- Mercredi 10 décembre 2025
- Industrie textile - Audition de MM. Olivier Ducatillon, président de l'Union des industries textiles (UIT), Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du commerce, et Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin
- Proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 10 décembre 2025
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 50.
Industrie textile - Audition de MM. Olivier Ducatillon, président de l'Union des industries textiles (UIT), Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du commerce, et Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui devant notre commission, pour une table ronde sur l'industrie textile, M. Olivier Ducatillion, président de l'Union des industries textiles (UIT) ; M. Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin et vice-président de l'Union française des industries de la mode et de l'habillement (Ufimh) - nous l'écouterons avec ces deux casquettes -, qui est d'ailleurs accompagné de M. Pierre-François Le Louët, co-président de l'Ufimh ; enfin, M. Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce, qui comprend aussi la Fédération des enseignes de l'habillement (FEH). Votre président, M. Bernard Cherqui, qui n'a pas pu se rendre disponible ce matin, est président à la fois de l'Alliance du Commerce et de la FEH.
Le paysage des fédérations et des syndicats du secteur textile est complexe : vous pourrez bien entendu y revenir et nous éclairer.
Je relève, pour ma part, que l'UIT rassemble plutôt l'amont de la filière, à savoir la transformation de fibres textiles en fils et en tissus, par le biais du tissage ou du tricotage ; ensuite, l'Ufimh regroupe quatre fédérations de la fabrication de vêtements, dont la plus importante est la Fédération du prêt-à-porter féminin ; enfin, l'Alliance du commerce regroupe la plupart des grandes enseignes que nous connaissons : Galeries Lafayette, Printemps, Kiabi, La Halle, Celio, Zara, H & M, Uniqlo, Primark, C & A, etc.
L'industrie textile française, déjà très fragilisée depuis plusieurs décennies, tendait à se stabiliser, mais elle se trouve aujourd'hui particulièrement en danger, avec des acteurs internationaux dont les coûts de revient sont jusqu'à dix fois inférieurs.
En effet, dans la période récente, la fast fashion - ou « mode ultra express » - crée une rupture profonde avec les équilibres historiques du secteur avec des logiques de volume, de vitesse et de prix inédites.
Un chiffre doit tous nous alerter : 97 % des vêtements vendus en France sont importés, selon la dernière étude disponible à ce sujet, une note de 2021 de l'Institut français de la mode (IFM) mobilisant des données de l'Insee. Il est probable que la situation se soit encore dégradée depuis. Vous pourrez revenir sur ce chiffre, car je sais qu'il peut être discuté : il dépend en effet du périmètre retenu au niveau industriel et commercial, ainsi que du recours au critère du pays d'assemblage, qui représente la dernière étape de transformation.
Dans ce contexte, quelles sont les conséquences de l'hyper-concurrence internationale et, en particulier, de l'explosion d'importations de vêtements à bas prix basés sur des fibres synthétiques et vendus via les plateformes de la fast fashion ?
Comment remédier à cette situation au plan industriel ? Une réindustrialisation est-elle encore possible ?
Le commerce physique est lui-même désormais menacé par des plateformes étrangères qui vendent directement depuis l'étranger aux consommateurs et livrent via des petits colis. On parle même de « décommercialisation ».
D'un côté, les marques françaises assument des coûts fixes lourds en matière de loyers, de fiscalité ou de charges sociales et réglementaires ; de l'autre, les acteurs étrangers de la fast fashion fonctionnent sans infrastructures ni respect strict des législations nationales. Comment lutter efficacement contre cette concurrence déloyale ?
Voilà les quelques questions que je soumets à votre sagacité ; elles permettront, je l'espère, de contribuer à poser un diagnostic clair sur la situation et sur les voies et moyens permettant de s'en sortir, en créant de meilleures conditions juridiques et économiques en faveur de notre filière textile.
Je vous rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et d'une diffusion en direct sur le site du Sénat.
M. Olivier Ducatillion, président de l'Union des industries textiles. - Merci de nous donner l'opportunité de nous exprimer devant cette commission. Mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, mes confrères et moi-même représentons les différentes branches de cet écosystème textile parfois un peu difficile à cerner.
Le textile n'est pas une nostalgie, mais une solution. Malgré l'amalgame qui est fréquemment fait, le textile ne se résume pas à l'habillement, même si nous sommes fiers du fait que près de la moitié de nos adhérents travaillent pour ce secteur. L'habillement, qui comprend la sous-traitance du luxe, représente 40 % de l'activité, au service notamment de toutes les grandes maisons qui se sont battues pour préserver les savoir-faire sur notre territoire, dans le cadre de la chaîne de valeur que vous avez décrite, qui se déploie depuis la fibre jusqu'à la confection.
Nous représentons 2 200 entreprises et 16 milliards d'euros de chiffre d'affaires, avec près de 60 000 salariés. À la fin des années 1970, nous étions plus de 400 000 salariés : le textile a donc déjà payé un lourd tribut, mais l'ensemble de la chaîne de valeur est encore présente sur le territoire.
Vous avez eu raison de mentionner l'assemblage : il faut parfois accepter que tout ne puisse pas être fait en France pour un produit fini. Si nous essayons bien sûr de réaliser le maximum d'opérations, nous préférons que le fil, le tissu et le tricot soient produits en France et que la confection soit parfois réalisée à l'étranger plutôt que l'inverse du point de vue de la valeur ajoutée créée sur le territoire.
Nous couvrons donc trois domaines : le luxe et l'habillement, qui représentent 40 % de l'activité ; l'ameublement, qui en représente 10 % ; et enfin le textile technique, qui, souvent méconnu, est celui qui se porte le mieux actuellement. Savez-vous que la pointe de la fusée Ariane est faite de textile ? Que le leader mondial des prothèses pour les hernies discales est une société textile française ? N'ayez plus l'image d'usines effrayantes telles que pouvait les décrire Émile Zola, car nous parlons de sites de production modernes utilisant du plasma : voilà ce qu'est devenu le textile, présent dans tous les domaines de notre vie quotidienne - l'agriculture, le sport, la santé, la défense, l'aéronautique et, bien sûr, l'habillement.
Pour autant, si cette partie de l'activité se développe, celle qui est liée à l'habillement souffre de maux clairement identifiés, à commencer par l'hyper-concurrence déloyale et la dérégulation des importations. Nous sommes impliqués par ricochet dans ce combat, car les sous-traitants tels que les tisseurs, tricoteurs, ennoblisseurs et teinturiers pâtissent du faible niveau d'activité des sociétés avec lesquelles ils travaillaient par le passé, ainsi que d'une consommation en berne : il s'agit pourtant d'un maillon aussi crucial que stratégique pour notre filière, et nous souhaitons vous alerter sur leur situation.
Notre deuxième fardeau est celui de la transition énergétique : alors que nous disposions d'un avantage concurrentiel certain, nos activités énergo-intensives rencontrent un réel problème de compétitivité liée au prix du gaz et même à celui de l'électricité. Nous avons en effet parfois du mal à être reconnus comme secteur stratégique ou soumis à la concurrence internationale.
Enfin, nous sommes, à l'instar de l'agriculture et de l'industrie automobile, confrontés à l'avalanche de normes et de réglementations. Même si j'entends parler de simplification depuis une quarantaine d'années, force est de constater que ce chantier n'a guère avancé. Nous demandons un réel effort en la matière, d'autant plus que notre industrie est composée à 80 % de PME.
La France veut souvent laver plus blanc que blanc, mais nous appelons clairement, dans un contexte de mise en danger de notre économie, à mettre fin à la surtransposition de normes qui ne fait que fragiliser l'ensemble de notre économie.
La problématique des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) l'illustre : nous ne sommes absolument pas opposés à la recherche d'alternatives - qui n'existent pas à ce jour -, mais nous sommes les seuls en Europe à vouloir interdire les PFAS dès le 1er janvier 2026, ce qui signifie que nous allons nous retrouver dans une situation ubuesque où nos entreprises seront les seules à ne pas pouvoir exporter ou importer des produits contenant des traces de PFAS.
J'ajoute que la présence de ces substances reste encore floue à ce jour et nous demandons donc des dérogations afin de ne pas être les seuls à appliquer une règle, alors que ceux qui exportent des produits vers notre pays n'y sont pas soumis.
Que faire face à cette situation ? Il convient de rétablir les conditions d'une concurrence équitable par le biais d'une réforme douanière, ce qui implique certes une décision européenne, mais sans doute aussi une plus grande audace sur notre territoire, quitte à s'exposer à une sanction de l'Union européenne : en effet, même si je n'aime guère citer le personnage en exemple, la seule mesure efface contre la fast fashion a été prise par Donald Trump avec sa taxe de 100 dollars qui a réussi à ralentir ce tsunami de petits colis. En France, des avancées encourageantes ont certes été enregistrées, même s'il a fallu l'affaire des poupées sexuelles à caractère pédopornographique pour accélérer. Il faut taper fort et taper vite !
En termes de soutien, il faudrait que nous puissions aller aussi vite que nos concurrents et continuer à innover. Dans une tribune récente sur la nouvelle géographie industrielle de la France, publiée le 29 novembre 2025 dans le journal Le Monde, Louis Gallois et Pierre-André de Chalendar, coprésidents du laboratoire d'idées La Fabrique de l'industrie, ont alerté en évoquant des transferts technologiques inversés : jusqu'à présent, lesdits transferts s'effectuaient de l'Europe vers la Chine, mais nous observons désormais le phénomène inverse.
Enfin, la commande publique doit jouer un rôle. Au moment où nous affrontons des difficultés budgétaires, je pense qu'il existe un consensus autour de la nécessité de créer de la richesse pour continuer à financer notre système social, ce qui implique de produire en France. À cet effet, il faut, en faisant preuve de courage, être moins naïfs et mieux flécher nos marchés publics vers nos entreprises, qui n'ont besoin que de commandes, le reste n'étant que littérature.
Nous venons de publier une étude en lien avec le cabinet KPMG, qui montre qu'un achat public effectué directement depuis l'import ne contribue en rien au financement de notre modèle social ; en revanche, si une entreprise française assume deux tiers de ce même marché public, 84 % du chiffre d'affaires réalisé rejaillit - ou « ruisselle », mais le mot peut choquer - dans le pays, dont 22 % dans les caisses de l'État et 62 % sur la sous-traitance et les services.
En clair, un marché qui serait payé 100 euros à un acteur chinois pourrait l'être à hauteur de 180 euros en retenant une entreprise hexagonale. Selon nous, il faudrait intégrer un coefficient favorisant nos entreprises, car il y a urgence pour notre secteur.
M. Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du commerce. - Mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, merci pour votre invitation. J'aborderai plus spécifiquement la situation du commerce de mode.
L'Alliance du commerce réunit les grands magasins et les enseignes de mode, c'est-à-dire les réseaux d'habillement et de chaussures présents dans notre pays, de l'entrée de gamme jusqu'au premium. Je voudrais partager avec vous un constat mêlant lucidité et ambition pour notre secteur, qui connaît une profonde transformation. S'il est confronté à de réelles menaces, il est aussi porteur de solutions, d'emplois et d'une véritable résilience face à l'adversité.
