Mercredi 18 juin 2025

- Présidence de Mme Micheline Jacques, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

La politique du handicap outre-mer - Audition de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles, chargée de l'Autonomie et du Handicap

Mme Micheline Jacques, présidente. - Pour conclure notre cycle d'auditions - entamé fin janvier - sur la politique du handicap outre-mer, nous auditionnons Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles, chargée de l'Autonomie et du Handicap.

Avec nos trois rapporteurs Audrey Bélim, Annick Petrus et Akli Mellouli, nous vous remercions, Madame la ministre, pour votre présence afin de faire le point ensemble à quelques jours de la présentation de ce rapport.

Vous le savez par le questionnaire qui vous a été transmis, nos questions sont nombreuses : elles portent sur la mise en oeuvre de la politique du handicap dans les outre-mer depuis la grande loi de 2005 mais aussi sur l'offre médico-sociale, l'accessibilité, le handisport, la participation et ou encore sur la situation des enfants...

Nous souhaiterions aussi vous entendre sur vos priorités pour les outre-mer.

Nous venons d'effectuer un déplacement en Guadeloupe, à Saint Martin et à Saint Barthélemy, nous y avons rencontré de très nombreux acteurs et parties prenantes : rectorat, Agence régionale de la santé (ARS), collectivités territoriales, chefs d'établissement, associations, éducateurs, professionnels médico-sociaux, parents, et naturellement personnes en situation de handicap. Vous connaissez les singularités de nos petits territoires ultramarins, ce qui supposent d'imaginer des dispositifs innovants et de revoir les critères habituels de financements ou de création de places. Merci, donc, de votre participation à nos travaux.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles, chargée de l'Autonomie et du Handicap. - Merci pour ce cycle de travail sur les enjeux du handicap outre-mer. Je suis très attachée aux territoires ultramarins, d'autant plus qu'étant native de la Guadeloupe, je sais l'importance d'utiliser le prisme ultramarin dans l'application de toutes nos politiques publiques, car nos territoires ont des particularités par l'insularité, l'éloignement de l'Hexagone, et bien d'autres spécificités propres à chaque territoire, qu'il faut prendre en compte. C'est pourquoi, dès ma nomination et déjà dans le précédent gouvernement, j'ai souhaité me déplacer dans nos territoires ultramarins - j'ai pu me rendre à La Réunion, à Mayotte, en Guadeloupe, en Martinique à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, je me rendrai prochainement en Guyane et je veux aller aussi à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour chacun de ces déplacements, j'ai eu à coeur de dialoguer avec les autorités locales sur la situation et les besoins spécifiques, de façon à ce que mon déplacement soit l'occasion de formaliser un partenariat entre l'État et la collectivité territoriale, puisque nos politiques dédiées au handicap sont copilotées État et département, ou la collectivité territoriale qui en porte la compétence.

L'engagement fort pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap en 2023 se déploie progressivement sur les territoires - et il faut prendre en compte le besoin particulier d'avancer dans nos territoires ultramarins, car l'offre médico-sociale et la réponse aux personnes en situation de handicap y sont encore en retard par rapport à l'Hexagone. Nos territoires ultramarins sont dans des situations très contrastées. À Mayotte et en Guyane, la démographie est croissante et la population très jeune, avec une prévalence du handicap au-dessus de la moyenne nationale ; aux Antilles, on observe un vieillissement fort de la population et des enjeux très marqués sur les personnes en situation de handicaps liés au vieillissement. Les chiffres ont de quoi nous préoccuper : 8 % des jeunes de 15 à 24 ans et 12 % des personnes de 25 à 64 ans qui vivent dans les territoires ultramarins sont en situation de handicap, c'est plus que dans l'Hexagone. Nos territoires ultramarins sont également marqués par une part plus significative de familles monoparentales, ce qui rend les situations plus compliquées pour les parents d'enfants en situation de handicap ; les taux de pauvreté y sont également supérieurs, et le taux d'emploi, plus faible.

