- Mercredi 19 novembre 2025
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 72 à 77) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Justice » (et article 78) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 78) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 - Examen du rapport
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 69) et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Écologie - mise en extinction du plan de relance » - Programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux
Mercredi 19 novembre 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 72 à 77) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport de nos collègues Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), les articles 72 à 77 et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». - Les crédits de la mission RCT ne représentent qu'une petite partie des transferts financiers de l'État aux collectivités. Ils s'élèvent à 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, quand les transferts de l'État sont estimés à près de 108 milliards d'euros, et même 155 milliards d'euros si l'on inclut les fractions compensatrices de TVA accordées en contrepartie des réformes fiscales.
Nous commencerons par vous présenter les grandes évolutions de la mission, avant de nous attarder sur les articles qui y sont rattachés, dont la portée est plus large. Je souligne également que tout n'est pas stabilisé, dans l'attente des votes sur la première partie.
S'agissant tout d'abord des crédits de la mission RCT, après plusieurs années de stabilité, les autorisations d'engagement (AE) connaîtront une baisse de 152 millions d'euros en 2026, laquelle peut être intégralement imputée au programme 119, qui représente plus de 90 % des crédits de la mission et qui porte les dotations de soutien à l'investissement local ainsi que les dotations de décentralisation. La baisse est bien moindre toutefois s'agissant des CP, avec une diminution qui se limitera à 31 millions d'euros en 2026.
Comment expliquer ces évolutions ? S'agissant du programme 119, la mesure principale est la création à l'article 74 du présent PLF d'un fonds d'investissement pour les territoires (FIT). Ce fonds sera issu de la fusion de trois dotations d'investissement portées par le programme 119 : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), qui vise les communes et leurs groupements, et la dotation politique de la ville (DPV).
Cette fusion avait été annoncée par le Roquelaure de la simplification, mené par le Gouvernement en avril 2025, qui visait à assurer « une plus grande lisibilité des critères d'attribution ». Nous sommes assez loin du compte... En 25 alinéas et sur deux pages, le Gouvernement nous propose une nouvelle architecture, en revoyant les collectivités éligibles, les modalités de répartition et la gouvernance des dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales.
Certes, le Sénat a mis en avant par le passé un besoin de simplification de ces dotations, souvent distribuées de façon interchangeable en préfecture. Mais il s'agissait avant tout, à court terme, d'un indispensable travail administratif d'harmonisation des procédures et des calendriers. À l'inverse, sur le plan budgétaire, une dotation comme la DETR fait l'unanimité et la valeur des financements qu'elle apporte aux zones rurales est reconnue de tous. Selon la formule bien connue de Montesquieu, le législateur doit donc n'y toucher que « d'une main tremblante » s'il souhaite améliorer l'un des rares dispositifs qui donnent aujourd'hui satisfaction. Une telle démarche nécessite des échanges prolongés avec le Sénat et les associations d'élus, ainsi que des partages de simulations pour identifier et analyser les effets redistributifs. Dans le cas présent, cela n'a pas été fait. En toute logique, l'ensemble des associations d'élus demande la suppression de ce dispositif, et c'est pourquoi nous vous proposons un amendement visant à supprimer l'article 74.
Sur le plan budgétaire, les AE consacrées aux trois dotations qui composent le FIT sont en baisse de 12 % - 200 millions d'euros. Le Gouvernement s'appuie toutefois sur le cycle électoral en indiquant, à juste titre, que les investissements connaissent naturellement une baisse en année d'élections municipales. Les communes éligibles à la DETR et à la DPV seraient préservées et la baisse porterait sur la DSIL.
Il convient par ailleurs de noter que, contrairement aux AE, les CP du programme 119 sont en hausse, avec notamment une augmentation de 59 millions d'euros pour les trois dotations du FIT. Cette hausse vise à tenir compte des importants restes à payer, pour ne pas assécher l'investissement des collectivités.
Quelques mots enfin sur les autres évolutions notables du programme 119. Je note tout d'abord avec satisfaction que le Gouvernement a reconduit une dotation pour les aménités rurales à 110 millions d'euros, entérinant la hausse de 10 millions d'euros que je vous avais proposée l'an dernier. Cette dotation offre en effet une reconnaissance de l'importance des charges de ruralité, qui sont supportées par les communes les plus vulnérables au bénéfice de tous.
Je constate par ailleurs, sur la question du volet « écoles » du programme Marseille en grand, que les craintes que nous avions exprimées étaient malheureusement fondées. Dans notre contrôle de l'an passé sur le sujet, nous avions émis des doutes sur le réalisme du cadencement des opérations jusqu'à 2032 : de fait, les dernières estimations transmises font apparaître une baisse des besoins prévisionnels de 17,5 millions d'euros en 2025 et en 2026, et une baisse totale de 47 millions d'euros d'ici à 2027, soit près d'un cinquième du budget total du programme, qui s'élève à 254 millions d'euros.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». - Les crédits du programme 122 concernent essentiellement des aides destinées à soutenir les collectivités faisant face à des situations exceptionnelles.
Comme pour le programme 119, ils sont grandement affectés cette année par l'article 73 du PLF, qui étend le bénéfice de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques (DSEC) aux collectivités d'outre-mer. Pour mémoire, la DSEC permet aujourd'hui d'indemniser les collectivités de métropole quand elles sont touchées par des événements climatiques ou géologiques.
Les collectivités d'outre-mer pouvaient, quant à elles, s'appuyer sur le fonds de secours pour les outre-mer, le FSOM, qui couvre cependant un périmètre plus large, puisqu'il peut aussi indemniser des particuliers, des entreprises à caractère artisanal ou familial et des exploitants agricoles. Le dispositif présente toutefois plusieurs limites. Il est d'abord dépourvu de base légale, puisqu'il repose sur une circulaire du 11 juillet 2012 du ministre délégué chargé du budget et du ministre des outre-mer. Par ailleurs, le Sénat a pointé par le passé des insuffisances, s'agissant des modalités d'indemnisation et des délais de mobilisation.
Sur le plan budgétaire, ce projet de loi de finances prévoit pour 2026 le transfert de 5 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP depuis le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer » vers le programme 122. Dans l'ensemble, l'enveloppe de la DSEC proposée pour 2026 sur le programme 122 est fortement rehaussée, passant de 30 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP en loi de finances initiale (LFI) 2025 à 70 millions d'euros en AE et 62,2 millions d'euros en CP, afin de tenir compte de l'intensification de l'aléa climatique sur l'ensemble du territoire français.
Si d'aventure les crédits de la DSEC devaient se révéler insuffisants, en cas de catastrophe d'ampleur remarquable, survenant en outre-mer ou en métropole, je rappelle que des redéploiements en gestion, des dégels de réserve et, en dernier recours, des décrets de virement, de transfert ou des ouvertures de crédits permettent d'ajuster en cours d'année les montants de cette dotation pour tenir compte des besoins effectifs. Autrement dit, le présent article ne change rien au fait que la France soutiendra financièrement ses collectivités en cas de catastrophe naturelle, en métropole comme en outre-mer. Nous vous proposons donc de voter l'article 73 sans modification.
Quant au programme 122 dans son ensemble, malgré cette hausse substantielle des crédits de la DSEC, les AE proposées pour 2026 sont stables, s'élevant à 250 millions d'euros, et les CP sont en forte baisse, passant de 354 millions d'euros à 256 millions d'euros. Ces chiffres reflètent principalement la fin de deux dispositifs exceptionnels. D'une part, dans le cadre de l'examen du PLF pour 2025, le Parlement avait voté un amendement du Gouvernement proposant le versement d'une dotation de continuité territoriale exceptionnelle de 50 millions d'euros en faveur de la collectivité de Corse pour contribuer au financement des délégations de service public maritime et aérien de l'île. D'autre part, la loi de finances initiale comprenait 63,8 millions d'euros de crédits de paiement pour solder le fonds pour la reconstruction créé à la suite des violences urbaines de juin 2023.
Quelles conclusions tirer sur le niveau des crédits de la mission ? Comme l'an passé, Stéphane Sautarel et moi-même sommes en désaccord sur la question de l'adoption des crédits de la mission. Pour ma part, avec l'ensemble de mon groupe, je ne peux que dénoncer le sort général réservé par le PLF 2026 aux collectivités territoriales. La baisse de 200 millions d'euros du soutien à l'investissement des collectivités territoriales vient en effet s'ajouter à une baisse déjà consentie l'an dernier de 150 millions d'euros. Plus généralement, ces crédits s'inscrivent dans un PLF qui, dans son ensemble, demande un effort sans précédent aux collectivités pour combler un déficit qu'elles n'ont pas créé.
J'en viens maintenant au compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », qui voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l'État aux collectivités territoriales.
Au total, 135,6 milliards d'euros sont prévus à ce titre pour 2026, soit 1,2 milliard de plus qu'en LFI 2025, confirmant le ralentissement constaté l'an dernier, bien loin des hausses dynamiques observées dans un passé proche - +8 milliards d'euros entre 2023 et 2024.
Après plusieurs années de hausse résultant de la modification du panier de ressources des collectivités issue des différentes réformes de la fiscalité locale, il se confirme que le dynamisme des impositions locales se tassera en 2026.
Comme pour les crédits de la mission RCT, je maintiens mon opposition de principe à l'adoption des crédits de ce compte de concours financiers.
La mission comporte également cinq articles rattachés. Nous vous avons déjà présenté les articles 73 et 74, qui concernent respectivement la réforme de la DSEC et la création du FIT. Il me reste à vous parler de l'article 72, qui porte diverses mesures en lien avec la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2026.
En premier lieu, il prévoit une hausse de 290 millions d'euros des composantes péréquatrices de la DGF, dont 150 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR) et 140 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité urbaine (DSU).
Si le maintien du montant global de la DGF proposé à l'article 31 du présent projet de loi de finances implique que cette hausse soit intégralement financée par les collectivités territoriales, nous n'avons pas souhaité revenir sur cette progression, car nous souhaitons encourager la trajectoire d'augmentation de la péréquation, et singulièrement l'effort particulier en faveur des communes rurales dont témoigne la progression rapide de la DSR. Nous appelons également de nos voeux une réforme de plus grande ampleur des modalités de répartition de la DGF, à laquelle nous travaillons dans notre rapport de contrôle budgétaire.
L'article 72 comporte également des dispositions visant à tenir compte du rétablissement de la DGF des régions, à laquelle il est procédé à l'article 31 du PLF. Nous regrettons le revirement du Gouvernement sur la DGF des régions : il nous paraît en effet un peu ubuesque que l'État ait octroyé une fraction de TVA en 2018 pour la reprendre aujourd'hui. Certes, cette dotation serait rétablie au niveau de la TVA-DGF de 2025, soit à un niveau supérieur de 1 milliard d'euros à son niveau de 2018. Les régions conserveraient donc le bénéfice de la dynamique de la TVA depuis 2018 - alors que les autres collectivités ont vu leur DGF « gelée » durant cette période - ainsi que celui de leur fraction de TVA dynamique au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Toutefois, la position de la commission des finances n'étant pas arrêtée sur la première partie du PLF, nous n'avons pas souhaité modifier ces dispositions à ce stade. Pour ma part, je suis convaincue que nous devrions revenir sur ce rétablissement.
Cet article prévoit en outre diverses mesures d'ajustement des modalités de calcul des indicateurs financiers utilisés pour la répartition des dotations de péréquation qui, pour être mineurs, n'en sont pas moins utiles. Il ne prévoit pas, en revanche, de mesure visant à ralentir l'application de la réforme de l'effort fiscal : neutralisée à hauteur de 80 % en 2025, elle ne serait plus neutralisée qu'à 40 % en 2026, ce qui représente une « marche » considérable.
Nous vous proposons ainsi un amendement qui vise à assurer la neutralisation financière de cette réforme à hauteur de 60 % en 2026, afin d'atténuer le choc que représenterait le retour à la trajectoire initialement prévue. Sous réserve de cette modification, nous vous proposerons d'adopter l'article 72.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - J'en viens à l'article 77, qui prévoit le versement, en 2026, des sommes affectées au fonds de sauvegarde des départements, y compris l'abondement de l'État prévu à l'article 33 du présent PLF. À ce stade de l'examen du texte, le montant de cet abondement s'élève à 300 millions d'euros.
L'article 77 modifie également les critères d'éligibilité des départements au versement de ce fonds. Le bénéfice en serait ainsi limité aux départements dont le taux d'épargne brute est inférieur à 12 % et dont l'indice de fragilité sociale est supérieur à 95 % de la moyenne. En 2024, ce dernier seuil était moins restrictif, puisqu'il était fixé à 80 % de la moyenne. Selon l'Assemblée des départements de France (ADF), trente départements rempliraient les critères restrictifs proposés pour 2026. En réalité, les départements en difficulté sont bien plus nombreux : si les critères d'éligibilité de 2024 avaient été conservés, une soixantaine de départements auraient été éligibles.
Compte tenu des grandes difficultés que rencontrent les départements, l'ADF demande que le montant du fonds de sauvegarde soit porté à 600 millions d'euros pour 2026. Si cette demande était entendue, nous pourrions revenir aux critères d'éligibilité de 2024 afin, comme le demande l'ADF, que le bénéfice de ce fonds soit réparti entre une soixantaine de départements, et non seulement trente.
Dans la même veine, il sera probablement nécessaire de réviser les modalités de répartition entre les départements éligibles afin de tenir compte de l'augmentation des sommes reversées par le fonds.
Toutefois, la position de la commission n'ayant pas encore été arrêtée sur la première partie, notamment sur le montant de l'abondement proposé pour le fonds de sauvegarde visé à l'article 33, nous vous proposons de réserver notre vote sur l'article 77 jusqu'à ce que nous ayons entendu les propositions du rapporteur général sur la première partie.
J'en viens enfin au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), qui fait l'objet des articles 75 et 76. Lors de l'examen du PLF 2025, le Sénat a adopté, sur l'initiative de notre commission, ce « dispositif de lissage conjoncturel ». Il s'agissait de traduire l'engagement de la Haute Assemblée en faveur d'une contribution des collectivités au redressement des comptes publics, tout en marquant notre rejet du fonds de réserve que proposait le gouvernement de l'époque, qui était brutal et inabouti.
Comme vous le savez, le Dilico fonctionne en prélevant des contributions une année, puis en les reversant par tiers les trois années suivantes. Or, une incertitude demeurait jusqu'ici sur l'effectivité de ces reversements. L'article 75 vise à assurer le reversement des sommes prélevées au titre du Dilico en 2025. Il procède également à quelques ajustements techniques visant à tenir compte de remarques juridiques formulées par la Cour des comptes. Nous accueillons favorablement la clarification du reversement effectif, en 2026, des sommes prélevées en 2025, et nous vous proposons d'adopter l'article 75 modifié simplement par un amendement rédactionnel.
Le Dilico adopté en 2025 comporte trois contributions pour un montant total de 1 milliard d'euros : une contribution du bloc communal à hauteur de 500 millions d'euros, répartie à parts égales entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), une contribution des départements à hauteur de 220 millions d'euros et une contribution des régions à hauteur de 280 millions d'euros. L'article 76 vise à créer un Dilico 2, pour un montant total de 2 milliards d'euros, répartis à 720 millions d'euros pour les communes, 500 millions d'euros pour les EPCI, 280 millions d'euros pour les départements et 500 millions d'euros pour les régions. Il prévoit également de modifier les modalités de reversement par rapport au Dilico initial : il est en particulier prévu de distinguer plusieurs scénarios de reversement en fonction de l'évolution des dépenses des collectivités qui pourraient, dans de très nombreux cas, se traduire par le non-reversement des sommes prélevées au titre du Dilico 2. Le mécanisme « d'épargne forcée », qui était au coeur de l'acceptabilité du Dilico proposé par le Sénat, serait ainsi dévoyé.
Comme pour l'article 77, nous vous proposons de réserver notre vote sur l'article 76 jusqu'à ce que la commission se prononce sur la première partie du PLF et puisse donc fournir une vision globale de la proposition du Sénat sur les finances locales. Permettez-moi néanmoins de vous faire part de mon sentiment : le montant du Dilico 2 est excessif et devrait, à mon sens, être réduit en limitant l'effort des départements et en épargnant les communes. En outre, il me semble qu'une reconduction du Dilico en 2026 ne pourra se faire que dans les conditions du « Dilico 1 » proposé en 2025 par le Sénat, avec l'assurance d'un juste retour des sommes prélevées aux collectivités contributrices.
En conclusion, je vous invite à adopter sans modification les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », ainsi que les articles 72, 73, et 75 modifiés par les amendements que nous vous soumettons. Nous vous proposons en revanche de supprimer l'article 74, qui tend à fusionner les dotations d'investissement aux collectivités territoriales. Nous vous proposons enfin d'attendre d'y voir plus clair sur la première partie du PLF pour nous prononcer sur le Dilico et sur le fonds de sauvegarde des départements.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les observations faites par Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet se traduiront dans nos propositions. Quoi qu'il en soit, nous allons très certainement diminuer substantiellement l'effort proposé par le Gouvernement en direction des collectivités locales - un effort au demeurant très constant, comparable à celui qui avait été demandé par Michel Barnier lorsqu'il était Premier ministre.
Au-delà des chiffres, il est important de s'attacher au message politique, à l'heure où nous n'avons plus ni cap ni boussole et où le pouvoir exécutif cherche à transférer au Parlement le mistigri de l'instabilité. Nous prendrons nos responsabilités, en procédant à des arbitrages ; c'est notre rôle, et même notre devoir.
Je souhaite revenir sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales, le Dilico, qui porte la marque du Sénat. Il fallait trouver l'an dernier rapidement un dispositif de compromis, entre la volonté de l'État de freiner assez violemment les dépenses de fonctionnement et la réalité vécue par les élus locaux, confrontés aux difficultés du terrain.
Le dispositif n'est certes pas parfait, mais c'était sans doute le meilleur que l'on puisse imaginer dans ce contexte. Je reconnais toutefois que le mécanisme de retour de 90 % seulement de l'épargne constituée, par tiers sur trois ans, a pu instiller un doute dans l'esprit des élus locaux.
En formalisant rapidement cette proposition l'an dernier, nous avons à la fois pris un risque et fait un pari sur la capacité de l'État à tenir ses engagements. Nous avons aussi démontré la capacité du Parlement à trouver une voie médiane permettant de préserver les ressources des collectivités et de leur en assurer la maîtrise. J'entends aujourd'hui un certain nombre d'élus me dire qu'ils conçoivent leurs projets un peu différemment, en essayant de mieux les calibrer par rapport aux soutiens financiers externes dont ils disposent, et en redéfinissant parfois certaines de leurs priorités.
M. Marc Laménie. - Nos deux rapporteurs spéciaux ont rappelé un point important : le total des transferts et des concours financiers de l'État aux collectivités s'élève à 155 milliards d'euros.
