Mercredi 3 décembre 2025

- Présidence de M. Alain Milon, vice-président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » - Examen du rapport pour avis

M. Alain Milon, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen de trois rapports pour avis de notre commission sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Nous commençons par la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », dont Frédérique Puissat est rapporteur pour avis.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - Les crédits demandés pour 2026 au titre de la mission s'élèvent à 17,65 milliards d'euros, soit une diminution de 2,4 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025. Cette baisse de 11,8 % des crédits se révèle de même proportion que celle qui nous a été proposée l'an passé.

Alors que de 2019 à 2024, le budget de la mission avait augmenté de 60 % pour atteindre 22,6 milliards d'euros, le voilà désormais revenu à son niveau de 2021. Je ne peux que me réjouir de cette décrue, qui replace à un ordre de grandeur acceptable le montant des dépenses publiques allouées à la politique de l'emploi et de la formation professionnelle.

Toutefois, il convient de ne pas reproduire les erreurs commises lors de l'emballement des budgets. Cette décroissance, amorcée depuis un an, doit être pilotée et s'inscrire dans une trajectoire pluriannuelle, au risque de « saper » les politiques publiques mises en place. C'est cette méthode que je vous propose d'adopter pour l'examen des crédits de la mission.

Tout d'abord, il convient de noter que la situation de l'emploi se détériore. Sans être encore alarmant, le taux de chômage est remonté à 7,7 % au troisième trimestre de 2025 et pourrait grimper jusqu'à 8 % en 2026. C'est en gardant à l'esprit ce contexte économique, qui ne nous est plus favorable, que certaines diminutions de crédits - portées par l'unique recherche d'économies - peuvent paraître trop brutales sur un seul exercice budgétaire.

C'est ainsi le cas des propositions du PLF s'agissant des structures qui mettent en oeuvre la politique de l'emploi. Comme vous le savez, l'année 2025 a été marquée par l'entrée en vigueur des principales mesures de la réforme de l'accompagnement des demandeurs d'emploi portées par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. L'inscription sur les listes de France Travail de tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) a ainsi été effective, mais l'accompagnement se poursuivra en 2026.

Dans ce contexte, France Travail bénéficie de moyens budgétaires en très légère augmentation grâce au dynamisme de la contribution de l'Unédic. Celle-ci devrait atteindre 5,2 milliards d'euros en 2026. Notons toutefois que le régime d'assurance chômage continuera en 2026 de pâtir d'une ponction de l'État de 4,1 milliards d'euros.

Ce prélèvement, effectué depuis 2023 sur la compensation des exonérations de cotisations sociales que l'État reverse à l'Unédic, aura pour conséquence cette année de plonger les comptes du régime dans un déficit de 1,3 milliard d'euros. Ces ponctions, qui n'ont pour seul intérêt que de réduire de quelques milliards d'euros le déficit affiché de l'État, contribuent donc désormais à alourdir la dette du régime d'assurance chômage.

Je ne peux qu'espérer que ces prélèvements prendront fin à compter de 2027, date à laquelle arrivera à échéance l'arrêté prévoyant le montant des minorations de compensation.

S'agissant des moyens humains à la disposition de France Travail, il est malheureux que les gouvernements successifs n'apprennent pas de leurs erreurs... Le plafond des emplois de France Travail prévoit une diminution de 515 équivalents temps plein (ETP) soit un niveau similaire à celui qui avait été avancé l'année dernière, puis abandonné en cours d'examen parlementaire.

Il me semble que le législateur doit s'abstenir de placer France Travail dans des injonctions paradoxales. La loi pour le plein emploi a considérablement ajouté aux missions dévolues à l'opérateur. Il serait vraiment étrange d'exiger, « en même temps », une diminution des effectifs de l'opérateur. Or la montée en puissance de la réforme se poursuivra en 2026 et 2027. La suppression de 515 équivalents temps plein travaillé (ETPT) dès l'année prochaine risquerait de fortement restreindre le nombre de bénéficiaires du RSA accompagnés en suivi intensif ou de mettre à mal l'exercice des missions de lutte contre les comportements abusifs.

C'est pourquoi je vous proposerai un amendement qui vise à revenir sur cette diminution des ETPT afin de stabiliser les effectifs sous plafond à 49 147. L'opérateur s'est engagé dans une démarche d'efficience permettant de redéployer 3 700 ETP pour satisfaire les priorités demandées par la loi. À l'issue de cet effort de réagencement, il conviendra que France Travail s'engage effectivement dans une réduction de ses effectifs. Par ailleurs, un autre amendement tendra à diminuer de 30 millions d'euros la subvention accordée à France Travail afin de faire contribuer l'opérateur à la maîtrise des dépenses publiques.

S'agissant des autres acteurs de l'insertion dans l'emploi, je vous proposerai de valider la tendance à la baisse des crédits demandés. Toutefois, il me semble que les efforts demandés pour 2026 sont trop importants et auront des coûts trop élevés pour l'insertion dans les territoires.

Tout d'abord, j'attire votre attention sur la budgétisation des crédits finançant les contrats d'engagement jeune (CEJ) en nouvelle baisse de 4 % accompagnée d'une cible amoindrie à 188 840 contrats suivis par les missions locales et 80 000 jeunes accompagnés par France Travail. En parallèle, le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » porte une réduction de 13 % des moyens de fonctionnement alloués aux missions locales.

Il me semble que cette diminution est arbitraire et risque de fragiliser l'accompagnement mené par ces acteurs incontournables, confortés par la loi pour le plein emploi. Je vous proposerai donc d'augmenter de 77 millions d'euros les crédits à destination des missions locales, afin de maintenir l'enveloppe, votée l'an passé, qui était déjà en baisse de 5 % par rapport à 2024.

De même, le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) se trouve confronté à une baisse abrupte de 11 % des crédits. Après des années « d'euphorie » qui ont vu la ligne budgétaire grimper de plus de 78 % entre 2018 et 2024, la baisse est bienvenue, mais ne peut se faire du jour au lendemain.

Après concertation avec les acteurs de l'IAE, qui acceptent de s'engager dans une perspective pluriannuelle d'efforts, il me paraît soutenable, pour les structures comme pour les finances publiques, de limiter la diminution des crédits à 1,33 % en crédits de paiement (CP) et à 2,83 % en autorisations d'engagement (AE) par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Pour cela, je vous proposerai un amendement visant à rehausser de 139 millions d'euros cette action budgétaire. Cet abondement ne prendrait pas en compte la probable revalorisation du Smic en 2026, ce qui demandera aux structures de l'IAE de trouver les marges d'efficience pour tenir le budget.

