Mercredi 10 décembre 2025

- Présidence de M. Alain Milon, vice-président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Examen du rapport (nouvelle lecture)

M. Alain Milon, président. - L'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, qui a été transmis au Sénat hier soir.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - (La rapporteure générale projette un diaporama en complément de son propos.) Je pourrais résumer les choses ainsi : le PLFSS a été voté, le Gouvernement est rassuré, les Français sont peut-être soulagés, mais le déficit de la sécurité sociale n'est pas renfloué.

La nouvelle lecture à l'Assemblée nationale s'est déroulée dans des conditions particulières. Nous avons assisté à de nombreuses interruptions de séance, au gré desquelles se faisaient les compromis. Je dis « compromis », mais il s'agissait plutôt de « trocs ».

Comme d'habitude, vous trouverez le sort réservé aux différents amendements adoptés par le Sénat dans un tableau annexé à mon rapport. Vous trouverez également en annexe un tableau indiquant le chiffrage des principales mesures adoptées par le Parlement au fil des différents états du texte.

Un peu plus de 1 800 amendements ont été déposés au Sénat, dont près de 1 400 ont été jugés recevables. Ce nombre représente une augmentation d'environ un tiers par rapport à l'année dernière.

Selon l'article d'équilibre du PLFSS - l'article 14 -, le déficit du texte adopté par le Sénat en première lecture était de 17,6 milliards d'euros. Toutefois, si l'on veut comparer ce texte avec celui adopté hier par l'Assemblée nationale, il faut retenir le montant de 14,6 milliards d'euros. En effet, le Sénat a adopté à l'article 12 du PLFSS un amendement par lequel il exprimait le souhait que le Gouvernement renonce à son projet, mis en oeuvre par l'article 40 du projet de loi de finances (PLF), de réduire de 3 milliards d'euros la compensation des allégements généraux à la sécurité sociale. L'article 14 du PLFSS adopté par le Sénat ne prenait pas en considération cette demande, la ministre de l'action et des comptes publics ayant indiqué qu'on ne pouvait pas préjuger de ce qui serait voté dans le PLF. Toutefois, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, la ministre a déclaré que le Gouvernement souhaitait désormais faire passer le montant de cette réduction de 3 milliards d'euros à 1 milliard d'euros. Or, les 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires qui en découlent sont bien pris en compte par l'article d'équilibre du texte adopté hier par l'Assemblée nationale.

Nous aurions même pu retenir, pour le texte adopté par le Sénat en première lecture, un déficit de 12,6 milliards d'euros, pour tenir également compte de la mesure proposée par Olivier Henno sur l'augmentation du temps de travail, dont le rendement a initialement été évalué par la direction de la sécurité sociale à 2 milliards d'euros. Cependant, le Gouvernement a finalement estimé que le rendement serait nul en 2026, la mesure ne pouvant s'appliquer aux contrats en cours.

Je suggère donc de nous en tenir au chiffre de 14,6 milliards d'euros, qui est incontestable et permet de retenir le même périmètre que celui du texte adopté hier par l'Assemblée nationale.

J'en viens aux soldes de la sécurité sociale résultant des différents états du texte. Après nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le déficit est de 19,4 milliards d'euros. Ce montant est supérieur de 4,8 milliards d'euros au déficit découlant du texte du Sénat (comme je vous l'ai indiqué de 14,6 milliards d'euros), mais seulement de 1,9 milliard d'euros au déficit figurant dans le texte initial.

J'en viens aux principales mesures adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture. Les mesures dégradant le solde, qui figurent en rouge sur mon graphique, étaient plus nombreuses que les mesures d'amélioration, qui figurent en vert.

Parmi les mesures dégradant le solde, on trouvait notamment le versement de 4,1 milliards d'euros supplémentaires par la sécurité sociale à l'Unédic, au titre de la compensation des allégements généraux. De plus, les députés n'avaient pas voulu du gel des prestations ni de la contribution sur les complémentaires santé. Le Gouvernement avait également ajouté 1 milliard d'euros à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Parmi les mesures qui améliorent le solde, figuraient la compensation des niches liées aux heures supplémentaires et l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital, pour un montant de 2,8 milliards d'euros. La réduction de ce montant a fait l'objet d'un compromis ces derniers jours.

Venons-en à ce qui s'est passé au Sénat. Évidemment, les mesures d'amélioration étaient bien plus nombreuses. Nous avons repris un certain nombre d'éléments des propositions faites en juillet par la majorité sénatoriale à François Bayrou, qui figuraient dans le texte initial. De plus, nous avons supprimé l'augmentation de la CSG sur les revenus du capital proposée par l'Assemblée nationale. Je ne reviendrai pas ici sur l'ensemble des mesures.

J'en viens enfin à la nouvelle lecture de l'Assemblée nationale. La seule mesure qui améliore le solde global des administrations publiques est l'augmentation de la CSG sur les revenus du capital, ramenée à 1,5 milliard d'euros.

Comme je vous l'ai indiqué, le Gouvernement a annoncé à l'Assemblée nationale ramener de 3 milliards d'euros à 1 milliard d'euros la réduction de la compensation des allégements généraux. Comme le déficit de 14,6 milliards d'euros à la sortie du Sénat prend déjà en compte une suppression totale de cette réduction, le texte adopté par l'Assemblée nationale dégrade le solde d'1 milliard d'euros par rapport au texte adopté par le Sénat.

La mesure induisant le coût le plus important est l'augmentation de l'Ondam, dont la croissance est portée à 3 %, ce qui majore les dépenses de près de 3 milliards d'euros par rapport au texte voté par le Sénat. Ce taux de 3 % correspond au taux de croissance habituel de l'Ondam et à peu près à celui du PIB en valeur. Il permet juste de ne pas contribuer à l'augmentation du déficit.

Comme par ailleurs le gel des prestations a été abandonné par l'Assemblée nationale, l'effort de réduction du déficit ne repose plus du tout sur les dépenses.

J'en viens aux modifications des transferts par rapport au texte initial. Ces données sont essentielles pour comprendre les déclarations du Gouvernement, en particulier de la ministre de l'action et des comptes publics, sur le solde correspondant aux différents états du texte. En effet, pour les textes postérieurs au texte initial, la ministre indique fréquemment non le solde figurant à l'article d'équilibre, mais le solde corrigé par les nouveaux transferts de l'État à la sécurité sociale décidés au fil des débats.

Cette approche se justifie si l'on considère que ce qui importe, in fine, ce n'est pas le déficit de la sécurité sociale, mais bien celui de l'ensemble des administrations publiques. En forçant le trait, si l'on transférait 20 milliards d'euros de recettes à la sécurité sociale, il n'y aurait plus de déficit de la sécurité sociale, mais on n'aurait pas amélioré la situation globale des administrations publiques.

Le transfert de 4,1 milliards d'euros à l'Unédic, le transfert de CSG aux départements, la compensation du volet salarial du dispositif en faveur des heures supplémentaires et la compensation des allégements généraux, qui sont en faveur ou en défaveur de la sécurité sociale, n'ont pas d'effet sur le solde global de l'ensemble des administrations publiques.

En considérant le solde à transferts constants par rapport au texte initial, l'objectif du Gouvernement, qui était de maintenir le déficit sous la barre des 20 milliards d'euros, n'a jamais été atteint dans les versions postérieures au texte initial, même dans la version du Sénat. Dans le cas du texte adopté par l'Assemblée nationale, le déficit, de 19,4 milliards d'euros selon l'article d'équilibre, est en réalité de 24 milliards d'euros si l'on prend en compte l'augmentation des transferts à la sécurité sociale par rapport au texte initial.

J'en viens à la répartition de l'amélioration du solde entre recettes, dépenses et transferts. Le texte initial était très proche des propositions faites en juillet par la majorité sénatoriale au Premier ministre, avec un effort reposant très majoritairement sur les dépenses. Cependant, il prévoyait un effort un peu plus important sur les recettes, qui ne bénéficiait pas toutefois à la sécurité sociale, en raison de la réduction de 3 milliards d'euros de la compensation des allégements généraux.

Dans le cadre de l'examen du PLFSS par l'Assemblée en première lecture, l'effort sur les dépenses a été divisé par deux. De plus, le déficit a été fortement aggravé par un transfert de 4,1 milliards d'euros de la sécurité sociale vers l'Unédic.

Le Sénat a partiellement rétabli l'effort sur les dépenses prévu par le texte initial, tout en demandant, par un amendement à l'article 12, l'abandon de la réduction de 3 milliards de la compensation des allégements généraux.

Enfin, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a fortement réduit l'effort sur les dépenses et augmenté celui sur les recettes. Désormais, les trois quarts de l'effort global reposent sur les recettes. Si l'on considère que le quart restant, qui concerne exclusivement la branche maladie, correspond schématiquement à l'effort fourni chaque année pour ne pas aggraver le déficit de la branche, on peut même dire que la totalité de l'effort repose sur les recettes.

Avant de présenter les divergences insurmontables qui ont opposé les deux assemblées, il me semble nécessaire d'insister sur ce qui les a rapprochées.

D'abord, les deux tiers des amendements du Sénat ont été repris, ce qui est un bon score par rapport aux années précédentes.

Ensuite, l'Assemblée nationale a maintenu une importante disposition adoptée par le Sénat, qui prévoit le transfert de 15 milliards d'euros de dette de l'Acoss (l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, également connue sous le nom d'Urssaf Caisse nationale) vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

Nous pouvons aussi évoquer la confirmation du rétablissement opéré par le Sénat de l'article liminaire ainsi que des articles 1er, 2 et 17, qui sont obligatoires et avaient été supprimés par l'Assemblée nationale en première lecture.

Les députés ont également confirmé la suppression d'une disposition introduite par l'Assemblée nationale, qui prévoyait que l'Acoss devait se financer « prioritairement » auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), et seulement « subsidiairement » sur les marchés. Comme, du fait notamment des règles prudentielles, la CDC n'aurait pu financer qu'une faible part des besoins de l'Acoss, celle-ci se serait trouvée sans solution de secours en cas de difficulté sur les marchés. Or, comme vous le savez, en 2020 c'est justement la CDC qui, avec un pool de banques, a permis à l'Acoss de faire face à l'impossibilité de trouver sur les marchés la totalité des 90 milliards d'euros dont elle avait besoin.

Enfin, l'Assemblée nationale a confirmé la suppression du transfert de 4,1 milliards d'euros vers l'Unédic et celui de 700 millions d'euros de CSG vers les départements.

J'en viens aux divergences insurmontables, au premier rang desquelles figure le décalage de la réforme des retraites.

Ensuite, les députés ont voté la suppression du gel des prestations. Je rappelle que le Sénat avait voté une disposition visant à préciser que le gel ne concernait pas les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de pensions inférieures à 1 400 euros.

De plus, l'Assemblée nationale a augmenté la CSG sur les revenus du capital à hauteur de 1,5 milliard d'euros.

Par ailleurs, certaines dispositions sont techniquement problématiques. On peut en particulier mentionner le malus sur les cotisations sociales pour les entreprises insuffisamment engagées sur l'emploi des seniors ; la réduction des allégements généraux pour les branches dont les minima sont inférieurs au Smic ; et la mise en oeuvre du congé supplémentaire de naissance au 1er janvier, qui est souhaitable, mais techniquement impossible.

Nous sommes arrivés au terme de la « navette utile ». Je vous propose donc une motion tendant à opposer la question préalable au PLFSS pour 2026.