Tout d'abord, le commerce de mode reste un secteur essentiel dans la vie économique de notre pays, avec environ 200 000 salariés et 36 000 établissements répartis sur l'ensemble de notre territoire. Il occupe une place unique dans la vie des Français, une étude réalisée en début d'année ayant montré que 90 % de nos concitoyens fréquentent les commerces de mode et qu'un Français sur trois le fait au moins une fois par mois. De surcroît, un très grand nombre d'entre eux considèrent ce passage, au-delà de l'acte d'achat, comme un véritable moment de plaisir et de lien social au coeur de nos territoires. Cette dimension sociale est essentielle, car la mode ne se résume pas à un acte d'achat, elle est aussi un rapport à soi et à l'image.
Ensuite, il s'agit d'un secteur d'emploi et d'insertion sociale, puisque près d'un jeune sur cinq commence sa carrière professionnelle dans le commerce ; s'ils souhaitent s'y engager sur le long terme, ils pourront accomplir des carrières extrêmement intéressantes.
Le commerce de mode est également un vecteur d'entrepreneuriat : un tiers des commerces de mode ouvrent via de la franchise ou de l'affiliation, c'est-à-dire à l'initiative d'entrepreneurs locaux qui sont souvent installés dans les territoires.
Nous avons aussi la chance de disposer de leaders de la mode sur tous les segments, de l'entrée de gamme avec Kiabi jusqu'au haut de gamme avec le groupe SMCP, par exemple. De plus, nous sommes attractifs aux yeux des enseignes internationales, qui créent massivement de l'emploi sur notre territoire.
Cela étant, le secteur se transforme et il est exposé à d'importantes contraintes. La première évolution a trait aux ventes sur internet, qui représentent 23 % des parts de marché ; s'y ajoute la révolution de l'intelligence artificielle (IA), aussi bien générative qu'analytique, qui trouve de nombreux cas d'usage, qu'il s'agisse de la conception des produits ou de nos campagnes marketing.
La deuxième évolution majeure est la circularité et notamment la seconde main, qui représente déjà un marché de plus de 6 milliards d'euros. Il s'agit d'une tendance durable à laquelle participent de nombreuses enseignes, en magasin ou en ligne, et qui répond à une double demande de nos concitoyens, à savoir une consommation plus responsable et la prise en compte d'un pouvoir d'achat de plus en plus contraint. À la lecture des différentes enquêtes, on constate d'ailleurs que la mode et l'habillement comptent malheureusement parmi les premiers achats auxquels les ménages renoncent lorsqu'ils n'en ont plus les moyens : les arbitrages de consommation ont donc été extrêmement défavorables au secteur de la mode ces dernières années.
Enfin, nos commerces de mode connaissent une profonde transformation territoriale, ce qui vous intéressera particulièrement. Les alertes relatives au taux de vacance commerciale se sont multipliées ces derniers jours dans la mesure où cette dernière devrait atteindre 11,5 % en moyenne, étant précisé qu'elle s'élève à plus de 16 % dans les galeries commerçantes. Gardons-nous, toutefois, de dépeindre un tableau complètement noir : certaines villes vont bien et se transforment, mais d'autres continuent à souffrir, ce qui m'amène à préconiser de véritables politiques territoriales en faveur du commerce.
Ce panorama de la transformation en cours étant dressé, j'en viens à la menace majeure qui fragilise durablement les acteurs français, à savoir l'émergence de plateformes en ligne extraeuropéennes. Voici quelques chiffres pour l'illustrer : Shein compte 5 millions de visiteurs uniques par jour ; Temu en enregistre 4,5 millions, tout comme AliExpress : à elles trois, ces plateformes représentent déjà, en volume, presque 4 % des achats d'habillement dans notre pays. J'ajoute que le volume des produits mis en marché par les plateformes pure player a augmenté de 30 % en 2024, selon le baromètre de notre éco-organisme.
Soyons clairs : la question qui se pose ici n'est pas celle de la concurrence, qui a toujours existé dans le secteur de la mode ; ni celle des marketplaces, qui sont un modèle de relation client appelé à croître dans les années à venir ; ni celle de la mondialisation, qui touche l'ensemble de nos segments ; mais bien celle du respect de nos règles et de nos valeurs communes, qui sont aujourd'hui bafouées.
Les pratiques observées sur ces plateformes sont inacceptables : faux rabais, fausses informations, marketing agressif, produits non conformes, voire dangereux. Ces pratiques ont été condamnées à de nombreuses reprises par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et par la Commission européenne, qui a ouvert de nombreuses enquêtes. S'y ajoutent des avantages commerciaux qui créent une véritable distorsion : absence de droits de douane, non-paiement de la taxe affectée sur l'habillement dont s'acquittent normalement tous les importateurs, tarifs postaux parfois plus avantageux et subventions par le pays d'origine.
Le constat est simple : ces acteurs ont basé leur croissance sur les failles de notre réglementation et de nos contrôles, le risque présentant un caractère systémique alors que notre secteur a déjà perdu, en l'espace de dix ans, plus de 14 000 établissements et 50 000 emplois.
Fort heureusement, plusieurs leviers d'action existent, à commencer par celui de l'équité concurrentielle. Nous saluons la décision de la Commission européenne de supprimer l'exemption de droits de douane au premier trimestre 2026 et l'instauration de frais de gestion sur les petits colis à compter du 1er novembre 2026 ; il faut maintenant que ces mesures entrent rapidement en vigueur et que les promesses soient tenues.
Les entreprises prennent également leurs responsabilités, puisque douze organisations professionnelles - notamment celles qui sont à mes côtés aujourd'hui - et une centaine de marques ont lancé une action en concurrence déloyale pour demander à la justice la réparation du préjudice subi depuis maintenant cinq ans.
Le deuxième levier à actionner est celui des contrôles et des sanctions, qui ne sont actuellement pas à la hauteur. En 2024, 775 millions de colis ont été reçus, mais seuls 94 000 contrôles physiques ont été effectués, c'est-à-dire moins de 0,01 % du volume : il faut absolument les renforcer.
En l'occurrence, ce ne sont pas tant les règles qui font défaut que la longueur des procédures : à titre d'exemple, la sanction de 40 millions d'euros qu'a infligée la DGCCRF à Shein en juillet 2025 résulte de contrôles effectués entre la fin 2022 et le début 2023. Il aura donc fallu trois ans pour parvenir à une sanction effective du non-respect de nos règles. De la même manière, la Commission européenne a ouvert une série d'enquêtes, dont certaines ont été lancées depuis le début de l'année 2024 et sont toujours en cours, sans mesures fortes ni sanctions. Or nous savons que ces acteurs sont extrêmement agiles et nous devons donc l'être aussi, en accélérant les procédures, en appliquant peut-être des mesures préventives plus fortes et en fixant des montants de sanctions véritablement dissuasifs.
Par ailleurs, nous devons accompagner la transformation de nos commerces, qui doivent assumer des charges d'exploitation qui représentent la principale dépense après les salaires. De nombreux commerces s'acquittent ainsi de loyers qui ne correspondent plus à la réalité de leur activité. Deux mesures simples pourraient remédier à cette situation.
Vous avez voté, dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique, la mensualisation du paiement des loyers pour les commerçants, ce mécanisme ayant fait l'objet d'un accord au sein du Conseil national du commerce (CNC) au début de l'année 2024. Nous attendons toujours sa mise en oeuvre et espérons que ledit projet de loi pourra aller à son terme.
La seconde mesure consiste à faciliter la révision des loyers lorsque les facteurs locaux de commercialité ont évolué, les dispositions actuelles étant trop restrictives.
À la veille des élections municipales, nous avons besoin de politiques locales engagées en faveur du commerce, de l'accessibilité, de la réhabilitation du logement et du retour d'emplois dans nos centres-villes, ce qui permettra de leur redonner vie.
J'en viens au made in France, qui représente vous l'avez dit 3 % des volumes mis en marché. Nos grandes enseignes y contribuent, Kiabi et Jules ayant rouvert une usine de jeans dans le Nord de la France tandis que Monoprix ou Promod proposent des produits fabriqués dans l'Hexagone. Cette part reste certes modeste et nous devons aller plus loin, en travaillant sur nos facteurs de compétitivité prix et hors prix, des reculs ayant hélas été enregistrés en matière d'innovation et de savoir-faire.
En conclusion, une opportunité commune de l'industrie du textile réside dans le recyclage : nous ne collectons que 30 % à 40 % des 900 000 tonnes de déchets produites chaque année et devons faire mieux. C'est tout l'objectif de la révision du cahier des charges de notre éco-organisme Refashion, dans le cadre de la filière à responsabilité élargie du producteur des textiles d'habillement, linges de maison et chaussures (REP-TLC). Nous devons oeuvrer ensemble à faire de ces déchets une opportunité de création de valeur sur notre territoire, par le recyclage et la réincorporation de la matière dans nos chaînes de production.
Le commerce de mode n'est pas en fin de vie, mais doit être agile et réactif : nous comptons sur vous.
M. Pierre-François Le Louët, co-président de l'Union française des industries de la mode et de l'habillement. - Merci pour votre invitation. Les différentes fédérations de la mode qui sont aujourd'hui devant vous sont toutes rassemblées au sein du comité stratégique de la filière mode et luxe, ce dernier nous permettant d'échanger et de coordonner nos actions.
Je représente trois fédérations du prêt-à-porter, qui regroupent les marques de mode ainsi que les confectionneurs français. Ces derniers sont essentiellement basés dans les quatre régions de l'Ouest de la France et représentent une part importante de notre industrie, souvent alimentée par les marques de luxe.
Les marques que je représente aujourd'hui sont des marques premium, que nous devons faire rayonner au bénéfice de l'image de la France. La mode compte en effet parmi les principaux vecteurs qui nourrissent le soft power de notre pays dans le monde entier : il s'agit d'un vrai point de différenciation et d'un atout que nous devons préserver dans un contexte où notre marché intérieur baisse depuis maintenant une dizaine d'années.
Le marché de l'habillement en France pèse environ 37 milliards d'euros de chiffre d'affaires, mais je souhaite insister sur le fait que les marques concernées représentent bien plus que l'habillement : par exemple, les cosmétiques Dior n'existeraient pas sans la marque de mode Dior, tout comme Yves Saint Laurent Beauté - qui réalise plus de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires - n'existerait pas sans la marque Yves Saint Laurent.
Si le coeur de notre activité est l'habillement et la maroquinerie, il convient donc de souligner que nous rayonnons sur bien d'autres segments de marché, tant et si bien que le chiffre d'affaires cumulé des marques de mode représente 150 milliards d'euros - c'est-à-dire davantage que l'automobile et l'aéronautique - et près de 650 000 emplois. S'y ajoute le fait que l'habillement et la mode sont au coeur des discussions des jeunes sur les réseaux sociaux, ce qui en fait bien un phénomène culturel, et non pas seulement un phénomène économique. Or cet ensemble fait face à un réel danger de déclassement compte tenu de l'ensemble des attaques listées par MM. Ducatillion et Petiot.
Nous défendons avant tout la désirabilité de nos marques, qui se base à la fois sur une puissance créative et une vision de l'innovation : nous devons embrasser la transformation numérique de notre secteur, car nous sommes attaqués par des géants du numérique, sans être hélas encore au niveau requis. Ladite désirabilité repose sur nos savoir-faire implantés en région et sur les sociétés labellisées « Entreprise du patrimoine vivant », qui les entretiennent et les développent ; sur la transition écologique ; et enfin sur le développement international.
