- Mardi 10 juin 2025
- Mercredi 11 juin 2025
- Proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) - Examen des amendements aux articles délégués au fond du texte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches - Examen des amendements de séance
- Proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales - Examen des amendements au texte de la commission
- Contrôle budgétaire - La contractualisation à la performance dans l'enseignement supérieur - Communication
- Contrôle budgétaire - Le remplacement des enseignants - Communication
Mardi 10 juin 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 16 h 00.
Audition de M. Julien Rencki, préalable à son renouvellement en tant que directeur général du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)
M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Julien Rencki, proposé par le Premier ministre pour être reconduit dans ses fonctions de directeur général du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).
Vous occupez, monsieur Rencki, les fonctions de directeur général du Fonds de garantie des victimes depuis le 4 juillet 2016. Il s'agit cependant de votre première audition devant notre commission des finances.
En effet, votre audition, préalable à votre renouvellement, est prévue à l'article L. 421 2 du code des assurances, modifié par l'article 6 de la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture. Il dispose que le directeur général du FGAO « est entendu par les commissions » chargées des finances des deux assemblées au moment de sa désignation. Cette procédure est mise en oeuvre pour la première fois aujourd'hui.
Le FGAO assure l'indemnisation, depuis 1951, des dommages subis par les victimes d'accidents de la circulation dont les responsables sont inconnus ou non assurés. Ce dispositif couvre les accidents causés par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ou par un autre usager de la voie publique. Aux termes de l'article L. 421-4 du code des assurances, le Fonds « est alimenté par des contributions des entreprises d'assurance, des automobilistes assurés et des responsables d'accidents d'automobiles non bénéficiaires d'une assurance ».
Je précise que vous assurez également la direction générale du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont la gestion est confiée au FGAO. Une convention est conclue à cet effet entre les deux organismes.
Créé en 1986 pour indemniser les actes de terrorisme, le FGTI a connu une extension de ses missions, en 1990, à l'indemnisation des victimes d'infractions de droit commun. Le FGTI n'indemnise que les victimes de dommages corporels causés par des actes de terrorisme, les dommages matériels étant pris en charge par les assureurs dans le cadre du régime de gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme (Gareat). Cet instrument est majoritairement financé par les contributions des assurés, complétées par le produit des actions récursoires et des placements financiers.
Cette audition, monsieur le directeur général, sera l'occasion de nous présenter votre bilan à la tête de ces organismes et vos priorités pour votre mandat à venir.
Avant de vous céder la parole, je précise qu'une seule audition est prévue, selon la procédure de l'article L. 421-2 du code des assurances. Il n'y aura donc pas de vote de la commission sur votre désignation.
Cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat.
M. Julien Rencki, directeur général du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). - Le FGAO indemnise les victimes d'accidents causés par des conducteurs non assurés ou qui prennent la fuite. Le FGTI, quant à lui, est géré par les équipes du FGAO du fait d'une délégation de son conseil d'administration. Ce modèle est original : ces deux organismes de service public disposent de leur propre conseil d'administration et de leurs propres ressources, mais sont gérés de façon intégrée par la même équipe et placés sous l'autorité d'un seul directeur général. Ce modèle, qui a maintenant quarante ans, a prouvé sa pertinence en conciliant pluralité des gouvernances, de façon à représenter l'ensemble des parties prenantes, et unité de la gestion, gage d'efficacité et de réactivité, comme la Cour des comptes l'a souligné il y a quelques années.
De fait, les deux fonds, rassemblés sous la dénomination commune de Fonds de garantie des victimes, ont de nombreux points communs, à commencer par leur raison d'être : l'indemnisation des victimes qui n'ont d'autre recours que la solidarité nationale face à la violence qui les a frappées, qu'elle soit terroriste, criminelle de droit commun ou routière. La prise en charge des préjudices corporels, souvent graves, constitue le coeur de l'engagement et de la compétence des 390 collaborateurs du Fonds, rassemblés sur deux sites : pour l'essentiel, ils se trouvent à Vincennes, une cinquantaine d'entre eux étant localisée à Marseille.
Après avoir indemnisé les victimes - en 2024, nous avons pris en charge plus de 110 000 d'entre elles et versé 840 millions d'euros -, le Fonds de garantie se retourne contre le responsable du crime ou de l'accident, lorsqu'il est connu, pour exercer dans la limite de sa solvabilité le recours subrogatoire. Il a ainsi recouvré 125 millions d'euros l'année dernière.
En premier lieu, le FGAO est administré par un conseil de douze membres, dont sept personnes désignées par le secteur de l'assurance et cinq personnalités qualifiées, nommées par l'État. Ce dernier est représenté par un commissaire du Gouvernement aux pouvoirs étendus. La principale mission du FGAO est la prise en charge des victimes d'accidents de la circulation lorsque l'assurance ne peut pas jouer. En 2024, le Fonds a pris en charge 8 000 victimes de dommages corporels, dont les proches des 186 victimes décédées l'année dernière.
Le phénomène de la conduite sans assurance est un véritable fléau dans notre pays, pour les victimes, la collectivité des assurés - elle supporte l'essentiel du coût des dommages - et les conducteurs non assurés eux-mêmes, souvent jeunes et qui devront, en cas d'accident, rembourser au FGAO des sommes parfois extrêmement importantes.
Bien que le nombre de victimes ait tendance à légèrement décroître ces dernières années, le coût de la prise en charge continue à augmenter. Dans ce contexte, le FGAO connaît une situation financière fragile, avec un déficit de fonds propres de 96 millions d'euros au 31 décembre 2024. Afin de revenir à l'équilibre, il faut redoubler d'énergie dans la lutte contre la non-assurance. Notre pays en a les moyens, grâce au fichier des véhicules assurés.
En second lieu, le FGTI est administré par un conseil de neuf membres, dont un représentant de chacun des quatre ministères de tutelle, trois représentants des victimes, un du secteur de l'assurance et un président, magistrat issu de la Cour de cassation.
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a trois missions.
Premièrement, il a été très fortement mobilisé depuis dix ans dans le contexte de la vague d'attentats sans précédent qu'a connue notre pays. Depuis début 2015, il a indemnisé 7 700 victimes au titre de 96 attentats perpétrés en France ou ayant frappé des Français à l'étranger, attentats qui ont causé la mort de plus de 360 personnes. Le FGTI a notamment pris en charge près de 3 000 victimes des attentats du 13 novembre 2015 et près de 2 800 de celui commis à Nice le 14 juillet 2016. Confronté à un choc opérationnel majeur, le Fonds s'est transformé en profondeur pour mieux répondre aux attentes des personnes concernées. Cette transformation est le résultat d'un dialogue approfondi avec les associations de victimes, qui se poursuit - j'étais ce matin en réunion avec l'ensemble de leurs représentants.
Elle s'articule autour de trois objectifs.
D'abord, il faut mieux accompagner les victimes tout au long du processus d'indemnisation, notamment sur le terrain, c'est-à-dire passer d'une approche administrative à une approche plus incarnée. Chaque personne dispose d'un interlocuteur dédié et spécialement formé au sein du fonds. Lorsque cela est possible, les chargés d'indemnisation se déplacent. Ils ont réalisé plus de 2 800 déplacements au cours des sept dernières années. Nos équipes sont présentes sur place dès la survenue de l'événement, en France - je pense à Arras ou à Mulhouse - ou à l'étranger.
Ensuite, il faut faciliter l'accès des victimes à leurs droits. Le droit français de l'indemnisation repose sur le principe de la réparation intégrale des préjudices, qui est donc une réparation individualisée et non pas forfaitaire. C'est un droit complet, mais complexe. Le FGTI déploie de grands efforts d'information et de pédagogie pour permettre aux victimes d'exercer leurs droits dans les meilleures conditions.
Enfin, le Fonds souhaite proposer aux victimes des solutions concrètes, pour mieux répondre à leurs besoins. En effet, le Fonds propose, depuis quelques années, une réparation en nature qui vise à rendre l'indemnisation plus effective, l'indemnisation purement financière ne répondant pas toujours aux attentes. Parmi les services proposés, on peut citer l'accompagnement au retour à l'emploi, le soutien scolaire et, pour les victimes en situation de handicap, la mise en relation avec un architecte spécialisé pour l'aménagement du domicile ou la fourniture de solutions de mobilité adaptées.
Depuis la vague d'attentats de 2015, le FGTI a fait la preuve de sa capacité d'adaptation et de son efficacité au service des victimes. Saluée par la Cour des comptes, son action est dans l'ensemble perçue positivement par les intéressées, même si l'indemnisation, par définition, ne sera jamais à la hauteur de leur traumatisme.
Deuxièmement, la prise en charge des victimes d'infractions de droit commun est régie par une procédure particulière. Ces dernières doivent d'abord saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), une juridiction spécialisée qui transmet les pièces au FGTI pour mener l'instruction. En 2024, le Fonds a pris en charge 29 000 victimes directes et indirectes au titre de cette procédure. L'activité est en hausse constante : entre 2019 et 2024, le nombre d'indemnisés a progressé de 28 % sous l'effet de la hausse sensible du nombre des victimes de blessures volontaires, qui représentent la moitié de l'ensemble des victimes, et de violences sexuelles.
Ces évolutions reflètent l'activité judiciaire de notre pays avec quelques années de décalage. En effet, la procédure Civi intervient en général après la procédure pénale. Le FGTI est mobilisé, avec l'ensemble des acteurs de la politique publique d'aide aux victimes, pour accompagner celles-ci et leur permettre de faire valoir leurs droits. À cet effet, j'ai noué une collaboration étroite avec la fédération France Victimes et son réseau local. On peut se féliciter du fait que l'indemnisation, quoique souvent tardive, intervient dans plus de 85 % des cas dans un cadre amiable.
Troisièmement, le FGTI aide au recouvrement de tout ou partie des dommages-intérêts qui ont été décidés par le juge pénal. Cette aide est fournie aux victimes d'infractions qui ne sont pas éligibles à l'indemnisation au travers de la procédure Civi. En 2024, ce service, appelé service d'aide au recouvrement des victimes d'infraction (Sarvi), a bénéficié à 60 000 de nos compatriotes.