Enfin - et je rejoins là les préoccupations de Chantal Deseyne, notre rapporteur pour la branche autonomie du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) -, la diminution de l'enveloppe consacrée à l'insertion dans l'emploi des personnes handicapées ne me paraît pas de bonne politique. Je vous proposerai d'abonder ces crédits de 22 millions d'euros, afin de maintenir les fonds alloués aux aides au poste dans les entreprises adaptées. Le PLF prévoit, en l'état, une baisse de 5,2 % des ETP soutenus en contrat classique par rapport à la cible de 2025.

Ces augmentations de crédits, dans un contexte contraint de finances publiques, seraient toutes les trois compensées par une diminution de crédits du volet national du plan d'investissement dans les compétences (PIC), dont le manque de lisibilité quant à ses effets réels sur les entrées en formation, ainsi que la complexité de son pilotage budgétaire ont souvent été pointés par notre commission et par la Cour des comptes. Un amendement visera d'ailleurs, dans une logique de responsabilité budgétaire, de mettre en extinction le PIC national pour une économie globale de 310 millions d'euros.

J'aborde désormais les questions des moyens consacrés à la formation professionnelle et notamment à l'apprentissage. Comme l'année dernière, je rappellerai en préambule deux chiffres : d'abord, celui du nombre d'apprentis, qui s'établissait à près de 880 000 en 2024 ; ensuite, celui du coût du soutien public, qui avait atteint la même année 16 milliards d'euros, tous financeurs confondus - opérateurs de compétences (Opco), régions, État, etc.

Dès lors, l'équation épineuse, entamée depuis le PLF 2025, est de réussir à juguler les dépenses d'alternance sans casser la dynamique de l'apprentissage et sans risquer une détérioration de l'accompagnement des apprentis.

Tout d'abord, le soutien de l'État à la politique d'apprentissage fait l'objet, cette année, d'une diminution en matière de compensation des exonérations de cotisation salariale en faveur des apprentis. La cotisation des apprentis dès le premier euro versé a été soutenue par notre commission à l'article 9 du PLFSS. Cette mesure, au rendement de 320 millions d'euros, permet de mettre fin à un avantage ancien qui ne se justifie pas, dès lors que les apprentis disposent de droits contributifs - trimestres de retraite - sans y participer à proportion de leurs salaires. Au demeurant, la différence de traitement entre un salarié faiblement rémunéré et un apprenti n'a pas de raison d'être, surtout en cas de temps partiel du salarié.

Toutefois, le PLF pour 2026 va plus loin et l'article 80, rattaché à la mission budgétaire, prévoit de supprimer l'aide au permis de conduire de 500 euros dont bénéficient les apprentis d'au moins 18 ans. Il me semble que cette suppression risque de pénaliser spécialement la mobilité des apprentis en territoire rural ou périurbain, et donc de dégrader leur capacité à se former ou à travailler. Un amendement aura pour objet de revenir sur cette suppression.

Ensuite, le PLF pour 2026 prévoit une enveloppe consacrée aux aides à l'employeur en diminution de près de 1 milliard d'euros. Ce montant colossal intervient après la réduction de 650 millions d'euros, adoptée en 2025, ayant conduit à la baisse du montant de l'aide. Pour mémoire, celle-ci s'établit désormais à 2 000 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés et à 5 000 euros pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), à l'exception des contrats d'apprentissage des personnes reconnues travailleurs handicapés pour lesquels le montant est maintenu à 6 000 euros.

Je serai bien en peine de vous rendre compte avec précision des sous-jacents de la budgétisation retenue par le Gouvernement. Peut-être lui-même les ignore-t-il vraiment...

Quoi qu'il soit, le cabinet du ministre du travail m'a fait savoir que le Gouvernement avait retenu, lors de la construction du budget, une prévision des nouveaux contrats d'apprentissage en baisse de 7,7 % à 13 % à la rentrée 2025. Or les données disponibles depuis montrent que le recul des entrées est, certes, avéré, mais serait contenu à moins 3,3 % à la fin septembre 2025. Dès lors, pour le dire en termes un peu triviaux, il manque entre 850 millions et 1 milliard d'euros pour verser en 2026 les aides aux employeurs d'apprentis. La conséquence mécanique de ce « pari perdu » sur la budgétisation conduit à devoir réaliser une économie importante, par une nouvelle diminution du montant de l'aide.

Je crois que nous ne pouvons pas nous résoudre à valider une telle insincérité budgétaire, ni même à souscrire à une nouvelle modification des paramètres de l'aide. Les employeurs ont connu trois montants différents depuis 2023 et, après une baisse importante, l'année 2026 devrait être marquée par de la stabilité. Le risque est de « saper » définitivement toute confiance dans la politique publique de l'apprentissage.

C'est pourquoi je vous proposerai de rehausser de 100 millions d'euros la ligne budgétaire concernée. Ce montant ne sera certes pas suffisant, mais il me semble que les pistes d'économies formulées sur le PIC, sur le volet tant national que régional, peuvent donner au ministre du travail les moyens d'abonder les crédits destinés à l'aide à l'embauche.

Enfin, parmi les grands enjeux du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », il me reste à évoquer France compétences. Comme vous le savez, notre commission réitère chaque année une position de bon sens. Il convient que l'opérateur se concentre sur sa mission première, à savoir le financement de l'apprentissage, et abandonne en revanche les contributions que l'État lui impose pour la formation des demandeurs d'emploi via le PIC.

Pour l'exercice budgétaire 2025, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'opérateur devrait finir déficitaire avec un solde encore dégradé à - 885 millions d'euros, en raison de la décision de l'État d'annuler 850 millions d'euros de crédits sur sa dotation à France compétences.

L'exercice budgétaire de 2026 devrait, quant à lui, être historique, puisque, pour la première fois, le budget prévisionnel s'établirait en excédent de 641 millions d'euros. Les nombreuses mesures de révision des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage portent leurs fruits, de même que les mesures de régulation des dépenses de compte personnel de formation (CPF).

Toutefois, le Gouvernement propose de doubler la mise grâce à l'article 81, lequel permet de fixer un montant plafond de prise en charge par le CPF des actions non certifiantes, notamment le permis de conduire et la validation des acquis de l'expérience (VAE). En revanche, pour les seuls bilans de compétences, cet article prévoit de les exclure complètement de l'éligibilité au CPF pour une économie budgétaire estimée à 108 millions d'euros.

Ce choix me paraît contestable et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) elle-même note le risque que comporte cette exclusion d'un report vers un achat de formation décorrélé des besoins réels de l'individu. Par cohérence, je vous proposerai donc d'appliquer aux bilans de compétences la même logique que pour le reste de l'article. Un amendement vous sera présenté afin que les bilans demeurent éligibles, mais sous plafonnement fixé par décret. Un seuil arrêté à 1 500 euros, et conjugué à d'autres mesures de régulation, permettrait ainsi de maintenir une économie budgétaire à 51 millions d'euros, selon la CDC.