Tous ces axes peuvent être déployés grâce à l'aide de deux organismes : tout d'abord, l'IFM, école de référence mondiale créée à Paris grâce aux efforts conjoints de toutes les fédérations professionnelles et qui rassemble à la fois les savoir-faire et la création d'excellence. Or le Gouvernement a décidé de couper en 2026 la maigre aide de 2 millions d'euros qui lui était accordée, ce qui est affligeant au plan stratégique. Le deuxième organisme est le comité de développement et de promotion de l'habillement mode (Defi), dont le Gouvernement a décidé de réduire de 30 % les recettes. Par conséquent, des centaines d'entreprises ne pourront plus bénéficier du soutien à la transition écologique, au développement international, à l'innovation et à la création, dans le contexte difficile que nous connaissons.
Il y a là un véritable problème de cohérence des politiques publiques, car nous parlons de 5 millions d'euros d'aides pour une filière qui génère, encore une fois, 150 milliards d'euros de chiffre d'affaires et qui emploie 600 000 salariés. Notre impact, loin de se résumer à l'aspect économique, est aussi social, d'où le nécessaire débat de société face à la montée en puissance absolument scandaleuse de ces plateformes numériques de mode ultra express.
Lesdites plateformes sont synonymes d'une quadruple peine, à commencer par une peine fiscale : paient-elles la TVA et l'ensemble des taxes mentionnées par M. Petiot ? J'en doute. Elles sont aussi une peine économique, puisqu'elles entraînent des destructions d'emplois, mais aussi une peine sociale, avec la disparition du commerce de centre-ville auquel vous êtes évidemment particulièrement sensibles. Il s'agit, enfin, d'une peine environnementale, avec la crise suscitée par l'explosion des volumes de vêtements qui engorgent désormais toutes les poubelles de France.
À la veille des élections municipales, ce dernier aspect n'est pas à sous-estimer, car notre éco-organisme Refashion n'arrive plus à collecter, ni à trier, ni à recycler une telle masse de produits, souvent de mauvaise qualité. Nous avons donc un besoin urgent d'une réforme du cahier des charges de Refashion.
En conclusion, nous comptons sur votre soutien sur l'ensemble des points qui ont été abordés. Comme vous pouvez le constater, nous sommes très combatifs, les trois familles de la mode ici rassemblées étant parfaitement alignées pour mener ce combat contre l'ultra fast fashion, dont Yann Rivoallan a été sans doute le plus grand porte-voix.
M. Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin et vice-président de l'Union française des industries de la mode et de l'habillement. - Vous pardonnerez un langage assez peu châtié dans cette vénérable institution, mais nous vendons actuellement de la merde à 27 millions de Français, qui achètent des produits ne respectant aucune norme sur la plateforme Shein, tandis que des pédocriminels achètent des poupées sexuelles ; s'y ajoutent des armes, voire des médicaments, qui ont été peu évoqués dans les médias, mais qui sont bien présents, aussi bien sur Shein, Temu, AliExpress que via TikTok.
Le moment que nous connaissons correspond donc à un effondrement complet, car un tiers des Français sont capables d'acheter des produits qui détruisent leur santé, notre économie et le tissu social de nos régions, départements et villes. Il s'agit bien d'un moment de rupture majeure et, si nous ne réagissons pas face à ces plateformes, nous connaîtrons, après la désindustrialisation, la fin des boutiques : le taux de vacance, qui s'élève déjà à 11 %, pourrait très rapidement atteindre 20 % et plus, ce qui ne signifierait pas moins que la mort des centres-villes et des centres commerciaux.
L'innovation est au coeur du sujet, car Shein est avant tout une société d'IA : là où une marque de mode française crée environ 10 000 produits tout au long de son existence, cette plateforme en crée chaque jour le même nombre - voire davantage -, mais uniquement à base de plastique, avec des produits très majoritairement constitués de polyester. On peut même parler de vol à l'étalage dans la mesure où Shein ne produit que des contrefaçons et vole des données aux marques comme aux consommateurs : l'Union européenne a démontré que cette plateforme collecte les données, même si l'internaute refuse les cookies en naviguant sur son site, afin de vendre tous ces produits d'une qualité exécrable.
Ce vol se conjugue à une exploitation d'un niveau inimaginable, des reportages ayant montré les ateliers dans lesquels les ouvriers sont payés un centime par vêtement fabriqué, ce qui n'empêche pas Shein de nous mentir en nous faisant croire que les produits sont fabriqués dans les mêmes ateliers que ceux qu'utilisent les marques que nous représentons. L'arnaque est relativement basique : la plateforme identifie les ateliers concernés et y fait fabriquer un seul produit ! Dans la réalité, des villages entiers travaillent pour Shein et sont des espaces d'exploitation qui ne peuvent exister qu'en Chine, en raison du caractère totalitaire de ce pays.
Le système Shein s'articule donc autour de la contrefaçon, de l'exploitation et du transport de marchandises uniquement par avion. En effet, sa force réside aussi dans sa capacité à fabriquer un produit en trois jours pour l'expédier immédiatement par voie aérienne, avec les dégâts environnementaux qui en résultent.
De surcroît, la plateforme n'acquitte ni TVA ni taxe sur les produits importés, soit des pertes fiscales qui se comptent en millions d'euros, voire en milliards d'euros. La marchandise arrive finalement dans les paniers de nos consommateurs, désormais convaincus qu'un tee-shirt ne doit pas coûter plus de 3 euros : par conséquent, une marque française qui propose un tee-shirt qui peut coûter jusqu'à dix fois plus lorsqu'il est produit localement passe pour une voleuse. Shein nous vole donc tous les jours, et nous passons pour des voleurs à cause d'eux !
Comment stopper ce phénomène ? Il faut agir rapidement, à la fois sur le plan de l'IA et dans le domaine fiscal, en envisageant des taxes « à la Trump » bien plus dissuasives au niveau européen. En outre, il nous faut réfléchir à la manière dont nous pourrions rehausser le pouvoir d'achat des Français : à la différence de notre génération, les jeunes de la « Gen Z » n'ont pas connu les chaussettes reprisées et les pull-overs que l'on pouvait porter de père en fils, alors que ce prolongement de la durée de vie des objets permettait de faire des économies.
La reconquête du pouvoir d'achat passe par la qualité et par la création de beaux emplois de proximité dans toutes les villes, tout en conservant des usines et de la puissance industrielle.
Plusieurs pistes s'offrent à nous afin de modifier notre logiciel et de redonner du pouvoir d'achat comme de la qualité à nos concitoyens, à commencer par le recyclage. Nous devons en effet être très offensifs sur la seconde main afin de nous protéger de ces produits nocifs pour l'environnement et le pouvoir d'achat, en encourageant Refashion à développer l'innovation et la réparation. N'oublions pas que le made in France n'est pas seulement fabriqué par nos entreprises, mais aussi par chacun d'entre nous : en allant chez un retoucheur ou un cordonnier, les Français peuvent soutenir les 30 000 commerces du secteur, qui représentent autant d'emplois de proximité.
Enfin, nous avons la chance de disposer d'ingénieurs extraordinaires, avec des sociétés telles qu'Autone, qui propose des solutions pour la gestion des stocks, ou encore Losanje, active dans l'upcycling, c'est-à-dire la fabrication de nouveaux vêtements à partir de vieux stocks. L'innovation peut donc nous permettre de rester compétitifs, de proposer de meilleurs produits à nos clients et de préserver la planète.
Je vous propose donc d'en finir avec ces plateformes et de miser sur l'environnement, l'innovation et le pouvoir d'achat, de manière à ce que le textile soit une industrie majeure, au service du bonheur des Français et du rayonnement du pays.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie pour ces interventions très fortes.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nous partageons largement votre diagnostic. Le choc de la fast fashion fait écho à nos débats sur le volet alimentaire et, notamment certains traités, tels que celui passé avec le Mercosur. Des tonnes de produits viennent inonder nos marchés sur fond de concurrence déloyale.
Comment entendez-vous convaincre la jeune clientèle de choisir la tradition française et les matériaux nobles ? Il me semble que la fast fashion touche majoritairement les jeunes générations, biberonnées à l'achat en ligne sur leurs portables : comment les inciter à faire des choix qui assureront la compétitivité de nos filières ?
Et comment faire pour que le textile en provenance de l'étranger ne vienne pas saturer le système de recyclage ?
M. Rémi Cardon. - Je viens d'Amiens, ville drapière qui a longtemps vécu au rythme des ateliers et des métiers à tisser qui faisaient la force du territoire. Notre filière textile doit désormais se réinventer, le modèle mondialisé actuel fragilisant les ressources, ne respectant pas les humains et abimant parfois les territoires.
La perma-industrie offre une autre voie, inspirée de la nature : elle consiste à créer de façon responsable, en s'adaptant au terrain, en favorisant la diversité et en retrouvant les équilibres. Deux personnalités ont contribué à la mettre en lumière : Thomas Huriez, avec la marque de jeans 1083, qui a prouvé qu'il était possible de relocaliser, et Éric Boël, aux Tissages de Charlieu, qui a également montré que l'on pouvait produire autrement, en symbiose avec les territoires.
Êtes-vous prêts à valoriser ces exemples afin de marquer le début d'un nouveau modèle pour le textile français ? Deux choix s'offrent aux Français : celui du n'importe quoi et du n'importe comment, au travers des plateformes que vous avez citées ; ou celui de la qualité, de la proximité et des emplois qualifiés. Comment amplifier le mouvement vers la seconde option ?
Mme Amel Gacquerre. - Je suis sénatrice du Pas-de-Calais, qui appartient à une région reconnue pour avoir été - et demeurer - un fleuron de l'industrie textile et de l'habillement, la moitié des emplois et des activités restant concentrée dans la métropole lilloise.
En tant que représentants des territoires, nous sommes particulièrement préoccupés par les impacts de la mutation du secteur dans nos communes, qui se traduit par des fermetures massives de commerces d'habillement. Confrontés à la concurrence déloyale et aux changements des habitudes de consommation, ces derniers sont d'autant plus fragilisés par des loyers exorbitants dans les centres-villes.
Parfois, le volontarisme des élus permet de lutter contre la vacance commerciale, avec des dispositifs tels que le plan « Action coeur de ville », mais je souhaiterais connaître votre vision de l'avenir des commerces dans nos villes : pourront-ils véritablement revenir, y compris sous de nouvelles formes ?
M. Olivier Ducatillion. - Pour ce qui est des réponses à apporter, je distinguerai l'action à court terme, qui consisterait à « renverser la table » en prenant des décisions aussi rapides que dissuasives pour endiguer les phénomènes que nous avons décrits.
À long terme, il nous faudra agir auprès des consommateurs en faisant oeuvre de pédagogie et d'éducation. Au-delà du rôle que peut jouer l'Éducation nationale, nous devons, en tant que professionnels, diffuser des messages concrets et faire prendre conscience aux consommateurs qu'il n'est pas normal de payer un tee-shirt 2 euros ou une robe 5 euros, de tels produits ne pouvant pas être fabriqués dans de bonnes conditions sociales, sanitaires et environnementales. Toutes les parties prenantes doivent communiquer dans le même sens à ce sujet et des efforts doivent être fournis tant pour la commande publique que pour la commande privée. Il faut donc solliciter les grands donneurs d'ordre, et, sans leur demander de changer du jour au lendemain leur modèle économique, les inciter à accomplir des petits pas.