Ces constats confirment la nécessité d'adapter nos politiques publiques aux spécificités de nos territoires ultramarins - qui subissent, de surcroit, des catastrophes naturelles particulières. Je pense bien sûr au cyclone Chido, qui a frappé Mayotte en décembre dernier ; pour accorder la plus grande attention aux personnes en situation de handicap, j'ai mis en place un comité de suivi de la situation à Mayotte, en lien avec le préfet, l'ARS et le département, chargé d'identifier les besoins spécifiques des personnes en situation de handicap. Un tel suivi répond à l'engagement que la France a pris lors premier G7 du handicap en Italie. Nous savons que dans les crises climatiques, les besoins spécifiques des personnes en situation de handicap sont négligés, nous avons voulu y porter la plus grande attention ; nous avons fait émerger des instances de dialogue, qui se sont maintenues, et j'ai signé une convention de partenariat avec le département pour déterminer des actions à conduire, en particulier la création de places d'accueil ; ce sera une avancée très importante puisqu'à Mayotte, nous visons la création de 500 nouvelles places - des budgets importants ont été définis entre l'État et le département pour accélérer la création d'offres médico-sociales, et le projet de loi dédié à Mayotte va prendre en compte les spécificités que nous avons identifiées.

Cette action à Mayotte illustre une volonté plus large qu'a l'État de rattraper le retard de l'offre médico-sociale dans nos territoires ultramarins, avec une enveloppe spécifique de 150 millions d'euros dédiée aux territoires ultramarins.

J'ai entamé un tour de France des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), pour faire le point sur les délais de traitement des dossiers, qui sont vécus comme très longs par nos concitoyens, avec des disparités territoriales importantes. Dans ce tour de France des MDPH, je veux identifier les solutions trouvées dans les territoires pour accélérer et simplifier les procédures, faire que les agents des MDPH soient plus disponibles pour accompagner les personnes handicapées. Dans mes déplacements outre-mer, j'ai rencontré les usagers, les agents des MDPH - il est très important de prendre en compte les spécificités ultramarines dans nos politiques publiques, mais de voir aussi que nos territoires ultramarins sont des fers de lance et des moteurs d'innovation. À La Réunion, par exemple, les Maisons France Service accompagnent les personnes en situation de handicap, notamment les personnes sourdes, avec des outils de dialogue adaptés, c'est un exemple à suivre ; en Guadeloupe, le relayage apporté aux aidants familiaux est bien avancé ; à Mayotte, des approches innovantes sont engagées, le contexte d'intervention est complexe, par exemple l'intervention dans les bangas, et c'est une raison supplémentaire pour innover - nos territoires ultramarins peuvent être les fers de lance de l'innovation et de la transformation des pratiques, c'est important de le reconnaitre.

Mme Audrey Bélim, rapporteure. - Le comité interministériel pour l'outre-mer (Ciom) de juillet 2023 a prévu 150 millions d'euros pour renforcer l'offre médico-sociale à destination des personnes en situation de handicap outre-mer : où en est-on de leur affectation, par territoire ? Allez-vous traiter de ce sujet lors du prochain Ciom, prévu le 10 juillet prochain ?

Où en est, ensuite, le déploiement des pôles d'appui à la scolarité ? Il y a de l'inquiétude, liée aux difficultés d'effectifs dans les MDPH, nous avons besoin d'y voir un peu plus clair.

Enfin, je souscris à votre propos sur l'innovation dans nos territoires. Connaissez-vous l'outil TéléDiag, un réseau collaboratif de téléradiologie, qui permet d'établir à distance des diagnostics sur l'autisme, notamment pour les adultes en déficience intellectuelle ? Nous l'avons expérimenté à La Réunion et nous proposons d'étendre l'expérimentation à d'autres territoires, y compris dans l'Hexagone, dans les territoires où il y a une pénurie de spécialistes.

Mme Annick Petrus, rapporteure. - On a tendance à se soucier des enfants, car une prise en charge précoce est décisive ; cependant, je m'inquiète pour les jeunes adultes, car la prise en charge s'arrête à âge donné : que deviennent-ils ensuite ? Il n'y a pas suffisamment de capacité d'accueil pour qu'ils continuent leur vie de manière correcte.

