Mercredi 10 décembre 2025

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons notre réunion en examinant le rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux.

Je vous rappelle que l'examen de ce texte en séance publique est programmé le jeudi 18 décembre et que nous nous réunirons mercredi matin prochain afin d'examiner les amendements de séance.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui m'ont accompagnée dans la préparation de ce rapport et qui ont participé avec moi aux auditions. Leur contribution nous a permis d'enrichir collectivement la réflexion sur un sujet devenu extrêmement sensible et d'une grande actualité.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de l'édifice juridique que nous construisons depuis plusieurs années afin de protéger enfants et adolescents des risques liés à l'ensemble des écrans - de la télévision au téléphone portable, en passant par les ordinateurs, les tablettes, les montres connectées, etc. Elle constitue ainsi une pierre supplémentaire, dont il convient d'apprécier l'articulation avec celles qui ont déjà été posées.

Dès 2018, dans le rapport d'information réalisé au nom de notre commission et intitulé Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation - aussi bien dans les entreprises, dans les administrations, mais aussi et surtout pour les plus jeunes de nos concitoyens -, j'insistais sur la nécessité « d'apprendre à se servir des écrans et d'apprendre à s'en passer ».

Par voie d'amendement, j'ai ensuite introduit dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance l'obligation, pour les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), de former étudiants et enseignants à la maîtrise des outils numériques et à l'acquisition de toute une série de compétences aujourd'hui intrinsèquement liées aux usages numériques.

Enfin, en 2021, dans le rapport d'information intitulé Amplifier la législation européenne sur les services numériques (DSA) pour sécuriser l'environnement en ligne et réalisé avec ma collègue Florence Blatrix Contat, nous plaidions pour un renforcement des exigences européennes. Parmi ces exigences figuraient notamment l'interdiction de la publicité ciblée pour les enfants et l'instauration d'un principe de safety by design. Cette première bataille est désormais gagnée.

La loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (SREN) est ensuite venue décliner plusieurs des orientations portées par ces rapports.

Je veux également souligner que, parallèlement à la présente proposition de loi, j'ai déposé une proposition de résolution européenne (PPRE), enregistrée au Sénat le 10 juin 2025, et devenue résolution européenne du Sénat le 8 août 2025, relative à la protection des mineurs en ligne ; elle constitue le volet européen de ce qui doit apparaître comme une démarche d'ensemble.

L'essentiel du cadre juridique en la matière relève en effet du niveau européen, avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) et, surtout, le règlement sur les services numériques (RSN) - ou Digital Services Act (DSA). Celui-ci impose aux plateformes des obligations particulières concernant les mineurs, dont celle de « garantir un niveau élevé de protection de la vie privée, de sûreté et de sécurité des mineurs » - article 28.

Cet été, la Commission européenne a ainsi publié des lignes directrices assez ambitieuses pour en assurer l'application, prévoyant notamment : des paramétrages par défaut pour les mineurs, parmi lesquels figure la désactivation des notifications pendant les heures de sommeil ; l'adaptation des systèmes de recommandation afin d'éviter l'amplification de contenus dangereux ; une modération renforcée ; le déploiement accru d'outils de contrôle parental.

L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), chargée de mettre en oeuvre ces obligations et que nous avons longuement auditionnée, nous a indiqué qu'elle priorisait actuellement plusieurs actions auprès des plateformes les plus risquées, notamment TikTok. Il s'agit en particulier du contrôle de l'effectivité des seuils d'âge prévus par leurs conditions générales d'utilisation, notamment l'interdiction pour les moins de 13 ans, ainsi que de la vérification de la mise en place effective des environnements dédiés aux mineurs. L'Arcom pourra également signaler à la Commission européenne toute infraction constatée sur les très grandes plateformes, comme elle l'a fait récemment sur le phénomène SkinnyTok sur TikTok.

L'Arcom nous a indiqué que les choses commençaient un peu à bouger, les plateformes travaillant à la mise en conformité avec ces lignes directrices. La Commission européenne a par ailleurs ouvert des enquêtes sur plusieurs plateformes, sur lesquelles portait notamment le rapport d'information que j'avais élaboré avec Florence Blatrix Contat.

Quels sont, à présent, les effets nocifs que nous constatons aujourd'hui et qui justifient cette nouvelle initiative ?

S'agissant des plus jeunes, les données de la cohorte Elfe sont éclairantes : pour les enfants nés en 2011, le temps d'écran moyen était de cinquante-six minutes à deux ans, une heure vingt à 3 ans et demi, et une heure trente-quatre à 5 ans et demi. Pour les pré-adolescents et adolescents, une étude récente de l'Arcom auprès des 11-17 ans identifie six grands types de risques en ligne : l'hyperconnexion, qui nuit à d'autres activités ou au sommeil - 88 % y sont exposés - ; les contenus choquants, dégradants, haineux ou violents, ainsi que les incitations aux troubles alimentaires ; les défis dangereux ; le cyberharcèlement, qui peut aller jusqu'au partage non consenti de contenus personnels ; les interactions avec des adultes mal intentionnés ; enfin, les arnaques en ligne.

S'agissant plus précisément des risques sanitaires, ceux-ci sont aujourd'hui établis, notamment : des troubles sévères du sommeil, aux conséquences majeures pour la santé des enfants ; des retards d'acquisition et troubles du langage ; des affections des yeux, et, à long terme, une augmentation de la prévalence de la myopie ; une aggravation du surpoids et de l'obésité.