À présent, je souhaite attirer votre attention sur la situation financière très dégradée du FGTI. À la fin de l'année dernière, son déficit de fonds propres s'établissait à 5,7 milliards d'euros : face aux 9 milliards d'euros d'engagements envers les victimes qui correspondent à des événements déjà survenus, le Fonds dispose d'un montant d'actifs de l'ordre de 3 milliards d'euros. Si le FGTI ne connaît pas à ce stade de difficultés de trésorerie, il fait face à un problème de solvabilité à moyen terme. Cette situation n'est pas nouvelle, mais elle s'aggrave. Dans son référé adressé à l'État en novembre 2020, la Cour des comptes l'avait déjà jugée particulièrement inquiétante.
Cette situation s'explique par un effet ciseaux structurel : sur les cinq dernières années, le taux annuel de croissance des dépenses d'indemnisation est de 7,5 %, là où les ressources ont progressé de manière sensiblement moindre, à hauteur de 2,5 %. Cette progression s'explique avant tout par le dynamisme des indemnisations versées aux victimes d'infractions de droit commun, qui représentent 85 % de l'ensemble des indemnisations. De fait, le nombre de ces personnes et le coût moyen augmentent.
Cette dynamique « spontanée » des dépenses n'est pas suivie par celle des ressources. Le FGTI est financé à 80 % par une contribution forfaitaire, dont le plafond légal a été relevé au 1er juillet 2024 à 6,50 euros, prélevés sur les contrats d'assurance de biens. Toutefois, cette mesure ne suffira pas à rééquilibrer le modèle financier. Sauf à réduire le périmètre d'intervention du Fonds, il sera nécessaire de réformer cette contribution pour éviter de faire peser la charge sur les générations futures et pour garantir la pérennité financière.
Pour être effective, une transformation suppose du temps, aussi, mes priorités pour ce nouveau mandat s'inscrivent dans la continuité des précédentes.
La première est l'accompagnement des victimes qu'il est nécessaire de poursuivre. Le Fonds s'est déjà beaucoup transformé. L'action de ses collaborateurs est saluée. Il convient de donner plus de sens à l'indemnisation, laquelle mobilise des ressources publiques importantes. Il faut en faire un véritable levier de la reconstruction.
La deuxième priorité est de conforter l'outil qu'est le Fonds de garantie, que certains de nos voisins nous envient. Il faut poursuivre le travail de modernisation entrepris, notamment pour renforcer la résilience du Fonds et sa capacité à faire face aux crises, et pour veiller au bien-être des salariés. Ces derniers assument avec efficacité et dévouement leurs missions dans des conditions souvent difficiles. Je leur rends hommage devant vous.
La troisième priorité touche au modèle financier.
Mme Christine Lavarde. - Je m'exprime au nom de M. le rapporteur général.
Vous faites le constat que votre établissement est dans une situation financière difficile. Que préconiseriez-vous au législateur en matière de fonctionnement du Fonds ? Je me suis particulièrement intéressée au mécanisme du régime « catastrophes naturelles » (CAT-NAT), dont la situation est similaire : sans action de notre part, le système est appelé, presque par nature, à être déficitaire.
La Cour des comptes, dans le référé de 2021, préconisait de « clarifier le statut juridique du FGTI ». Quelles suites ont été données à cette recommandation ?
Le phénomène de non-assurance vous paraît-il résiduel ou le nombre de cas peut-il encore être diminué ? Le taux de recours à l'assurance est beaucoup plus faible à certains endroits du territoire.
M. Jean-Marie Mizzon. - Vous proposez de plus en plus d'indemnisations en nature. Se substituent-elles aux indemnisations pécuniaires ou sont-elles complémentaires, signe d'humanité ? Ce n'est pas peu de choses que de démontrer votre soutien afin d'aider les victimes à se reconstruire.
M. Christian Bilhac. - J'ai une question un peu provocatrice, qui s'inscrit dans le contexte de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, dont Mme Lavarde est rapporteure. Alors que nous examinerons demain la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, par laquelle nous pourrions créer un fonds qui couvrirait notamment les risques liés aux émeutes, ne serait-il pas plus pertinent de fusionner le fonds Barnier et le FGAO ? En effet, les deux visent à aider des victimes face aux défaillances d'assureur.
M. Christian Klinger. - Le FGAO soutient les victimes d'accidents de la circulation dont l'auteur est inconnu. Qu'en est-il lorsque les auteurs sont connus, mais insolvables ?
M. Claude Raynal, président. - L'État vous assure-t-il une avance de trésorerie permanente pour vous permettre de répondre aux demandes ?
M. Julien Rencki. - Concernant la situation financière, le Fonds, chaque année, connaît des pertes. Le déficit de fonds propres s'accroît. Le FGTI est régi par la comptabilité de l'assurance, ce qui signifie qu'il doit estimer et provisionner l'ensemble des sommes dues aux victimes au titre d'événements passés, dans l'attente d'un versement. Cette attente s'explique par le fait que l'indemnisation soit en cours, par des rentes à vie ou en raison de dossiers dits tardifs. Dans ce dernier cas de figure, nous savons statistiquement que les victimes ne nous saisiront que dans les années à venir, ce qui est souvent le cas pour les violences sexuelles.
Notre déficit de fonds propres de l'ordre de 6 milliards d'euros s'explique ainsi et pose la question de notre solvabilité. Selon nos projections, il ne cessera de s'aggraver à l'horizon 2050. Il devrait atteindre ou dépasser les 15 milliards d'euros à cette échéance. Néanmoins, le Fonds de garantie a les moyens d'indemniser les victimes, car, à l'heure actuelle, nous disposons d'une trésorerie nette positive, c'est-à-dire que, chaque année, les rentrées sont supérieures aux décaissements. Le résultat comptable négatif s'explique par le besoin de constituer des provisions techniques. Dans les années à venir, autour de 2030, le FGTI se retrouvera en situation de trésorerie nette négative. Cela signifie qu'il devra commencer à vendre les actifs mis en réserve pour faire face aux engagements à long terme envers les victimes.
Le FGTI ne bénéficie d'aucun concours budgétaire. En revanche, j'ai obtenu dans le cadre de la convention qui nous lie - la première a été conclue en 2017 - que l'État s'engage à intervenir en fournissant des crédits en cas de décaissements extraordinairement massifs au titre du terrorisme. Il s'agit d'une « garantie » qui n'est pas inscrite dans la loi de finances.
Pour redresser nos comptes, il faut examiner les dépenses et les ressources.
Nous avons trois ressources. D'abord, le produit du recours contre les auteurs, qui contribue à responsabiliser ces derniers, représente 125 millions d'euros pour 2024 au titre de l'ensemble des missions du Fonds, soit 13 % du total, dont 113 millions d'euros pour le seul FGTI, chiffres en progression sensible grâce à nos équipes. Ensuite, les produits financiers de nos actifs mis de côté pour faire face aux engagements à long terme représentent environ 7 % de nos ressources. Enfin, les 80 % restants proviennent de la contribution de 6,50 euros.
Cette dernière mériterait d'être refondue. Le fait qu'elle soit forfaitaire, pesant sur chaque contrat, a plusieurs inconvénients. Elle peut être considérée comme n'étant pas vraiment juste : le montant est le même qu'il s'agisse d'un contrat d'assurance multirisques habitation (MRH) sur une chambre de bonne ou sur un château. Surtout, cette ressource n'est pas dynamique : elle évolue en fonction non pas de l'inflation, mais du nombre de contrats. Plusieurs pistes permettent d'imaginer une contribution différente, non plus forfaitaire mais proportionnelle, par exemple en fonction des primes sous-jacentes. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur le sujet, mais il s'agit du principal axe de réflexion selon moi.
La question des dépenses est infiniment plus sensible politiquement. L'État pourrait interroger un certain nombre de dispositifs pour maîtriser la dépense. Par exemple, la Cour des comptes a recommandé que le Sarvi, qui bénéficie à 60 000 personnes tous les ans, ne soit versé que sous condition de ressources, ce qui entraînerait une économie modeste.
J'en viens à la question du statut juridique. Lorsque le législateur a créé le FGAO en 1951, il l'a qualifié de personne morale de droit privé. En revanche, le FGTI, créé en 1986, a été doté de la personnalité civile, mais sans qualification de personne de droit privé ou public. L'intention du législateur était, semble-t-il, qu'il soit privé : tel était le souhait de Françoise Rudetzki, à l'origine du Fonds. Il s'agissait de calquer l'intervention au bénéfice des victimes d'attentats sur un dispositif proche du monde assurantiel, même s'il est question d'un service public.
Face au silence de la loi, le Conseil d'État a rendu un avis en 2019 aux termes duquel il estime que le FGTI est une personne morale de droit public, sans préciser quel type de personne morale. Il y a nécessité de clarifier le statut du FGTI et l'articulation entre les deux fonds, dans le sens d'une consolidation. L'État a engagé des travaux sur le sujet à la suite de cet avis. Ils suivent leur cours, mais, à ce jour, le problème demeure.
Concernant la couverture, le FGAO intervient pour prendre en charge les victimes d'accidents causés soit par des conducteurs non assurés, soit par des conducteurs qui prennent la fuite. Le premier cas correspond à environ trois quarts des situations, le second au quart restant.
La non-assurance en France est difficile à estimer, car il n'existe pas de fichier des véhicules non assurés. On ne peut aborder le phénomène que de manière indirecte à partir des délits de conduite sans assurance relevés par les forces de l'ordre et les chiffres du FGAO. Ces derniers indiquent le nombre non pas de l'ensemble des conducteurs non assurés, mais de ceux qui causent des accidents.
Les chiffres des forces de l'ordre relèvent une progression spectaculaire des délits de conduite sans assurance au cours des cinq dernières années : le nombre de ces derniers a été presque multiplié par deux. Ce délit est le premier des délits routiers. Toutefois, il ne faut pas se précipiter en concluant à une explosion de la non-assurance en France. En réalité, la progression s'explique par deux évolutions majeures : l'introduction de l'amende forfaitaire délictuelle en 2018 et la création, à laquelle le FGAO a contribué, du fichier des véhicules assurés.
Le FGAO assiste à une décrue du nombre de victimes d'accidents causés par des conducteurs en défaut d'assurance : depuis cinq ans, le chiffre est en baisse de 15 %. Il ne faut pas en déduire que la non-assurance a été réduite d'autant, car, dans le même temps, le nombre d'accidents de la route en général a fortement baissé.