Mme Annie Le Houerou. - Je ne sais pas si les divergences sont insurmontables, mais elles sont profondes. Dans votre présentation, madame la rapporteure générale, vous représentez en vert ce qui a trait aux dépenses et en rouge ce qui est lié aux recettes. Le plus souvent, le vert est considéré comme positif et le rouge comme négatif ; nous aurions pu inverser ce code couleur.

La majorité sénatoriale a accentué la mise à contribution du plus grand nombre, mais surtout des plus vulnérables et des malades, notamment avec le gel des prestations. Vous n'avez pas voulu nous suivre sur la question des recettes. En effet, nous aurions pu nous retrouver sur un équilibre final, mais en modifiant la répartition des efforts afin de solliciter ceux qui ont le plus de moyens et de préserver l'esprit de la sécurité sociale de 1945 : chacun contribue en fonction de ses moyens et bénéficie en fonction de ses besoins. Les propositions votées au Sénat vont à l'encontre de ce principe de base.

À l'Assemblée nationale, une discussion a eu lieu sur les différents paramètres du texte. Le Gouvernement a cédé, de part et d'autre, pour que ce budget soit voté. L'adoption du PLFSS nous apparaît comme une bonne chose. Vous soulignez que le déficit a été accentué et qu'il atteint désormais près de 20 milliards d'euros. Cependant, ne pas voter le PLFSS aurait eu un impact beaucoup plus important et des conséquences insupportables pour les Français, comme l'application de vos propositions.

Certes, l'Ondam augmente de 3 %, mais la proposition initiale d'une augmentation de 1,6 % aurait été impossible à tenir. Cette augmentation est donc une bonne chose.

En revanche, en matière de financement, nous ne sommes pas allés suffisamment loin sur les allégements généraux et sur le rendement de la CSG sur les revenus du capital, que nous avions proposé d'établir à 2,8 milliards d'euros. D'autres solutions étaient envisageables. Le texte voté est un texte de compromis. Cependant, dans le contexte actuel et dans l'intérêt des Français, le groupe Socialistes et apparentés a voté favorablement à l'Assemblée nationale.

Nous ne sommes pas opposés à l'idée de faire des économies sur les dépenses. Cependant, nous ne sommes pas allés assez loin sur l'efficience des médicaments ou sur la maîtrise des rentes de situation. Nous aurions pu parvenir à un chiffre proche de celui qu'a proposé le Sénat, en utilisant d'autres ressources que celles que vous avez proposées.

Dans votre présentation, vous mentionnez le rétablissement du « décalage » de la réforme des retraites ; il ne s'agit pas d'un décalage, mais d'une suspension.

Vous proposez une motion de rejet, mais nous pensons que nous aurions pu travailler davantage pour parvenir à l'équilibre que nous souhaitons tous. Nous avons encore des propositions à faire, dans l'espoir d'un vote responsable de la majorité. Cependant, je ne me fais pas d'illusions, compte tenu du caractère très tranché de nos débats.

M. Alain Milon, président. - Je vous rassure : nous serons responsables jusqu'au bout.

Mme Laurence Rossignol. - Les amendements du Sénat qui ont été retenus par l'Assemblée nationale ne sont pas ceux qui comptent pour le budget de la sécurité sociale. Je regrette qu'à l'issue de la discussion, le Sénat ait choisi l'option « karcher », mot que je me permets de reprendre aux auteurs de cette stratégie législative.

Cette stratégie a tenu le Sénat à l'écart d'une discussion en commission mixte paritaire (CMP) et de l'élaboration d'un compromis.

Par ailleurs, je ne sais pas s'il est politiquement utile et efficace de qualifier de « trocs » les discussions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, à moins de considérer que la meilleure des solutions était de ne pas adopter de PLFSS. Je ne dis pas qu'une pluie de sauterelles se serait abattue sur la France si le texte n'avait pas été voté, mais cela aurait créé des conditions politiques défavorables pour ce que nous devons faire d'ici à 2027. Apprendre à faire des compromis est un défi qui nous est posé à tous.

Mme Nadia Sollogoub. - Je voudrais mentionner les maisons France Santé. En effet, la mise en place du dispositif coûte 250 millions d'euros et la méthode adoptée pose question. En effet, lundi matin dans la Nièvre, une maison France Santé a été labellisée alors que le PLFSS n'était pas adopté et que le dispositif avait été rejeté au Sénat !

Le PLFSS doit apporter des réponses aux difficultés liées à l'accès aux soins dans les territoires. Le dispositif mis en avant crée déjà de nouveaux irritants chez les soignants, certains n'étant pas satisfaits du cahier des charges. Les sujets de discorde sont déjà assez nombreux et il n'était pas nécessaire d'irriter davantage les professionnels de santé. L'urgence absolue est d'aider à la mise en place du dispositif « docteurs juniors », qui représente un grand espoir pour améliorer l'accès aux soins dans les territoires. Quelle a été la position de nos collègues députés sur ce point ? Comment se fait-il que des maisons France Santé soient labellisées alors que personne n'a voté ce dispositif ?

M. Daniel Chasseing. - Nous sommes confrontés à un vieillissement très rapide de la population et à une dépendance qui augmente. Le nombre d'affections de longue durée (ALD) est passé de 9 millions en 2012 à 14 millions en 2025, et s'élèvera à 18 millions en 2035. Les trois quarts des dépenses de l'assurance maladie sont liés aux ALD. Cette évolution se manifeste dans l'augmentation de l'Ondam, passé de 200 milliards d'euros en 2020 à 271 milliards d'euros en 2026. De plus, la natalité diminue. Ainsi, le coût des retraites, qui représentait 230 milliards d'euros en 2019, s'élèvera à plus 300 milliards d'euros en 2026.

Nous avons besoin de recettes supplémentaires. L'augmentation de l'Ondam est nécessaire, mais il faut la financer. Or les financements sont peu nombreux : 1,5 milliard d'euros d'augmentation de la CSG sur les revenus du capital et 1 milliard d'euros de taxe sur les complémentaires santé. Les franchises auraient pu être reconsidérées. À cet égard, je rappelle qu'il n'y a pas de franchises pour les jeunes ou les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

J'avais proposé d'augmenter de deux heures le temps de travail hebdomadaire, mais j'avais retiré mon amendement, car la commission avait émis un avis défavorable. Cependant, c'est bien dans ce sens qu'il faut aller. En 2024, nous avons travaillé en France 666 heures par habitant, alors que ce chiffre s'élevait à 770 pour l'Union européenne. Le social-libéralisme est l'esprit de la sécurité sociale de 1945 : pour augmenter les recettes, il faut plus de cotisants et donc aider les entreprises à être compétitives au niveau européen, en maintenant les exonérations.

Des efforts doivent aussi être menés en matière d'arrêts de travail, notamment pour les affections non exonérantes. Cependant, il nous faut rester proches des personnes touchées par ces ALD afin qu'elles puissent reprendre le travail.

Peut-être faut-il songer aussi à augmenter un peu la TVA, tout en la maintenant à son niveau actuel pour les produits de première nécessité. À cet égard, je rappelle qu'en Espagne et en Italie, la TVA s'élève à 22 %, et qu'elle s'élève à 25 % au Danemark. De plus, un point de TVA correspond à un rendement d'environ 12 milliards d'euros.

Enfin, il faut maintenir la retraite à 64 ans. La durée de cotisation de 43 ans, fixée par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, ne donne pas encore son plein rendement. Avec la retraite à 64 ans, nous atteindrons un équilibre autour de 2035.

Nous nous abstiendrons sur la motion présentée par la rapporteure générale.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles le groupe Écologiste et Social s'est abstenu à l'Assemblée nationale.

Dans la proposition initiale du Sénat, les mesures liées aux recettes représentaient 2 milliards d'euros et celles liées à une baisse des dépenses à 9 milliards d'euros. Pourtant, nous le pointions déjà dans notre rapport d'information de 2025 intitulé Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat, qui a provoqué de l'enthousiasme, mais n'a pas été utilisé : il n'y aura pas de retour à l'équilibre sans mener une action équilibrée en termes de recettes et de dépenses.

De notre côté, nous pensons que les dépenses peuvent baisser, et nous sommes favorables à réduire massivement les dépenses inefficaces ; nous aurions ainsi de quoi faire 9 milliards d'euros d'économies sans paupériser les plus vulnérables. Nos propositions en la matière ne sont pas prises en compte.

En ce qui concerne les recettes, nous avons perdu cette bataille, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Le PLFSS restera difficile à tenir et nous sort d'une trajectoire de retour à l'équilibre.

Par ailleurs, il ne faut pas prendre les parlementaires pour des imbéciles. On établit une ligne rouge à 20 milliards d'euros de déficit, mais ce dernier s'élève à 24,5 milliards d'euros. Certes, je ne suis pas mécontente des 4,5 milliards d'euros de recettes. Sur les 5,5 milliards d'euros de sous-compensation que nous demandions, 2 milliards d'euros sont compensés ; c'est un petit effort. Et puis, sur les 18 milliards d'euros de niches, il s'agira peut-être de compenser le dispositif en faveur des heures supplémentaires, pour un montant de 2,6 milliards d'euros. Cependant, comme la bataille des recettes est aussi perdue pour le PLF, ce sont les services publics qui vont trinquer.

Initialement, la progression de l'Ondam était estimée à 3,4 % pour 2026 et a fini par atterrir à 1,6 %. Il fallait l'augmenter ; c'était mécanique. Cependant, l'augmentation votée n'est toujours pas suffisante. Selon la Cour des comptes, de 2019 à 2025, l'Ondam (hors covid) a progressé de 4,8 % par an.

Nous avons quatre ans pour revenir à équilibre ; il s'agit d'une promesse faite à l'Union européenne. Un comité d'alerte risque de se réunir l'année prochaine. Dans ce cas, le Parlement n'aura rien à dire et seul le Gouvernement décidera.

Nous nous sommes abstenus à l'Assemblée nationale parce que le Gouvernement a fait en sorte que le temps presse et parce qu'une loi spéciale n'était pas souhaitable. Cependant, nous n'allons pas dans la bonne direction.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Tant que nous n'accepterons pas une fiscalité plus juste, largement souhaitée, nous ne pourrons pas nous en sortir. Ne pas trouver des recettes nouvelles nous conduira inévitablement dans le mur.

Le PLFSS a été voté hier. Il manque 4 milliards d'euros, le prix des mutuelles va augmenter, ce qui va grever le pouvoir d'achat des Français, et les allocations familiales n'augmenteront pas. Ce budget n'est pas bon. Vous partagez ce constat puisque vous déposez une motion, mais pas pour les mêmes raisons. Vous avez défendu une politique très différente de la nôtre, ce qui n'est pas un drame. Ce ne sera pas cette année, mais nous serons obligés de trouver de nouvelles recettes, sans quoi nous plomberons la sécurité sociale.

M. Olivier Henno. - Le débat sur le PLFSS a été de qualité, mais la ministre a parfois dramatisé les enjeux, ce qui pouvait être désagréable.

Effectivement, mes chers collègues, nos divergences sont fortes. Cependant, l'option Sénat était l'option responsabilité. Nous pensons que la maîtrise des dépenses reste le préalable. Il ne s'agit pas d'un dogme, mais nos prélèvements obligatoires sont déjà très élevés. S'ils étaient plus faibles, nous pourrions considérer les recettes. Nous ne pouvons pas continuer d'augmenter des prélèvements obligatoires qui étouffent déjà le pays.

Je comprends la satisfaction de Mmes Le Houerou et Rossignol, puisque le compromis trouvé est fortement teinté par les propositions du parti socialiste.

