- Mercredi 19 novembre 2025
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 72 à 77) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Justice » (et article 78) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 78) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 - Examen du rapport
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 69) et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Écologie - mise en extinction du plan de relance » - Programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux (sera publié ultérieurement)
Mercredi 19 novembre 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 72 à 77) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Justice » (et article 78) - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Antoine Lefèvre sur les crédits de la mission « Justice ».
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la mission « Justice ». - Il y a quelques années, un garde des sceaux évoquait la « clochardisation » de la justice. Depuis, la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ) 2023-2027 a prévu de consacrer 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires à la justice. Pour autant, cette dernière est loin d'être devenue privilégiée.
Comme en 2024, l'exécution 2025 a été marquée par un décret d'annulation de crédits. Ainsi, 139,1 millions d'euros de crédits de paiement (CP) ont été annulés, dont la moitié concernent le programme « Justice judiciaire ». Les dépenses de personnel ont été épargnées. Ce décret a été suivi d'un surgel et, au 30 octobre, 308 millions d'euros restaient gelés pour le programme « Administration pénitentiaire ».
Par conséquent, l'administration centrale et les juridictions dans les régions doivent piloter avec une visibilité dégradée quant à leurs moyens. Cette situation complique la gestion quotidienne des tribunaux et des établissements pénitentiaires, et augmente le risque de laisser des impayés, voire de payer des intérêts moratoires.
Le budget 2026 ouvre des crédits à hauteur de 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 13,1 milliards d'euros en CP, en incluant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Sans compter le CAS, les crédits atteignent 10,6 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 1,6 %.
La trajectoire fixée par la LOPJ est pratiquement respectée en ce qui concerne les crédits, si l'on prend en compte le fait que l'article 30 du projet de loi de finances (PLF) rétablit la contribution pour l'aide juridique. En effet, un droit de timbre sera payé lors de l'introduction d'un acte en justice civile ou prud'homale. Le produit, s'élevant aux alentours de 50 millions d'euros, sera affecté au financement de l'aide juridictionnelle.
Cependant, il faut bien prendre la mesure de la situation : la justice constitue la plus « pauvre » des fonctions régaliennes de l'État. En effet, la mission perçoit 2,7 % des crédits ministériels, voire 1,8 %, si l'on prend en compte la quasi-absence de dépenses fiscales et de ressources affectées.
Surtout, nous venons de loin. En dix ans, les CP affectés à la mission ont certes augmenté d'environ un tiers en euros constants, mais cette progression comble seulement une partie d'un retard historique, souligné depuis longtemps par les acteurs de terrain et les comparaisons internationales. Ainsi, la France compte 11,3 juges professionnels pour 100 000 habitants alors que la médiane des pays de l'Union européenne s'établit à 17,6 juges pour 100 000 habitants.
Pour autant, la situation évolue et il serait incompréhensible que les résultats de la justice ne s'améliorent pas dans les années à venir.
J'évoquerai d'abord les moyens humains. Hors contributions au CAS « Pensions », les dépenses liées à la masse salariale atteignent 5,35 milliards d'euros, soit la moitié des CP de la mission. Les créations nettes d'emplois s'élèvent à 1 600 équivalents temps plein (ETP) pour 2026, après avoir atteint 1 543 ETP en 2025. Parmi les personnels supplémentaires, nous compterons 286 magistrats, 342 greffiers et 586 personnels de surveillance. De plus, 70 ETP seront consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agit d'un effort important, qu'il faut reconnaître.
Du point de vue du citoyen, il faudra que les effectifs nouveaux apportent des résultats visibles. Les délais de traitement des affaires civiles s'améliorent, mais lentement, et restent très élevés pour certains contentieux : près de 19 mois pour les divorces et plus de 17 mois pour le contentieux social. Nous ne pouvons pas accepter que la justice continue d'être perçue comme une institution lente et en crise, malgré une augmentation d'un tiers de ses crédits en dix ans.
Du point de vue du ministère et de ses agents, l'arrivée de nouveaux magistrats et de greffiers se traduit par une densification des bureaux plus que par de véritables gains en termes de conditions de travail.
Les investissements immobiliers judiciaires privilégient la poursuite d'opérations déjà engagées. La situation la plus préoccupante concerne toujours le domaine pénitentiaire. Le nombre de détenus a augmenté de 8,5 % en un an et le taux d'occupation des prisons dépasse aujourd'hui les 160 %. La situation s'aggrave même de plus en plus vite.
La mise en oeuvre du plan de construction de 15 000 places de prison est loin d'être achevée. Ces derniers temps, le garde des sceaux a moins mis l'accent sur la construction de prisons classiques que sur des constructions légères, de type modulaire, ou sur des quartiers de haute sécurité. Je ne suis pas opposé à ce pragmatisme, mais nous manquons d'une stratégie globale de renforcement du parc, qui pourrait donner de la visibilité sur les capacités à moyen terme.
Je souhaite aussi mettre l'accent sur les fonctions de support, moins visibles du grand public, mais essentielles pour donner à la justice les moyens de gagner en efficacité.
Les applicatifs informatiques du ministère sont vieillissants et mal interconnectés. Des pertes de temps en résultent, ainsi que des risques d'erreur pour les agents, qui saisissent plusieurs fois les mêmes données. Prochainement, nous gagnerons 123 000 heures de travail en reliant le logiciel Cassiopée, utilisé pour les dossiers pénaux, à un fichier de traitement des antécédents judiciaires, afin d'éviter la transmission de plus d'un million de dossiers.
La gestion des frais de justice, sur laquelle j'ai rendu un rapport le mois dernier, gagnerait aussi à une mise à jour des systèmes informatiques. En la matière, je me réjouis que plusieurs mesures que je préconisais dans mon rapport figurent dans ce PLF.
Ainsi, l'article 30 vise à rétablir la contribution pour l'aide juridictionnelle. L'article 46 pose le principe de la prise en charge des frais d'enquête pénale par la personne condamnée, sauf décision contraire du juge. Enfin, l'article 78, rattaché à la mission, vise à réduire le périmètre d'application de l'obligation de recours à certaines expertises judiciaires.
Ces avancées vont dans le bon sens. Cependant, il est essentiel que le ministère se dote d'une méthodologie d'évaluation, afin que nous puissions savoir, dans un an ou dans cinq ans, si les mesures que nous votons ont été vraiment efficaces.
De même, en matière d'aide juridictionnelle, malgré une forte hausse des crédits, les délais de traitement restent insatisfaisants.
Dans mon rapport, je mentionne aussi des exemples montrant que la justice peut rapporter de l'argent. À cet égard, il faut encourager le développement de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), qui revend des biens saisis, et de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui réduit le coût de ces interceptions, de plus en plus nombreuses mais indispensables aux enquêtes actuelles.
Enfin, je voudrais attirer l'attention sur la situation particulière du fonds de financement des dossiers impécunieux, qui est mobilisé lorsque les actifs d'une entreprise ne sont pas suffisants pour assurer la rémunération du liquidateur. Si la loi de finances pour 2025 avait ouvert 54 millions d'euros de crédits pour ce fonds, le présent projet de loi de finances ne prévoit que 1 million d'euros. Selon le Gouvernement, le fonds dispose d'une certaine trésorerie. Il sera de la responsabilité de l'État d'abonder le fonds lorsqu'il le faudra, afin d'éviter des retards de paiement.
En conclusion, l'augmentation des crédits de la mission « Justice » ne conduira pas la justice à vivre dans l'abondance, mais à accomplir un peu mieux ses missions. Il s'agit d'envoyer au Gouvernement un message clair : l'effort consenti n'aura de sens que s'il se traduit bientôt par une amélioration de la manière dont la justice est rendue, du point de vue du citoyen.