L'initiative de supprimer l'article 74 va dans le bon sens, car elle répond aux inquiétudes légitimes que suscite chez beaucoup d'élus ruraux la fusion prévue de trois dotations, dont la DETR. Mais quelles seront les conséquences de la suppression de cet article ?
La commission départementale chargée d'examiner, sous l'autorité des préfets, les plus gros projets, ceux dont le montant de subvention de DETR est supérieur à 100 000 euros, va-t-elle perdurer ?
Enfin, concernant la DGF, existe-t-il des perspectives de simplification de ses modes de calcul, qui sont toujours extrêmement complexes ?
M. Bernard Delcros. - J'approuve également la suppression de l'article 74 proposée par nos rapporteurs. J'avais alerté depuis longtemps sur ce sujet, car, sous couvert de simplification, la création du FIT n'est rien d'autre que la suppression pure et simple de la DETR ! À plus long terme, il sera toutefois nécessaire d'engager une réflexion plus globale sur les modalités de soutien de l'État à l'investissement des collectivités.
S'agissant de la DSIL, en raison de l'année électorale, j'ai bien compris que les rapporteurs s'alignaient sur la position du Gouvernement et acceptaient la baisse de 200 millions d'euros prévue pour 2026. Mais proposeront-ils en 2027 de rehausser cette dotation de 200 millions d'euros pour revenir au niveau de 2025 ?
Aujourd'hui, la DETR est une enveloppe déléguée au préfet de département, tandis que la DSIL est déléguée au préfet de région. Or, pour cette dernière, on constate souvent une incertitude sur le montant qui revient aux départements. C'est pourquoi il me semblerait bienvenu de départementaliser la DSIL : le préfet de département pourrait ainsi plus facilement répartir ces différentes subventions entre les collectivités.
Il faudra également veiller, dans le PLF 2026, à ce que les montants de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) soient cohérents avec les dispositions définitivement adoptées dans la loi portant création d'un statut de l'élu local. C'est un sujet important, notamment pour les petites communes.
Je souscris enfin à la proposition des rapporteurs d'atténuer pour cette année l'effet de la réforme de l'effort fiscal, même si j'approuve évidemment le principe de cette réforme.
M. Vincent Delahaye. - S'agissant du Dilico, beaucoup d'élus ont le sentiment que cet effort a été demandé par le Sénat, alors que nous n'avons fait qu'une proposition pour atténuer les effets d'un mécanisme prévu par le Gouvernement. Il faudrait améliorer notre communication sur ce point.
Parmi les transferts financiers de l'État vers les collectivités territoriales, j'aimerais que l'on jette un oeil un peu plus critique sur les compensations de TVA. On connaît les montants perçus par l'État au titre de l'investissement des collectivités, mais je réclame aussi depuis longtemps de savoir quel est le montant versé au titre de leur fonctionnement. Ce montant n'est jamais indiqué ni pris en compte, car les collectivités ne récupèrent pas cette TVA.
Je note aussi qu'un certain nombre de dotations ou de versements sont la conséquence des décisions prises par l'État de supprimer certaines recettes au bénéfice des collectivités. Il ne s'agit donc que de compensations, qui, de surcroît, ont tendance à diminuer dans le temps.
Enfin, concernant la péréquation, nous renouvelons les mêmes outils d'année en année. J'en comprends parfaitement la logique, mais ne faudrait-il pas, à un moment donné, nous arrêter et demander un bilan à la Cour des comptes ou à d'autres organismes ? Quand je vois dans votre synthèse du rapport un graphique nous présentant les Hauts-de-Seine et la Gironde comme des départements plus en difficulté que l'Indre, je me dis qu'il faudrait peut-être réfléchir à de meilleurs critères d'évaluation...
M. Grégory Blanc. - Rappelons tout d'abord que si l'on intègre toutes les suppressions prévues - je pense par exemple au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) -, l'effort demandé aux collectivités est largement supérieur à 4,6 milliards d'euros.
S'agissant du Dilico, ce n'est pas parce que nous avons, l'an dernier, amélioré dans l'urgence un dispositif mal bâti qu'il nous faut persister dans la complexité. Le Sénat s'honorerait à admettre la nécessité de supprimer ce dispositif que personne ne comprend. S'il s'agissait d'un nouvel outil de péréquation nous permettant, par exemple, de mettre de l'argent de côté pour nous prémunir des effets du réchauffement climatique, nous pourrions peut-être le défendre, mais ce n'est absolument pas le cas.
Il me semble par ailleurs que l'on pourrait améliorer la façon de construire la péréquation. Les modes de calcul de la DSR évoluent, mais pas ceux de la DSU. Or il suffit pour une commune d'être éligible une année supplémentaire pour toucher la DSU majorée. Cet abondement ne cible pas particulièrement les quartiers prioritaires ou les villes les plus en difficulté ; il permet simplement de renforcer la dotation des collectivités qui la touchaient déjà auparavant. Je souhaiterais recueillir l'avis des rapporteurs sur ce point.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je voudrais saluer les propos plutôt rassurants de Stéphane Sautarel concernant le Dilico. Cette opération a été particulièrement mal vécue ici. S'il n'est pas choquant que les collectivités participent à l'effort national, ce truchement contrevient à la libre administration des communes, ce qui explique qu'il soit insupportable. Cependant, le dispositif a été mis en place, avec l'aval du Conseil constitutionnel. La perception des sommes liées au premier Dilico doit avoir lieu en 2025 et le premier reversement en 2026. Existe-t-il un calendrier prévisionnel et un modus operandi clair ?
Enfin, un camembert dans votre rapport présente la façon dont se décomposent les transferts financiers de l'État aux collectivités, ce qui est très intéressant, mais nous aimerions aussi avoir accès à un « camembert inversé », qui représenterait les versements effectués par les collectivités à l'État.
M. Claude Nougein. - L'article 74 prévoit la fusion de plusieurs dotations à travers la création du FIT. On observe une baisse de 200 millions d'euros du total des fonds concernés.
Je voudrais rappeler ce qui s'est passé quand nous avons supprimé la réserve parlementaire, dans le cadre de la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique. Cette suppression a été très dommageable pour les petites communes de départements ruraux, qui en bénéficiaient pour financer des projets structurants. On nous avait vendu l'idée que la réserve allait être reversée à la DETR, ce qui a été fait de façon partielle. Pour les départements ruraux, ces dotations dédiées à l'investissement fondent comme neige au soleil. Actuellement, beaucoup de petites communes ne peuvent investir que grâce à la DETR. Il est important de garder des sécurités pour ces communes qui ne peuvent se passer de ces subventions.
Enfin, il faudrait se pencher sur la gouvernance des DETR. Les préfets sont devenus des proconsuls, qui décident de tout et nous présentent des projets, que l'on doit voter ou non. Il n'est pas toujours facile pour les parlementaires de faire le choix de privilégier une commune plutôt qu'une autre.
M. Claude Raynal, président. - À cet égard, il peut être utile de prendre contact avec le préfet ou le sous-préfet avant que la liste ne soit présentée à la commission.
Mme Frédérique Espagnac. - Certes, cette prise de contact peut aider, mais tout dépend des départements et de l'influence des uns et des autres.
Comme l'a dit Claude Nougein, nous avons été confrontés à plusieurs fusions de fonds. Lorsque la réserve parlementaire a été touchée, nous n'en avons récupéré qu'une toute petite partie. Cette année, une opération similaire de fusion est menée, que nous avions réussi à empêcher l'an dernier, avec Bernard Delcros.
Si la DGF n'augmente pas, les collectivités subiront une perte de pouvoir d'achat. Les plus fragiles d'entre elles seront les plus pénalisées et elles doivent être prises en compte dans le calcul de la péréquation.
Par ailleurs, les collectivités vont subir une ponction non pas de 4,6 milliards d'euros, mais de 8 milliards d'euros au total ! L'addition est lourde et correspond à 58 % de l'investissement public civil. J'alerte sur les conséquences majeures que cette ponction aura sur les petites et moyennes entreprises (PME) et sur les très petites entreprises (TPE) locales, notamment en matière de licenciements.
Dans mon département, je vois poindre une demande émanant du préfet, afin d'établir un plafond, en prévision de la fusion. Ainsi, même pour de gros projets d'aménagement du territoire, quand les conseils départementaux ne sont plus en capacité d'aider, quand même les régions revoient massivement les aides qu'elles accordent aux communes, on peut imaginer ce qui peut rester pour l'investissement local.
Je voudrais rappeler que si l'endettement collectif des collectivités s'élève à 10 milliards d'euros depuis 2017, celui de l'État atteint 880 milliards d'euros.
Enfin, ce budget prévoit une baisse des compensations fiscales qui entraînera une perte de 1,3 milliard d'euros pour les collectivités, un écrêtement de TVA qui entraînera une perte de 700 millions d'euros, une hausse des cotisations dues par les employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL) correspondant à 1,3 million d'euros de dépenses supplémentaires, un doublement du Dilico entraînant un prélèvement de 2 milliards d'euros et j'en passe ; l'addition est élevée et je suis inquiète des conséquences pour nos territoires dans les deux ans à venir.
M. Olivier Paccaud. - Je voudrais évoquer le fonds de sauvegarde des départements. Vous insistez sur le fait qu'un nombre croissant de départements y sont éligibles et que les critères devraient être révisés. Or tous les départements voient leur situation se dégrader et tous sont confrontés au problème de la compensation insuffisante, même ceux qui ne sont pas éligibles. Dans ceux qui ne bénéficieront pas du fonds, on pourrait éprouver un sentiment d'injustice et se dire qu'on est puni parce qu'on a fourni trop efforts, ou parce qu'on a trop bien géré. Qu'entendez-vous par cette révision des modalités de répartition ?
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Monsieur Laménie, la suppression de l'article 74 aurait pour conséquence de conserver les dotations séparées, comme c'est le cas actuellement.
Monsieur Delcros, nous sommes d'accord quant à la nécessité de supprimer la création du FIT et de préserver les dotations pour les communes, surtout pour les communes rurales. De plus, une départementalisation de la DSIL permettrait de clarifier les choses et serait plus cohérente à l'échelle de nos territoires.
La DPEL relève de la première partie du PLF et constitue une préoccupation qui est prise en compte de façon commune.
Monsieur Blanc, je partage le sentiment général exprimé sur le PLF et les crédits de la mission. Concernant la croissance de la DSU, moins importante que celle de la DSR, il faut rappeler que la DSR a été longtemps mise de côté et qu'un rattrapage est en cours. Je sais que les communes urbaines aimeraient une plus grande prise en compte de leurs particularités.
Monsieur Nougein, le risque de suppression de la DETR est pour l'instant écarté. Nous nous efforcerons de faire en sorte que les communes rurales soient aidées.
Madame Espagnac, je partage votre constat : l'effort demandé ne s'élève pas à 4,6 milliards d'euros, mais plutôt à 7,5 milliards d'euros. Si nous ne l'amendons pas suffisamment, ce PLF aura des répercussions sur nos communes et sur l'économie de nos territoires. En effet, les collectivités sont des donneuses d'ordre importantes et procurent du travail à nombre d'entreprises, grâce aux marchés qu'elles octroient. Il ne faut pas négliger ces effets induits, surtout en période de crise. Taper durement sur les collectivités aurait des conséquences dramatiques pour nos territoires.
Il semblerait que le montant du fonds puisse doubler, pour atteindre 600 millions d'euros. D'après nos discussions avec les représentants de l'ADF, il serait souhaitable que les critères de répartition soient revus, afin qu'un plus grand nombre de départements puissent en bénéficier. Nous y reviendrons dans un second temps, après le vote de la première partie, et souhaitons donc réserver l'article concerné.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Au sujet de l'effort fourni par les collectivités, nous n'évoquons ici que le périmètre lié aux dotations. Le volet concernant les charges et les incidences dépendant d'autres décisions n'est pas pris en compte, comme c'était le cas les années précédentes. L'objectif est de réduire le montant annoncé des efforts, notamment pour ne pas nuire à l'investissement public et éviter les effets contre-cycliques sur la croissance. Nous réservons le vote sur certains articles, afin d'attendre d'avoir une vision globale.
Monsieur Paccaud, les critères de répartition ont été revus par le Gouvernement dans le cadre de l'enveloppe réduite de 300 millions d'euros, afin de faire remonter le seuil d'éligibilité. Si le montant est finalement porté à 600 millions d'euros, nous pourrons abaisser le seuil. Il s'agissait aussi de tenir compte de critères qui ne sont pas intégrés, comme celui de la population, ce qui créerait des divergences importantes d'intervention entre les départements. Nous y reviendrons après l'adoption de la première partie.
Sur la question des transferts, certains ne sont pas compensés ou ne le sont pas comme ils devraient l'être. Nous nous penchons sur ce sujet avec Isabelle Briquet, dans le cadre de notre mission de contrôle sur la DGF, pilier des relations entre l'État et les collectivités. En raison de l'historique et de la sédimentation de cette dotation, certaines situations sont devenues incompréhensibles. En même temps, il est très difficile de réformer un tel monstre. Pour autant, nous reviendrons sur cette question début 2026, en présentant des éléments intégrant la question des transferts et des compensations. En la matière, le dispositif de prélèvements sur recettes (PSR) sur les valeurs locatives industrielles constitue le dernier exemple en date : en raison de la dynamique de cette compensation, l'État envisage de la limiter ou de l'encadrer. Nous essaierons de travailler au « camembert inversé » pour avoir une meilleure visibilité sur ces sujets.
Depuis de nombreuses années, la tendance est de renforcer la péréquation. Aujourd'hui, la DGF globale est à peu près divisée en deux : une moitié pour la péréquation et une moitié pour la partie forfaitaire. Au début, la partie forfaitaire représentait l'essentiel de la dotation. Il faudrait mesurer les résultats et les incidences d'une telle répartition.
J'en viens au Dilico. Il est possible qu'il y ait un problème de communication en la matière, que l'initiative malheureuse du Gouvernement autour du Dilico 2 nous permettra peut-être de commencer à résoudre. Il s'agira de valoriser ce que le Sénat peut faire pour proposer un système plus juste. Je trouve au moins une vertu au Dilico : il s'agit d'un dispositif d'épargne forcée, qui permet une mise en réserve avec assurance de retour. À cet égard, le fait que le PLF prévoie la tenue des engagements liés au premier tiers de retour semble plutôt rassurant ; le dispositif ne sera pas confiscatoire pour les collectivités. Surtout, il permet d'éviter un blocage à ce niveau, qui pourrait devenir irréversible. Pour autant, nous proposons de réserver le vote sur l'article concerné, pour travailler sur le sujet et considérer, en ayant une vision globale des efforts fournis, comment aménager le dispositif et le différencier selon des blocs de collectivités, afin de mieux prendre en compte les besoins et les capacités de chacune.
Pour les dotations d'investissement, nous proposons de ne pas valider la création du FIT, car nous partageons vos craintes. Nous considérons qu'il faut conserver des spécificités et des moyens pour ces dotations. Concernant la mesure conjoncturelle liée à la DSIL, nous nous engageons à proposer le rétablissement des crédits l'année suivante. Sur la question de la gouvernance, nous sommes ouverts à des propositions d'évolution. Nous pouvons déjà noter qu'il existe au moins une instruction unique et que la commission départementale aborde les dossiers liés à la DTER et à la DSIL, même si la visibilité n'est pas facilitée pour cette dernière, puisque son enveloppe reste régionale.
Le premier versement lié au Dilico aura lieu en 2026. Il sera effectif pour 30 % de la somme. En effet, pour répondre à une obligation constitutionnelle, lorsqu'un fonds est créé, une part doit être réservée à la péréquation. Dans ce cas, cette part s'élève à 10 % et les 90 % restants seront versés aux collectivités contributrices sur trois ans, à raison de 30 % par an.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Il n'y a pas de calendrier précis ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Cela fonctionnera par douzièmes. Si le Dilico est reconduit en 2026 et si des collectivités contributrices en 2025 le restaient en 2026, on procéderait à une opération de solde : il faudrait soustraire le retour prévu au titre de 2025 à la contribution de 2026.
Je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spécial. - J'y suis défavorable.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 vise à prévoir une neutralisation de l'impact financier de la réforme de l'effort fiscal intervenue en loi de finances initiale pour 2022 à hauteur de 60 % en 2026.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Cet amendement s'inscrit dans la logique de ce que nous avions fait l'an dernier.
L'amendement FINC.1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 72, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Article 73
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 73.
Article 74
L'amendement de suppression FINC.2 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 74.
Article 75
L'amendement rédactionnel FINC.3 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 75, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Article 76
La commission décide de réserver son vote sur l'article 76.
Article 77
La commission décide de réserver son vote sur l'article 77.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Avis favorable à l'adoption des crédits du compte de concours financier.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Avis défavorable.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Justice » (et article 78) - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Antoine Lefèvre sur les crédits de la mission « Justice ».
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la mission « Justice ». - Il y a quelques années, un garde des sceaux évoquait la « clochardisation » de la justice. Depuis, la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ) 2023-2027 a prévu de consacrer 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires à la justice. Pour autant, cette dernière est loin d'être devenue privilégiée.
Comme en 2024, l'exécution 2025 a été marquée par un décret d'annulation de crédits. Ainsi, 139,1 millions d'euros de crédits de paiement (CP) ont été annulés, dont la moitié concernent le programme « Justice judiciaire ». Les dépenses de personnel ont été épargnées. Ce décret a été suivi d'un surgel et, au 30 octobre, 308 millions d'euros restaient gelés pour le programme « Administration pénitentiaire ».
Par conséquent, l'administration centrale et les juridictions dans les régions doivent piloter avec une visibilité dégradée quant à leurs moyens. Cette situation complique la gestion quotidienne des tribunaux et des établissements pénitentiaires, et augmente le risque de laisser des impayés, voire de payer des intérêts moratoires.
Le budget 2026 ouvre des crédits à hauteur de 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 13,1 milliards d'euros en CP, en incluant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Sans compter le CAS, les crédits atteignent 10,6 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 1,6 %.
La trajectoire fixée par la LOPJ est pratiquement respectée en ce qui concerne les crédits, si l'on prend en compte le fait que l'article 30 du projet de loi de finances (PLF) rétablit la contribution pour l'aide juridique. En effet, un droit de timbre sera payé lors de l'introduction d'un acte en justice civile ou prud'homale. Le produit, s'élevant aux alentours de 50 millions d'euros, sera affecté au financement de l'aide juridictionnelle.
Cependant, il faut bien prendre la mesure de la situation : la justice constitue la plus « pauvre » des fonctions régaliennes de l'État. En effet, la mission perçoit 2,7 % des crédits ministériels, voire 1,8 %, si l'on prend en compte la quasi-absence de dépenses fiscales et de ressources affectées.
Surtout, nous venons de loin. En dix ans, les CP affectés à la mission ont certes augmenté d'environ un tiers en euros constants, mais cette progression comble seulement une partie d'un retard historique, souligné depuis longtemps par les acteurs de terrain et les comparaisons internationales. Ainsi, la France compte 11,3 juges professionnels pour 100 000 habitants alors que la médiane des pays de l'Union européenne s'établit à 17,6 juges pour 100 000 habitants.