La bataille qui a été perdue, madame Poncet Monge, c'est celle de la dette. Le déficit de la sécurité sociale s'élèvera à environ 24 milliards d'euros, ce qui est irresponsable. Sachant que la France compte 30 millions de foyers, le déficit sera de 800 euros par foyer, ce qui n'est pas tenable. Le compromis se fait sur le dos des jeunes générations ; dépensons, les jeunes paieront. Ce compromis ne nous convient pas, car nous privilégions la responsabilité.

La motion tendant à opposer la question préalable est la meilleure solution. Si nous en adoptions une autre, nous donnerions le sentiment non pas d'entrer dans le débat, mais d'être dans l'obstruction, ce qui ne serait pas responsable non plus. Nous sommes donc favorables à la motion présentée par la rapporteure générale.

Mme Frédérique Puissat. - Nous avons aussi perdu la bataille du fonctionnement des institutions. Il y a des majorités et des oppositions, ce qui est sain et que nous respectons. Cependant, selon notre Constitution, le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Ce n'est pas le cas pour ce PLFSS et ce ne sera pas le cas non plus pour le PLF. Nous faisons face à une addition de compromis, ce qui ne fait pas un bon texte et témoigne d'une absence de cap, qui ne rassure pas les Français.

Par ailleurs, nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec ce texte. Nadia Sollogoub a mentionné les maisons France Santé et nous avons tous reçu un message nous invitant, dans nos départements, à une présentation du dispositif alors que le texte n'était pas voté.

J'attire aussi votre attention sur l'article 27 bis, qui concerne l'intérim. Nous sommes tous favorables à la lutte contre l'intérim, qui engendre un certain nombre de surcoûts dans les domaines médical et médico-social. Nous avions pris des précautions l'an dernier, en établissant que dès lors qu'un surcoût significatif était constaté entre l'intérim et l'emploi permanent, il était possible de faire passer un décret pour le juguler. Hier, l'article 27 bis a été voté, modifié par un amendement socialiste qui vise à contraindre fortement l'intérim dans les établissements médicaux et médico-sociaux. Il ne s'agit que d'un exemple. Il faudra considérer avec attention tous les articles du texte qui ont été sujets à des compromis.

Mme Anne Souyris. - La dette constitue le grand problème pour notre sécurité sociale et risque de la faire mourir. Avec ce PLFSS, nous sauvons un peu les meubles. Cependant, nous n'avons pas trouvé de solution pérenne pour augmenter les recettes ou limiter les dépenses.

En ce qui concerne la financiarisation, chaque fois qu'on donne de l'argent au secteur lucratif, on n'en donne pas au secteur non lucratif, et les centres de santé sont en train de mourir. Nous devrions différencier le secteur lucratif des grands groupes et celui des petits groupes à visage humain, comme les maisons de santé pluriprofessionnelles. Nous comptons 200 centres de santé à Paris, mais seuls une dizaine sont de vrais centres non lucratifs ; les autres sont adossés à de grands groupes, ce qui représente un puits sans fond pour la sécurité sociale. Les amendements que nous avons déposés sur le sujet ont été balayés, mais il nous faudra nous pencher sur cette question.

En ce qui concerne les recettes, pourquoi ne pas dire une fois pour toutes que la CSG sur les revenus du capital devrait être à égalité avec la CSG sur les revenus d'activité. Refuser d'évoluer en la matière, c'est perdre la sécurité sociale. J'espère que nous réussirons à travailler ensemble pour trouver des solutions pérennes.

Mme Corinne Imbert. - Effectivement, nous avons des divergences. La proposition sénatoriale en juillet faisait peser les efforts essentiellement sur les dépenses, quand le texte voté hier les fait essentiellement peser sur les recettes.

Je voudrais qu'on arrête de dire que la philosophie initiale de la sécurité sociale a changé. En effet, nous continuons de contribuer selon nos moyens et plus on gagne, plus on cotise ; c'est une réalité.

Le compromis trouvé est à sens unique et constitue une fuite en avant. Nous allons dans le mur, car le texte laisse filer le déficit. On ne sauve pas un pays en détruisant sa compétitivité. Nous avons été responsables et je souscris pleinement aux propos d'Olivier Henno.

Je ne retiens pas le chiffre de 19,4 milliards d'euros annoncé par le Gouvernement. En effet, le déficit s'élèvera à 24 milliards d'euros avec les transferts du budget de l'État vers celui de la sécurité sociale. Parmi les hypothèses de départ du Gouvernement figurait un taux d'épargne devant passer de 19 % à 17,5 %. J'attends que les Français retrouvent confiance pour consommer. Depuis au moins trois ans, le rendement espéré de la TVA n'est pas au rendez-vous et les départements ne touchent pas la part de TVA qu'ils devraient recevoir, au titre de la compensation de la perte de la taxe foncière. Si la conséquence de l'adoption du texte devait être une augmentation de la TVA, comme certains l'envisagent, je ne suis pas sûre que qui que soit y gagne.

Il s'agit d'un PLFSS de renoncement, qui aura des conséquences graves pour les générations futures. Par ailleurs, nous ne parlons presque plus de santé, ce qui semble extraordinaire.

En ce qui concerne les maisons France Santé, nous assistons à un passage en force. Nous verrons comment le Conseil constitutionnel se prononce sur cette mesure, le lien budgétaire étant ténu. La ministre se raccroche aux branches et une troisième circulaire a été envoyée aux préfets. Par ailleurs, on rebondit sur le dispositif « docteurs juniors », dont tout le monde se félicite et qui est né grâce à un texte de Bruno Retailleau.

Je suis attristée par cette situation, et j'ignore où ce PLFSS de renoncement nous conduira.

Enfin, je suis d'accord avec Raymonde Poncet Monge : quand le comité d'alerte sera sollicité, le Parlement n'aura plus la main et le Gouvernement fera ce qu'il voudra.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Madame Le Houerou, comme vous le savez, le Sénat a accepté la mesure de plafonnement de l'exemption de certains compléments de salaire que vous aviez proposée, mais elle n'a pas prospéré à l'Assemblée nationale.

D'autres ont utilisé le mot « troc » avant moi. J'y adhère parce que j'ai suivi les débats à l'Assemblée nationale. Toutes ces interruptions de séance donnaient bien l'impression que des trocs avaient lieu, que des mesures étaient échangées contre des votes. Il ne s'agit pas d'un mot péjoratif, mais il correspond à ce qui s'est passé.

L'Ondam a augmenté au fil des versions. Corinne Imbert avait d'ailleurs proposé qu'on ne vote pas l'article concerné, car elle estimait que l'objectif était insincère et irréaliste. L'augmentation de 3 % correspond au taux de croissance habituel de l'Ondam. Nous verrons si le comité d'alerte intervient une nouvelle fois.

Je pense, comme Frédérique Puissat, qu'il faudra examiner de près les conséquences de certains votes de l'Assemblée nationale. Ainsi, l'article 27 bis a été rétabli. Nous sommes en train d'examiner précisément le texte et nous aurons des surprises. Le Conseil constitutionnel pourrait retoquer un certain nombre de mesures, dans la limite de ses possibilités. Par ailleurs, certains décrets ne seront pas publiés quand les mesures ne seront pas techniquement applicables.

Madame Sollogoub, une maison France Santé a même été inaugurée dans l'Hérault pendant que nous examinions le texte. Le coup était déjà parti et il fallait que l'Assemblée nationale en tienne compte.

Monsieur Chasseing, nous avons entendu vos propositions pour financer le « mur du Grand Âge ». Nous ignorons pour l'instant le coût exact du vieillissement de la population. Les générations futures ne seront pas assez nombreuses pour payer ; le taux de natalité le démontre chaque jour. Il y a quelque temps, nous défendions tous le ratio de 1,6 actif pour 1 retraité ; ce ratio est désormais de 1,4 et il continuera de baisser. Tous les paramètres sont au rouge.

Madame Poncet Monge, le rapport d'information auquel nous avons travaillé servira pour les années futures. Il faut absolument agir sur la dette et il faut le faire en usant de trois leviers : les dépenses, les recettes et le temps de travail. Ensuite, chacun établit la proportion qui lui semble juste. Ce PLFSS n'agit pas sur la dette. Nous allons dans le mur et nous avons mis le pied sur l'accélérateur.

Par ailleurs, je rappelle que nous sommes dans un processus de déficit excessif. Il ne s'agit pas seulement du déficit de la sécurité sociale. Il nous faudra rendre des comptes.

Vous dites que nous avons perdu la bataille des recettes. Nous sommes tous sensibles au fait que l'économie n'est pas mirobolante. Les propositions d'augmentation des recettes qui pèsent sur le travail ou sur l'économie ne sont pas bienvenues. Il faut remettre à plat le système de la fiscalité, qui est très redistributive si on la compare à d'autres pays. Quand on considère la répartition des impôts, nombreux sont ceux qui n'en paient pas...

Mme Raymonde Poncet Monge. - Ils paient la TVA.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Certes. Mais si l'on ne considère que l'impôt sur le revenu, il repose sur un pourcentage peu élevé de la population, ce qui pose la question de son acceptation. L'impôt est-il juste quand une partie de la population en paie une grande part, qui profite à tous ?

Madame Imbert, j'ai été moi aussi déçue par la faible place qu'a occupée la question de la santé dans les débats.

La suppression de l'article 24 bis, qui portait sur les rentes, a été confirmé, conformément aux souhaits d'une partie des députés. En fait, il a fallu faire plaisir à tout le monde. Pouvait-il en être autrement ? Je ne le pense pas ; c'était couru d'avance.

Nous ne nous sommes pas attaqués à la dette, alors qu'il s'agit de la principale préoccupation pour les futures générations. L'année prochaine, nous serons dans une année pré-électorale, et rien ne se passera en la matière. Je souhaite donc bon courage aux futures équipes gouvernementales, car nous n'avons pas réduit cette dette pour leur donner les capacités de gouverner. La sécurité sociale et le système par répartition sont en danger.

M. Alain Milon, président. - Hier, le Premier ministre a augmenté l'Ondam. Des confrères et des directeurs hôpitaux m'ont demandé où il avait trouvé cet argent. Nous l'avait-on caché ? M. Bayrou était-il incompétent ? Les services du ministère de la santé sont-ils incompétents ? Ou M. Lecornu est-il inconséquent ? Fait-il confiance à ses alliés d'aujourd'hui, qui étaient hier les alliés de ses adversaires ? Il nous faudra trouver des réponses.

EXAMEN DE LA MOTION DE LA RAPPORTEURE GÉNÉRALE

Question préalable

La motion n°  1 est adoptée.

La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Alain Milon, président. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Chantal Deseyne sur la proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - La première proposition de loi que nous examinons ce matin, déposée par notre président Alain Milon et plusieurs de ses collègues, vise à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.

Je ne m'épancherai pas trop longuement sur le contexte général. La santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025 et le sera également en 2026. Ce n'est pas surprenant au regard des difficultés immenses rencontrées par les personnes atteintes de troubles psychiques et par les professionnels qui les prennent en charge, dans un double contexte de croissance des besoins et de tension sur la ressource médicale. Lors des auditions, nous avons appris que 25 % des Français seraient concernés par un trouble de santé mentale au cours de leur vie. Le dernier rapport d'information de nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin est tout à fait éloquent sur le sujet.

L'un des axes d'amélioration de la politique de santé mentale réside dans le renforcement de l'attractivité de la discipline et dans l'amélioration des prises en charge pour les patients les plus complexes. Pour atteindre ces objectifs, il faut améliorer les conditions de travail et augmenter les effectifs de psychiatres, mais aussi développer une médecine de pointe alliant prise en charge des cas sévères et recherche.