J'y insiste : il n'y a pas d'explosion de la non-assurance en France. Le fichier des véhicules assurés compte 57 millions de véhicules, ce qui signifie que l'écrasante majorité des Français sont assurés. Néanmoins, la non-assurance persiste et prend de nouvelles formes. Par exemple, les trottinettes électriques, qui sont soumises à l'obligation d'assurance, représentent un nombre croissant de victimes corporelles, de l'ordre de 500 prises en charge l'année dernière.
Concernant l'indemnisation en nature, nous avons mis en place, à la demande des victimes, des groupes de travail pour échanger et coconstruire les évolutions à mener. L'indemnisation en nature est une solution qui permet de répondre plus concrètement aux besoins, car la mission du Fonds de garantie est la réparation des préjudices, ni plus ni moins. La réparation peut intervenir sous forme financière ou en nature, au choix de la victime.
Par exemple, un quart des victimes de l'attentat de Nice sont des mineurs : le traumatisme a eu, pour un certain nombre d'entre eux, des répercussions sur leur scolarité. L'approche classique de l'indemnisation est de considérer qu'une année perdue vaut un montant donné. Toutefois, des parents nous ont indiqué vouloir surtout que leur enfant réussisse son parcours éducatif, sollicitant de l'aide en ce sens. Pour cette raison, nous avons mis en place une autre forme d'indemnisation : nous avons fourni un soutien scolaire spécifique. Pour ce faire, nous avons sélectionné des prestataires à la suite d'appels d'offres.
J'ai fait le point ce matin avec l'ensemble des associations de victimes d'attentats. Elles saluent ces évolutions. Celles-ci sont positivement ressenties, car elles témoignent que nous attachons de l'intérêt à la situation réelle des personnes. Nous discutons actuellement d'autres dispositifs.
Concernant le regroupement des structures, le Fonds est, par principe, favorable aux fusions : nous en avons déjà connu une, le FGAO et le FGTI étant gérés par la même équipe. Nous représentons un bon modèle, car cette fusion nous a permis de conserver des gouvernances plurielles, pour que chaque victime soit représentée, tout en ayant des moyens unifiés en matière de gestion, ce qui nous permet de bénéficier d'une taille critique pour maîtriser un certain nombre de risques et optimiser les coûts.
Néanmoins, il faut veiller à ne pas aller trop loin et à garder une cohérence entre les métiers. Ainsi, 98 % des engagements du FGAO et du FGTI sont en lien avec des dommages corporels : c'est notre ADN. C'est un métier, une technicité et un service à la personne qui sont spécifiques. Il ne faut pas prendre le risque de diluer les compétences.
M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie d'être venu jusqu'à nous, conformément à la nouvelle disposition législative. Bonne continuation dans le cadre de vos fonctions. Nous saluons vos équipes pour le travail réalisé, important pour les victimes. La question n'est pas simplement financière, loin s'en faut.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 50.
Mercredi 11 juin 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 09 h 30.
Proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) - Examen des amendements aux articles délégués au fond du texte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen des amendements de séance sur les articles de la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) dont l'examen nous a été délégué au fond par la commission des lois.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques nos 2 et 3 visent à rétablir l'article 4. Or la commission a supprimé cet article, car il y est question de transfert, alors que l'article 1er ouvre la possibilité non pas de transférer la Gemapi, mais de déléguer cette compétence.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 2 et 3.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
TABLEAU DES AVIS
Article 4 (Supprimé) |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
M. Grégory BLANC |
2 |
Rétablissement de l'article 4 |
Défavorable |
M. LEMOYNE |
3 |
Rétablissement de l'article 4 |
Défavorable |
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches - Examen des amendements de séance
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen des amendements de séance sur la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - J'ai proposé la semaine dernière de rejeter l'ensemble du texte. Mes avis iront donc en ce sens et seront tous défavorables.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - L'amendement n° 6 rectifié vise à augmenter l'abattement effectué sur la valeur vénale réelle de l'immeuble occupé à titre de résidence principale, en le faisant passer de 1 million d'euros à 1,5 million d'euros. Tout comme celle de l'amendement n° 5 rectifié, cette mesure va plutôt dans le bon sens, mais elle est insuffisante pour rendre le texte satisfaisant.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6 rectifié.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - Par l'amendement n° 7 rectifié, les valeurs des titres cotés seraient évaluées selon le dernier cours connu « au jour du fait générateur de l'impôt ». Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7 rectifié.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - L'amendement n° 1 vise à tirer en partie les conséquences de notre rapport. Il prévoit d'abaisser le taux de 2 % à 1 %, du fait du risque d'inconstitutionnalité. Néanmoins, malgré cette diminution, ce risque serait toujours important, et les autres problèmes demeurent : encore faut-il disposer des liquidités suffisantes, sans faire mention des répercussions sur notre économie.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - L'amendement n° 3 contredit la position de la commission. Ses auteurs estiment que la proposition de loi ne va pas assez loin : ils veulent porter à 5,1 % le taux d'imposition pour la fraction de la fortune imposable qui excède 1 milliard d'euros. Les recettes représenteraient 40 milliards d'euros.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - L'amendement n° 2 rectifié vise à permettre un renouvellement de la période d'échelonnement du paiement de l'impôt plancher sur la fortune, en cas de gêne. En revanche, il assortit le délai d'un mécanisme plus contraignant de nantissement, renforçant les obligations qui pèseraient sur les milliardaires ou les centimillionnaires.
L'amendement n° 5 rectifié vise à assouplir le dispositif en faisant passer de cinq à six ans la période d'échelonnement du paiement de l'impôt plancher sur la fortune.
Par l'amendement n° 8 rectifié, la cession d'actions détenues dans une entité appartenant à un secteur stratégique serait soumise au contrôle de l'État. En effet, si les millionnaires ou les milliardaires étaient dans une situation d'illiquidité, ils seraient obligés de vendre leurs actions. Je n'avais pas souligné ce problème spécifique, ayant seulement rappelé que nous risquions de déstabiliser l'actionnariat de l'ensemble de nos sociétés. Toutefois, l'amendement est déjà satisfait.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 2 rectifié, 5 rectifié et 8 rectifié.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - L'amendement n° 4 rectifié concerne la remise d'un rapport afin de connaître le nombre de contribuables qui seraient soumis à cet impôt et l'évolution de leur patrimoine dans les cinq années qui suivraient le paiement. Notre commission, qui a rejeté le texte et a exclu la mise en oeuvre de cet impôt ce qui viderait l'amendement de sa portée, n'est, au demeurant, habituellement pas favorable aux rapports.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4 rectifié.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. - Si j'avais estimé que le texte pouvait être amélioré sans le dénaturer, je vous aurais proposé des amendements en ce sens. Cette proposition de loi se fonde sur une réflexion certes séduisante, mais qui est une fausse bonne idée : elle posera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.
M. Pascal Savoldelli. - Si j'ai bien compris, les auteurs de l'amendement n° 4 rectifié voteront le texte puisque le rapport qu'ils demandent tendra à évaluer l'application de la proposition de loi.
M. Thomas Dossus. - Je souligne la constance de M. le rapporteur : il persiste dans son dogmatisme à l'égard de cette proposition de loi. Je signale la parution ce matin dans Le Monde d'une tribune de Gabriel Zucman, économiste qui a inspiré ce dispositif d'impôt plancher, de Jean Pisani-Ferry et d'Olivier Blanchard. Tous trois estiment que cette mesure est une vraie bonne idée pour résoudre le problème d'iniquité devant l'impôt.
Mme Nathalie Goulet. - Je maintiens mon propos : je voterai cette proposition de loi. Malgré son opposition au texte, le Gouvernement est tout à fait incapable de nous fournir des données : combien de personnes seraient-elles visées par le dispositif ? Quelles en seraient les conséquences ? On nous indique seulement que les pauvres riches seraient complètement dépouillés en cinq ans ! Nous sommes bel et bien sur une approche dogmatique.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
TABLEAU DES AVIS
Proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales - Examen des amendements au texte de la commission
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à l'examen des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales. Nous commençons par l'examen des amendements du rapporteur.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - L'amendement FINC.1 vise à préciser que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont également concernés par la faculté d'accès au médiateur et à Collectiv'Assur.
L'amendement FINC.1 est adopté.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - L'amendement FINC.2 vise à repousser le délai d'application de l'article 4 de six à douze mois. Le délai de six mois apparaît insuffisant pour publier le décret et permettre aux assureurs de vérifier que l'intégralité des contrats passés avec des collectivités satisfont les conditions de l'encadrement qui aura été décidé.
L'amendement FINC.2 est adopté.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - L'amendement FINC.3 tend à introduire le mot « attentats », une notion distincte de celle de « terrorisme ». Il ne faut pas confondre ces termes avec ceux d'« émeutes » et de « mouvements populaires ».
M. Pascal Savoldelli. - Le concept de « mouvement populaire » est-il défini dans le code pénal ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Il l'est dans le code des assurances.
Mme Ghislaine Senée. - En retirant les « attentats » terroristes du champ de l'article, seuls les mouvements populaires restent couverts. Lorsqu'il s'agira de réagir contre une décision qui irait à l'encontre des intérêts du peuple, nos concitoyens paieront pour rembourser les entreprises sujettes à dégradations.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - À la notion d'« attentat » est déjà rattachée une réparation par un régime spécifique. Exclure les attentats du régime « émeutes » ne conduira donc pas à restreindre les possibilités d'indemnisation. Nous souhaitons simplement clarifier la distinction entre plusieurs notions utilisées en droit des assurances.
L'amendement FINC.3 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement de suppression n° 9.
L'amendement n° 4 vise à plafonner le montant de la franchise au sein des contrats d'assurance aux biens. Au contraire, notre formulation laisse des marges de manoeuvre au Gouvernement dans l'exercice de son pouvoir réglementaire pour que l'usage des franchises se généralise, en concertation avec la profession et les assurés, afin de responsabiliser les collectivités.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 9 et 4.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Les amendements nos 10 rectifié et 15 rectifié élargissent le champ des biens éligibles à la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSECG). À ce stade, il est pourtant compliqué de savoir quel serait le champ retenu : les reconstructions devraient-elles se faire à l'identique ? Comment les collectivités assumeraient-elles un reste à charge important ?