En matière de santé mentale, de nombreuses études ont par ailleurs démontré les effets délétères des contenus diffusés sur les réseaux sociaux pour les plus vulnérables. Le rapport d'Amnesty International Poussé.e.s vers les ténèbres montre ainsi comment certaines pratiques de TikTok peuvent renforcer l'anxiété et la dépression, comme l'avait révélé la commission d'enquête que nous avions conduite sur ces sujets.

Les travaux scientifiques mettent enfin de plus en plus en lumière les effets de la « technoférence » chez les enfants de 0 à 3 ans, c'est-à-dire l'interposition systématique d'un écran dans la relation parent-enfant, qui peut affecter le développement. Le psychiatre Serge Tisseron nous a d'ailleurs alertés sur ce point.

À ces effets s'en ajoutent de nouveaux qui trouvent leur origine dans un phénomène en expansion rapide : l'usage des intelligences artificielles conversationnelles. Deux tiers des enfants américains échangeraient ainsi quotidiennement avec ce qu'ils perçoivent comme un « compagnon numérique » !

Face à ces constats, la présente proposition de loi vise d'abord à apporter une avancée complémentaire importante, en améliorant notre législation nationale sur un volet déterminant : la formation et la sensibilisation aux risques liés aux écrans, mais également aux bonnes pratiques.

Je souhaite indiquer que ce texte a été accueilli favorablement par l'ensemble des personnes que nous avons pu auditionner : représentants des pédiatres, des professionnels de la petite enfance, des orthophonistes, des parents d'élèves, ainsi que les syndicats enseignants, le réseau Canopé, ou encore l'Arcom et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Le ministre de l'éducation nationale, avec qui j'ai pu m'en entretenir, et le ministre de la santé, par l'intermédiaire de son cabinet, s'y sont également montrés très favorables, tout comme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Cette proposition de loi tend ainsi à systématiser la formation et la sensibilisation à ces sujets de tous les professionnels de la santé, de la petite enfance et de l'éducation. Les auditions que nous avons menées font apparaître un besoin réel : des formations existent, mais elles ne sont pas assez systématiques.

Or il est indispensable que l'ensemble de ces professionnels puissent promouvoir les meilleures pratiques auprès des enfants, et ce dès leur plus jeune âge, comme des parents. J'insiste sur ce point : si les enfants sont aisément atteignables dans les structures qui les accueillent, les parents, eux, le sont difficilement. C'est pourquoi les professionnels - qu'ils relèvent du secteur médical, médico-social ou de la petite enfance - doivent pouvoir sensibiliser et accompagner les parents sans les culpabiliser. Cela conditionne une relation de confiance permettant de reprendre la main sur les usages numériques familiaux. Je proposerai d'ailleurs des amendements pour renforcer cette dimension d'accompagnement.

La proposition de loi prévoit également d'inscrire dans les règlements intérieurs des établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans des règles encadrant l'usage des appareils numériques en présence des enfants. Si les crèches ont déjà proscrit les écrans, ce n'est pas le cas de tous les types d'accueil et des usages résiduels subsistent - par exemple lorsqu'un membre du personnel visionne une vidéo durant la sieste, exposant involontairement certains enfants.

Le texte introduit par ailleurs, dans les missions de la protection maternelle et infantile (PMI), la prévention des risques liés aux écrans - les départements agissent déjà beaucoup avec les PMI. Celles-ci, fréquentées par un large public, y compris les familles les plus modestes, constituent en effet un levier précieux pour sensibiliser les parents dès la grossesse.

Enfin, l'article 3 prévoit que les mesures de prévention sanitaire et sociale dont doivent bénéficier tous les mineurs à intervalle régulier incluent une sensibilisation à ces risques. Cette disposition exploitera l'universalité de ce dispositif pour diffuser largement une information essentielle.

Pour l'ensemble de ces dispositions, je vous proposerai par amendement de substituer à la notion d'« usage excessif » celle d'« usage non raisonné », car la formule « usage excessif » réduit la problématique des écrans à une question de durée d'exposition. Or certains effets négatifs peuvent se manifester très rapidement, notamment en cas d'exposition à des contenus dangereux.

Inversement, il existe évidemment des usages positifs des écrans. Le numérique fait désormais partie de notre quotidien et l'ignorer n'aurait aucun sens. Les enfants et les adolescents utilisent aussi les écrans pour leurs devoirs à la maison, pour accéder à la culture ou pour communiquer avec leurs pairs. De même, le numérique a permis des progrès importants en termes d'inclusion, avec des applications parfois remarquables dédiées aux personnes en situation de handicap (PSH). Une formation précise et informée sur ces sujets doit donc tenir compte de l'ensemble de ces éléments.

Enfin, la question de l'âge est complexe. La formule « 3-6-9-12 » de Serge Tisseron reste une référence utile - dont nous parlions déjà en 2019 -, et rappelle plus que jamais la nécessité de proscrire les écrans avant 3 ans. Des représentants des pédiatres nous ont même fait valoir que, pour eux, l'exposition doit être quasi nulle avant 6 ans. Par ailleurs, on observe une fragilité particulière pour les adolescents à l'approche des 15-16 ans, car ils sont alors très sensibles aux « dynamiques identitaires » amplifiées par les réseaux sociaux. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans les formations et sensibilisations prévues par le texte.

La seconde partie de la proposition de loi concerne l'éducation nationale. Elle a une double ambition. D'une part, il me semble essentiel de construire une stratégie commune autour de tous les temps de l'enfant. D'autre part, il faut adapter la formation des enseignants afin de tenir compte des évolutions des usages numériques. À ce sujet, je rappelle la nécessité que cette formation soit réellement effective dans les Inspé. Je n'ai de cesse, depuis 2019, de le rappeler à chaque ministre et lors de chaque projet de loi de finances (PLF).