Enfin, s'agissant de la dotation exceptionnelle que l'État verse à France compétences, il me semble que sa reconduction en 2026 ne se justifie plus si l'opérateur est à l'équilibre budgétaire. Voilà donc une économie de 613 millions d'euros que le Gouvernement ferait bien de mettre à profit pour la politique de l'apprentissage. Il lui reviendra, d'ailleurs, d'éviter tout dérapage budgétaire de France compétences, en cours d'année, en réduisant la contribution de l'opérateur au PIC, alors que les contributions des employeurs et la taxe d'apprentissage n'ont pas comme vocation première de prendre en charge ces dépenses.

Je terminerai la présentation de mon rapport en évoquant les moyens destinés au dialogue social et aux fonctions support des politiques de l'emploi et, plus généralement, des ministères sociaux.

Les crédits du programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », piloté par la direction générale du travail (DGT), seraient, cette année encore en diminution - - 8,9 % par rapport à la LFI de 2025. Notons une relative stabilité des crédits de l'action relative à la santé et à la sécurité au travail - 24,6 millions d'euros - afin de financer la mise en oeuvre du cinquième plan de santé au travail pour 2026-2030 (PST 5).

Les crédits du programme 155 « Soutien des ministères sociaux » s'élèvent quant à eux à 2 milliards d'euros, soit une légère augmentation de 2,8 % par rapport à 2025. Les crédits consacrés à la masse salariale seraient quasiment stables à 1,1 milliard d'euros pour un plafond d'emplois à nouveau en baisse de 66 ETPT par rapport à la LFI de 2025.

Pour conclure, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption des amendements proposés. S'agissant des articles rattachés à la mission budgétaire, je vous propose de supprimer l'article 80 relatif à l'aide au permis de conduire, mais d'émettre un avis favorable sur l'article 81, sous réserve de l'adoption de l'amendement présenté.

M. Laurent Burgoa. - Merci madame le rapporteur pour avis. Je tiens à vous féliciter, car votre tâche n'était pas facile par rapport à la copie dont vous avez hérité, une copie qui résume bien l'ambiance actuelle du « en même temps ». Vous avez tenté d'y introduire du bon sens au regard de vos prérogatives.

Je salue votre proposition de réabonder de 77 millions d'euros les missions locales pour les jeunes, qui nous avaient tous largement sollicités, y compris dans mon département du Gard. Il nous faudra un jour, en tant que parlementaires, clarifier « qui fait quoi » en matière d'emploi dans les territoires : de nombreux intervenants se succèdent, beaucoup d'argent est dépensé, mais pour quelle efficacité ?

Je ne remets pas en cause les missions locales en direction des jeunes - j'ai moi-même été adjoint à la politique de la ville de Nîmes. Toutefois, dans certains quartiers, les interventions de France Travail, des missions locales, des associations posent question quant à la répartition des rôles et des financements. L'argent se raréfie et il conviendra d'examiner l'efficience de nos actions, au niveau tant national que local.

Je ne vous incite pas, monsieur le président, à créer une nouvelle mission d'information - je sais que de nombreuses propositions vous ont déjà été adressées -, mais cette question devra être abordée.

Je salue enfin votre proposition de revenir sur l'article 80, qui prévoit une aide de 500 euros pour les jeunes : elle prouve que la majorité sénatoriale a aussi du coeur...

M. Martin Lévrier. - Merci à Mme le rapporteur pour avis pour son rapport. Je souscris également à l'approche retenue concernant les missions locales, même si je ne suis pas certain qu'augmenter leurs crédits en réduisant ceux du PIC, voire en envisageant sa suppression, soit la mesure la plus efficiente. Il serait temps d'aborder l'ensemble de cette problématique de manière globale, car on ne peut « prendre à Paul pour donner à Pierre » sans vraiment s'interroger sur le fond. Le PIC a un intérêt, mais il n'est pas suffisamment défini.

Sur la formation professionnelle, je vous rejoins sur la nécessité de protéger le bilan de compétences. En revanche, s'agissant de l'apprentissage, qui est l'un de mes sujets de prédilection, je considère que les aides aux entreprises ont été mal fléchées l'an dernier. Je proposerai un amendement visant à orienter davantage ces aides vers le pré-bac plutôt que le post-bac. Les grandes entreprises, y compris certaines banques, utilisent l'apprentissage comme variable d'ajustement ; elles embauchent des apprentis, mais ne les gardent plus à la fin, ce qui n'était pas le cas voilà encore trois ans. Il faut reprendre ce sujet majeur à bras-le-corps.

Par ailleurs, la progression de l'apprentissage repose en grande majorité sur les formations post-bac, en particulier bac+3 à bac+5, avec l'émergence de centres de formation de qualité discutable. De très nombreux jeunes reviennent actuellement vers les universités après avoir été trompés. Il faut tenir compte de ces réalités pour l'attribution des aides. Si l'on veut réorienter les entreprises vers les besoins réels du marché de l'emploi - baccalauréat professionnel et certificat d'aptitude professionnelle (CAP), il faut renforcer les aides à ce niveau et baisser drastiquement, et de façon linéaire, celles qui vont du brevet de technicien supérieur (BTS) au master 2. Cela représenterait plus de 1 milliard d'euros d'économies et favoriserait un apprentissage réellement efficace.

M. Daniel Chasseing. - Je félicite aussi Mme le rapporteur pour avis. Les missions locales prennent en charge les jeunes les plus éloignés de l'emploi, tandis que France Travail suit plutôt des jeunes diplômés. Dans mon département, une mission locale s'occupe de sept intercommunalités et aide les entreprises à trouver des employés. Jusqu'à présent, malgré les diminutions, tous les points d'accueil ont pu être conservés, mais avec la baisse annoncée, cela devra impossible : cela signifierait moins d'accompagnement, moins de rendez-vous, un risque accru de précarisation et une baisse des entrées en formation sur l'ensemble des points d'accueil. Par ailleurs, le CEJ est lui aussi en diminution.

Madame le rapporteur pour avis, je vais tout à fait dans votre sens, car la baisse des crédits atteint près de 12 %, et si l'on additionne les diminutions des années précédentes, on dépasse les 20 %. Or les personnes soumises au RSA sont maintenant inscrites sur les listes de France Travail.

J'approuve également votre proposition concernant l'augmentation des crédits de France Travail. Si l'on veut que les jeunes bénéficiaires du RSA soient réellement pris en charge, des personnels doivent s'en occuper. Il en va de même pour le CEJ.