La commission demande le retrait des amendements nos 10 rectifié et 15 rectifié, et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 11 rectifié et à tous ceux qui visent à remplacer l'expression de « mouvements populaires ». La commission reprend simplement le terme qui figure dans le code des assurances, sans connotation péjorative. Ne pas le retenir fragiliserait juridiquement la proposition de loi.
L'amendement n° 14 rectifié a pour objet l'élargissement du régime d'assurance aux cyberattaques. Le sujet est déjà traité en dehors de cette proposition de loi. Les collectivités n'ont pas de problème de prise en charge en la matière.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 11 rectifié et 14 rectifié.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - L'amendement n° 5 vise à exclure les contrats couvrant les locaux à usage d'habitation du champ de l'article 6. J'estime, à l'inverse, qu'il ne faut pas distinguer collectivités, particuliers et entreprises : le système de solidarité doit être le plus large possible pour fonctionner, comme avec le régime des « catastrophes naturelles » (CatNat). La surprime, qui devrait être modérée, permettra aux particuliers d'être pris en charge en cas d'émeutes et de mouvements populaires.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Je suis défavorable aux amendements nos 3 et 1.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 3 et 1.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Les amendements identiques nos 2, 6 et 12 visent à réaffecter la totalité de la surprime au fonds de gestion. Pourtant, comme pour le régime CatNat, la commission estime qu'une partie doit revenir aux assureurs.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 2, 6 et 12.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Les amendements nos 8 rectifié bis et 7 rectifié bis tendent à supprimer la possibilité de procéder à des allotissements distincts pour les différents contrats d'assurance des collectivités. Cette suppression rendrait le marché plus rigide alors que nous voulons que les assureurs trouvent un intérêt à répondre aux besoins.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 8 rectifié bis et 7 rectifié bis.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n° 13 rectifié.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 13 rectifié.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
TABLEAU DES AVIS
Contrôle budgétaire - La contractualisation à la performance dans l'enseignement supérieur - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sur la contractualisation à la performance dans les établissements d'enseignement supérieur.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - J'ai souhaité consacrer mon travail de contrôle budgétaire pour 2025 à l'évaluation des contrats d'objectifs, de moyens et de performance - les COMP. Ces contrats, conclus entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur pour 3 ans, ont été lancés en 2023 avec un petit nombre d'universités. Ils ont ensuite été étendus à l'ensemble des établissements en 2024 et 2025.
Avant de rentrer dans les détails de l'analyse des COMP, je voudrais profiter de ma présence aujourd'hui pour revenir sur les grandes dynamiques du financement de l'enseignement supérieur. L'enseignement supérieur public représente aujourd'hui environ 15 milliards d'euros. Depuis l'autonomie accordée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités en 2007, les établissements d'enseignement supérieur ont vu à la fois leurs ressources et leurs charges croître considérablement, dans un contexte de massification de l'accès aux études supérieures.
En 2024, le ministère a versé aux établissements d'enseignement supérieur 14,19 milliards d'euros de subventions pour charges de service public (SCSP). Cela représente 2,47 milliards d'euros de plus que dix ans plus tôt, soit une hausse de 21 %.
Rapportée à l'inflation, la croissance du total des SCSP est plus limitée : + 2 % seulement entre 2014 et 2024. En outre, les moyens doivent être rapportés aux évolutions démographiques. Au cours des dix dernières années scolaires, les effectifs étudiants dans l'enseignement supérieur ont augmenté de 15 % !
En conséquence, les dépenses des établissements d'enseignement supérieur ont davantage augmenté que leurs ressources sur la période 2018-2024 : + 23 % pour les recettes contre + 29 % pour les dépenses. Les dépenses de personnel représentent de très loin le premier poste de dépense dans l'enseignement supérieur, aux alentours de 77 % en moyenne au cours des dernières années.
Les ressources propres des établissements sont loin d'avoir augmenté dans les mêmes proportions que les ressources publiques. Contrairement à une idée reçue, les droits d'inscription demeurent extrêmement résiduels dans les ressources des établissements d'enseignement supérieur. En 2024, ils ne représentaient ainsi que 2 % du total des recettes.
La faiblesse des ressources propres ne peut être satisfaisante dans le contexte de croissance continue des dépenses des établissements, et contribue à entériner leur dépendance à une croissance continue de la SCSP. Or, les recettes propres des universités sont limitées par le maintien de droits d'inscription identiques pour tous les étudiants.
La mise en place de droits d'inscription progressifs, longtemps taboue dans l'enseignement supérieur, va dans le sens de plus de justice sociale. Elle permet aux étudiants disposant de davantage de moyens de contribuer plus largement au fonctionnement de leur établissement, tout en diminuant le poids de leur scolarité pour les étudiants les moins favorisés. Je réitère donc mon appel, déjà formulé pendant le dernier PLF, à engager un débat sur la progressivité des droits d'inscription.
Une fois ces éléments généraux présentés, j'en viens au sujet des contrats d'objectifs, de moyens et de performance - les COMP.
Ces contrats étaient présentés comme l'un des piliers de la refonte du fonctionnement de l'enseignement supérieur. Leur objectif, très ambitieux, était d'introduire un pilotage à la performance dans l'enseignement supérieur. Lors de la conclusion du contrat, les établissements reçoivent des financements spécifiques, en échange de la réalisation d'actions spécifiques. Ces actions portent sur des objectifs nationaux ainsi que sur les priorités stratégiques des établissements.
L'intention de départ de ces COMP me semble donc très louable. Ils constituent sans nul doute un progrès dans les relations entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur. Mais comme bien souvent quand il s'agit d'enseignement supérieur, l'écart entre les ambitions et les réalisations est significatif. Le contenu des contrats est tout d'abord très hétérogène. Chacun est organisé autour de six objectifs, dont cinq nationaux, qui sont ensuite déclinés par chaque établissement en actions spécifiques, assorties d'indicateurs.
Malgré l'existence d'un cadre national, les établissements ont inscrit dans les contrats des actions très diverses, parfois très structurantes pour les établissements, parfois aussi tout à fait anecdotiques. L'inscription des actions dans un modèle économique plus large est fréquemment inexistante : leur coût n'est quasiment jamais évoqué dans les contrats, leur impact sur la performance de l'établissement encore moins. Quant aux cibles, il est fréquent qu'elles ne fassent l'objet d'aucune justification concernant leur niveau ou leur méthode de calcul. Il ressort donc de l'analyse des contrats une impression générale de fixation arbitraire ou factice d'un grand nombre de cibles ou de jalons, d'autant plus que certains paraissent irréalisables en trois ans.
S'agissant des financements assortis aux COMP, ils sont d'un montant assez réduit : environ 110 millions d'euros par vague de contrats, soit 330 millions d'euros au total. L'essentiel de ces financements proviennent de redéploiements. Les financements COMP n'ont en effet pas vocation à couvrir l'intégralité des projets décrits dans le contrat, mais à assurer leur amorçage.
Le suivi de l'exécution des financements, tout comme celui des indicateurs, est extrêmement complexe. Comme sur la quasi-totalité des sujets dans l'enseignement supérieur, il n'existe pas de système d'information permettant les échanges entre les établissements, les rectorats et l'administration centrale. En conséquence, le suivi des 900 indicateurs s'effectue par l'envoi de documents électroniques au ministère, lequel n'est bien évidemment pas en capacité d'assurer une concaténation puis un suivi individuel de chacun des 900 indicateurs. Alors que nombre de projets des COMP ont trait à l'intelligence artificielle ou au déploiement de systèmes d'information, il est paradoxal que le suivi de ces contrats repose encore sur un système artisanal chronophage et inefficace.
L'innovation de rupture des COMP résidait dans la possibilité théorique pour le ministère de « reprendre » des financements en cas de non atteinte des objectifs chiffrés figurant dans les contrats. Au vu de ce que je viens de vous présenter, il est douteux que le ministère en ait réellement la possibilité, alors que rien n'a été concrètement anticipé pour la fin des contrats. Vous comprendrez à l'issue de ces quelques remarques mes réticences en l'état actuel des choses sur l'extension des COMP. Le ministre de l'enseignement supérieur a pourtant annoncé en avril dernier la prochaine génération de contrats, qui porteraient non pas sur 0,8 % de la SCSP, comme actuellement, mais sur l'intégralité de celle-ci.
D'une part, le calendrier, comme la méthode, peuvent surprendre. Alors que les précédentes vagues de COMP n'ont pas toutes été déployées, que le ministère n'a pas lancé d'évaluation des COMP, que les bilans intermédiaires de la vague 2 ne sont toujours pas prévus, il n'apparaissait pas nécessairement opportun de réformer intégralement le dispositif avant d'avoir disposé d'un retour sur ses modalités actuelles.
D'autre part, il est possible d'émettre des doutes sur le concept de « contractualisation sur l'ensemble de la SCSP ». La part libre d'emploi de la SCSP est le plus souvent réduite, les dépenses dites « contraintes » constituant l'essentiel des dépenses des établissements. Par conséquent, le ministère indique que les montants contractualisés ne pourront en réalité pas aller au-delà de 2 %, soit en définitive à peine plus qu'aujourd'hui. D'autre part, les COMP actuels ont déjà permis de contractualiser sur des projets financés par la SCSP, notamment en faisant évoluer le catalogue de formations des établissements.
En revanche, les prochains contrats seront l'occasion de tirer les leçons de certaines limites observées depuis 2023. Je formule dans mon rapport dix recommandations portant sur le contenu, la temporalité et le périmètre des prochains contrats.
Je voudrais conclure par une réflexion plus large. La refonte de l'allocation des moyens aux établissements d'enseignement supérieur était initialement présentée comme le pendant des COMP. En effet, le mode de calcul actuel est illisible. Depuis l'arrêt du dernier modèle d'allocation des moyens il y a dix ans, les universités mettent en avant l'opacité de leur dotation et le ministère ne sait plus ce qu'il finance. Le système actuel est en outre inéquitable, en ce qu'il conduit à fossiliser des divergences budgétaires entre établissements.
Il est regrettable que le ministère ait renoncé à court terme au chantier de l'allocation des moyens, sans lequel la contractualisation ne peut avoir de rôle transformant. Ce chantier, toujours repoussé, finira bien un jour par être mis en oeuvre, et le plus vite sera le mieux.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'ai connu le rapporteur plus enthousiaste lors de ses travaux passés. La synthèse de votre rapport, à commencer par son titre, est en ce sens évocateur, avec le sentiment que les engagements pris à l'égard de l'enseignement supérieur n'ont pas été tenus.