Au fil des auditions, j'ai constaté que les formations les plus opérationnelles étaient dispensées grâce au réseau Canopé, qui produit des modules remarquables sur l'ensemble de ces sujets. Je remercie notre président et nos collègues qui se sont mobilisés pour sauver les crédits de ce réseau.

Sans doute avez-vous eu, dans vos départements, des retours d'offres de services proposées par des entreprises comme Microsoft ou Apple visant à former les enseignants au numérique ; et vous avez sans doute entendu les communications des réseaux sociaux sur leurs actions pour mieux protéger les jeunes. J'attire votre attention sur la tentation de déléguer à des groupes privés la formation des enseignants ou de parier sur l'autorégulation des plateformes. Ces actions témoignent certes d'une prise de conscience. Mais les pouvoirs publics ne peuvent se dessaisir de ces questions essentielles. Derrière les plateformes, la tentation du profit l'emporte toujours sur la sécurité.

L'article 4 vise ainsi à intégrer au sein des projets éducatifs territoriaux (PEDT), ainsi que dans la formation initiale et continue des personnels de l'éducation nationale, une sensibilisation aux risques des écrans. Le PEDT est le document permettant de structurer les activités périscolaires et de coordonner l'action des différents acteurs : éducation nationale, administrations, collectivités territoriales, associations, fondations. Cette disposition traduit ainsi la nécessité d'une prise en compte de la place des écrans dans tous les temps de l'enfant, qu'ils soient scolaires ou périscolaires, à travers une démarche cohérente et partagée entre l'ensemble des intervenants auprès des enfants.

L'article 5 permet d'intégrer au sein des projets d'école et d'établissement des actions pour sensibiliser aux effets nocifs des écrans et des réseaux sociaux. Il s'agit ainsi de fédérer la communauté éducative autour de cet objectif. Cette disposition permet aussi d'inclure dans la discussion les collectivités territoriales, qui siègent dans les conseils d'établissement. Nous savons combien elles jouent un rôle important dans l'équipement numérique des établissements et des élèves, notamment au lycée. Mais les collectivités doivent aussi avoir conscience que cet équipement n'est pas anodin et être pleinement associées aux réflexions sur son utilisation raisonnée. L'engagement de tous est nécessaire pour coordonner l'action face aux écrans et leurs effets nocifs.

Je vous proposerai également un amendement visant à inclure les établissements privés sous contrat, qui concourent au service public de l'éducation nationale, et qui auraient, sinon, été exclus de l'obligation de sensibilisation aux écrans.

Enfin, l'article 6 permettra d'ancrer dans la loi la campagne de sensibilisation organisée chaque année par l'Arcom sur les dangers de l'exposition aux écrans et d'y associer la Cnil ainsi que les ministères chargés de l'éducation nationale, de la santé et du numérique. Cette campagne prendra la forme de spots d'information, diffusés obligatoirement par les chaînes de télévision et les radios, sur un contenu imposé par l'Arcom.

L'association du ministère de l'éducation nationale permettra également d'utiliser, comme supports, les applications telles que Pronote ou Ma Classe Numérique, afin de toucher un public plus large au-delà des médias traditionnels. En 2025, la campagne n'a duré que quatre jours ; elle devra être beaucoup plus longue et plus largement diffusée, tant sur les écrans que par le biais de brochures et d'autres supports écrits, comme nous l'ont réclamé les médecins.

Mes chers collègues, cette proposition de loi complète l'édifice juridique européen et national que nous construisons progressivement pour éliminer les effets les plus négatifs sur les enfants et les adolescents du développement débridé de l'écosystème numérique. Après le temps de la naïveté sont venus ceux de la mobilisation et de la réglementation. Je veux croire que nous entrons aujourd'hui dans le temps de l'efficacité.

Toutefois, nous ne continuerons pas à avancer sans accroître encore la pression sur les plateformes pour leur imposer une attitude enfin responsable. Car c'est bien leur modèle, fondé sur l'économie de l'attention et la maximisation des recettes publicitaires, qui a donné naissance aux dérives auxquelles nous assistons aujourd'hui. Je pense en particulier aux fils de vidéos à défilement infini fonctionnant grâce à des algorithmes nourris aux données personnelles, qui privent de sommeil une partie de la jeunesse - comme des adultes - et l'exposent dix fois par jour ou par nuit à des contenus toxiques. Ce n'est pas à la société de s'adapter tant bien que mal à ce modèle, c'est aux plateformes de le rendre compatible avec la santé des enfants et des adolescents ! Quitte, si cela se révèle impossible, à mettre en place des modèles de réseaux sociaux entièrement différents, compatibles avec les exigences que nous défendons.

Certes, un phénomène interfère avec l'évolution vers davantage de régulation et nous oblige à redoubler d'efforts : je veux parler de la pression exercée par les États-Unis, qui critiquent systématiquement ces démarches et incitent leurs champions nationaux à l'intransigeance. Mais nous ne sommes pas démunis face à cette offensive, car ces plateformes ont besoin du marché européen. La formation, la réglementation, le dialogue, mais aussi, quand il est impossible d'aboutir autrement, les sanctions, notamment financières : telle est la palette des outils que nous devrons absolument mobiliser jusqu'à obtenir que l'espace numérique soit aussi sûr que possible pour les citoyens européens, en particulier pour les enfants et les adolescents.

M. David Ros. - Je remercie Mme la rapporteure de sa présentation, qui est à l'image des auditions : très complète, riche et utile, nourrie par la qualité comme par la quantité des entretiens. En pleine période budgétaire, elle a su nous imposer un rythme soutenu, qui nous a même empêchés d'utiliser les réseaux sociaux durant les pauses...