S'agissant des personnes handicapées, je soutiens pleinement votre proposition d'augmenter les crédits de 22 millions d'euros.

Pour l'apprentissage, dont les effectifs ont doublé depuis quelques années, il faut conserver le dispositif en faveur du permis de conduire, maintenir les aides aux employeurs - 100 millions d'euros étant un minimum - et soutenir France compétences.

Je voterai les crédits de la mission, car une diminution trop importante, notamment dans les secteurs ruraux, rendrait impossible la poursuite d'une action pourtant indispensable.

Mme Monique Lubin. - Je ne partage pas les propos de Mme le rapporteur pour avis, qui se réjouit de la décrue des crédits de la mission.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Je confirme que nous ne partageons pas le même avis sur ce point.

Mme Monique Lubin. - Comme mes collègues, je note le réabondement du budget des missions locales, sur lequel tout le monde s'accorde. Mais, au moment où l'on demande un effort supplémentaire aux personnes les plus éloignées de l'emploi, où l'on fustige des aides jugées trop importantes, et où certains affirment, comme on l'a entendu lors du débat sur le PLFSS, que l'on peut gagner autant, voire plus, sans travailler, je regrette que l'on abaisse précisément les budgets dont ces publics ont le plus besoin. Je pense aux associations d'insertion par l'activité économique, à l'ensemble du secteur de l'IAE. Il faut au moins maintenir le niveau existant, sinon, un certain nombre de structures de l'IAE risquent de se retrouver en très grande difficulté. Et chacun connaît, dans son département, l'importance du travail qu'elles accomplissent auprès des personnes les plus éloignées de l'emploi. C'est un vrai risque.

Je pense aussi aux associations fortement engagées dans les actions « territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD), qui subiront elles aussi une baisse très importante de leur budget. C'est un paradoxe total avec les discours que nous entendons par ailleurs. Nous présenterons des amendements pour maintenir ces crédits.

Je terminerai par une question sur les bilans de compétences. Seront-ils bien réalisés par les centres interinstitutionnels de bilan de compétences (CIBC) ? Ceux-ci sont aujourd'hui extrêmement inquiets : si on leur enlève les bilans de compétence, ils mourront.

Mme Nadia Sollogoub. - Je souhaite faire une remarque sur les territoires zéro chômeur longue durée. D'autres propositions législatives viendront approfondir ce sujet, mais je n'aurai pas la même position de soutien universel. À mon sens, le TZCLD doit rester une expérimentation et une proposition parmi d'autres. Dans mon territoire, ce dispositif tend à devenir une solution universelle. Or je reçois des appels au secours d'organismes d'insertion par l'emploi, y compris du secteur économique, car le TZCLD est très coûteux et, lorsqu'il est mené maladroitement, il se retrouve en concurrence directe avec eux. Je serai donc très prudente.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - On nous répète sans cesse qu'il faut aider et remettre les gens au travail, qu'il faut les former et leur remettre le pied à l'étrier. Pourtant, dans le même temps, on diminue toutes les aides qui le permettent. Le discours est contradictoire.

Les missions locales sont particulièrement touchées : 520 millions d'euros en AE, contre 598 millions en 2025, et 535 millions d'euros en CP, contre 492 millions d'euros en 2025. Ce recul de l'enveloppe de 13 % inquiète, alors que le nombre de jeunes a augmenté de 8 %. On leur demandera de faire beaucoup plus avec beaucoup moins.

Il en est de même pour les emplois aidés, qui vont chuter de 58 % en AE, et de plus de 76 % en CP. On prévoit 16 000 entrées de moins en parcours emploi compétences (PEC), contre 66 700 en 2024 et 50 000 en 2025.

Sur la formation et le retour à l'emploi des plus précaires, nous devrions être unis : l'État doit revoir sa copie et ne pas accepter la baisse des crédits.

Enfin, sur l'apprentissage, je partage pleinement - une fois n'est pas coutume - les propos de Martin Lévrier : nous disons depuis très longtemps que l'apprentissage fonctionne très bien pour certains jeunes, mais très mal pour d'autres. Il faut regarder les choses en face.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon collègue Martin Lévrier : prenons garde, en matière d'apprentissage, à ne pas emprunter, suivant la petite musique que nous entendons depuis quelque temps, de raccourci sur le niveau de recrutement des entreprises en fonction de leur taille, en considérant que les petites entreprises ne recourraient qu'à des apprentis de niveau infra-bac quand les plus importantes s'adresseraient, elles, aux diplômés de l'enseignement supérieur. N'oublions pas que des PME et des start-up sont également capables de former des apprentis de niveau bac+4 ou bac+5, et il importe donc de maintenir la dynamique, à l'oeuvre ces dernières années, du recours à l'apprentissage à tous les niveaux.

Au sujet des aides à destination des jeunes, Cathy Apourceau-Poly attire notre attention sur le fait que ceux-ci sont de plus en plus nombreux à se présenter dans les missions locales. La situation m'alerte, puisque plus on aide, plus grand est le nombre de ceux qui, en s'adressant aux missions locales, manifestent qu'ils sont en proie à la désinsertion professionnelle. On peut s'en inquiéter et se demander si on les aide correctement.

À ce titre, si le dispositif du CEJ peut être louable, il faut tout de même que nous finissions par nous interroger sur l'utilisation qui est faite, par ses bénéficiaires, de l'allocation correspondante. Comment s'assurer que cette allocation, dont c'est l'objectif, serve effectivement à l'accompagnement vers l'emploi, par exemple en se logeant, en passant le permis de conduire ou en achetant un véhicule ? Il ne doit pas s'agir uniquement d'argent de poche, à hauteur de près de 600 euros, contre la seule contrepartie de quinze, voire douze, heures de recherche effective d'emploi - qui certes n'est pas toujours aisée en milieu rural... À partir des mêmes constats, nous avons le droit, les uns et les autres, de ne pas porter les mêmes analyses. Pour ma part, j'estime que cette allocation devrait être clairement fléchée vers l'insertion.

Enfin, merci de vos efforts en vue de conserver les missions locales et de vous opposer à la suppression de 515 ETPT dans les effectifs de France Travail, à l'heure où la lutte contre la fraude sociale constitue un enjeu pressant.

Mme Raymonde Poncet Monge. - La politique de l'emploi est d'abord une politique d'insertion professionnelle. Elle est de longue date surtout portée par les exonérations de cotisations patronales. On parle beaucoup de la pertinence des différents dispositifs de la présente mission, mais sans doute sont-ils bien plus efficients que ces exonérations, dont le montant total représente quelque 70 milliards d'euros.