Cette médecine ultraspécialisée est aujourd'hui assurée par les services hospitaliers universitaires et par les centres spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies. Il s'agit par exemple des centres de référence maladies rares, des centres ressources autisme, des centres régionaux du psychotraumatisme ou encore des centres experts en santé mentale, dont il est question dans la proposition de loi que nous examinons.

Les équipes médicales de ces services et de ces centres interviennent, conformément au principe de gradation des soins, en troisième recours. Les patients sont généralement orientés vers ce niveau de soins par leur psychiatre référent et, plus rarement, par leur médecin généraliste. Ce sont le plus souvent des patients atteints de troubles psychiatriques sévères ou dont le parcours est particulièrement complexe, et qui nécessitent à cet égard une confirmation de diagnostic ou un accès à des traitements de pointe qui ne sont pas accessibles dans les services conventionnels de la psychiatrie de secteur.

Les 55 centres experts en santé mentale, répartis dans l'Hexagone au sein d'hôpitaux publics, font pleinement partie du paysage des soins de troisième recours en psychiatrie. Ils sont spécialisés dans quatre troubles : les troubles bipolaires, la schizophrénie, la dépression résistante et les troubles du spectre de l'autisme sans déficience intellectuelle. Leur activité repose sur deux piliers : la réalisation de bilans diagnostiques complets, en vue d'émettre des recommandations thérapeutiques personnalisées aux patients ; et la conduite de recherches au niveau national et international, reposant sur les données récoltées dans le cadre des bilans. Les équipes médicales assurant l'activité des centres experts continuent, en parallèle, de participer aux missions de l'hôpital, comme le reste du personnel.

Ce réseau est issu de l'initiative de la fondation FondaMental, qui a remporté un appel à projets lancé par le ministère de la recherche en 2006, pour mettre en place des réseaux thématiques de recherche et de soins. Concrètement, cette fondation attribue, sur la base d'un cahier des charges, le label « centre expert en santé mentale » aux hôpitaux qui candidatent pour intégrer le réseau. Une vingtaine de centres bénéficient de financements spécifiques de la part du ministère de la santé. En revanche, depuis 2017, l'expansion du réseau ne s'accompagne plus de dotations du ministère. Dans la mesure où les centres experts relèvent de la personnalité morale de leur hôpital de rattachement, leur activité est financée sur le budget global des établissements et aucune ligne de financement spécifique n'est prévue pour ces centres. La fondation FondaMental ne finance que la coordination du réseau au niveau national.

Le développement du réseau des centres experts en santé mentale est donc désormais compromis, faute de moyens dans les hôpitaux. Les besoins sont pourtant là, puisqu'un nombre grandissant de patients sont orientés vers ces centres, ce qui conduit à l'allongement des délais d'attente pour obtenir un rendez-vous. De plus, aux dires de la fondation FondaMental, de nombreux médecins spécialistes souhaiteraient que le réseau des centres experts s'étende à de nouvelles pathologies.

Dans ce contexte, l'article 1er de la proposition de loi vise à inscrire les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique, avec pour objectif de garantir leur pérennité et d'envisager le développement du réseau. L'article inséré dans le code précise les missions et le mode de gouvernance de ces centres, et indique explicitement que la fondation FondaMental est chargée d'assurer la coordination du réseau.

Si l'objectif de cet article est tout à fait louable, il est apparu, au cours des auditions, que le véhicule législatif n'était pas le plus adapté pour y parvenir.

Malgré les délais contraints, j'ai pu entendre un certain nombre d'acteurs, dont le délégué ministériel à la santé mentale, des responsables de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), de la Fédération hospitalière de France, de la Fédération française de psychiatrie, ainsi qu'un chef de service du centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours, également responsable d'un centre expert. Ces acteurs perçoivent négativement la consécration législative des centres experts en santé mentale, alors que les soins de troisième recours sont assurés par une diversité d'acteurs et que ce réseau n'est pas piloté par les pouvoirs publics, mais par une fondation privée.

Par ailleurs, la plus-value de ces centres en matière de prise en charge des patients et de recherche semble faire l'objet de controverses. Il est notamment reproché aux centres experts en santé mentale de ne pas dispenser de soins. De plus, certains soutiennent que, sans prise en charge de proximité assurée par la psychiatrie de secteur, les recommandations thérapeutiques formulées par ces centres restent lettre morte. De manière plus générale, au cours de ces auditions, j'ai pu observer une tension manifeste entre deux courants en psychiatrie. Le premier défend avec vigueur une psychiatrie de secteur de proximité, attentive à la dimension sociale des troubles psychiatriques, et considère que la priorité réside dans le renforcement du niveau 2. Le second courant, s'il n'ignore pas la nécessité de répondre à la crise de la psychiatrie de secteur, érige le développement de filières de soins ultraspécialisées comme un impératif pour lutter contre les errances de diagnostic et faire avancer la recherche.

Il me semble que ces deux approches sont en réalité complémentaires. D'ailleurs, des réflexions sont en cours à la délégation ministérielle à la santé mentale pour les faire converger. Au regard de ces éléments, il me semble important de laisser à l'administration centrale, en concertation avec les représentants de la psychiatrie, le soin de déterminer l'organisation de l'offre de soins la plus opportune pour répondre aux besoins des patients.

Toutefois, sur le principe, les acteurs s'accordent sur l'intérêt de disposer d'une offre de soins très spécialisée, dans le respect de la gradation des soins. Je proposerai donc une nouvelle rédaction de l'article 1er, afin de consacrer de manière plus large le rôle des équipes médicales assurant des soins de troisième recours et l'importance de la coordination territoriale des acteurs.

L'article 2 vise quant à lui à encourager l'adhésion des acteurs de la politique de santé mentale aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). La formulation de l'article L. 1434-2 du code de la santé publique sur la composition des CPTS est suffisamment large pour intégrer l'ensemble des acteurs concourant à la politique de santé en général. Toutefois, le manque de coopération entre les acteurs de la psychiatrie et la médecine de ville est un constat connu de longue date et qui persiste, malgré des avancées. La gradation des soins que j'évoquais passe par la coopération, à l'échelle territoriale, de tous les acteurs impliqués dans la prise en charge des troubles de santé mentale, du premier au troisième niveau. Aussi, la précision apportée par l'article 2 me semble importante, d'autant qu'elle permet d'indiquer que les CPTS doivent tenir compte des projets territoriaux de santé mentale.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je vous inviterai à adopter cette proposition de loi dans une version un peu remaniée, qui me semble concilier les attentes des différents acteurs de la psychiatrie, tout en préservant l'esprit général du texte.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Nous avons été destinataires de courriers nous alertant sur ces centres experts, qui sont pilotés par une fondation privée et souhaitent entrer dans le code de la santé publique.

Nous avons reçu des messages de syndicats, mais aussi de la Fédération française de psychiatrie ou de présidents d'honneur. Ces acteurs ne sont pas en phase avec l'intégration de ces centres experts dans le code de la santé publique, parce qu'ils déplorent une médecine à deux vitesses : la recherche d'un côté, qui reste dans les villes et au sein des grands centres hospitaliers, et la médecine de ville et les hôpitaux psychiatriques de l'autre, pour lesquels cette mesure n'apportera pas grand-chose.

Un centre coûte 320 000 euros par an et on en compte déjà 55. Ils ont besoin de moyens pérennes, et c'est bien ce dont il s'agit avec leur inscription dans le code de la santé publique.

Je voudrais faire le rapprochement avec les centres de référence maladies rares. J'en ai visité un et m'attendais à un lieu très moderne, mais il s'agit juste d'un centre hébergé par un CHU, dans lequel on accueille des patients pour la recherche, mais pas pour le soin. Dans le cas de la santé mentale, nous avons besoin de financements pour le soin et l'accompagnement des malades, mais il s'agit ici de prévoir des financements pour la recherche pure, qui accompagne très peu la psychiatrie en ruralité ou dans les territoires.

M. Daniel Chasseing. - Les centres experts sont des structures de recours, qui permettent de favoriser le diagnostic précoce, d'améliorer le traitement et de favoriser la recherche. Ils sont spécialisés et implantés sur tout le territoire. Les médecins psychiatres orientent leurs malades difficiles. Grâce à ces centres, de nombreux patients ont bénéficié d'une évaluation approfondie et d'un suivi adapté. Les centres ont redonné de l'espoir à de nombreuses familles, grâce à des diagnostics précis, à des innovations thérapeutiques et à des prises en charge. Les centres sont complémentaires des services de psychiatrie et des médecins généralistes. Ils doivent assurer une coordination avec les services de psychiatrie, les centres médico-psychologiques (CMP), les CPTS et les médecins traitants.

Dans le cadre de notre mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale, nous avions reçu en audition un représentant d'un centre expert, qui nous avait fait part de la prise en charge très en pointe et du suivi qu'il assurait, ainsi que de la recherche qu'il menait, en usant notamment de nouvelles thérapeutiques.

Mme Raymonde Poncet Monge. - J'ai assisté à quatre auditions et j'ai éprouvé un grand malaise. Je suis un peu choquée qu'une proposition de loi reprenne des éléments de langage du lobbying. Il s'agit de dire qu'on va économiser 18 milliards d'euros et qu'on va réduire de 50 % le taux hospitalisation, alors que tout le monde reconnaît des biais et des faiblesses méthodologiques au travail des centres.

Ces derniers n'ont pas recours à des groupes témoins, établissent leurs affirmations à partir d'une seule étude portant sur une seule pathologie, la bipolarité. Le montant de 18 milliards d'euros résulte d'une extrapolation opérée à partir de cette étude, dont des chercheurs du CHU ont dit eux-mêmes qu'ils ne s'en servaient pas, en raison de ses biais méthodologiques.

La proposition de loi n'apparaît pas comme le bon véhicule pour trancher cette question ; c'est au ministère de la santé et à l'ensemble des psychiatres de le faire. La DGOS se montre très critique, comme la Fédération française de psychiatrie et le Collège national des universitaires de psychiatrie ; sont-ils tous ignorants ?

Il n'y a pas eu de cahier des charges ni d'évaluation. Pourtant, ces centres ont reçu des crédits. Le chemin habituel n'a pas été suivi.

De plus, ce texte fait comme si rien d'autre n'existait, ce qui a été contesté par les universitaires, qui établissent aussi des diagnostics somatiques et ont des plateaux techniques, mais également cliniques, puisqu'ils sont liés à l'activité de soin. Dans le cas des centres experts, des diagnostics sont réalisés et des recommandations sont faites pour renvoyer les patients vers les psychiatres ou les médecins généralistes. S'il doit y avoir un niveau 3 dans la gradation des soins, nous pourrions nous appuyer sur des centres ressources qui existent déjà.

Il s'agit d'une proposition de loi pro domo servant une fondation privée, qui est certes à but non lucratif, mais reste un unique opérateur. Il faut plutôt renforcer l'écosystème de la psychiatrie.

De plus, la psychiatrie, qui est déjà délaissée, voit ses chercheurs partir dans ces centres, qui n'ont pas de problème d'attractivité.

Quand nous avons auditionné une responsable de ces centres, elle n'a pas répondu aux questions que je lui ai posées sur leur financement. On sait que les industries pharmaceutiques sont impliquées. Les banques de données des centres sont censées être ouvertes à qui les demande, mais, d'après les universitaires, ces données ne sont pas scientifiquement récoltées et ces centres n'ont pas tous la même méthodologie. J'ai aussi posé une question sur cette ouverture des données et j'ai ressenti une forme de contrariété de la part de la personne auditionnée quand elle m'a répondu.