Deux dimensions apparaissent nettement : l'objet et l'usage.

S'agissant de l'objet en lui-même, les effets néfastes sont établis : fatigue visuelle, difficultés de concentration, irritabilité, voire addiction - le rapport les met clairement en évidence.

Vient ensuite la question des usages : l'outil, qui crée de la fatigue, peut aussi produire des effets extrêmement pervers, mais également, dans certains cas, des effets positifs. La régulation des réseaux sociaux et des plateformes - voire leur interdiction - est donc indispensable, même si ses limites sont connues en termes d'efficacité.

La dimension des usages est essentielle, car c'est un travail au long cours, qui passe par l'apprentissage, la compréhension, puis la capacité à bien se servir des outils et à être capable de s'en passer. Cela implique un travail pédagogique et une sensibilisation des familles - au premier chef les parents, mais aussi les fratries -, ainsi que des professionnels de la petite enfance. Les auditions ont d'ailleurs montré qu'avant 6 ans les usages ne présentent aucun aspect positif.

Les acteurs de l'éducation sont confrontés à des positions difficiles, presque « schizophréniques » : on leur demande d'utiliser l'outil numérique pour l'apprentissage, mais ils ont conscience des effets pervers qui en résultent. D'où l'attente de formation, de régulation et de moyens pour mieux accompagner ces usages.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) votera cette proposition de loi ainsi que les amendements présentés par la rapporteure.

Mme Agnès Evren. - Cette proposition de loi constitue un véritable pas en avant, un élément structurant sur un sujet essentiel pour l'avenir de notre jeunesse. Toutes les personnalités auditionnées - médecins, personnels de l'éducation nationale, professionnels de la petite enfance, associations de parents d'élèves - ont unanimement confirmé les effets nocifs, désormais établis, d'une exposition précoce aux écrans sur la santé physique et mentale : troubles de l'attention et du sommeil, difficultés d'acquisition du langage et des apprentissages, absence d'interactions, mais aussi - et c'est très important - cyberharcèlement, qui se poursuit vingt-quatre heures sur vingt-quatre et peut créer de l'anxiété et des troubles dépressifs, comme le montre parfaitement le rapport.

De nombreuses associations de parents d'élèves nous ont également dit se sentir démunies face à l'absence de consignes claires de l'éducation nationale et souhaitent être mieux accompagnées. Il n'existe plus de rupture entre le temps scolaire et le temps passé à la maison. Certes, la loi du 3 août 2018 relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire interdit l'usage du téléphone portable à l'école, mais les élèves le gardent dans leur poche : les notifications perturbent la concentration, d'autant que les plateformes se livrent une véritable bataille de captation de l'attention. Une régulation s'impose.

En tant que parlementaires, nous devons prendre le sujet à bras-le-corps. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit un arsenal de mesures de prévention et de sensibilisation. Les témoignages des experts m'ont inspiré deux amendements.

Le premier permet au règlement de l'établissement de prévoir des modalités d'organisation de dépôt ou de consignation des téléphones portables - tel était l'objet de la proposition de loi que j'avais déposée le 19 avril 2024, conformément à l'engagement du ministère de l'éducation nationale à la rentrée 2025. Or les collectivités, compétentes pour installer des casiers, ne l'ont pas toutes fait, et nous ne disposons pas d'une vision précise des établissements ayant généralisé la pause numérique.

Le second amendement vise à compléter l'article 5, en prévoyant d'étendre aux temps périscolaires les règles encadrant l'usage des écrans et outils numériques, ces temps relevant de la responsabilité des maires et demeurant insuffisamment encadrés. Il ne s'agit pas de contraindre, mais il convient d'éviter que l'encadrement des usages ne soit contourné durant le temps périscolaire. La communauté éducative y voit l'un des derniers trous dans la raquette...

Enfin, je déposerai en séance un amendement visant à appliquer ces règles aux accueils de loisirs tels que régis par le code de l'action sociale et des familles.

Mme Mathilde Ollivier. - Merci beaucoup pour ce rapport, cette proposition de loi et l'organisation de nombreuses auditions dans cette période budgétaire pourtant très chargée. Nous avons beaucoup appris des experts, notamment sur les risques liés à l'exposition aux écrans, qu'il s'agisse des effets physiques ou psychiques. La Société française de pédiatrie a rappelé l'existence de deux grandes phases de vulnérabilité : la petite enfance, avec des risques majeurs sur le développement, et l'adolescence, marquée par l'exposition à des contenus problématiques, même si l'ensemble de l'enfance et de l'adolescence reste une période où la surexposition aux écrans et aux contenus peut affecter le sommeil, le développement et les relations, à la maison comme à l'école.

Les auditions ont également mis en lumière de fortes inégalités selon les catégories socioprofessionnelles : dans les logements exigus, les enfants disposent de peu d'espace pour bouger, et les écrans deviennent parfois la seule option. Cet état de fait doit être pris en compte dans nos politiques de sensibilisation, de prévention et d'éducation aux usages.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) soutiendra cette proposition de loi, qu'il s'agisse des mesures de prévention des risques, de formation ou de sensibilisation, très attendues.

Enfin, je souhaite revenir sur la nécessité d'associer étroitement la prévention des risques et l'éducation aux usages. Un amendement vise à intégrer la notion d'« exposition non raisonnée », mais je m'interroge sur l'intérêt d'y ajouter explicitement l'« éducation aux usages ». Madame la rapporteure, pourriez-vous préciser ce point ?