Je salue le fait que l'on rétablisse les fonds affectés aux missions locales, ce qui est un minimum. Non seulement nous, élus, sommes heureux de pouvoir compter sur le réseau de près de 7 000 lieux d'accueil des missions locales qui maillent l'ensemble du territoire et de pouvoir leur adresser nos jeunes en difficulté, mais force est de constater que les missions locales répondent présentes. C'est d'autant plus remarquable que les jeunes dont elles s'occupent sont de plus en plus en difficulté, connaissent des problèmes de plus en plus prégnants de santé mentale et sont confrontés à un marché du travail qui les précarise. Les missions locales ont ainsi augmenté entre 2019 et 2024 de 50 % le nombre de jeunes qu'elles accompagnent.

Si elles ne les avaient pas accueillis, peut-être déplorerions-nous aujourd'hui un taux d'emploi des jeunes plus catastrophique encore ; car, à l'évidence, et bien que l'on évoque souvent davantage la situation des seniors en matière d'emploi, ce taux reste le plus préoccupant en France.

Il en va de même de France Travail. Nous disposons, avec cet opérateur, de dispositifs efficients, et je me félicite que l'on en maintienne au moins les effectifs. De fait, à s'en tenir aux missions que la loi pour le plein emploi lui a dévolues, il lui faudrait plutôt embaucher des milliers d'agents. Cependant, vous proposez une diminution de la subvention qui lui est accordée ; je m'en étonne, car, à effectif et masse salariale constants, cela risque de porter préjudice à la mise en place d'outils ou services communs, laquelle lui incombe et est encore loin d'être effective. Tout l'écosystème de l'insertion professionnelle, en particulier les missions locales, se plaint d'ailleurs de l'augmentation des tâches de reporting qui leur échoient.

Pour les structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) ne relevant pas de France Travail, une baisse, même minorée, des crédits qui les concernent me paraît assez irresponsable, d'autant plus qu'elle intervient sans aucune étude d'impact préalable quant à ses conséquences notamment en outre-mer et dans les départements ruraux ni analyse par structure, certaines étant plus en difficulté que d'autres ; 10 % des structures aujourd'hui sous la ligne de flottaison risquent ainsi d'être supprimées et leur activité ne sera pas remplacée.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Quand nous expliquons que certains demandeurs d'emploi ont intérêt à ne pas reprendre un travail, nous ne prétendons pas que c'est de gaîté de coeur ; c'est une réalité. Lorsque je présidais un centre communal d'action sociale (CCAS), je rencontrais des personnes véritablement à la recherche d'un emploi m'expliquant que la reprise d'un emploi, souvent peu qualifié et mal rémunéré, leur faisait perdre de nombreux droits et les plaçait en définitive dans une situation plus délicate. C'était encore le cas de certains de nos agents, lorsque nous leur proposions une augmentation salariale. C'est là un problème qu'il ne faut pas sous-estimer.

Sur l'apprentissage, je suis d'accord pour moduler les aides selon la taille des entreprises. Une très grande entreprise n'a pas besoin qu'on l'aide pour prendre un apprenti. Pour les toutes petites entreprises et les artisans, la question ne se pose guère non plus : l'aide est pour eux, au contraire, décisive. En revanche, n'oublions pas la situation de toutes celles qui se trouvent entre ces deux extrémités. Pour certaines PME, voire des entreprises de taille intermédiaire (ETI), prendre un apprenti à un niveau post-bac est également vital. Nous avons ainsi la chance de posséder de très belles entreprises sur des créneaux innovants dans des territoires ruraux eux-mêmes peu attractifs pour la main-d'oeuvre qualifiée. L'apprentissage leur apporte une bouffée d'oxygène sur le plan du recrutement et si toutes, en définitive, n'embauchent pas leurs apprentis, ceux-ci, par le jeu des réseaux, trouvent ensuite bien plus aisément un emploi. L'apprentissage a en outre permis d'installer des antennes universitaires. Prêtons donc attention à ces aspects, afin de ne pas pénaliser davantage le monde rural.

M. Jean-Luc Fichet. - La question de la mobilité et du permis de conduire est centrale pour les apprentis, surtout en milieu rural. À cet égard, une aide de 500 euros n'était déjà souvent pas suffisante, compte tenu du coût élevé du permis de conduire.

Au sujet de l'apprentissage, il semblerait que la catégorie des post-bac soit dans les années à venir la plus exposée aux difficultés de recrutement, pour plusieurs raisons, dont l'émergence de l'intelligence artificielle.

Quant aux structures de l'IAE, si vous proposez par un amendement de limiter la diminution envisagée de leurs crédits, ce n'est pas sans indiquer que l'abondement ne prendra pas en compte la probable revalorisation du Smic en 2026, ce qui « induira nécessairement des gains d'efficience à trouver de la part des structures. » Mais où donc les trouveront-elles, quand elles sont déjà en grande difficulté ?

M. Daniel Chasseing. - J'ajoute que plus de 60 % des jeunes ne possèdent aucun diplôme et que certains, de plus, ne maîtrisent pas la langue française. Il est donc très important de conserver les crédits alloués aux missions locales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'aimerais remercier l'ensemble des conseillers et accompagnants qui interviennent au service de l'emploi et de l'insertion dans toutes ces structures que nous connaissons bien dans nos territoires. On leur demande beaucoup et je remarque qu'ils sont depuis des décennies soumis à un incessant stop and go. Il en découle une imprévisibilité particulièrement fragilisante pour eux. Comment prévoir un effectif quand on ne sait, d'une année sur l'autre, à quoi s'attendre en matière de crédits ? En période budgétaire, l'idée est évidemment de faire toujours plus avec beaucoup moins. Nous ne pourrons toujours continuer ainsi et je souhaiterais que nous nous emparions de ce problème.

Pour les apprentis, j'étais très attachée à ce que nous évoluions sur le sujet des cotisations sociales salariales et je sais gré à notre assemblée d'avoir consenti à leur rétablissement. On ne peut avoir de droits sans y contribuer et l'exonération actuelle est une anomalie. En revanche, je souscris à la proposition de stabiliser en 2026 le niveau des aides versées aux entreprises qui emploient des apprentis.

Pour toutes ces structures de l'insertion dans l'emploi, il faudrait un projet d'avenir : vers quoi allons-nous ? Les appauvrit-on en vue de les regrouper au sein de France Travail ? Un tel rassemblement me semble difficile à concevoir. Sans doute n'avons-nous pas assez réfléchi au modèle et au résultat vers lequel nous voulons tendre en matière d'emploi et d'insertion. Rien n'est pire que l'imprévisibilité et de ne pas savoir où l'on va.