Des entreprises, ensuite, recourent au paiement d'une compensation plutôt que de recruter des personnes en situation de handicap : sait-on quels sont leurs arguments, et comment y répondre ? Parce qu'on forme des personnes handicapées, des centres de formation font un bon travail, nous l'avons constaté par exemple lors de notre visite en Guadeloupe ; mais les personnes en situation de handicap ont-elles une chance que les entreprises les embauchent, après leur formation ?

M. Akli Mellouli, rapporteur. - Je veux vous alerter sur les difficultés d'accès à la culture et au sport pour les personnes en situation de handicap outre-mer. Aux Jeux olympiques et paralympiques, 12,24 % des athlètes aux Jeux olympiques étaient originaires de nos territoires ultramarins, mais seulement 5,91 % aux Jeux paralympiques.

Quel effort compte-t-on faire pour adapter les équipements ? En Guadeloupe, j'ai constaté que l'handisport est plus avancé, mais il y a aussi le sport adapté. Comptez-vous mettre en place un plan d'action pour développer l'handisport et le sport adapté dans nos outre-mer ? Et prévoyez-vous un plan pour l'accès à la culture ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Le Ciom de 2023 a effectivement inscrit 150 millions d'euros, que nous sommes en train de déployer dans les territoires. Ainsi, la convention entre l'État et le département de La Réunion prévoit que l'État apporte 29 millions d'euros et le département 29 millions d'euros en fonctionnement, auxquels l'État ajoute 10 millions d'euros en investissement. Nous avons par exemple des projets de transition inclusive de l'habitat et des projets d'accueil de jour. Je vous communiquerai l'ensemble des chiffres par territoire sur les conventions déjà signées.

Je n'avais pas connaissance du dispositif TéléDiag, je vais l'examiner avec attention. Des innovations apparaissent dans certains territoires pour surmonter des difficultés particulières, il faut les essaimer si elles sont pertinentes ailleurs, et je vous remercie de m'avoir signalé cette expérimentation.

Le déploiement des pôles d'appui à la scolarité soutient l'école inclusive et l'accueil des enfants en situation de handicap à l'école. Le principe est que des professionnels du médico-social renforcent des professionnels de l'Éducation nationale pour identifier les besoins particuliers des enfants et mettre en place les solutions adaptées. La Réunion sera l'un des prochains départements à bénéficier de ces pôles d'appui à la scolarité. Dans nos territoires ultramarins, il est parfois difficile de trouver les professionnels pour répondre à ces besoins, il y a un enjeu d'attractivité des métiers concernées, nous y travaillons avec mes collègues Astrid Panosyan-Bouvet et Catherine Vautrin. Les pôles d'appui à la scolarité sont appréciés par les professionnels du médico-social, parce que l'organisation en est fluide, efficace et tournée vers l'enfant, apportant des solutions rapides. Cependant, de nombreux territoires ultramarins rencontrent des problèmes pour recruter des professionnels du médico-social ; il faut tenir compte aussi des coûts de l'immobilier et de la vie, c'est particulièrement le cas à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, par exemple. Nous travaillons avec les collectivités locales pour offrir des solutions immobilières aux professionnels du médico-social.

La formation dans les territoires est également un enjeu. Nous allons examiner, avec les collectivités, comment développer la formation médico-sociale dans les territoires ultramarins. Cela représente un gisement d'emplois important pour les jeunes issus de ces territoires. Nous allons débattre de ces questions lors du prochain Ciom, l'offre médico-sociale et la recherche de professionnels doivent faire partie de l'équation.

Je partage votre préoccupation pour les jeunes adultes : ils veulent, quel que soit leur handicap, être insérés pleinement dans la société. Les conventions que nous avons signées doivent aider à trouver des réponses, en particulier dans le cadre des « 50 000 solutions ».