Je propose donc d'adopter les crédits de la mission sans modification.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». - D'abord, nous félicitons Antoine Lefèvre pour son travail et pour l'état d'esprit qui anime nos travaux. En effet, nos deux commissions travaillent sur cette mission de manière constructive, transparente et efficace.
Nous donnerons un avis favorable à l'adoption des crédits. Il s'agit de l'une des rares missions préservées en cette période budgétaire délicate. Nous devons nous en réjouir, tant la Chancellerie souffrait d'un défaut pérenne d'investissement.
De plus, le ministère a longtemps pâti de manques dans la conduite de ses politiques numériques et immobilières. Dans ces domaines, la situation s'améliore, même s'il reste des ombres au tableau. La direction du numérique a modifié son approche et des progrès sont observés sur le terrain par les professionnels eux-mêmes. En matière d'immobilier, des solutions sont recherchées pour améliorer la conception des projets, même s'il reste fort à faire. Le 2 décembre, le garde des sceaux exprimera sa position sur la réorganisation des politiques numériques et immobilières du ministère ; nous y serons attentifs.
Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». - Nous sommes satisfaites de l'orientation prévue pour 2026. Cependant, à l'approche de l'échéance de la période couverte par la LOPJ, il nous faut amorcer une réflexion prospective, pour éviter que la Chancellerie ne retombe dans la crise. Des efforts significatifs ont été fournis et continuent d'être consentis, mais la justice de notre pays demeure sous-dotée par rapport à celles de nos voisins européens. De plus, la justice pourrait être confrontée à des difficultés nouvelles, liées à des évolutions contentieuses que pourrait entraîner l'usage de l'intelligence artificielle générative. Il nous faudra bientôt remettre l'ouvrage sur le métier pour tirer les premiers enseignements de la LOPJ et dégager des perspectives pour la suite. En attendant, nous devons nous satisfaire de l'augmentation proposée des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Concernant le domaine du numérique, les dispositifs sont défaillants depuis quelques décennies, ce qui paraît incroyable et difficile à justifier.
Pour l'immobilier, nous n'avons pas encore trouvé le véhicule approprié, mais des efforts doivent être fournis. Des diagnostics et des besoins sont posés. Il faut prendre aussi en compte les conditions de travail des magistrats et les mesures de sécurité qu'il faut déployer dans les enceintes des palais de justice, où les contraintes s'ajoutent les unes aux autres.
Enfin, effectivement, il ne faudra pas trop attendre pour se pencher sur l'effectivité et l'efficacité des sommes dépensées.
M. Grégory Blanc. - D'abord, la surpopulation carcérale aboutit à une absence de prise en charge médicale. De plus en plus de prisonniers, condamnés pour des violences sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool, ressortent sans avoir vu de médecin alors qu'ils sont malades. Le taux d'encadrement est calculé en fonction du nombre de places théoriques et pas en fonction du nombre réel de détenus. Il y a donc une carence de personnel médical et les prisonniers sortent plus dangereux qu'ils ne l'étaient en arrivant. La politique pénale crée de la surpopulation ; il faut la modifier ou augmenter les budgets de la pénitentiaire.
Ensuite, des artifices sont déployés pour financer des dispositifs alternatifs comme les structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), mais les programmes structurants sont à l'arrêt. C'est le cas dans mon département et on ne connaît ni la trajectoire de construction, ni le calendrier de mise en oeuvre. Comment les collectivités qui doivent accompagner ces programmes sont-elles censées construire un budget ?
La distorsion observée pose des problèmes à tous les étages. L'alternative est simple : soit nous amendons les objectifs en conservant les enveloppes financières, soit nous augmentons les budgets conformément aux objectifs affichés.
Mme Nathalie Goulet. - Certes, le budget ne peut pas traduire les orientations prises hier, notamment pour la lutte contre les narcotrafiquants. Cependant, je ne vois rien non plus qui fasse suite à la loi que nous avons votée en 2025, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui comportait notamment des mesures sur la criminalité organisée. À cet égard, le coût de la mise en place du parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) a-t-il été évalué ?
Concernant les quartiers de haute sécurité, des moyens ont-ils été prévus pour les collectivités et pour la formation du personnel pénitentiaire ?
J'en viens à l'Agrasc, qui permet de récupérer 50 milliards d'euros d'argent sale. Cependant, le taux de récupération n'est que de 2 %. La question des moyens dédiés à l'Agence se pose donc, notamment en matière de nouvelles procédures de saisie et de confiscation.
Enfin, je voudrais évoquer les moyens consacrés au numérique, notamment au décryptage de la blockchain. Au ministère de l'intérieur, deux logiciels différents sont utilisés, qui sont incompatibles entre eux. Pourtant, le problème des crypto-actifs devient essentiel. D'ailleurs, la question de la formation des magistrats en la matière se pose ; un budget est-il prévu à cet effet ?
Mme Isabelle Briquet. - Le PLF traduit un effort budgétaire pour consolider les moyens de la justice, mais le budget demeure bien en deçà de la trajectoire prévue par la LOPJ. De plus, des déséquilibres persistent. Ainsi, la priorité donnée à l'immobilier pénitentiaire comme à la justice répressive continue de peser sur la justice civile, sociale et administrative.
Toutefois, les moyens dédiés à la mission progressent depuis plusieurs années. En 2026 encore, même si la hausse reste relativement faible, les crédits ne sont pas amputés. Ces derniers restent loin de pouvoir couvrir les besoins. Notre groupe s'abstiendra donc.
Malgré la hausse affichée du budget de la justice, vous l'avez dit, le nombre de magistrats et de greffiers par habitant reste l'un des plus faibles de l'Union européenne. Au cours des auditions que vous avez menées, les services de l'État ont-ils pu justifier la lenteur de notre rattrapage en la matière, alors que la LOPJ prévoyait un renforcement bien plus rapide des effectifs ?
M. Dominique de Legge. - Selon vous, la participation des usagers aux frais de justice et le renforcement de l'Agrasc constituent deux pistes pour obtenir des recettes. Pour autant, afin de mettre en place la participation aux frais de justice, vous soulignez qu'il faudra adapter le système informatique pour faire en sorte qu'un même identifiant soit utilisé tout au long de la procédure, afin de retracer l'ensemble des frais. De même, l'Agrasc ne pourra générer de recettes supplémentaires qu'à condition de voir ses moyens renforcés. Les moyens nécessaires sont-ils prévus pour avancer sur ces pistes ou s'agit-il de voeux pieux ?
M. Michel Canévet. - Comment expliquer les augmentations de crédits significatives pour le programme 355, « Conseil supérieur magistrature (CSM) », et le programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ? Ces deux programmes recouvrent des activités administratives. J'espère que l'amélioration de l'efficience des dispositifs d'aide à la justice en matière de service informatique figurera parmi les évolutions proposées. L'accès à des outils performants doit être assuré sur l'ensemble de la chaîne de travail.
Enfin, pourrait-on faire payer les personnes responsables de certaines procédures considérées comme abusives, afin d'éviter les saisines intempestives de la justice, qui conduisent à des allongements des délais de traitement ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Monsieur Blanc, effectivement, la surpopulation carcérale complique un peu l'organisation de la prise en charge médicale des détenus, les moyens d'encadrement étant insuffisants. Selon l'administration pénitentiaire, 3 000 postes ne sont pourvus dans ce domaine, qui prend aussi en compte la prise en charge psychiatrique et psychologique. Il y a donc aussi un problème de vocation. Le phénomène de surpopulation rend les tensions visibles.
Les programmes à l'arrêt peuvent entraîner des difficultés pour les collectivités locales. En effet, ces dernières sont de plus en plus souvent conduites à accompagner la mise en oeuvre de ces projets et, selon le garde des sceaux, cette tendance va se généraliser. Il faudra revoir les objectifs affichés. Benoist Apparu a été nommé directeur général de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij) ; son pedigree d'élu local et son expertise devraient permettre une amélioration en la matière. Je fonde beaucoup d'espoirs sur cette reprise en main essentielle de l'Apij.
