons améliorer la communication. Je ne connais pas le DGS de la métropole alors que j'ai siégé à son conseil pendant 37 ans.
Par ailleurs, le cumul des fonctions de maire et de président d'intercommunalité est-il pertinent ?
M. Fabrice Belkacem. - Je propose de livrer quelques éclairages. Comme mes collègues, j'ai travaillé en intercommunalité et en commune. Lorsque je travaillais à l'intercommunalité, j'embêtais mes collègues des communes pour leur parler de sujets dont ils ne se préoccupaient pas quotidiennement. Inversement, lorsque je suis revenu en ville, parfois le DG de l'agglomération m'appelait en disant : « Attends, mais je n'ai pas que ça à faire, je ne peux pas me démultiplier ». Nous sommes confrontés aux mêmes difficultés.
Des maires me disent : « Si j'avais su il y a trente ans les difficultés, les contraintes réglementaires nationales que je vis au quotidien, je n'aurais jamais été maire ». Je ne pense pas que les difficultés des maires soient liées à l'intercommunalité.
M. Jean-Marie Mizzon, président. - J'ai noté une interrogation : le cumul des fonctions de maire et président de l'intercommunalité est-il pertinent ?
M. Fabrice Belkacem. - Ce sont deux systèmes très différents. J'ai eu la chance de travailler dans une intercommunalité où les membres de bureau, par une décision politique, n'étaient pas les maires. Il y avait une Conférence des maires, des commissions, etc. Les deux organisations sont possibles. À l'inverse, j'ai travaillé dans une autre intercommunalité où tous les membres du bureau étaient maires.
M. Jean-Marc Delia. - Nous sommes réunis pour dresser un bilan des dix ans de la loi NOTRe et de son fonctionnement. J'aimerais connaître votre avis au sujet de son fonctionnement sur le terrain. Certains DGS sont à la fois DGS de l'agglomération et DGS de la ville-centre. Pensez-vous que les agents soient bien formés sur le fonctionnement d'une intercommunalité, la manière de s'adresser aux élus et de rendre le service aux élus à travers leur fonction dans l'intercommunalité ?
Durant certaines auditions auxquelles nous avons assistées, les maires entendaient leurs services leur faire comprendre qu'ils avaient un patron et que ce n'était peut-être pas le maire qui était en train de les interroger. La situation est très différente dans mon intercommunalité, mais il est légitime de se poser cette question. Que pouvons-nous mettre en place pour que le maire se sente vraiment, lorsqu'il est dans sa commune, le représentant de l'intercommunalité ?
Trouver l'élu référent pour les services de proximité dans la commune est parfois plus facile que d'interroger le vice-président à la petite enfance qui est éloigné ou qui n'est pas du tout disponible. J'ai observé certains présidents de l'agglomération ou vice-présidents affirmer clairement aux agents qui détenaient cette compétence de proximité qu'ils faisaient un travail intercommunal. Utilisez-vous des conventions afin que les compétences de proximité puissent revenir au niveau des communes ?
Enfin, le dernier volet de mon intervention sera un peu plus politique. Nous parlons de projet de territoire, mais tous les maires vont se préparer aux élections municipales de mars 2026. Ils vont tous établir un programme. Comment leur programme va-t-il être lié à ce projet de territoire et accepté, une fois élus, par les autres collègues élus dans l'intercommunalité ? Avez-vous été confronté à un conflit entre un maire par exemple élu sur un projet d'aménagement de piste cyclable, qui est une compétence peut-être intercommunale, et une sensibilité différente au sein de l'intercommunalité ?
M. Jean-Claude Anglars. - Auparavant, les communautés de communes étaient créées par la volonté des élus. Désormais, 70 % des compétences du bloc local sont passées aux intercommunalités et cette situation fonctionne ou non, car toutes les intercommunalités ne se valent pas. J'appartiens à une communauté de communes choisie, qui fonctionne et je suis favorable au fait intercommunal. Elle comptait 20 salariés ; ils sont 100 quatre ans plus tard. L'inflation des effectifs est problématique dans un contexte qui nous impose de chercher 40 milliards d'euros d'économies.
Ressentez-vous comme moi, la perception des citoyens de base quant au fait que la communauté de communes n'apporte pas forcément la valeur ajoutée qu'il faudrait ? Ce sujet soulève la question du renouvellement des conseils municipaux, alors que l'intercommunalité s'inscrit dans une gouvernance choisie, mais dans une gouvernance subie. Les élus ont le sentiment de ne plus servir à rien étant donné que les compétences leur ont été ôtées. Partagez-vous ce sentiment ? Vous avez bien rappelé que la communauté de communes n'est qu'un outil par rapport à une collectivité locale. En un sens, vous êtes des « mécaniciens ».