Pour autant, la situation évolue et il serait incompréhensible que les résultats de la justice ne s'améliorent pas dans les années à venir.
J'évoquerai d'abord les moyens humains. Hors contributions au CAS « Pensions », les dépenses liées à la masse salariale atteignent 5,35 milliards d'euros, soit la moitié des CP de la mission. Les créations nettes d'emplois s'élèvent à 1 600 équivalents temps plein (ETP) pour 2026, après avoir atteint 1 543 ETP en 2025. Parmi les personnels supplémentaires, nous compterons 286 magistrats, 342 greffiers et 586 personnels de surveillance. De plus, 70 ETP seront consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agit d'un effort important, qu'il faut reconnaître.
Du point de vue du citoyen, il faudra que les effectifs nouveaux apportent des résultats visibles. Les délais de traitement des affaires civiles s'améliorent, mais lentement, et restent très élevés pour certains contentieux : près de 19 mois pour les divorces et plus de 17 mois pour le contentieux social. Nous ne pouvons pas accepter que la justice continue d'être perçue comme une institution lente et en crise, malgré une augmentation d'un tiers de ses crédits en dix ans.
Du point de vue du ministère et de ses agents, l'arrivée de nouveaux magistrats et de greffiers se traduit par une densification des bureaux plus que par de véritables gains en termes de conditions de travail.
Les investissements immobiliers judiciaires privilégient la poursuite d'opérations déjà engagées. La situation la plus préoccupante concerne toujours le domaine pénitentiaire. Le nombre de détenus a augmenté de 8,5 % en un an et le taux d'occupation des prisons dépasse aujourd'hui les 160 %. La situation s'aggrave même de plus en plus vite.
La mise en oeuvre du plan de construction de 15 000 places de prison est loin d'être achevée. Ces derniers temps, le garde des sceaux a moins mis l'accent sur la construction de prisons classiques que sur des constructions légères, de type modulaire, ou sur des quartiers de haute sécurité. Je ne suis pas opposé à ce pragmatisme, mais nous manquons d'une stratégie globale de renforcement du parc, qui pourrait donner de la visibilité sur les capacités à moyen terme.
Je souhaite aussi mettre l'accent sur les fonctions de support, moins visibles du grand public, mais essentielles pour donner à la justice les moyens de gagner en efficacité.
Les applicatifs informatiques du ministère sont vieillissants et mal interconnectés. Des pertes de temps en résultent, ainsi que des risques d'erreur pour les agents, qui saisissent plusieurs fois les mêmes données. Prochainement, nous gagnerons 123 000 heures de travail en reliant le logiciel Cassiopée, utilisé pour les dossiers pénaux, à un fichier de traitement des antécédents judiciaires, afin d'éviter la transmission de plus d'un million de dossiers.
La gestion des frais de justice, sur laquelle j'ai rendu un rapport le mois dernier, gagnerait aussi à une mise à jour des systèmes informatiques. En la matière, je me réjouis que plusieurs mesures que je préconisais dans mon rapport figurent dans ce PLF.
Ainsi, l'article 30 vise à rétablir la contribution pour l'aide juridictionnelle. L'article 46 pose le principe de la prise en charge des frais d'enquête pénale par la personne condamnée, sauf décision contraire du juge. Enfin, l'article 78, rattaché à la mission, vise à réduire le périmètre d'application de l'obligation de recours à certaines expertises judiciaires.
Ces avancées vont dans le bon sens. Cependant, il est essentiel que le ministère se dote d'une méthodologie d'évaluation, afin que nous puissions savoir, dans un an ou dans cinq ans, si les mesures que nous votons ont été vraiment efficaces.
De même, en matière d'aide juridictionnelle, malgré une forte hausse des crédits, les délais de traitement restent insatisfaisants.
Dans mon rapport, je mentionne aussi des exemples montrant que la justice peut rapporter de l'argent. À cet égard, il faut encourager le développement de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), qui revend des biens saisis, et de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui réduit le coût de ces interceptions, de plus en plus nombreuses mais indispensables aux enquêtes actuelles.
Enfin, je voudrais attirer l'attention sur la situation particulière du fonds de financement des dossiers impécunieux, qui est mobilisé lorsque les actifs d'une entreprise ne sont pas suffisants pour assurer la rémunération du liquidateur. Si la loi de finances pour 2025 avait ouvert 54 millions d'euros de crédits pour ce fonds, le présent projet de loi de finances ne prévoit que 1 million d'euros. Selon le Gouvernement, le fonds dispose d'une certaine trésorerie. Il sera de la responsabilité de l'État d'abonder le fonds lorsqu'il le faudra, afin d'éviter des retards de paiement.
En conclusion, l'augmentation des crédits de la mission « Justice » ne conduira pas la justice à vivre dans l'abondance, mais à accomplir un peu mieux ses missions. Il s'agit d'envoyer au Gouvernement un message clair : l'effort consenti n'aura de sens que s'il se traduit bientôt par une amélioration de la manière dont la justice est rendue, du point de vue du citoyen.
Je propose donc d'adopter les crédits de la mission sans modification.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». - D'abord, nous félicitons Antoine Lefèvre pour son travail et pour l'état d'esprit qui anime nos travaux. En effet, nos deux commissions travaillent sur cette mission de manière constructive, transparente et efficace.
Nous donnerons un avis favorable à l'adoption des crédits. Il s'agit de l'une des rares missions préservées en cette période budgétaire délicate. Nous devons nous en réjouir, tant la Chancellerie souffrait d'un défaut pérenne d'investissement.
De plus, le ministère a longtemps pâti de manques dans la conduite de ses politiques numériques et immobilières. Dans ces domaines, la situation s'améliore, même s'il reste des ombres au tableau. La direction du numérique a modifié son approche et des progrès sont observés sur le terrain par les professionnels eux-mêmes. En matière d'immobilier, des solutions sont recherchées pour améliorer la conception des projets, même s'il reste fort à faire. Le 2 décembre, le garde des sceaux exprimera sa position sur la réorganisation des politiques numériques et immobilières du ministère ; nous y serons attentifs.
Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». - Nous sommes satisfaites de l'orientation prévue pour 2026. Cependant, à l'approche de l'échéance de la période couverte par la LOPJ, il nous faut amorcer une réflexion prospective, pour éviter que la Chancellerie ne retombe dans la crise. Des efforts significatifs ont été fournis et continuent d'être consentis, mais la justice de notre pays demeure sous-dotée par rapport à celles de nos voisins européens. De plus, la justice pourrait être confrontée à des difficultés nouvelles, liées à des évolutions contentieuses que pourrait entraîner l'usage de l'intelligence artificielle générative. Il nous faudra bientôt remettre l'ouvrage sur le métier pour tirer les premiers enseignements de la LOPJ et dégager des perspectives pour la suite. En attendant, nous devons nous satisfaire de l'augmentation proposée des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Concernant le domaine du numérique, les dispositifs sont défaillants depuis quelques décennies, ce qui paraît incroyable et difficile à justifier.
Pour l'immobilier, nous n'avons pas encore trouvé le véhicule approprié, mais des efforts doivent être fournis. Des diagnostics et des besoins sont posés. Il faut prendre aussi en compte les conditions de travail des magistrats et les mesures de sécurité qu'il faut déployer dans les enceintes des palais de justice, où les contraintes s'ajoutent les unes aux autres.
Enfin, effectivement, il ne faudra pas trop attendre pour se pencher sur l'effectivité et l'efficacité des sommes dépensées.
M. Grégory Blanc. - D'abord, la surpopulation carcérale aboutit à une absence de prise en charge médicale. De plus en plus de prisonniers, condamnés pour des violences sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool, ressortent sans avoir vu de médecin alors qu'ils sont malades. Le taux d'encadrement est calculé en fonction du nombre de places théoriques et pas en fonction du nombre réel de détenus. Il y a donc une carence de personnel médical et les prisonniers sortent plus dangereux qu'ils ne l'étaient en arrivant. La politique pénale crée de la surpopulation ; il faut la modifier ou augmenter les budgets de la pénitentiaire.
Ensuite, des artifices sont déployés pour financer des dispositifs alternatifs comme les structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), mais les programmes structurants sont à l'arrêt. C'est le cas dans mon département et on ne connaît ni la trajectoire de construction, ni le calendrier de mise en oeuvre. Comment les collectivités qui doivent accompagner ces programmes sont-elles censées construire un budget ?
La distorsion observée pose des problèmes à tous les étages. L'alternative est simple : soit nous amendons les objectifs en conservant les enveloppes financières, soit nous augmentons les budgets conformément aux objectifs affichés.
Mme Nathalie Goulet. - Certes, le budget ne peut pas traduire les orientations prises hier, notamment pour la lutte contre les narcotrafiquants. Cependant, je ne vois rien non plus qui fasse suite à la loi que nous avons votée en 2025, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui comportait notamment des mesures sur la criminalité organisée. À cet égard, le coût de la mise en place du parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) a-t-il été évalué ?
Concernant les quartiers de haute sécurité, des moyens ont-ils été prévus pour les collectivités et pour la formation du personnel pénitentiaire ?
J'en viens à l'Agrasc, qui permet de récupérer 50 milliards d'euros d'argent sale. Cependant, le taux de récupération n'est que de 2 %. La question des moyens dédiés à l'Agence se pose donc, notamment en matière de nouvelles procédures de saisie et de confiscation.
Enfin, je voudrais évoquer les moyens consacrés au numérique, notamment au décryptage de la blockchain. Au ministère de l'intérieur, deux logiciels différents sont utilisés, qui sont incompatibles entre eux. Pourtant, le problème des crypto-actifs devient essentiel. D'ailleurs, la question de la formation des magistrats en la matière se pose ; un budget est-il prévu à cet effet ?
Mme Isabelle Briquet. - Le PLF traduit un effort budgétaire pour consolider les moyens de la justice, mais le budget demeure bien en deçà de la trajectoire prévue par la LOPJ. De plus, des déséquilibres persistent. Ainsi, la priorité donnée à l'immobilier pénitentiaire comme à la justice répressive continue de peser sur la justice civile, sociale et administrative.
Toutefois, les moyens dédiés à la mission progressent depuis plusieurs années. En 2026 encore, même si la hausse reste relativement faible, les crédits ne sont pas amputés. Ces derniers restent loin de pouvoir couvrir les besoins. Notre groupe s'abstiendra donc.
Malgré la hausse affichée du budget de la justice, vous l'avez dit, le nombre de magistrats et de greffiers par habitant reste l'un des plus faibles de l'Union européenne. Au cours des auditions que vous avez menées, les services de l'État ont-ils pu justifier la lenteur de notre rattrapage en la matière, alors que la LOPJ prévoyait un renforcement bien plus rapide des effectifs ?
M. Dominique de Legge. - Selon vous, la participation des usagers aux frais de justice et le renforcement de l'Agrasc constituent deux pistes pour obtenir des recettes. Pour autant, afin de mettre en place la participation aux frais de justice, vous soulignez qu'il faudra adapter le système informatique pour faire en sorte qu'un même identifiant soit utilisé tout au long de la procédure, afin de retracer l'ensemble des frais. De même, l'Agrasc ne pourra générer de recettes supplémentaires qu'à condition de voir ses moyens renforcés. Les moyens nécessaires sont-ils prévus pour avancer sur ces pistes ou s'agit-il de voeux pieux ?
M. Michel Canévet. - Comment expliquer les augmentations de crédits significatives pour le programme 355, « Conseil supérieur magistrature (CSM) », et le programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ? Ces deux programmes recouvrent des activités administratives. J'espère que l'amélioration de l'efficience des dispositifs d'aide à la justice en matière de service informatique figurera parmi les évolutions proposées. L'accès à des outils performants doit être assuré sur l'ensemble de la chaîne de travail.
Enfin, pourrait-on faire payer les personnes responsables de certaines procédures considérées comme abusives, afin d'éviter les saisines intempestives de la justice, qui conduisent à des allongements des délais de traitement ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Monsieur Blanc, effectivement, la surpopulation carcérale complique un peu l'organisation de la prise en charge médicale des détenus, les moyens d'encadrement étant insuffisants. Selon l'administration pénitentiaire, 3 000 postes ne sont pourvus dans ce domaine, qui prend aussi en compte la prise en charge psychiatrique et psychologique. Il y a donc aussi un problème de vocation. Le phénomène de surpopulation rend les tensions visibles.
Les programmes à l'arrêt peuvent entraîner des difficultés pour les collectivités locales. En effet, ces dernières sont de plus en plus souvent conduites à accompagner la mise en oeuvre de ces projets et, selon le garde des sceaux, cette tendance va se généraliser. Il faudra revoir les objectifs affichés. Benoist Apparu a été nommé directeur général de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij) ; son pedigree d'élu local et son expertise devraient permettre une amélioration en la matière. Je fonde beaucoup d'espoirs sur cette reprise en main essentielle de l'Apij.
Madame Goulet, les mesures liées à la création du Pnaco seront comprises dans l'enveloppe budgétaire définie par la LOPJ. Pour autant, 3 millions d'euros sont déjà programmés pour les travaux qui doivent avoir lieu au tribunal de Paris.
Concernant l'amélioration des procédures de saisie de l'Agrasc, je suis favorable à ce que les moyens dédiés soient développés, compte tenu de ce que cette agence peut rapporter. De plus, depuis qu'elle s'est organisée au niveau régional, la performance et la valorisation des saisies de l'Agence a augmenté. J'ai déposé une proposition de loi visant à améliorer les moyens d'action de l'Agrasc et le projet de loi de réforme de la justice pénale que le garde des sceaux déposera dans les prochaines semaines devrait aussi renforcer ces moyens.
La compatibilité des applicatifs du ministère, de même que la problématique des cryptomonnaies, restent un sujet de préoccupation. Les réponses apportées vont dans le bon sens. Je constate aussi une nette amélioration de la prise en charge de ces dossiers par le secrétariat général du ministère.
Certes, madame Briquet, les efforts consentis ne sont pas toujours à la hauteur des attentes et des besoins. En ce qui concerne le nombre de magistrats, je ne peux pas annoncer de mesure très favorable et nous mettrons encore du temps avant de rattraper notre retard. Il faut aussi prendre en compte le temps de formation des juges. En termes de moyens, il faudra poursuivre l'effort sur un certain nombre d'exercices.
Monsieur de Legge, l'identifiant judiciaire unique doit être mis en place, car il permettra d'identifier la totalité des frais de justice mobilisés pour chaque affaire et d'obtenir des contributions.
Concernant les dispositifs informatiques, l'interopérabilité sera améliorée par les nouveaux applicatifs.
Par ailleurs, l'instauration d'un droit de timbre de 50 euros est envisagée pour assurer une contribution financière dès qu'une instance judiciaire est engagée. Les recettes collectées seraient affectées au financement de l'aide juridictionnelle.
Concernant la nouvelle stratégie pénitentiaire, plus aucune référence n'est faite au plan visant à la création de 15 000 places. Le garde des sceaux a d'autres projets, au-delà de la construction des quartiers de haute sécurité et des bâtiments modulaires. Une spécialisation est notamment prévue pour offrir des solutions pénitentiaires différentes en fonction du profil des détenus accueillis.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis. - Concernant l'augmentation des crédits du CSM, il s'agit notamment de financer le déploiement du logiciel Fondation, qui permet aux membres et aux agents du CSM de gérer et d'analyser efficacement les projets de nomination des magistrats. Il a également fallu procéder à quatre recrutements. Leur budget est très contraint, notamment par un loyer très élevé.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Justice ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Au fil des années, les lois successives ont prévu des expertises obligatoires dans un nombre croissant de cas, notamment en matière psychiatrique et pour examiner l'environnement social des personnes mises en cause. Cependant, ces expertises ne sont pas toujours justifiées. De plus, certaines peuvent être disproportionnées quand d'autres ne sont pas assez approfondies.
L'article 78 vise à laisser le magistrat libre de commander ou non ces expertises, dans deux cas. D'abord, il s'agit de supprimer l'obligation de recours à une enquête sociale rapide dans le cas d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, si le procureur de la République n'entend pas proposer de peine d'emprisonnement ferme immédiatement mise à exécution.
Ensuite, l'article vise à supprimer l'obligation de recours à une expertise médicale avant tout jugement au fond, pour les personnes poursuivies pour un délit de nature sexuelle ou commis à l'encontre d'un mineur, tout en maintenant cette obligation en cas de poursuites pour crime.
Il s'agit d'une mesure de rationalisation et de simplification, qui constitue également une mesure d'économies, limitée mais réelle. Je proposerai d'adopter cet article sans modification.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 78.
- Présidence de M. Didier Rambaud, vice-président -
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 78) - Examen du rapport spécial
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Nous avons l'honneur de présenter nos observations sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » (AEE), qui regroupe une partie substantielle du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Je dresserai d'abord un tableau général des crédits de la mission, puis ferai une présentation plus détaillée du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde ».
D'abord, il importe de rappeler que la mission ne représente qu'un peu plus de la moitié des crédits du ministère, une part majeure des dépenses d'intervention relevant de la mission « Aide publique au développement » et de son programme 209. Si les crédits de ce programme connaissent une baisse significative en 2026, les moyens de la mission AEE sont parfaitement stables, s'élevant à 3,45 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP).
De plus, il est nécessaire de souligner que si le montant des crédits de la mission est stable par rapport à la loi de finances pour 2025, il est en hausse par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2025. En effet, près de 70 millions d'euros sont annulés par le projet de loi de finances de fin de gestion.
Si l'on se penche sur le détail des équilibres de la mission, on observe que le ministère bénéficie d'une baisse conjoncturelle des contributions internationales obligatoires de la France en raison du recul de son revenu national brut, qui ne constitue pas une bonne nouvelle. De plus, plusieurs mesures d'économies notables ont été prises, principalement concentrées sur les programmes 151 et 185.
Pour autant, ces baisses sont compensées par des dépenses nouvelles, qui expliquent la progression des crédits de la mission par rapport à l'exécution de l'exercice passé. En particulier, le projet de loi de finances (PLF) prévoit une progression de 12 % des dépenses d'immobilier par rapport à l'exécution 2025. Or les dépenses immobilières, comme les dépenses de sécurisation des emprises, se caractérisent par une sous-consommation systématique des crédits en cours d'année. Ce phénomène est particulièrement difficile à corriger. Cependant, une diminution de ces crédits engendrerait des problèmes, notamment en matière de sécurisation des emprises. Cette augmentation est d'autant plus surprenante qu'elle revient sur les mesures d'économies adoptées en commission mixte paritaire lors de l'examen du PLF pour 2025.
J'en viens à la présentation plus précise des crédits du programme 105, qui vise à assurer le support de la mission. Ces crédits, qui s'élèvent à 2,7 milliards d'euros, constituent la majorité des crédits de la mission.