Madame Goulet, les mesures liées à la création du Pnaco seront comprises dans l'enveloppe budgétaire définie par la LOPJ. Pour autant, 3 millions d'euros sont déjà programmés pour les travaux qui doivent avoir lieu au tribunal de Paris.
Concernant l'amélioration des procédures de saisie de l'Agrasc, je suis favorable à ce que les moyens dédiés soient développés, compte tenu de ce que cette agence peut rapporter. De plus, depuis qu'elle s'est organisée au niveau régional, la performance et la valorisation des saisies de l'Agence a augmenté. J'ai déposé une proposition de loi visant à améliorer les moyens d'action de l'Agrasc et le projet de loi de réforme de la justice pénale que le garde des sceaux déposera dans les prochaines semaines devrait aussi renforcer ces moyens.
La compatibilité des applicatifs du ministère, de même que la problématique des cryptomonnaies, restent un sujet de préoccupation. Les réponses apportées vont dans le bon sens. Je constate aussi une nette amélioration de la prise en charge de ces dossiers par le secrétariat général du ministère.
Certes, madame Briquet, les efforts consentis ne sont pas toujours à la hauteur des attentes et des besoins. En ce qui concerne le nombre de magistrats, je ne peux pas annoncer de mesure très favorable et nous mettrons encore du temps avant de rattraper notre retard. Il faut aussi prendre en compte le temps de formation des juges. En termes de moyens, il faudra poursuivre l'effort sur un certain nombre d'exercices.
Monsieur de Legge, l'identifiant judiciaire unique doit être mis en place, car il permettra d'identifier la totalité des frais de justice mobilisés pour chaque affaire et d'obtenir des contributions.
Concernant les dispositifs informatiques, l'interopérabilité sera améliorée par les nouveaux applicatifs.
Par ailleurs, l'instauration d'un droit de timbre de 50 euros est envisagée pour assurer une contribution financière dès qu'une instance judiciaire est engagée. Les recettes collectées seraient affectées au financement de l'aide juridictionnelle.
Concernant la nouvelle stratégie pénitentiaire, plus aucune référence n'est faite au plan visant à la création de 15 000 places. Le garde des sceaux a d'autres projets, au-delà de la construction des quartiers de haute sécurité et des bâtiments modulaires. Une spécialisation est notamment prévue pour offrir des solutions pénitentiaires différentes en fonction du profil des détenus accueillis.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis. - Concernant l'augmentation des crédits du CSM, il s'agit notamment de financer le déploiement du logiciel Fondation, qui permet aux membres et aux agents du CSM de gérer et d'analyser efficacement les projets de nomination des magistrats. Il a également fallu procéder à quatre recrutements. Leur budget est très contraint, notamment par un loyer très élevé.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Justice ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Au fil des années, les lois successives ont prévu des expertises obligatoires dans un nombre croissant de cas, notamment en matière psychiatrique et pour examiner l'environnement social des personnes mises en cause. Cependant, ces expertises ne sont pas toujours justifiées. De plus, certaines peuvent être disproportionnées quand d'autres ne sont pas assez approfondies.
L'article 78 vise à laisser le magistrat libre de commander ou non ces expertises, dans deux cas. D'abord, il s'agit de supprimer l'obligation de recours à une enquête sociale rapide dans le cas d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, si le procureur de la République n'entend pas proposer de peine d'emprisonnement ferme immédiatement mise à exécution.
Ensuite, l'article vise à supprimer l'obligation de recours à une expertise médicale avant tout jugement au fond, pour les personnes poursuivies pour un délit de nature sexuelle ou commis à l'encontre d'un mineur, tout en maintenant cette obligation en cas de poursuites pour crime.
Il s'agit d'une mesure de rationalisation et de simplification, qui constitue également une mesure d'économies, limitée mais réelle. Je proposerai d'adopter cet article sans modification.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 78.
- Présidence de M. Didier Rambaud, vice-président -
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 78) - Examen du rapport spécial
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Nous avons l'honneur de présenter nos observations sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » (AEE), qui regroupe une partie substantielle du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Je dresserai d'abord un tableau général des crédits de la mission, puis ferai une présentation plus détaillée du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde ».
D'abord, il importe de rappeler que la mission ne représente qu'un peu plus de la moitié des crédits du ministère, une part majeure des dépenses d'intervention relevant de la mission « Aide publique au développement » et de son programme 209. Si les crédits de ce programme connaissent une baisse significative en 2026, les moyens de la mission AEE sont parfaitement stables, s'élevant à 3,45 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP).
De plus, il est nécessaire de souligner que si le montant des crédits de la mission est stable par rapport à la loi de finances pour 2025, il est en hausse par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2025. En effet, près de 70 millions d'euros sont annulés par le projet de loi de finances de fin de gestion.
Si l'on se penche sur le détail des équilibres de la mission, on observe que le ministère bénéficie d'une baisse conjoncturelle des contributions internationales obligatoires de la France en raison du recul de son revenu national brut, qui ne constitue pas une bonne nouvelle. De plus, plusieurs mesures d'économies notables ont été prises, principalement concentrées sur les programmes 151 et 185.
Pour autant, ces baisses sont compensées par des dépenses nouvelles, qui expliquent la progression des crédits de la mission par rapport à l'exécution de l'exercice passé. En particulier, le projet de loi de finances (PLF) prévoit une progression de 12 % des dépenses d'immobilier par rapport à l'exécution 2025. Or les dépenses immobilières, comme les dépenses de sécurisation des emprises, se caractérisent par une sous-consommation systématique des crédits en cours d'année. Ce phénomène est particulièrement difficile à corriger. Cependant, une diminution de ces crédits engendrerait des problèmes, notamment en matière de sécurisation des emprises. Cette augmentation est d'autant plus surprenante qu'elle revient sur les mesures d'économies adoptées en commission mixte paritaire lors de l'examen du PLF pour 2025.
J'en viens à la présentation plus précise des crédits du programme 105, qui vise à assurer le support de la mission. Ces crédits, qui s'élèvent à 2,7 milliards d'euros, constituent la majorité des crédits de la mission.
Pour la première fois depuis 2021, le plafond d'emplois est stable et aucune création d'équivalent temps plein (ETP) n'est programmée. Entre 2021 et 2024, le schéma d'emplois cumulé exécuté a connu une hausse de 233 ETP. Cette progression marque un recul par rapport à l'annonce de la création de 700 nouveaux ETP d'ici à 2027, effectuée par le Président de la République lors des États généraux de la diplomatie, mais elle demeure significative.
Par ailleurs, l'exercice 2026 devrait connaître, comme le précédent, une baisse d'environ 9 % des contributions internationales financées par le programme 105. Cette diminution résulte principalement de la baisse de la quote-part de la France dans le barème des Nations unies et de la paralysie du Conseil de sécurité des Nations unies, qui bloque toute nouvelle opération de maintien de la paix.
Enfin, les crédits pour 2026 se caractérisent par une augmentation significative des dépenses de communication, qui sont multipliées par deux et demi, au titre de la lutte contre les ingérences informationnelles. L'an dernier, nous avions insisté pour que, au sein de l'action du programme concernée, ces dépenses ne soient plus regroupées sous le label « communication », qui ne semblait pas correspondre à la réalité des actions menées, qui relèvent de la lutte contre les ingérences. L'augmentation de ces dépenses nécessaires constitue une dérogation au moratoire sur les dépenses de communication décrété par le Premier ministre.