Je partage également votre souhait de mobiliser davantage les entreprises. Lors du comité interministériel du handicap du 6 mars, le Premier ministre a réaffirmé la fermeté du Gouvernement : il faut que les entreprises respectent leurs obligations d'emploi vis-à-vis des personnes en situation de handicap. Nous allons faire évoluer le dispositif emploi accompagné pour l'inscrire au sein de France Travail et ainsi faciliter l'accompagnement de personnes en situation de handicap dans l'emploi par des professionnels du médico-social. Cela devrait aider à lever certains freins que peuvent rencontrer les employeurs.

Nous sommes déterminés à mettre fin à la liste d'emplois a priori fermée aux personnes en situation de handicap. Nos jeunes en situation de handicap sont motivés et même déterminés à exercer leurs compétences, de nombreux exemples montrent à quel point ils sont capables d'apporter beaucoup à nos entreprises.

L'accès au sport et à la culture est un enjeu majeur. Le Premier ministre a réaffirmé cet engagement dans le dernier comité interministériel du handicap. Nous allons accompagner les projets d'accessibilité des équipements et des lieux avec le fonds d'appui à l'accessibilité. Nous allons également sensibiliser les clubs sportifs et former les entraîneurs pour qu'ils soient capables d'accueillir des pratiquants en situation de handicap. Ces principes seront réaffirmés avec les JO de 2030 dans les Alpes, qui, même s'ils ne concernent que peu les territoires ultramarins, seront une nouvelle occasion de valoriser nos parathlètes et le sport pour les personnes en situation de handicap. Du reste, les fonds d'intervention régionaux peuvent contribuer à financer des projets d'accessibilité au sport et à la culture, notamment dans les outre-mer.

M. Akli Mellouli. - Nous avons constaté un manque d'informations sur la situation des étudiants ultramarins en situation de handicap. Comment les aider à faire des études dans un environnement accessible, y compris dans l'Hexagone ? Quelles passerelles mettre en oeuvre ? Nous n'avons obtenu que peu de réponses à nos questions, en particulier sur les statistiques. Il semble que cette population soit invisible, comme les jeunes adultes qui entrent dans la vie active

Mme Évelyne Perrot. - Y a-t-il des associations d'amis de parents d'enfants inadaptés (AAPEI) dans les territoires ultramarins ? Elles fonctionnent très bien dans nos départements hexagonaux, offrant un encadrement aux enfants et aux jeunes adultes, avec l'aide de professionnels médico-sociaux, de kinésithérapeutes et de formateurs. Elles peuvent également aider les jeunes adultes à se loger et à gérer leur budget. C'est un système très efficace : comptez-vous aider leur déploiement outre-mer ?

Mme Vivette Lopez. - Je voudrais vous parler d'une école primaire dans le Gard, une école privée qui accueille des enfants qui n'ont pas été acceptés dans les classes dites normales. Le résultat est là : les enfants se mélangent, ils ont compris l'intérêt de cette mixité. Je pense à un enfant autiste qui joue au rugby et qui est demandé par les autres enfants pour rejoindre leur équipe. ; les enfants accueillis sont même invités à des anniversaires chez les autres - c'est une école qui fonctionne très bien.

Peut-on dupliquer ce modèle ailleurs, y compris outre-mer ? Dans le sens inverse, avez-vous des exemples d'innovations outre-mer qui pourraient être dupliquées en métropole ?

Le 3 décembre, le Sénat organise une grande journée sur le handicap. Prévoyez-vous un événement similaire au sein de votre ministère ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Je crains de manquer d'informations sur la situation des étudiants ultramarins en situation de handicap, je vous propose de revenir vers votre délégation après avoir recueilli plus d'éléments. La question de l'inclusion des étudiants à l'université est un enjeu majeur, tout comme l'école inclusive. Nous suivons de près la suite des parcours. Des appels à manifestation ont été lancés pour valoriser des projets d'université inclusifs. L'inclusion crée une émulation avec l'ensemble des étudiants, elle a un impact vertueux pour tous. Nous développons la formation au handicap dans les formations, notamment pour les étudiants en santé, pour qu'ils connaissent les handicaps et sachent les appréhender dans leur futur métier. Je reviendrai vers vous avec des éléments plus précis sur les étudiants ultramarins en situation de handicap.

