- Mercredi 16 juillet 2025
- Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics
- Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune - Désignation d'un rapporteur
Mercredi 16 juillet 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 18 h 30.
Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics
M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous recevons ce soir Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, au sujet des orientations du budget 2026, juste après son audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Madame la ministre, nous disposons d'ores et déjà, comme point de départ de cette audition, de deux séries d'informations au sujet des intentions du Gouvernement.
D'une part, le Premier ministre et les ministres en charge des finances publiques, dont vous-même, ont présenté hier après-midi les grandes orientations du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Le Premier ministre a présenté un effort global, hors défense et charge de la dette, de 43,8 milliards d'euros, par rapport à une évolution tendancielle qui, me semble-t-il, pourrait être encore précisée.
D'autre part, le Gouvernement a remis hier soir le rapport prévu par l'article 48 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Comme chaque année, il présente les plafonds de crédits envisagés pour l'année à venir pour chaque mission du budget général, ce qui intéressera chacun de nos rapporteurs spéciaux. Il fixe également l'objectif d'évolution de la dépense des administrations publiques et donne des indications sur les évolutions de maquette budgétaire et sur les indicateurs de performance.
Il ressort de ce rapport que, afin d'atteindre un déficit public de 4,6 % en 2026, le niveau de dépense publique devrait s'élever à 1 722 milliards d'euros l'an prochain, contre 1 693 milliards d'euros en 2025. Cela représente une diminution de 30 milliards d'euros par rapport à une évolution « sans effort ».
Dans le détail, la dépense des administrations publiques centrales augmenterait de 22 milliards d'euros, portée notamment par la charge de la dette et le renforcement des capacités de défense. Les autres dépenses seraient en diminution de 1,6 % en volume.
La dépense des collectivités territoriales serait réduite de 2 milliards d'euros. Enfin, celle des administrations de sécurité sociale augmenterait de 9 milliards d'euros - soit, là encore, une baisse en volume de 0,3 %.
S'agissant des recettes, qui ne font pas l'objet du rapport « article 48 », le Premier ministre a évoqué hier après-midi, parmi diverses mesures, une « année blanche » sur les barèmes de l'impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG), une prolongation de la contribution de solidarité sur les hauts revenus et des mesures relatives aux niches fiscales et sociales, sans les détailler davantage.
Ce concept d'« année blanche » s'appliquerait également aux retraites et aux prestations sociales, dont l'évolution serait gelée en 2026 non pas en volume, mais en valeur, ce qui représenterait une baisse réelle. Si les mesures relatives aux dépenses sociales ne relèvent pas directement de notre commission, elles ont un impact sur le déficit public et sur la croissance et nous intéressent donc aussi.
Pour ne citer qu'un autre exemple, vous souhaitez contenir les dépenses de santé, en modifiant le régime de remboursement dans le cadre des affections de longue durée (ALD), en contrôlant davantage le recours aux arrêts maladie, et - peut-être surtout - en augmentant le plafond des franchises et participations des patients. Vous pourrez nous expliquer comment ces mesures combinées permettent autant d'économies.
On le voit, ce n'est pas un budget anodin que le Gouvernement présente, avec une diminution inhabituelle des dépenses de l'ensemble des administrations publiques. Il suscite donc naturellement un grand nombre de questions à ce stade de la discussion.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité vous entendre, votre présentation liminaire offrant probablement l'occasion de nous donner quelques éclaircissements, même si on peut supposer que tout n'est pas encore arbitré pour un PLF qui doit être déposé d'ici deux mois et demi.
Après votre intervention, le rapporteur général et les autres membres de la commission auront, n'en doutez pas, de nombreuses précisions à vous demander.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, merci de votre invitation qui me permet de présenter le « tiré à part » qui vous a été envoyé dans les délais impartis, c'est-à-dire en respectant l'échéance du 15 juillet.
Il est selon moi essentiel de reconstruire un processus budgétaire qui respecte le temps de la concertation, ce qui s'inscrit pleinement dans le cadre de la démarche lancée par le Gouvernement qui consiste à vous fournir l'ensemble des informations, en toute transparence et dans les délais prévus, ainsi qu'à assurer un suivi - de l'exécution budgétaire, notamment - au travers des réunions trimestrielles du comité d'alerte des finances publiques. Ces dernières ont déjà contribué à modifier nos méthodes de travail.
Hier, le Premier ministre a présenté un plan de redressement qui ne se limite pas à l'aspect budgétaire. J'insiste sur ce point, car il ne peut y avoir d'équation budgétaire solide si nous n'identifions pas les freins à la croissance et les raisons pour lesquelles notre PIB par habitant est de 15 % à 20 % inférieur à celui de la plupart de nos voisins, ces faiblesses expliquant une grande partie de nos difficultés budgétaires.
Nous ne sommes pas aujourd'hui dans le temps du PLF, le principe du « tiré à part » étant de fixer un cadre et une architecture que nous affinerons afin de vous présenter un texte plus complet d'ici au début du mois d'octobre, après l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Nous sommes en fait plutôt au point de départ de la construction du compromis que nous devons trouver ensemble pour donner un budget au pays dans les délais, de façon à ne pas nous retrouver de nouveau dans la situation où nous commencerions une année sans cette ossature.
Trois éléments fondent notre démarche : la transparence, c'est-à-dire la plus grande lisibilité de notre action ; la crédibilité de la trajectoire, afin que celle-ci nous permette de stopper l'alourdissement de notre dette ; et le dialogue que nous entendons mener avec vous. Le Premier ministre, le ministre de l'économie et des finances et moi-même avons, par ce cadrage budgétaire très anticipé - certains éléments ne vous étaient habituellement transmis qu'à la fin septembre - donné beaucoup plus de temps à un travail concerté avec les parlementaires.
Le temps du courage et de la responsabilité est venu : nous avons la responsabilité de reprendre en main nos finances publiques, et bien plus qu'un simple ajustement comptable, il s'agit de nous redonner des marges de manoeuvre afin de financer nos priorités d'investissement, de décider par nous-mêmes des modalités de fonctionnement de notre solidarité, ainsi que de déterminer la manière de garantir notre souveraineté.
Au fond, ce que nous vous proposons, ce n'est pas un tableau de chiffres, mais un tableau de choix, à commencer par celui qui consiste à arrêter de consacrer une part aussi importante de notre richesse nationale au remboursement de notre dette : nous souhaitons donc revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2029, avec un objectif intermédiaire d'un déficit de 4,6 % l'an prochain.
Notre dette, comme l'a indiqué le Premier ministre, nous expose à deux dangers. Le premier est celui de l'étouffement progressif : si la charge des intérêts de la dette atteint 100 milliards d'euros en 2029, cela signifiera que le service de la dette nous aura coûté 40 milliards d'euros supplémentaires, soit autant de ressources qui n'auront pas été consacrées aux services publics que nous souhaitons évidemment financer.
Le second risque est celui du choc de confiance qui se produirait si les marchés financiers - nos créanciers - venaient à juger que notre plan manque de crédibilité. Une telle hypothèse placerait la puissance publique en grande difficulté, mais plus largement l'ensemble des Français, car les évolutions des taux d'intérêt se répercuteraient sur leurs achats immobiliers et le coût des prêts pour les entreprises, quelle que soit leur taille.
Il est donc impératif d'agir rapidement afin de stabiliser la dette et de ramener le déficit sous la barre des 3 %, sans pour autant renoncer à nos principes, notamment en écartant des hausses massives des impôts qui sont un poison : les augmentations répétées des prélèvements qui sont intervenues par le passé n'ont en effet apporté aucune solution structurelle. Il nous faudra aussi éviter d'empiler des exceptions de plus en plus illisibles dans notre code fiscal.
La diminution de la croissance de nos dépenses que nous entendons impulser ne sera cependant pas mise en oeuvre de manière homogène : nous avons en effet fixé des priorités d'investissement et choisi d'allouer davantage de ressources à certains postes. Tel est le cas lorsque nous décidons d'augmenter le budget des armées de 6,7 milliards d'euros en un an ; lorsque nous prévoyons une hausse du budget de la justice de près de 175 millions d'euros pour ouvrir des places de prison et renforcer notre lutte contre les narcotrafiquants ; ou encore lorsque nous allouons 613 millions d'euros au budget du ministère de l'intérieur pour financer le déploiement de nouvelles brigades de gendarmerie ou pour augmenter les moyens de la sécurité civile.
Nous faisons également un choix lorsque nous décidons de regarder vers l'avenir et d'accélérer notre transition écologique afin de nous orienter vers une économie plus décarbonée et plus résiliente ; lorsque nous décidons d'investir pour mieux former nos enseignants ; lorsqu'enfin nous décidons de soutenir l'innovation.
Néanmoins, si nous souhaitons être en mesure de réitérer ces choix de manière durable, il nous faut dégager des marges de manoeuvre, car nous ne pourrons pas soutenir ces différentes priorités avec des dynamiques de dépenses constantes. C'est en cela que ce plan est un plan de responsabilité, destiné à ce que nous retrouvions la maîtrise collective et démocratique de nos comptes et de nos grandes orientations.
Ce plan s'articule donc autour de deux axes : premièrement, la réduction de la dynamique des dépenses publiques pour retrouver des marges de manoeuvre ; deuxièmement, le soutien à l'activité, afin de créer davantage de richesses, d'augmenter les salaires et de redonner de l'élan à la croissance, de manière à faire de la France un pays plus riche et à améliorer le quotidien de nos concitoyens.
Le plan repose sur un effort global d'économies de 44 milliards d'euros. Plus précisément, nous désirons contrecarrer les tendances « naturelles » qui se traduiraient par une hausse de 58,5 milliards d'euros de la dépense publique, car nous n'en avons pas les moyens. Nous souhaitons ainsi notamment nous en tenir à une augmentation de 29,1 milliards d'euros, dont 7,3 milliards d'euros pour le périmètre ministériel et les opérateurs - contre 20 milliards d'euros en l'absence de plan ; 4,7 milliards d'euros de hausse pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), contre 9,8 milliards d'euros sans action ; enfin, 3,3 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement supplémentaires pour les collectivités, contre 8,6 milliards d'euros en tendance.