Au total, ce PLF marque une stabilisation bienvenue pour une mission dont les moyens ont connu un accroissement significatif pour la période 2017-2024, avec une progression moyenne de 55 millions d'euros par an. S'il existe des marges de progression, elles pourront être travaillées d'ici à l'examen en séance. Cependant, chaque fois que notre commission dépose une proposition de réduction budgétaire, celle-ci se fait retoquer ; j'hésite donc à m'y atteler.
Je vous invite à adopter les crédits de la mission.
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - D'abord, j'évoquerai le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés au réseau consulaire et aux Français de l'étranger. Parmi les programmes de la mission, c'est souvent celui qui fait l'objet du plus grand nombre de discussions et d'amendements en séance.
Le programme bénéficie d'une dotation supplémentaire de 3,9 millions d'euros, destinés à financer les surcoûts des grands programmes de modernisation de l'administration consulaire. Une partie de ces programmes entrent dans leur dernière phase de mise en oeuvre, comme celui visant à la dématérialisation de l'état civil des Français nés à l'étranger. Ce budget n'est pas sacrifié et les objectifs assignés au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en matière de maintien d'un service public de qualité pour nos compatriotes de l'étranger, ne sont pas mis en péril.
En revanche, les crédits dédiés à l'instruction des demandes de visas, qui financent essentiellement le paiement des frais de contentieux, sont en baisse. Cela s'explique par un apurement du stock des dossiers en attente de paiement. En dépit de cette accalmie, nous continuons de penser qu'en matière de suivi du contentieux des visas, la répartition des compétences entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devrait être révisée.
J'en viens au programme 185, qui regroupe les crédits dédiés à la diplomatie culturelle et d'influence, autrement dit à notre soft power. C'est sur ce programme que sont opérées la plupart des mesures d'économies portant sur la mission. De façon plus générale, le ministère a décidé de faire porter les économies qui lui étaient demandées sur ce programme et sur la mission « Aide publique au développement ».
En particulier, le montant consacré aux bourses à destination des étudiants étrangers recule de 20 % par rapport à 2025. La capacité des postes diplomatiques à dispenser des financements à des étudiants étrangers sera d'autant plus limitée que, sur le total de cette enveloppe, 31,2 millions d'euros sont d'ores et déjà engagés pour assurer la récurrence de bourses pluriannuelles. À compter de 2026, nous devrons renoncer à l'universalité de nos bourses internationales et assumer une priorisation géographique et thématique de leur délivrance. Je le regrette, car je trouve essentiel pour le pays d'accueillir des étudiants étrangers.
J'en viens aux crédits concourant à l'enseignement français à l'étranger, qui relèvent à la fois du programme 151 et du programme 185.
D'abord, les crédits dédiés aux bourses scolaires, portés par le programme 151, reculent de 4 %, comme l'an dernier, pour atteindre 104,5 millions d'euros. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir les familles les plus modestes afin qu'elles accèdent à l'enseignement français à l'étranger. Selon le ministère, la baisse prévue découle du recul du nombre d'élèves éligibles. Cependant, le baisse du nombre de bourses n'incite pas les familles modestes à recourir à cet enseignement.
De même, la subvention pour charges de service public de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) baisse de 25 millions d'euros, après avoir connu une diminution de 34 millions d'euros en 2025. Selon le ministère, cette mesure vise à associer l'opérateur à l'effort de redressement des comptes publics. Cependant, nous avons reçu des alertes quant à la capacité de l'Agence à absorber une mesure d'économie de cette ampleur. S'il nous semble nécessaire de revoir, à moyen terme, les ressources, le modèle de fonctionnement et le modèle économique de l'enseignement français à l'étranger, nous devrons être attentifs à ne pas remettre en cause la soutenabilité budgétaire de cet opérateur. D'ailleurs, le ministère a créé un groupe de travail sur le sujet.
En conclusion, la préservation des crédits de la mission me paraît positive, car l'action extérieure de l'État ressort du domaine régalien. Dans le détail des crédits de la mission, je regrette que les mesures d'économies aient autant porté sur nos leviers d'influence à l'étranger, dans un contexte géopolitique dégradé. Il s'agit d'un choix politique dont l'impact sera important.
Pour ces raisons, je m'abstiendrai lors du vote sur les crédits de la mission.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Diplomatie culturelle et d'influence ». - La commission de la culture émettra un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. Certes, nous notons une baisse des crédits du programme 185. Il faut réorganiser l'AEFE. À titre d'exemple, la mission de service public de l'Agence ne se justifie plus dans les pays de l'Union européenne, où la plupart des élèves accueillis sont des étrangers.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nos comptes publics sont à la dérive et l'objectif de redressement est partagé par tous. Il est toujours plus simple d'attendre que des propositions soient faites ou de trouver de bonnes raisons pour reporter à plus tard les efforts à fournir. Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d'un lent redressement ; je rappelle que nous faisons l'objet d'une procédure pour déficits excessifs. Dans le cas de certaines fonctions régaliennes, des lois de programmation devraient parfois être révisées, pour prendre en compte la dégradation des comptes publics.
Madame Goulet, malgré les échecs précédents, nous devrions envisager de proposer un effort supplémentaire. Il nous faut partager cette culture de l'effort et de la réduction des dépenses, sur la foi de constats rappelés par tous.
M. Michel Canévet. - En ce qui concerne le réseau consulaire, l'évolution de la stratégie immobilière se poursuit-elle ? Des efforts de rationalisation et d'optimisation des moyens sont-ils fournis, afin que nos représentations diplomatiques puissent offrir des conditions d'accueil satisfaisantes ? Ne serait-il pas opportun d'envisager un rapprochement entre les représentations diplomatiques et les autres implantations de nos opérateurs, telles que les antennes de l'Agence française de développement (AFD) ? Il pourrait être intéressant de procéder à une plus grande mutualisation afin de réduire les frais.
En ce qui concerne le réseau consulaire pour la délivrance des visas, la démarche de modernisation informatique est-elle toujours en cours ? Des résultats significatifs sont-ils observés en la matière ?
Mme Sophie Primas. - La communication est effectivement essentielle pour faire face aux fake news et à l'ingérence. Je salue le fait que le moratoire sur les dépenses de communication ait exclu ce domaine. Les services de l'État effectuent un travail remarquable sur la question de l'ingérence ; des équipes limitées accomplissent un travail d'une qualité inégalée dans le monde.
En ce qui concerne l'AEFE, les difficultés sont réelles. Les problématiques sont diverses, concernent les bourses allouées aux Français vivant à l'étranger, le rayonnement de la France et le soft power auquel peuvent contribuer nos écoles. Le Président de la République a pris la décision de modifier l'orientation de ces écoles, qui étaient d'abord ouvertes pour les Français vivant à l'étranger, pour qu'elles visent désormais à accueillir davantage d'étrangers. De façon logique, le montant consacré aux bourses pour les Français de l'étranger modestes diminue. Certains Français de l'étranger n'inscrivent plus leurs enfants dans ces écoles, car elles sont hors de prix, pas seulement pour les plus modestes.
Dans certaines écoles, les conditions d'exercice de la mission sont de plus en plus précaires. Devons-nous être présents partout ? Devrions-nous nous focaliser sur certains pays cibles ? J'ignore quelle est la solution, mais il est urgent de réformer l'AEFE et la façon dont on agit dans ces écoles, dont certaines sont formidables et nécessaires. Nous ne pouvons pas laisser les fonds dédiés à l'Agence baisser année après année sans engager une réforme de fond et faire des choix.
Mme Florence Blatrix Contat. - Nos écoles françaises à l'étranger sont un véritable outil de rayonnement et un investissement de long terme. Le coût en est cependant, dans certains cas, exorbitant, et il nous faut travailler à y apporter des solutions.