Mme Annick Billon. - Je remercie Catherine Morin-Desailly de nous présenter ce texte, le jour même où l'Australie interdit l'usage des réseaux sociaux aux moins de 16 ans, mesure dont l'application s'annonce toutefois difficile, malgré les amendes très lourdes prévues.

Je veux saluer l'expertise, la constance et la volonté d'agir sur le temps long de notre collègue. De nombreuses initiatives et tentatives ont été engagées - votre proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans de 2018, la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, adoptée par l'Assemblée nationale en 2023, mais jamais inscrite au Sénat, ou encore la création récente, par le Président de la République, d'une commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans -, toujours avec le même objectif : protéger les enfants. Il est désormais temps de traduire ces travaux dans la loi et de fixer un cadre clair pour la protection des mineurs.

Votre texte contient six articles en faveur de la prévention, la formation et la sensibilisation de tous les professionnels en lien avec les enfants - PMI, enseignants, ministères concernés. Il constitue un pas supplémentaire important pour la protection des jeunes publics.

Les travaux que nous avons menés avec la délégation aux droits des femmes sur le rapport d'information Porno : l'enfer du décor ont mis en évidence les nombreuses conséquences auxquelles les enfants sont exposés : temps d'écran excessif, addictions, pédocriminalité, réseaux de prostitution, troubles du sommeil, déficit d'empathie, repères perturbés. Face à des risques aussi lourds, il est indispensable de graver dans la loi ces enjeux.

Il faudra ensuite se donner les moyens d'appliquer ces mesures : des moyens financiers pour la communication, des moyens pour l'école et la formation, et des outils adaptés, notamment via le réseau Canopé. On sait, par exemple, que l'éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (Évars), pourtant inscrite depuis longtemps dans la loi, reste difficile à mettre en oeuvre.

Les membres du groupe Union Centriste (UC) voteront ce texte et félicitent son auteure-rapporteure.

M. Ahmed Laouedj. - Merci à Catherine Morin-Desailly pour cette proposition de loi, qui constitue un pas nécessaire. Nous connaissons les effets de la surexposition aux écrans sur les enfants : troubles de l'attention, du sommeil, anxiété, exposition à des contenus inadaptés. Près d'un jeune sur quatre présente un usage problématique de son smartphone ; c'est un véritable enjeu de santé publique. La prévention et l'information sont indispensables, mais elles ne suffisent pas ; on ne peut pas demander aux familles de lutter seules contre les plateformes mondiales dont le modèle économique repose sur l'addiction numérique. Le contrôle parental actuel reste, de surcroît, trop facilement contournable.

Nous devons responsabiliser les plateformes - TikTok, YouTube, réseaux sociaux -, dont les algorithmes captent l'attention plutôt qu'ils ne protègent les enfants. Les obligations européennes du DSA existent : interdiction de la publicité ciblée, vérifications de l'âge, transparence des algorithmes. Elles doivent maintenant être appliquées et contrôlées.

Ce texte constitue une base utile, mais nous devons aller plus loin et plus vite.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) soutiendra cette proposition de loi.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. - À mon tour de remercier Mme la rapporteure pour ce travail essentiel, mené depuis longtemps, qui aboutit aujourd'hui à une proposition de loi visant à renforcer la prise de conscience de la nécessaire intervention des politiques publiques pour protéger les enfants de la surexposition aux écrans. Ce texte représente un pas significatif en la matière. En effet, il faut contraindre et harmoniser la réglementation pour tous les diffuseurs audiovisuels. Des avancées existent déjà : la programmation télévisuelle interdit certains contenus avant 22 heures.

Au cours des actions de sensibilisation menées dans les écoles, les parents déclarent fréquemment que l'école est elle-même prescriptrice d'écrans, notamment à travers Pronote et d'autres applications numériques. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) portera un amendement visant à réglementer l'usage de Pronote, en en limitant l'accessibilité après 21 heures ou 22 heures, notamment le week-end.

Le texte prévoit également la formation des professionnels de santé. C'est une très bonne chose, car les besoins sont réels. Aujourd'hui, la sensibilisation aux enjeux de santé liés aux écrans reste optionnelle dans les études de médecine, contrairement à l'alcool, au tabac ou au VIH.

Les symptômes de la surexposition aux écrans peuvent parfois ressembler à ceux du trouble autistique, entraînant des diagnostics erronés. Après deux ou trois ans de prise en charge, l'« addiction » peut disparaître, révélant qu'il ne s'agissait pas d'un trouble du spectre de l'autisme. Une détection précoce est donc nécessaire, à la fois pour les enfants et pour éviter un coût social important - accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), traitements, notification des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), etc.

L'importance du rôle de l'école ayant été souligné, il serait également pertinent de coupler le dépistage de cette addiction avec les résultats des évaluations nationales réalisées périodiquement. Cela permettrait sans doute aux parents de mieux prendre conscience du problème.

J'attire également votre attention sur le fait que des structures publiques, comme les médiathèques, offrent un accès illimité aux écrans pour les enfants. Il y a là matière à réflexion.

Enfin, concernant la régulation des ventes, certains jeux destinés aux enfants de moins de 3 ans, prétendument éducatifs, utilisent des écrans comme support. Il y aurait peut-être un intérêt à les interdire.

Mme Laure Darcos. - Le meilleur moment pour sensibiliser l'ensemble des parents me semble être la rentrée scolaire, qui est aussi la période des bonnes résolutions. Il faudrait donc imposer une réunion d'information obligatoire pour les parents, dans le primaire comme dans le secondaire. Ce serait sans doute plus efficace qu'une communication via Pronote, qui ne touche pas forcément tous les publics.