Mme Jocelyne Guidez. - Quand, de nos jours, on emploie le mot inclusion à tout vent pour les personnes en situation de handicap, je trouve scandaleux que l'on n'hésite pas, dans le même temps, à proposer une diminution des crédits relatifs au travail adapté. Arrêtons cette hypocrisie ! Merci à Mme la rapporteure de proposer à son tour d'en maintenir les fonds.

Mme Pascale Gruny. - Notre rapporteur, Frédérique Puissat, réalise chaque année un travail très fin sur les crédits de la mission, à la recherche de solutions pour concilier la préoccupation de permettre à chaque opérateur de fonctionner au mieux avec le double souci de rationalisation et de gestion précautionneuse des comptes de l'État.

À l'attention de la rapporteure générale, il ne s'agit en aucun cas de regrouper l'ensemble des acteurs de l'insertion et de l'emploi sous la bannière de France Travail. Nous évoquons plutôt le « réseau pour l'emploi », ce que je ne cesse de répéter depuis mes travaux de rapporteur sur le projet de loi pour le plein emploi. Il importe que tous - France Travail, Cap emploi, les missions locales et ce qui les environne, notamment en application des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (PLIE) - s'organisent en bonne intelligence et travaillent de concert. Nous avons besoin de toutes ces structures.

Je reste assez positive quant à l'évolution de cette organisation. Le dynamisme y paraît bon, nourri de l'envie de travailler ensemble et d'initiatives pour aller à la rencontre des entreprises, ce que nous avions perdu. Bien entendu, le réseau pour l'emploi est encore jeune, les derniers décrets d'application le concernant étant parus au début de cette année. Je constate aussi que des conseils départementaux rechignent à se départir de certaines de leurs habitudes, en particulier en matière d'outils numériques, et à contribuer autant qu'ils le pourraient à la rationalisation des coûts.

Pour ce qui a trait aux missions locales, nous relevons assez souvent des disparités dans leur fonctionnement. Toutes ne relèvent pas de la labellisation mise en place au cours des dernières années et j'aimerais savoir si cette labellisation apporte une plus-value aux missions locales qu'elle concerne.

Merci de votre proposition de rétablir des bilans de compétences au titre de l'éligibilité au CPF, car ils me semblent très importants en matière d'emploi ; y compris au sein des missions locales, de nombreux jeunes qui se présentent peinent à s'orienter ; nous pouvons alors leur proposer ce type d'accompagnement.

Concernant le permis de conduire, s'il est positif que des aides existent, il faut veiller à ce qu'elles ne soient pas redondantes avec celles que les collectivités locales ou les branches professionnelles apportent déjà. Peut-être des économies sont-elles ici envisageables.

Les crédits du Fonds social européen (FSE) accusent pour leur part une diminution, dans l'attente de la nouvelle programmation, prévue en 2027. Or ils accompagnent un très grand nombre de structures, quoiqu'avec des disparités entre les régions et, en leur sein, entre les départements.

Enfin, sur l'accompagnement de l'apprentissage dans les entreprises, il me semble que nous pouvons admettre le principe de différents niveaux d'accompagnement en fonction de la taille des entreprises. Cependant, si la formation professionnelle incombe en principe à au ministère de éducation nationale et au ministère du travail, les grandes entreprises y contribuent de fait non seulement pour elles-mêmes, mais également, car elles n'embauchent pas tous leurs apprentis, pour les plus petites entreprises.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - La loi pour le plein emploi vise à redonner de la cohérence dans une multitude des partenariats et répond en cela à un besoin.

Sur les missions locales et les SIAE, soulignons que, depuis 2019, le taux de chômage et le nombre des allocataires du RSA n'ont pas changé alors que, pendant la même période, les premières ont bénéficié d'une augmentation de 200 millions d'euros et les secondes de plus de 800 millions d'euros de leurs crédits. Il convient de reconnaître aussi que cette croissance de leurs crédits n'a pas été pilotée à un échelon global, et ce sont parfois des logiques départementales, notamment pour les SIAE, qui ont prévalu. Il en résulte en définitive un renchérissement des coûts.

Nous ne serons peut-être pas d'accord Mme Lubin et moi-même sur la nécessité d'une décroissance du budget d'ensemble de la mission ; il s'agit pour nous de contribuer à l'équilibre financier du budget général et conserver la trajectoire de déficit de notre pays dans le respect de ses engagements européens. Quoi qu'il en soit, j'ajoute qu'il faut piloter cette réduction et que l'exercice n'est pas des plus simples. Dans le domaine de l'insertion, ce sont des entreprises qui interviennent et leur supprimer des fonds provoque des dégâts assez considérables. C'est pourquoi je propose des augmentations de crédits à hauteur des attentes que les représentants ont exprimées au cours des auditions que j'ai menées. Après plusieurs échanges, mes interlocuteurs du réseau national de l'économie sociale et solidaire Coorace et de la Fédération des entreprises d'insertion sont parvenus à cette proposition de 139 millions d'euros supplémentaires pour les SIAE. Pour leur part, les missions locales nous ont demandé d'augmenter de 77 millions d'euros les crédits qui les concernent, afin que leur enveloppe pour 2026 ne subisse pas de baisse par rapport à celle de 2025, qui était déjà en contraction

Toutefois, nous tenons un discours de responsabilité tant à l'égard des missions locales que des SIAE ; je leur ai donc indiqué que si elles ne voulaient pas être l'année prochaine sous le joug de Bercy, elles devaient piloter elles-mêmes leur propre décroissance. Elles en conviennent.

Sur la labellisation, je ne dispose pas d'informations particulières. En tendant cependant à une uniformisation de la qualité du service rendu, elle contribuera certainement à ce pilotage.

Un mot sur les aides à l'apprentissage qui, dirigées vers les apprentis ou vers les entreprises qui les emploient, donnent lieu à d'inépuisables débats, ce qui est logique. En effet, selon le lieu où l'on se trouve, les expériences de l'apprentissage ne sont pas nécessairement les mêmes.

L'année dernière, nous avions diminué les aides aux entreprises et adopté le principe, en vigueur à compter de l'été 2025, de leur participation forfaitaire des coûts contrats à hauteur de 750 euros pour tous les apprentis d'un niveau de formation supérieur à bac+3. Pour le budget de 2026, je prône la stabilité ; et c'est pourquoi, même si j'entends que chacun veuille défendre ses conceptions, je préférerais éviter que des amendements ne viennent encore bouleverser un système déjà complexe. Il importe que nous ne cassions pas la machine de l'apprentissage.