Mme Évelyne Perrot. - Mon intercommunalité est bâtie dans un parc naturel, où elle réunit 57 communes qui avaient l'habitude de travailler ensemble. Le préfet, en suivant l'avis de la ville-centre, a voulu créer une grosse communauté d'agglomération, en empiétant sur le parc naturel. Les maires des communes environnantes avaient l'habitude de travailler ensemble. La compétence initiale de l'intercommunalité concernait le scolaire, les centres de loisirs, les crèches, c'est-à-dire la petite enfance. Elle mobilise absolument tous les fonds de l'intercommunalité. Les maires ont le sentiment que l'intercommunalité ne fonctionne pas. Que pouvons-nous faire pour essayer d'entraîner à nouveau les territoires à travailler tous ensemble ?
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Vous avez soutenu que vous alliez volontiers voir les maires, pour leur expliquer le fonctionnement de l'intercommunalité. Dans de nombreuses intercommunalités, nous constatons un problème de communication, de compréhension. Quelle serait, selon vous, la meilleure méthode pour faire connaître les compétences des communautés de communes de manière fine aux maires ?
M. Régis Petit. - Ce n'est pas facile. Il n'y a pas de solution miracle aux questions que vous soulevez. Certains élus trouvent leur intercommunalité trop petite, d'autres trop grande. Je ne suis pas préfet et je ne siège pas à la commission départementale de coopération intercommunale (cDCI). Le périmètre actuel des intercommunalités résulte parfois de maladresses ou d'erreurs. Lorsque des compétences exercées par des syndicats sont reprises par l'intercommunalité, cette organisation me semble pertinente pour mieux coordonner les interventions, même si ce n'est jamais parfait.
Dans ma communauté de communes devenue une agglomération, nous sommes passés en quelques années de 3 à 60 communes. Le secrétaire de mairie d'une commune de 1 500 habitants est devenu DGS de l'intercommunalité. Sa commune compte désormais quatre personnes à la mairie malgré le transfert de compétences. Je ne suis pas certain que ce soit uniquement l'intercommunalité qui ait créé des postes. Le niveau d'exigence des citoyens envers les maires a considérablement augmenté. Les communes ayant transféré des compétences auraient-elles dû réduire leurs effectifs ?
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Vous vous demandez si nous devons diminuer notre personnel après les transferts, mais vous dites que nous n'avons pas embauché au niveau intercommunal.
M. Régis Petit. - Je confirme que nous avons renforcé l'effectif de l'intercommunalité.
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Évidemment, c'est normal.
M. Régis Petit. - Lorsque nous prenons une compétence qui était plus ou moins exercée par la commune sans le personnel nécessaire, il est nécessaire de recruter au niveau de l'intercommunalité. L'évolution des effectifs ne résulte pas uniquement du fait intercommunal. La complexité provient surtout de l'empilement des normes réglementaires.
En tant que DGS d'intercommunalité, ce n'est pas à nous de juger si tel périmètre est plus pertinent qu'un autre. Notre rôle consiste à faire fonctionner au mieux ces structures. Le périmètre intercommunal nous semble adapté pour exercer certaines compétences, mais nous ne pouvons pas nous substituer aux élus pour faciliter le dialogue. Le président et les vice-présidents de mon intercommunalité sont aussi des maires qui portent plusieurs casquettes, mais savent s'y retrouver.
J'éprouve des difficultés à comprendre comment un maire affirme ne pas se sentir bien dans l'intercommunalité alors qu'il est « parmi ses pairs ». Il faut certainement améliorer le dialogue, mais résumer l'intercommunalité à une technostructure inaudible me paraît caricatural. Lorsque nous réussissons à élaborer un PLUi, ce n'est pas toujours l'enfer comme on l'entend parfois, et cette démarche se déroule généralement dans de bonnes conditions.
Mme Maryse Carrère, rapporteure. - L'augmentation mécanique des effectifs a été inévitable avec les fusions d'intercommunalités. Plus la structure est grande, plus l'organisation interne devient nécessaire. Dans mon département, nous avions 31 intercommunalités liées aux vallées de montagne, sans 31 DGS ni 31 directeurs des ressources humaines (DRH). Aujourd'hui, au sein d'une seule grande intercommunalité, il a fallu nommer un DRH, car la masse l'exigeait. Ce n'est pas le fait intercommunal en soi, mais celui des fusions et de l'harmonisation des compétences qui nécessite davantage d'effectifs.
J'aimerais que vous développiez par écrit ce que vous entendez par « accord local » et ce qui pourrait être intéressant. Nous n'avons pas beaucoup abordé la question de la Conférence des maires, et j'aimerais connaître votre avis sur cet outil qui pourrait faciliter le dialogue entre communes.
M. Jean-Marie Mizzon, président. -Vous pourrez en effet compléter vos réponses par écrit. Merci pour la qualité de vos interventions.
Ce compte rendu a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.
La réunion est close à 15 heures.