Le rapport souligne plusieurs éléments importants, dont l'augmentation significative de 15 % du nombre d'étudiants en dix ans. Néanmoins, le sujet préoccupant est la grande complexité organisationnelle portant pourtant sur un montant de dépenses relativement modeste. En effet, comment expliquer l'existence de 850 indicateurs ? Alors que ce nombre particulièrement élevé semble contreproductif, pourquoi le dialogue entre les universités et le ministère de tutelle ne permet-il pas d'amélioration sensible ?
M. Marc Laménie. - J'ai deux interrogations. D'une part, connait-on le nombre d'établissements concernés par les contrats d'objectifs, de moyens et de performances en métropole et en Outre-mer ? D'autres part, les dix recommandations soulignent le grand nombre d'organismes concernés par les COMP, parmi lesquels les collectivités territoriales ou encore la sous-direction des systèmes d'information et des études de statistiques (SIES). Aussi, connait-on le nombre d'équivalents temps plein mobilisés ?
M. Michel Canévet. - Tout d'abord, malgré leurs ambitions extrêmement fortes, les universités sont significativement limitées dans leur capacité à agir de façon efficiente au niveau budgétaire en raison de leur incapacité à emprunter. Dès lors, comment améliorer la situation des universités afin de garantir leur autonomie effective ? Par ailleurs, outre le sujet des moyens d'enseignement et du matériel associé, je souhaiterais évoquer la question de la vie étudiante et plus particulièrement des moyens alloués par les CROUS. Quelle est l'articulation entre les COMP, qui visent l'amélioration de la situation dans les établissements d'enseignement supérieur, et l'action menée au niveau des CROUS ? Cette dernière est en effet importante parce qu'elle affecte la façon dont les étudiants peuvent vivre effectivement sur le territoire de l'université.
M. Vincent Delahaye. - Je souhaite insister sur une idée évoquée par le rapporteur, à savoir la revalorisation des droits d'inscription. Je considère que les droits d'inscription sont globalement assez faibles dans notre pays et que leur revalorisation serait un moyen de redonner du potentiel d'action à nos universités.
Dans quelle proportion pensez-vous que ces frais pourraient être augmentés ? Cela devrait s'accompagner d'une revalorisation et d'un meilleur ciblage des bourses sur critères sociaux, afin de ne pas pénaliser les étudiants les moins favorisés.
M. Claude Raynal, président. - Je trouve qu'on déduit de votre rapport que ces contrats seront difficilement améliorables. Avec les neuf pistes d'amélioration que vous envisagez, on a presque envie de se poser la question : le plus simple ne serait-il pas de les supprimer ? On a un peu le sentiment qu'on fait des contrats par principe.
D'autre part, au point 9, vous dites qu'il faut articuler davantage ces objectifs, plus exactement ces contrats, avec les évaluations du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCÉRES). Or, j'avais compris que le Sénat avait voté pour la suppression du HCÉRES, et d'ailleurs l'Assemblée nationale aussi. Partagez-vous cette ligne ou pensez-vous qu'il faille conserver le HCÉRES ?
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur. - Le problème est de mon point de vue structurel. La loi sur l'autonomie des universités, dite loi LRU, n'a pas été accompagnée de l'obligation, pour ces universités devenues autonomes, de rendre compte à la tutelle d'un certain nombre d'indicateurs. Cette défaillance, combinée au fait qu'il n'y a absolument pas d'interopérabilité entre les systèmes d'information de nos universités et le ministère, a abouti à une usine à gaz. Quelques années plus tard, on ne peut malheureusement que constater le résultat : on se trouve dans un avion où il y a un cockpit, un pilote, mais il n'y a pas de cadran, pas d'indicateur et de moins en moins de carburant dans le réservoir. Je pense donc que l'atterrissage va être difficile, d'autant qu'on augmente le nombre de passagers de façon assez arithmétique.
Je crains qu'on ait un problème systémique au bout du bout du voyage si on ne prend pas des mesures d'ordre structurel. Au fil de mes investigations dans ce domaine, c'est l'impression que j'ai : personne ne dispose d'une vision d'ensemble, y compris s'agissant des financements, puisqu'on trouve des financements via France 2030, via les dotations de l'État et d'autres financements par d'autres vecteurs. Il y a des chiffres qu'on ne peut pas obtenir parce que je pense que, très honnêtement, ils ne les ont pas. C'est tout de même inquiétant.
Monsieur le Président, un mot pour vous préciser que le Sénat n'a pas voté la suppression du HCÉRES. L'Assemblée nationale avait voté un amendement en ce sens, mais ce texte n'a pas encore été définitivement adopté. Donc, à date, il existe toujours et j'ai d'ailleurs reçu sa présidente dans le cadre des auditions.
La problématique n'est pas tant le travail de ce Haut conseil que la temporalité de la conduite de ses travaux de contrôle, par rapport à l'arrivée des nouvelles mandatures à la tête de la gouvernance des universités. Les calendriers ne se recouvrent pas et cela complexifie le paysage.
S'agissant des montants globaux : ils s'élèvent à 110 millions d'euros par vague d'établissements, soit un total de 330 millions d'euros. Ainsi, cela représente environ 300 000 euros pour les plus petites universités, et jusqu'à 4 ou 5 millions pour les plus grandes.
Michel Canévet, sur les moyens dédiés par les CROUS : la vie étudiante représente 3,2 milliards d'euros. C'est au sein de la vie étudiante que le problème des CROUS est géré. La question de l'articulation des objectifs des CROUS avec ces contrats d'objectifs, de moyens et de performance est intéressante. Il y a bien un axe « vie étudiante » dans ces contrats d'objectifs, de moyens et de performance mais sans coordination avec les CROUS.
La progressivité des droits d'inscription a été évoquée. Je pense qu'il serait plus simple de se caler sur un système qui fonctionne bien, qui va dans le sens d'une plus grande justice sociale pour nos étudiants, qui est le système en vigueur dans les instituts d'études politiques. Ce système est beaucoup plus progressif et redistributif au profit des étudiants et des établissements. Comme cela a été rappelé, nos droits d'inscription n'ont aucun sens en France. À l'échelle du monde, c'est même presque contre-productif, au regard de la qualité de l'enseignement qui est dispensé dans certains établissements. Sur la question de la réforme des bourses, le deuxième axe de cette réforme doit être traité normalement à l'automne 2025. L'idée est d'être plus progressif dans le mode d'allocation des bourses et d'avoir moins d'effets de seuil, parfois brutaux.
Mme Nathalie Goulet - J'espère que nous aurons quelques réponses avant la discussion budgétaire car il s'agit d'un sujet important. Si on ne nous fournit pas les chiffres, nous rencontrerons encore une difficulté au moment du débat.
La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
Contrôle budgétaire - Le remplacement des enseignants - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sur le remplacement des enseignants.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. -Le sujet du remplacement des personnels enseignants est une question sur laquelle je suis très régulièrement interpellé, comme vous certainement, chers collègues. Il s'agit d'une source d'inquiétude importante pour les familles, qui considèrent à raison que le droit à bénéficier d'une éducation complète à l'école est essentiel pour leurs enfants. Cette problématique représente par ailleurs un coût élevé pour le ministère de l'éducation nationale, autant de raisons pour lesquelles j'ai souhaité conduire un contrôle budgétaire sur ce sujet.
Le premier constat que je dresse est le suivant : les absences des enseignants sont en hausse ces dernières années. Le nombre de demi-journées d'absence a augmenté de 17,4 % dans le premier degré. Dans le second degré, une distinction est opérée entre les absences d'une durée supérieure à 15 jours, et les autres absences, dites de courte durée. La hausse du nombre de journées d'absence de longue durée est de 16 %. En plus, près de 12 millions d'heures d'absence de courte durée dans le second degré ont été comptabilisées entre 2023 et 2024.
Les absences des enseignants sont largement expliquées par des raisons de santé : 41,5 % des absences du premier degré et 61,2 % des absences du second degré sont dues à des congés de maladie ordinaire. Les congés de maternité représentent 9,4 % des absences dans le premier degré et 7,5 % des absences dans le second degré.
Une telle évolution est très frappante et appelle à des investigations. Plusieurs facteurs peuvent ainsi expliquer l'augmentation du nombre d'absences des enseignants.
D'une part, elle s'inscrit dans un contexte global d'augmentation des absences des salariés et des fonctionnaires. Les enseignants sont globalement moins absents que les autres salariés. En effet, le taux moyen d'absence pour raison de santé des autres salariés de la fonction publique s'élève en 2023 à 5,3 % contre 4,2 % pour les enseignants. De même, le taux moyen d'absence des enseignants est moins élevé de 13 % que celui des salariés du secteur privé. Pour autant, le nombre d'absences pour raison de santé a augmenté de 39 % dans le public et de 25 % dans le privé depuis 2018. Cette augmentation globale des absences pour raisons de santé des travailleurs français est difficile à expliquer. Peut-être témoigne-t-elle à la fois de conditions de travail dégradées, d'une évolution des aspirations des salariés, ou encore d'un sentiment croissant de déclassement du travail.
Dans le cas plus spécifique des enseignants, il est en tout cas probable que leurs conditions de travail se soient dégradées ces dernières années. Le baromètre du bien-être au travail de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale témoigne d'une satisfaction au travail inférieure de près de 2 points chez les enseignants par rapport au reste de la population française. Dans le premier degré en particulier, la problématique des élèves hautement perturbateurs est extrêmement prégnante et témoigne de la difficulté des enseignants à gérer des élèves particuliers.
Quoi qu'il en soit, la hausse des absences des enseignants est source de difficultés croissantes en termes de remplacement.
Dans le premier degré, le remplacement des enseignants est géré par l'inspecteur d'académie au niveau départemental, qui peut affecter un remplaçant dès la première demi-journée d'absence. Chaque direction des services départementaux de l'éducation nationale (DSDEN) dispose de brigades de remplacement, qu'elle affecte à des zones de remplacement définies.
Dans le second degré, les absences d'une durée inférieure à 15 jours relèvent du chef d'établissement, qui utilise les heures supplémentaires d'enseignement et le Pacte enseignant pour rémunérer les enseignants acceptant de remplacer un collègue. Dans le cas des absences d'une durée supérieure à 15 jours, c'est le rectorat qui se charge de l'affectation d'un remplaçant, via un vivier d'enseignants remplaçants.