En résumé, nous prévoyons donc de réaliser des économies d'environ 12 milliards d'euros sur l'État et ses opérateurs, de 5 milliards d'euros sur l'Ondam et de 5,3 milliards d'euros sur les dépenses des collectivités.
C'est ainsi que nous pourrons retrouver un cap. Dit autrement, l'État se mettrait ainsi en position - hors effort de réarmement - de ne pas dépenser davantage qu'en 2025, ce que l'on peut résumer par la formule « zéro valeur » ; pour les collectivités, il s'agirait de fournir un effort que l'on peut qualifier de « zéro volume », ce qui signifie qu'elles disposeraient des mêmes crédits que ceux alloués pour l'année en cours, auxquels s'ajouterait l'inflation.
Pour la santé et la sécurité sociale, enfin, l'objectif consiste à maintenir la part des dépenses à 8,75 % du PIB - c'est-à-dire au niveau de 2024 - alors que la tendance naturelle conduirait à leur progression. Là encore, une telle hausse n'est pas finançable, puisque nous ne disposons pas de nouvelles ressources à allouer à la santé.
C'est de cette façon que nous pourrons créer les conditions permettant de ramener la sécurité sociale à l'équilibre : nous l'avions fait entre 2010 et 2019, nous devons désormais le faire avant 2029. C'est ce principe qui doit nous guider : en créant la sécurité sociale en 1945, le général de Gaulle n'aurait jamais imaginé que nous créerions ensuite la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et que nous enregistrerions 65 milliards d'euros de déficit sur les comptes de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) quatre-vingts ans plus tard.
Ces efforts de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale sont possibles et nécessaires : au-delà de ces chiffres, c'est bien la transformation de notre action publique qui est en jeu, avec l'objectif de mettre fin aux doublons, aux redondances et aux agences dénuées de cap clair. À ce titre, je remercie la sénatrice Christine Lavarde pour ses travaux particulièrement utiles puisqu'elle a dressé, dans le cadre de la commission d'enquête consacrée aux agences, un panorama de la réorganisation des opérateurs de l'État qu'il conviendrait de mener.
Il s'agit aussi de redonner plus de pouvoir aux préfets afin qu'ils mènent des politiques publiques adaptées aux réalités locales, comme l'a annoncé le Premier ministre à Chartres la semaine dernière. En outre, cet effort de transformation suppose de revoir tous les dispositifs de crise, qui sont parfois devenus des dispositifs d'aubaine. Enfin, il faut affirmer que la subvention ne constitue pas le point de départ et d'arrivée de toutes les dépenses publiques, car nous disposons d'autres outils, tels que les avances, les prêts bonifiés ou encore les fonds européens.
Sur le plan des réformes structurelles, ensuite, nous poursuivrons la démarche - entreprise depuis 2017 - consistant à soutenir l'activité et l'emploi afin de garantir notre souveraineté par l'activité, la croissance et l'innovation.
Nous souhaitons aussi passer en revue les niches fiscales qui ne sont pas en elles-mêmes un problème, mais qui ne sont que peu évaluées et rarement supprimées. Par conséquent, notre code fiscal compte de nombreux dispositifs créés plusieurs décennies plus tôt, et nous devons - grâce au travail très précieux que mènent les parlementaires - évaluer leur utilité, leur efficacité et leur pertinence à l'heure actuelle. Nous espérons économiser 3,4 milliards d'euros grâce à ce travail de réexamen d'autant plus justifié que les niches fiscales sont payées par l'ensemble des Français.
Par ailleurs, deux négociations avec les partenaires sociaux vont débuter dans les prochains jours afin d'accroître le nombre de Français qui travaillent, sous la houlette de Catherine Vautrin et d'Astrid Panosyan-Bouvet : la première portera sur l'assurance chômage, la situation financière de l'Unédic nous incitant à reprendre nos travaux ; la seconde sur l'amélioration de la qualité des conditions de travail et l'accès au marché du travail.
Comme le Premier ministre l'a indiqué, nous souhaitons que les Français soient plus nombreux à travailler - en augmentant le taux d'emploi des jeunes et des seniors - et que ceux qui disposent déjà d'un emploi travaillent davantage, d'où notre proposition visant à réduire les indemnités journalières (IJ) et notre objectif de mettre en place une allocation sociale unique qui incite au travail, quelles que soient les conditions de salaire.
Enfin, deux jours supplémentaires de travail seraient instaurés dans l'année, de manière à faire passer le temps de travail de 1 607 heures à 1 621 heures, ce qui revient à supprimer deux jours fériés. Il faudra s'assurer que ces deux jours soient de véritables jours d'activité, avec des écoles ouvertes, des services publics qui fonctionnent et donc de la création de richesse. C'est aussi par ce biais que nous pourrons associer les Français et les entreprises au partage de ladite richesse.
En conclusion, il ne s'agit pas de faire moins, mais de faire mieux, avec un cap qui soit celui de la préparation de l'avenir, afin que nous prenions nos responsabilités et que nous ayons confiance en nous-mêmes : il revient aujourd'hui aux Français de dessiner collectivement leur avenir.
M. Claude Raynal, président. - À l'instar du Premier ministre, vous appelez au courage et à la responsabilité : à ce titre, je pense qu'il aurait été nécessaire, dans votre propos introductif, de rappeler les causes de la situation actuelle. Un tel rappel a fait défaut lors de la présentation de François Bayrou, et est à nouveau absent aujourd'hui : les gouvernements précédents - auxquels vous avez pu participer, madame la ministre - ont en effet décidé de réduire fortement les impôts en 2017 et en 2018, en application des promesses qui ont permis au Président de la République d'être élu.
Ces suppressions ou diminutions d'impôts ont abouti à la perte de 62 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales : si certaines décisions ne sont à mes yeux guère contestables - je pense à la diminution de l'impôt sur les sociétés (IS) à 25 % -, la suppression de la taxe d'habitation a entraîné une perte de recettes d'environ 20 milliards d'euros et celle des impôts de production une perte équivalente. L'argument avancé à l'appui de ces baisses consistait à tabler sur le fait qu'elles se traduiraient par un regain de croissance, mais les crises successives n'ont pas permis de parvenir à ce résultat.
J'avais demandé, comme les représentants d'autres groupes, un changement de cap dès lors que le pays est entré dans la crise sanitaire, car poursuivre les baisses d'impôts dans un tel contexte ne fait qu'aggraver les difficultés. Or ce changement n'est pas intervenu, alors que la Cour des comptes elle-même a indiqué que la dégradation du ratio de dette par rapport au PIB est liée auxdites diminutions d'impôts : sans elles, et même si le calcul mérite sans doute d'être affiné, l'effort à fournir serait bien plus faible.
Sans refaire l'histoire ad nauseam, j'estime qu'un rappel de ce type aurait été nécessaire, au titre même de l'exigence de courage et de responsabilité que vous avez mise en avant. Il aurait donc été adéquat de reconnaître sinon une erreur, du moins une absence de changement de cap face à la succession des crises. J'ai été un peu choqué par cet angle mort de l'analyse, alors que la présentation du Premier ministre était par ailleurs très pédagogique et incontestable sur une série de points.
Sans exiger un mea culpa - rare en politique -, un minimum de courage aurait consisté à assumer la responsabilité des décisions prises depuis huit ans, ce qui ne retire rien à la gravité du problème de la dette.
En revanche, j'ai apprécié qu'il soit mis un terme à la pratique des « ballons d'essai » qui consistait à lancer dans la presse les sujets les uns après les autres. À l'inverse, la présentation globale qu'a conçue le Gouvernement est bien plus sérieuse.
J'apprécie, enfin, d'avoir reçu le tiré à part en temps et en heure, ce qui marque un retour à de bonnes habitudes par rapport à des périodes passées.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci d'avoir répondu à notre invitation, madame la ministre. Je vous remercie également pour l'envoi du tiré à part en temps et en heure : l'an passé, en acceptant que le délai de sa transmission ne soit pas respecté, nous avions fait preuve d'une compréhension qui s'était étirée dans le temps, en étant très peu payés en retour.
« Stop à la dette » et « En avant la production » sont des slogans qui me conviennent tout à fait, tant je partage la volonté d'endiguer une dette un peu folle, la situation n'ayant cessé de se détériorer depuis sept ans. Le plan a le mérite de donner une trajectoire et de fixer le cap pour que notre pays produise mieux, davantage et - je l'espère - exporte.
Vous avez listé les piliers de votre démarche, à savoir la transparence, la crédibilité de la trajectoire et le dialogue. Pour ma part, je préfère le partage de l'information à la transparence, qui est souvent affichée sans être suivie d'effets, et j'espère que l'action qui sera conduite garantira la crédibilité de la trajectoire fixée.
Vous avez aussi évoqué « un moment de courage et de responsabilité », ce qui signifie en creux qu'il est désormais question de tourner le dos à une forme de laisser-aller et de « lâcheté » collective. S'agissant de la responsabilité, l'augmentation de la dette de 50 % en sept ans soulève une série de questions : lorsque l'on propose aux Français une autre direction, il paraît nécessaire d'assumer une part de l'héritage et des décisions prises pendant cette période.
Vous dites d'ailleurs vouloir retrouver la maîtrise de nos comptes, ce qui ne fait que confirmer mes propos précédents. Si toutes les mesures proposées ne recueillent pas mon assentiment, il nous faut désormais afficher les intentions et les objectifs, puis les amender - c'est le rôle du Parlement, dont le Sénat, sur lequel vous pouvez compter - afin de doter notre pays d'un budget avant Noël. Je ne suis pas sûr, en effet, qu'il faille renouveler la séquence de l'an passé, même si cela ne dépend pas de nous.
J'ai six questions.
Les ministères et les opérateurs sont globalement appelés à réduire leurs crédits en valeur de 1,1 milliard d'euros hors défense en 2026 par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Or celle-ci a déjà fait l'objet, le 25 avril, d'un décret d'annulation portant sur 2,6 milliards d'euros. J'en conclus donc que les dépenses augmenteront en 2026 de 1,5 milliard d'euros par rapport à leur exécution cette année. Confirmez-vous ce constat factuel ? Si oui, pourquoi ne pas être plus ambitieux ?