La partie apprentissage inclut par ailleurs une aide au permis de conduire, qui, vous l'avez relevé, peut s'agréger à d'autres aides, notamment en provenance des régions. J'en reste néanmoins à ma proposition de supprimer l'article 80 du PLF qui vise, lui, à ne pas maintenir cette aide spécifique.

Sur France Travail, tant ma proposition d'en rétablir les 515 ETPT que celle d'en diminuer la subvention à hauteur de 30 millions d'euros sont issues de concertations avec l'opérateur. France Travail réinternalisera sans doute un certain nombre de prestations - ce que plusieurs d'entre vous réclament - et s'engage à travailler à compter de 2027 à une baisse de ses effectifs. Le fait que la loi pour le plein emploi commencera alors à produire tous ses effets permettra en effet à l'opérateur de mieux calibrer ses ressources au regard des différentes missions qu'il lui revient d'assurer. Du reste, l'Unédic augmente dans le même temps le montant de sa participation et France Travail ne devrait donc pas connaître de difficultés financières.

Par ailleurs, arrivant à son terme, l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », étendue à 86 territoires au lieu de 50 comme initialement prévu, fera en 2026 l'objet d'un débat. Le PLF 2026 prévoit de lui consacrer 247 nouveaux ETP.

Enfin, les bilans de compétences ont donné lieu à des abus, avec des prix qui se sont envolés. Les encadrer davantage, du point de vue non seulement du coût, mais également, ainsi que le propose la Caisse des dépôts et consignations, en temps, avec un minimum de 13 heures, ne paraît pas anormal. Ils restent un outil non certifiant qu'il faut traiter comme tel, mais dont nous ne devons pas nous priver.

Article 49 (état B)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'amendement II-1272 concerne l'inclusion dans l'emploi des personnes en situation de handicap. Il vise à abonder de 22,3 millions d'euros les crédits correspondants de la mission.

L'amendement COM-II-1272 est adopté.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'amendement II-1273 concerne les SIAE. Nous proposons l'ajout de 139 millions d'euros en leur faveur, et nous diminuons, en compensation, les crédits du volet national du PIC.

L'amendement COM-II-1273 est adopté.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'amendement II-1274 vise à ajouter 100 millions d'euros à l'aide aux employeurs d'apprentis. Ce montant est également prélevé sur les crédits du PIC.

L'amendement COM-II-1274 est adopté.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Afin de financer le rehaussement des crédits consacrés à l'aide aux employeurs d'apprentis, l'amendement n°  II-1275 prévoit, d'une part, la suppression du volet national du PIC ainsi que la suppression de la dotation à France compétences, laquelle est équivalente à la contribution exigée de l'opérateur pour le financement du volet régional du PIC, et d'autre part, de diminuer de 30 millions d'euros la subvention pour charges de service public allouée à France Travail.

L'amendement II-1275 est adopté.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'amendement II-1276 concerne les missions locales. Il vise à rehausser de 77,65 millions d'euros leurs crédits, un montant de nouveau issu des fonds du PIC.

L'amendement II-1276 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Article 80

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'amendement II-1279 tend à supprimer l'article 80, qui vise à mettre fin à l'aide au permis de conduire en faveur des apprentis.

L'amendement n° II-1279 est adopté.

Article 81

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'amendement II-1280 a trait aux bilans de compétences. Il prévoit la suppression de l'alinéa 5 de l'article 81 visant à les exclure de l'éligibilité au CPF et, en conséquence, vient en plafonner la prise en charge.

L'amendement II-1280 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 81, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 55

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'amendement II-1278 a pour objet d'augmenter le plafond d'emploi de France Travail de 515 ETPT afin de stabiliser, en 2026, les effectifs de l'opérateur.

L'amendement II-1278 est adopté.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « Pensions » - Examen du rapport pour avis

M. Alain Milon, président. - Nous passons à présent à l'examen du rapport de Mme Pascale Gruny sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ». -Les dépenses de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions » servent à équilibrer des régimes de retraite déficitaires en raison d'un ratio démographique défavorable, qui est de surcroît accentué par la fermeture de plusieurs de ces régimes spéciaux.

L'évolution des crédits budgétaires qui leur sont dévolus dépend, d'une part, de l'évolution démographique, soit du nombre de départs en retraite et de décès, et, d'autre part, de la revalorisation annuelle des pensions sur l'inflation, qui influe sur le montant des pensions.

Les prévisions de dépenses de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions » qui figurent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 sont fondées sur la version du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) issue de la lettre rectificative. L'article 44 prévoyait ainsi le gel des pensions de retraite et des prestations sociales au titre de l'année 2026, et la sous-indexation de 0,4 point des seules pensions de retraite pour les années 2027 à 2030. L'article 45 bis, qui suspend l'application de la réforme des retraites, a introduit une sous-indexation supplémentaire des pensions de 0,5 point, soit 0,9 point au total en 2027, afin de financer partiellement cette mesure.

Or, comme vous l'avez vu en commission mixte paritaire, la navette parlementaire est source cette année de fortes discordances entre les deux chambres. L'Assemblée nationale a supprimé en première lecture l'article 44, et nous l'avons réintroduit pour la seule année 2026 en gelant la revalorisation des pensions de retraite supérieures à 1 400 euros bruts par mois. L'Assemblée nationale a ensuite élargi par amendement la suspension de la réforme des retraites aux départs en retraite anticipée pour carrière longue et catégories actives de la fonction publique. Le Sénat a, pour sa part, voté la suppression de cet article. Il nous reste désormais à attendre l'issue de l'examen de ce texte pour figer les prévisions de dépenses.

En tout état de cause, il apparaît que la suspension de la réforme des retraites de 2023 aurait un impact très limité sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » : parmi l'ensemble des régimes qu'elle abrite, les seuls auxquels cette réforme s'applique sont ceux de la SNCF et de la RATP. Ils ne seraient toutefois pas concernés par l'extension de la suspension aux départs en retraite anticipée votée par l'Assemblée nationale.

En revanche, l'extension de la suspension de cette réforme aux catégories dites « actives » de la fonction publique risquerait d'alourdir l'impact de l'article 45 bis sur le solde cumulé du CAS « Pensions », auquel les mesures de sous-indexation doivent rapporter 1,2 milliard d'euros d'économie en 2027.

J'en viens aux évolutions notables de la mission, dont presque l'ensemble des régimes sont désormais fermés, à l'exception de celui des marins, de la Comédie-Française et de l'Opéra de Paris. Au titre de l'année 2025, la mission bénéficie de 6 milliards d'euros de crédits, soit une diminution de 0,13 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025, qui se justifie par les hypothèses de sous-indexation des pensions sur l'inflation que j'ai précédemment détaillées.