Je me suis demandé si je devais déposer un amendement, mais je ne suis pas certaine que ma proposition puisse figurer dans le code de l'éducation. Peut-être faudrait-il simplement inciter le ministère à imposer une telle réunion dans chaque établissement, si toutefois cela est possible.

Mme Laurence Garnier. - Je remercie Catherine Morin-Desailly pour sa ténacité. En 2018, lorsqu'elle a commencé ses travaux, le sujet alertait bien peu de monde.

Nous savons tous le hiatus qui s'est creusé entre l'urgence et l'ampleur du problème, d'une part, et la réponse législative, d'autre part, qui reste assez faible. Certains textes n'ont jamais franchi le cap de la navette, sans compter que nous sommes relativement peu compétents au niveau national pour légiférer sur ces sujets. La proposition de loi a fait le choix de contourner cette difficulté en se concentrant sur la prévention et la sensibilisation, ce qui me paraît absolument indispensable.

Demain, il faudrait que nous considérions un enfant d'un an et demi devant une tablette dans une poussette presque comme s'il était en train de fumer une cigarette ! L'image est un peu forte, mais c'est cette révolution culturelle que nous devons réussir à opérer.

Nous pouvons aussi, en complément de cette proposition de loi, agir au niveau national sur l'objet lui-même - la tablette, le téléphone, l'ordinateur -, et non sur les flux numériques, qui sont gérés au niveau européen. C'est l'objectif de ceux qui souhaitent - et je les soutiens pleinement - interdire les téléphones portables au collège - où c'est déjà en théorie le cas - et au lycée. Les amendements proposés par Agnès Evren permettent d'amorcer cette réflexion.

Enfin, je voudrais dire un mot de l'antidote. Nous vivons dans une société où l'on a du mal à imaginer ce que pourrait être notre vie sans écran. Vous avez évoqué les retards de langage, les difficultés de concentration, les difficultés à produire des efforts de long terme, le manque d'interaction et d'empathie. Il y a un antidote parfait à tout cela, qui s'appelle la lecture ! Pour ceux que cela intéresse, je vous invite à vous pencher sur les travaux de Michel Desmurget, qui a écrit tout à la fois La fabrique du crétin digital et Faites-les lire !

Notre collègue Mathilde Ollivier a raison d'évoquer les inégalités socio-économiques face à l'usage des écrans. Mais la lecture est possible, même dans un petit espace. Il est vraiment fondamental, en parallèle de nos travaux, de la promouvoir !

M. François Patriat. - Je serai très bref : notre groupe soutient totalement cette proposition de loi à la fois juste et nécessaire.

M. Pierre Ouzoulias. - Permettez-moi, chère collègue rapporteure, de saluer votre pugnacité. Je me souviens, voilà quelques années, du profond mépris que vous avez essuyé de la part de l'exécutif lors du dépôt d'un précédent texte. Aujourd'hui, quand je vois la quasi-totalité du Gouvernement reprendre votre proposition de loi à son compte, je ne peux cacher ma surprise ni m'empêcher d'arborer un sourire légèrement narquois.

Je me souviens d'une époque où les ministres venaient au Sénat sans trop prêter attention à nos propositions de loi... Aujourd'hui, ils s'empressent de les reprendre. Les temps ont changé, et c'est une très bonne chose !

Néanmoins, comme vous l'avez très justement souligné, chère collègue, votre texte s'appuie sur des règlements et des directives européens dont on sent bien qu'ils sont menacés. L'administration Trump souhaite très clairement les mettre en pièces, et je ne suis pas sûr que l'Europe ait une réelle volonté souveraine de s'opposer à ce projet. Pour reprendre les mots de M. Retailleau, dont je salue le retour parmi nous, je ne suis pas certain que l'Europe veuille vraiment éviter de devenir une colonie numérique des États-Unis.

Notre vote permettra d'exprimer très clairement notre position. Mais défendre une proposition de loi ne suffira pas ; il faudra aussi que le Gouvernement, auprès des instances européennes, change d'état d'esprit sur le numérique.

Mme Catherine Belrhiti. - La très forte augmentation du nombre d'enfants n'ayant pas encore acquis le langage et présentant des difficultés de communication en raison d'une exposition précoce aux écrans laisse craindre, selon de nombreux spécialistes, l'apparition d'un véritable problème de santé publique.

Mais comment éviter que les obligations de formation et de sensibilisation prévues par les articles 3 et 4 de la proposition de loi ne restent théoriques, faute de moyens d'ingénierie pédagogique ou d'outils adaptés pour les professionnels de la santé, de la petite enfance et de l'éducation nationale ?

Quelle stratégie prévoir pour assurer la cohérence des actions menées par les différents acteurs - État, départements, établissements scolaires, Arcom, fabricants d'appareils - et leur bonne compréhension par les familles sur l'ensemble du territoire ?

M. Max Brisson. - Sur ce sujet comme sur d'autres, Catherine Morin-Desailly nous apporte une approche à la fois déterminée et fine, ce qui n'est pas toujours le cas de certaines déclarations martiales, très vite oubliées après avoir agité un temps les médias. Notre groupe soutiendra évidemment cette proposition de loi, dont la vocation est de s'inscrire dans la durée.

Concernant la partie du texte sur l'éducation, j'approuve les dispositions proposées en termes de formation et de sensibilisation. Reste un constat, évoqué par Annick Billon : tout ce qui ne figure pas dans les programmes d'enseignement et dans le cadre structuré de l'éducation nationale a beaucoup de mal à prospérer. Je m'interroge donc sur les raisons pour lesquelles le ministère de l'éducation nationale a tant de difficultés, depuis des années, à agir au moyen de ce qu'il sait faire le mieux, c'est-à-dire des décrets, des arrêtés et des circulaires, a fortiori dans un domaine où le champ réglementaire prédomine.