Quelques chiffres me paraissent utiles dans le cadre de ce travail de pédagogie : chaque Français consomme environ 8 kilos de textile par an pour l'habillement, 1 % de ce volume représentant donc 80 grammes, c'est-à-dire l'équivalent d'un soutien-gorge, d'un bonnet ou d'une paire de chaussettes. Nous avons réalisé une étude démontrant que si chaque Français achetait chaque année ce volume en s'assurant qu'il soit fabriqué dans l'Hexagone, 4 000 emplois seraient créés ! Cela fait partie des messages forts et simples qu'il nous faut faire entrer dans l'esprit de nos consommateurs, en précisant qu'il ne s'agit évidemment pas de blâmer les personnes confrontées à des problèmes de pouvoir d'achat, mais de les éduquer.
S'agissant de la perma-industrie, soyons lucides et honnêtes : nous n'en sommes qu'au démarrage et il faudra passer là aussi de la communication à l'action, même si nous pouvons nous appuyer sur les figures de proue que vous avez citées, qui sont de véritables passionnés. Dans ce domaine, nous n'avancerons qu'en changeant les mentalités et en levant les obstacles que nous avons mentionnés, ce qui ne sera, là encore, pas envisageable à court terme, en particulier sur le plan de la simplification.
En tout état de cause, nous devons inverser la tendance : le textile avait réussi à être à nouveau créateur d'emplois à partir de 2015, tandis que l'après-Covid-19 avait généré un véritable boom, mais l'émergence des plateformes y a mis un coup d'arrêt, d'où la nécessité de prendre des mesures stratégiques pour y remédier.
M. Yohann Petiot. - Je suis convaincu que le commerce est le marqueur du succès ou de l'échec d'un centre-ville. Les commerces ne reviendront au coeur des villes que si ce dernier est accessible à tous, c'est-à-dire en pensant les différentes mobilités de manière complémentaire, pour les familles et tous les âges. Il faudrait également repositionner des logements : dans les artères piétonnes, les étages situés au-dessus des magasins sont souvent totalement vides, alors qu'ils pourraient accueillir des habitants et donc d'autant plus de clients qui viendraient faire leurs achats à proximité. Dans le même ordre d'idées, j'alerte sur les emplois publics, de nombreuses collectivités les ayant positionnés en périphérie.
Il faut surtout éviter d'agir trop tard : une fois le commerce parti, il ne reviendra pas aisément en centre-ville. Certes, quelques signaux positifs méritent d'être signalés, le plan « Action coeur de ville » ayant permis de freiner la progression de la vacance commerciale ; pour autant, nous avons besoin d'actions de très long terme - en termes d'emploi et de logement - face aux plateformes et aux nouveaux modes de consommation. Il faut donc contenir les pratiques contestables auxquelles nous faisons face afin de nous laisser le temps de mener cette transformation dans la durée.
Notre filière REP, quant à elle, s'est construite depuis quinze ans de la manière suivante : nous collections, triions et la majorité de nos produits étaient exportés pour être vendus en seconde main, et les produits non vendus se retrouvaient parfois sous forme de déchets dans les pays les recevant.
Aujourd'hui, ce modèle n'est plus tenable pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les pays d'exportation reçoivent des produits des quatre coins du monde et ne peuvent plus absorber les volumes correspondants, à la fois en neuf et en déchets, et nous ne pouvons donc plus les leur envoyer. De plus, je rappelle que la récente directive-cadre européenne relative aux déchets obligera chaque État membre à mettre en place une filière REP : la France, qui était précurseur dans ce domaine, sera donc aussi en concurrence avec les autres pays européens qui voudront exporter leurs produits.
Nous n'avons donc d'autre choix que d'agir en responsabilité, en recyclant sur notre territoire les déchets que nous n'arrivons pas à exporter. Cela implique de recréer une offre et une demande : la demande doit venir de nos enseignes afin d'acheter de la matière et peut-être de réaliser le tissage en France. Il faut néanmoins les y aider, car les surcoûts actuels du made in France sont très élevés.
À cet effet, des systèmes de bonus peuvent être mis en place par notre éco-organisme, même si les dispositifs déployés durant les trois dernières années n'ont pas du tout fonctionné : nous avions alerté au moment de la signature du cahier des charges en 2023 et demandons donc une révision ambitieuse de ce dernier.
Plus largement, nous devons collecter bien plus, notamment en permettant aux metteurs sur le marché de collecter davantage et en faisant en sorte que notre éco-organisme soit bien plus opérationnel sur l'ensemble du territoire, car il n'a, à l'heure actuelle, qu'un caractère financier. L'industrialisation de l'ensemble des étapes devrait nous permettre de gagner en compétitivité.
M. Pierre-François Le Louët. - Je tiens à souligner que vous pouvez, en tant que parlementaires, agir très rapidement. Dans le cadre de l'examen du budget et d'une éventuelle commission mixte paritaire (CMP), vous pourriez ainsi décider de rétablir, au moins en partie, les crédits de l'IFM et du Defi.
Une autre CMP sera sans doute consacrée à la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile : nous avons besoin d'un texte solide et immédiatement applicable pour freiner les acteurs de la mode ultra express.
En outre, vous pouvez écrire à vos collègues du Parlement européen, car nous avons à la fois besoin d'une réforme du code des douanes et d'un élargissement de la taxe sur les petits colis au niveau européen, dans les plus brefs délais. Je rappelle que Donald Trump a décidé en trois jours de mettre en place des taxes, devenues effectives dans les trois mois qui ont suivi, alors qu'il a d'abord été question de 2028 pour l'entrée en vigueur de nouvelles taxes en Europe !
Nous n'avons pas le temps de devenir une colonie économique asiatique et je ne pense pas que ce soit la volonté de la représentation nationale. Continuons donc à exercer une pression sur les parlementaires européens et sur la Commission, afin qu'elle soit bien consciente des enjeux pour notre économie et notre société.
Enfin, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) avait trouvé un budget pour une campagne de publicité consacrée à un « dévendeur » : nous adorerions que cet organisme fasse une campagne en faveur de notre secteur !
M. Yann Rivoallan. - L'âge moyen d'un client Shein est de 39 ans, alors qu'il était plutôt compris entre 15 ans et 20 ans en 2020. Un effet d'entraînement s'est produit lorsque la jeune fille qui avait commandé des dizaines de produits pour 50 euros sur Shein en a informé sa mère, qui a ensuite habillé toute la famille ainsi.
Les jeunes restent cependant les principaux clients de ces plateformes, pour une raison très simple : ils n'ont jamais été aussi pauvres que maintenant, tout en ayant été encouragés à consommer massivement. Acheter un pull-over est devenu pour eux un achat quotidien, à la différence des générations précédentes. Shein, ainsi que TikTok - ce réseau représente selon moi un danger encore plus important -, favorise cette surconsommation, qui concerne désormais tous les âges.
Il n'existe qu'une seule manière de réguler efficacement : même si les campagnes de sensibilisation sont importantes, la pédagogie ne modifiera aucun comportement d'achat et rien ne fonctionnera sans une action sur le prix. Dans le cadre de la CMP consacrée à la proposition de loi anti-fast fashion, il faudra donc se doter des outils permettant de matraquer les marques des plateformes asiatiques, en ajoutant 5 euros supplémentaires par produit : il s'agit du seul moyen de les stopper à court terme.
Une telle décision permettrait de montrer à l'Union européenne que la France sait se montrer audacieuse, sans oublier le fait qu'une taxe additionnelle de ce type s'appliquerait à environ 300 millions de produits, générant ainsi des recettes fiscales considérables.
Il faudra aussi avancer sur la réparabilité et la qualité des vêtements : si celle-ci est supérieure pour un prix équivalent, nous permettons aux consommateurs de réaliser des économies, mais, une fois encore, rien ne fonctionnera sans le matraquage des plateformes que j'évoquais.
M. Olivier Ducatillion. - S'agissant de la taxe, je tiens à signaler un léger problème de sémantique : une application « par article » ou par « famille d'articles » n'aurait pas du tout les mêmes conséquences, et j'appelle à la vigilance sur ce point, car la seconde option réduirait considérablement l'efficacité de la mesure.
M. Patrick Chauvet. - Je tiens à nous remettre du baume au coeur en rappelant que notre pays dispose de quelques atouts, notamment dans mon département de Seine-Maritime. Nous sommes ainsi leaders dans la production de lin fibre, matériau qui ouvre de nouveaux débouchés, y compris dans l'aviation.
Il y a plusieurs décennies, des producteurs ont cru en cette fibre et ont investi dans les outils de transformation de première transformation, mais n'ont alors trouvé qu'un seul acheteur, à savoir les Chinois. Il faut reconnaître que ces derniers ont permis le développement de cette filière et ont fait évoluer la technique, situation qui m'a toujours désolé : alors que nous parlons de produire en France et que nous disposons pour une fois de la matière première, nous n'avons pas su capter toute la valeur ajoutée de ce produit.
La filière se développe donc, mais nous sommes encore dans le flou quant à l'avenir et à la manière dont nous pourrons conserver cette pépite franco-française, basée sur un climat particulier - le fameux « crachin normand » - et des savoir-faire qui se transmettent. Sommes-nous encore capables d'en tirer le meilleur ?
Je partage également votre diagnostic à propos de la concurrence et de la surtransposition des normes : nous n'obtiendrons pas de clauses-miroirs seuls et nous nous sommes démarqués défavorablement du reste du continent.
M. Franck Menonville. - Cette table ronde est essentielle compte tenu de l'urgence d'agir pour le secteur textile. Dans le rapport d'information Fabriqué en France :la compétitivité patriotique, que j'avais rédigé avec Anne-Marie Nédélec dans le cadre de la délégation sénatoriale aux entreprises, nous avions identifié plusieurs phénomènes destructeurs, à commencer par le dumping pratiqué par la Chine, État qui subventionne largement ses entreprises : en surcapacité, celles-ci inondent les marchés avec des produits manufacturés.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement le textile, nous avions évalué que le panier moyen était compris entre 6 euros et 8 euros pour Temu et Shein, tandis que la Chine s'autorisait à perdre jusqu'à 30 euros par colis. Comment la France et l'Union européenne peuvent-elles contrecarrer un tel dumping ?
Un autre aspect a trait à la faible qualité des marchandises, qui sont soit des contrefaçons, soit des produits non conformes aux normes françaises et européennes : une certaine inertie est à déplorer en matière de contrôle des plateformes.
Par ailleurs, notre pays souffre de la faiblesse de sa stratégie en matière de commande publique, alors qu'elle représente 170 milliards d'euros et 8 % du PIB. Si nous appliquions le même taux d'achats nationaux que nos voisins allemands, nous pourrions conquérir 15 % des parts de marché.
Nous souhaiterions entendre vos suggestions sur deux points : selon nous, le nombre d'acheteurs publics est trop élevé ; en outre, le fait que le délit de favoritisme soit applicable en France à l'ensemble de la commande publique conduit à ce que les acheteurs soient plus souvent des juristes que des techniciens connaissant les produits qu'ils achètent.
Mme Marie-Lise Housseau. - Le Tarn comptait aussi de nombreuses entreprises et des savoir-faire qui ont disparu, même si une redynamisation est à l'oeuvre.
Parmi les mesures prévues par la proposition de loi destinée à lutter contre la fast fashion, un indice de réparabilité devrait figurer sur l'ensemble des produits : peut-il être un facteur discriminant par rapport aux produits chinois ?