Je m'attarderai un instant sur les régimes de la SNCF et de la RATP, qui figurent dans le programme 198 de la mission et qui représentent 69 % des crédits de cette mission. Comme je vous l'avais déjà exposé l'an dernier, ces régimes sont fermés depuis le 1er janvier 2020 pour la SNCF et le 1er septembre 2023 pour la RATP.

L'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2024 a réformé le financement de ces régimes spéciaux mis en extinction, pour les intégrer progressivement au régime général.

Ils continuent de percevoir le versement des cotisations des agents qui y étaient affiliés avant leur fermeture, et conservent la responsabilité du versement des pensions de ceux qui sont désormais retraités. Les nouveaux agents de la SNCF et de la RATP sont affiliés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et à l'Agirc-Arrco, qui perçoivent leurs cotisations sans avoir à financer leurs pensions avant plusieurs décennies, ce qui justifie qu'elles reversent une compensation à ces régimes. Leur financement est assuré dans la mission « Régimes sociaux et de retraites » par une subvention d'équilibre versée par la Cnav, qui reste ensuite bénéficiaire d'une contribution versée par l'Agirc-Arrco et d'une subvention d'équilibre versée par l'État.

La présidente Sylvie Vermeillet et moi-même appelons de nos voeux une transparence accrue des documents budgétaires afin de renseigner le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État, ce qui permettrait au contribuable de connaître le montant alloué à ces régimes par la solidarité nationale. La direction du budget nous a toutefois communiqué ces chiffres par écrit : en 2024, l'État a versé 204 millions d'euros pour équilibrer le régime de la SNCF et 45 millions d'euros pour équilibrer le régime de la RATP.

Le périmètre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » reste cette année inchangé : il comprend notamment le régime des marins, des mines et de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (Seita), ainsi que quelques petits régimes fermés tels que celui de l'ORTF. Les régimes de la Comédie-Française et de l'Opéra y ont également été transférés depuis 2024, dans une logique de rassemblement des régimes spéciaux percevant des subventions d'équilibre. Le régime du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui est fermé depuis le 1er septembre 2023, pourrait être intégré dans la mission en 2026.

J'en viens à présent au second volet de mon avis budgétaire, qui concerne le CAS « Pensions ». Ce dernier retrace les opérations relatives aux pensions de retraite et aux avantages accessoires gérés par l'État, tels que les pensions d'invalidité, les droits familiaux et les dépenses de retraite anticipée. Ses recettes seraient en hausse de 2,08 % et ses charges en baisse de 0,01 % par rapport à la LFI de 2025.

Le CAS « Pensions » est soumis par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) à une obligation d'équilibre, en vertu de laquelle son solde budgétaire cumulé doit être excédentaire à tout instant.

Jusqu'en 2021, le CAS « Pensions » enregistrait des soldes annuels excédentaires, portés par la dynamique vertueuse d'une faible inflation, du relèvement des taux de contribution employeur de l'État, et de la montée en charge de la réforme des retraites de 2010. Cette tendance s'est inversée depuis 2022. Cela est lié au fait que 95 % des dépenses du CAS « Pensions » sont attribuées au programme 741, relatif aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État, dont le ratio démographique ne cesse de se dégrader en raison de la politique de maîtrise de la masse salariale pratiquée depuis plusieurs années. Il serait désormais de 0,9 cotisant pour un retraité. Depuis 2022, le CAS « Pensions » enregistre des soldes annuels déficitaires de plus en plus importants : son solde annuel était de - 500 millions d'euros en 2023, et s'est aggravé à - 3,5 milliards d'euros en 2024, en raison de la forte revalorisation des pensions sur l'inflation. Les prévisions de 2024 projetaient un solde cumulé déficitaire dès 2025, ce qui explique que le PLF pour 2025 ait augmenté de 4 points le taux de contribution employeur au titre des personnels civils, qui s'élève ainsi désormais à 78,28 %. Pour respecter l'objectif fixé par la Cour des comptes d'un solde cumulé supérieur à 1 milliard d'euros, le Gouvernement propose dans le PLF pour 2026 d'augmenter ce taux de 4 points au 1er janvier 2026, pour le porter à 82,28 %.

Selon la comptabilité retenue, l'essentiel des recettes du CAS « Pensions » est constitué des contributions des employeurs des fonctionnaires civils, ce qui explique que le CAS soit équilibré par l'ajustement de ce taux.

Pour autant, plusieurs études ont récemment dénoncé dans le débat public le fait que ce taux masque en réalité une subvention versée par l'État pour équilibrer le ratio démographique. Si l'on ajuste le taux de contribution des employeurs de fonctionnaires civils à celui des employeurs de salariés privés, soit 16,58 %, il apparaît que sur les 52,4 milliards d'euros versés actuellement au titre de cette contribution, 41 milliards d'euros seraient dévolus à la subvention d'équilibre de l'État et 11 milliards d'euros résulteraient de la seule contribution des employeurs.

Il serait toutefois réducteur de ne pas prendre en considération la différence d'assiette de cotisations : l'assiette des fonctionnaires ne porte que sur leur traitement indiciaire brut hors primes. En outre, pour le régime général, les avantages familiaux et les pensions d'invalidité sont respectivement pris en charge par les branches famille et maladie pour les salariés du privé. Selon les différents calculs effectués par le Conseil d'analyse économique (CAE) et l'Institut des politiques publiques (IPP), le taux de contribution employeur rectifié après retranchement de la subvention d'équilibre serait compris entre 25,4 % et 34,7 % - bien loin des 82,28 % qui sont annoncés au 1er janvier 2026 !

Si la ministre des comptes publics a fait part de son souhait d'accroître la transparence comptable du CAS « Pensions », la direction du budget m'a toutefois alertée sur le fait qu'une baisse du taux de contribution employeur entraînerait une baisse de la dépense publique et des dotations allouées à certains opérateurs de l'État, lesquels devront nécessairement être financés par des taxes affectées. J'ai conscience que ce travail de réforme de la comptabilité du CAS « Pensions » que j'appelle de mes voeux doit être mené par anticipation et j'espère qu'il sera effectif l'année prochaine. Il me semble nécessaire pour rétablir le coût salarial réel des fonctionnaires et mettre fin au débat sur le déficit caché de la fonction publique.

À l'aune de l'ensemble de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ». Comme je l'indiquais déjà l'année dernière, nous ne pouvons faire obstacle au paiement des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires.

Mme Monique Lubin. - Il me semble reconnaître en filigrane de votre rapport - le nom n'en est jamais prononcé - la fameuse théorie du déficit caché des régimes de retraite.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Santé » - Examen du rapport pour avis

Le compte rendu de cette audition sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 11 h 08.