Le taux d'efficacité du remplacement s'élève en 2024 à 78,3 % dans le premier degré et à 94,8 % dans le second degré pour les absences de longue durée. Mais ce sont près de 90 % des absences de courte durée qui ne sont pas remplacées au collège et au lycée.
Le nombre d'absences non remplacées a fortement augmenté en valeur absolue depuis l'année scolaire 2018-2019, de 49 % dans le premier degré et de 93,2 % dans le second degré.
Les départements ruraux en particulier rencontrent des difficultés de remplacement dans le premier degré, au vu des grandes distances à parcourir pour les enseignants remplaçants et de la perte d'attractivité de ces territoires. Ainsi, par exemple, le taux d'efficacité du remplacement du premier degré n'est que de 65,9 % dans l'Orne ou de 67,9 % dans la Creuse. Le remplacement est également particulièrement difficile pour certaines disciplines du second degré, en lycée professionnel notamment et en lettres classiques.
Une telle situation n'est pas acceptable pour les élèves français. Ainsi, sur l'année scolaire 2023-2024, une classe perd en moyenne 4,3 % d'heures d'enseignement. Pour les classes du second degré, cette proportion s'élève même à 7,4 % d'heures de cours perdues. En supposant que le taux d'absences non remplacées est identique chaque année, donnée non disponible à ce stade, j'en déduis qu'un élève perdrait en moyenne 4,6 % de sa scolarité en raison du non remplacement des enseignants.
Si ce chiffre est à considérer avec précaution, il donne une idée de l'ampleur de la problématique du non remplacement des enseignants pour la scolarité de nos enfants. Les parents d'élèves expriment d'ailleurs régulièrement cette inquiétude. Ces dernières années, ils sont nombreux à avoir attaqué le ministère de l'éducation nationale pour manquement à la continuité du service public. La justice administrative leur a donné raison à de nombreuses reprises. Une telle situation n'est pas acceptable et appelle à une amélioration significative de la gestion du remplacement des enseignants.
J'en viens maintenant aux questions de financement. Le remplacement des enseignants représente un coût budgétaire élevé, de près de 4 milliards d'euros dans les documents budgétaires, dont 1,7 milliard d'euros dans le premier degré et 2,3 milliards d'euros dans le second degré. Si les moyens dédiés au remplacement ont augmenté d'un tiers entre 2017 et 2025, cette hausse est pour partie due aux revalorisations salariales de l'ensemble des enseignants opérées en 2022 et en 2023. Les dépenses liées au remplacement représentent ainsi entre 4,5 % et 4,7 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire » depuis 2017.
Ce coût budgétaire est toutefois largement sous-estimé.
D'une part, il ne prend pas en compte le coût du remplacement de courte durée. Or depuis la mise en oeuvre du Pacte enseignant à la rentrée 2023, ce coût a été multiplié par 5,5 et s'élève à près de 130 millions d'euros.
Par ailleurs, les enseignants absents fonctionnaires en congés de maladie sont également rémunérés par le ministère de l'éducation nationale. Suivant une méthode utilisée par l'inspection générale des finances, ce coût s'élèverait à 1,6 milliard d'euros pour le ministère de l'éducation nationale. Au total, le remplacement des enseignants absents représenterait ainsi un coût de 5,4 milliards d'euros.
Pour autant, le potentiel net de remplacement, c'est-à-dire la proportion d'enseignants véritablement disponibles pour des missions de remplacement et faisant partie des effectifs permanents du ministère de l'éducation nationale, est stable dans le premier et le second degré depuis la rentrée 2018, représentant 10,9 % des effectifs dans le premier degré et 2,2 % des effectifs dans le second degré. Un nombre croissant de contractuels avec des contrats de courte durée est recruté, pour pallier les besoins du ministère en termes de remplacement. Une telle situation n'est pas viable à long terme : en effet, il est très difficile de recruter suffisamment rapidement des contractuels pour pallier une absence dans une classe. Par ailleurs, il s'agit généralement d'enseignants moins formés et moins expérimentés, ce qui n'est pas favorable à la qualité de l'apprentissage des élèves.
J'en viens aux conditions salariales des enseignants remplaçants. Lorsqu'ils sont titulaires, ceux-ci perçoivent une indemnité de sujétions spéciales de remplacement (ISSR), proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus pour se rendre dans l'établissement où le remplacement est nécessaire. Elle est relativement conséquente : un enseignant parcourant entre 30 et 39 kilomètres par jour percevra 617 euros par mois, soit 18,5 % du salaire moyen brut d'un enseignant. Le versement de cette indemnité intervient toutefois souvent avec retard. Par ailleurs, les contractuels n'y ont pas droit, limitant de fait l'attractivité de la mission d'enseignants remplaçants.
Au vu de ces constats assez frappants, chers collègues, je souhaite faire un certain nombre de propositions. Mes recommandations sont au nombre de 10 et vous ont été distribuées. Sans les détailler toutes, je voulais en évoquer certaines particulièrement.
D'une part, j'estime qu'il serait possible de limiter les absences des enseignants.
En particulier, près de 4 % des absences du premier degré sont liées à un concours ou à une formation. Cette proportion s'élève à 18 % des heures d'absence de courte durée dans le second degré. La création de journées banalisées dans chaque établissement, décidées en amont et dédiées à la formation des enseignants, permettrait d'anticiper les absences à venir des enseignants et de consacrer ces journées à des contrôles ou à des examens blancs pour les élèves, par exemple, sous la surveillance des assistants d'éducation.
Je veux évoquer également la question du temps partiel thérapeutique, qui a été évoquée par tous les interlocuteurs que j'ai pu rencontrer. Depuis une ordonnance datée de 2021, ces temps partiels sont rémunérés à 100 % du traitement du fonctionnaire. Or le nombre de temps partiels thérapeutiques a été multiplié par 2,5 depuis 2018, illustrant l'effet d'aubaine qu'a représenté cette législation. Pour autant, un enseignant présent seulement 60 % du temps réel est compté comme un temps plein dans le budget de l'éducation nationale, créant de vraies difficultés pour le remplacement. Je pense qu'il serait opportun d'aligner la rémunération des temps partiels thérapeutiques sur celle des congés maladie, soit à hauteur de 90 % de la rémunération des fonctionnaires.
D'autre part, j'estime qu'il serait possible d'optimiser la gestion du remplacement. Ma première recommandation en ce sens est d'augmenter le vivier d'enseignants remplaçants, afin de dégager des marges de manoeuvre au ministère. La baisse démographique annoncée pourrait être utilisée partiellement pour constituer des viviers plus importants.
J'aurais d'autres recommandations pour rationaliser l'organisation du remplacement, notamment la fixation d'objectifs individualisés de remplacement aux recteurs, aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) et même aux chefs d'établissement.
J'en viens à mon dernier point. Je pense qu'il est important de revaloriser la mission d'enseignement remplaçant, dont les spécificités sont trop peu prises en compte par l'éducation nationale. En particulier, je recommanderais d'attribuer des points spécifiques aux enseignants remplaçants dans le barème utilisé par le ministère pour les mouvements de mutation du corps enseignant. Cette suggestion, sans coût budgétaire, permettrait de favoriser l'engagement des enseignants remplaçants. Enfin, je souhaiterais que le rôle des enseignants du premier degré acceptant d'accueillir des élèves supplémentaires dans leur classe en cas d'absence d'un collègue soit davantage reconnu. À cette fin, utiliser l'enveloppe existante du Pacte enseignant, sans l'augmenter, pour rémunérer cette mission supplémentaire accomplie par les enseignants me parait une mesure de justice.
Je ne vais pas être plus long afin de pouvoir répondre à vos questions. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souscris aux recommandations du rapporteur, qui visent à corriger certaines imperfections ou insuffisances du dispositif.
Je me pose une question, qui n'est pas strictement une question de finances publiques : ces propositions sont-elles portées à la connaissance des partenaires sociaux et syndicaux qui ont à connaître et à décider de cette question ? Ce sujet revient régulièrement, notamment dans le premier degré : on entend les parents se plaindre d'absences trop longues.
J'ai été sensible à une remarque qui a été faite : les difficultés sont accrues lorsque les remplacements touchent des territoires ruraux. Pour les réductions de postes, normalement, les territoires les moins denses sont plus épargnés. Je pensais que c'était similaire pour les remplacements, mais je m'aperçois que cela n'est pas aussi évident que cela.
Pouvez-vous nous donner quelques éléments complémentaires ?
Mme Nathalie Goulet. -Merci pour ce rapport qui mentionne notamment la situation de l'Orne que je connais bien effectivement.
J'ai une question à poser qui n'est pas directement liée au rapport, mais qui me semble pertinente. Aux États-Unis, par exemple, les parents assurent très régulièrement des remplacements. En France, cela semble extrêmement compliqué. Nous avons des parents, que ce soit pour le français, les mathématiques, etc., qui ont des métiers qui permettraient d'assurer un remplacement pour une durée courte. Est-ce que les procédures administratives, souvent kafkaïennes, permettraient ce type de solution temporaire ?
M. Michel Canévet. -Je note avec satisfaction que le taux moyen d'absence des enseignants reste moins élevé que celui des salariés du secteur privé, ce qui est une très bonne chose. Néanmoins, il faut toujours chercher à améliorer les situations.
Je voulais d'abord demander au rapporteur spécial, puisque nous avons un système pluraliste de formation d'enseignement sur notre pays, s'il a connaissance d'éléments de comparaison par rapport à d'autres réseaux d'enseignement. La situation dans l'enseignement public est-elle meilleure que dans les autres réseaux d'enseignement qui existent sur notre territoire ?
Ensuite, je voudrais lui poser une question relative aux brigades de remplacement dans le secteur primaire. En général, les enseignants qui y sont affectés sont rattachés à des établissements scolaires dans lesquels ils renforcent les effectifs, mais il me semble que tel n'est pas le cas pour le réseau secondaire. Y a-t-il toujours un certain nombre d'enseignants, notamment pendant le premier trimestre, qui restent à la maison parce qu'il n'y a pas de remplacement à assurer ? Ou alors, les enseignants sont-ils rattachés à un établissement et viennent-ils renforcer éventuellement les effectifs dans cet établissement ?