Autre outil de rayonnement de la France : nos consulats. Je les aborderai du point de vue de la question de l'immobilier. Nous avons parfois vendu des biens afin de profiter de l'augmentation des prix - par exemple à Sydney - et nos consulats n'ont plus aujourd'hui les moyens de recevoir dignement dans les locaux qu'il leur reste ; ils doivent recourir à la location ou passer par les alliances françaises. Dans le même temps, d'autres pays sont très présents et investissent. C'est assurément une perte de chance pour la France. Disposons-nous d'un état de l'immobilier que nous avons cédé peut-être quelque peu hâtivement pour des raisons budgétaires ?
M. Jean-François Rapin. - Hier soir au Quai d'Orsay se tenaient les deuxièmes Assises de la diplomatie parlementaire et de la coopération décentralisée. Claude Kern, vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat, y était présent et j'avais l'honneur de représenter le Président Larcher. Nous y avons beaucoup entendu les régions, les départements et les communes sur la coopération décentralisée, qui représente un pan de la diplomatie française au travers d'engagements tels que les jumelages.
Je retiens de votre présentation une relative préservation du budget global de la mission. C'est en adéquation avec ce que nous entendions hier, à savoir que le rayonnement de la France peut aussi passer par les collectivités locales et que leur demande en faveur du financement de la coopération décentralisée est de plus en plus prononcée. Ce financement concerne les programmes 105,185, et 209 mais également les crédits de l'AEFE, car l'un des meilleurs moyens de la coopération décentralisée reste d'avoir des étudiants qui apprennent le français, que ce soit au sein de l'Union européenne ou dans des pays tiers. Des voix importantes de nos collectivités locales se sont élevées hier pour le rappeler.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Sur la stratégie immobilière de l'État à l'étranger, nous avons pris beaucoup de retard et des efforts sont certainement encore à faire. Dans notre récent rapport sur les visas, nous relevions néanmoins ceux, importants, qui ont d'ores et déjà été consentis.
La demande de visa constitue le premier accès vers la France et il importe que les demandeurs soient bien reçus. Je ne suis pas sûre que nous disposions d'un état des lieux de l'immobilier vendu, mais une partie des ventes partout dans le monde répond aussi à un effort de rationalisation - c'est par exemple le cas aux Émirats arabes unis où, pour plus de cohérence, l'ensemble des services a été regroupé en un même endroit. S'agissant des visas, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a engagé, dans plusieurs États, un regroupement des services d'instruction des visas sur un seul poste consulaire par pays, afin de mutualiser nos moyens de traitement. Toujours sur cette thématique, la plateforme France-Visas a constitué une étape importante dans la dématérialisation des procédures même s'il reste encore du chemin à parcourir, notamment sur l'interconnexion avec d'autres bases de données.
Le travail sur les ingérences est évidemment capital. Nous l'avons particulièrement constaté au cours de la commission d'enquête sénatoriale de 2024 sur la lutte contre les influences étrangères malveillantes présidée par Dominique de Legge. Rémi Féraud et moi-même tenions par conséquent à sacraliser les budgets qui s'y rapportent, étant précisé que nous portons toute notre attention à ce sujet depuis plusieurs années, simplement déjà en veillant à la dénomination de l'intitulé de la ligne budgétaire concernée, afin qu'y figure bien cet enjeu de communication stratégique.
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Sur l'immobilier, les contraintes ont également trait aux multiples législations nationales et à la diversité des conditions locales. Il en résulte, d'une manière générale, la lenteur de la mise en oeuvre des projets. Au cours d'un précédent mandat, j'avais exécuté, avec Vincent Delahaye, une mission de contrôle budgétaire en Espagne, à Barcelone et à Madrid, sur la rationalisation de nos implantations, laquelle prenait la forme de regroupements de services dans de mêmes sites. Quoique le Quai d'Orsay la présentait comme une opération modèle, elle n'a, à ma connaissance, pas encore été mise en oeuvre. Nathalie Goulet et moi-même aurons de nouveau à nous saisir de cette difficulté.
En matière de visas, je renvoie à notre récent rapport d'information. La France n'est pas en retard par rapport à ses partenaires européens, mais elle doit encore franchir certaines étapes, en lien notamment avec l'organisation de l'espace Schengen. Les négociations européennes s'avèrent difficiles et se poursuivent. Elles doivent déboucher sur une amélioration de l'efficacité du système.
Quant à l'enseignement du français à l'étranger, son coût, en augmentation, peut paraître aujourd'hui déraisonnable. Les objectifs extrêmement ambitieux que le Président de la République avait, au début de son premier quinquennat, fixés en matière d'attractivité et de rayonnement de la France ne doivent pas grever la dimension de service public pour les Français de l'étranger. Le montant des bourses diminue ainsi dans certains pays où elles bénéficient à la classe moyenne et n'est plus suffisant, ce qui peut inciter ses bénéficiaires à préférer le système d'enseignement local.
Il ne faudrait pas que les restrictions budgétaires de cette année fassent basculer le système et mettent en péril l'AEFE, qui consent à d'importants efforts depuis l'an passé - de son côté, l'Institut français voit ses crédits diminuer d'environ 1 million d'euros. Laissons-nous le temps de revoir l'ensemble de l'architecture budgétaire de ce système.
Faut-il recentrer la mission de service public, avec des montants de bourse plus élevés, mais pour moins de Français ? Comment financer la part de rayonnement très importante pour notre pays qui revient à la francophonie ? Reprenons la réflexion ; c'est l'influence culturelle de la France dans le monde qui est mise à contribution cette année et il faut en mesurer les conséquences sur le long terme.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Sur les services rendus à nos ressortissants de l'étranger, les comparaisons montrent que notre pays est le seul à fournir ce type d'assistance, d'aides et de bourses. Il n'est pas douteux que cela soit une bonne chose, ce que nos collègues représentant les Français de l'étranger ne manquent pas de nous rappeler régulièrement, mais il serait intéressant, d'un double point de vue budgétaire et intellectuel, d'établir un état des lieux de la situation et de la comparer plus avant avec ce qui se passe ailleurs.
Le centre de crise et de soutien (CDCS), qui a fait l'objet d'un rapport sénatorial d'information l'an dernier, est, par exemple, le seul de son genre. Il secourt les Français en difficulté à l'étranger, mais des étrangers peuvent également y avoir recours sans nécessairement être redevables d'une contrepartie financière. Tout cela n'a peut-être pas de prix, mais cela a un coût.
Il serait intéressant de réévaluer le financement de l'enseignement français à l'étranger, d'autant que l'on nous a signalé les difficultés budgétaires que connaît la Mission laïque française (MLF). La question des salaires onéreux des enseignants à l'étranger se pose également. Compte tenu de ces enjeux pour le contribuable français, la situation mériterait que nous engagions un travail d'ensemble afin d'identifier ce que nous pourrions rationaliser et ajuster dans l'existant. Nous ne ferons pas l'économie d'une réforme globale du système.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
La réunion est close à 11 h 30.
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 14 h 00.
Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 - Examen du rapport
M. Claude Raynal, président. - Nous entendons le rapport général de Jean-François Husson sur le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2025.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le PLFG a pour objet principal d'ajuster les crédits relatifs à l'exercice 2025. Il ne peut pas contenir de mesures fiscales, à la différence des projets de loi de finances rectificative (PLFR).
Pour la seconde année consécutive, nous examinons le texte initial proposé par le Gouvernement et non celui modifié par l'Assemblée nationale, puisque nos collègues députés ont finalement rejeté hier l'ensemble du PLFG pour 2025, après de nombreuses heures de débats et alors que l'examen du projet de loi de finances (PLF) avait été pendant ce temps-là suspendu. Le sort de ce PLFG est caractéristique de ce qui se passe lorsqu'un gouvernement renonce à exercer toutes ses prérogatives constitutionnelles face à une assemblée politiquement morcelée et sans majorité. Il n'y a ni cap ni boussole, et je ne suis pas sûr que le chemin emprunté soit le meilleur à suivre.