Le Premier ministre a annoncé une contribution de solidarité pour les ménages les plus aisés. Vous est-il possible de préciser s'il s'agit de la contribution différentielle sur les hauts patrimoines qui a été évoquée à plusieurs reprises dans la presse ? Quels en seraient le contenu et le périmètre ?
Il a également indiqué que le projet de loi de finances pour 2026 comprendrait une remise à plat des niches fiscales et sociales. On parle de près de 3,5 milliards d'euros, ce qui est assez massif. Or, le document mentionne seulement la réforme de l'abattement de 10 % sur les pensions pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Quels sont les autres dispositifs concernés ?
Il a aussi mentionné une réflexion sur la refondation du financement de notre modèle social, en cherchant d'autres bases que le travail. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette bascule d'assiette ?
La contribution de la France au budget de l'Union européenne est annoncée en hausse de 5,7 milliards d'euros, un peu moins que les 7 milliards d'euros attendus. Ce montant est a priori le fruit des engagements européens de la France, notamment de la décision sur les ressources propres. Selon la presse, cette hausse moindre aurait été négociée ardemment avec l'Union européenne. Avez-vous des éléments à nous communiquer à cet égard ?
Je terminerai sur l'effort demandé aux collectivités territoriales - nous sommes au Sénat -, qui est de 5,3 milliards d'euros, soit 13 % de l'effort total. Je le dis tout net, je pense que ce n'est pas acceptable. Depuis 2019, la dette a progressé de 15 points de PIB. Les administrations locales ne sont responsables que d'une hausse de 0,4 point, soit moins de 3 % du total. Et vous proposez qu'elles prennent en charge 13 % de l'effort ! De surcroît, le poids de la dette des collectivités est à peu près stable depuis trente ans, et leur déficit ne s'élève jamais à plus de 0,6 point de PIB. Dans ces conditions, la proposition du Gouvernement est, de mon point de vue, manifestement excessive. Pouvez-vous nous donner le détail des 5,3 milliards d'euros d'efforts attendus des collectivités, ainsi que des répercussions envisagées ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Courage et responsabilité, avez-vous dit. Moi, je parle avec sincérité et authenticité. Nous avons pris des décisions. Il faut savoir en tirer les conséquences.
Ce gouvernement propose - nous savons tous à quel point ce n'est pas le chemin de la facilité - de reprendre en main notre destin et nos comptes publics. Il m'appartient d'être tournée vers l'action, vers la recherche de compromis, afin de trouver des solutions.
J'ai été très honorée d'être une jeune députée membre de la commission des finances en 2017, en 2018 et en 2019. Nous avons mené des réformes. Il y a eu des crises. Il y a sûrement des aspects sur lesquels l'on peut se dire rétrospectivement qu'il aurait peut-être fallu procéder différemment. Notamment, le choc d'inflation - honnêtement, nous ne l'avions pas anticipé - causé par l'agression russe en Ukraine a beaucoup déstabilisé notre capacité à nous projeter. Aujourd'hui, nous sommes, me semble-t-il, face à nos responsabilités.
Je pense d'ailleurs que c'est la responsabilité de ma génération. Je viens d'avoir 40 ans. Il nous faut laisser à nos enfants qui grandissent la capacité de vivre, eux aussi, dans un pays sûr, stable et solidaire, mais également avoir une action résolue au profit de nos parents, face aux enjeux démographiques qui s'imposent à nous.
Monsieur le rapporteur général, factuellement, votre calcul est exact. Pour être pleinement honnête, il faudrait toutefois intégrer le gel qui interviendra au début de l'année 2026. Sur le périmètre des dépenses de l'État, c'est-à-dire le périmètre ministériel moins tous les flux internes, plus les comptes spéciaux et le prélèvement sur recettes, nous maîtrisons la hausse à 7,3 milliards d'euros là où la tendance nous amènerait à plus de 20 milliards d'euros. Cet effort illustre ce qu'est l'État exemplaire, c'est-à-dire un État qui se réorganise, qui revoit ses interventions et qui fait des choix, déclinés mission par mission dans le tiré à part.
Sur la contribution de solidarité, il y a trois outils ; je ne sais pas à ce stade ce qui aura fait l'objet d'un compromis et figurera in fine dans le projet de loi de finances.
D'abord, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) permet de s'assurer qu'il y a bien 20 % d'impôts payés sur le revenu fiscal de référence. Pour l'instant, le Premier ministre souhaite plutôt pérenniser cet outil.
Ensuite, la fiscalisation des actifs non productifs des holdings est un mécanisme désormais assez usité - disons-le franchement - d'évitement et parfois de contournement de l'impôt.
Enfin, la contribution différentielle sur les hauts patrimoines, dont on retirerait de la base les biens professionnels, ce qui est couvert par un pacte Dutreil, et les investissements, notamment dans les entreprises en croissance, est une troisième manière de garantir le paiement de l'impôt existant et le soutien à l'activité.
C'est à partir de ce bouquet de solutions que nous voulons construire la future contribution de solidarité. Si nous faisons les trois, il risque d'y avoir des doublons en matière de fiscalité. Si nous n'en faisons qu'un seul, il faudra bien le choisir et calibrer notre action.
J'en viens à la remise à plat des niches. J'avais eu quelques souvenirs mitigés de la manière dont les parlementaires étaient reçus quand ils faisaient leur travail d'évaluation des niches. Avec Joël Giraud, nous avions voulu supprimer celles qui bénéficiaient à moins de vingt contribuables. J'avais senti que, côté gouvernemental, l'exercice était vu comme fastidieux, peu rémunérateur et peu intéressant. J'ai donc souhaité que nous procédions différemment.
Y a-t-il des niches que l'on veut supprimer, parce qu'elles arrivent à extinction, parce qu'elles ne sont pas efficaces, parce qu'elles bénéficient à trop peu de gens ou parce qu'elles n'ont plus d'utilité ?
Y a-t-il des niches que l'on veut modérer dans leur croissance, par les plafonds, par les taux, hors crédit d'impôt recherche (CIR) et hors crédit d'impôt pour les services à la personne ? Au demeurant, ce dernier, qui représente aujourd'hui 6,5 milliards d'euros, est très concentré sur un certain nombre de ménages. Je ne souhaite pas de modifications sur le volet relatif à la garde d'enfants, aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. Pour le reste, il y a des discussions. Le Conseil des prélèvements obligatoires et la Cour des comptes ont émis des propositions. Travaillons-y ensemble.
En outre, nous voulons rendre progressif l'abattement de 10 % pour les retraités. Aujourd'hui, il ne l'est pas : plus un retraité est aisé, plus il en profite. Nous proposons d'en faire un abattement forfaitaire de 2 000 euros par personne, et non par foyer comme aujourd'hui, ce qui permet de le rendre lisible, plus juste, et de réaliser une économie d'environ un milliard d'euros. Pour un retraité seul ayant moins de 20 000 euros de retraite par an, l'abattement forfaitaire sera plus important que l'abattement actuel. C'est une mesure qui me paraît équitable.
La question du financement sur d'autres bases que le travail fait l'objet de réflexions de notre part depuis très longtemps. Le Premier ministre souhaite que les partenaires sociaux, les entreprises et ceux qui le peuvent contribuent à ce débat. Si nous voulons que le « Stop à la dette, en avant la production » devienne réalité, nous devons examiner les coûts qui pèsent sur le travail et qui minent à la fois la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des salariés.
Vous avez également abordé le prélèvement sur recettes pour l'Union européenne. En tant que ministre des affaires européennes, j'ai eu la lourde responsabilité de négocier le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Dans ce cadre financier, il était prévu que le prélèvement sur recettes pour la France en 2026 serait de 29 milliards d'euros. Et à mon arrivée dans mes fonctions actuelles, on m'a expliqué que ce serait 30,3 milliards d'euros. Nous avons donc repris avec le Conseil, la Commission européenne et les autres pays contributeurs nets une négociation pour en revenir à ce qu'étaient les critères de financement de la politique de cohésion avant le covid. Très concrètement, nous avons négocié que les taux de préfinancement par projet dans le cadre de cette politique baissent de 30 % à 20 %, pour revenir au cadre précovid, que les taux de préfinancement global de l'enveloppe soient non plus de 4,5 %, mais de 1,5 %, et que les taux de cofinancement par projet - qui pouvaient s'élever à 100 % - reviennent aux paramètres précédents. Nous avons activé cette négociation et embarqué d'autres pays contributeurs nets. Européens convaincus, comme beaucoup - je le crois - ici, nous voulons que l'Europe réussisse, investisse et déploie ses politiques publiques. Pour cela, nous devons donner la juste part de financement. Pas plus, pas moins. C'est ce que nous avons fait.
Enfin, monsieur le rapporteur général, sur les collectivités, sans faire de polémique, j'ai une lecture un peu différente. Chaque année, celles-ci bénéficient de 150 milliards d'euros de transferts de l'État, via des prélèvements sur recettes, des subventions et des dotations. Or ces 150 milliards d'euros sont souvent financés par le déficit. Notre approche a été de regarder la dépense publique de chaque bloc - sécurité sociale, collectivités, État - pour voir comment chacun pouvait prendre sa part à l'effort.
En 2026, les élections municipales ralentiront mécaniquement les investissements des collectivités, d'environ 5 milliards d'euros selon les estimations. Et nous verserons aux collectivités les mêmes sommes qu'en 2025 rehaussées de l'inflation : c'est le « zéro volume ». Il est prévu que les dépenses de fonctionnement des collectivités augmentent de 3,3 milliards d'euros. Si nous avions appliqué aux collectivités la règle que nous nous imposons à l'État, celle du « zéro valeur », les dépenses de fonctionnement auraient augmenté non pas de 3,3 milliards d'euros, mais de zéro, et l'effort de leur part aurait été non pas de 5,3 milliards d'euros, mais de 8,6 milliards d'euros. Nous avons donc modulé l'effort. Et nous avons proposé de maintenir la part de la santé dans le PIB, en revalorisant les dépenses de santé de la croissance non seulement de l'inflation, mais aussi du PIB.