À ce stade, l'arrivée de ces produits a surtout des répercussions sur l'habillement, mais cette concurrence va s'étendre à l'ensemble des secteurs et des produits : comment faudrait-il agir, au-delà des taxes, en mettant l'accent sur le fait que les produits nationaux ont une plus longue durée de vie ?
M. Olivier Ducatillion. - J'ai passé dix-sept ans de ma carrière dans le lin, qui est aussi produit dans les Hauts-de-France. Il n'est pas exact de dire que seuls les Chinois se sont positionnés sur cette filière : à la fin des années 1960, la métropole lilloise comptait 200 filatures et tissages, dont la moitié travaillait le lin, qui avait donc des débouchés en France.
Je partage néanmoins, monsieur Chauvet, votre regret alors que nous disposons pour une fois de l'essentiel de la matière première : s'il ne subsiste aujourd'hui que sept tisseurs de lin, c'est aussi en raison d'une politique économique, influencée notamment dans les années 1990 et 2000 par le PDG d'Alcatel Serge Tchuruk, selon qui produire était un péché et qui invitait alors à favoriser les services.
Le vrai problème réside donc, selon moi, dans cette impossibilité d'acheter et de produire en France, le constat étant d'ailleurs valable pour la laine, confrontée aux mêmes difficultés. Pour en revenir au lin, davantage de solidarité entre filières serait la bienvenue lorsque l'on demande des prix spécifiques pour une filière qui se bat pour trouver son marché : si deux filatures ont été recréées en 2022, l'une d'entre elles s'apprête à fermer faute de débouchés suffisants. Pour vous donner un exemple très concret, un fil de lin NM26 - produit référence dans l'industrie - peut être acheté 12 euros en Chine, contre 26 euros en France : tout est dit.
Je tenais à rectifier ce point, car nous devons nous interroger sur ces problématiques de coût du travail, de compétitivité et de débouchés qui ont entraîné une diminution des effectifs de l'industrie textile de 400 000 à 60 000 salariés. Les sept derniers filateurs sont des survivants et se battent encore, mais il y a urgence : s'ils venaient à disparaître, nous ne serions plus en mesure de transmettre les savoir-faire. Les acteurs de la mode et du luxe s'emploient à les conserver, mais il faut nous aider.
M. Yohann Petiot. - Si nous soutenons bien évidemment l'objectif de réduction de l'impact environnemental de l'industrie textile inscrit dans la proposition de loi, il faudra veiller à la conformité de l'ensemble des dispositions aux règles européennes. Il faut peut-être pousser la Commission européenne dans ses retranchements, mais faisons attention à ne pas adopter des mesures qui ne pourraient pas être mises en oeuvre.
Par ailleurs, prenons garde aux potentiels dommages collatéraux pour de nombreuses entreprises françaises, car nous aurions tout perdu si vous venions ajouter des boulets à leurs pieds. Le texte doit donc être à la fois puissant et bien ciblé sur les pratiques les plus contestables.
S'agissant du critère de la réparabilité, je rappelle qu'un fonds dédié à la réparation existe dans toutes les filières REP. Pour ce qui concerne la filière, il nous a été demandé d'y consacrer 150 millions d'euros sur six ans, ce qui est bien trop élevé alors que notre réel enjeu de transformation se situe au niveau des outils industriels de recyclage. Ce montant nous a été imposé par l'Ademe à la suite d'une étude très approximative et critiquée par le secteur.
Dans notre filière, 1 500 réparateurs ont été labellisés en l'espace de quelques années, mais nous sommes confrontés au défi de la formation, car nous manquons encore de réparateurs, ainsi qu'au défi de la communication. Si ces deux chantiers nécessitent d'utiliser le fonds dédié, ce montant de 150 millions d'euros n'est pas adapté - 15 millions d'euros suffiraient -, et nous avons avant tout besoin de ressources pour développer l'industrie du recyclage.
La proposition de loi, quant à elle, prévoit un coefficient de durabilité, dans un cadre qui semble avoir été pensé de manière très administrative. Sans défendre aucunement les prix cassés proposés par les plateformes chinoises - il a été montré que neuf promotions sur dix étaient fausses sur Shein, le client pouvant même parfois payer davantage après promotion -, j'invite à ne pas mettre un signe « égal » entre la durabilité physique de nos produits et le prix.
En effet, quel que soit le segment considéré, de nombreux acteurs se battent pour offrir le meilleur produit au meilleur rapport qualité-prix à leurs clients. À ce sujet, je vous renvoie à un excellent article du Figaro du 6 décembre dernier qui comparait les tee-shirts proposés par Shein, Uniqlo, Zara, Kiabi et Armor Lux, et qui montrait bien que le prix n'était que l'un des éléments de la qualité du produit, à côté de la matière et de la technologie.
À l'inverse, en vertu du critère très administratif pensé par l'Ademe selon lequel le prix du neuf doit être trois fois supérieur au prix de réparation, tous les tee-shirts d'un prix inférieur à 30 euros sont jugés non réparables, alors qu'ils représentent 90 % du marché. Tout en encourageant la réparation, prenons donc garde à ce type de critères, l'essentiel, pour nos enseignes, consistant à proposer le meilleur produit à chaque client, quel que soit son pouvoir d'achat.
M. Yann Rivoallan. - Des producteurs de laine français jettent leur production tous les jours, faute d'une véritable interconnexion dans notre supply chain : Shein n'a pas ce problème et sait au contraire parfaitement se mettre en lien avec des milliers de petits ateliers, même si c'est pour les exploiter.
Parallèlement, nous devrions nous appuyer davantage sur la robotisation afin de faire face à une Chine qui s'appuie sur une main-d'oeuvre bon marché : si nous faisons encore très bien de la maille avec Armor Lux et Saint James, c'est grâce à ces machines, qui peuvent contribuer au retour du textile en France.
Enfin, le dumping chinois tire sa force du fait qu'il sait miser, à long terme, sur une série de vecteurs. Face à cela, il nous revient, d'une part, d'appliquer les normes, qui sont une chance en ce qu'elles permettent de protéger nos emplois et l'environnement ; d'autre part, de mettre pleinement en oeuvre les dispositions du Digital Services Act (DSA), au regard duquel les plateformes en cause sont illégales dans l'UE. Sur ce point, il convient de faire pression sur l'Espagne.
M. Olivier Ducatillion. - S'agissant de la commande publique, on dénombre 56 000 acheteurs publics en Europe, et 28 000 acheteurs uniquement en France. Dans ce domaine, vous pourriez nous aider à court terme en dépénalisant la responsabilité de l'acheteur public.
Les plateformes, quant à elles, ne peuvent pas être tenues responsables des produits mis en ligne : si nous arrivions à modifier cet état de fait, nous gagnerions en réactivité.
Enfin, j'ai récemment participé à une audition organisée par des députés européens au sujet de ce tsunami de petits colis : outre les représentants de tous les groupes politiques et les médias, quatre Chinois étaient présents : il s'agissait de membres de l'ambassade de Chine en France, qui ont filmé l'intégralité de la réunion sans que nous ayons notre mot à dire. Arrêtons donc d'être naïfs et soyons plus malins et réactifs.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Le véritable problème réside dans l'écart entre la vitesse d'exécution des plateformes chinoises et notre incompréhension des événements. J'avais déposé un amendement pour appliquer une taxe de 5 euros non pas par article, mais par produit physique à l'intérieur d'un colis, disposition qui se serait par exemple appliquée à chacune des coques de téléphone d'un lot ; je n'ai, hélas, pas été suivie. Malgré cela, le vote d'une taxe par article montre la volonté de la France dans ce domaine.
Sur un autre point, ne pensez-vous pas que nous manquons de compétences pour pourvoir les effectifs des ateliers ? Certes, des formations existent, notamment dans les écoles d'ingénieurs, mais elles ne semblent guère attirer les jeunes : selon vous, que faudrait-il modifier dans le système de formation pour recréer un vivier de compétences ?
M. Daniel Gremillet. - Merci pour la qualité de vos interventions. Un parallèle a été établi entre l'agriculture et le textile que je partage complètement : alors que l'assiette des Français se vide de plus en plus de produits locaux, le textile est de moins en moins produit en France et en Europe. Quel est selon vous le principal obstacle au retour de cette production ?
Dans les Vosges, le textile a pu représenter jusqu'à 3 000 emplois concentrés sur une dizaine de kilomètres : il n'en reste désormais plus qu'une trentaine. Des innovations françaises nous permettraient-elles de faire la différence et de reprendre une place de leader ?
Enfin, les nouvelles productions telles que la fibre d'ortie ne servent-elles qu'à amuser la galerie ou peuvent-elles nous aider à redresser la situation ?
M. Daniel Salmon. - Notre débat est passionnant, car nous sommes dans la vraie vie, avec des constats qui remettent frontalement en cause le libéralisme qui a consisté, pendant des décennies, à ouvrir toutes les frontières : désormais, on crie « halte à la concurrence déloyale ! », ce qui vient réinterroger des politiques qui sont encore parfois défendues ici même.
Les générations qui se montrent les plus friandes de fast fashion ne surgissent pas de nulle part : elles ont été formatées, notamment par la publicité, à une consommation idiote et qui s'accélère.
Enfin, outre le lin, n'oublions pas que le chanvre a contribué à la prospérité de la Bretagne pendant des siècles. Nous devons sans doute mener un travail d'adaptation de notre industrie afin de traiter des fibres que nous n'avons plus l'habitude de travailler et qui sont nettement plus écologiques que le coton, massivement importé et très consommateur d'eau. Comment voyez-vous ce chantier de réappropriation de ces fibres présentes sur notre territoire et qui pourraient contribuer à notre souveraineté ?
Mme Pauline Martin. - Quelles seraient selon vous les priorités pour les centres-villes ?
M. Yves Bleunven. - J'ai eu la chance d'aller visiter un établissement de la marque Françoise Saget, spécialisée dans le linge de maison. En plein marasme lié aux colis à 2 euros, quelle n'a pas été ma surprise en constatant que l'entreprise continue à tenir la route, dégage 85 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploie 200 salariés, avec des sites implantés en milieu rural. Si elle achète du textile à l'étranger, elle travaille énormément autour de la marque et de la gamme, avec un prix moyen du colis livré de 56 euros et un âge moyen du client de 65 ans.
En lieu et place des robots auxquels je m'attendais, toutes les tâches y sont effectuées manuellement, avec une grande dextérité. J'en suis ressorti avec une impression étrange : ce type de modèle, articulé autour d'une forte identité de la marque, de personnels très engagés et de méthodes « à l'ancienne » - les ventes en ligne ne représentent que 40 % - peuvent-ils être une source d'inspiration ?
M. Yannick Jadot. - La présence de membres de l'ambassade de Chine dans une audition n'est pas à mes yeux le réel problème, qui tient davantage au soft power chinois et au fait qu'un certain nombre de responsables politiques se mettent au service de cette puissance étrangère, en utilisant leurs réseaux pour influencer nos politiques. Nous l'avons observé avec Shein et nous le voyons avec un certain nombre de potentiels candidats à l'élection présidentielle, ce qui pourrait relever du conflit d'intérêts.
Par ailleurs, la coordination des industries textiles au niveau européen semble faire défaut alors qu'elle permettrait de faire pression sur l'ensemble des États membres.