J'en viens au fond de ce PLFG. Comme à l'accoutumée, je vous présenterai tout d'abord l'actualisation du scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement ainsi que la situation générale des finances publiques en 2025, qui n'a rien à voir avec la sortie de route budgétaire de l'an dernier. Dans un second temps, je me concentrerai sur le seul budget de l'État, au coeur de ce texte.
Le Gouvernement retient dans le PLFG une croissance du PIB en volume de 0,7 % en 2025, inchangée par rapport à la prévision présentée dans le PLF pour 2026, mais inférieure de 0,2 point à la prévision retenue dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2025. L'estimation de croissance reste en ligne avec les dernières prévisions institutionnelles.
À vrai dire, l'acquis de croissance sur les trois premiers trimestres est d'ores et déjà de 0,8 %, selon les données publiées par l'Insee à la fin du mois d'octobre dernier, après l'élaboration du PLFG. Une simple stagnation au quatrième trimestre suffirait donc à dépasser la cible. C'est pourquoi le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) indique dans son avis que « l'hypothèse de 0,7 % est crédible et a même des chances d'être dépassée ».
Cela reste toutefois modeste en comparaison de la situation internationale, et notamment deux fois moins élevé que la croissance moyenne de la zone euro, elle-même deux fois moins élevée que la croissance mondiale.
Le plus notable pour l'année 2025, dans la composition de la croissance, est la forte contribution négative du solde extérieur, qui est de -0,8 point, et, en miroir, la forte contribution positive des stocks, à hauteur de +0,9 point, alors que la loi de finances de 2025 prévoyait une contribution relativement neutre, de 0,1 point pour chacun de ces deux postes.
Selon le HCFP, l'activité en 2025 aurait « globalement été freinée par les mesures commerciales américaines et le climat d'incertitude prolongée, qui a notamment pu entretenir des comportements attentistes ». En effet, « les exportations ont été affectées par les mesures tarifaires et les délais de livraison du secteur aéronautique, se traduisant par un fort accroissement des stocks ».
L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) confirme que, au cours du premier semestre 2025, « la croissance a changé de nature », alors qu'elle avait été « tirée depuis deux ans par l'amélioration du commerce extérieur ».
Toutefois, les chiffres de l'Insee publiés après l'élaboration du PLFG laissent entrevoir une amélioration de la contribution du commerce extérieur, au détriment des stocks, « en raison d'exportations plus dynamiques dans l'aéronautique mais aussi dans la chimie et la pharmacie » au troisième trimestre.
Quant au policy mix, c'est-à-dire l'effet combiné des politiques budgétaire et monétaire sur le PIB, les données montrent une inversion des parts prises, d'un côté, par la politique budgétaire, et, de l'autre, par la politique monétaire, entre 2024 et 2026, pour aboutir à un effet combiné de ces politiques conjoncturelles finalement assez stable.
La contribution de la politique budgétaire à la croissance devrait ainsi être négative en 2025. C'est le « contrecoup », assez puissant, de la dérive des comptes publics des années 2023 et 2024 : l'an dernier, l'impulsion budgétaire liée à la dérive, inattendue, des comptes publics avait profité à la croissance à hauteur de 0,3 point de PIB. Mais il est évident que cela ne pouvait pas durer et, cette année, la première marche de la nécessaire consolidation budgétaire freine la demande privée et donc notre croissance.
En sens inverse, la baisse du taux directeur principal de la Banque centrale européenne (BCE), passé de 4 % à 2 % entre juin 2024 et juin 2025, et qui ne déploiera tous ses effets qu'au bout de dix-huit mois, nous donne un peu d'air. En se livrant à un exercice de prospective, on pourrait imaginer que, sans les efforts que la France doit malheureusement faire pour remédier au dérapage de ses comptes publics de 2023 et 2024, le policy mix soit bien plus favorable à la croissance, qui profiterait à plein du desserrement des taux.
En matière de finances publiques, pour la première fois depuis que les PLFG existent, c'est-à-dire depuis 2023, l'exécution serait tenue en 2025, avec un déficit public à 5,4 % du PIB, comme prévu en début d'année. Cela ne s'est pas fait sans d'importants efforts de régulation budgétaire infra-annuelle, sur lesquels je reviendrai.
Nous avons cependant déjà pris un peu de retard sur la trajectoire prévue dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT), que nous essayons de rattraper en 2026. La trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) semble, elle, totalement hors d'atteinte, mais nous donne un aperçu de ce que pourraient être nos finances publiques si le Sénat, qui souhaitait même un effort supplémentaire, avait davantage été entendu, et sans les dérapages néfastes des années 2023 et 2024...
Pour finir, une petite alerte tout de même : la cible de 5,4 % devrait être atteinte, mais la part prise par les soldes structurel et conjoncturel a fortement varié depuis la loi de finances : alors que le solde structurel était anticipé à -4,8 points de PIB potentiel, il serait finalement de -5,1 points de PIB potentiel en exécution ; à l'inverse, alors que le solde conjoncturel était anticipé à -0,6 point de PIB potentiel, il serait finalement de -0,2 point de PIB potentiel en exécution. Cela signifie que le solde public hors conjoncture s'est dégradé par rapport à la prévision initiale.
La dépense aurait augmenté plus que prévu au cours de l'année pour les administrations publiques centrales - en fait surtout pour les organismes divers d'administration centrale - ainsi que pour les administrations de sécurité sociale, alors que les administrations publiques locales se seraient au contraire illustrées par une bonne maîtrise de leurs dépenses : non seulement moins de dynamisme que prévu ou craint, mais aussi un dynamisme moindre que celui des autres administrations publiques.
J'en viens à la description du budget de l'État.
Le déficit budgétaire de l'État serait de 131 milliards d'euros en 2025, soit 8 milliards d'euros de moins que le déficit de 139 milliards d'euros prévu dans la LFI.
Un retour tout d'abord sur l'année 2025, qui est l'année du « budget de la Saint-Valentin », puisque la loi de finances a été promulguée le 14 février seulement. J'espère d'ailleurs qu'une véritable évaluation du fonctionnement de l'État en période de services votés sera réalisée et communiquée au Parlement ; le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de 2025 devrait en être l'occasion.
Le Gouvernement a pris un décret d'annulation de crédits le 25 avril 2025, dont le montant de 2,6 milliards d'euros peut paraître certes modéré, mais qui a permis de contribuer à la préservation du solde en réduisant les crédits disponibles. Ces annulations ne sont que partiellement revenues sur les reports de crédits, de 11,5 milliards d'euros. L'examen de la séquence des ouvertures, annulations et consommations de crédits permet d'apprécier l'annulation nette de 4,3 milliards d'euros proposée par le présent PLFG sur les dépenses nettes du budget général, par rapport aux 74,3 milliards d'euros de crédits qui resteront disponibles.
Je vous ai déjà exposé, il y a deux semaines, les principaux éléments de l'évolution du solde en 2025, et ces estimations n'ont guère changé depuis le moment de la présentation, le 14 octobre dernier, du PLF pour 2026.
La principale nouveauté est, pour les recettes, que la moins-value de TVA par rapport à la prévision en LFI ne serait pas de 4,5 milliards d'euros, mais de 5 milliards d'euros. Ce résultat est bien surprenant, et les données de croissance ne l'expliquent pas. La ministre a formulé quelques hypothèses, comme l'effet des importations de petits colis ou des comportements de fraude. Nous serons très attentifs aux conclusions de la mission qu'elle a lancée sur le sujet.
Au total, le déficit de l'État se réduirait de plus de 25 milliards d'euros par rapport à 2024, et il faut s'en réjouir. C'est le résultat des efforts réalisés dans la LFI, qui présentait déjà un solde très nettement en amélioration par rapport à 2024, mais aussi des mesures prises en gestion afin de maîtriser l'évolution des dépenses. Ce résultat est d'autant plus à souligner que la prévision de croissance, qui était de 0,9 % en LFI, a été abaissée à 0,7 % comme je l'ai déjà dit.