Comment arrivons-nous à 5,3 milliards d'euros ? Nous voulons abonder le fonds de sauvegarde des départements de 300 millions d'euros. Nous préservons la dotation globale de fonctionnement (DGF), à hauteur de 27,4 milliards d'euros, en rétablissant d'ailleurs une DGF au profit des régions. Sur le volet des économies, nous prévoyons une réduction de 2 milliards d'euros avec un nouveau dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico). Nous proposons également de maîtriser la dynamique du prélèvement sur les recettes de l'État qui compense les valeurs locatives des locaux industriels, pour une économie de 1,2 milliard d'euros, d'écrêter une partie de la dynamique de TVA limitée à l'inflation - 0,7 milliard d'euros en moins - et de minorer les variables d'ajustement de 0,5 milliard d'euros. Nous voulons enfin décaler le versement en année n+1 du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
M. Thierry Cozic. - Je m'exprime au nom du groupe socialiste. Nous avons tous pris connaissance du brouillon de budget que vous comptez présenter à la rentrée.
Sur la méthode, proposer des mesures alors que la session parlementaire est achevée, en se mettant donc à l'abri de toute réponse de la représentation nationale, ne trahit que trop bien la fébrilité du Premier ministre. Celui qui prétend « gravir l'Himalaya budgétaire » l'aborde par une pente très douce !
Sur le fond, le Premier ministre n'a eu de cesse de nous dire que l'effort devrait être partagé, mais, avec ce semblant de budget, le partage ne se fera qu'entre les classes moyennes. Aucune contribution des plus riches de ce pays, qui ont pourtant vu leur patrimoine doubler en dix ans, n'est prévue.
On savait la macronie finissante. Avec la suppression de deux jours fériés, elle prouve qu'elle est désormais en perdition. Proposer de supprimer le 8 mai, jour de capitulation de l'Allemagne nazie, alors que la guerre fait rage aux portes de l'Europe est un bien curieux symbole. Comme vous aimez manier la comparaison européenne, rappelons que si deux jours fériés étaient supprimés, la France n'en aurait plus que neuf par an, soit le plus bas niveau en Europe.
Et l'année blanche que vous proposez sera une année noire pour tous les Français qui travaillent.
En résumé, les propositions du gouvernement Bayrou, c'est un plan d'austérité budgétaire payé par les classes moyennes et les retraités, mais aussi par nos collectivités territoriales, qui vont une nouvelle fois devoir assumer les conséquences d'une situation dont elles ne sont pas responsables.
Rien sur le capital, rien sur les banques, rien sur les superprofits ! Au regard du tollé que les annonces du Premier ministre ont suscité dans tout le pays, allez-vous revoir votre copie avant de la présenter au Parlement ?
M. Thomas Dossus. - Hier, dans une volonté de dramatisation, le Premier ministre a parlé d'une « situation à la grecque » à propos de la France. Rappelons pour mémoire que la crise grecque a découlé de décennies de maquillage des comptes publics.
À l'instar du président de notre commission, je note que, dans le « moment de vérité » d'hier, il y avait eu une forme d'omission assez importante de la politique budgétaire de ces dernières années. Nous payons aujourd'hui la facture des réformes menées à crédit et prolongées à répétition de manière un peu dogmatique. En 2017, la dette s'élevait à 2 200 milliards d'euros, contre 3 300 milliards d'euros aujourd'hui : le bilan, c'est donc 1 000 milliards d'euros supplémentaires de dette.
Vous parlez de « choix budgétaires ». En réalité, on s'oriente vers un gel des budgets, dont celui des politiques de réduction de gaz à effet de serre, après un début d'année marqué par un fort ralentissement des efforts de décarbonation de l'économie française. En termes de souveraineté, il y a un paradoxe. Nous augmentons notre budget de défense pour faire face à la menace russe tout en continuant d'importer des tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) russe du fait de la faiblesse de nos politiques de sobriété et de développement d'énergies alternatives. C'est absurde. Assumez-vous la sortie de la France de la trajectoire climatique de l'accord de Paris pour des raisons budgétaires ?
Lundi 7 juillet, l'Insee a publié des données pour l'année 2023. Le taux de pauvreté atteint son plus haut niveau depuis 1996. Dans le même temps, la fortune des ultra-riches n'a jamais autant progressé que ces dernières années. Assumez-vous, cette année encore, de ne pas mettre à contribution les ultra-riches, quand vous exigez dans le même temps des efforts de la part des plus précaires de notre pays ?
M. Pierre Barros. - Les déclarations du Premier ministre d'hier ont déclenché un vrai débat. Mais sont-elles le signe d'un changement de politique ? Clairement, non !
Côté provocations, la barre a été mise assez haut : comparaisons osées avec le budget des familles, références à la Grèce, mise en cause des personnes malades, etc. C'est tout de même un peu rude, d'autant que rien n'a été dit sur les 211 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises privées sans contrepartie ni autre forme de regard de l'État.
Je rejoins le président de la commission sur le bilan de dix ans d'action politique, qui est aujourd'hui documenté. Un rapport récent de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) montre bien que la dégradation du solde structurel observée entre 2017 et 2024 s'explique essentiellement par la baisse non financée des prélèvements obligatoires, et non par une dérive des dépenses publiques primaires. Ce sont donc des choix politiques qui ont conduit à la situation dans laquelle nous nous trouvons : supprimer des contributions sans faire d'économies ailleurs, c'est créer de la dette.
L'année blanche à 7 milliards d'euros pose également question au regard de ses effets récessifs, ainsi que de la hausse du chômage et de la perte de moyens pour la transition écologique qu'elle va induire.
Je vous avais demandé voilà peu s'il y aurait un « Dilico 2 » et un « Dilico 3 ». La mise en place d'un « Dilico 2 » contredit, me semble-t-il, ce que vous aviez alors répondu...
Si les budgets des collectivités territoriales sont en augmentation constante, c'est parce qu'il y a des transferts de charges. Et, du fait de votre politique, les collectivités vont devoir faire face à des dépenses supplémentaires. C'est un vrai problème.
Sur les agences de l'État, sujet que nous avons étudié avec Christine Lavarde dans le cadre d'une commission d'enquête, vous évoquez 5,2 milliards d'euros d'économies, dont a priori 1,5 milliard d'euros sur le fonctionnement et 3,7 milliards d'euros sur les politiques publiques. Quelles politiques publiques allez-vous supprimer dans ce cadre ? Et je doute que vous imaginiez réaliser 1,5 milliard d'euros d'économies sur le fonctionnement en une seule année, sachant que, selon notre rapport, une économie de 500 millions d'euros serait déjà une performance très importante .
Tous ces éléments suscitent des interrogations sur vos chiffres et vos modes de calcul et n'incitent guère à la confiance.
M. Laurent Somon. - Vous avez indiqué qu'il ne s'agissait pas seulement d'un plan de redressement et que vous aviez la volonté de réactiver la croissance à travers les investissements, notamment les investissements d'avenir. Quelles sont la stratégie et la doctrine du Gouvernement sur les rythmes d'attribution des crédits d'avenir, en particulier France 2030 ? L'an dernier, le précédent gouvernement avait fait le choix d'en ralentir le rythme, au détriment de la prévisibilité et de la crédibilité de l'action publique contrôlée par le Parlement. À la fin de l'année 2024, sur l'enveloppe de 52 milliards d'euros d'aides publiques, 37 milliards d'euros avaient été attribués.
Quel est, au regard de la situation dégradée des finances publiques, le montant estimatif d'aides qui seront ou ont été attribuées pour l'exercice 2025 ? Le Gouvernement a-t-il expressément pris la décision de ralentir le rythme d'attribution des aides du plan France 2030 en 2026 pour contribuer au redressement des comptes publics ?
M. Olivier Paccaud. - Vous avez utilisé l'expression « point zéro » de la construction budgétaire. Cela signifie qu'il va y avoir un dialogue et que les propositions énoncées par le Premier ministre hier doivent pouvoir évoluer.
L'annonce de la suppression de deux jours fériés suscite un peu d'émoi chez nos compatriotes. Voilà quinze ans, ceux-ci avaient beaucoup aimé le « travailler plus pour gagner plus ». Mais « travailler plus sans gagner plus », cela pose tout de même problème.
Puisque vous pensez qu'il faut travailler plus, notamment en partant plus tard à la retraite - je le pense également -, permettez-moi de vous poser une question un peu iconoclaste. Ne faudrait-il pas passer des 35 heures aux 36 heures payées 36 ? Selon certaines estimations - je sais que vous n'avez pas les mêmes chiffres -, une heure de travail supplémentaire par semaine rapporterait 43 milliards d'euros dans le budget.
M. Éric Jeansannetas. - Sur les 1,7 milliard d'euros seulement de crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », le tiré à part indique une baisse de 300 millions d'euros, soit presque 18 % du total. Les politiques au titre de cette petite mission ayant des répercussions importantes sur nos territoires, un front commun s'était formé l'an passé sur les travées de cette assemblée pour obtenir un maintien des moyens.
Quels dispositifs se trouvent à présent dans le viseur : le service national universel (SNU), le Pass'Sport ? Si je rejoins votre ambition d'une génération de quadragénaires veillant à ce que la jeunesse grandisse dans de bonnes conditions, il faut que des structures associatives se situent dans les territoires pour former à l'engagement. Rien ne se fait sans argent : je lance l'alerte.
Mme Ghislaine Senée. - Est-il crédible de comparer la situation de la France à celle de la Grèce en 2009, sachant que, lors de la crise de la dette cette année-là, le taux d'intérêt sur dix ans des emprunts grecs était de 30 % ? Le nôtre est à 3,4 %...
Lorsque j'ai rencontré l'an dernier Mme Vautrin en ma qualité de rapporteure spéciale, elle m'a interrogé sur de potentielles sources d'économies. Même si j'appartiens à l'opposition, je considérais qu'il y avait matière à faire des efforts. De fait, en 2025, la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » a connu une baisse de ses crédits de 3 milliards d'euros.
À présent, vous proposez une baisse de 1,7 milliard d'euros supplémentaires, qui correspond précisément au montant de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), que le gouvernement Attal voulait supprimer. Est-ce votre projet ? Sinon, la baisse des crédits concernerait-elle une nouvelle fois l'apprentissage ? Toucherait-elle à l'insertion ou à l'activité ? Entendez-vous de nouveau mettre à contribution les plans d'investissement dans les compétences (PIC) ou procéder à des coupes franches dans le programme « Accès et retour à l'emploi » ? L'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » sera-t-elle pérennisée ? Je voudrais enfin un état des lieux précis de la situation dans les centres de formation d'apprentis (CFA) et les entreprises, car il me semble essentiel d'évaluer les conséquences des décisions prises l'année dernière avant de lancer des propositions chiffrées.