Le Gouvernement travaille avec les AAPEI, ces associations sont des acteurs majeurs partout sur le territoire, y compris dans nos territoires ultramarins. Nous les avons identifiées et nous travaillons avec elles pour construire des réponses adaptées et offrir une réponse individualisée d'accompagnement. La France applique la Convention internationale des droits des personnes en situation de handicap - nous avons collectivement pris l'engagement de construire des réponses qui suivent les projets des personnes en situation de handicap : ces personnes ont leur projet, nous construisons les solutions d'accompagnement à partir de ces projets et les AAPEI s'inscrivent parfaitement dans cette démarche.

Le ministère est très engagé dans le DuoDay, la journée pour l'inclusion des personnes en situation de handicap, c'est un événement de sensibilisation des entreprises. Nous réalisons chaque année une vidéo pour inviter les entreprises à s'y engager. Le ministère participe chaque année et peut aider, accompagner, mettre en relation des employeurs et des jeunes en situation de handicap.

Nous considérons, nous aussi, que la place des enfants en situation de handicap est à l'école, mais avec un accompagnement. C'est cela, l'école inclusive : les enfants se côtoient et vivent ensemble, mais avec une réponse adaptée aux besoins médico-sociaux de l'enfant en situation de handicap. Nous développons les unités externalisées dédiées à l'autisme, qui permettent d'avoir une classe et des temps dédiés, accompagnés par des professionnels formés. C'est le creuset de notre société inclusive et cela commence à l'école.

Mme Audrey Bélim, rapporteure. - Je vous transmettrai des informations sur l'expérimentation TéléDiag, qui a reçu le prix national de e-Santé en 2023 ; c'est le seul dispositif de télé-diagnostic présent en France, il est précieux pour les territoires manquant de spécialistes.

Lors de notre déplacement en Guadeloupe, on nous a dit que la mobilité était l'un des principaux freins à l'inclusion. En tant qu'insulaires, les problèmes de mobilité impactent les familles, les foyers, on doit parfois se déraciner pour suivre le meilleur protocole de soins - la question de la mobilité est centrale.

M. Jean-Gérard Paumier. - Le Ciom de juillet 2023 a affecté 150 millions d'euros à l'intervention pour les personnes en situation de handicap outre-mer : deux ans plus tard, quel montant en a été fléché, par territoire ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Merci encore de me signaler TéléDiag, Avec mon collègue Yannick Neuder, nous avons lancé une mission pour faire le bilan de la situation et repérer des bonnes pratiques à essaimer - je lui transmettrai cette expérimentation.

La mobilité est effectivement centrale. J'ai rencontré des personnes qui doivent prendre des heures pour se rendre dans leur foyer, c'est très pénalisant. Lors du comité interministériel du 6 mars, nous avons décidé de lancer une réflexion avec les collectivités pour améliorer la mobilité du quotidien. Nous allons chercher des solutions qui fonctionnent à l'échelle des territoires.

Quelques chiffres sur la répartition des 150 millions d'euros : nous mobilisons près de 13 millions d'euros en fonctionnement et 1,6 million en investissement en Guadeloupe, et le département cofinance à hauteur de près de 5 millions en fonctionnement et 16 millions en investissement. La Martinique bénéficiera d'un engagement de 22 millions d'euros en fonctionnement et 2 millions d'euros en investissement. Mayotte recevra près de 29 millions d'euros en fonctionnement et 2,5 millions en investissement. Les discussions sont encore en cours avec la Guyane, où je me rendrai prochainement. Je vous communiquerai un tableau consolidé une fois les discussions terminées.