Toutefois, l'effort est loin d'être terminé. Le déficit reste très supérieur, même en tenant compte de l'inflation, à celui des années 2010, au cours desquelles il était pourtant considéré, à juste titre, comme excessif, puisque la dette continuait de croître.
Il faut donc saluer l'effort accompli en 2025, mais le considérer comme un point de départ et poursuivre dans cette trajectoire.
Examinons à présent les dépenses, car l'objet principal du PLFG est de permettre aux ministères de réaliser les dépenses nécessaires en fin d'année.
Sur le périmètre du budget général, les annulations de crédits sont supérieures aux ouvertures, de sorte que les crédits de paiement (CP) diminuent de 7,4 milliards d'euros. Non seulement ce n'est pas courant, mais c'est même exceptionnel : tous les ans depuis 2015, le collectif budgétaire de fin d'année marquait une augmentation des crédits du budget général - sans parler des ouvertures de crédits exceptionnelles de 2020 et 2023.
Y compris en dépenses nettes, c'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements d'État, la diminution est de 4,3 milliards d'euros, ce qui est également assez inhabituel.
Cet effort se voit dans les ouvertures et annulations de crédits, que je ne détaillerai pas dans leur intégralité.
Parmi les ouvertures de crédits les plus importantes, celle qui concerne le programme 345 « Service public de l'énergie » prend en compte l'estimation, faite par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), des compensations de charges de service public de l'énergie dues par l'État au titre de l'année 2025.
La seconde ouverture de crédits correspond au montant prévu pour les appels en garantie de l'État, qui sont des crédits évaluatifs.
D'autres ouvertures concernent, comme c'est souvent le cas, des dépenses à caractère social comme l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou le coût de l'hébergement d'urgence.
Enfin, la mission « Défense » fait aussi l'objet d'ouvertures pour couvrir les surcoûts opérationnels en cours d'année et pour acquérir des armements dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire (LPM).
Un grand nombre d'annulations portent sur la réserve de précaution ou constatent des sous-consommations de crédits. La charge de la dette est estimée en baisse de 2,9 milliards d'euros grâce à la diminution des taux courts.
Certains points restent critiquables, comme les redéploiements de crédits au sein de la mission « Investir pour la France de 2030 », avec une information très insuffisante du Parlement.
Pour ce qui a trait aux emplois, le plafond d'autorisation des emplois de l'État n'est pas modifié par le PLFG. Celui des opérateurs, en revanche, est majoré de 323 équivalents temps plein travaillés (ETPT), qui concernent la Société des grands projets (SGP) et les instituts régionaux d'administration (IRA).
S'agissant des huit articles du projet de loi, les articles 4 à 8 se contentent de tirer les conséquences des évolutions que je vous ai présentées. Seuls les articles 1er, 2 et 3 contiennent des mesures de fond.
L'article 1er augmente de 10,4 millions d'euros le montant de la fraction de TVA à l'audiovisuel public. C'est un simple ajustement technique qui découle d'une compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP).
L'article 2 modifie les plafonds d'affectation de trois taxes. En premier lieu, il réduit le montant de taxes affectées aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), en parfaite contradiction avec la trajectoire définie entre le Gouvernement et CCI France en 2024. Je vous proposerai de maintenir le plafond existant. L'article ajuste également les plafonds d'affectation de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) et du produit de la redevance hydraulique affecté à Voies navigables de France (VNF), ce à quoi je souscris.
L'article 3 modifie la répartition, entre les régions, de la part fixe d'accise sur les énergies qui leur est versée en 2025 au titre de l'accompagnement financier de l'État à la création de places dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Sans porter de jugement sur le fond, je constate que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) ne permet juridiquement pas de prendre une telle mesure dans le cadre d'un PLFG ; pour cette raison je vous proposerai de la supprimer. Il faudra que le Gouvernement y revienne dans le PLF 2026.
En définitive, le texte du PLFG est caractéristique d'un collectif budgétaire de fin de gestion. Il ouvre les crédits nécessaires aux paiements de fin d'année et marque, par ses annulations, une tenue des comptes bien meilleure en 2025 que lors des années précédentes.
On ne peut certes pas se satisfaire d'un déficit de 131 milliards d'euros pour 307 milliards d'euros de recettes, mais il serait difficile d'effacer, en une seule année, plusieurs décennies d'accoutumance au déficit. Une diminution de 25 milliards d'euros est assurément déjà un bon résultat.
Je vous proposerai en conséquence d'adopter ce PLFG, sous réserve de l'adoption des amendements que je vous soumets.
L'amendement FINC.1 tend à supprimer les alinéas 6 et 7 de l'article 2, afin de respecter les termes du contrat pluriannuel établi avec CCI France.
L'amendement FINC.2 a pour objet de supprimer l'article 3, pour les raisons que je vous ai déjà indiquées.
L'amendement FINC.3 prévoit de minorer de 10 millions d'euros les annulations de crédits relatives au déploiement des dispositifs de vidéosurveillance par les collectivités territoriales. Auparavant assuré par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), le financement de ce déploiement relève désormais de la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa).
L'amendement FINC.4 permet de tenir l'engagement de l'État, à hauteur de 16,2 millions d'euros, en faveur des contrats de plan État-région (CPER) et des contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), relevant de la section locale du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).
L'amendement FINC.5 concerne le financement des points de contact de La Poste dans nos territoires, avec la proposition d'un abondement de 52 millions d'euros de leurs crédits, destiné à en assurer la pérennité dans l'attente de la préparation du futur contrat de présence postale territoriale.
Enfin, l'amendement FINC.6 vise à tenir l'engagement de l'État pris dans la LFI de 2025 de consacrer 9 millions d'euros au financement des pôles de compétitivité.
M. Vincent Delahaye. - Merci pour cette présentation. En matière de croissance économique, la contribution de la consommation des administrations publiques, de 0,5 points de PIB en 2025 selon l'OFCE, paraît majoritaire dans la composition de la prévision de croissance, de 0,7 % pour 2025, selon le même organisme. Sans doute n'est-ce pas totalement indépendant des prévisions de TVA. J'ai fait partie de ceux qui ont alerté sur des prévisions de TVA trop optimistes pour 2025 et je m'aperçois que nous avions raison. Je réitère mon avertissement pour 2026 : les prévisions de TVA relatives au prochain exercice sont trop optimistes de 5 milliards d'euros.
Je regrette que Bercy ne nous communique pas davantage de détails sur ces prévisions de recettes, quoique l'on nous en ait promis pour 2026. C'est assez lamentable, et nous disposons en définitive de plus d'informations au niveau communal qu'à celui de l'État où les enjeux atteignent pourtant plusieurs milliards d'euros.
L'heureuse surprise, qui compense le manque à gagner sur la TVA, concerne l'impôt sur les sociétés (IS). Gardons-nous cependant d'en tirer la conclusion quelque peu hâtive que nous serons dans les clous, d'autant que nous nous sommes également déjà trompés quant au rendement de l'IS, certes plus difficile à prévoir.
Sur les dépenses, le PLFG est censé procéder aux régularisations qui s'imposent pour l'exercice qui s'achève. Je note que le texte va dans le détail des dépenses puisqu'il prévoit des ouvertures de crédits à hauteur de 13,8 millions d'euros pour la police nationale. Qu'en est-il de la mission « Santé », dont je suis le rapporteur spécial, et en particulier de l'aide médicale de l'État (AME) ? Il lui manque 200 millions d'euros en 2025 entre les crédits qui lui ont été consacrés dans la loi de finances et les dépenses qui ont réellement été engagées. Est-ce volontaire qu'elle ne fasse l'objet, contrairement à d'autres missions et malgré l'importance des montants en jeu, d'aucun ajustement dans le présent PLFG ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ne pourrions-nous pas envisager une autre rédaction de l'article 3 dont le but me semble louable, afin qu'il n'encoure plus l'inconstitutionnalité, plutôt que de le supprimer purement et simplement, ainsi que le prévoit l'amendement FINC.2 ?