Enfin, le règlement européen relatif à l'interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l'Union entrera en vigueur dans un an : le secteur textile est-il complètement clair par rapport aux approvisionnements venant du Xinjiang et au travail forcé des Ouïgours ? Le règlement prévoit que les acteurs privés pourront bloquer tous les approvisionnements provenant d'une région où le travail forcé a cours.
M. Pierre-François Le Louët. - Nos formations techniques sont malheureusement totalement inadaptées, de nombreux jeunes s'orientant vers un bac professionnel mode finissant, hélas, par devenir vendeurs sans avoir été formés aux métiers. J'en reviens donc à l'IFM, à ses 1 250 étudiants et à ses CAP qui nourrissent les ateliers ; l'Institut vient d'ailleurs de lancer un master industriel afin d'alimenter les ateliers en région et le management industriel.
Ces emplois industriels, madame la sénatrice Renaud-Garabedian, sont extrêmement importants et ont besoin d'être soutenus, d'autant plus que nous pouvons nous appuyer sur des marques de mode haut de gamme qui se portent plutôt bien, ainsi que sur un réseau d'ateliers et de savoir-faire.
Quant à notre action à l'échelon européen, monsieur le sénateur Jadot, nous sommes tous réunis dans l'association Euratex et avons rassemblé à Paris, en septembre dernier, vingt-deux fédérations professionnelles de la mode afin de faire une déclaration commune contre l'ultra fast fashion, ce qui n'avait alors suscité aucune réaction de la part de la Commission européenne. La situation a certes évolué grâce au rôle de la France et à votre action, mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, mais également parce que nos vingt-deux invités sont en train de dupliquer, dans leurs pays respectifs, des propositions de loi destinées à contrer la fast fashion, tout en multipliant les enquêtes et les actions réglementaires. Les institutions européennes réagissent, mais bien trop lentement : une fois encore, nous avons besoin de votre soutien.
S'agissant des Ouïgours, nous n'avons pas besoin du travail forcé, qu'il soit effectué en Chine ou ailleurs. Notre position commune n'est d'ailleurs pas hostile à la Chine en tant que telle, mais aux plateformes et à leur modèle de concurrence déloyale. Je précise d'ailleurs que Shein ne vend aucun produit en Chine. Je ne vois donc pas pourquoi nous accepterions des produits dont les Chinois ne veulent pas pour eux-mêmes. La concurrence loyale doit être respectée.
M. Olivier Ducatillion. - L'ensemble des savoir-faire sont encore présents sur le territoire et nous sommes donc encore en mesure de réagir, mais sans avoir le luxe de pouvoir attendre bien longtemps.
En ce qui concerne l'innovation et la recherche et développement (R&D), n'oublions pas que la moitié de l'industrie textile a su se réinventer complètement : le premier fabricant de textile pour la défense est ainsi une société française qui était précédemment un soyeux lyonnais ; de la même manière, le leader mondial des prothèses pour les hernies discales était un filateur traditionnel, ce qui démontre bien la capacité du secteur à se réinventer.
Concernant les fibres naturelles, des investissements ont été effectués, mais il nous faut des solutions pour absorber les nouvelles capacités de la filière du chanvre, qui coûte plus cher que le lin alors qu'il pousse partout. Le développement de la production de fibre d'ortie, quant à lui, n'est pas un gadget, mais, là encore, un marché suffisant doit exister, étant précisé qu'une fibre pourtant aussi mature que le lin rencontre déjà quelques difficultés.
M. Yohann Petiot. - Le chiffre d'affaires du commerce dépend des flux, qui doivent être pensés pour tous. Je rappelle que huit Français sur dix ne vivent plus dans le coeur des villes, la grande majorité d'entre eux prenant plus aisément leurs véhicules pour faire leurs achats en périphérie. La question de la mobilité et de l'accueil des publics est donc essentielle, le patrimoine pouvant aussi être mobilisé pour valoriser les centres-villes.
En outre, il faut simplifier les règles d'installation des commerces, et limiter les charges. Le CNC a constitué un groupe de travail dédié à la vacance commerciale, dont les conclusions seront rendues au début de l'année 2026.
M. Yann Rivoallan. - Je note que des sociétés françaises contribuent au soft power chinois : Havas travaille ainsi avec Shein, tandis que La Poste a été contrainte de travailler avec Temu. Cela m'a conduit à adresser une mise en demeure à La Poste au titre du devoir de vigilance, car exercer son activité avec Shein ou avec Temu équivaut à recourir au travail des Ouïgours. Nous devons donc nous interroger sur ce point et veiller à empêcher cette collaboration, qui risque de tuer nos emplois ensuite.
Cette démarche doit aussi être accomplie pour des entreprises telles que Françoise Saget : lorsque Shein et Temu font de la publicité sur tous les réseaux sociaux, il en résulte une augmentation des prix publicitaires de 35 % pour toutes les marques françaises, ce qui empêche la société que citait M. Bleunven d'être rentable en allant chercher de nouveaux clients.
Enfin, nous pouvons nous féliciter de compter des dizaines d'entreprises innovantes, dont Lectra, qui emploie 500 ingénieurs spécialisés en IA à Bordeaux. C'est avec elles que nous pourrons recréer une mode durable et plus innovante.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ces interventions passionnantes. Nous resterons plus que jamais mobilisés pour défendre les filières et les secteurs que vous représentez, qui contribuent à l'activité dans les territoires qui nous sont chers. Une mission d'information pourrait sans doute être constituée sur ce sujet.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Pierre Cuypers sur la proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Il me revient de vous présenter le fruit de mes travaux concernant la proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse, de MM. Gontard, Salmon, et leurs collègues membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST). Ce texte porte sur un sujet important.
Je tiens à saluer notre collègue Daniel Salmon, qui a assisté à la plus grande partie des auditions, et que j'ai tenu à entendre - avec M. Gontard, dont je salue également la présence - afin d'échanger sur ce texte. Nos échanges ont toujours été d'excellente tenue, et je tiens à l'en remercier.
Que contient cette proposition de loi inscrite à l'ordre du jour de l'espace réservé du groupe GEST le 18 décembre prochain ?
L'article 1er du texte vise à donner un encadrement législatif aux chartes départementales d'engagement. La charte départementale d'engagement a été formellement créée par l'article 83 de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, grâce à un ajout gouvernemental durant la nouvelle lecture du texte en commission à l'Assemblée nationale. La rédaction initiale de cette disposition est codifiée à l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, article bien connu de notre commission puisqu'il s'agit de celui interdisant l'usage des produits néonicotinoïdes.
Cette rédaction a été largement censurée par une décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2022, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) l'estimant contraire à l'article 7 de la Charte de l'environnement relatif à la participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.
Aussi, seule perdure, au niveau législatif, la mention de la charte. Le contenu de cette charte a été déterminé par voie réglementaire et a fait l'objet de nombreux recours de certaines associations, si bien que le Conseil d'État a été amené à annuler plusieurs fois la réglementation, avant que celle-ci ne puisse enfin se stabiliser, notamment par un décret et un arrêté du 25 janvier 2022.
Désormais, pratiquement tous les départements en sont dotés. Leur contenu varie selon les enjeux locaux, mais l'articulation des chartes est globalement similaire, notamment grâce au travail mené par les chambres d'agriculture pour définir et fournir des trames communes aux acteurs départementaux.
Ces chartes rappellent et explicitent la réglementation, souvent complexe, entourant l'usage des produits phytopharmaceutiques. Elles instaurent, en général, un comité départemental de suivi associant les parties prenantes et elles exposent les conditions dans lesquelles l'information collective et individuelle des résidents est organisée, notamment concernant les périodes de traitements. Enfin, ces chartes rappellent les conditions réglementaires dans lesquelles les distances de sécurité en matière d'épandage peuvent être réduites - j'y reviendrai dans un instant.
Conformément à la réglementation, les chartes sont élaborées par les organisations syndicales représentatives opérant à l'échelle du département ou de la chambre départementale spontanément ou à la demande du préfet. Ce dernier, lorsqu'il considère la charte aboutie, engage la consultation du public prévue par le code de l'environnement, avant de publier un arrêté préfectoral portant approbation de la charte.
Si elle n'est certes pas un outil magique, elle permet aux parties prenantes de se parler et de mieux se comprendre. Mes auditions ont montré que les maires étaient naturellement associés à ces initiatives, notamment aux comités de suivi mis en place. Pour les agriculteurs, ces chartes sont le moyen de mieux faire connaître la réalité de leur travail et de leurs contraintes, mais aussi de mieux prendre conscience de la nécessité de faire des efforts de pédagogie et d'information des riverains. Cette charte approuvée par le préfet permet, en outre, sous des conditions strictes, de réduire quelque peu certaines distances de sécurité, par exemple lorsqu'un exploitant est équipé de buses antidérive particulièrement performantes.
En effet, en matière de traitements phytopharmaceutiques, diverses distances de sécurité et autres zones de non-traitement sont à respecter, selon que la parcelle est proche d'habitations, de lieux sensibles ou encore de points d'eau.
En la matière, il faut bien distinguer deux types de distance de sécurité : d'une part, les distances qui sont établies directement par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) au sein des autorisations de mise sur le marché (AMM). Elle le fait depuis 2019, conformément à la réglementation européenne, les distances ainsi définies étant intangibles.
D'autre part, les distances forfaitaires de 5 mètres, 10 mètres et 20 mètres sont établies par l'autorité administrative selon le niveau de dangerosité de la substance active : elles s'appliquent seulement tant que l'AMM du produit concerné n'a pas été renouvelée, et que l'Anses n'a donc pas été amenée à définir des distances spécifiques au produit.
Ce sont uniquement ces distances administratives, en quelque sorte transitoires, qui peuvent être adaptées dans le cadre des chartes départementales.
Le ministère de l'agriculture m'a indiqué que 27 % des AMM, soit près d'un tiers, les plus récentes, contenaient des distances de sécurité, les distances forfaitaires s'appliquant donc au stock des deux tiers restants, stock amené à diminuer puis à s'éteindre au fil du temps.
Je conclus cet exposé de la situation en indiquant que si les contentieux relatifs à l'encadrement administratif des chartes ont été purgés, il n'en va pas de même pour le contentieux des chartes elles-mêmes, quasi systématiquement attaquées par certaines organisations nationales devant le juge administratif. Cinq recours sont en attente d'un jugement en cassation du Conseil d'État, et près de 60 autres recours devant les tribunaux administratifs sont en attente du jugement du Conseil d'État, attendu au premier semestre 2026, ce qui leur permettra de statuer à leur tour. La haute juridiction doit notamment statuer sur les modalités d'information préalable des résidents, en amont des traitements réalisés par les agriculteurs.
Pourquoi devancer le Conseil d'État ? Il s'agit peut-être de la première raison de ne pas adopter ce texte, au regard des contentieux en cours et de la stabilisation du droit qui en découlera.
C'est dans ce contexte que l'article 1er du texte prévoit de définir au niveau législatif le contenu de la charte. Cela pose un premier problème puisque, comme mes auditions l'ont confirmé, des chartes sont déjà en place dans presque tous les départements de France, et qu'un encadrement réglementaire semble manifestement suffire et permettre aux initiatives locales de perdurer. Dans ce cadre, on peut s'interroger sur l'opportunité de rigidifier l'ensemble et de le complexifier en en passant par la loi.
Sur le fond de ce dispositif, je vous propose de ne pas le retenir pour trois raisons, outre la première objection que je viens de formuler.