Mme Céline Brulin. - Il me tarde que la rapporteure nous donne des précisions sur la réécriture de l'article 1er.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Raymonde Poncet Monge sur la faiblesse méthodologique des recherches menées dans ces centres ou sur le fait qu'il s'agit d'une réponse donnée par un opérateur unique et privé. Par ailleurs, lors de nos auditions, peu d'acteurs étaient favorables à cette proposition de loi.

En revanche, j'ai ressenti le besoin d'une réponse de niveau 3. J'aurais plutôt tendance à penser qu'il devrait s'agir d'une réponse publique. Par ailleurs, d'après la description qu'a faite la rapporteure de l'état de la psychiatrie aujourd'hui, ces centres risquent de devenir des pompes aspirantes pour une profession qui connaît déjà une pénurie. Ce serait catastrophique pour l'ensemble de la réponse à apporter.

Certains mentionnaient la mise en place d'un centre ressources à l'image de ce qu'est l'Institut national du cancer (Inca). En revanche, nous ne sommes pas d'accord avec l'idée de consacrer dans le code de la santé publique un opérateur privé, dont la réponse n'a pas été évaluée.

Mme Jocelyne Guidez. - Je ne connaissais pas FondaMental et une rencontre a été organisée autour de la fondation, que j'ai trouvé très intéressante. Cependant, le fait que nous ne mentionnions que cet acteur dans la loi est un peu gênant. Si, après sa réécriture, l'article 1er se réfère aux centres experts en règle générale, je voterai en faveur de la proposition de loi.

Nous avons besoin de ces centres. Les diagnostics ne sont pas suffisamment réalisés. Si certains de ces centres ne fonctionnent pas bien, d'autres fonctionnent très bien, un peu comme les plateformes de coordination et d'orientation (PCO). Nous avons besoin de tout le monde et ne pouvons pas nous permettre de rejeter ces centres.

Mme Marion Canalès. - Il est malaisant de devoir se prononcer sur un texte dont l'article central et l'intitulé vont être modifiés.

Au cours des auditions, nous avons constaté un certain attentisme des pouvoirs publics sur le sujet de l'organisation de l'offre de soins. L'appel à projets a été lancé en 2006, le niveau 3 a commencé à se structurer et ces centres ont vécu, bon an mal an, sans être évalués, sans que le ministère de la santé ne se saisisse du sujet.

J'imagine que l'auteur de cette proposition de loi a deux objectifs : dire que le ministère doit se charger de l'organisation de l'offre de soins, mais aussi mettre en avant un acteur dans le code de la santé publique, ce que nous ne pouvons pas accepter. Sans remettre en cause la valeur et les objectifs de cette fondation, on ne peut pas inscrire un acteur plutôt qu'un autre dans le code de la santé publique.

Si nous devons acter le besoin d'organiser l'offre de soins et de débattre du niveau 3, le vecteur de la proposition de loi ne semble pas le plus adapté.

M. Khalifé Khalifé. - Je suis perplexe. La nécessité d'améliorer l'offre de soins en santé mentale est indiscutable et je pense qu'il s'agit de l'esprit sous-tendu par cette proposition de loi.

Cependant, je voudrais revenir à la notion de fondation privée. En effet, je suis un peu traumatisé en la matière, comme beaucoup de collègues du Grand Est. Nous avions été sollicités pour autoriser l'installation de cliniques psychiatriques privées. Celle de Thionville n'a fait qu'aspirer les rares psychiatres de l'hôpital et nous sommes régulièrement obligés d'intervenir pour faire entrer des malades en urgence parce qu'il n'y a pas de places à l'hôpital psychiatrique. L'expérience est donc négative.

Nous attendons impatiemment les amendements pour être rassurés et pouvoir voter le texte.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je suis aussi mal à l'aise avec cette proposition de loi. Nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons un problème de diagnostic, qu'il faut un acte fort dans le domaine de la psychiatrie et que nous avons besoin d'organiser une offre de soins adaptée dans nos territoires.

Cependant, je m'interroge sur la méthode. À l'heure où nous parlons sans cesse de financiarisation de la médecine, ne va-t-on pas mettre le doigt dans un engrenage risquant encore de complexifier les choses ? Nous attendons de voir les amendements à l'article 1er.

On parle de la santé mentale comme grande cause nationale depuis le début de l'année. Or nous sommes le 10 décembre, pas grand-chose n'a été fait ; les problématiques restent entières, notamment en matière de diagnostic pour les jeunes adultes. Compte tenu de l'ampleur du travail à mener sur ces sujets et des risques que présente ce texte, je suis assez réservée. Je ne sais pas ce que mon groupe votera ; nous aurons besoin d'une véritable consultation sur le sujet.

Mme Corinne Imbert. - Cette proposition de loi n'est pas la panacée, mais elle a le mérite de mettre ce sujet sur la table, alors que la santé mentale est grande cause nationale pour les années 2025 et 2026.

Ce texte ne répond sans doute pas à tous les problèmes. Cependant, compte tenu de la pauvreté de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie dans notre pays, on ne peut pas se priver des moyens des centres experts, qui répondent à des besoins. Par ailleurs, je suis rassurée par le fait que ces centres se trouvent au sein des hôpitaux ; il s'agit d'une garantie pour la qualité du travail mené.

J'ai cosigné cette proposition de loi à laquelle j'ai trouvé un intérêt. J'entends les critiques. Il s'agit de la politique des petits pas, qui nous permet d'avancer malgré tout. En effet, nous ne sommes pas près d'examiner une grande loi santé qui embrasserait cette cause.

M. Alain Milon, président, auteur de la proposition de loi. - Je voudrais d'abord revenir sur la création des centres experts, qui date de 2006. J'ai été contacté par Marion Leboyer, universitaire, professeur de psychiatrie et cheffe de service à l'hôpital Henri-Mondor. Elle estimait que la psychiatrie en France constituait un pan de la médecine qui était particulièrement malade, que les patients mettaient un temps fou à être diagnostiqués et que les traitements mis en place n'étaient pas suffisants pour certains types de maladies. Elle m'a demandé de travailler sur le sujet, ce que j'ai fait. J'ai d'ailleurs été président de la fondation, avant de démissionner, notamment pour me consacrer à la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

La fondation a vu le jour en 2006 et, contrairement à ce que vous dites, elle n'a pas été créée par des acteurs privés, mais par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), avec l'aide du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'université Paris-Est Créteil, de la Sorbonne et de l'université Paris Cité. Seuls des acteurs publics étaient engagés et les acteurs privés ne sont intervenus que dans le cadre du conseil d'administration et non du financement.

FondaMental a été créée parce que nous estimions qu'il était nécessaire de mettre en place une expertise en psychiatrie et de faire travailler ensemble les experts psychiatres, et parce que les choses étaient compliquées en la matière au niveau de la DGOS et du ministère.

En 2006, l'autisme n'était pas considéré comme une maladie psychiatrique. C'est grâce à la mise en place des centres experts et d'études réalisées à l'étranger que l'autisme a été reconnu comme une maladie.

Je propose ce texte parce qu'il me semble important que les centres experts puissent continuer d'exister et d'apporter leur expertise à l'ensemble des professionnels de santé.

En 2009, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, qui n'existe plus, j'ai rendu un rapport, La psychiatrie en France : de la stigmatisation à la médecine de pointe, qui identifiait le besoin d'aider la psychiatrie sur l'ensemble du territoire national et le besoin d'expertise pour les maladies les plus graves. Les centres experts paraissaient donc particulièrement utiles.

Chantal Deseyne va proposer une modification de l'article 1er, sur laquelle nous sommes d'accord. Je vous invite à voter ses amendements ainsi que la proposition de loi. Certains disent qu'il faut faire confiance à la DGOS sur le sujet, mais j'attends depuis quinze ans qu'elle fasse quelque chose. J'ai donc décidé d'avancer.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - J'adhère totalement aux propos d'Alain Milon.

J'espère que la nouvelle rédaction de l'article 1er apportera une réponse satisfaisante à vos interrogations. Elle permettra de retirer la référence aux centres experts et à FondaMental. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une gradation des soins et d'un recours de troisième niveau, comme cela existe dans d'autres domaines de la médecine.

La fondation FondaMental est financée par le ministère de la santé et les centres experts sont installés dans les hôpitaux. Quand les centres ne bénéficient pas d'une ligne de financement dédiée du ministère, ils sont financés sur le budget des hôpitaux qui les accueillent. Il s'agit bien de financements publics.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Il y a bien des levées de fonds privés ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Oui, mais pour financer les actions de coordination scientifique du réseau assurées par la fondation, et non pour financer le fonctionnement des centres.

Je rappelle que la fondation FondaMental a répondu à un appel à projets. On peut regretter l'absence d'évaluation, mais celle-ci ne relève pas du législateur.

Nous avons tous senti des réticences lors des auditions et nous avons tous reçu des messages de personnes opposées à cette proposition de loi. Cependant, tout le monde reconnaît la nécessité d'une gradation des soins et de l'existence de centres spécialisés.

Lors d'une audition, nous avons entendu un professeur de Tours, qui pilotait un service de psychiatrie et était aussi référent dans un centre expert. Il existe donc déjà une collaboration entre ces centres d'expertise et les praticiens de terrain.

Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer qu'il inclut des dispositions relatives à l'organisation de l'offre de soins de troisième recours en psychiatrie et de la recherche en psychiatrie ; à la coordination des professionnels de santé chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale ; à l'information du Parlement, des élus et des citoyens en matière d'accès aux soins de troisième recours ; et de coordination des acteurs chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale. En revanche, ne présentent pas de liens, même indirects, avec le texte déposé des amendements relatifs au statut et à l'organisation générale des établissements de santé et de la psychiatrie de secteur ; à la formation et aux conditions d'exercice des professionnels de santé ; à l'organisation de l'offre de soins n'entrant pas dans le champ de la psychiatrie ; et à la gouvernance de la politique de santé mentale.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à réécrire l'article. Le rôle des acteurs de la prise en charge de troisième recours, c'est-à-dire des acteurs spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies, est particulièrement important en psychiatrie. Il permet aux psychiatres référents de disposer d'un avis expert complémentaire, démontre de vrais résultats contre l'errance diagnostique et thérapeutique, et contribue activement à la recherche, comme l'atteste le réseau des centres experts en santé mentale.

Considérant que les acteurs assurant une offre de soins de troisième recours doivent être reconnus et dans la mesure où cette offre n'est pas exclusivement assurée par le réseau des centres experts en santé mentale, mais qu'elle implique une diversité d'acteurs, le présent amendement en tient compte dans la nouvelle rédaction proposée.

Il s'agit de compléter l'article L. 3221-1 du code de la santé publique, afin d'indiquer que les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie participent à la mise en oeuvre de la politique de santé mentale, et de préciser à l'article L. 3221-1-1 que la gradation des soins implique la coordination des acteurs intervenant dans le parcours de soins des patients, notamment entre les psychiatres référents et les acteurs assurant des soins de troisième recours, tels que les équipes médicales des centres et des services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques.

Enfin, il s'agit de compléter l'article L. 3221-3 du code de la santé publique, en précisant que la psychiatrie de secteur garantit la continuité de soins en orientant si nécessaire les patients vers les équipes médicales qui assurent de soins de troisième recours.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à réécrire l'article afin d'en simplifier la rédaction et de renforcer l'articulation entre les actions menées par les CPTS et les projets territoriaux de santé mentale (PTSM).