Mme Isabelle Briquet. - Merci au rapporteur général pour son analyse.
Affirmer que la situation du déficit est moins catastrophique qu'elle aurait pu être ne doit pas occulter les nombreux coups de rabot portés au cours de l'exercice 2025, et que nous ne percevions pas nécessairement de la même manière sur tous les bancs de l'hémicycle...
Pour ce qui a trait aux recettes, il y a lieu de s'interroger, ainsi que vous l'avez fait, sur la dégradation de celles de TVA. Loin d'être neutre, ce moins-perçu de 5 milliards d'euros surprend.
Il faut saluer les amendements que vous proposez, mais je doute que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) partage votre enthousiasme jusqu'au bout et vote en faveur du PLFG.
M. Dominique de Legge. - Sur les crédits de la mission « Défense », les sommes en jeu avec le PLFG sont relativement faibles par rapport aux montants des crédits votés en LFI. Pour autant, nous restons dans l'incertitude, faute de transparence, sur les surcoûts des opérations extérieures (Opex), à l'exception de ceux qui ont été engagés pour la rémunération des personnels. Il s'avère difficile d'apprécier les conséquences qui pourraient en découler sur le report de charges, qui reste toujours la variable d'ajustement de ce budget.
Je souligne d'ailleurs l'existence du courrier que vous avez récemment adressé, monsieur le président et monsieur le rapporteur général, au Premier ministre pour lui demander de bien vouloir consentir à un effort de transparence sur les crédits budgétaires de la défense, dont l'augmentation mérite d'être documentée.
M. Jean-François Rapin. - Votre amendement FINC.6 vise-t-il à reporter sur la fin de gestion, sans les inscrire au PLF 2026, les crédits relatifs aux pôles de compétitivité ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ces crédits ne seront pas inscrits dans le PLF 2026, mais en cas de reports de crédits de 2025 vers 2026, ils seront bien exécutés en 2026.
M. Stéphane Sautarel. - Mes remerciements au rapporteur général pour sa présentation de la bonne tenue des comptes publics, dont néanmoins, au regard du niveau de déficit auquel ils se situent, nous ne saurions nous satisfaire complètement. Je formulerai deux remarques.
Premièrement, le vote du budget dans de bonnes conditions en permet une meilleure exécution. Peut-être cela servira-t-il de modèle pour le PLF 2026.
Deuxièmement, notre communication relative à l'examen du PLF 2026 gagnerait à insister sur les prévisions d'évolution des dépenses par sous-secteur des administrations publiques, afin de mettre en avant le caractère vertueux des administrations publiques locales, en considération tant du niveau qu'elles atteignent que de la tendance qui se dégage à leur égard.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Pour répondre à notre collègue Vincent Delahaye, en l'absence d'ouverture de crédits supplémentaires, la charge des 200 millions d'euros manquant à l'AME revient à l'assurance maladie.
M. Laurent Somon. - Je suis plutôt rassuré quant aux décisions que nous avons prises sur la mission « Investir pour la France de 2030 », avec l'annulation des autorisations d'engagement (AE) du Gouvernement, dans la mesure où celui-ci annule de son côté, en fin de gestion, 1,4 milliard d'euros de crédits. Il est assez surprenant que cette mission reste floue quant aux objectifs poursuivis en matière de gestion stratégique des thématiques et aux destinataires des versements de crédits via les opérateurs. En l'état, nous ne pouvons que nous interroger sur le fonctionnement du plan France 2030.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - À ce sujet, la « réunion balai » de la commission, tendant à réaliser un examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2026, permettra également de tirer un certain nombre de conséquences.
Sur les prévisions de croissance, nous ne pouvons pas avoir de certitudes. Il est difficile d'identifier la consommation des administrations publiques comme le facteur qui l'emporterait sur les autres.
En ce qui concerne la TVA, je suggère, si le président en convient, de proposer à la ministre, qui a demandé une mission sur la question, de nous y associer. Il s'agit d'éviter que ne se renouvelle la situation où, conséquence notamment de l'instabilité ministérielle, les responsables aux affaires n'ont pas la mémoire des annonces et des engagements de leurs prédécesseurs.
Pour l'AME, cela a été dit, le financement est assuré par l'aggravation de la dette de l'État en matière d'assurance maladie.
Pour sa part, l'article 3 du PLFG ne saurait être réécrit, car il encourrait toujours, par son seul objet, l'irrecevabilité en application de la Lolf.
En réaction à l'intervention d'Isabelle Briquet, je démens toute forme d'enthousiasme. J'essaie simplement d'être objectif, comme je l'ai toujours été, bien que certains aient parfois considéré que j'étais sévère à l'endroit du Gouvernement sur la dérive des comptes publics. J'ai d'ailleurs été vivement marqué par les réactions et les accusations de mensonges qui ont immédiatement suivi les conclusions de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques en novembre 2024, laquelle nous avait notamment conduits à entendre deux anciens Premiers ministres ainsi que les anciens ministres responsables de l'économie et des finances et des comptes publics.
Les comptes sont en voie de redressement et les objectifs fixés en début d'année atteints. Je ne vois aucune raison de ne pas le dire, et c'est pour moi un motif de satisfaction, y compris alors que j'avais été le premier à regretter le gel d'une partie des crédits que nous avions adoptés à l'occasion de la réunion de la commission mixte paritaire, en particulier en faveur des collectivités territoriales.
Merci à Dominique de Legge d'avoir rappelé que le président Raynal et moi-même avions sollicité le Premier ministre sur le sujet des crédits de la défense. Davantage de transparence nous paraît importante à maints égards. Bien qu'elles intéressent un autre poste budgétaire, ne perdons d'ailleurs pas de vue les annonces récentes intervenues sur les possibles marchés à venir concernant des ventes d'avions Rafale. Des précisions nous seront indispensables, en particulier sur les modalités de règlement des acheteurs.
Enfin, c'est à juste titre que Stéphane Sautarel souligne le bon résultat des administrations publiques locales, qui ont pourtant été régulièrement critiquées par l'exécutif, trop souvent enclin à pointer du doigt la responsabilité qu'elles tiendraient dans la dégradation des comptes publics et peu avare de moyens dans cet effort qui, cependant, n'a trouvé que bien peu d'écho dans l'opinion. Les données chiffrées dont nous disposons démontrent que les collectivités territoriales savent être raisonnables et conduire leurs projets en toute responsabilité, en évitant de déséquilibrer leurs comptes.
M. Claude Raynal, président. - Ce que vous dites du résultat des collectivités territoriales est exact, mais nous ne saurions non plus passer sous silence le fait que, après un premier travail en vue d'améliorer la performance et la gestion de leurs services publics, elles en soient désormais réduites, pour certaines d'entre elles, à faire des choix de réduction, voire de suppression, de ces mêmes services publics, notamment dans le domaine culturel. De bons résultats sous l'angle de la gestion des fonds publics ne sont pas sans conséquence sur la qualité des services rendus à nos concitoyens.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL
Article 2
L'amendement FINC.1 est adopté.
Article 3
L'amendement FINC.2 est adopté.
Article 5
Les amendements FINC.3, FINC.4, FINC.5 et FINC. 6 sont adoptés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, tel que modifié par ses amendements.
La réunion est close à 14 h 45.
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 69) et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Écologie - mise en extinction du plan de relance » - Programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
La réunion est close à 18 h 35.