Pour la première fois depuis 2021, le plafond d'emplois est stable et aucune création d'équivalent temps plein (ETP) n'est programmée. Entre 2021 et 2024, le schéma d'emplois cumulé exécuté a connu une hausse de 233 ETP. Cette progression marque un recul par rapport à l'annonce de la création de 700 nouveaux ETP d'ici à 2027, effectuée par le Président de la République lors des États généraux de la diplomatie, mais elle demeure significative.
Par ailleurs, l'exercice 2026 devrait connaître, comme le précédent, une baisse d'environ 9 % des contributions internationales financées par le programme 105. Cette diminution résulte principalement de la baisse de la quote-part de la France dans le barème des Nations unies et de la paralysie du Conseil de sécurité des Nations unies, qui bloque toute nouvelle opération de maintien de la paix.
Enfin, les crédits pour 2026 se caractérisent par une augmentation significative des dépenses de communication, qui sont multipliées par deux et demi, au titre de la lutte contre les ingérences informationnelles. L'an dernier, nous avions insisté pour que, au sein de l'action du programme concernée, ces dépenses ne soient plus regroupées sous le label « communication », qui ne semblait pas correspondre à la réalité des actions menées, qui relèvent de la lutte contre les ingérences. L'augmentation de ces dépenses nécessaires constitue une dérogation au moratoire sur les dépenses de communication décrété par le Premier ministre.
Au total, ce PLF marque une stabilisation bienvenue pour une mission dont les moyens ont connu un accroissement significatif pour la période 2017-2024, avec une progression moyenne de 55 millions d'euros par an. S'il existe des marges de progression, elles pourront être travaillées d'ici à l'examen en séance. Cependant, chaque fois que notre commission dépose une proposition de réduction budgétaire, celle-ci se fait retoquer ; j'hésite donc à m'y atteler.
Je vous invite à adopter les crédits de la mission.
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - D'abord, j'évoquerai le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés au réseau consulaire et aux Français de l'étranger. Parmi les programmes de la mission, c'est souvent celui qui fait l'objet du plus grand nombre de discussions et d'amendements en séance.
Le programme bénéficie d'une dotation supplémentaire de 3,9 millions d'euros, destinés à financer les surcoûts des grands programmes de modernisation de l'administration consulaire. Une partie de ces programmes entrent dans leur dernière phase de mise en oeuvre, comme celui visant à la dématérialisation de l'état civil des Français nés à l'étranger. Ce budget n'est pas sacrifié et les objectifs assignés au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en matière de maintien d'un service public de qualité pour nos compatriotes de l'étranger, ne sont pas mis en péril.
En revanche, les crédits dédiés à l'instruction des demandes de visas, qui financent essentiellement le paiement des frais de contentieux, sont en baisse. Cela s'explique par un apurement du stock des dossiers en attente de paiement. En dépit de cette accalmie, nous continuons de penser qu'en matière de suivi du contentieux des visas, la répartition des compétences entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devrait être révisée.
J'en viens au programme 185, qui regroupe les crédits dédiés à la diplomatie culturelle et d'influence, autrement dit à notre soft power. C'est sur ce programme que sont opérées la plupart des mesures d'économies portant sur la mission. De façon plus générale, le ministère a décidé de faire porter les économies qui lui étaient demandées sur ce programme et sur la mission « Aide publique au développement ».
En particulier, le montant consacré aux bourses à destination des étudiants étrangers recule de 20 % par rapport à 2025. La capacité des postes diplomatiques à dispenser des financements à des étudiants étrangers sera d'autant plus limitée que, sur le total de cette enveloppe, 31,2 millions d'euros sont d'ores et déjà engagés pour assurer la récurrence de bourses pluriannuelles. À compter de 2026, nous devrons renoncer à l'universalité de nos bourses internationales et assumer une priorisation géographique et thématique de leur délivrance. Je le regrette, car je trouve essentiel pour le pays d'accueillir des étudiants étrangers.
J'en viens aux crédits concourant à l'enseignement français à l'étranger, qui relèvent à la fois du programme 151 et du programme 185.
D'abord, les crédits dédiés aux bourses scolaires, portés par le programme 151, reculent de 4 %, comme l'an dernier, pour atteindre 104,5 millions d'euros. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir les familles les plus modestes afin qu'elles accèdent à l'enseignement français à l'étranger. Selon le ministère, la baisse prévue découle du recul du nombre d'élèves éligibles. Cependant, le baisse du nombre de bourses n'incite pas les familles modestes à recourir à cet enseignement.
De même, la subvention pour charges de service public de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) baisse de 25 millions d'euros, après avoir connu une diminution de 34 millions d'euros en 2025. Selon le ministère, cette mesure vise à associer l'opérateur à l'effort de redressement des comptes publics. Cependant, nous avons reçu des alertes quant à la capacité de l'Agence à absorber une mesure d'économie de cette ampleur. S'il nous semble nécessaire de revoir, à moyen terme, les ressources, le modèle de fonctionnement et le modèle économique de l'enseignement français à l'étranger, nous devrons être attentifs à ne pas remettre en cause la soutenabilité budgétaire de cet opérateur. D'ailleurs, le ministère a créé un groupe de travail sur le sujet.
En conclusion, la préservation des crédits de la mission me paraît positive, car l'action extérieure de l'État ressort du domaine régalien. Dans le détail des crédits de la mission, je regrette que les mesures d'économies aient autant porté sur nos leviers d'influence à l'étranger, dans un contexte géopolitique dégradé. Il s'agit d'un choix politique dont l'impact sera important.
Pour ces raisons, je m'abstiendrai lors du vote sur les crédits de la mission.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Diplomatie culturelle et d'influence ». - La commission de la culture émettra un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. Certes, nous notons une baisse des crédits du programme 185. Il faut réorganiser l'AEFE. À titre d'exemple, la mission de service public de l'Agence ne se justifie plus dans les pays de l'Union européenne, où la plupart des élèves accueillis sont des étrangers.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nos comptes publics sont à la dérive et l'objectif de redressement est partagé par tous. Il est toujours plus simple d'attendre que des propositions soient faites ou de trouver de bonnes raisons pour reporter à plus tard les efforts à fournir. Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d'un lent redressement ; je rappelle que nous faisons l'objet d'une procédure pour déficits excessifs. Dans le cas de certaines fonctions régaliennes, des lois de programmation devraient parfois être révisées, pour prendre en compte la dégradation des comptes publics.
Madame Goulet, malgré les échecs précédents, nous devrions envisager de proposer un effort supplémentaire. Il nous faut partager cette culture de l'effort et de la réduction des dépenses, sur la foi de constats rappelés par tous.
M. Michel Canévet. - En ce qui concerne le réseau consulaire, l'évolution de la stratégie immobilière se poursuit-elle ? Des efforts de rationalisation et d'optimisation des moyens sont-ils fournis, afin que nos représentations diplomatiques puissent offrir des conditions d'accueil satisfaisantes ? Ne serait-il pas opportun d'envisager un rapprochement entre les représentations diplomatiques et les autres implantations de nos opérateurs, telles que les antennes de l'Agence française de développement (AFD) ? Il pourrait être intéressant de procéder à une plus grande mutualisation afin de réduire les frais.
En ce qui concerne le réseau consulaire pour la délivrance des visas, la démarche de modernisation informatique est-elle toujours en cours ? Des résultats significatifs sont-ils observés en la matière ?
Mme Sophie Primas. - La communication est effectivement essentielle pour faire face aux fake news et à l'ingérence. Je salue le fait que le moratoire sur les dépenses de communication ait exclu ce domaine. Les services de l'État effectuent un travail remarquable sur la question de l'ingérence ; des équipes limitées accomplissent un travail d'une qualité inégalée dans le monde.
En ce qui concerne l'AEFE, les difficultés sont réelles. Les problématiques sont diverses, concernent les bourses allouées aux Français vivant à l'étranger, le rayonnement de la France et le soft power auquel peuvent contribuer nos écoles. Le Président de la République a pris la décision de modifier l'orientation de ces écoles, qui étaient d'abord ouvertes pour les Français vivant à l'étranger, pour qu'elles visent désormais à accueillir davantage d'étrangers. De façon logique, le montant consacré aux bourses pour les Français de l'étranger modestes diminue. Certains Français de l'étranger n'inscrivent plus leurs enfants dans ces écoles, car elles sont hors de prix, pas seulement pour les plus modestes.
Dans certaines écoles, les conditions d'exercice de la mission sont de plus en plus précaires. Devons-nous être présents partout ? Devrions-nous nous focaliser sur certains pays cibles ? J'ignore quelle est la solution, mais il est urgent de réformer l'AEFE et la façon dont on agit dans ces écoles, dont certaines sont formidables et nécessaires. Nous ne pouvons pas laisser les fonds dédiés à l'Agence baisser année après année sans engager une réforme de fond et faire des choix.
Mme Florence Blatrix Contat. - Nos écoles françaises à l'étranger sont un véritable outil de rayonnement et un investissement de long terme. Le coût en est cependant, dans certains cas, exorbitant, et il nous faut travailler à y apporter des solutions.
Autre outil de rayonnement de la France : nos consulats. Je les aborderai du point de vue de la question de l'immobilier. Nous avons parfois vendu des biens afin de profiter de l'augmentation des prix - par exemple à Sydney - et nos consulats n'ont plus aujourd'hui les moyens de recevoir dignement dans les locaux qu'il leur reste ; ils doivent recourir à la location ou passer par les alliances françaises. Dans le même temps, d'autres pays sont très présents et investissent. C'est assurément une perte de chance pour la France. Disposons-nous d'un état de l'immobilier que nous avons cédé peut-être quelque peu hâtivement pour des raisons budgétaires ?
M. Jean-François Rapin. - Hier soir au Quai d'Orsay se tenaient les deuxièmes Assises de la diplomatie parlementaire et de la coopération décentralisée. Claude Kern, vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat, y était présent et j'avais l'honneur de représenter le Président Larcher. Nous y avons beaucoup entendu les régions, les départements et les communes sur la coopération décentralisée, qui représente un pan de la diplomatie française au travers d'engagements tels que les jumelages.
Je retiens de votre présentation une relative préservation du budget global de la mission. C'est en adéquation avec ce que nous entendions hier, à savoir que le rayonnement de la France peut aussi passer par les collectivités locales et que leur demande en faveur du financement de la coopération décentralisée est de plus en plus prononcée. Ce financement concerne les programmes 105,185, et 209 mais également les crédits de l'AEFE, car l'un des meilleurs moyens de la coopération décentralisée reste d'avoir des étudiants qui apprennent le français, que ce soit au sein de l'Union européenne ou dans des pays tiers. Des voix importantes de nos collectivités locales se sont élevées hier pour le rappeler.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Sur la stratégie immobilière de l'État à l'étranger, nous avons pris beaucoup de retard et des efforts sont certainement encore à faire. Dans notre récent rapport sur les visas, nous relevions néanmoins ceux, importants, qui ont d'ores et déjà été consentis.
La demande de visa constitue le premier accès vers la France et il importe que les demandeurs soient bien reçus. Je ne suis pas sûre que nous disposions d'un état des lieux de l'immobilier vendu, mais une partie des ventes partout dans le monde répond aussi à un effort de rationalisation - c'est par exemple le cas aux Émirats arabes unis où, pour plus de cohérence, l'ensemble des services a été regroupé en un même endroit. S'agissant des visas, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a engagé, dans plusieurs États, un regroupement des services d'instruction des visas sur un seul poste consulaire par pays, afin de mutualiser nos moyens de traitement. Toujours sur cette thématique, la plateforme France-Visas a constitué une étape importante dans la dématérialisation des procédures même s'il reste encore du chemin à parcourir, notamment sur l'interconnexion avec d'autres bases de données.
Le travail sur les ingérences est évidemment capital. Nous l'avons particulièrement constaté au cours de la commission d'enquête sénatoriale de 2024 sur la lutte contre les influences étrangères malveillantes présidée par Dominique de Legge. Rémi Féraud et moi-même tenions par conséquent à sacraliser les budgets qui s'y rapportent, étant précisé que nous portons toute notre attention à ce sujet depuis plusieurs années, simplement déjà en veillant à la dénomination de l'intitulé de la ligne budgétaire concernée, afin qu'y figure bien cet enjeu de communication stratégique.
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Sur l'immobilier, les contraintes ont également trait aux multiples législations nationales et à la diversité des conditions locales. Il en résulte, d'une manière générale, la lenteur de la mise en oeuvre des projets. Au cours d'un précédent mandat, j'avais exécuté, avec Vincent Delahaye, une mission de contrôle budgétaire en Espagne, à Barcelone et à Madrid, sur la rationalisation de nos implantations, laquelle prenait la forme de regroupements de services dans de mêmes sites. Quoique le Quai d'Orsay la présentait comme une opération modèle, elle n'a, à ma connaissance, pas encore été mise en oeuvre. Nathalie Goulet et moi-même aurons de nouveau à nous saisir de cette difficulté.
En matière de visas, je renvoie à notre récent rapport d'information. La France n'est pas en retard par rapport à ses partenaires européens, mais elle doit encore franchir certaines étapes, en lien notamment avec l'organisation de l'espace Schengen. Les négociations européennes s'avèrent difficiles et se poursuivent. Elles doivent déboucher sur une amélioration de l'efficacité du système.
Quant à l'enseignement du français à l'étranger, son coût, en augmentation, peut paraître aujourd'hui déraisonnable. Les objectifs extrêmement ambitieux que le Président de la République avait, au début de son premier quinquennat, fixés en matière d'attractivité et de rayonnement de la France ne doivent pas grever la dimension de service public pour les Français de l'étranger. Le montant des bourses diminue ainsi dans certains pays où elles bénéficient à la classe moyenne et n'est plus suffisant, ce qui peut inciter ses bénéficiaires à préférer le système d'enseignement local.
Il ne faudrait pas que les restrictions budgétaires de cette année fassent basculer le système et mettent en péril l'AEFE, qui consent à d'importants efforts depuis l'an passé - de son côté, l'Institut français voit ses crédits diminuer d'environ 1 million d'euros. Laissons-nous le temps de revoir l'ensemble de l'architecture budgétaire de ce système.
Faut-il recentrer la mission de service public, avec des montants de bourse plus élevés, mais pour moins de Français ? Comment financer la part de rayonnement très importante pour notre pays qui revient à la francophonie ? Reprenons la réflexion ; c'est l'influence culturelle de la France dans le monde qui est mise à contribution cette année et il faut en mesurer les conséquences sur le long terme.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Sur les services rendus à nos ressortissants de l'étranger, les comparaisons montrent que notre pays est le seul à fournir ce type d'assistance, d'aides et de bourses. Il n'est pas douteux que cela soit une bonne chose, ce que nos collègues représentant les Français de l'étranger ne manquent pas de nous rappeler régulièrement, mais il serait intéressant, d'un double point de vue budgétaire et intellectuel, d'établir un état des lieux de la situation et de la comparer plus avant avec ce qui se passe ailleurs.
Le centre de crise et de soutien (CDCS), qui a fait l'objet d'un rapport sénatorial d'information l'an dernier, est, par exemple, le seul de son genre. Il secourt les Français en difficulté à l'étranger, mais des étrangers peuvent également y avoir recours sans nécessairement être redevables d'une contrepartie financière. Tout cela n'a peut-être pas de prix, mais cela a un coût.
Il serait intéressant de réévaluer le financement de l'enseignement français à l'étranger, d'autant que l'on nous a signalé les difficultés budgétaires que connaît la Mission laïque française (MLF). La question des salaires onéreux des enseignants à l'étranger se pose également. Compte tenu de ces enjeux pour le contribuable français, la situation mériterait que nous engagions un travail d'ensemble afin d'identifier ce que nous pourrions rationaliser et ajuster dans l'existant. Nous ne ferons pas l'économie d'une réforme globale du système.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
La réunion est close à 11 h 30.
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 14 h 00.
Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 - Examen du rapport
M. Claude Raynal, président. - Nous entendons le rapport général de Jean-François Husson sur le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2025.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le PLFG a pour objet principal d'ajuster les crédits relatifs à l'exercice 2025. Il ne peut pas contenir de mesures fiscales, à la différence des projets de loi de finances rectificative (PLFR).
Pour la seconde année consécutive, nous examinons le texte initial proposé par le Gouvernement et non celui modifié par l'Assemblée nationale, puisque nos collègues députés ont finalement rejeté hier l'ensemble du PLFG pour 2025, après de nombreuses heures de débats et alors que l'examen du projet de loi de finances (PLF) avait été pendant ce temps-là suspendu. Le sort de ce PLFG est caractéristique de ce qui se passe lorsqu'un gouvernement renonce à exercer toutes ses prérogatives constitutionnelles face à une assemblée politiquement morcelée et sans majorité. Il n'y a ni cap ni boussole, et je ne suis pas sûr que le chemin emprunté soit le meilleur à suivre.
J'en viens au fond de ce PLFG. Comme à l'accoutumée, je vous présenterai tout d'abord l'actualisation du scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement ainsi que la situation générale des finances publiques en 2025, qui n'a rien à voir avec la sortie de route budgétaire de l'an dernier. Dans un second temps, je me concentrerai sur le seul budget de l'État, au coeur de ce texte.
Le Gouvernement retient dans le PLFG une croissance du PIB en volume de 0,7 % en 2025, inchangée par rapport à la prévision présentée dans le PLF pour 2026, mais inférieure de 0,2 point à la prévision retenue dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2025. L'estimation de croissance reste en ligne avec les dernières prévisions institutionnelles.
À vrai dire, l'acquis de croissance sur les trois premiers trimestres est d'ores et déjà de 0,8 %, selon les données publiées par l'Insee à la fin du mois d'octobre dernier, après l'élaboration du PLFG. Une simple stagnation au quatrième trimestre suffirait donc à dépasser la cible. C'est pourquoi le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) indique dans son avis que « l'hypothèse de 0,7 % est crédible et a même des chances d'être dépassée ».
Cela reste toutefois modeste en comparaison de la situation internationale, et notamment deux fois moins élevé que la croissance moyenne de la zone euro, elle-même deux fois moins élevée que la croissance mondiale.
Le plus notable pour l'année 2025, dans la composition de la croissance, est la forte contribution négative du solde extérieur, qui est de -0,8 point, et, en miroir, la forte contribution positive des stocks, à hauteur de +0,9 point, alors que la loi de finances de 2025 prévoyait une contribution relativement neutre, de 0,1 point pour chacun de ces deux postes.
Selon le HCFP, l'activité en 2025 aurait « globalement été freinée par les mesures commerciales américaines et le climat d'incertitude prolongée, qui a notamment pu entretenir des comportements attentistes ». En effet, « les exportations ont été affectées par les mesures tarifaires et les délais de livraison du secteur aéronautique, se traduisant par un fort accroissement des stocks ».
L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) confirme que, au cours du premier semestre 2025, « la croissance a changé de nature », alors qu'elle avait été « tirée depuis deux ans par l'amélioration du commerce extérieur ».