La rédaction proposée vise à compléter l'article L. 1434-12 du code de la santé publique, afin de préciser qu'une CPTS peut être composée « des acteurs chargés de mettre en oeuvre la politique de santé mentale mentionnés à l'article L. 3221-1 », et prévoit de manière plus explicite, au sein d'un nouvel alinéa, que les actions mises en oeuvre par les CPTS dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les PTSM.

Mme Marion Canalès. - Je pense à nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et me demande dans quelle mesure le dispositif des maisons France Santé aura un impact sur les CPTS.

Mme Corinne Imbert. - C'est bien tout le problème de cette annonce politique concernant les maisons France Santé. Cependant, l'un n'empêche pas l'autre. En tout cas, ce que propose Chantal Deseyne est acceptable.

Mme Raymonde Poncet Monge. - D'après la DGOS, l'article est satisfait. Vous ajoutez juste un élément sur la coordination avec les PTSM.

Mme Émilienne Poumirol. - Le PLFSS tel qu'il est adopté pour l'instant a prévu la mise en place des maisons France Santé. Lors de nos discussions sur le sujet, il apparaissait que les CPTS seraient absorbées par le réseau France Santé. Les CPTS continueront-elles d'exister ? Sur le terrain, la plupart fonctionnent bien et il serait dommage de les perdre. S'il s'agit juste de mettre un panneau « France Santé » sur ces structures existantes, cela ne changera pas grand-chose.

Quel est l'intérêt de cet amendement dans la mesure où, si les CPTS continuent d'exister, la précision apportée n'est pas nécessaire puisque tout le monde peut déjà y adhérer ?

M. Alain Milon, président, auteur de la proposition de loi. - Les maisons France Santé coûtent tout de même 135 millions d'euros.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Hier, j'étais au ministère de la santé et j'en ai profité pour interroger le conseiller de Mme Rist sur le dispositif France Santé. Je lui ai fait part de notre surprise d'être informés de l'inauguration d'une maison France Santé alors que le PLFSS n'était même pas voté. Il m'a dit que l'idée était bien de renommer les CPTS. Cependant, s'il ne s'agissait que de cela, un budget aussi important ne serait pas nécessaire.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Les CPTS avaient une certaine indépendance ; les professionnels concernés craignent d'être réétatisés et de perdre la main sur leur fonctionnement, alors qu'aujourd'hui ces communautés sont bien ancrées dans leurs territoires.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Effectivement, cet article était en partie satisfait. Ce que nous prévoyons, c'est une meilleure coordination entre les CPTS et les PTSM.

En ce qui concerne les établissements France Santé, il s'agit de communication. Les CPTS fonctionnent très bien.

L'amendement COM-2 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-4 devient sans objet.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de la proposition de loi. Dans la mesure où son objectif est étendu à la reconnaissance du rôle des acteurs assurant une prise en charge de troisième recours, il est proposé d'indiquer dans le titre que cette proposition de loi vise à « reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie ».

L'amendement COM-3 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er : Inscription des centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique

Mme DESEYNE, rapporteur

1

Rédaction globale de l'article 1er visant à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie

Adopté

Article 2 : Participation des acteurs de la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques
aux communautés professionnelles territoriales de santé

Mme DESEYNE, rapporteur

2

Rédaction globale de l'article 2 visant à simplifier la rédaction

Adopté

M. CHASSEING

4

Adhésion des centres médico-psychologiques aux CPTS

Satisfait ou sans objet

Proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique

Mme DESEYNE, rapporteur

3

Modification de l'intitulé

Adopté

Proposition de loi visant à garantir la continuité des revenus des artistes auteurs - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Alain Milon, président. - Nous terminons nos travaux avec l'examen de la proposition de loi visant à garantir la continuité des revenus des artistes auteurs, déposée par notre collègue Monique de Marco. Ce texte sera examiné en séance publique jeudi 18 décembre au sein de la niche du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST).

Mme Anne Souyris, rapporteure. - La proposition de loi de notre collègue Monique de Marco vise à créer un revenu de remplacement au bénéfice des artistes auteurs afin de répondre à la discontinuité de leur rémunération.

Ce sujet fait l'objet d'une intense activité parlementaire, puisque les députées Soumya Bourouaha et Camille Galliard-Minier viennent de remettre un rapport d'information allant en ce sens. Même si nos avis peuvent diverger sur les modalités à retenir, le consensus sur le but poursuivi ne doit pas nous étonner. Il s'agit en quelque sorte du sens de l'histoire, que prédisait déjà le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles du Sénat, Jacques Carat, lors de l'examen de la proposition de loi de 1975 relative à la sécurité sociale des artistes auteurs d'oeuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques : « La sécurité sociale des artistes auteurs n'est qu'une première étape ; elle n'assure pas encore, tant s'en faut, l'indépendance matérielle de l'artiste créateur. Elle tend du moins - ce n'est pas négligeable - à garantir sa sécurité, sans aliéner sa liberté, en le faisant bénéficier - mais dans une mesure que notre commission croit encore insuffisante - des prestations de régime général de la sécurité sociale, en le considérant comme un travailleur semblable aux autres. » Il me semble donc que ce travailleur comme les autres doit pouvoir bénéficier d'un revenu de remplacement lorsqu'il se trouve privé de revenus.

Quelques éclairages préalables sont nécessaires quant à la définition des artistes auteurs.

Le code de la sécurité sociale a dû définir cette qualité puisque, depuis 1975, ils bénéficient d'un régime de sécurité sociale, comme je l'ai indiqué. Y sont donc affiliées toutes les personnes dont l'activité donne lieu à des droits d'auteur ou à une rémunération liée à la vente ou à l'exploitation des oeuvres de l'esprit ; sont donc concernés les artistes auteurs d'oeuvres littéraires, graphiques, dramatiques, musicales, chorégraphiques, audiovisuelles, cinématographiques, plastiques et photographiques.

Au sein des 400 000 personnes affiliées à ce régime, il faut noter qu'une grande partie n'a pas vocation à exercer à titre professionnel. En 2022, parmi les 320 140 individus ayant une assiette de revenus renseignée, 187 000 disposaient de revenus inférieurs à 100 Smic horaires sur l'année.

Il convient également de garder à l'esprit que, parmi les artistes auteurs professionnels, les niveaux de rémunération sont très divers selon les secteurs. Ainsi, en 2022, les revenus artistiques des auteurs de compositions musicales s'élevaient en moyenne à 66 000 euros par an, alors que ceux des peintres étaient de 24 000 euros.

Même si, là encore, des modèles différents existent selon les secteurs artistiques, le mode de rémunération des artistes auteurs, se trouve, par essence, aléatoire et ingrat, puisqu'il dépend, non pas du travail fourni et du temps passé à la création, mais de la vente ou de l'exploitation de l'oeuvre. Il en ressort une grande instabilité et imprévisibilité des revenus. Selon le rapport précité de l'Assemblée nationale, deux tiers des artistes auteurs avaient, par exemple, subi, en 2022, une variation de revenu supérieure à 25 % en un an.

En conséquence, pour compenser cette incertitude des revenus, la multi-activité des artistes auteurs est fréquente, avec une part importante d'emplois précaires et, plus généralement, d'emplois qualifiés d'« alimentaires ».

Dans ce contexte de grande discontinuité de leurs revenus, les artistes auteurs se sont vu reconnaître un régime de protection sociale, toujours en cours de consolidation. Leur sécurité sociale recouvre les prestations familiales et les assure contre les risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité et décès. Toutefois, ils ne sont toujours pas couverts contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Surtout, leur protection sociale ne comprend pas d'assurance chômage et les artistes auteurs ne peuvent bénéficier que de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou du revenu de solidarité active (RSA).

La précarité des artistes auteurs s'avère, dès lors, très prégnante ; seuls 22,7 % des artistes auteurs ayant une assiette sociale non nulle gagnaient plus de 600 Smic horaires, soit le seuil requis pour l'ouverture complète des droits sociaux. Le rapport de Bruno Racine, remis au ministre de la culture en 2020, de même que la mission flash de l'Assemblée nationale font état d'une érosion grandissante des revenus artistiques.

Mes auditions abondent dans ce sens : le déséquilibre des relations contractuelles entre les commanditaires et les artistes auteurs, et l'inadaptation des dispositions régissant le droit d'auteur placent les individus dans « une ubérisation de l'activité artistique », pour reprendre l'expression de Stéphanie Le Cam, maître de conférences de droit privé.

Cette précarisation se traduit par des effets particulièrement marqués pour les femmes et les jeunes. Les données disponibles sur les revenus montrent que l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes a plutôt tendance à s'accroître au cours de la carrière pour atteindre 38 % pour la tranche d'âge 60-70 ans. En outre, les jeunes diplômés sont surexposés aux difficultés économiques liées à un marché de l'art, décrit comme particulièrement compétitif par plusieurs syndicats auditionnés. L'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris remarque que, pour ses promotions 2017-2021, 56 % de ses diplômés gagnent moins de 15 000 euros par an.

Dans ce contexte, cette proposition de loi vise précisément à garantir une continuité de revenus pour sortir de la précarité les artistes auteurs professionnels.

L'article 1er vise à créer le revenu de remplacement au bénéfice des artistes auteurs et y affecter des ressources nécessaires pour le financer. Pour cela, il prévoit de mettre en place une contribution spécifique versée par les diffuseurs. Celle-ci serait à la charge de toute personne qui, à titre principal ou à titre accessoire, procède à la diffusion ou à l'exploitation commerciale d'oeuvres originales relevant des arts. Par ailleurs, cette contribution ne pourrait être inférieure au niveau des contributions chômage du régime général, soit 4 %. Fixée à ce niveau, elle rapporterait l'équivalent de 120 millions d'euros par an.

L'article 2 porte les dispositions, au sein du code du travail, qui créeraient ce revenu de remplacement pour les artistes auteurs répondant à des conditions de ressources et de niveau de revenu d'activité antérieure sur les douze derniers mois. Son montant, proportionnel aux revenus d'activité perçus l'année précédente, dans la limite d'un plancher, serait fixé par décret, mais ne pourrait être inférieur à 85 % du Smic. Il serait versé par France Travail et financé par le régime d'assurance chômage de l'Unédic, grâce au financement proposé à l'article 1er.

Au cours de mes auditions, j'ai pu constater que ce texte répondait à un réel besoin au sein des professions artistiques. Les dispositions sont soutenues par bon nombre des syndicats d'artistes auteurs, qui portent cette revendication depuis plusieurs années maintenant. Cependant, ces mêmes auditions m'ont permis de constater que cette proposition de loi novatrice méritait encore quelques évolutions, afin de parvenir à un équilibre susceptible de faire advenir un consensus.

Les évolutions que je vous proposerai ont donc été conçues afin de répondre à trois objectifs : garantir un régime protecteur aux artistes auteurs sans pour autant les déresponsabiliser, donner la main aux partenaires sociaux pour définir les règles précises du revenu de remplacement, et assurer la pérennité financière du régime nouvellement créé.

Tout d'abord, par un amendement porté à l'article 2, il me paraît nécessaire de recibler l'éligibilité du revenu de remplacement, en limitant l'ouverture de ce droit aux personnes exclusivement affiliées à la sécurité sociale des artistes auteurs et en permettant aux partenaires sociaux de rehausser le seuil de revenus antérieurs exigé, dans la limite de 900 Smic horaires.