Mme Florence Blatrix Contat. - Nous sommes évidemment pleinement conscients des enjeux budgétaires et de la nécessité de maîtriser nos dépenses publiques afin d'assurer la soutenabilité de la dette, et nous souscrivons aux propos du président de la commission concernant les baisses d'impôts qui ont contribué à creuser le déficit.
Comme le Premier président de la Cour des comptes l'a rappelé, le dérapage budgétaire en 2023 et 2024 a contribué à doubler l'effort que nous devons faire jusqu'à 2029. Ma question portera sur le montant de ce dernier pour 2026, à savoir 43,8 milliards d'euros. La Cour a rappelé dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques que la trajectoire du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) suppose un effort de 105 milliards d'euros à l'horizon 2029 pour ramener le déficit à 3 %, soit un effort d'environ 26 milliards d'euros par an.
Or, depuis le gouvernement de Michel Barnier, la méthode utilisée pour calculer l'effort nécessaire est tendancielle. À ce titre, elle fait l'objet de critiques nourries d'économistes, du Haut Conseil des finances publiques et même du gouverneur de la Banque de France. Récemment, l'Institut des politiques publiques a souligné dans une note qu'« en l'absence d'information sur l'évolution tendancielle des dépenses publiques, les hypothèses sur lesquelles repose l' "effort budgétaire de 40 milliards d'euros" [...] restent difficiles à appréhender, ce qui altère la qualité du débat sur les enjeux budgétaires ».
Aussi, l'effort important demandé à nos concitoyens repose sur des hypothèses peu étayées : en utilisant la formule de calcul habituelle pour le budget 2025, il aurait été chiffré à environ 25 milliards d'euros. La différence est significative, d'autant que le contexte économique est dégradé. Cet effort est économiquement dangereux, car il est procyclique.
Actuellement, le premier frein à la production est l'absence de demande. Dans ce contexte, taper sur ceux qui ont la plus forte propension à consommer, c'est-à-dire les classes moyennes et populaires, risque de saper la croissance. Par ailleurs, nos exportations seront limitées par la guerre commerciale, nous exposant aux importations chinoises.
Puisque cette austérité risque encore de fragiliser notre économie, ce montant est-il raisonnable ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Madame Blatrix Contat, dans le cadre du plan d'action qu'Éric Lombard et moi-même avons présenté dès notre arrivée en mars dernier, nous avons souhaité que la méthode de calcul tendancielle soit examinée par le Haut Conseil des finances publiques afin d'accroître la transparence et de réduire les polémiques. Nous avions en effet été surpris de découvrir que chaque administration suivait sa propre méthode de calcul. Nous avons donc voulu harmoniser les choses, pour rendre lisible l'ensemble. Le Haut Conseil des finances publiques ne jugera pas la tendance elle-même, mais il portera un regard sur notre méthodologie.
Ma responsabilité, en tant que ministre des comptes publics, est de contrôler la dépense afin d'être en conformité avec le pacte européen qui prend la suite du programme de stabilité (PStab). Le quantum d'économies proposé équivaut presque à la cible du zéro volume total que le gouverneur de la Banque de France considère être la manière d'arriver à un déficit de 3 % en 2029.
Que vous fondiez vos calculs sur le tendanciel ou sur la dépense totale - celle-ci croît de 0,4 % en volume, sachant que le gouverneur de la Banque de France considère qu'il faut rester autour de 0,05 % pour atteindre notre cible -, le résultat est finalement le même : il faut ralentir la progression de la dépense. Cet effort est assez inéluctable. Si la dynamique de dépense actuelle se poursuit, nous ne parviendrons pas à stabiliser la dette, à moins d'augmenter considérablement les impôts chaque année.
Concernant les pressions extérieures, la France, avec les Pays-Bas et la Belgique, s'apprête à créer une taxe sur les petits colis chinois, nos trois pays représentant 80 % des envois de ces derniers en Europe. En effet, 800 millions d'articles sont entrés en France l'année dernière, contre environ 1,2 milliard aux Pays-Bas. De même, 80 % des articles expédiés dans notre pays ne respectent pas les normes en matière de prix, de qualité et de sécurité, sans même considérer les conditions environnementales et sociales affreuses dans lesquelles ils sont produits. Tant que le code douanier européen n'aura pas évolué - ce sera le cas fin 2026 ou, au plus tard, début 2027 -, la France agira par le biais de mesures nationales, car le code douanier actuel nous permet, face à des circonstances exceptionnelles, de rétablir des contrôles et des redevances pour contrôle.
Tous les économistes assurent que le principal frein à la production est l'incertitude. Face au taux d'épargne au plus haut depuis quarante-cinq ans, il est crucial d'accorder de la visibilité à nos concitoyens, entrepreneurs ou ménages. Il faut leur faire comprendre l'équation fiscale et leur donner un cap clair.
Monsieur Cozic, nous ne pouvons pas revenir sur l'objectif : il faut réduire le déficit. Nous ne transigerons pas non plus sur certaines modalités. En effet, cette réduction ne peut se faire autrement que par le soutien à la croissance, aux emplois, à la compétitivité, aux exportations et à l'innovation. De plus, nous ne reviendrons probablement pas sur la modération de la dépense, mais nous pouvons discuter de la manière de le faire de manière juste, équitable et, surtout, efficace. Votre pouvoir est de voter ou de ne pas voter la loi, de censurer ou de ne pas censurer, tandis que notre devoir est de créer un compromis en proposant des mesures justes.
Concernant les deux jours travaillés supplémentaires, notre pays a une particularité intéressante : nous sommes payés indépendamment du nombre de jours de travail effectif. Ainsi, quand les jours fériés tombent le dimanche, nous sommes payés à la même hauteur que les années où ils tombent les jeudis.
Le Gouvernement estime que travailler plus crée de la richesse. Pour faire un calcul de coin de table, deux jours de travail sur 365, c'est un ratio d'environ un sur 180, soit une création de richesse de l'ordre de 0,5 %. Quand la croissance actuelle est de 0,6 % ou de 0,7 %, l'apport est significatif ! Par conséquent, la contribution des entreprises aux recettes publiques augmenterait notablement et, par les mécanismes de partage de la valeur comme l'intéressement ou les salaires, cette richesse se verrait répartie.
En effet, l'apport aux finances publiques de 4,2 milliards d'euros que nous avons calculé ne se fonde pas sur une captation à 100 % de la richesse créée par ces deux jours travaillés supplémentaires. Dès aujourd'hui, Astrid Panosyan-Bouvet et Catherine Vautrin initient des consultations avec les partenaires sociaux pour définir la bonne manière de répartir cet apport. Même s'il est important de ne pas tomber dans une économie administrée, il est certain que tout le monde - salariés, entreprises et État - bénéficierait de cette richesse supplémentaire.
Monsieur Paccaud, le ministère a calculé l'apport économique d'une heure de travail hebdomadaire supplémentaire : le gain pour le PIB serait de 0,1 point, c'est-à-dire 3 milliards d'euros d'activité en plus. Avec le taux de prélèvements obligatoires actuel, les recettes pour les finances publiques s'élèveraient à 1,5 milliard d'euros. Le montant n'est pas négligeable, mais n'équivaut pas à 43 milliards d'euros. Il faut donc comparer les méthodes, monsieur le sénateur.
Monsieur Dossus, des lignes budgétaires augmentent en valeur, notamment celles relatives à l'écologie. Toutefois, certaines dépenses sont sous-jacentes et n'apparaissent donc pas. Par exemple, nous utiliserons davantage les certificats d'économies d'énergie (C2E) pour aider au changement de véhicule et soutenir MaPrimeRénov'. Ces montants sont extrabudgétaires, mais significatifs. De plus, la décarbonation de l'industrie se poursuivra au travers d'investissements importants sur les cinquante sites les plus polluants. Enfin, je vous annonce que le fonds Chaleur sera maintenu et bénéficiera d'une meilleure visibilité budgétaire.
Le Gouvernement n'a donc pas renoncé à la transition écologique. Les augmentations budgétaires seront nombreuses : plans d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau, dits plans Eau, fonds vert pour aider à l'investissement des collectivités... Nous avons vécu des cyclones, des canicules et des inondations, aussi, personne ne voit ces sujets comme anecdotiques. Il faut faire des choix et donc disposer de dispositifs efficaces, car l'argent n'est pas infini.
Le Gouvernement présentera dans le PLF 2026 une mesure importante pour que les énergies renouvelables (ENR) soient financées non plus de manière volatile en fonction du prix de l'énergie, mais par une part de recette dédiée, sans hausse de fiscalité. Ainsi, le budget de l'écologie sera plus lisible alors qu'il varie actuellement beaucoup en fonction des prix de l'énergie. Nous saurons, quand le prix sera élevé, combien les énergies renouvelables rapportent, car un lissage est prévu.
Madame Senée, les économies sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » sont notamment liées aux opérateurs de compétences (Opco) et à la mise à contribution des entreprises pour financer France Compétences. La ministre du travail échangera à ce sujet et présentera plus en détail les mesures d'économies.
De plus, les dépenses liées aux prestataires extérieurs de France Travail sont dynamiques : il est nécessaire d'examiner leur efficacité, car nous préférerions que les nombreux agents de cet organisme accompagnent eux-mêmes les usagers. En somme, malgré l'importante baisse proposée, les crédits de cette mission resteraient en hausse de 6,6 milliards d'euros par rapport à 2019, année de la réforme de l'apprentissage, soit 29,4 % de plus.
Monsieur Jeansannetas, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » est cruciale, car le sport est un outil essentiel de lutte contre de nombreux problèmes qui nous coûteraient beaucoup plus cher à résoudre par la suite. Je pense notamment aux enjeux de santé, physique et mentale, et de cohésion. Environ 100 millions d'euros d'économies proposées proviennent de l'unification des guichets d'aide aux collectivités locales en matière d'équipement sportif. Les actions de l'Agence nationale du sport, du ministère et des collectivités ne se poursuivront pas à l'infini, une fois le pays équipé ! Centraliser les aides à l'investissement en les mettant entre les mains des préfets nous permettra de tenir compte des besoins effectifs, d'avoir une vision stratégique par territoire et d'éviter l'émiettement.