Toutefois, les chiffres de l'Insee publiés après l'élaboration du PLFG laissent entrevoir une amélioration de la contribution du commerce extérieur, au détriment des stocks, « en raison d'exportations plus dynamiques dans l'aéronautique mais aussi dans la chimie et la pharmacie » au troisième trimestre.
Quant au policy mix, c'est-à-dire l'effet combiné des politiques budgétaire et monétaire sur le PIB, les données montrent une inversion des parts prises, d'un côté, par la politique budgétaire, et, de l'autre, par la politique monétaire, entre 2024 et 2026, pour aboutir à un effet combiné de ces politiques conjoncturelles finalement assez stable.
La contribution de la politique budgétaire à la croissance devrait ainsi être négative en 2025. C'est le « contrecoup », assez puissant, de la dérive des comptes publics des années 2023 et 2024 : l'an dernier, l'impulsion budgétaire liée à la dérive, inattendue, des comptes publics avait profité à la croissance à hauteur de 0,3 point de PIB. Mais il est évident que cela ne pouvait pas durer et, cette année, la première marche de la nécessaire consolidation budgétaire freine la demande privée et donc notre croissance.
En sens inverse, la baisse du taux directeur principal de la Banque centrale européenne (BCE), passé de 4 % à 2 % entre juin 2024 et juin 2025, et qui ne déploiera tous ses effets qu'au bout de dix-huit mois, nous donne un peu d'air. En se livrant à un exercice de prospective, on pourrait imaginer que, sans les efforts que la France doit malheureusement faire pour remédier au dérapage de ses comptes publics de 2023 et 2024, le policy mix soit bien plus favorable à la croissance, qui profiterait à plein du desserrement des taux.
En matière de finances publiques, pour la première fois depuis que les PLFG existent, c'est-à-dire depuis 2023, l'exécution serait tenue en 2025, avec un déficit public à 5,4 % du PIB, comme prévu en début d'année. Cela ne s'est pas fait sans d'importants efforts de régulation budgétaire infra-annuelle, sur lesquels je reviendrai.
Nous avons cependant déjà pris un peu de retard sur la trajectoire prévue dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT), que nous essayons de rattraper en 2026. La trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) semble, elle, totalement hors d'atteinte, mais nous donne un aperçu de ce que pourraient être nos finances publiques si le Sénat, qui souhaitait même un effort supplémentaire, avait davantage été entendu, et sans les dérapages néfastes des années 2023 et 2024...
Pour finir, une petite alerte tout de même : la cible de 5,4 % devrait être atteinte, mais la part prise par les soldes structurel et conjoncturel a fortement varié depuis la loi de finances : alors que le solde structurel était anticipé à -4,8 points de PIB potentiel, il serait finalement de -5,1 points de PIB potentiel en exécution ; à l'inverse, alors que le solde conjoncturel était anticipé à -0,6 point de PIB potentiel, il serait finalement de -0,2 point de PIB potentiel en exécution. Cela signifie que le solde public hors conjoncture s'est dégradé par rapport à la prévision initiale.
La dépense aurait augmenté plus que prévu au cours de l'année pour les administrations publiques centrales - en fait surtout pour les organismes divers d'administration centrale - ainsi que pour les administrations de sécurité sociale, alors que les administrations publiques locales se seraient au contraire illustrées par une bonne maîtrise de leurs dépenses : non seulement moins de dynamisme que prévu ou craint, mais aussi un dynamisme moindre que celui des autres administrations publiques.
J'en viens à la description du budget de l'État.
Le déficit budgétaire de l'État serait de 131 milliards d'euros en 2025, soit 8 milliards d'euros de moins que le déficit de 139 milliards d'euros prévu dans la LFI.
Un retour tout d'abord sur l'année 2025, qui est l'année du « budget de la Saint-Valentin », puisque la loi de finances a été promulguée le 14 février seulement. J'espère d'ailleurs qu'une véritable évaluation du fonctionnement de l'État en période de services votés sera réalisée et communiquée au Parlement ; le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de 2025 devrait en être l'occasion.
Le Gouvernement a pris un décret d'annulation de crédits le 25 avril 2025, dont le montant de 2,6 milliards d'euros peut paraître certes modéré, mais qui a permis de contribuer à la préservation du solde en réduisant les crédits disponibles. Ces annulations ne sont que partiellement revenues sur les reports de crédits, de 11,5 milliards d'euros. L'examen de la séquence des ouvertures, annulations et consommations de crédits permet d'apprécier l'annulation nette de 4,3 milliards d'euros proposée par le présent PLFG sur les dépenses nettes du budget général, par rapport aux 74,3 milliards d'euros de crédits qui resteront disponibles.
Je vous ai déjà exposé, il y a deux semaines, les principaux éléments de l'évolution du solde en 2025, et ces estimations n'ont guère changé depuis le moment de la présentation, le 14 octobre dernier, du PLF pour 2026.
La principale nouveauté est, pour les recettes, que la moins-value de TVA par rapport à la prévision en LFI ne serait pas de 4,5 milliards d'euros, mais de 5 milliards d'euros. Ce résultat est bien surprenant, et les données de croissance ne l'expliquent pas. La ministre a formulé quelques hypothèses, comme l'effet des importations de petits colis ou des comportements de fraude. Nous serons très attentifs aux conclusions de la mission qu'elle a lancée sur le sujet.
Au total, le déficit de l'État se réduirait de plus de 25 milliards d'euros par rapport à 2024, et il faut s'en réjouir. C'est le résultat des efforts réalisés dans la LFI, qui présentait déjà un solde très nettement en amélioration par rapport à 2024, mais aussi des mesures prises en gestion afin de maîtriser l'évolution des dépenses. Ce résultat est d'autant plus à souligner que la prévision de croissance, qui était de 0,9 % en LFI, a été abaissée à 0,7 % comme je l'ai déjà dit.
Toutefois, l'effort est loin d'être terminé. Le déficit reste très supérieur, même en tenant compte de l'inflation, à celui des années 2010, au cours desquelles il était pourtant considéré, à juste titre, comme excessif, puisque la dette continuait de croître.
Il faut donc saluer l'effort accompli en 2025, mais le considérer comme un point de départ et poursuivre dans cette trajectoire.
Examinons à présent les dépenses, car l'objet principal du PLFG est de permettre aux ministères de réaliser les dépenses nécessaires en fin d'année.
Sur le périmètre du budget général, les annulations de crédits sont supérieures aux ouvertures, de sorte que les crédits de paiement (CP) diminuent de 7,4 milliards d'euros. Non seulement ce n'est pas courant, mais c'est même exceptionnel : tous les ans depuis 2015, le collectif budgétaire de fin d'année marquait une augmentation des crédits du budget général - sans parler des ouvertures de crédits exceptionnelles de 2020 et 2023.
Y compris en dépenses nettes, c'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements d'État, la diminution est de 4,3 milliards d'euros, ce qui est également assez inhabituel.
Cet effort se voit dans les ouvertures et annulations de crédits, que je ne détaillerai pas dans leur intégralité.
Parmi les ouvertures de crédits les plus importantes, celle qui concerne le programme 345 « Service public de l'énergie » prend en compte l'estimation, faite par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), des compensations de charges de service public de l'énergie dues par l'État au titre de l'année 2025.
La seconde ouverture de crédits correspond au montant prévu pour les appels en garantie de l'État, qui sont des crédits évaluatifs.
D'autres ouvertures concernent, comme c'est souvent le cas, des dépenses à caractère social comme l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou le coût de l'hébergement d'urgence.
Enfin, la mission « Défense » fait aussi l'objet d'ouvertures pour couvrir les surcoûts opérationnels en cours d'année et pour acquérir des armements dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire (LPM).
Un grand nombre d'annulations portent sur la réserve de précaution ou constatent des sous-consommations de crédits. La charge de la dette est estimée en baisse de 2,9 milliards d'euros grâce à la diminution des taux courts.
Certains points restent critiquables, comme les redéploiements de crédits au sein de la mission « Investir pour la France de 2030 », avec une information très insuffisante du Parlement.
Pour ce qui a trait aux emplois, le plafond d'autorisation des emplois de l'État n'est pas modifié par le PLFG. Celui des opérateurs, en revanche, est majoré de 323 équivalents temps plein travaillés (ETPT), qui concernent la Société des grands projets (SGP) et les instituts régionaux d'administration (IRA).
S'agissant des huit articles du projet de loi, les articles 4 à 8 se contentent de tirer les conséquences des évolutions que je vous ai présentées. Seuls les articles 1er, 2 et 3 contiennent des mesures de fond.
L'article 1er augmente de 10,4 millions d'euros le montant de la fraction de TVA à l'audiovisuel public. C'est un simple ajustement technique qui découle d'une compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP).
L'article 2 modifie les plafonds d'affectation de trois taxes. En premier lieu, il réduit le montant de taxes affectées aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), en parfaite contradiction avec la trajectoire définie entre le Gouvernement et CCI France en 2024. Je vous proposerai de maintenir le plafond existant. L'article ajuste également les plafonds d'affectation de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) et du produit de la redevance hydraulique affecté à Voies navigables de France (VNF), ce à quoi je souscris.
L'article 3 modifie la répartition, entre les régions, de la part fixe d'accise sur les énergies qui leur est versée en 2025 au titre de l'accompagnement financier de l'État à la création de places dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Sans porter de jugement sur le fond, je constate que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) ne permet juridiquement pas de prendre une telle mesure dans le cadre d'un PLFG ; pour cette raison je vous proposerai de la supprimer. Il faudra que le Gouvernement y revienne dans le PLF 2026.
En définitive, le texte du PLFG est caractéristique d'un collectif budgétaire de fin de gestion. Il ouvre les crédits nécessaires aux paiements de fin d'année et marque, par ses annulations, une tenue des comptes bien meilleure en 2025 que lors des années précédentes.
On ne peut certes pas se satisfaire d'un déficit de 131 milliards d'euros pour 307 milliards d'euros de recettes, mais il serait difficile d'effacer, en une seule année, plusieurs décennies d'accoutumance au déficit. Une diminution de 25 milliards d'euros est assurément déjà un bon résultat.
Je vous proposerai en conséquence d'adopter ce PLFG, sous réserve de l'adoption des amendements que je vous soumets.
L'amendement FINC.1 tend à supprimer les alinéas 6 et 7 de l'article 2, afin de respecter les termes du contrat pluriannuel établi avec CCI France.
L'amendement FINC.2 a pour objet de supprimer l'article 3, pour les raisons que je vous ai déjà indiquées.
L'amendement FINC.3 prévoit de minorer de 10 millions d'euros les annulations de crédits relatives au déploiement des dispositifs de vidéosurveillance par les collectivités territoriales. Auparavant assuré par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), le financement de ce déploiement relève désormais de la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa).
L'amendement FINC.4 permet de tenir l'engagement de l'État, à hauteur de 16,2 millions d'euros, en faveur des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), relevant de la section locale du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
L'amendement FINC.5 concerne le financement des points de contact de La Poste dans nos territoires, avec la proposition d'un abondement de 52 millions d'euros de leurs crédits, destiné à en assurer la pérennité dans l'attente de la préparation du futur contrat de présence postale territoriale.
Enfin, l'amendement FINC.6 vise à tenir l'engagement de l'État pris dans la LFI de 2025 de consacrer 9 millions d'euros au financement des pôles de compétitivité.
M. Vincent Delahaye. - Merci pour cette présentation. En matière de croissance économique, la contribution de la consommation des administrations publiques, de 0,5 points de PIB en 2025 selon l'OFCE, paraît majoritaire dans la composition de la prévision de croissance, de 0,7 % pour 2025, selon le même organisme. Sans doute n'est-ce pas totalement indépendant des prévisions de TVA. J'ai fait partie de ceux qui ont alerté sur des prévisions de TVA trop optimistes pour 2025 et je m'aperçois que nous avions raison. Je réitère mon avertissement pour 2026 : les prévisions de TVA relatives au prochain exercice sont trop optimistes de 5 milliards d'euros.
Je regrette que Bercy ne nous communique pas davantage de détails sur ces prévisions de recettes, quoique l'on nous en ait promis pour 2026. C'est assez lamentable, et nous disposons en définitive de plus d'informations au niveau communal qu'à celui de l'État où les enjeux atteignent pourtant plusieurs milliards d'euros.
L'heureuse surprise, qui compense le manque à gagner sur la TVA, concerne l'impôt sur les sociétés (IS). Gardons-nous cependant d'en tirer la conclusion quelque peu hâtive que nous serons dans les clous, d'autant que nous nous sommes également déjà trompés quant au rendement de l'IS, certes plus difficile à prévoir.
Sur les dépenses, le PLFG est censé procéder aux régularisations qui s'imposent pour l'exercice qui s'achève. Je note que le texte va dans le détail des dépenses puisqu'il prévoit des ouvertures de crédits à hauteur de 13,8 millions d'euros pour la police nationale. Qu'en est-il de la mission « Santé », dont je suis le rapporteur spécial, et en particulier de l'aide médicale de l'État (AME) ? Il lui manque 200 millions d'euros en 2025 entre les crédits qui lui ont été consacrés dans la loi de finances et les dépenses qui ont réellement été engagées. Est-ce volontaire qu'elle ne fasse l'objet, contrairement à d'autres missions et malgré l'importance des montants en jeu, d'aucun ajustement dans le présent PLFG ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ne pourrions-nous pas envisager une autre rédaction de l'article 3 dont le but me semble louable, afin qu'il n'encoure plus l'inconstitutionnalité, plutôt que de le supprimer purement et simplement, ainsi que le prévoit l'amendement FINC.2 ?
Mme Isabelle Briquet. - Merci au rapporteur général pour son analyse.
Affirmer que la situation du déficit est moins catastrophique qu'elle aurait pu être ne doit pas occulter les nombreux coups de rabot portés au cours de l'exercice 2025, et que nous ne percevions pas nécessairement de la même manière sur tous les bancs de l'hémicycle...
Pour ce qui a trait aux recettes, il y a lieu de s'interroger, ainsi que vous l'avez fait, sur la dégradation de celles de TVA. Loin d'être neutre, ce moins-perçu de 5 milliards d'euros surprend.
Il faut saluer les amendements que vous proposez, mais je doute que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) partage votre enthousiasme jusqu'au bout et vote en faveur du PLFG.
M. Dominique de Legge. - Sur les crédits de la mission « Défense », les sommes en jeu avec le PLFG sont relativement faibles par rapport aux montants des crédits votés en LFI. Pour autant, nous restons dans l'incertitude, faute de transparence, sur les surcoûts des opérations extérieures (Opex), à l'exception de ceux qui ont été engagés pour la rémunération des personnels. Il s'avère difficile d'apprécier les conséquences qui pourraient en découler sur le report de charges, qui reste toujours la variable d'ajustement de ce budget.
Je souligne d'ailleurs l'existence du courrier que vous avez récemment adressé, monsieur le président et monsieur le rapporteur général, au Premier ministre pour lui demander de bien vouloir consentir à un effort de transparence sur les crédits budgétaires de la défense, dont l'augmentation mérite d'être documentée.
M. Jean-François Rapin. - Votre amendement FINC.6 vise-t-il à reporter sur la fin de gestion, sans les inscrire au PLF 2026, les crédits relatifs aux pôles de compétitivité ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ces crédits ne seront pas inscrits dans le PLF 2026, mais en cas de reports de crédits de 2025 vers 2026, ils seront bien exécutés en 2026.
M. Stéphane Sautarel. - Mes remerciements au rapporteur général pour sa présentation de la bonne tenue des comptes publics, dont néanmoins, au regard du niveau de déficit auquel ils se situent, nous ne saurions nous satisfaire complètement. Je formulerai deux remarques.
Premièrement, le vote du budget dans de bonnes conditions en permet une meilleure exécution. Peut-être cela servira-t-il de modèle pour le PLF 2026.
Deuxièmement, notre communication relative à l'examen du PLF 2026 gagnerait à insister sur les prévisions d'évolution des dépenses par sous-secteur des administrations publiques, afin de mettre en avant le caractère vertueux des administrations publiques locales, en considération tant du niveau qu'elles atteignent que de la tendance qui se dégage à leur égard.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Pour répondre à notre collègue Vincent Delahaye, en l'absence d'ouverture de crédits supplémentaires, la charge des 200 millions d'euros manquant à l'AME revient à l'assurance maladie.
M. Laurent Somon. - Je suis plutôt rassuré quant aux décisions que nous avons prises sur la mission « Investir pour la France de 2030 », avec l'annulation des autorisations d'engagement (AE) du Gouvernement, dans la mesure où celui-ci annule de son côté, en fin de gestion, 1,4 milliard d'euros de crédits. Il est assez surprenant que cette mission reste floue quant aux objectifs poursuivis en matière de gestion stratégique des thématiques et aux destinataires des versements de crédits via les opérateurs. En l'état, nous ne pouvons que nous interroger sur le fonctionnement du plan France 2030.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - À ce sujet, la « réunion balai » de la commission, tendant à réaliser un examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2026, permettra également de tirer un certain nombre de conséquences.
Sur les prévisions de croissance, nous ne pouvons pas avoir de certitudes. Il est difficile d'identifier la consommation des administrations publiques comme le facteur qui l'emporterait sur les autres.
En ce qui concerne la TVA, je suggère, si le président en convient, de proposer à la ministre, qui a demandé une mission sur la question, de nous y associer. Il s'agit d'éviter que ne se renouvelle la situation où, conséquence notamment de l'instabilité ministérielle, les responsables aux affaires n'ont pas la mémoire des annonces et des engagements de leurs prédécesseurs.
Pour l'AME, cela a été dit, le financement est assuré par l'aggravation de la dette de l'État en matière d'assurance maladie.
Pour sa part, l'article 3 du PLFG ne saurait être réécrit, car il encourrait toujours, par son seul objet, l'irrecevabilité en application de la Lolf.
En réaction à l'intervention d'Isabelle Briquet, je démens toute forme d'enthousiasme. J'essaie simplement d'être objectif, comme je l'ai toujours été, bien que certains aient parfois considéré que j'étais sévère à l'endroit du Gouvernement sur la dérive des comptes publics. J'ai d'ailleurs été vivement marqué par les réactions et les accusations de mensonges qui ont immédiatement suivi les conclusions de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques en novembre 2024, laquelle nous avait notamment conduits à entendre deux anciens Premiers ministres ainsi que les anciens ministres responsables de l'économie et des finances et des comptes publics.
Les comptes sont en voie de redressement et les objectifs fixés en début d'année atteints. Je ne vois aucune raison de ne pas le dire, et c'est pour moi un motif de satisfaction, y compris alors que j'avais été le premier à regretter le gel d'une partie des crédits que nous avions adoptés à l'occasion de la réunion de la commission mixte paritaire, en particulier en faveur des collectivités territoriales.
Merci à Dominique de Legge d'avoir rappelé que le président Raynal et moi-même avions sollicité le Premier ministre sur le sujet des crédits de la défense. Davantage de transparence nous paraît importante à maints égards. Bien qu'elles intéressent un autre poste budgétaire, ne perdons d'ailleurs pas de vue les annonces récentes intervenues sur les possibles marchés à venir concernant des ventes d'avions Rafale. Des précisions nous seront indispensables, en particulier sur les modalités de règlement des acheteurs.