Une autre évolution pourrait être étudiée d'ici à la séance publique afin d'assurer de la progressivité à ce revenu. Celui-ci pourrait être plafonné au niveau des revenus de l'année précédente, en deçà de ce seuil de 900 heures. Au-delà en revanche, le montant du revenu devrait garantir des ressources égales à 85 % du Smic, puisqu'il s'adresserait dans ce cas à des artistes auteurs professionnels. En outre, les jeunes diplômés pourraient bénéficier d'un seuil d'ouverture dérogatoire, eu égard à la particulière vulnérabilité socio-économique à laquelle doivent faire face les artistes auteurs à la sortie de leur école.

Pour les personnes n'exerçant pas leur activité artistique à titre exclusif, nous pourrions nous inspirer du modèle belge en créant une commission chargée d'attester la pratique professionnelle des arts du demandeur. Chez nos voisins, la commission du travail des arts, récemment réformée par une loi de décembre 2022, semble tenir ses promesses. Composée de représentants des organismes publics, des syndicats et d'experts des différents secteurs artistiques, elle délivre les attestations, qui établissent une activité professionnelle principale dans les arts.

L'amendement à l'article 2 que je vous proposerai visera à préciser les obligations incombant aux bénéficiaires du revenu pour satisfaire à la condition de recherche d'emploi requise par France Travail. Les artistes auteurs devront notamment justifier des actes positifs et répétés en vue de développer leur activité artistique, la diffusion ou l'exploitation commerciale de leurs oeuvres.

Il tend également à renforcer la place du dialogue social dans la définition et la mise en oeuvre de revenu. Ce seront les organisations représentatives des artistes auteurs et des diffuseurs, sous l'orientation définie par les organisations représentatives sur le plan interprofessionnel, qui seront chargées de négocier un accord annexé à la convention d'assurance chômage. Nous avons entendu là une préoccupation de l'Unédic, qui s'étonnait, à juste titre, que les modalités d'application du nouveau régime soient déterminées par décret.

Concernant l'équilibre financier à trouver pour ce nouveau régime, je vous proposerai deux amendements. En effet, il semble qu'au regard des dépenses projetées, de l'ordre de 230 millions d'euros si vous retenez l'amendement que je vous ai déjà présenté, 120 millions d'euros de recettes ne suffisent pas. Or, la solidarité inter-régime, telle qu'elle existe, par exemple, pour le régime de l'intermittence, n'est pas à exclure, mais ne saurait à elle seule équilibrer le solde de ce revenu de continuité.

Aussi, je vous proposerai d'agir sur trois leviers. D'abord, il s'agit de relever la contribution des diffuseurs à 5 %, ce qui me semble absorbable par ces structures parfois fragiles, tout en demeurant bien en deçà des 9 % du régime de l'intermittence. L'équité me semble également commander de mettre à contribution les artistes auteurs eux-mêmes, dans une logique de mutualisation du risque, à hauteur de 2 % de contribution sur leurs revenus par exemple. Ces deux mesures porteraient à 210 millions d'euros les recettes dégagées.

Enfin, il me semble souhaitable de mettre en place une contribution spécifique à destination des plateformes numériques qui utilisent des oeuvres tombées dans le domaine public. Cette mesure, qui s'inspire de la solidarité intergénérationnelle prônée par Victor Hugo, semble à la fois juste et d'un rendement prometteur. De même, pourraient être redevables d'une contribution, les entreprises qui génèrent du contenu via l'intelligence artificielle (IA) en utilisant des oeuvres contemporaines sans avoir conclu de convention avec les organismes collectifs de gestion de droits d'auteurs.

De la sorte, le nouveau régime, dont la gestion demeurerait confiée à l'Unédic, serait excédentaire, répondant certainement ainsi à des préoccupations légitimes en période d'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et du projet de loi de finances (PLF) pour 2026...

Vous l'aurez compris, le texte ainsi amendé me semble souhaitable, utile et même nécessaire. Il n'épuisera pas, bien entendu, le sujet de la lutte contre la précarité des artistes auteurs, puisque celle-ci trouve aussi ses racines dans la faiblesse de leur position face aux commanditaires et aux diffuseurs. Cependant, il permettra, de manière soutenable pour nos finances publiques, de mettre fin à une injustice.

Ce texte s'inscrit pleinement dans les mouvements passés du législateur, qui, depuis 1975, enrichit les droits sociaux des artistes auteurs. En adoptant l'article 5 du PLFSS sur leur régime de sécurité sociale, notre commission a su voir en eux des assurés sociaux comme les autres. Il nous reste désormais à leur reconnaître la pleine qualité de travailleur et l'assurance sociale contre la perte de revenus qui va de pair.

Mme Frédérique Puissat. - Je remercie la rapporteure de son travail ; je note qu'elle a perçu les limites de ce texte en déposant des amendements tendant à le modifier. Nous en convenons tous, les artistes auteurs sont dans une situation fragile. L'observatoire des revenus et de l'activité des artistes auteurs l'atteste, leurs revenus sont faibles, certains d'entre eux se tournant vers une multi-activité pour vivre.

Même si nous partageons les constats posés, cette proposition de loi n'offre pas une solution adaptée à plusieurs égards. D'ailleurs, combien de personnes seraient concernées par ce revenu de remplacement ? Il est difficile de l'évaluer.

Avec cette proposition de loi, on créerait un mécanisme nouveau au sein de l'Unédic. Certes, vous avez associé les partenaires sociaux à la discussion, mais vous n'avez sollicité que les organisations représentatives des artistes auteurs. L'Unédic, instance paritaire, dans son ensemble, n'a pas participé aux discussions.

S'agissant des recettes, elles sont assez limitées. Vous proposez de créer une contribution pour les entreprises qui créent du contenu par l'intelligence artificielle, mais il est difficile d'évaluer avec certitude les recettes ainsi obtenues.

Au-delà, c'est l'articulation avec l'Unédic qui pose problème, pour deux raisons.

Une raison financière d'abord. Vous l'avez rapidement évoqué, l'Unédic n'est pas favorable à cette mesure. Elle aurait projeté à 1 milliard d'euros le coût de cette mesure, ce qui n'est pas négligeable. Mais, plus important, pour bénéficier des allocations versées par l'Unédic, les personnes doivent être privées involontairement d'emploi. Or vous proposez un revenu de remplacement, ce qui contrevient à l'esprit même de l'assurance chômage. Si nous ouvrons cette porte, mes chers collègues, nombreuses vont être les demandes de revenus de remplacement.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous ne serons pas favorables à cette proposition de loi.

Mme Annie Le Houérou. - Merci au groupe GEST d'avoir déposé cette proposition de loi et à la rapporteure pour son travail.

On le reconnaît tous, les artistes auteurs contribuent à notre épanouissement individuel et collectif ainsi qu'à la cohésion sociale. Pour autant, ils exercent dans un cadre économique fragile, marqué par une forte précarité et une protection sociale défaillante. Il importe de trouver un modèle de soutien et d'accompagnement susceptible de les protéger.

Les inégalités sont majeures dans cette profession, avec une très forte concentration des revenus dans la mesure où 3,4 % des artistes auteurs perçoivent 48 % du revenu artistique disponible. Cette fragilité résulte de trois modes de rémunération instable : les droits d'auteur, les honoraires, la rémunération à la tâche, auxquels s'ajoutent les aides et les bourses qui soutiennent la création, sans constituer une véritable rémunération du travail.

Les députées Soumya Bourouaha et Camille Galliard-Minier ont travaillé sur la continuité des revenus de ces professions, car leurs rémunérations ne couvrent ni le temps de la création ni les investissements nécessaires, qui sont sous-évalués dans le travail artistique.

Pour certains droits, les artistes auteurs sont rattachés au régime général dans la mesure où ils bénéficient des prestations liées à la santé, à la retraite, à la maternité, à la formation professionnelle, mais ils sont exclus de l'assurance chômage, du régime des accidents du travail, du droit aux congés payés et n'ont pas de convention collective malgré leur implication dans notre vie sociale.

Nombre d'artistes auteurs sont allocataires du RSA ou de l'ASS. Le revenu de remplacement proposé dans ce texte permettra de leur garantir une continuité de revenus. Le financement du dispositif reste à finaliser avec les amendements proposés. Notons que les artistes auteurs s'acquittent de la contribution sociale généralisée (CSG). La cotisation des diffuseurs, dont le taux nous paraît équitable, s'inscrit dans la logique applicable aux employeurs du secteur privé en matière de taux de cotisation au chômage, au nom du principe de solidarité. Elle est de nature à assurer la viabilité de cette mesure.

Mme Chantal Deseyne. - Merci, madame la rapporteure, d'alerter sur la situation des artistes auteurs. Permettez-moi, toutefois, de faire un parallèle avec le régime des indépendants ; je pense notamment aux artisans. Pardonnez-moi d'être un peu provocatrice, mais n'est pas artiste qui veut ! Et on ne se décrète pas artiste. J'en conviens, il faut du temps pour produire. Mais est-ce qu'il revient aux diffuseurs de couvrir ce risque de perte de revenus ? Les artisans, pour leur part, ne bénéficient pas d'une garantie de perte de revenus...

Mme Raymonde Poncet Monge. - Les travailleurs indépendants sont affiliés à plusieurs égards au régime général.

Madame Puissat, le chômage est un revenu de remplacement.

Mme Frédérique Puissat. - Mais en cas de perte involontaire d'emploi !

Mme Raymonde Poncet Monge. - Certains artistes sont aussi involontairement privés de travail ! Il serait plus logique de faire une comparaison avec les intermittents du spectacle.

En l'occurrence, il s'agit de faire converger toutes ces branches d'activité très spécifiques vers un système de solidarité. D'ailleurs, ces revenus de remplacement, au même titre que les indemnités versées en cas de maladie, seront soumises à cotisation.

Il n'est pas demandé de faire contribuer tout un chacun. Si un artiste auteur diffuse un produit, c'est qu'il a créé une oeuvre ! La production culturelle est une production comme une autre. Les diffuseurs verseront donc cette contribution si le produit culturel est diffusé.

Mme Pascale Gruny. - Merci pour ce rapport.

C'est un vrai sujet. Mais, avant de demander le chômage, il conviendrait de s'interroger sur la manière dont on pourrait évaluer le travail des artistes auteurs, car là est toute la difficulté.

Permettez-moi de prendre un exemple concret. En tant que présidente d'une équipe pluridisciplinaire d'une unité territoriale d'action sociale (Utas), nous avons suspendu le versement du RSA à une personne qui ne respectait pas son contrat. En fait, il s'agissait d'un YouTuber, qui avait quinze followers. Peut-on parler de travail ?

Je comprends bien que les artistes auteurs soient dans une situation de précarité. Mais à partir de quand estime-t-on qu'une personne est un artiste ? S'agissant des autoentrepreneurs, il faut attendre deux ou trois ans pour savoir si l'entreprise sera pérenne.

Par ailleurs, la majorité des artistes auteurs demandent-ils ce statut de « salarié » ? Et que pensent les diffuseurs de cette nouvelle cotisation ?

Ce sont les personnes privées involontairement d'emploi qui sollicitent les aides de l'Unédic. Vous proposez 300 Smic horaires pour bénéficier du revenu de remplacement. Mais cela représente moins d'une heure par jour ! Pensez-vous que ce nouveau régime soit acceptable pour nos concitoyens ?