Quand l'éducation nationale veut que ses professeurs et ses personnels agissent, elle sait parfaitement poser un cadre. Je m'interroge donc sur sa difficulté à fixer des règles de bon usage des écrans, sur l'initiative des spécialistes de la pédagogie. Les coups de menton en faveur d'interdictions globales me paraissent très surprenants dans une société où les adultes montrent l'exemple inverse. Il suffit de jeter un oeil dans notre hémicycle... Nous qui travaillons beaucoup avec ces outils, nous aurions bien besoin également d'un apprentissage à leur bonne utilisation.

Au-delà du bon usage pédagogique de ces outils se pose aussi la question de la vie scolaire. Là encore, quand l'éducation nationale veut fixer des règles, elle produit des directives qui sont ensuite mises en oeuvre dans les règlements intérieurs, même si je déplore que ces derniers soient trop souvent un simple copier-coller des multiples textes du ministère. L'éducation nationale étant centralisée - ce que je déplore aussi parfois -, on peut s'étonner que, sur ce sujet, elle soit dans l'incapacité de fixer un cap et des règles.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Je réponds à Catherine Belrhiti, qui m'interrogeait sur la manière de garantir l'effectivité des obligations contenues dans ce texte.

Il nous appartient bien entendu de contrôler l'application de la loi chaque année au moment du budget, en vérifiant que les crédits par mission permettent de financer ces formations et que celles-ci sont effectivement dispensées.

De l'avis des personnes que nous avons auditionnées, ce texte diffère des précédents en ce qu'il tend à apporter une réponse systémique, globale et cohérente au problème, en s'appuyant notamment sur la coordination de tous les secteurs de l'éducation et de la petite enfance, y compris les intervenants médico-sociaux.

Nous voulons ainsi fédérer l'ensemble de la communauté éducative en rendant obligatoire l'élaboration d'un projet d'établissement sur le numérique, dont la rédaction associera la direction, les conseillers principaux d'éducation, les médecins et infirmières scolaires, ainsi que des représentants des élèves, des enseignants, des parents et des collectivités territoriales. Tous auront l'obligation de réfléchir au bon usage des écrans : quand, comment, pourquoi, combien de temps, où poser les portables ?... Ce travail, mené au coeur de chaque établissement, conduira à une modification du règlement intérieur. Cette première coordination aidera ensuite les parents à faire valoir à la maison les règles établies en commun.

Nous prévoyons également, pour la première fois, l'organisation d'une campagne nationale qui associera trois ministères. Ces derniers devront s'accorder sur des messages adaptés à chaque tranche d'âge, coordonner leurs efforts et y consacrer des moyens.

Enfin, Evelyne Corbière Naminzo s'est inquiétée à juste titre des jouets comportant des écrans. La disposition du texte, identique à celle d'un amendement qui avait été voté à l'unanimité en 2019 et tendant à rendre obligatoire, sur les emballages et les notices, la mention du danger potentiel de l'exposition aux écrans, à l'instar de ce qui a été fait pour le vin et les femmes enceintes, entend répondre à ce problème.

Je veux répondre également à la question de Mathilde Ollivier sur l'accompagnement et l'éducation. Quand je parle d'un usage non raisonné, cela signifie qu'il existe un usage raisonné. Dans l'un des amendements que je propose à l'article 1er, je dis explicitement qu'il faut promouvoir les alternatives aux écrans pour les jeunes enfants, c'est-à-dire toute la dimension éducative et les bons usages. Les alternatives attractives existent - projets culturels, apprentissage de la découverte d'une oeuvre, lecture, dispositif « Ma classe au cinéma », activité physique - ; les enseignants et les parents doivent s'en emparer.

M. Laurent Lafon, président. - Madame la rapporteure, je vous laisse à présent le soin de préciser le périmètre de cette proposition de loi.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que la présente proposition de loi porte sur la formation et la sensibilisation des enseignants et des professionnels de la petite enfance aux risques liés à l'exposition aux écrans pour les enfants et les adolescents, sur les messages de prévention inscrits dans le règlement intérieur des établissements d'enseignement, ainsi que sur la régulation des usages du numérique dans les établissements de la petite enfance. Elle porte également sur les messages apposés sur les emballages d'appareils numériques ou diffusés par les médias.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-1 tend à préciser que la formation spécifique sur les risques associés aux différents degrés d'exposition aux écrans doit obligatoirement être incluse dans la formation initiale et continue des professionnels concernés.

Cette formation devra également, de manière positive, les aider à développer et à partager avec les parents des pratiques alternatives aux écrans, en particulier dans les situations où ces derniers apparaissent trop souvent comme une « solution miracle » - moments d'attente, nécessité d'apaiser un enfant, etc.

L'amendement COM-1 est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-2 rectifié vise en premier lieu à mentionner les montres connectées et les téléviseurs parmi les objets numériques concernés par les messages de prévention.

Il tend également à préciser que lesdits messages doivent figurer sur les emballages non seulement de produits neufs, mais aussi de produits reconditionnés, dont le marché est désormais très développé.

Enfin, il prévoit de remplacer la notion d'« usage excessif » par celle d'« usage non raisonné » afin de ne pas limiter le périmètre des mesures envisagées à la seule question du temps d'écran, mais de prendre en compte également les différents facteurs de risque et les bons usages.