Enfin, c'est à juste titre que Stéphane Sautarel souligne le bon résultat des administrations publiques locales, qui ont pourtant été régulièrement critiquées par l'exécutif, trop souvent enclin à pointer du doigt la responsabilité qu'elles tiendraient dans la dégradation des comptes publics et peu avare de moyens dans cet effort qui, cependant, n'a trouvé que bien peu d'écho dans l'opinion. Les données chiffrées dont nous disposons démontrent que les collectivités territoriales savent être raisonnables et conduire leurs projets en toute responsabilité, en évitant de déséquilibrer leurs comptes.
M. Claude Raynal, président. - Ce que vous dites du résultat des collectivités territoriales est exact, mais nous ne saurions non plus passer sous silence le fait que, après un premier travail en vue d'améliorer la performance et la gestion de leurs services publics, elles en soient désormais réduites, pour certaines d'entre elles, à faire des choix de réduction, voire de suppression, de ces mêmes services publics, notamment dans le domaine culturel. De bons résultats sous l'angle de la gestion des fonds publics ne sont pas sans conséquence sur la qualité des services rendus à nos concitoyens.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL
Article 2
L'amendement FINC.1 est adopté.
Article 3
L'amendement FINC.2 est adopté.
Article 5
Les amendements FINC.3, FINC.4, FINC.5 et FINC. 6 sont adoptés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, tel que modifié par ses amendements.
La réunion est close à 14 h 45.
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 69) et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Écologie - mise en extinction du plan de relance » - Programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux
M. Claude Raynal, président. - Nous débutons nos travaux par l'examen du rapport spécial de notre collègue Catherine Lavarde sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Nous accueillons M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les programmes 174 « Énergie, climat et après-mines » et 385 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Écologie - mise en extinction du plan de relance » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». - Sur les programmes de la mission dont j'examine les crédits, on observe une relative stabilité. Celle-ci dissimule de nombreux transferts et changements de périmètre. C'est en entrant dans le détail des programmes que l'on peut se faire une idée de la situation.
Sur le programme 217, qui concerne les fonctions « support » du ministère et du Secrétariat général de la mer, on observe une baisse de 1 % du plafond d'emplois, dans la continuité de l'année dernière. Le ministère applique ce qui était préconisé dans les conclusions de la commission d'enquête sur les missions des agences de l'État. Toutefois, cette baisse des effectifs est majoritairement portée par l'administration centrale, notamment par les fonctions mutualisées des secrétariats généraux du ministère et du commissariat général au développement durable, afin de préserver les moyens des administrations déconcentrées, que ce soit les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) ou les directions départementales des territoires (DDT).
Je ne vais pas m'attarder sur la fonction immobilière. Comme chaque année, je m'étonne du choix de la tour Séquoia ; je ne suis pas convaincue qu'il s'agisse d'une bonne affaire immobilière pour l'État.
Dans le cadre du programme 362, qui reprend les actions de la mission « Plan de relance », il reste encore 2,5 milliards d'euros de crédits à payer.
Sur la politique de l'écologie et de la biodiversité, portée par le programme 113, on observe un décalage entre les textes - le plan Eau, la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB), le texte sur les fonds marins - et la réalité budgétaire et financière. Celle-ci, en effet, est très en deçà des moyens prévus par la trajectoire de référence, prévue dans le rapport de novembre 2022 de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable.
Le ministère a décidé de faire glisser la trajectoire de financement prévue en 2027 jusqu'en 2030, en se référant à l'intitulé « SNB 2030 ». J'émets des doutes sur l'issue, dans la mesure où seulement 10 % des financements supplémentaires prévus pour 2026, définis dans le rapport d'inspection de novembre 2022, ont été apportés.
J'en viens maintenant aux agences de l'eau. Le principe selon lequel « l'eau paie l'eau » n'existe plus depuis longtemps. Sur le financement du douzième programme, nous sommes très en deçà des moyens prévus dans le plan Eau et annoncés par le Président de la République.
Sur la politique de prévention des risques, portée par le programme 181, il est intéressant de noter que, en 2024, dernière année pour laquelle nous disposons de chiffres d'exécution consolidés, l'État a dépensé à hauteur du prélèvement sur les contrats d'assurance automobile et habitation. Il s'agit de ne pas se focaliser uniquement sur le fonds Barnier. La politique de prévention des risques se déploie plus largement, par le biais de divers outils, et il est temps de rationaliser la maquette budgétaire pour que la politique reste lisible.
Pour 2026, les crédits dédiés à la prévention des risques s'élèvent à 287 millions d'euros, contre plus de 300 millions d'euros l'an dernier. Si l'on prend comme référence le prélèvement sur les garanties des contrats d'assurance, nous serons probablement loin du compte. En effet, selon les projections pour 2026, le montant collecté au titre de la taxe « CatNat » sera de 720 millions d'euros ; à ce stade, l'ensemble des financements dédiés à la prévention des risques est loin d'arriver à une telle somme.
Si le Parlement a fini par avoir gain de cause sur le retrait-gonflement des argiles, on ne trouve rien de probant sur un risque ayant les mêmes caractéristiques, à savoir le recul du trait de côte. Aucune action concrète n'est décrite dans les programmes de la mission, où ce sujet n'est mentionné qu'à deux reprises. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter un amendement permettant de mettre des moyens et de penser collectivement cette politique.
Sur la question des risques technologiques, les plans ont tous été adoptés.
Je poursuis avec le programme 345 dédié aux charges de service public de l'énergie. Un important effet de périmètre cache l'augmentation des charges de service public de l'électricité. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) ayant mal anticipé la baisse des prix de gros qui augmente mécaniquement les charges de service public, il a fallu rouvrir plus de 1 milliard d'euros de crédits pour la gestion de cette année. Pour 2026, l'ensemble de ces charges est estimé à 13 milliards d'euros ; jamais nous n'avons atteint un niveau aussi élevé. Dans cette enveloppe globale, 4,4 millions d'euros sont dédiés au photovoltaïque.
Par un effet de périmètre, si l'on regarde l'ensemble des crédits portés par le programme 345, il ne reste plus que 8 milliards d'euros. L'an dernier, nous avions déjà commencé à retirer certaines charges de service public des crédits budgétaires pour les financer par des affectations de recettes. Le mouvement se poursuit en 2026, avec la réforme du financement du soutien à la cogénération et des charges liées au biométhane. La baisse totale des crédits inscrits sur le programme 345 atteint ainsi 5 milliards d'euros.
On observe également un effet de périmètre sur le programme 174 consacré au climat et à l'après-mines. Tous les crédits de soutien à la transition du parc de véhicules roulants disparaissent ; désormais, ceux-ci sont portés par les certificats d'économie d'énergie (CEE). Il reste un peu moins de 100 millions d'euros, destinés à payer les engagements pris au titre de l'année 2025 sur les dispositifs de bonus pour des voitures livrées en 2026, et 2 millions d'euros pour continuer à payer des primes à la conversion de véhicules thermiques vers l'électrique.
On annonce l'extinction prochaine de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM). Celle-ci devra être prévue dans un futur contrat d'objectifs et de performance (COP).
Le chèque énergie, point sensible du programme 174, voit son nombre de bénéficiaires diminuer de 25 %. La baisse importante du taux de recours est liée à la réforme du dispositif qui a été la conséquence de la suppression de la taxe d'habitation, dans la mesure où l'envoi du chèque n'est plus automatique pour tous les ménages éligibles. Les dispositifs palliatifs n'ont pas atteint leurs objectifs, et la perspective de consommation pour 2026 en tient compte. On peut s'interroger sur l'augmentation des frais de gestion du dispositif.
Il est possible que, en séance, je dépose un amendement sur ces frais de gestion.
Concernant le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), je déplore que l'État ne tienne pas sa parole. L'an dernier, nous avions soutenu une modification du financement ; il s'agissait de répondre à une fragilité juridique. À l'époque, les ministres s'étaient engagés à indexer les recettes du CAS sur l'inflation, et il semblait logique d'agir de même pour les dépenses, sachant que l'enveloppent était gelée depuis 2018 ; or il n'en est rien en 2026. Au regard de l'inflation actuelle, on parle de quelques millions d'euros. À ce rythme, on résorbera plus rapidement la dette contractée au moment de la mise en place du CAS, mais l'on n'agit plus pour l'électrification rurale.
Le programme 235 concerne l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Avec la diminution des crédits du programme, je m'interroge sur nos ambitions de relance d'un programme nucléaire. Des articles évoquent une prolongation de la durée de vie du parc d'EDF et les enjeux de sécurité ; cette solution peut être intéressante, car moins coûteuse. Mais l'ASNR doit avoir les moyens d'instruire cette cinquième période de visite décennale. Par ailleurs, la diminution des crédits pose également des enjeux pour la poursuite de la recherche en matière de sûreté nucléaire.
À cela s'ajoute la question de l'emploi. L'an dernier, au moment de la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le plafond d'emplois de ce dernier n'était pas saturé. Nous avons réfléchi en fonction des plafonds observables, et non théoriques, ce qui a entraîné une sous-dotation de 12 équivalents temps plein (ETP) de l'ASNR. Nous appelons le Gouvernement à prendre ses responsabilités, dans la mesure où ce dysfonctionnement est lié à un problème technique au moment de la fusion.
Les crédits du programme 380, portant sur le fonds vert, connaissent une forte baisse. Ainsi, 650 millions d'euros en autorisations d'engagement sont annoncés pour 2026, contre 2,5 milliards d'euros en 2024, à l'acmé du dispositif. En 2026, on ne pourra financer que des engagements antérieurs. J'ai déjà formulé des réserves sur le fonctionnement de ce fonds, qui entraîne des problèmes de lisibilité de la maquette budgétaire ; je pense aux financements qui viennent en doublon de nombreuses politiques publiques, notamment dans le secteur des transports.
Le niveau d'engagement étant de plus en plus faible, je m'interroge sur la pérennité d'un tel dispositif, et me demande s'il ne vaudrait pas mieux conforter des lignes budgétaires en souffrance ; je pense, par exemple, au programme 113, consacré à la biodiversité, qui aurait besoin de moyens supplémentaires.
Dans le cadre de ses arbitrages, le ministère a retiré du programme le fonds territorial climat car, à ses yeux, il s'agit de l'action la moins efficace en termes d'investissement et de performance écologique. Il me semble, au contraire, que ce fonds colle aux réalités du terrain et aux différences rencontrées selon les zones. Il s'agit de repenser l'enveloppe dédiée au fonds vert, et je suis favorable à la mise en place de dispositifs comme celui du fonds territorial climat.
Enfin, je souhaite évoquer la situation de deux opérateurs. L'Office français de la biodiversité (OFB) ne bénéficie pas de marges de manoeuvre. L'établissement public est confronté à deux mouvements antagonistes ; d'un côté, on réduit ses moyens et, de l'autre, on lui demande, en plus de ses activités de police, de faire davantage de prévention. Cela crée des tensions sur le terrain.
La situation de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) est encore plus exacerbée cette année. L'Agence doit gérer de plus en plus de programmes ; par exemple, elle a désormais en charge le leasing social. À cela s'ajoutent, entre autres, la décarbonation des entreprises et le sujet de l'hydrogène. Du fait de ces nombreuses sollicitations, l'Ademe bénéficie de subventions de fonctionnement, alors même que celle-ci a son propre budget pour payer ses agents.
Pour 2026, j'ignore le montant de l'enveloppe de gestion de l'Agence ; je ne désespère pas d'avoir accès aux documents préparatoires de son conseil d'administration afin de le découvrir. Selon les informations dont nous disposons, on observe une diminution du schéma d'emplois. Dans le cadre du plan de relance puis de France 2030, l'Ademe a bénéficié de nombreux crédits et recouru à l'intérim ; on a recensé jusqu'à 120 intérimaires à l'Agence, soit plus de 10 % des effectifs. À la commission des finances, nous avons plaidé pour une régularisation de la situation ; nous avons été entendus, puisque le plafond d'emplois de l'Agence a été augmenté.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les programmes 174 « Énergie, climat et après-mines » et 385 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Notre commission se réunira la semaine prochaine pour examiner le rapport sur les programmes de la mission.
Je partage votre constat sur le chèque énergie. Il est à craindre que les personnes les plus défavorisées soient les plus nombreuses parmi celles qui ne bénéficient plus du chèque. Il faudrait prévoir une automaticité du dispositif pour que le chèque soit bien versé.
Sur le CAS Facé, je partage également le constat. Nous sommes attentifs concernant le fonds de compensation pour l'aménagement du territoire ; je pense à la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim et à celle des centrales à charbon. Les crédits sont suffisants mais, pour m'être rapproché des bénéficiaires sur les territoires concernés, tout n'est pas mis en oeuvre pour optimiser leur utilisation.
Un autre point concerne le biométhane. Il ne faut ni décourager les volontés ni fragiliser les projets d'injection.
Enfin, vous n'avez pas évoqué le fonds Chaleur et le fonds Froid. Avec les objectifs de décarbonation, notamment concernant le chauffage, on observe une attente importante au niveau des collectivités. Il serait dommage de diminuer l'enthousiasme territorial sur ces initiatives d'investissement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette mission concerne de nombreux secteurs qui font l'objet de transitions. Il est difficile d'avoir une vision consolidée de la situation, . Il s'agit de partir des observations et des besoins des territoires pour ensuite établir des dispositifs et des mesures, avec une empreinte « développement durable ».
Le fonds territorial climat est un bon exemple. Les gouvernements successifs préfèrent lancer des politiques plutôt que de les élaborer, au préalable, avec les territoires. Les acteurs sont pourtant disponibles aux niveaux régional et intercommunal.
Sur la question de l'eau, nous avons élaboré des réformes au niveau national. Des difficultés sont apparues, nous allons essayer d'en corriger certaines.
Sur le retrait-gonflement des argiles, il a été difficile de convaincre le Gouvernement. Dans mon département, j'ai sollicité les services de l'État et j'attends encore qu'ils me fournissent le début d'une copie des mesures qui doivent être mises en oeuvre, alors qu'il existe des acteurs compétents sur ce risque en particulier.
Concernant le recul du trait de côte, on annonce que le coût sur l'habitat s'élèverait à 2,5 milliards d'euros d'ici à 2050. Cela me paraît peu quand on voit les sommes importantes mobilisées par les collectivités territoriales pour intervenir sur quelques kilomètres de côte. Au regard du nombre de kilomètres concernés, il est important de mieux anticiper.
Je souscris aux orientations présentées par notre rapporteure spéciale.
M. Grégory Blanc. - L'écologie est une mission récente de l'État, qui a pris de l'ampleur au moment où le ministère de l'équipement a été démantelé et où le modèle du new management commandait de créer des agences sur le modèle anglo-saxon pour prendre en charge les nouvelles missions.
Aujourd'hui, nous devons non seulement remettre en cause les agences, mais aussi nous interroger sur le rôle de l'État. Les politiques publiques afférentes à l'écologie et à la protection de l'environnement nécessitent peut-être une fonction publique plus forte qu'aujourd'hui, de façon à raccourcir la chaîne de décision. C'est une erreur de commencer par baisser le montant des crédits alloués à ces agences, alors que nous devons renforcer l'action de l'État face aux enjeux climatiques.
Sur le fonds territorial climat, je partage l'avis de Mme la rapporteure : nous devons le rétablir et gagner cette bataille contre le Gouvernement.
Enfin, nous n'approuvons évidemment pas la diminution drastique du fonds économie circulaire. Nous avons besoin d'élargir son champ d'action pour mieux soutenir les projets de développement économique portés par les collectivités et renforcer la structuration des filières.
Nous avons récemment débattu des enjeux de la mobilisation des trésoreries des éco-organismes. Dans le cadre de ce projet de loi de finances, nous devons absolument avancer pour soutenir un modèle certes récent, mais assez unique en Europe. Des filières sont en train de se construire dans le domaine du réemploi, de la refabrication et de la réparation. Il me semble que nous devons accélérer, et je souhaite recueillir l'avis de Mme la rapporteure sur ce point.
M. Jean-François Rapin. - Je remercie Christine Lavarde et Jean-François Husson d'avoir parlé du recul du trait de côte. Nous naviguons à vue depuis très longtemps sur cette question. Nous n'avons pas de doctrine, pas d'orientation et, surtout, pas de financement, donc pas de solidarité nationale. Le fonds d'amorçage proposé par Christine Lavarde dans son amendement est intéressant. Il va donner de l'espoir à toutes les collectivités littorales touchées par le problème.
Sur le phénomène de retrait-gonflement des argiles, la doctrine nationale s'est construite à partir des positions sénatoriales. Essayons de faire de même pour le recul du trait de côte. J'ai trente ans de vie publique à mon actif, et j'ai été pendant dix ans président de l'Association nationale des élus des littoraux. Ces sujets sont sans cesse remis sur la table sans jamais qu'une solution soit trouvée. Le coup de grâce est venu l'an dernier, lorsque François Bayrou a estimé que les élus devaient se débrouiller avec leur littoral et qu'il n'y aurait pas de solidarité nationale. C'est une ineptie ! Chacun sait que le littoral n'appartient pas seulement aux gens qui y habitent, et que le tourisme représente une part non négligeable de notre PIB.
Le rapport de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) et de l'inspection générale de l'administration (IGA) mentionne 1,1 milliard d'euros de travaux nécessaires. Les territoires d'outre-mer sont-ils intégrés dans ce décompte ? Car, sinon, il convient de multiplier la somme par deux ou trois !
Mme Ghislaine Senée. - Nous sommes très inquiets de la trajectoire budgétaire du Gouvernement en matière environnementale. Les politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre semblent progressivement abandonnées au profit de l'adaptation, comme si nous nous résignions aux conséquences du dérèglement, faute d'avoir suffisamment agi en amont.
Dans ce contexte, je salue les amendements qui renforcent la prévention des risques, notamment ceux liés aux catastrophes climatiques et au recul du trait de côte. À force d'avoir trop peu investi dans les priorités arrêtées par la SNBC - je ne parle même pas du troisième plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC 3), qui a presque totalement disparu des radars -, nous nous retrouvons à devoir concentrer l'effort sur la réparation des dégâts plutôt que sur leur anticipation.
Je rappelle que, en juillet 2025, la Commission européenne a estimé que la France accusait un déficit de plus de 4,5 milliards d'euros d'investissements pour atteindre ses objectifs climatiques et de biodiversité. Les économies réalisées aujourd'hui sont autant de coûts aggravés demain : ce sont, en vérité, de fausses économies, puisque c'est l'habitabilité même de la planète qui est en jeu.
Je partage totalement votre analyse concernant le fonds territorial climat, madame la rapporteure. Nous avons toujours plaidé pour le « penser global, agir local ». Aujourd'hui, il faut agir localement et concrètement. Mais pourquoi proposer de retirer 20 millions d'euros du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires ? Certes, ce fonds dit « vert » a été sacrifié, mais ces crédits pourraient être réaffectés aux fonds climatiques territoriaux.