Le Président de la République souhaite présenter à l'automne prochain, avant l'examen du PLF, la manière dont il entend organiser la mobilisation collective, notamment celle des jeunes et de la réserve. Il n'est donc pas prévu pour l'instant que le SNU soit pérennisé dans sa forme actuelle.
Je tiens à souligner que ce budget ne contient pas que des baisses de crédits : 582 millions d'euros sont prévus pour les jeux Olympiques d'hiver 2030. La dotation publique pour le Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) s'élève à 362 millions d'euros, contre 160 millions d'euros pour le Cojop de Paris 2024. Ces chiffres démontrent notre engagement en faveur du monde sportif et des événements associés. La ministre des sports et moi-même vous présenterons les détails en temps voulu.
Monsieur Somon, il convient pour France 2030 de distinguer l'attribution des crédits et leur paiement. Je comprends que le pilotage de ce plan interroge les sénateurs, car une importante trésorerie dormante a été constituée : certains fonds ne sont pas utilisés pour l'instant, mais le seront à l'avenir. Dans le contexte actuel contraint, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser cette abondante trésorerie des opérateurs inactive. Bien que la ligne budgétaire soit en hausse, car nous paierons toutes les sommes dues, nous annulerons donc, comme en 2025, des crédits de paiement. Nous dépenserons, à terme, les 54 milliards d'euros prévus, mais nous voulons piloter les fonds au plus près des échéances.
Monsieur Barros, il est difficile de comparer votre travail sur les opérateurs de l'État et le nôtre. En effet, tandis que vous parlez d'économies nettes, les 5,2 milliards d'euros annoncés par le Premier ministre sont des économies en tendanciel. De fait, ralentir les dépenses d'intervention a un effet double : les conséquences sont perceptibles à la fois directement et en tendanciel.
En 2025, le Gouvernement a souhaité que les opérateurs réalisent 3 milliards d'euros d'économies, obtenues grâce à de petites réorganisations et à des ajustements sur le fonctionnement ainsi que sur les interventions. En 2026, nous poursuivrons en ce sens. Un moment important de refondation et de réorganisation de l'action publique sera introduit par le Premier ministre début septembre prochain, avec la présentation de la réduction d'un tiers du nombre d'agences en cohérence avec les travaux de votre commission d'enquête. Nous examinerons leur périmètre, leur organisation, leur localisation, la « reministérialisation » de leurs compétences et leur budget, avant d'envisager éventuellement leur fusion ou leur suppression.
En 2026, selon le schéma d'emploi des opérateurs, 1 000 emplois seraient supprimés. Il nous faudra nous pencher sur France Travail, les opérateurs de compétences et les chambres de commerce, et rationaliser les actions d'ingénierie aux collectivités de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Tout sera détaillé clairement dans le PLF, par exemple pour les opérateurs de France 2030.
Pour le Dilico 2, nous souhaitons mener un travail avec vous pour le paramétrer différemment. Nous réfléchissons, sur proposition de certains députés, à limiter les prélèvements sur les collectivités dont les dépenses portent davantage sur l'investissement que sur le fonctionnement, ou qui supportent d'importantes charges de centralité.
M. Antoine Lefèvre. - Je me réjouis de constater que le Gouvernement n'a pas renoncé à certaines priorités, malgré le contexte budgétaire contraint : il a ainsi choisi, à bon escient, de sanctuariser les missions régaliennes de l'État. Le budget de la mission « Justice » devrait donc suivre la trajectoire pluriannuelle prévue au travers de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, avec une augmentation des crédits de 0,2 milliard d'euros, à peine supérieure toutefois à l'inflation.
Le rapport « article 48 » fait allusion à de nouvelles recettes : lesquelles identifiez-vous ? Une participation financière des personnes condamnées aux frais d'enquête et de justice est-elle prévue ? De fait, notre collègue Christine Lavarde avait fait adopter à l'occasion de l'examen du PLF 2025 un amendement, non retenu à l'issue de la commission mixte paritaire (CMP), qui visait à rétablir le principe d'un droit de timbre pour chaque procédure introduite devant une juridiction.
Certaines pistes pourraient judicieusement être étudiées, comme l'amélioration du recouvrement des amendes pénales, le développement des ventes avant jugement, ou encore l'augmentation de la fraction du produit des ventes, saisies et confiscations affectée à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).
Ces recettes pourraient-elles faire l'objet d'un fléchage spécifique leur permettant d'être directement affectées au ministère de la justice, dans l'objectif d'augmenter la capacité d'accueil en milieu pénitentiaire ? Les prisons modulaires constituent à mon sens une solution innovante face à l'urgence que représente la surpopulation carcérale dans notre pays.
M. Dominique de Legge. - Madame la ministre, il faudra remettre de l'ordre dans nos finances publiques en adoptant des réformes structurelles. Or celles-ci ne représentent, sur les 43,8 milliards d'euros d'économies annoncés, que 1,8 milliard d'euros, soit 4 % du total. L'année blanche est un fusil à un seul coup : cette solution ne pourra pas être retenue tous les ans.
J'ai cru comprendre que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois partant à la retraite ne toucherait ni les armées, ni l'éducation nationale, ni l'intérieur, ni la justice. Un certain nombre de secteurs connaîtront donc potentiellement un non-remplacement plus élevé.
J'ai pris acte de l'augmentation de 6,7 milliards d'euros des crédits de la défense, mais quid des crédits gelés ? Le dégel est annoncé toutes les semaines sans jamais avoir lieu... Il faut mettre en regard ces 6,7 milliards d'euros et les plus de 8 milliards d'euros de reports de charges ! Les présents crédits alloués permettront-ils de gérer le budget des armées de manière orthodoxe ou permettront-ils de passer des commandes supplémentaires par le biais de reports de charges ?
M. Christian Klinger. - Vous demandez à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » un effort budgétaire de 200 millions d'euros sur un total de 4,5 milliards d'euros. À titre personnel, je suis convaincu de la nécessité de réduire le train de vie de l'État. Toutefois, je m'interroge sur la compatibilité entre cet objectif ambitieux et les promesses faites au monde agricole.
La Commission européenne présente aujourd'hui le budget de la période 2028-2034, et c'est un euphémisme de dire qu'il suscite des inquiétudes ! En effet, la dilution de la politique agricole commune dans un vaste ensemble consacré aux aides s'ajoute à l'effort budgétaire demandé au monde agricole.
Je dois dire que je ne sais que déduire du quasi-silence du Premier ministre hier sur ces questions. Pouvez-vous nous indiquer les conséquences des annonces sur les promesses faites aux agriculteurs depuis un an ? De manière plus spécifique, pouvez-vous nous préciser si les agents du ministère, en particulier ceux qui assurent les contrôles sanitaires, sont visés par les suppressions de postes qui ont été annoncées ?
M. Raphaël Daubet. - Vous faites le choix de préserver le fonctionnement et de faire porter l'effort sur l'investissement des collectivités. C'est un choix discutable si l'on considère que la commande publique doit soutenir l'activité. Certes, le fait que 2026 est une année électorale entraînera une baisse mécanique des projets. Avez-vous bien tenu compte, cependant, des reports d'investissements, qui sont nombreux cette année ?
En tant que corapporteur spécial avec Michel Canévet de la mission « Aide publique au développement » (APD), je m'interroge sur la nouvelle baisse de crédits de 700 millions d'euros. Comment justifiez-vous ce choix ? Portera-t-il sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » ou sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement » ?
Enfin, quels seront vos choix en matière de fusion des opérateurs ? Je relaie ici notamment l'inquiétude des chambres consulaires.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je remercie d'abord Mme la ministre des précisions qu'elle a déjà apportées à la commission et du souci de dialogue qui l'anime. Nous avons tous conscience de la difficulté de l'exercice : nous avons finalement le choix entre décider nous-mêmes de mesures contraignantes ou subir plus tard, de manière plus rude, des mesures qui seront décidées par d'autres. Pendant des années, nous avons connu le « rabot ». Vous nous proposez une autre méthode. C'est louable, mais un certain nombre de questions se posent.
Vous avez abordé un peu rapidement l'effort demandé aux collectivités. À ce sujet, on entend le chiffre de 5,3 milliards d'euros, mais il me semble avoir vu dans le tiré à part un montant de dépenses des administrations publiques locales de 338 milliards d'euros en 2026, contre 340 milliards en 2025. Pourriez-vous nous préciser simplement les choses, d'autant que nous avions évoqué l'année dernière un effort de 2 milliards d'euros pour 2025 ?
Au sujet des retraites, nous avons le sentiment que la génération concernée, dont on dit parfois que le niveau de vie est meilleur que celui de certains actifs, subirait une double peine : désindexation et remplacement de l'abattement de 10 % par un forfait de 2 000 euros. Il s'agit, je le rappelle, d'un abattement sur le revenu imposable. Certains mélangent un peu tout et finissent par penser qu'ils devront payer 2 000 euros de plus. Il faut être très clair sur ce point. Globalement, cela pique tout de même un peu ; les retraités semblent stigmatisés.
Par ailleurs, le sentiment prévaut que, à la différence de nos compatriotes, les entreprises et le secteur économique ne sont pas mis à contribution. Je suis plutôt libéral : c'est l'entreprise qui selon moi crée la richesse et nous avons besoin de croissance. Sur le plan de l'équité globale, n'y a-t-il pas là néanmoins une maladresse, du moins dans la communication ? Il faut répondre à cette interrogation.
Enfin, nous sommes curieux de savoir comment vous comptez associer le Parlement aux lois et ordonnances qui ont été annoncées hier. Je pense notamment à la loi sur le déverrouillage de l'économie et aux ordonnances sur la simplification.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Au sujet des jours fériés et de leurs modalités pratiques, j'ai été quelque peu surprise de votre raisonnement concernant les paies identiques, quel que soit le nombre de dimanches ou de jours fériés dans le mois. La mensualisation des salaires est en vigueur depuis cinquante ans et cela ne changera pas... Le Premier ministre a indiqué que le dispositif serait très différent de celui de la journée de solidarité. Dans la mesure où, mis à part pour l'État employeur, la définition des jours chômés relève de la convention collective dans l'entreprise ou, à défaut, de l'employeur, comment cela se passera-t-il concrètement ?