Premièrement, certaines dispositions semblent superfétatoires, car déjà satisfaites par l'état actuel de notre droit. Il en est ainsi de la mention de la procédure de participation du public, obligatoire dans tous les cas en vertu de l'article 7 de la Charte de l'environnement, ou encore de la mention selon laquelle la charte ne peut contenir de dispositions moins protectrices que les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
Deuxièmement, la charte instaure un régime d'élaboration qui, de l'avis quasi général des personnes auditionnées - ministère de l'agriculture compris - est beaucoup trop complexe. Par exemple, le texte prévoit que chaque commune concernée puisse recommander, par délibération, des zones de protection renforcées. Ainsi, sur un département, ce sont potentiellement des dizaines, voire des centaines de communes qui pourraient adopter des orientations tout à fait diverses, rendant concrètement l'élaboration de la charte très difficile, pour ne pas dire impossible, de même que le travail de l'agriculteur qui y sera soumis.
De même, le texte prévoit d'instaurer un rapport de compatibilité entre la charte et le plan régional de l'agriculture durable (Prad), le projet alimentaire territorial (PAT) ou encore le schéma de cohérence territoriale (Scot).
Troisièmement, la charte ici envisagée ne viserait pas tant à améliorer le dialogue entre l'agriculteur et le riverain - c'est un objectif tout à fait louable -, mais bien plutôt à imposer des contraintes supplémentaires à l'exercice du métier d'agriculteur.
Ainsi, l'article 1er dispose que des mesures de protection renforcées peuvent être prévues à l'échelle communale, en contradiction avec la police spéciale des produits phytopharmaceutiques dévolue à l'État. De même, contrairement à ce qui est le cas actuellement, la charte ne pourrait contenir que des mesures de protection renforcées, c'est-à-dire un élargissement des distances de non-traitement, qui, je le rappelle, occasionnent un coût pour l'agriculteur puisqu'elles constituent souvent des zones de non-culture.
En somme, mes chers collègues, je vous propose d'en rester à l'encadrement législatif actuel, qui fait la part belle au dialogue local, et qui a permis de couvrir pratiquement l'ensemble de nos départements de chartes.
Le second article de cette proposition de loi vise à créer un registre national d'utilisation des produits phytopharmaceutiques géré par l'Anses, qui serait communicable à toute personne en faisant la demande.
Là aussi, je nous invite collectivement à faire attention à l'image de notre agriculture que véhicule, en creux, cet article. Et je me dois de rappeler certaines vérités : l'agriculture est l'une des activités les plus contrôlées - et je sais de quoi je parle : contrôles sanitaires, contrôles phytopharmaceutiques, contrôles au titre de la politique agricole commune (PAC) et j'en passe. Ne laissons pas croire que notre agriculture n'est ni contrôlée ni transparente.
Ensuite, permettez-moi de rappeler une évidence : nos agriculteurs utilisent des produits doublement autorisés. En effet, le produit, en tant que tel, est autorisé par l'Anses, et les substances actives le composant par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Aesa). Les récentes décisions de l'Anses sur le cuivre, cher Daniel Laurent, nous rappellent, si besoin en était, que notre agence n'a pas la main tremblante lorsqu'il s'agit d'interdire des produits pour des motifs environnementaux ou de santé publique.
Sous un autre angle, la vaste, longue et coûteuse étude PestiRiv, qui a fait l'objet d'une réunion de restitution organisée il y a quelques semaines au Sénat par Laurent Duplomb, conclut bien que les niveaux d'exposition des riverains à proximité des cultures, s'ils sont fort logiquement plus élevés que ceux des riverains en vivant éloignés, se situent à des niveaux ne nécessitant pas de réexaminer la moindre AMM !
En outre, je rappelle que la réglementation européenne impose aux agriculteurs de conserver au moins trois ans les registres d'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Mais, diligente comme toujours, la France a établi que cette durée serait de cinq ans : nos agriculteurs s'y plient tout naturellement et se font régulièrement contrôler. Je pense que plusieurs d'entre nous peuvent ici décrire très précisément le déroulement d'un contrôle, puisqu'ils y ont eux-mêmes été confrontés.
En matière d'utilisation de produits phytopharmaceutiques, au 1er janvier 2027, les registres tenus par les agriculteurs devront être numériques, conformément à la réglementation européenne. De plus, comme l'a indiqué l'Anses, le règlement relatif aux statistiques sur les intrants et les produits agricoles, dit Saio, conduira dans les prochaines années à une très forte amplification des obligations de transmission à la Commission européenne des données d'utilisation des produits phytopharmaceutiques par l'État membre. J'invite donc à ne pas anticiper la réglementation européenne, mais bien plutôt à nous y conformer, tout simplement au rythme qui est attendu pour l'ensemble de tous les pays européens.
Je rappelle d'ailleurs que, depuis la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, il existe une banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs des produits phytopharmaceutiques, permettant de centraliser de nombreuses données à l'échelle de la commune, voire à une échelle encore plus fine, aux fins de recherche.
La transparence est bien de mise, puisqu'un suivi de l'évolution des ventes est réalisé annuellement dans le cadre du plan Écophyto.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite donc à rejeter ce texte, qui est pour partie déjà satisfait, et qui, pour partie, conduirait à accroître les contraintes pesant sur nos agriculteurs, alors même que nous n'avons pas ménagé notre peine, ces dernières années, pour tenter d'en lever un certain nombre.
Le débat aura lieu en séance publique le 18 décembre, et tous les points de vue pourront s'y confronter, en présence de notre ministre.
Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux mesures de précaution et de surveillance relatives à l'usage des produits phytopharmaceutiques ; les dispositions relatives au suivi de l'usage des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants.
M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de loi. - Dans le climat actuel, nous avons voulu présenter un texte d'apaisement, de dialogue et de concertation entre les différents acteurs au niveau local : agriculteurs, élus, riverains. Il ne nous semble pas que tout aille parfaitement bien entre eux, comme le laisse pourtant entendre la présentation du rapporteur. La concertation ne paraît pas optimale et, de quelque côté que l'on se place, des inquiétudes se font entendre. Les deux qualités de riverain et d'agriculteur ne sont d'ailleurs pas incompatibles entre elles et des conflits de voisinage se développent entre des familles qui relèvent chacune de l'une et de l'autre.
Nous sommes évidemment confrontés à un sujet de santé humaine. Le constat est partagé. De nombreuses études attestent de liens entre l'exposition aux pesticides et l'apparition de maladies graves - lymphomes, tumeurs, maladie de Parkinson. Nous avons donc une responsabilité à cet égard.
En 2024, le ministère de la santé relevait que 17 millions de nos compatriotes étaient exposés à la consommation d'une eau non conforme, en raison de la présence de résidus de pesticides. Ce constat, qui doit nous alerter, n'est pas uniquement lié à l'activité agricole, mais celle-ci y contribue. En 2025, l'enquête PestiRiv a notamment porté sur les zones viticoles. Sans vouloir polémiquer, notons qu'elle révèle tout de même que 56 substances ont été retrouvées dans les urines ou les cheveux de 1 946 adultes et 742 enfants. Il reste évidemment loisible de considérer que ces substances, tant qu'elles ne dépassent pas un certain seuil, n'emportent aucune conséquence sur la santé humaine. Nous n'en conviendrons pas moins que cela doit nous conduire à nous interroger.
Enfin, une question majeure n'a pas été abordée, à l'heure où nous sortons de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 et que nous poursuivons celui du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 : celle du coût, pour nos finances publiques, de ces pollutions et expositions aux pesticides de synthèse ainsi que des politiques publiques de prévention.
À partir de ce constat, nous avons voulu aborder le sujet de manière plus sereine, afin de dégager des solutions et d'avancer. C'est ici une véritable question de méthode qui se pose. Nous pensons que la concertation et que la discussion, notamment au niveau local, peuvent se substituer utilement au rapport de force que nous avons pu connaître.
Vous avez évoqué les chartes départementales d'engagement, créées en 2018. C'est en effet un outil sur lequel nous nous appuyons parce qu'elles offrent un cadre. Nous n'en reconnaissons pas moins que, en dépit de l'objectif louable qu'elles poursuivent, elles n'ont, en réalité, que peu d'effet. Avec elles, la réglementation nationale sur les zones de non-traitement reste peu effective et, contrairement à ce qui a été affirmé, fort peu de mécanismes de suivi existent à leur sujet. Elles ne sont pas non plus assorties de sanctions. Surtout, l'absence de concertation, tant dans leur élaboration que dans leur application, apparaît comme la difficulté majeure.
Deux décisions de justice, que vous avez rappelées, en ont mis en exergue les deux principales carences. D'un côté, le Conseil constitutionnel a rendu une décision défavorable dès 2021, relevant l'absence d'implication des citoyens dans le processus de concertation - ce qui, pour le moins, est problématique lorsque l'on cherche à renforcer le lien entre agriculteurs et riverains. De l'autre, le Conseil d'État a, pour sa part, retenu que la réglementation sur les chartes n'assurait pas une protection suffisante des riverains.
Nous estimons néanmoins que ces chartes pourraient servir de point de départ à un travail de concertation renouvelé. C'est l'objet de l'article 1er de la proposition de loi, qui prévoit avant tout leur renforcement et leur adaptation au regard notamment de la jurisprudence. Cela nécessite de revoir leur processus d'élaboration, auquel nous pensons nécessaire d'associer utilisateurs, riverains, élus et acteurs du monde associatif.
En Isère - par exemple avec la culture des noyers -, de même que dans d'autres territoires, des discussions mêlant l'ensemble des acteurs s'étaient déroulées avant l'élaboration de chartes et avaient permis d'aboutir à des accords ambitieux permettant d'apaiser le climat entre agriculteurs et riverains. Ils se sont cependant effondrés à partir de l'adoption des chartes qui ont, en définitive, conduit à un nivellement par le bas.
Vous l'avez souligné, le texte de la proposition de loi prévoit, en toute logique, d'instaurer un rapport de compatibilité entre la charte et le Prad, le PAT et le Scot, de même qu'un dispositif d'information. De tels dispositifs d'information fonctionnent déjà de manière très performante, notamment dans le Bordelais. Nous constatons qu'ils contribuent à apaiser les relations entre riverains et agriculteurs, en permettant notamment aux premiers de mieux comprendre le travail des seconds.
Une autre dimension de la question s'est imposée, celle de la place du maire et de l'équipe municipale, dont l'engagement doit s'effectuer sur la base du volontariat. Un temps, de nombreux arrêtés municipaux anti-pesticides avaient été pris sans que les maires, y compris des maires agriculteurs qui prenaient conscience de la prégnance des problématiques de santé dans leurs territoires, en aient juridiquement le pouvoir. La proposition que nous formulons leur permet de s'emparer, s'ils le souhaitent, du sujet, d'organiser la concertation entre les acteurs et de simplement faire remonter à la préfecture un certain nombre d'éléments pertinents, relatifs par exemple à des captages d'eau, à la présence d'écoles ou à l'existence de zones pour lesquelles une protection plus importante se justifierait, la décision d'une protection renforcée revenant ensuite à l'État.
À l'article 2, nous posons la question de la transparence. Elle fait l'objet de nombreuses sollicitations et nous considérons, comme vous, qu'il ne faut pas laisser croire que notre agriculture n'est pas transparente. Il ne faut rien cacher et dire les choses. Riverains et consommateurs doivent savoir à quoi s'en tenir sur les produits utilisés. Laisser à penser le contraire nourrit les suspicions et les tensions.