Mme Sophie Primas. - Ma question sera très concrète. Dans les Yvelines, nous avons un projet de démonstrateur industriel de production de bio-GNV - gaz naturel pour véhicules -, hydrogène vert et bio-CO2 à partir de chanvre, qui servirait exclusivement à alimenter les bus circulant sur le territoire.
Pour lancer ce projet, vital d'un point de vue économique et climatique, nous attendons la publication d'un décret fixant un tarif de rachat expérimental. Il semblerait néanmoins qu'un programme budgétaire spécifique soit nécessaire pour permettre à l'État de compenser les investissements et les études nécessaires à cette expérimentation, ainsi que, le cas échéant, le soutien à la réplication de ces projets et le complément de tarif de rachat du biométhane. Madame la rapporteure, vous semble-t-il opportun de doter le budget de l'État d'une ligne dédiée à ces dispositifs expérimentaux ?
Mme Florence Blatrix Contat. - C'est un budget en trompe-l'oeil qui nous est présenté : derrière les quelques hausses qui sont affichées se dessine un mouvement de désengagement de l'État sur les politiques écologiques, au moment où l'urgence climatique s'accélère et où la dette climatique se creuse.
Je regrette particulièrement le recul sur la stratégie nationale biodiversité. Je souhaiterais également revenir sur le chèque énergie : son montant effectif diminue, non seulement pour des raisons budgétaires, mais aussi parce que trop de bénéficiaires potentiels renoncent à le solliciter. Avez-vous des pistes pour limiter ce non-recours, qui affaiblit l'efficacité sociale et climatique du dispositif ?
S'agissant des amendements, je souscris à l'idée d'abonder la prévention des risques, mais je m'interroge, comme Ghislaine Senée, sur la contrepartie retenue, à savoir la diminution d'autant des crédits du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires.
Enfin, je voudrais vous interroger sur le fonds Chaleur, qui joue un rôle crucial pour de nombreuses collectivités. Beaucoup d'entre elles utilisent désormais les combustibles solides de récupération (CSR) et ont besoin du soutien de ce fonds pour assurer l'équilibre économique de ces systèmes. Comment voyez-vous son évolution dans le contexte budgétaire actuel ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Je commencerai par des éléments factuels pour répondre à Jean-François Rapin sur le recul du trait de côte. Environ 5 200 habitations sont menacées, selon une première approximation, sur l'ensemble du territoire national et dans les départements et régions d'outre-mer, hors collectivités et territoires plus lointains. Un tiers de ces logements sont situés outre-mer. Il s'agit en effet de territoires plus petits, très vulnérables, soumis à la fois aux éruptions volcaniques et aux cyclones, avec de surcroît la spécificité de l'insularité.
L'objet de cet amendement est de demander au Gouvernement de bâtir une véritable politique publique sur l'érosion du trait de côte. Pour l'instant, il nous dit qu'il agit un peu au travers du fonds vert, un peu au travers de l'action « Prévention des risques naturels et hydrauliques » du programme 181, un peu via la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). En réalité, il n'agit pas vraiment... Un Comité national du trait de côte a été créé en 2023, mais je n'ai vu aucune doctrine émerger de cette instance. Je n'en fais pas porter la responsabilité à ses membres, car je sais qu'ils font des propositions, mais l'État ne se saisit pas de cette politique et ne donne pas de moyens.
Concernant le fléchage des 20 millions d'euros vers la lutte contre l'érosion côtière et la submersion marine, n'oublions pas que les parlementaires ne peuvent agir qu'au sein d'une enveloppe budgétaire fermée. C'est surtout un transfert symbolique, et c'est loin d'être suffisant. Mais, de mon point de vue, l'argent existe. Sur les 720 millions d'euros que nous allons prélever sur les contrats d'assurance, 400 millions d'euros seulement seront affectés à la prévention des risques naturels. Le reste servira à financer le budget général de l'État.
Pour répondre à Grégory Blanc, j'aurais aimé mettre en pratique dès ce projet de loi de finances un certain nombre des préconisations du rapport de contrôle budgétaire que j'ai présenté au début du mois d'octobre sur le soutien de l'État à la prévention et la valorisation des déchets ainsi qu'à l'économie circulaire. Mais la loi Agec du 10 février 2020 est tellement corsetée que nous ne pouvons pas faire grand-chose pour piocher dans la trésorerie dormante des éco-organismes. Il faudrait surtout que l'État améliore son contrôle général et financier et se demande pourquoi ces derniers conservent autant de trésorerie. Qu'il s'agisse du nombre d'emplois, des campagnes de communication ou encore de la mutualisation des moyens avec d'autres éco-organismes, il y aurait beaucoup à dire. Et je ne parle pas des filières dans lesquelles plusieurs éco-organismes se font la guerre à coup de dumping sur le marché du recyclage, du réemploi et de la réutilisation !
J'en ai parlé avec Marta de Cidrac et Jacques Fernique : il faudrait tout simplement remettre à plat la loi Agec, nous demander pourquoi nous sommes si mauvais aujourd'hui et repenser le modèle en nous plaçant du point de vue des collectivités qui développent les installations de recyclage et des citoyens.
Malgré les alertes, l'État s'est désintéressé de la gouvernance de ces structures. Aujourd'hui, la machine s'est emballée et nous atteignons les 6 milliards à 8 milliards d'euros d'écocontributions prélevées sur les entreprises, avec une faible efficacité.
J'en viens à la demande de Sophie Primas. Aujourd'hui, les actions expérimentales en matière d'énergie sont le plus souvent portées par le plan France 2030. Le programme 345 « Service public de l'énergie » que vous entendez solliciter est généralement utilisé pour financer des actions plus matures. L'action 18 sur l'hydrogène finance désormais la construction d'une véritable filière production-fourniture. Si jamais votre installation remplit des caractéristiques proches des installations existantes d'injection de biométhane, un tarif d'achat spécifique pourrait être négocié dans le cadre d'un contrat de gré à gré validé par la CRE, car le biométhane est déjà une filière soutenue. Mais il ne sera sans doute pas nécessaire d'aller si loin pour que le projet puisse aboutir, et nous serons prêts à vous aider.
Le fonds Chaleur est l'une des seules lignes de ce budget qui ne baisse pas, avec une enveloppe de 800 millions d'euros. Mais pour combien de temps ? Le fonds Économie circulaire est passé de 300 millions à 95 millions d'euros en l'espace de deux exercices. Demain, le fonds Chaleur subira sans doute le même sort... C'est la raison pour laquelle je propose de préparer l'avenir en créant un fonds de garantie pour couvrir le risque de contrepartie. Il s'agirait de rendre éligibles la chaleur et le froid décarbonés au fonds de garantie qui existe déjà pour les contrats d'achat d'énergies renouvelables. En neutralisant le risque de contrepartie, on fera mécaniquement baisser le coût des projets. Ce serait une alternative intéressante au fonds Chaleur. Sait-on jamais, le Gouvernement acceptera peut-être de lever le gage au cours de la discussion...
En conclusion, je tiens également à saluer l'effort de sincérité qui est fait sur le budget de l'Ademe, au travers de la dissociation du budget d'intervention et du budget de fonctionnement de l'agence, une mesure qui prendra plusieurs années pour être effective. En attendant, des engagements passés non financés sont inscrits, d'où l'augmentation fictive des autorisations d'engagement.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». - Dans la mesure où les dépenses de l'État en faveur des transports terrestres et fluviaux ne sont pas toutes retracées dans son budget, il n'est pas aisé d'en avoir une vision globale et exhaustive. Elles se répartissent entre le programme 203 et le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).
Si l'Afit France abonde elle-même le programme 203 via des fonds de concours, elle procède également à des dépenses qui ne transitent pas par le budget de l'État. En outre, le programme 203 est aussi alimenté par des fonds de concours provenant d'autres financeurs, au premier rang desquels la SNCF et les collectivités territoriales. Quelques retraitements sont ainsi nécessaires pour disposer d'une vision exhaustive.
Depuis l'année dernière, les dépenses de l'État en faveur du secteur des transports ne sont pas épargnées par les contraintes sévères qui pèsent sur les finances publiques. Alors que, en 2025, les moyens de l'Afit France avaient été sensiblement amputés, en 2026, de façon générale, les crédits alloués aux transports sont gelés en valeur. Ils baissent donc en moyenne à hauteur du taux d'inflation.
Si nous comprenons la nécessité de maîtriser la dépense publique, ce gel des dépenses de l'État dans les transports est en décalage avec les conclusions de la conférence de financement des mobilités, Ambition France Transports, qui s'est tenue au premier semestre de l'année. Elle a fait le constat que les réseaux ferroviaire, routier et fluvial avaient accumulé des dettes grises de respectivement 60 milliards, 2,4 milliards et 1,1 milliard d'euros. Aussi, la conférence a recommandé, à court terme, d'investir 3 milliards d'euros supplémentaires dans les infrastructures de transport existantes : 1,5 milliard d'euros pour le réseau ferroviaire structurant, 1 milliard pour le réseau routier national et 500 millions d'euros pour les infrastructures dédiées au fret fluvial et ferroviaire. À défaut, la dégradation de ces réseaux se poursuivra.
Sur le périmètre du programme 203 et du budget de l'Afit France, les dépenses prévues en 2026 dans le secteur des transports devraient représenter environ 10 milliards d'euros, un montant gelé par rapport à 2025. Sur ce montant, la contribution directe de l'État représente un peu plus de 8 milliards d'euros, stable également.
En 2025, les moyens de l'Afit France avaient été substantiellement réduits, restant néanmoins supérieurs aux ressources qu'elle avait perçues en 2023. Pour 2026, le PLF fait en sorte de stabiliser le budget de l'Agence à 3,7 milliards d'euros. Cette stabilité masque néanmoins des évolutions divergentes. Les investissements dans les infrastructures ferroviaires devraient augmenter de façon significative, tandis que les dépenses pour de nouveaux projets routiers sont en forte baisse. Nous observons aussi depuis l'année dernière une nette réduction des contributions de l'État aux projets « transports » des contrats de plan État-région (CPER). Sur cette question, les contraintes budgétaires de l'État et des régions se conjuguent. Nous craignons que de nombreux projets subissent des retards importants.
Les investissements pour l'entretien et la régénération du réseau routier national non concédé devraient stagner à un peu plus de 1 milliard d'euros en 2026, alors qu'il a été établi qu'au moins 1 milliard d'euros de dépenses supplémentaires seraient nécessaires chaque année pour enrayer la spirale de dégradation de ce réseau.
Nous sommes notamment préoccupés par le niveau d'investissements dans l'entretien des ponts. À un peu plus de 120 millions d'euros par an, il est aujourd'hui très inférieur aux besoins établis par la commission de financement des mobilités, à savoir 163 millions d'euros par an dès à présent, puis 247 millions d'euros à l'horizon 2032. Comme nous l'avons déjà signalé, cette situation ne pourra pas durer éternellement. Plus elle se prolonge, plus le coût nécessaire à la remise à niveau des infrastructures sera élevé. Même en période de contrainte budgétaire, veillons à ne pas nous faire piéger par des visions court-termistes.
S'agissant des investissements dans les infrastructures ferroviaires, la conférence de financement des mobilités a une nouvelle fois corroboré les constats qui avaient été dressés en 2022 par les rapporteurs spéciaux Hervé Maurey et Stéphane Sautarel. Il est indispensable d'investir 1,5 milliard d'euros supplémentaires chaque année dans la régénération des infrastructures ferroviaires et les programmes de modernisation du réseau, car la France a accumulé un retard considérable.
En 2023, l'État s'est engagé à ce que cette revalorisation de 1,5 milliard d'euros dans le réseau soit effective d'ici à 2028. Pour y parvenir, il a demandé à ce que la SNCF finance elle-même la trajectoire de montée en puissance progressive de ces investissements jusqu'en 2027, soit 2,1 milliards d'euros en cinq ans. Grâce à la SNCF, c'est donc dans le domaine ferroviaire que nous sommes le moins en difficulté dans la rénovation des infrastructures.
Il est toutefois évident qu'il faudra s'interroger sur la contribution d'autres opérateurs que la SNCF à la modernisation du réseau, dans un contexte d'ouverture à la concurrence. Hervé Maurey et moi-même travaillons actuellement sur ces questions. Il faudra également trouver d'autres pistes de financement. Celle de l'affectation d'une fraction du produit des péages autoroutiers est évoquée, mais elle ne pourra pas se concrétiser avant une dizaine d'années.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». - Cette année, nous souhaitons tout particulièrement attirer votre attention sur la situation de Voies navigables de France (VNF). À la fin de l'année 2023, l'établissement a conclu un contrat d'objectifs et de performance avec l'État visant à revaloriser les investissements dans les infrastructures fluviales et à accompagner une réforme structurelle ambitieuse de l'opérateur. Ce contrat est assorti d'une trajectoire prévisionnelle pluriannuelle de ses moyens humains et financiers.
La réforme engagée par VNF doit se traduire par la fermeture de la moitié de ses implantations territoriales, des mobilités géographiques et des changements significatifs dans les missions des agents. Elle doit générer d'importants gains de productivité, permettant à VNF de réduire ses effectifs permanents d'une soixantaine d'emplois par an à compter de 2027.
Cependant, l'évolution des effectifs doit être synchronisée avec la mise en oeuvre de cette réforme, car une diminution trop précoce des emplois pourrait compromettre les gains de performance attendus. C'est pourquoi, lors de la signature du contrat, l'État s'était engagé à stabiliser les effectifs de VNF jusqu'en 2026. Or, dès l'année dernière, l'État est revenu sur cet engagement, avec une diminution de 38 équivalents temps plein (ETP). En 2026, le Gouvernement entend les réduire encore de 40 ETP, alors même que les aspects les plus sensibles de la réforme sont en cours de négociation avec les organisations syndicales.
Le calendrier de cette nouvelle baisse pose de réels problèmes. Elle risque de remettre en cause la modernisation de VNF et les gains d'efficience qui l'accompagnent. De plus, la modernisation n'ayant pas encore produit tous ses effets, des baisses d'effectifs trop précoces risquent d'entraîner une dégradation du service, notamment la suspension temporaire de la navigation sur certaines voies d'eau.
Pour ne pas compromettre la mise en oeuvre de sa réforme, VNF est prête à réduire sa subvention annuelle de 3 millions d'euros cette année, en contrepartie d'une stabilisation de ses effectifs. Nous souscrivons pleinement à cette suggestion qui permettra, de surcroît, de réduire les dépenses du programme 203.
Nous vous proposons donc un amendement visant à appliquer une réforme de compromis que nous considérons comme « gagnant-gagnant ».
Les moyens alloués aux investissements dans le réseau fluvial sont aujourd'hui conformes à la trajectoire financière contractualisée. Cependant, un rapport récent de la Cour des comptes a souligné leur insuffisance pour enrayer la dégradation des infrastructures gérées par VNF. Cette analyse a été confirmée par les conclusions de la conférence de financement des mobilités, qui a recommandé d'augmenter de 200 millions d'euros par an les investissements de VNF : 100 millions pour le fret fluvial et 100 millions pour les enjeux émergents de gestion de l'eau, d'environnement et de prévention des risques. Il sera donc nécessaire d'identifier de nouvelles sources de financement dans les années qui viennent. La réforme de la redevance hydraulique semble une piste intéressante susceptible de dégager quelques dizaines de millions d'euros à terme.
Concernant la Société des grands projets (SGP), elle consacre encore l'essentiel de ses moyens à la livraison des lignes du Grand Paris express, mais commence à délivrer des prestations à des collectivités pour les projets de service express régionaux métropolitains (Serm). Toutefois, la plupart de ces projets en sont à leurs balbutiements et, en raison des contraintes budgétaires pesant sur l'État et les collectivités, leurs modalités de financement restent très incertaines.
Les crédits du programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » augmentent en 2026, mais il ne faut pas y voir le signe d'une générosité excessive de l'État. Cela tient, premièrement, à la hausse de 10 millions d'euros du coût des compensations des exonérations de charges patronales pour le secteur du transport maritime, qui résulte de dispositions adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, et, deuxièmement, d'événements ponctuels qui expliquent la hausse sensible des crédits consacrés au cofinancement national des fonds européens pour la pêche et l'aquaculture.
En 2021, dans le cadre du Fontenoy du maritime, l'État s'est engagé à doubler les promotions d'officiers de la marine marchande d'ici à 2027. Pour concrétiser cet objectif, les crédits dédiés à la formation avaient régulièrement augmenté ces dernières années. En raison des contraintes budgétaires, l'année 2026 marque une rupture sur ce point, puisque ces crédits vont diminuer, en particulier la subvention annuelle versée à l'École nationale supérieure maritime (ENSM). Il semble que la trésorerie de l'établissement puisse amortir cette diminution cette année sans remettre en cause les objectifs du Fontenoy. Néanmoins, si cette situation devait perdurer, les engagements pris en 2021 ne pourraient pas être tenus.
En conclusion, ma collègue Marie-Claire Carrère-Gée et moi-même sommes favorables aux crédits des programmes 203 et 205, que nous vous inviterons à adopter après les avoir modifiés par l'amendement que j'évoquais précédemment.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». - Je commencerai par vous présenter le budget de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), au travers du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
L'augmentation substantielle de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) votée l'an dernier par le Parlement n'a pas été sans conséquence, comme on pouvait le craindre. Depuis l'entrée en vigueur de cette mesure, la croissance du trafic a brutalement ralenti en France, alors qu'elle reste très vigoureuse dans le reste de l'Europe. Des fermetures de lignes sont annoncées. Par ailleurs, les compagnies ont intérêt à effectuer des vols plus longs vers l'étranger pour amortir l'augmentation de la taxe sur des billets plus coûteux. Auparavant, des étrangers venaient en France ; maintenant, on envoie plutôt les Français faire du tourisme à l'étranger...
La hausse de la fiscalité a tout particulièrement touché le trafic domestique, qui subit une crise profonde. Cette année, il est toujours inférieur de plus de 25 % à son niveau d'avant-crise, celui de 2019. Nos territoires en subissent les conséquences directes : moins de connexions, moins de tourisme. La compétitivité de nos aéroports est durement affectée, et nous avons même appris récemment que plusieurs aéroports de proximité allaient perdre l'ensemble de leurs lignes l'été prochain.
Paradoxalement, la hausse de la TSBA n'a pas d'effets sur les recettes du budget annexe, qui est alimenté par les redevances payées par les compagnies. Il faut dire que l'essentiel provient des redevances de survol, celles que payent les compagnies qui survolent la France. Or ce trafic est très dynamique.
Les prévisions de recettes sont d'ailleurs plus élevées que prévu cette année, et des données d'Eurocontrol suggèrent qu'elles pourraient même l'être encore davantage. Pour autant, malgré ces recettes importantes, la navigation aérienne n'obtient pas forcément les crédits nécessaires, car son budget est soumis aux mesures de maîtrise de la dépense. Ainsi, alors que les recettes augmentent et que nous en avons les moyens, nous limitons la progression des dépenses en nous fondant sur des normes, et non sur des bases économiques, un point sur lequel il faudra nous interroger.