Concernant le rendement, 4,2 milliards d'euros sont escomptés. Or le rendement de la contribution solidarité autonomie s'élève aujourd'hui, au taux de 0,3 %, à environ 2,5 milliards d'euros. Un calcul rapide montre que les 4,2 milliards d'euros correspondent à une contribution sur la masse salariale de 0,5 %, ce qui serait cohérent avec votre discours sur une répartition du gain de l'augmentation du temps de travail d'environ 0,9 %. Confirmez-vous que vous allez créer une contribution de 0,5 % sur la masse salariale ?
Par ailleurs, avez-vous évalué le nombre de retraités qui seraient touchés par la réforme de l'abattement de 10 % ? Quelle serait la perte moyenne pour les retraités concernés ? Ces derniers sont également affectés par la non-indexation des pensions. Ils ont aussi des dépenses de santé plus élevées que le reste de la population.
Mme Christine Lavarde. - L'abattement de 10 % pour les retraités s'appliquait auparavant par foyer fiscal. Je vous invite à vérifier que l'instauration du forfait de 2 000 euros ne favorise pas les ménages composés de deux personnes au détriment des personnes seules, qui assument seules leurs factures.
Sur les agences, votre discours illustre parfaitement le « tout est dans tout et réciproquement ». Il faut parler économies sur le périmètre de l'État et agences, et arrêter de dire que l'on fera 5 milliards d'euros d'économies sur les agences. Je vous ai écoutée attentivement, y compris lorsque vous vous êtes exprimée à l'Assemblée nationale. À ce stade, les seules véritables économies sont liées à la suppression de 1 000 à 1 500 ETP chez France Travail. Pour le reste, je ne vois pas où est l'économie quand on sort le fonds chaleur du périmètre de la subvention de l'Ademe pour le transférer à l'État. Vous évoquez la trésorerie, mais il s'agit uniquement de reports de charges, soit une fuite en avant : des engagements ont été pris et le seront toujours dans le futur. Par ailleurs, quand on transforme MaPrimeRénov' en crédits budgétaires par un portage extrabudgétaire des C2E, on fait certes des économies, mais si les crédits avaient été portés par le ministère, on aurait imputé ces économies au ministère et pas à l'agence. Pour l'heure, je n'ai donc pas entendu d'économies de fonctionnement qui seraient faites sur les agences en tant que telles. Comme nous l'avons montré dans notre rapport de commission d'enquête, il en existe, mais elles sont compliquées à mettre en oeuvre et elles restent limitées. Évitons d'entretenir collectivement l'agence-bashing. Les agents souffrent de cette confusion générale.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Très bien !
Mme Christine Lavarde. - Enfin, j'ai quelques questions spécifiques sur la mission « Écologie ». L'effet de périmètre de 3,1 milliards d'euros qui est mentionné par un astérisque dans le tiré à part est-il déjà traité dans les chiffres qui nous ont été communiqués ? Je comprends que ces 3,1 milliards d'euros concernent notamment le financement des énergies renouvelables (ENR) et des zones non interconnectées (ZNI). Pourriez-vous nous en dire plus ?
Sous forme de boutade, je rappellerai que, avant l'arrivée de la nouvelle majorité, nous avions un financement direct par fiscalité affectée grâce à un compte d'affectation spéciale (CAS). Vous avez supprimé le CAS pour finalement revenir en quelque sorte au schéma antérieur... Nous parlons tout de même de 3 milliards d'euros !
La clôture de la mission « Plan de relance » s'inscrit tout à fait dans la continuité des préconisations du rapporteur général. Toutefois, vous réintégrez l'ancien programme 362 « Écologie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Cela correspond-il uniquement à la mise en oeuvre des engagements déjà pris, c'est-à-dire à des crédits de paiement liés à des autorisations d'engagement antérieures, ou des mesures conçues comme conjoncturelles deviennent-elles ainsi structurelles ?
Enfin, vous avez mentionné le plan Eau. L'augmentation du plafond de certaines taxes affectées explique-t-elle celle des crédits de la mission « Écologie », sachant que le bonus doit être financé par des C2E, ce qui enlève globalement 700 millions d'euros de crédits à la mission à périmètre inchangé ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Sur la justice, le quantum de la loi de programmation est respecté. Gérald Darmanin vous présentera en détail la manière dont il mobilisera les crédits de son ministère. Certains éléments sont incontournables : le recrutement d'agents pénitentiaires, qui fait suite à l'ouverture de places de prison, la construction de prisons modulaires pour lutter contre la surpopulation carcérale ou encore les quartiers réservés dans le cadre du plan de lutte contre le narcotrafic. Tout cela se met en oeuvre.
En creux, je veux dire que nous retrouvons bien les montants de la loi de programmation, mais que nous nous adaptons aux priorités et aux besoins. Les moyens programmés doivent être effectifs. Gérald Darmanin vous présentera également notre ambition en matière de recettes, que nous pourrons augmenter grâce à un recouvrement accéléré et plus efficace des amendes, ainsi que grâce à des saisies plus importantes. Le garde des sceaux et moi-même avons organisé récemment une réunion cruciale avec l'ensemble des magistrats qui gèrent les budgets opérationnels de programme (BOP) pour voir comment, dans une logique assumée de moyens qui augmentent, nous pouvons accélérer et améliorer l'efficacité de la gestion.
Monsieur de Legge, en matière de réformes structurelles, nous pouvons identifier plusieurs éléments. Je citerai le milliard d'euros d'économies sur l'assurance chômage, ainsi que les 700 à 800 millions d'euros sur les indemnités journalières (IJ), dont nous voulons mieux maîtriser le volume et la durée de prescription, la moitié d'entre elles étant prescrites au-delà des recommandations de la Haute Autorité de santé. La fraude à la téléconsultation est un des enjeux : de nombreux arrêts maladie sont prononcés sur internet en l'absence totale de médecin. Nous réfléchissons aussi à la manière de bien répartir les dépenses entre les employeurs, l'État, la sécurité sociale et les patients. Ces dernières ont augmenté très fortement ces dernières années et d'une manière tout de même étonnante : + 10 % par an parfois pour les indemnités journalières AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles), tandis que les indemnités pour arrêt maladie ont augmenté de 8 % en 2024. Le montant total des IJ dans le budget de la sécurité sociale s'élève ainsi à 17 milliards d'euros aujourd'hui, contre 11 milliards en 2017. Voilà une réforme structurelle à faire. Il faut la lier à ce que nous avons dit sur le travail, l'innovation et le soutien à la production.
Permettez-moi de vous livrer un élément sur le temps de travail, à l'intention également du sénateur Paccaud : un Français qui travaille à temps complet travaille 122 heures de moins par an qu'un Allemand, soit l'équivalent de trois semaines. Cela s'explique, pour un tiers, par le fait que la durée de travail hebdomadaire est supérieure d'une heure en Allemagne, mais pour les deux tiers par un temps d'absence plus élevé en France, dû à une semaine de congés supplémentaire et à une semaine d'arrêts maladie de différence. Cela doit nous interroger. C'est aussi la raison pour laquelle nous parlons du travail de façon assumée comme quelque chose de positif pour notre pays : créer des richesses permet ensuite de les partager.
En matière d'emploi, cela n'aurait aucun sens de lancer de manière homogène une règle du « un sur trois » dans tous les ministères et dans tous les domaines. Nous ne le ferons pas dans les armées, dans l'administration pénitentiaire ou dans la gendarmerie, puisque nous recrutons. En revanche, nous devons adapter notre service public à la démographie. Quand on enregistre 21 % de naissances en moins, la carte scolaire s'en ressent nécessairement. Je ne dis pas qu'il faut 21 % de professeurs en moins, mais il faut bien admettre que, tout en préservant les écoles rurales, nous n'allons pas recruter dans les zones urbaines - c'est un triste constat pour notre pays - le même nombre de professeurs.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'était déjà le cas l'an dernier !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - La ministre de l'enseignement scolaire vous présentera trois éléments de réforme : sur les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) - les besoins sont encore énormes en la matière -, sur les aménagements liés à la démographie, notamment dans les zones urbaines, et sur la réforme de la formation des enseignants. Puisque nous recrutons les enseignants deux ans plus tôt, il y aura pendant deux ans une espèce de bosse de recrutement, qui disparaîtra dès que la réforme aura été pleinement lancée.
En ce qui concerne la défense, monsieur le sénateur de Legge, tous les crédits gelés seront dégelés au rythme des besoins. Chaque année, nous ouvrons, historiquement, des crédits supplémentaires de 1 à 2 milliards d'euros. Je veux rassurer les Français : Bercy n'a pas la main sur la politique de défense. Nous avons la main sur les comptes publics et nous accompagnons les priorités des ministères. Quand le ministère de la défense dispose d'une loi de programmation, ce n'est pas dans mon bureau que se prennent les décisions. Je ne fais que faciliter les choses. Par conséquent, si les commandes ne sont pas visibles, c'est lié non pas à un manque de crédits, mais à d'autres éléments du système qui seraient à revoir.
Il est vrai que les 6,7 milliards d'euros évoqués n'ont pas vocation à combler des reports de charges. Il s'agit de piloter le budget pour ne pas avoir à ouvrir 2 milliards d'euros de crédits qui auraient manqué chaque année. L'accélération de la dépense - doublement par rapport à 2017 en 2027 et non en 2030 - s'accompagne aussi d'une gestion budgétaire : chaque année, l'enveloppe permet de réaliser les prévisions. C'est une bonne pratique.