Et puis, de façon un peu prospective, il y aura une évolution considérable puisque, en 2023, nous avons une baisse de la natalité extrêmement forte dans notre pays, accentuée encore en 2024. Cela va se traduire dès l'année prochain, à la rentrée en maternelle, par des évolutions d'effectifs. Comment le rapporteur voit-il les choses à cet égard ?
M. Pascal Savoldelli. - Je me réjouis de la qualité et de la façon dont sont traitées toutes les situations dans ce document.
Dans le département du Val-de-Marne, on compte 2,5 % de classes sans enseignants, ce qui représente 150 classes. Pour la rentrée scolaire, nous arrivons à obtenir une trentaine de postes. Cela illustre le paradoxe que vous expliquez dans votre rapport : des classes sans enseignants, des postes disponibles, mais répartis de manière compliquée.
Je voulais souligner l'intérêt du dédoublement des classes, qui concerne seulement un quart des écoles en REP dans un département comme le Val-de-Marne. Les trois quarts restants n'ont pas mis en place ces groupes, alors que cet accompagnement est intéressant, notamment pour les enfants les plus en difficulté.
Je voudrais formuler deux suggestions, bien qu'elles ne soient peut-être pas à leur place dans le rapport. Il me semble qu'il faudrait examiner l'accompagnement en termes de santé, et notamment la santé mentale. Depuis 15 ou 20 ans, il n'y a plus de prévention. Les professionnels de santé ont une liste d'enfants à accompagner et ne peuvent plus en prendre en charge de nouveaux. Il n'y a plus de travail en amont.
Enfin, j'aurais souhaité que les recommandations insistent sur la carte scolaire. On a un problème à ce sujet depuis 10 ans, comme en témoigne l'audition pour suite à donner à l'enquête conduite par la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire avec notamment le recteur de l'Académie de Créteil. On pourrait au moins comprendre pourquoi il y a un gel de la carte scolaire.
Et évidemment, cela a des conséquences sur la clé de répartition, sur les zonages et sur la façon dont est organisée l'école. Parfois, dans une même ville, voire même dans un même quartier pour les zones les plus denses, on constate un découpage qui est, à mes yeux, difficilement compréhensible. J'aurais souhaité que l'on réfléchisse à une carte scolaire en concertation avec l'ensemble du corps enseignant, qui tient compte des niveaux différents, et qui soit élaborée en lien avec les collectivités territoriales, compte tenu de leurs responsabilités.
M. Victorin Lurel. - J'ai une question sur la recommandation numéro 7, concernant le temps partiel thérapeutique. Est-ce que cette dernière est applicable et n'est-elle pas susceptible de susciter une résistance au sein des syndicats ?
Quel est aujourd'hui le régime du temps partiel thérapeutique qui serait payé à 90 % si cette recommandation devait être reprise ?
Quelle est la durée pendant laquelle les enseignants sont payés à 100 % actuellement ? Est-ce qu'il s'agit d'un seul jour ou est-ce que cela peut aller jusqu'à 3 mois comme dans certaines fonctions publiques ? Comment cela se ferait et quelles sont les résistances ? Pouvez-vous me fournir des chiffres et des informations sur le régime actuel et celui que vous proposez, ainsi que sur le coût ?
M. Marc Laménie. - J'ai une ou deux interrogations, car le rapporteur a rappelé le coût important du remplacement des enseignants - plus de 4 milliards d'euros.
Le métier d'enseignant est un métier de plus en plus difficile et localement, comme l'a rappelé le rapporteur, ces derniers ne sont pas remplacés.
Comment s'articule la gouvernance pour l'organisation de leurs remplacements ? Quel est le rôle des rectorats et quel est celui des directions des services départementaux de l'Éducation nationale ?
M. Thierry Cozic. - Je trouve que ce rapport est très éclairant sur la problématique du remplacement des enseignants, qui est une réalité que nous rencontrons dans nos territoires.
Je voudrais revenir sur une forme de contradiction, me semble-t-il, dans le rapport. Notamment sur la page 2, il est fait état d'un taux d'absence moyen des enseignants qui est moins élevé que dans le privé. Dans le même temps, la recommandation 7, que vient de soulever mon collègue Victorin Lurel, propose de diminuer la rémunération du temps partiel thérapeutique de 100 % à 90 % du traitement des fonctionnaires. Qu'est-ce qui justifie cet aspect ?
Cela créerait une différence avec le privé, puisqu'aujourd'hui le temps partiel thérapeutique est rémunéré au temps d'activité, complété par les indemnités de sécurité sociale, ce qui peut revenir à une rémunération à 100 %, sauf erreur de ma part.
Qu'est-ce qui justifierait, du point de vue du rapporteur, que la rémunération des enseignants en temps partiel thérapeutique soit diminuée à 90 % ?
M. Stéphane Sautarel. - Mes questions concernent deux recommandations.
La première concerne le redéploiement partiel des effectifs d'enseignants issus de la baisse démographique. Je pense que ce n'est pas nécessaire de le recommander puisque ce dernier est déjà largement engagé et est par ailleurs un problème.
Je veux compléter les remarques de mon collègue Pascal Savoldelli sur la question de la carte scolaire, plus spécifiquement des ouvertures et des fermetures de classes, dont la temporalité n'est plus adaptée et qui doit être réfléchie au-delà d'une année.
Il faudrait donc que, sur la question des remplacements, une réponse pluriannuelle soit adoptée, à l'instar de la carte scolaire. Je voulais avoir votre opinion sur ce point.
Je ne partage pas la recommandation numéro 4, qui propose d'affecter des conseillers pédagogiques spécifiquement à la mission de remplacement. Ce dont nous souffrons aujourd'hui, c'est de l'absence d'enseignants, de personnel pédagogique devant élèves, alors qu'on pourrait justement supprimer du personnel pédagogique qui n'est pas devant élèves.
Mme Christine Lavarde. - Il me semble avoir compris, mais je ne sais pas si la règle est la même dans l'enseignement libre et dans l'enseignement public, que certains préfèrent ne pas passer le concours et rester contractuels. De cette façon, ils ont la capacité de refuser des affectations et, dans la pratique, comme il y a toujours des remplacements à effectuer, ils peuvent travailler près de chez eux en enchainant des remplacements. Au contraire, si jamais ils avaient passé le concours et étaient devenus enseignants en tant que tels, ils auraient eu une affectation qui n'est pas forcément proche de leur domicile et pourrait les contraindre.
Est-ce que cela est vrai ? Est-ce que c'est un constat qui est partagé et ce dernier explique-t-il en partie le manque d'attractivité du concours ? Car les chiffres d'admissibilité de ce concours sont sortis récemment et il y a déjà des académies pour lesquelles il y avait moins de candidats que de postes ouverts. Or, comme tous les candidats ne seront pas acceptés, il y aura nécessairement un poste ouvert sur deux qui ne sera pas pourvu.
Sur la question du personnel pédagogique qui n'est pas devant élèves, dans les établissements d'enseignement libre, la participation des familles permet de financer des postes pour accompagner notamment des élèves en situation particulière, et qui peuvent être déployés dès qu'un enseignant titulaire est malade. En conséquence, les enfants ont cours, quelle que soit la situation de leur enseignant principal ou titulaire.
Cela peut permettre d'avoir au moins une solution pour assurer la continuité de l'enseignement jusqu'à trouver un enseignant qui peut venir faire un remplacement.
M. Laurent Somon. - J'ai trois questions à poser.
La première concerne la différenciation territoriale, tant au niveau national qu'au niveau départemental, pour chacune des typologies rurales ou urbaines. Notamment, j'aimerais savoir si, selon la carte scolaire et la typologie des établissements, vous avez observé des remplacements qui sont plus ou moins bien faits, selon qu'il s'agisse, par exemple, pour les écoles rurales, d'un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), d'une école unique ou d'un regroupement pédagogique concentré (RPC). Par ailleurs, en ce qui concerne la recommandation 9, que je partage, il est sûrement plus facile de rémunérer les enseignants qui prennent des élèves supplémentaires issus d'un même établissement en RPC qu'en école RPI.
La deuxième question concerne les contractuels : quels sont leurs profils ? Il y a bien sûr ceux qui ont une formation pédagogique, mais y en a-t-il aussi qui ont des formations où ils n'ont pas suivi de cursus sur les méthodes d'enseignement ? Est-ce qu'on prend des étudiants d'université qui n'ont pas forcément appris à gérer des élèves et à transmettre la connaissance ?
Troisièmement, on est souvent interpellé par des demandes de mutations entre départements auxquelles les académies opposent généralement des refus du fait qu'il y a une concurrence entre elles eu égard au manque d'enseignants. Ne serait-il pas possible, dans le cadre de votre recommandation 4, de créer un vivier plus important qui permette des regroupements familiaux interdépartementaux pour que des enseignants puissent changer d'académie ?
Mme Isabelle Briquet. - Je rebondis sur les remarques de mon collègue Thierry Cozic concernant la recommandation 7 relative au mi-temps thérapeutique, qui nous chagrine beaucoup.
Personnellement, je ne la comprends pas. Je la trouve même contre-productive. Je crains fort que, sans son retrait, nous ne voterions favorablement à la publication de ce rapport.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Merci, chers collègues, pour l'ensemble des questions auxquelles je vais tenter de répondre.
La première question du rapporteur général était : ces dix recommandations circulent-elles dans le monde éducatif parmi les interlocuteurs que j'ai pu rencontrer pour élaborer ce rapport ? Dans neuf cas sur dix, oui. La seule qui est issue de ma réflexion personnelle et non pas des échanges que j'ai pu avoir, c'est la recommandation numéro neuf, à savoir apporter une prime aux enseignants du primaire qui reçoivent des enfants lorsque leurs collègues sont absents, ce qui engendre du travail supplémentaire, sans avoir une reconnaissance, notamment financière, suffisante. Ce serait relativement facile à mettre en oeuvre via le pacte enseignant.
Toutes les autres recommandations sont issues de discussions, d'échanges, et notamment, je reviendrai sur la problématique du temps partiel thérapeutique, parce que je vais vous avouer très franchement que c'est celle que j'ai vraiment découverte. Étant moi-même issu de l'éducation nationale, je connais parfaitement la problématique du remplacement. Mais je n'avais pas pris conscience que, depuis la mise en place en 2021 du nouveau système du mi-temps thérapeutique, il y avait eu une évolution et tous mes interlocuteurs ont souligné que cela aggravait la gestion de la problématique du remplacement. J'y reviendrai.