À mon avis, il conviendrait plutôt de se pencher sur le statut des artistes auteurs, en mettant autour de la table les diffuseurs et les artistes, lesquels revendiquent en réalité un statut d'indépendant, avant de mettre en place un revenu de remplacement, surtout dans le contexte budgétaire que l'on sait.

M. Jean-Luc Fichet. - De qui parle-t-on ? D'artistes auteurs. Ce sont au départ des amateurs, qui se lancent dans la création, dans l'écriture, dans l'art. Ces hommes et ces femmes vont à un moment donné prendre le risque de livrer leurs oeuvres au grand public. Le fait d'être artiste condamne-t-il à la précarité avant d'être reconnu ? Dans nos communes, dans nos villages, on inaugure régulièrement des expositions d'artistes, qui ont souvent une vie difficile.

Ce n'est pas dramatique que les diffuseurs soient sollicités ! La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) n'assure-t-elle pas la collecte auprès des diffuseurs pour répartir ensuite les droits ?

C'est une question importante pour la reconnaissance du travail difficile de nos artistes, qui comprend d'ailleurs une part de génie. Peut-être devrions-nous nous inspirer de la commission du travail des arts belge que vous avez citée, madame la rapporteure, pour instaurer un comité de reconnaissance ou d'identification des artistes ? Ne pourrait-on pas travailler en liaison avec les directions régionales des affaires culturelles (Drac) pour labelliser en quelque sorte leur travail afin qu'ils puissent bénéficier des avantages qui leur sont proposés dans ce texte ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci à la rapporteure d'avoir exposé son argumentation en faveur de la création d'un revenu de remplacement pour les artistes auteurs.

Nous sommes unanimes pour reconnaître que la situation des artistes auteurs est souvent difficile. Mais qu'entend-on exactement par le terme « artiste auteur » ?

L'exemple de la Sacem est parlant : le chanteur qui a une chanson à succès est rémunéré à vie, quand d'autres ont une vie plus difficile alors qu'ils travaillent beaucoup. La différence tient au succès, et cela vaut pour toute oeuvre. Sous quel prisme objectif pourrait-on définir une production vouée au succès ? Là est le véritable sujet.

Il est difficile de comparer un musicien à un YouTuber. Aujourd'hui, on voit naître presque quotidiennement de nouveaux artistes sur les réseaux sociaux. Tous peuvent se considérer, d'une certaine manière, comme des artistes auteurs.

Dans le cadre de l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'ai découvert un monde très discordant. Les artistes auteurs ne s'entendent pas du tout sur la façon de gérer leurs droits. Qu'en sera-t-il sur la définition d'artiste auteur, sur la définition de l'oeuvre créée, sur la quantité d'oeuvres créées pour bénéficier du revenu de remplacement ? En réalité, il faudrait plutôt se pencher sur le statut des artistes auteurs.

La solution proposée au travers de cette proposition de loi ne me paraît pas satisfaisante. Aussi, je n'y serai pas favorable.

Mme Céline Brulin. - Permettez-moi de commencer mon intervention par un trait d'humour. Sans doute nous arrive-t-il de douter parfois de nos choix et de nos orientations politiques. Mais vos propos me confortent dans mes choix. Certes, certains vont peut-être frauder, mais cela doit-il nous empêcher de traiter la question de la précarité ?

Mme Pascale Gruny. - On n'a pas parlé de fraude !

Mme Céline Brulin. - Je résume vos propos sous le vocable « fraude ». Vous dites qu'un YouTuber, avec quinze followers, ne saurait être considéré comme un artiste. Je caricature certes un peu vos propos, mais cela revient à parler d'une forme de fraude.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Non, ce n'est pas ce que nous avons dit !

Mme Céline Brulin. - N'y voyez rien de mal. Moi aussi, je suis d'accord pour lutter contre la fraude. Mais ne pouvons-nous pas répondre à la question de la précarité réelle dans laquelle vivent les artistes auteurs au prétexte que certains pourraient abuser du système ?

Il est bien sûr extrêmement difficile de définir l'artiste auteur. Va-t-on solliciter le ministère de la culture pour savoir qui est artiste et qui ne l'est pas ?... Aucun d'entre nous ne souhaite vivre sous ce régime. Ou se base-t-on sur le succès qu'il aura ? Je ne vous ferai pas l'offense de vous rappeler que des peintres sont morts dans le plus grand dénuement, alors que leurs tableaux s'arrachent aujourd'hui à prix d'or !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Exactement !

Mme Céline Brulin. - Vous parlez aussi de la quantité de travail fourni. Moi aussi, je peux trouver choquant que les chanteurs qui ont eu une chanson à succès vivent dans des conditions confortables jusqu'à la fin de leur vie. Mais cela ne vous choque pas qu'un actionnaire ayant réalisé de bons investissements touche des dividendes jusqu'à la fin de ses jours ?

Cette proposition de loi est somme toute assez modeste. Il faut effectivement continuer à y travailler pour cheminer. Mais ne dites pas : il n'y a pas de sujet ; passons notre chemin !

Mme Frédérique Puissat. - Ce n'est pas ce que nous avons dit !

Mme Céline Brulin. - Cette proposition de loi mérite d'être adoptée. Cela n'épuisera pas le sujet, comme l'a souligné la rapporteure, mais nous franchirons un nouveau pas en ouvrant de nouveaux droits. Dans notre société, on retire beaucoup de droits, mais on n'en offre pas beaucoup de nouveaux !

M. Alain Milon, président. - Pour rebondir sur les propos de Mme la rapporteure générale, la chanson Born to Be Alive de Patrick Hernandez, qui vit dans le Vaucluse, est diffusée toutes les deux minutes après plus de quarante-cinq ans d'existence et lui assure donc de confortables revenus.

Mme Anne Souyris, rapporteure. - Il ne s'agit pas de considérer que tout le monde peut se prétendre artiste ! C'est exactement le contraire. La proposition de loi prévoit des critères objectifs. L'un de mes amendements, qui plus est, prévoit 900 Smic horaires, contre 300 initialement, pour bénéficier de ce nouveau droit, considérant que c'est le point de bascule vers la professionnalisation. D'ailleurs, cette base ne fait pas l'unanimité, certains estimant que le plafond doit être plus bas ; d'où une modulation pour les jeunes diplômés.

L'Unédic parle d'une dépense 800 millions d'euros si l'on s'en tient aux 300 Smic horaires ; d'où son inquiétude. Avec 900 Smic horaires, seules 20 000 personnes seraient concernées, pour une dépense de 220 millions. Considérant les recettes proposées, nous parvenons à un équilibre financier, même sans la contribution liée aux contenus créés grâce à l'IA et sans la contribution spécifique des plateformes numériques.

Nous avons aussi inscrit une clause de revoyure avec les différents acteurs, au sein de cette commission qui réunirait des organismes d'État, les syndicats d'auteurs et les diffuseurs. Notre proposition ambitionne donc d'être consensuelle.

Cette proposition de loi assez minimaliste, avec 900 Smic horaires, doit nous permettre de cheminer, d'autant que vous êtes tous convenus qu'il y avait là un sujet à traiter. On peut définir ce qu'est le travail d'artiste et, en cas de doute, il reviendra à la commission précitée de trancher. Je vous enjoins de travailler ensemble sur cette base plutôt que de dire que ce n'est pas le moment. Ce n'est jamais le bon moment ! Des amendements pourront être déposés pour consolider ce texte, qui est transpartisan - j'aimerais qu'il soit cosigné par des sénateurs d'autres groupes encore. Ce sujet, je le répète, fait l'objet d'une intense activité parlementaire à l'Assemblée nationale ; il y a une pression pour avancer.

Pour répondre à la question du financement, les diffuseurs concernés verseront une cotisation sociale de 5 % et la contribution des artistes auteurs s'élèvera à 2 %, sachant qu'ils s'acquittent déjà de la CSG, laquelle est une forme de contribution à l'assurance chômage.

Il ne s'agit pas d'un chômage stricto sensu : c'est lorsque les artistes ne sont pas rémunérés qu'ils travaillent le plus en réalité. Je le redis, à partir de 900 Smic horaires, il s'agit d'un professionnel reconnu. Ce ne sont pas des personnes qui se prétendent d'une manière ou d'une autre artiste.

Enfin, avant l'examen des amendements, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives à la couverture du risque de privation de revenus pour les artistes auteurs ; aux contributions affectées au financement du revenu de continuité des artistes auteurs ; au dialogue social visant à définir le régime de ce revenu.

En revanche, ne présenteraient aucun lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs au droit de la propriété intellectuelle ; à la gouvernance de la sécurité sociale des artistes auteurs.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Anne Souyris, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à créer deux nouvelles sources de financement du revenu de remplacement des artistes auteurs, en étendant la cotisation prévue pour les diffuseurs aux entreprises exploitant l'intelligence artificielle générative d'abord, en excluant toutefois le cas de ces entreprises déjà engagées dans des conventions d'indemnisation et de rémunération des artistes auteurs dont les oeuvres sont exploitées. En étendant également cette cotisation à l'exploitation et à la diffusion du domaine public, cette proposition s'inspire également de l'idée d'une solidarité intergénérationnelle entre artistes auteurs défendue par Jean Zay, et avant lui, Victor Hugo.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Mme Anne Souyris, rapporteure. - L'amendement COM-2 vise à prévoir la possibilité d'une cotisation des artistes auteurs au financement du revenu de remplacement, dont le taux serait établi dans le cadre d'un accord entre organisations représentatives de diffuseur et organisations représentatives des artistes auteurs.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

Mme Anne Souyris, rapporteure. - L'amendement COM-3 tend à réécrire intégralement l'article 2 de la proposition de loi, afin de tenir compte des limites exposées par l'ensemble des personnes auditionnées. Les modifications proposées permettent de garantir l'équilibre financier du régime afin de ne pas dégrader les comptes de l'Unédic.

Cette réécriture vise en particulier à renforcer la place du dialogue social dans la définition et la mise en oeuvre du revenu de remplacement des artistes auteurs, conformément au fonctionnement de l'Unedic. Il est également spécifié que ce revenu ne peut être cumulé avec l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE).

Elle donne la possibilité aux artistes auteurs ne répondant pas aux critères conventionnels d'activité de solliciter ce revenu de remplacement devant une commission paritaire. Elle permet également de clarifier les règles dérogatoires aux obligations de recherche d'emploi qui s'appliqueraient aux artistes auteurs ainsi que de clarifier les sources de financement du revenu de remplacement en lien avec d'autres amendements proposés à l'article 1er. Par ailleurs, elle vise à prévenir l'effet d'aubaine pour les diffuseurs, en prévoyant une mission particulière de lutte contre le salariat déguisé des artistes auteurs ; et à prévoir une date d'entrée en vigueur différée, qui permettrait à France Travail d'anticiper la mise en oeuvre opérationnelle du revenu de remplacement, ainsi qu'une obligation, pour les partenaires sociaux, de s'engager dans une révision éventuelle des règles de ce revenu de remplacement, quatre ans après la conclusion d'un premier accord.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'article 3 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er : Création d'une contribution des diffuseurs afin de financer
le revenu de remplacement des artistes auteurs

Mme SOUYRIS, rapporteure

1

Création d'une cotisation spécifique des diffuseurs d'oeuvres du domaine public payant et des entreprises exploitant la création contemporaine par traitement d'intelligence artificielle

Rejeté

Mme SOUYRIS, rapporteure

2

Création d'une contribution des salariés

Rejeté

Article 2 : Création d'un revenu de remplacement pour les artistes auteurs

Mme SOUYRIS, rapporteure

3

Rédaction globale

Rejeté

La réunion est close à 12 h 15.