Mme Micheline Jacques, présidente. - Notre collègue de Wallis-et-Futuna m'a demandé de vous interroger sur l'extension de la loi de 2005 à son territoire. Vous avez évoqué les professions paramédicales, qui manquent dans les territoires ultramarins, notamment en raison des difficultés de logement. Pourquoi ne pas promouvoir des branches d'enseignement dans les écoles de médecine ultramarines, afin que les étudiants se forment en ergothérapie, psychomotricité et autres fonctions indispensables à l'accompagnement des familles et des enfants en situation de handicap ?

Il y a des innovations dans nos territoires, mais parfois la loi les rend plus difficiles ou les empêche. Pourquoi ne pas soutenir le projet de maisons du poly-handicap, mutualisant les ressources et permettant aux paramédicaux d'intervenir au sein des écoles ? Cela répondrait aux difficultés d'inclusion rencontrées par les enseignants et les assistants d'éducation. Une expérimentation menée à l'école de Gustavia avec une orthophoniste, a eu des résultats très bénéfiques pour les enfants et le personnel d'encadrement.

Enfin, il faudrait prévoir des quotas pour les personnes en situation de handicap dans les logements sociaux, et y réserver des logements pour les professions paramédicales.

Je voudrais vous signaler une initiative intéressante : moneuropsy.com. Cette plateforme, créée par un neuropsychiatre, vise à accélérer les diagnostics et à répondre aux aidants qui se sentent démunis. Elle permet de mieux accompagner à domicile les personnes en grande détresse, notamment les personnes âgées.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - La compétence visée par votre collègue de Wallis-et-Futuna dans la loi de 2005 ne relève pas de l'État, mais de la collectivité, c'est elle qui a la pleine compétence. Mon cabinet, en lien avec l'équipe de votre collègue, va proposer un échange direct avec la collectivité pour regarder dans quel sens l'État pourrait aider à avancer.

Il faut construire des réponses adaptées aux territoires, elles ne sont pas les mêmes à Saint-Barthélemy et à La Réunion, par exemple. Sur des petits territoires, une forme de polyvalence se développe pour répondre à l'ensemble des besoins des enfants ou des adultes en situation de handicap. Le monde du médico-social s'imbrique dans le milieu dit « ordinaire » pour y apporter les réponses, c'est une très bonne chose.

La formation à différentes formes de handicap est un enjeu clé, il faut former les professionnels du médico-social, offrir des formations plus en proximité et des réponses plus proches c'est un enjeu majeur sur lequel il faut continuer à avancer.

Mme Micheline Jacques, présidente. - J'ai omis de mentionner un point qui nous avait été signalé à Saint-Martin : les orientations par défaut. Au lycée de Saint-Martin, une classe est réservée aux élèves en unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), mais la demande est supérieure et certains élèves se retrouvent orientés dans des classes dites normales. Les accompagnements sont parfois complexes, notamment lorsque les parents sont invités à quitter le territoire pour rejoindre une structure adaptée à l'extérieur. Cela est très mal vécu par les familles. Dans le même temps, des élèves relevant de sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) ne trouvent pas de classe à Saint Barthélémy, parce qu'il n'y a pas de Segpa sur notre île, et les parents hésitent à inscrire leur enfant hors de leur île. Ainsi, une jeune fille pourrait aller en classe spécifique au collège de Saint-Barthélemy, alors que c'est d'une Segpa qu'elle relève - cette situation n'est guère satisfaisante.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - À Saint-Barthélemy comme à Saint-Martin, nous faisons un travail de diagnostic avec la collectivité territoriale pour définir les besoins, les partager entre l'ARS et la collectivité, et construire des solutions ensemble qui soient les plus adaptées, compte tenu des spécificités : il faut commencer par ce diagnostic partagé.

Mme Micheline Jacques, présidente. - J'ai noté votre attachement aux territoires ultramarins, votre maîtrise des enjeux et les difficultés de chaque territoire, la nécessité de territorialiser et de développer des solutions innovantes. Notre rapport fera des recommandations et vous pourrez compter sur notre soutien pour les mettre en oeuvre. Merci encore pour votre participation à nos travaux.

La réunion est close à 17 h 40.