Autre exemple, après avoir rencontré sept recteurs, la mise en place de journées banalisées pour limiter l'absence pour formation des enseignants, qui par ailleurs existe dans certaines académies, est un système que tout le monde appelle de ses voeux et relativement aisé à mettre en place. Il faudrait simplement le généraliser.
La deuxième question du rapporteur général concernait les territoires ruraux, et certains autres collègues en ont parlé. Oui, il y a une vraie spécificité et difficulté des territoires ruraux dans le remplacement, comme dans les territoires ultramarins. Nous pouvons parler aussi de la Corse, par exemple, où il y a un absentéisme plus important, et dont l'explication est liée au maillage médical. Pour rencontrer certains spécialistes qui ne sont pas présents en Corse, il faut se rendre à Nice ou à Marseille et s'absenter toute une journée. Lorsque l'on se trouve en milieu rural, il est difficile, que ce soit dans le premier ou dans le second degré, de trouver des remplaçants soit parce qu'ils n'ont pas de véhicule ou de logement sur place. Des solutions peuvent être mises en place avec les collectivités ou avec les établissements qui sont en mesure d'offrir des chambres ou des logements pour accueillir momentanément les remplaçants. Mais plus on est éloigné, plus on est dans la ruralité, plus on est en zone ultramarine, plus c'est compliqué. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de problématique de remplacement dans les zones urbaines et notamment dans les académies franciliennes.
Nathalie Goulet a parlé de l'exemple américain où les parents assurent des remplacements. En France, cela peut exister dans l'enseignement privé, mais le système est assez complexe. Lorsqu'on veut être remplaçant, soit on est titulaire, soit on est contractuel dans le public ou maître délégué dans le privé. Dans tous les cas, il faut avoir l'autorisation d'enseigner. Dans l'enseignement privé, on trouve parfois, mais c'est rare, des parents d'élèves qui vont assumer des missions de remplacement et qui font l'objet d'un contrôle des inspecteurs. Ce ne sont pas des conseillers pédagogiques mais des inspecteurs de circonscription qui vont évaluer le futur remplaçant.
Par ailleurs, dans l'enseignement privé, les établissements ont dans leur vivier un listing avec des maîtres délégués mobilisables qui ont déjà fait leurs preuves.
Michel Canévet a également abordé la problématique du secteur privé qui se trouve dans une situation distincte de celle du public, puisque le remplacement y est moins problématique. Cela s'explique notamment par la capacité du privé à constituer un vivier de remplaçants, par sa réactivité, et par des absences un peu moins importantes chez les enseignants, peut-être en raison d'une population d'élèves socialement plus favorisée.
Concernant la question très précise des brigades et TZR (titulaires sur zone de remplacement), dans le premier degré, il existe des brigades qui sont attachées à un établissement proprement dit. Elles peuvent ainsi effectuer des remplacements et, lorsqu'elles ne sont pas en mission, elles retournent dans leur école pour y travailler. Il en va de même pour le second degré, avec des TZR qui ont un établissement de rattachement.
Concernant la baisse de la démographie, il est évident que cette baisse devrait permettre, et c'est un choix actuel du ministère depuis un ou deux ans, d'affecter de nouveaux enseignants dans le vivier des remplaçants. Cela me semble une bonne chose pour retrouver un peu de marge que nous avons perdue.
Pascal Savoldelli a évoqué de nombreux sujets, notamment les dédoublements de classes. Ces derniers ont mobilisé 16 000 enseignants, dont des remplaçants. Il y a donc un effet des dédoublements de classes sur la raréfaction des remplaçants.
Sur le problème de la santé, et pas seulement de la santé mentale, qui a été évoqué à juste titre par Pascal Savoldelli, nous n'avons pas assez de personnel de santé dans les établissements scolaires, qu'il s'agisse de médecins ou d'infirmiers scolaires.
En ce qui concerne la carte de l'éducation prioritaire qui a été évoquée par Pascal Savoldelli, mais aussi par Stéphane Sautarel, la ministre a lancé une mission d'inspection pour étudier sa refonte. Cependant, cette décision avait déjà été prise par M\. Blanquer, mais elle n'avait pas abouti. Alors que la carte de l'éducation prioritaire doit être revue tous les 4 ans, cela fait plus de 10 ans qu'elle n'a pas été revue.
Victorin Lurel, Thierry Cozic et Isabelle Briquet se sont émus de la recommandation sur le temps partiel thérapeutique. J'imagine qu'il y aura des réticences syndicales, mais j'ai fait cette recommandation parce que tous les acteurs du monde du remplacement la font. L'ordonnance qui prévoit la rémunération à 100 % du traitement du fonctionnaire en temps partiel thérapeutique date de l'année 2021. Depuis, le nombre de temps partiels thérapeutiques a été multiplié par 2,5, ce qui rend très compliqué l'organisation des remplacements. À l'origine, les temps partiels thérapeutiques ont été mis en place pour les personnels de bureaux. Lorsque quelqu'un ne travaille que 70 % de son temps dans un bureau, les 30 % restants sont assez faciles à répartir. C'est totalement impossible pour un professeur.
Les premières personnes à solliciter une réduction de la rémunération des enseignants remplaçants, en la passant de 100 % à 90 % de la rémunération, sont celles qui organisent le remplacement pour lesquelles cela s'avère très compliqué.
Pour répondre plus précisément à la question de Thierry Cozic, si le temps partiel thérapeutique était la solution, alors il y aurait moins d'absence. Or, le nombre d'absences augmente de façon continue.
Certes, c'est le corps médical qui détermine la mise en place du temps partiel thérapeutique, et sa recommandation est suivie à 100 %, parfois de façon un peu caricaturale puisqu'il peut, par exemple, indiquer que le mi-temps aura lieu le lundi et le mardi et qu'il ne sera pas possible le mercredi et le jeudi, une rigidité qui désorganise complètement les remplacements.
Marc Laménie évoquait l'articulation entre le rectorat et la DSDEN (direction des services départementaux de l'éducation nationale). Normalement, le rectorat s'occupe du second degré, tandis que pour le premier degré, c'est le département et plus précisément les circonscriptions territoriales qui s'en chargent. Ma recommandation est de fédérer les circonscriptions territoriales et de pouvoir, comme cela se fait dans certains départements, gérer le remplacement au niveau du département. Le meilleur exemple est la Côte d'Or, qui est dotée d'un système permettant de répondre de façon très rapide aux besoins de remplacements dans le département. La problématique des circonscriptions territoriales, ce sont les effets de frontières. Parfois, le remplaçant habite loin de l'endroit où il devrait aller remplacer, alors qu'il se situe à côté de la circonscription voisine, le conduisant à refuser un remplacement alors qu'on pourrait très facilement l'affecter pour un autre remplacement dans un établissement qui se trouve près de chez lui. La meilleure solution est donc de mettre en oeuvre une gestion départementale. C'est une de mes recommandations, qui est d'ailleurs partagée par la grande majorité des inspecteurs de circonscription, des DASEN et des recteurs.
Stéphane Sautarel, je pense que vous n'avez pas exactement compris ma recommandation numéro 4. Celle-ci ne propose pas de créer des conseillers pédagogiques spécifiquement pour le remplacement. Aujourd'hui, il existe des conseillers pédagogiques qui prennent en charge certains remplaçants dans des territoires. C'est plus qu'une nécessité, car dans la formation initiale des enseignants, il n'existe pas de module pour assurer des missions de remplacement, alors qu'il s'agit d'un métier très particulier. C'est pourquoi dans certains territoires, des DASEN ont demandé à des conseillers pédagogiques de se spécialiser dans la formation des remplaçants. Il s'agit du meilleur moyen pour assurer la présence de personnes efficaces devant les élèves. Nous n'allons pas multiplier le nombre de conseillers pédagogiques qui sont spécialisés dans le remplacement puisque les postes existent déjà mais actuellement, ils assurent en général plusieurs missions. L'idée est que certains conseillers pédagogiques pourraient assumer, de manière temporaire et supplémentaire, la mission de formation des futurs remplaçants, notamment à destination des contractuels, mais aussi des enseignants titulaires, tant que nous n'aurons pas mis en place de formation spécifique au remplacement.
Christine Lavarde, c'est une réalité, certains enseignants préfèrent ne pas passer le concours pour être plus « libres » de leur choix d'affectation.
Laurent Somon, pourriez-vous repréciser votre dernière question ?
M. Laurent Somon. - La départementalisation permettrait d'élargir le vivier de remplacement, autorisant ainsi des mutations entre départements souvent refusées en raison de la concurrence et du manque d'enseignants d'un département à un autre. En effet, les académies refusent parfois de laisser partir des enseignants, alors que d'autres académies les accepteraient volontiers, notamment pour des raisons de rapprochement familial.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Dans ce cas, il ne s'agit pas d'une question entre départements, mais entre académies. C'est un autre sujet, mais il est vrai que c'est un irritant qui, parfois, aboutit à faire démissionner certains enseignants. Il faudrait introduire de la souplesse à ce niveau. Je suis tout à fait d'accord, toutefois ce n'est pas l'objet de ce rapport.
M. Claude Raynal, président. - Souhaitez-vous maintenir la recommandation n° 9 ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - S'agissant de la recommandation n°9, je la maintiens. Elle n'est pas appelée par les syndicats. Néanmoins, elle est défendue par les enseignants.
M. Claude Raynal, président. - Chers collègues, souhaitez-vous adopter les recommandations du rapporteur spécial ?
M. Pascal Savoldelli. - Je ne suis pas favorable à la recommandation n° 7. En effet, il est proposé de modifier l'article L. 823-4 du code général de la fonction publique. Or, il s'agit d'une disposition relative aux droits et obligations pour l'ensemble des fonctionnaires, de ce fait elle concerne les trois fonctions publiques : État, territoriale et hospitalière. Je partage les réserves de mes collègues. Nous ne voterons le rapport qu'en l'absence de cette recommandation.
M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur spécial, souhaitez-vous la supprimer ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - J'accepte de la retrancher de mes recommandations. Toutefois, je souhaite maintenir dans le rapport la mention de cette problématique, car c'est un point soulevé de façon unanime.
La commission a adopté les recommandations ainsi modifiées du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est close à 11 h 15.