L'amendement COM-2 rectifié est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'article L. 1311-2 du code du travail ne rend obligatoire l'existence d'un règlement intérieur que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Il convient donc de viser aussi, s'agissant des établissements accueillant les jeunes enfants, le projet d'établissement et le règlement de fonctionnement, qui ont une base légale au sein du II de l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles. Tel est l'objet de l'amendement COM-3 rectifié.

Il prévoit aussi que ce texte doit, outre une politique de prévention des risques, mettre en place une politique de soutien à la parentalité favorisant les alternatives aux écrans pour les enfants de moins de 3 ans, afin d'engager un dialogue avec les parents et de leur permettre de trouver des solutions aux difficultés qu'ils rencontrent.

L'amendement COM-3 rectifié est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-4 vise à remplacer la notion d'exposition excessive aux écrans par la notion d'exposition non raisonnée, afin de ne pas limiter le périmètre des mesures de sensibilisation engagées par la PMI à la seule question du temps d'écran et de permettre la prise en compte la plus complète possible des divers facteurs de risques.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-5 vise à apporter la même précision que le précédent.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-6 rectifié vise à remplacer le mot « élèves » par « enfants », car les activités périscolaires ne relèvent pas de la compétence de l'éducation nationale.

L'amendement COM-6 rectifié est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-7 vise à préciser que le but de ce texte n'est pas d'exclure tout contact entre les enfants et les écrans. Nous ne sommes pas technophobes et n'ignorons pas les réalités du monde numérique. Les écrans ne sont d'ailleurs pas nocifs en tant que tels ; tout dépend de l'usage qui en est fait.

Aussi, je vous propose de préciser que les actions de sensibilisation en milieu scolaire portent sur une exposition non raisonnée aux écrans.

Par ailleurs, il me semble important de préciser que ces actions s'inscrivent dans un souci de santé publique. Pour en avoir discuté avec le ministre de l'éducation nationale, celui-ci m'indique que cette précision lui donnera davantage de poids pour inclure les professionnels de la santé.

L'amendement COM-7 est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Je partage pleinement l'intention des auteurs de l'amendement COM-11 rectifié bis. Son dispositif, placé dans le code de l'éducation, porte toutefois à confusion sur le partage des compétences entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales. Il me semble préférable de rattacher ce dispositif au code de l'action sociale et des familles, au titre des projets éducatifs que doivent établir les établissements proposant un accueil collectif de mineurs, dont les centres de loisirs.

Je vous propose de retravailler sur le texte de l'amendement dans la perspective du débat en séance publique. Pour l'heure, j'en sollicite le retrait.

L'amendement COM-11 rectifié bis est retiré.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - La loi du 3 août 2018 interdit de facto les téléphones portables dans les écoles et les collèges, mais sa mise en oeuvre est inégale. Agnès Evren a raison de vouloir préciser, à travers l'amendement COM-10 rectifié ter, les modalités d'organisation du dépôt ou de la consignation des appareils connectés à l'entrée de l'établissement scolaire. Cet amendement me semble toutefois trop restrictif. Je crois préférable de laisser aux établissements le soin de fixer eux-mêmes les règles de non-utilisation.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement.

L'amendement COM-10 rectifié ter est retiré.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 5

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à prendre en compte les élèves scolarisés en établissements privés sous contrat, qui n'étaient pas pris en compte dans ma proposition originelle.

L'amendement COM-8 est adopté et devient article additionnel.

Article 6

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-9 porte sur le contenu de la campagne de sensibilisation. Il s'agit toujours d'alerter sur les dangers d'une exposition non raisonnée, qui recouvre des champs allant au-delà du seul temps d'exposition aux écrans.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-12 vise à modifier le titre de la proposition de loi pour compléter la notion de protection des jeunes par celle d'accompagnement vers un usage raisonné du numérique. Cela permet d'englober les dispositions relatives à l'accompagnement des parents et des enseignants, aux alternatives positives, etc. Le titre de la proposition de loi serait ainsi rédigé : « Proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique. »

L'amendement COM-12 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

TITRE I : Volet sanitaire

Article 1er

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

1

Précision de la nature de la formation aux écrans

Adopté

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

2 rect.

Précision sur les appareils numérique et sur les messages publicitaires

Adopté

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

3 rect.

Précision sur le champ de l'insertion de la prévention dans les règlements des établissements

Adopté

Article 2

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

4

Précision sur la nature des mesures de sensibilisation

Adopté

Article 3

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

5

Précision sur la nature de la sensibilisation aux risques des écrans

Adopté

TITRE II : Volet éducatif

Article 4

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

6 rect.

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 5

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

7

Amendement de précision rédactionnelle

Adopté

Mme EVREN

11 rect. bis

Réglementation de l'usage des appareils connectés lors des activités périscolaires

Retiré

Mme EVREN

10 rect. ter

Modalités d'organisation du dépôt ou de la consignation des appareils connectés à l'entrée de l'établissement scolaire

Retiré

Article(s) additionnel(s) après Article 5

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

8

Prise en compte des élèves scolarisés en établissements privés sous contrat

Adopté

Article 6

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

9

Contenu de la campagne de sensibilisation

Adopté

Proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

12

Modification du titre du texte

Adopté

Conclusions de l'enquête administrative à la suite du vol survenu au musée du Louvre - Audition de MM. Noël Corbin, chef de l'inspection générale des affaires culturelles et Pascal Mignerey, chef de la délégation à l'inspection, à la recherche et à l'innovation - mission sécurité sûreté et d'audit (Missa) du ministère de la culture (sera publié ultérieurement)

Ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 10.