Concernant les enjeux agricoles soulevés par le sénateur Klinger, nous parlons d'une baisse de 140 millions d'euros hors forêts, ce périmètre étant en quelque sorte interministériel. Comme tous les Français, je suis très attentive à notre souveraineté alimentaire. La ministre Annie Genevard a souhaité préserver les enjeux sanitaires - les épisodes actuels le confirment -, mais également s'engager sur les sujets liés à l'eau, ainsi que sur les enjeux de renouvellement et de formation des agriculteurs. Sur les économies, elle a fait des choix qu'elle vous présentera. Certes, il y a des baisses, mais le budget de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales s'élève tout de même à 1,3 milliard d'euros, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2019. Le point de comparaison de 2019 est intéressant : il correspond à notre organisation publique à un moment où nous avions un déficit proche des 3 % du PIB et une sécurité sociale à l'équilibre. Rappelons que depuis 2019, le monde agricole a été percuté par de nombreuses crises : climatique, de génération et de renouvellement.
Monsieur Daubet, nous ne nous sommes pas compris : c'est bien sur le fonctionnement que porteront les efforts de modération. En tendance, l'augmentation des dépenses sera non pas de 8,6 milliards d'euros, mais de 3,3 milliards d'euros. Du côté de l'investissement, les crédits de paiement ne sont pas en baisse. Du fait du cycle communal, l'investissement des collectivités sera simplement inférieur de 5 milliards d'euros en 2026 par rapport à 2025. Nous n'avons pas décidé, je ne sais où, dans mon bureau, chez François Rebsamen, ou à Matignon, de réduire l'investissement de 5 milliards d'euros ; c'est la conséquence très attendue du cycle électoral. Si vous avez d'un côté - 5 milliards d'euros au titre de l'investissement et de l'autre + 3 milliards d'euros au titre du fonctionnement, cela donne - 2 milliards d'euros en valeur pour les collectivités. Ce montant est de 5,3 milliards d'euros inférieur à ce qu'aurait été la tendance si tous les crédits de fonctionnement leur avaient été accordés. Ce calcul est très simple.
Mme Christine Lavarde. - Nous ne sommes pas convaincus !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Concernant l'aide publique au développement, nous avons mené une revue de dépenses dont découlent plusieurs décisions. Premièrement, nous allons cesser de financer les projets rentables. Pour ces derniers, les subventions ne sont pas le bon outil, nous pouvons faire des prêts. Deuxièmement, nous recentrons l'action de l'APD en dehors des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui disposent d'autres outils de financement, en particulier la Chine. Troisièmement, nous portons nos efforts sur les enjeux de santé et sur les enjeux humanitaires. Nous poursuivrons évidemment le soutien à l'Ukraine et visons les pays prioritaires, où le cadre d'action est favorable. Les ministres en charge de l'aide publique au développement vous l'expliqueront : les programmes 210 et 209 sont tous deux concernés. Il est très important de noter que l'enveloppe globale reste en augmentation significative par rapport à 2017. Nous avons voulu reprendre une vision de budget base zéro. Je ne doute pas que cela fera l'objet de nombreux débats, mais c'est ainsi que nous avons essayé de reconstruire l'APD.
Les fusions d'opérateurs seront annoncées en septembre par le Premier ministre pour la partie relative à l'organisation de l'État. François Rebsamen a déjà annoncé, à Chartres, que 500 agents du Cerema seraient désormais sous la conduite des préfets de département, afin que l'ingénierie territoriale se fasse en lien avec les financements d'investissement. Nous en attendons des gains d'efficacité.
Monsieur Capo-Canellas, nous ne faisons pas des retraités des boucs émissaires. L'Institut des politiques publiques a réalisé une étude très intéressante estimant l'impact du gel des prestations, des retraites et du barème par centile de revenus, selon que l'on est un actif ou un retraité. Ce travail mériterait d'être partagé davantage : il propose une analyse très fine sur la manière d'équilibrer les choses et de rendre l'effort équitable. Équitable, cela signifie que, pour un effort identique en niveau de vie, les plus favorisés paient beaucoup plus et contribuent davantage que ceux qui ont des revenus plus modestes. L'abattement de 2 000 euros par personne représente au fond une forme de solidarité des retraités les plus aisés envers les retraités plus modestes qui se situent au début de la tranche d'imposition. C'est aussi une forme d'équité par personne, là où l'approche par foyer, madame Lavarde, présentait certaines bizarreries. Je comprends votre propos : les personnes seules assument des charges, mais un raisonnement par foyer fiscal aurait donné un résultat très antiprogressif. Nous pourrions débattre à l'infini des bons curseurs. Notre proposition a, nous semble-t-il, le mérite de la clarté et de la lisibilité.
Monsieur le sénateur Capo-Canellas, j'ai quelques difficultés à suivre votre raisonnement sur les entreprises. Le choix assumé du Premier ministre est de considérer que les entreprises font face aujourd'hui à de très grandes incertitudes. Si nous voulons réindustrialiser le pays, créer des emplois, augmenter les salaires et accomplir de bonnes choses pour notre pays, ce n'est pas en augmentant les surtaxes et autres que nous y arriverons. D'aucuns me reprochent de ne pas mettre à contribution les super-riches et d'avoir mis un terme à la surtaxe d'impôt sur les sociétés. C'est tout de même une drôle de conception que de considérer que les grandes entreprises seraient des super-riches. Les entreprises du CAC 40, ce sont des millions d'emplois en France. Je ne vois pas beaucoup de super-riches parmi elles. Selon moi, l'équité fiscale se situe plutôt au niveau des ménages. Cela étant, il est évident que si nous constatons que certaines niches fiscales ou subventions aux entreprises sont abusives, comme le disait le sénateur Barros, nous pouvons adopter une approche évoquée par le Premier ministre, dans laquelle il y aurait moins de subventions, moins d'aides aux entreprises, moins de normes. Chacun gérerait son affaire sans solliciter des aides, plus ou moins lisibles ou « conditionnées ». Cela nous semble être une bonne manière de procéder.
Madame la sénatrice Carrère-Gée, concernant la suppression des jours fériés, la différence avec le lundi de Pentecôte est claire : ce jour-là, les écoles et les services publics sont fermés, ce qui est assez paradoxal. Lorsque les écoles et les services publics sont ouverts, lorsque le pays tourne et que vous appliquez un prélèvement sur la masse salariale, la richesse produite est beaucoup plus importante. L'idée est d'augmenter le temps de travail de 1 607 heures à 1 621 heures et de partager équitablement la richesse créée, d'où la négociation entre patronat et syndicats. Une fois la richesse créée, nous demandons aux entreprises de nous en restituer 4,2 milliards d'euros. C'est moins que ce que nous aurions pu demander, parce que précisément nous voulons que la richesse soit partagée avec les salariés. Nous reviendrons sur les pertes moyennes pour les retraités et nous communiquerons tous les chiffres aux rapporteurs généraux, avec toutes les hypothèses.
Madame la sénatrice Lavarde, je vous avoue qu'il serait plus simple en effet pour moi dorénavant, dans nos échanges et dans la construction du projet de loi de finances (PLF), de parler en périmètre État-opérateurs. Dans le PLF, nous indiquerons évidemment si une mesure concerne strictement les opérateurs, comme nous l'avons fait en 2025. Comme nous parlons en tendanciel, la question de savoir ce que l'on met d'un côté ou de l'autre peut donner lieu à des discussions infinies. Dans l'intérêt collectif, épargnons-nous ces discussions.
Concernant la mesure à 3,1 milliards d'euros, la situation est la suivante : la Commission de régulation de l'énergie (CRE) publiera la semaine prochaine ses estimations de prix de l'énergie, dont nous avons tout de même quelque idée. De ces prix découle assez mécaniquement la manière dont nous devons compenser ou recevoir de la part des énergéticiens renouvelables soit des compensations, soit des flux entrants. Compte tenu des faibles prix de l'électricité, on estime que les compensations à verser aux énergéticiens renouvelables seraient de 3,1 milliards d'euros.
Mme Christine Lavarde. - ZNI comprises ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Non, il n'est question ici que d'énergies renouvelables. Nous reparlerons des ZNI. Ce qui est certain, c'est que la ligne budgétaire « énergies renouvelables » doit être clarifiée. Elle est source chaque année de grandes confusions, notamment sur les périmètres.
Mme Christine Lavarde. - Plusieurs centaines de millions d'euros sont en jeu !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Il y a là peut-être un petit côté « on fait et on défait », mais manifestement, nous ne sommes plus dans le même monde énergétique. La transparence doit être le principe conducteur de notre travail collectif. Pour avancer dans la sérénité, nous devons parler le même langage. Je vous propose, madame la sénatrice, que nous discutions du périmètre du programme 362 en dehors de cette réunion.
En conclusion, je dirai que les Français mesurent combien nous devons nous organiser différemment pour préserver l'essentiel. Chacun a ses priorités, mais certains enjeux nous rassemblent, et heureusement, en tant que nation : notre sécurité, l'avenir de nos enfants, la transition écologique, notre santé, notre modèle social fondé sur la solidarité. C'est se fourvoyer que de penser que nous tiendrons sans rien changer à notre système ! Dans son rapport au titre de l'article IV de ses statuts, le FMI énonce, nous concernant, quatre points intéressants. Il y est dit, premièrement, que la trajectoire que nous voulons mettre en oeuvre est crédible ; deuxièmement, que l'effort doit être mieux réparti entre l'État, les collectivités et la sécurité sociale - en creux, que l'État porte une trop grande part de l'effort ; troisièmement, que le changement de méthode dans le suivi de l'exécution est extrêmement positif ; quatrièmement enfin, que le risque sur notre dette à moyen terme est néanmoins plus grand qu'il ne l'était auparavant. Il est donc très important que l'effort de réduction de la dépense et de maîtrise du déficit soit partagé et réalisé.
Certes, nous travaillons non pas sous l'injonction du FMI, mais dans l'intérêt des Français et nous faisons nos propres choix de façon démocratique. Toutefois, il me semble intéressant d'écouter le FMI. Il nous appelle à être courageux et responsables pour nous-mêmes, maintenant. Je vous remercie donc par avance du travail que nous mènerons ensemble et de la responsabilité collective dont nous saurons faire preuve pour nous accorder sur l'essentiel : protéger notre liberté.
M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie, madame la ministre. Surtout, ne nous mettons pas dans l'idée que nous avons trois années à passer ainsi. Nous engageons aujourd'hui une réflexion de long terme.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Vanina Paoli-Gagin comme rapporteur du projet de loi n° 855 (2024-2025) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
La réunion est close à 20 h 30.