La conséquence positive est que le budget annexe pourra se désendetter plus rapidement que prévu des dettes accumulées durant le covid, ce qui était nécessaire. Mais il y a aura aussi un effet sur l'investissement, car les économies de dépenses réalisées sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » le sont généralement par l'abandon ou le lissage dans le temps de projets d'investissement. In fine, cela aura pour effet curieux la restitution de trop-perçus aux compagnies, car le niveau de dépenses prévu n'est pas réalisé.
Les effectifs autorisés par le budget annexe sont en hausse, ce qui s'explique par l'augmentation globale du trafic, notamment le survol, et par la prévision d'une vague de départs à la fin de la décennie, sachant qu'il faut plus de cinq ans pour former un contrôleur aérien. Je crains donc que les recrutements actuels soient insuffisants au regard de la pyramide des âges des contrôleurs et de l'évolution du trafic.
Dans un précédent rapport, j'avais eu l'occasion de souligner qu'il conviendrait de s'interroger sur le coût réel d'une augmentation des recrutements et de le comparer à celui que les retards occasionnent. En effet, pour que la France dispose d'une capacité de contrôle lui permettant de faire passer le trafic aérien dans des conditions satisfaisantes, il faut concomitamment un effectif adapté de contrôleurs et des process informatiques modernes. L'absence de recrutements suffisants se traduit par des retards de vols, ce qui représente des pertes pour les compagnies et le secteur aérien, voire nuit, à terme, à l'attractivité économique de ce secteur. Un rapport récent d'Eurocontrol le démontre, le risque financier lié à une sous-capacité chronique du contrôle aérien est bien plus important que celui qui résulterait d'un recrutement excédentaire de contrôleurs.
Les performances du contrôle aérien français sont déjà bien trop catastrophiques pour risquer de les fragiliser davantage. Le contrôle aérien français est, et de très loin, le principal pourvoyeur de retards en Europe. Alors que la situation s'améliore chez nos partenaires, le service rendu par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) s'est sensiblement dégradé cette année. Au cours des huit premiers mois de l'année, les minutes de retard causées par le contrôle aérien en France ont augmenté de 50 % !
Le nombre de contrôleurs n'est pas le seul problème. L'organisation du travail ainsi que la productivité à la DSNA ne sont pas non plus optimales. Le dernier protocole social, très coûteux, est censé améliorer les choses. Il prévoit des mesures de performance pour assouplir l'organisation du temps de travail des contrôleurs moyennant des incitations financières. La situation continuant à se détériorer, on peine à en voir les effets, quoique la DGAC et la DSNA nous indiquent que la situation eût été pire sans ces mesures. Il importe d'en évaluer rapidement l'efficacité.
Les mesures de maîtrise budgétaire mises en place depuis 2024 ont principalement porté sur les dépenses d'investissements et la DSNA a annulé ou lissé dans le temps des opérations d'investissement parfois critiques. La situation la plus inquiétante concerne la modernisation des systèmes de communication radio entre contrôleurs et pilotes. Nous attendons dans ce domaine le résultat de l'audit général que la DSNA conduit actuellement sur ses dépenses d'investissement, en vue de définir ses priorités.
J'en viens au programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».
Parmi les trois « malades » du programme au milieu du paysage budgétaire tourmenté que nous connaissons, Météo-France est sans doute l'opérateur dont nous nous sommes occupés le plus tôt, et le Gouvernement, au moment où Christophe Béchu exerçait ses fonctions à la tête du ministère, avait pris note de la nécessité de stabiliser, voire rehausser, les financements de cet opérateur.
Météo-France bénéficie ainsi d'une stabilité bienvenue, en ressources financières comme en effectifs, ce qui ne doit pas nous empêcher de demeurer vigilants. En 2026, il devrait percevoir une dotation exceptionnelle de 66 millions d'euros pour mettre sur les rails le projet de renouvellement de ses supercalculateurs, qui doit se concrétiser en 2027.
Ces deux dernières années, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) s'était retrouvé dans une situation financière extrêmement précaire du fait notamment de l'essor de l'open data et il a fallu à deux reprises que nous trouvions un système pour relever sa subvention - l'an passé, avec l'aide de Christine Lavarde, nous avions fait adopter une augmentation de 5 millions d'euros qui a été ramenée à 3,8 millions d'euros en raison du gel budgétaire - et le sortir de l'impasse. Nous avons joué là un rôle auquel l'exécutif se refuse à l'égard des trois structures qui connaissent des difficultés.
Bien que l'IGN ait adopté un plan d'économies structurelles qui lui permet de réaliser des gains d'efficience d'environ 7 millions d'euros par an, il affiche encore un déficit budgétaire et sa trésorerie s'épuise. Tout n'est donc pas réglé et nous restons, là encore, vigilants. Cependant, la situation financière de l'opérateur est désormais nettement moins inquiétante qu'elle n'a pu l'être au cours des deux exercices budgétaires précédents.
La situation du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), qui porte toute l'ingénierie publique en matière d'infrastructures en cas de crise majeure, est, quant à elle, la plus préoccupante cette année et similaire à celle que l'IGN a connue ces dernières années. Là aussi, le Gouvernement regarde ailleurs, en dépit de nos avertissements - j'ai exposé, en juillet dernier dans un rapport d'information, la situation et mes inquiétudes, avec le risque que survienne en 2027 un problème de trésorerie -, ce qui conduit à s'interroger.
Le Cerema est sans doute victime d'avoir été choisi, notamment dans le cadre du plan de relance, pour piloter des dispositifs d'intervention, tel le programme national Ponts (PNP), qui sont venus gonfler temporairement sa trésorerie. Les sommes qu'il a reçues en avance ne lui appartiennent pas - il doit les affecter à leurs bénéficiaires finaux au fur et à mesure de l'avancée des programmes - et cette trésorerie l'a rendu vulnérable dans les arbitrages ministériels : son niveau de trésorerie apparent a été le prétexte pour réduire très fortement et de façon systématique sa subvention. Par ailleurs, ces réductions sont venues poursuivre et amplifier une baisse constante de ses moyens depuis sa création en 2014.
La situation a abouti à un déficit structurel de l'ordre de 20 millions d'euros. En 2025, le Cerema a dû appliquer un plan d'économies significatif, pour environ 14 millions d'euros. En 2026, le PLF prévoit une nouvelle baisse de sa subvention, pour plus de 4 millions d'euros.
Dans ces conditions, à la fin de l'année, la trésorerie du Cerema non fléchée vers des programmes d'intervention devrait se réduire à 5,5 millions d'euros. Dès 2026, elle deviendra négative. Cela signifie tout bonnement que le Cerema sera contraint de financer ses charges courantes par de la trésorerie qui ne lui appartient pas ; en d'autres termes, c'est de la pure cavalerie budgétaire. Le conseil d'administration de l'établissement l'a lui-même indiqué publiquement.
Toutes choses égales par ailleurs, la survie budgétaire du Cerema reposerait désormais sur une forme de pyramide de Ponzi avalisée et même aggravée par les décisions de l'État. La situation ne saurait perdurer et une solution devra impérativement être trouvée d'ici à la fin de l'année 2026 dans la mesure où, en 2027, la trésorerie du Cerema deviendrait négative. À ce jour, « l'arrêt de mort » budgétaire du Cerema est ainsi programmé au mois de février 2027. J'espère seulement que des événements imprévus ne conduiront pas à accélérer la survenance de ce moment fatidique.
Cette forme d'acharnement sur le Cerema est difficilement compréhensible, car l'établissement a déjà conduit une réforme structurelle qui lui a permis d'absorber une baisse de 20 % de ses moyens en cinq ans. Il est ainsi paradoxal de lui infliger ce qui ressemble à la punition d'un bon élève. En contrepoint, ce traitement apparaît comme une sorte de prime à l'immobilisme. Le signal donné aux gestionnaires publics me semble mauvais.
Nous poursuivons donc le dialogue sur la situation du Cerema, afin d'identifier les solutions qui pourraient le concerner.
Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et le programme 159 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits relatifs aux transports routiers de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Pour revenir sur le PNP, nous souscrivons totalement aux remarques qui ont été formulées. Nous pourrions même aller plus avant, car des ouvrages sont classés prioritaires sans disposer des moyens nécessaires à leur réhabilitation.
Ce programme, qui a suscité un indéniable engouement, et très bien accompagné par le Cerema, se heurte ainsi à une réelle difficulté de mise en oeuvre pour certains ouvrages. Nous nous interrogeons donc sur la politique des moyens retenue et ma commission déposera un amendement sur une question qui mérite toute notre attention.
Il existait la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance (TEILD), allouée aux petites communes, pour un montant total de 50 millions d'euros. La ventilation en est tellement faible à l'échelle communale qu'elle n'a aucune incidence sur les objectifs de rénovation. Afin de consolider le PNP, nous proposons de reconcentrer cette enveloppe et de la confier à l'Afit France plutôt qu'au Cerema.
Si la question peut susciter le débat dans le contexte budgétaire particulier que nous connaissons, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable continue par ailleurs de soutenir la proposition, longuement appuyée par le ministre Philippe Tabarot, de ramener la TVA sur les transports collectifs au taux réduit de 5,5 %. Ce serait le moyen d'apporter une bouffée d'air aux structures organisatrices de transports.
Différentes mesures ont aussi été prises pour consolider des fonds qui pourraient être affectés à l'Afit France. Elles s'inscrivent dans la droite ligne de la conférence Ambitions France Transports et des propositions du ministre, et trouvent des appuis solides au sein de la commission à laquelle j'appartiens.
En outre, nous proposerons un amendement visant à améliorer la fiscalité des véhicules légers des entreprises sous l'angle de la performance des amortissements qui les concernent. Il s'agit de diminuer le montant de l'amortissement des véhicules classiques pour renforcer celui des véhicules électriques, afin de répondre au véritable problème de qualification et de consolidation d'une flotte de véhicules électriques d'occasion plus facilement accessibles aux usagers.
Une dernière réaction : je partage les propos du rapporteur spécial sur la situation du Cerema. Celle-ci s'avère particulièrement préoccupante, alors que les responsables de cet établissement ont réalisé un remarquable travail de remise à niveau et de remise en perspective d'une offre de services d'ingénierie qualifiée qui s'adresse aux communes au plus près de leurs besoins. Il nous faut trouver une solution.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La décision d'abaisser à 5,5 % le taux de TVA applicable au transport ferroviaire de voyageurs me paraît des plus contre-productives. Elle n'est pas de nature à rendre le train plus attractif et il importe de ne pas perdre de vue la nécessité de retrouver une bonne santé budgétaire et financière. Ne multiplions pas, en l'état actuel de nos finances, ces dispositifs peu efficients - je citerai encore celui du versement mobilité régional, dont la création a d'abord été fortement sollicitée, mais qui apparaît peu utilisé. Ce qui est vrai des entreprises l'est aussi des comptes publics : celles qui développent le mieux des programmes d'investissement sont aussi celles qui, d'abord, tiennent le mieux leurs comptes.
L'amendement qui tend à rendre plus favorable le dispositif d'amortissement des véhicules légers les moins polluants des entreprises me paraît, lui, intéressant. La réflexion mériterait de porter également sur les véhicules utilitaires, bien que des problèmes d'autonomie et de recharge des modèles électriques se posent sur ce marché.
Pour sa part, le Cerema a fait l'objet de nombreuses réformes au cours des dernières années et l'impression que j'en retire est que nous avons perdu en qualité de service public d'ingénierie, y compris du point de vue des compétences. Une compétition existe déjà entre cet établissement et les structures d'ingénierie privées. La situation est préoccupante et je partage vos observations à ce sujet.
En outre, personne ne souhaite l'interruption de la trajectoire d'investissements du PNP. Ce serait tout à fait contre-productif après le travail de diagnostic en amont qui a été réalisé et les moyens d'ingénierie qui ont été mis à la disposition des communes. Je souhaite que nous puissions obtenir, notamment via les amendements, le maintien de ce programme.
M. Marc Laménie. - Les recommandations du rapport d'information de mars 2022 d'Hervé Maurey et Stéphane Sautarel sur la situation de la SNCF et ses perspectives, relatives à la régénération du réseau ferroviaire, ont-elles été prises en compte ?
Par ailleurs, toujours dans le secteur ferroviaire, des crédits sont-ils réservés au capillaire fret ?
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Quelques moyens supplémentaires sont prévus dans le PLF 2026 pour la régénération du réseau ferroviaire, comme c'était déjà le cas en 2025. Néanmoins, à ce jour, cela tient uniquement au fait que les prélèvements opérés sur les résultats de SNCF Voyageurs sont plus importants.
Afin de remettre à niveau l'infrastructure ferroviaire qui se trouve dans un état déplorable, comme peuvent l'être également l'infrastructure fluviale et, en partie, l'infrastructure routière, nous avions évoqué ici même l'idée, ensuite reprise par Ambitions France Transports, de prélever un certain montant sur la rente autoroutière, au terme des concessions. La difficulté tient à ce que ce terme se situe entre 2031 et 2036 et qu'il nous faut envisager entretemps d'autres solutions. Rien de concret ne se dessine encore et le PLF 2026 ne prend en compte ni les ambitions qui étaient affichées ni les annonces d'augmentations de crédits qui les accompagnaient.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La stratégie proposée pour VNF, en ce qu'elle combine un plan de modernisation avec un plan de réduction du personnel, vous paraît-elle susceptible de fonctionner ?
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Si nous ne pensions pas que cette stratégie fût pertinente, nous n'aurions pas déposé un amendement visant à la soutenir. J'ai bien insisté dans ma présentation sur le fait que nous renoncions uniquement en 2026 à diminuer le niveau des ETPT de l'opérateur, car, ainsi que ses responsables nous l'ont exposé, une telle diminution interviendrait alors au plus mauvais moment, celui d'une phase de discussion avec les organisations professionnelles. De surcroît, il faut que la suppression d'emplois soit concomitante à la modernisation du réseau, au risque, dans le cas contraire, d'être obligé de suspendre certains trafics. Les infrastructures dont VNF a la responsabilité sont en effet dans un état déplorable.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale. - La baisse des effectifs de VNF ne sera possible que par des améliorations majeures de la productivité, ce qui suppose des évolutions profondes des compétences, des efforts de formation et de nouvelles exigences de mobilité géographique à l'endroit du personnel. Tailler en l'état dans les effectifs reviendrait à affecter la qualité du service rendu.
Il importe aussi, alors qu'une négociation collective est engagée, de veiller au respect de la parole donnée, les responsables de VNF consentant à une baisse de leurs crédits à condition que leurs effectifs ne diminuent pas en 2026. L'effort que nous demandons n'est pas considérable.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 vise à diminuer les crédits du fonds chaleur pour en contrepartie demander la création d'un fonds de garantie. L'amendement créant un fonds de garantie n'est pas déposé ici, puisqu'il est contraire à l'article 40 de la Constitution. Je demanderai donc en séance publique au Gouvernement de couvrir le fonds de garantie, et sinon je retirerai cet amendement baissant les crédits du fonds chaleur.
L'amendement FINC.1 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.2 tend à diminuer les crédits de VNF de 3 millions d'euros en 2026.
L'amendement FINC.2 est adopté.
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.3 prévoit de transférer 20 millions d'euros du fonds vert au bénéfice de la lutte contre le recul du trait de côte. De mon point de vue, 300 millions d'euros supplémentaires, financés par les assurés, devraient encore être affectés à la prévention des risques.
L'amendement FINC.3 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article vient répondre à deux problèmes de droit de nature très différente qui concernent les énergies renouvelables.
Le premier avait déjà été abordé à l'occasion du PLF pour 2021. Il avait en effet été question de revenir sur les tarifs de soutien des contrats d'une durée de vingt ans signés par l'État relatifs aux installations photovoltaïques de plus de 250 kilowatts et, suivant ma proposition, la commission des finances avait supprimé l'article correspondant.
Le Gouvernement avait ensuite modifié sa position initiale en introduisant une clause de sauvegarde permettant aux titulaires des contrats de se retirer, s'ils estimaient que les nouvelles conditions remettaient en cause la viabilité économique de l'accord. Sur les 471 installations qui étaient visées, quelque 350 avaient choisi de recourir à la clause de sauvegarde et la CRE avait déjà instruit 150 de ces dossiers. Le processus a dû s'interrompre à la suite d'une décision du Conseil d'État qui avait constaté que les contrats initiaux n'avaient pas été notifiés à la Commission européenne.
L'État s'en remet aujourd'hui à la bienveillance de la Commission européenne pour remettre en place le dispositif incluant la clause de sauvegarde. En cas de reprise du processus, la surrentabilité des contrats serait analysée au moment de l'examen du dossier par la CRE, c'est-à-dire en tenant compte de possibles reventes des contrats initiaux à des investisseurs.
À l'origine, l'État espérait engranger 3,7 milliards d'euros. Désormais, les gains attendus ne s'élèvent plus qu'à 150 millions d'euros par an jusqu'à l'échéance des contrats.
Avec cet article, il s'agit de ne pas perdre la face et nous ne saurions être certains, d'une part de la reprise du processus, suspendue à l'assentiment de la Commission européenne, d'autre part de son possible rendement. Je rappelle par ailleurs que le dispositif a déjà engendré plusieurs millions d'euros de coûts échoués, liés aux charges provenant de la mise en oeuvre par la CRE de la première phase du dispositif avant sa suspension par la décision du Conseil d'État. La CRE nous a expliqué qu'elle avait besoin de nouveaux ETP pour relancer la procédure mais je n'ai pas donné suite à cette demande.
Je considère qu'il n'y a pas lieu de s'opposer à cette mesure proposée par le présent article, d'une part car elle reste, en toute hypothèse, suspendue à la décision de la Commission européenne et, d'autre part car elle reste encadrée par le dispositif de clause de sauvegarde.
Le second sujet concerne les contrats de complément de rémunération dont le déplafonnement a permis à l'État de collecter 2,5 milliards d'euros au moment de la crise des prix de l'énergie, au titre de la différence entre le tarif garanti par ces contrats et le prix de l'électricité vendue sur les marchés. Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition pour un motif d'incompétence négative du législateur, nous laissant jusqu'au 31 décembre 2025 pour mieux en fixer le cadre législatif.
L'article 69 a pour objet d'apporter les précisions nécessaires dans la loi. S'il devait ne pas être adopté, l'État serait tenu de rembourser 2,5 milliards d'euros aux producteurs d'énergies renouvelables. Au regard du contexte budgétaire qui est le nôtre et en ayant à l'esprit que cette rentabilité n'avait pas été prévue par les opérateurs signataires des contrats, il me semble sage de proposer son adoption.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 69.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Je suis favorable à l'adoption des crédits du CAS Facé.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
La réunion est close à 18 h 35.