La transparence passe par la transmission des registres d'utilisation de produits phytopharmaceutiques. C'est, nous avez-vous exposé, une prochaine exigence du droit européen. À nous de l'anticiper. Et contrairement à ce que vous en dites, la mise à disposition sur demande du public me paraît à même de rasséréner le débat.
Concernant la création d'un registre national, l'Anses la réclame afin de mener des études scientifiques sur l'impact sur la santé humaine des différents produits utilisés.
Je regrette que vous balayiez d'un revers de main ce texte. On ne saurait en effet affirmer que la participation du public, indispensable à mes yeux, est satisfaisante en l'état actuel. Vous évoquez un régime d'élaboration trop complexe des chartes. Il se fonde au contraire sur le volontariat et la confiance en la capacité des élus locaux à l'organiser dans leurs territoires. Enfin, nous sommes parvenus à un moment où nous éprouvons précisément le besoin d'améliorer le dialogue, de recréer du lien, de relancer la discussion entre, d'un côté, des riverains et des consommateurs, et de l'autre, des agriculteurs, dont nous devons également comprendre les contraintes et les problématiques.
M. Daniel Salmon, auteur de la proposition de loi. - Merci au rapporteur pour les auditions qu'il a organisées. Elles ont permis un véritable échange et j'en retiens qu'aucun intervenant n'y a exprimé de rejet de principe de notre initiative. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et le syndicat des Jeunes agriculteurs ont eux-mêmes reconnu que l'élaboration des chartes départementales d'engagement a correspondu à des temps d'échanges et de discussions. C'est précisément ce que nous entendons porter avec cette proposition de loi, à savoir la promotion du dialogue avec les agriculteurs et la recherche de l'apaisement entre les différents protagonistes.
Les agriculteurs « gèrent » la moitié de la surface du territoire français. Cela suppose nécessairement un regard de l'ensemble des parties prenantes sur leur activité. Je suis donc quelque peu surpris de ce rejet en bloc que vous exprimez. Sans doute pouvions-nous progresser sur certaines modalités d'application des dispositifs que nous envisageons et faire évoluer cette proposition de loi.
L'année 2025 a été particulière, avec l'adoption de la loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, dite loi Duplomb, et le dépôt durant l'été d'une pétition demandant son abrogation. Mettre la poussière sous le tapis n'est jamais de bonne politique. L'Anses l'a d'ailleurs relevé lors de la conduite de l'étude PestiRiv.
Il faut continuer dans le sens d'un renforcement de la transparence sur les pratiques agricoles. Prévue à l'article 2, l'agrégation dans un registre national de l'ensemble des données relatives aux épandages s'inscrit dans cette logique. Que se passe-t-il aujourd'hui en la matière ? Nos auditions ont été explicites : les agriculteurs épandent des pesticides et en consignent l'information, dans ses divers détails, par écrit, avec l'obligation de la conserver pendant cinq ans. Mais il n'en advient concrètement rien et ces données ne sont ni centralisées ni utilisées. Or améliorer la connaissance scientifique suppose de les exploiter. L'apparition de clusters de cancers pédiatriques en rend, par exemple, indispensable l'utilisation, afin de déterminer si un lien existe avec les épandages de pesticides. L'absence de données disponibles pour ces recherches entretient le flou, elle laisse le champ libre à la suspicion et à la défiance. Par ailleurs, une durée de conservation de trois ou cinq ans s'avère insuffisante. Des maladies apparaissent en effet parfois bien plus tardivement, dix, voire vingt ans, après les causes qui les ont suscitées.
La confiance ne peut passer que par la transparence. Tel est l'objet de notre proposition de loi, et non jeter de l'huile sur le feu. Il s'agit de reconnaître que, sur un même territoire, les intérêts sont conjoints et qu'il nous faut travailler ensemble.
M. Daniel Laurent. - Il n'est à l'heure actuelle certainement pas opportun du tout de mettre le feu dans les campagnes. S'il convient de rester attentif aux pratiques des uns et des autres, ce n'est pas le moment de leur imposer, pas plus qu'aux collectivités locales, des contraintes supplémentaires. Ces contraintes sont déjà nombreuses en France, vous le reconnaissez vous-mêmes.
Depuis le Grenelle de l'environnement de 2007, les agriculteurs ont consenti à des efforts considérables. Leur profession est peut-être, de toutes, celle qui s'est le plus réformée. De nombreux produits - dont certains, il faut l'admettre, étaient particulièrement nocifs - ne sont désormais plus utilisés. Les agriculteurs sont dorénavant beaucoup plus vigilants lorsqu'ils font usage de produits dans les cultures et veillent aussi davantage à leur propre protection. Le matériel est également bien plus performant aujourd'hui, avec, en viticulture par exemple, des dispositifs de panneaux récupérateurs.
Restons-en là et mes félicitations au rapporteur pour ses travaux et de l'exemple qu'il nous a donné. Cessons d'embêter les Français, pour rester poli, et les agriculteurs !
M. Jean-Marc Boyer. - Mes remerciements à Pierre Cuypers pour le travail qu'il a réalisé.
Qu'un dialogue soit entrepris et que l'on mène des contrôles sanitaires, certes. En revanche, alors que la profession agricole s'est apaisée après avoir été excédée, en remettre une couche avec des normes supplémentaires ne peut qu'inciter certains de ses représentants à se tourner vers les extrêmes. Ni l'Anses ni l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) ne préconisent d'ailleurs de nouvelles interdictions motivées par des considérations d'ordre sanitaire.
L'épisode de la loi Duplomb a réveillé les antagonismes. La collecte de deux millions de signatures contre elle, et plus particulièrement contre la réintroduction de l'acétamipride, s'est accompagnée chez certains d'une agressivité et d'une violence très marquées, que je dénonce. Des menaces ont été proférées. Les auteurs du texte ont été traités d'« assassins ». Disons les choses telles qu'elles sont et invitons à beaucoup plus de modération dans les propos.
M. Henri Cabanel. - Je comprends le fond de cette proposition de loi, et j'en partage l'idée. Cependant, comme nombre de parlementaires, je considère que nous légiférons trop et à tout propos. Les outils dont nous disposons déjà permettent de diminuer les risques liés à l'usage des produits phytosanitaires et à leur dangerosité. Je veux parler du plan Écophyto, dont les crédits accusent malheureusement une diminution dans le PLF pour 2026. Continuons néanmoins de travailler avec ces outils, plutôt que d'en envisager de nouveaux !
Arrêtons aussi d'infantiliser les agriculteurs. Nous avons affaire à des professionnels responsables, conscients des efforts qu'il leur incombe de faire. Rappelons de plus que ce n'est pas l'agriculture qui va à l'urbanisation, mais, toujours, en sens inverse, l'urbanisation qui vient vers les terres agricoles.
Il faut raison garder. Le dialogue doit se développer au niveau local, en fonction des différents types d'agriculture. Dans certains départements, dans certaines communes, maires et agriculteurs s'y emploient déjà. Il importe que les riverains des parcelles agricoles soient informés des traitements à venir. Et traiter des parcelles proches d'habitations un samedi après-midi ou un dimanche me paraît irresponsable.
C'est non par une proposition de loi, mais au travers du dialogue et de la concertation que l'on arrivera à concilier les intérêts en présence.
M. Philippe Grosvalet. - La peur n'évite pas le danger. En Loire-Atlantique, nous avons connu, il y a quelques années, un cluster de cancers pédiatriques et, au même moment, à Saint-Nazaire un taux très élevé de cancers liés à de multiples facteurs difficiles à identifier. Les débats qui nous animent aujourd'hui sur la question agricole existent également dans le domaine industriel avec, pour ce dernier, des enjeux économiques souvent plus prononcés encore.
S'agissant de l'agriculture, il faut reconnaître que nos villes se sont agrandies sur des terres agricoles. Riverains et agriculteurs, dont les enfants vont dans les mêmes écoles, partagent des craintes analogues lors des épandages. La seule façon de procéder consiste à encourager la transparence et la confiance. Reste à en identifier le meilleur vecteur.
La question de l'environnement et de son lien avec la santé monte en puissance en France. Les deux millions de signatures réunies contre la loi Duplomb en témoignent. L'appréhension est croissante. Il nous appartient de lever les craintes en créant sur le plan local, au plus près des intéressés - les chartes départementales apparaissent déjà trop éloignées -, les conditions de la confiance. Notre agriculture ne pourra qu'en sortir renforcée.
M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie le rapporteur ainsi que nos collègues écologistes de leur travail. Nous sommes sur la même ligne que les auteurs de la proposition de loi, celle de l'apaisement. Du reste, si l'on peut regretter les débordements contre la loi Duplomb, on peut aussi en déplorer bien d'autres...
J'entends vos explications, monsieur le rapporteur, mais je ne partage pas votre analyse. En 2021, de nombreux recours ont été déposés devant le préfet au motif de l'illégalité des chartes départementales d'engagement. L'année suivante, sept ONG engageaient de nouveaux recours contentieux. En 2024, les tribunaux administratifs ont annulé plusieurs chartes non conformes. C'est un constat et il est dommage d'écarter ce texte d'un revers de main.
Quelle que soit notre tendance politique, nous condamnons tous l'agribashing, qui porte préjudice à l'agriculture et aux agriculteurs. Or le texte qui nous est proposé, que pour notre part nous voterons, amène de l'apaisement, en tenant compte de l'avertissement des deux millions de signatures contre la loi Duplomb, tout en expliquant la profession d'agriculteur, qui fut longtemps la mienne. Plus on explique, plus on recueille l'adhésion. Les chartes, quoiqu'elles présentent un intérêt, ne sont pas l'outil idéal, et la proposition qui nous est soumise semble tout à fait acceptable.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Merci de votre sagesse au cours des échanges que nous venons d'avoir. Le véritable enjeu, que, tous, vous avez abordé, est celui de la nécessité de prendre, en matière d'agriculture, des décisions apaisées, plutôt que de manipuler les peurs.
Il est déjà un premier mot que j'aimerais que nous supprimions du vocabulaire, le mot « pesticide ». Quand je procède à un traitement, j'apporte avant toute chose un soutien au développement et à la santé des plantes. On traite non pas par plaisir, mais parce que c'est utile aux cultures et, en définitive, à la qualité sanitaire de l'agriculture que l'on propose aux Français.
Les conditions du dialogue existent au niveau local. Des applications mobiles ont été mises en place et fonctionnent, mais elles restent peu utilisées. Ne rajoutons pas davantage de dispositifs et attendons le résultat des instances pendantes. Le Conseil d'État se prononcera dans l'année qui vient. Tous les recours sont identiques quant à leur objet et nous verrons ce qu'il en sortira. Je reste très serein par rapport à cela et je maintiens ma position de rejet, en considérant que les solutions existent déjà et que les agriculteurs sont, dans leur immense majorité, des professionnels attentifs...
M. Daniel Salmon. - Les propos tenus en audition par un agriculteur de la Coordination rurale nous ont tout de même laissés pantois...
EXAMEN DES ARTICLES
Articles 1er et 2
Les articles 1er et 2 ne sont pas adoptés.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Cette proposition de loi sera débattue dans l'hémicycle le 18 décembre prochain.
La réunion est close à 12 h 40.