Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (Renvoi pour avis)

Secret des sources des journalistes

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Hommage à une délégation hellénique

Secret des sources des journalistes (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier(Suite)

Article 2

Articles additionnels

Article 3

Article 3 bis

Article 3 ter

Interventions sur l'ensemble

Mission commune d'information (Nominations)




SÉANCE

du mercredi 5 novembre 2008

18e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance est ouverte à 15 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport évaluant la mise en oeuvre de la réforme de la taxe professionnelle.

Acte est donné du dépôt de ce rapport qui sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (Renvoi pour avis)

M. le président.  - Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Secret des sources des journalistes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

Discussion générale

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ce texte réalise l'engagement pris par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle d'assurer une véritable protection du secret des sources des journalistes. Notre droit national ne l'avait en effet jamais consacré alors qu'il garantit une information pluraliste et fiable. De nombreuses réflexions y avaient été consacrées, du rapport Paul Girod en 1989 aux travaux de M. Charles Jolibois en 1995 et de M. Louis de Broissia en 2007.

Une intervention du législateur était nécessaire et votre rapporteur, juriste de formation et membre du groupe sénatorial d'étude médias et société, avait toutes les qualités pour étudier ce texte. Votre commission des lois a respecté un équilibre dans la relation complexe entre la justice et la presse, chacune en quête de sa vérité et gardienne de son secret. Leurs logiques doivent coexister dans le cadre qu'il nous appartient de définir.

Notre droit est insuffisant car la loi ne garantit nullement le secret de l'information : un tribunal, un magistrat, peuvent exiger d'un journaliste qu'il leur livre sa source et un refus expose ce dernier à une amende de 3 700 euros. La seule disposition protectrice, que nous devons à Michel Vauzelle alors garde des sceaux, résulte de la loi du 4 janvier 1993 et autorise le journaliste, entendu comme témoin, à refuser de livrer une information qui permettrait de connaître sa source. Cette amélioration significative garde une portée limitée, elle ne suffit plus.

Le projet de loi consacre clairement la protection des sources comme un principe général du droit ; il décline ensuite les garanties conséquentes. Ce principe figurera désormais dans la loi du 29 juillet 1881 -c'est l'article premier du présent texte.

Quelles sont les informations couvertes par le secret des sources ? Le texte reprenait purement et simplement les termes de l'arrêt Goodwin de 1996 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg considérait que le secret des sources devait être protégé pour permettre l'information du public sur des questions d'intérêt général. La formulation a suscité des critiques mais la rédaction plus neutre du premier amendement de votre commission des lois correspond parfaitement à l'esprit du texte et le Gouvernement y sera favorable.

Comment définir les journalistes ? La rédaction retient les termes de la recommandation du Conseil de l'Europe du 8 mars 2000, plus satisfaisante que celle qui résulte de notre code du travail. Cette définition large inclut tous les professionnels qui recueillent et diffusent au public de l'information, et exercent régulièrement cette activité pour laquelle ils sont rémunérés, quel que soit le média, qu'ils soient journalistes, directeurs de rédaction ou correspondants de guerre.

La protection ne couvre-t-elle que les journalistes ? Le texte protège le secret des sources et l'Assemblée nationale a précisé comment il pourrait y être porté atteinte, directement ou indirectement.

Cette précision visait les collaborateurs du journaliste ainsi que ses proches. L'amendement n°1 de la commission est plus précis, qui définit l'atteinte indirecte pour viser toute personne en relations habituelles avec un journaliste, susceptible de détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources. Ce texte donne une véritable assise juridique au secret des sources en consacrant dans notre droit un nouveau principe général. Il limite de manière générale les atteintes qui peuvent lui être portées, ces atteintes devant intervenir à titre exceptionnel et si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie. Cette règle vaut en tous domaines. La commission propose que l'atteinte soit en outre limitée aux mesures strictement nécessaires et reste proportionnée au but légitime poursuivi. Le Gouvernement y sera favorable.

Dans le cadre d'une affaire pénale, et afin que la justice puisse remonter à la source d'information du journaliste, des conditions supplémentaires sont définies : il faut que la nature et la particulière gravité du crime ou du délit le justifient et que cela soit absolument nécessaire à l'enquête. Là encore, le Gouvernement sera favorable aux précisions apportées par la commission. Mais il est impératif de laisser au juge le soin d'apprécier au cas par cas s'il est justifié de savoir comment un journaliste a été informé et d'identifier sa source. Une atteinte au secret des sources serait évidemment disproportionnée dans le cadre d'une enquête sur de simples vols ou de petites escroqueries ; il n'y a pas plus d'impératif prépondérant d'intérêt public justifiant de lever le secret des sources dans une affaire de contrefaçon -sauf si la contrefaçon porte sur des produits de santé, ou si un reportage révèle qu'une contrefaçon de vêtements sert à financer la criminalité organisée ou une entreprise terroriste.

La loi belge de 2005, qui est parfois citée en exemple, ne permet de lever le secret des sources que pour prévenir la commission d'infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique. Elle est très restrictive. Un meurtre odieux, une enquête est ouverte, on ne dispose d'aucun indice pour identifier l'auteur ; mais un journaliste détient une lettre anonyme qui pourrait permettre de remonter jusqu'au meurtrier. La justice doit-elle s'interdire de lui demander comment cette lettre lui est parvenue ? De se faire remettre le courrier ? Et s'il refuse, doit-elle saisir quand même le document ? Ou s'abstenir, au risque de laisser en liberté quelqu'un qui pourrait commettre un nouveau meurtre ? La Belgique a été très au-delà de ce qu'impose la Cour européenne des droits de l'homme après sa condamnation en 2003 ; elle dit que le secret des sources dans ce cas est absolu : parce que le crime est commis, il n'est plus nécessaire de lever le secret.

Accepterait-on en France, dans cette hypothèse, de se priver d'identifier un meurtrier au nom de la protection du secret des sources, au risque de nouvelles victimes ? Il n'est pas dans notre tradition de sacrifier à un principe, si important soit-il, tout autre intérêt légitime. Une société démocratique a besoin d'une justice efficace, d'une justice qui protège ; ce qui impose de concilier la protection des sources avec ce que la Cour européenne appelle un impératif prépondérant d'intérêt public. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit d'ailleurs des limites à la liberté d'information.

Le projet de loi encadre l'intervention de l'autorité judiciaire : seules les affaires les plus graves pourront justifier, sous conditions, une atteinte au secret des sources. Si ces conditions ne sont pas réunies, enquêteurs et magistrats devront chercher à résoudre l'affaire sans passer par le journaliste. A défaut, les actes engagés seront annulés.

Le principe général posé dans la loi sur la liberté de la presse est décliné dans le code de procédure pénale. Le secret des sources est ainsi préservé lors des actes d'enquête et d'instruction ; les perquisitions sont encadrées, de même que les retranscriptions d'écoutes téléphoniques et les réquisitions, y compris celles adressées aux opérateurs téléphoniques ou fournisseurs d'accès à internet. Selon la loi Vauzelle, les perquisitions dans les entreprises de presse doivent être effectuées par un magistrat ; le texte étend cette garantie aux agences de presse, aux véhicules professionnels et aux domiciles des journalistes. Le magistrat effectuant la perquisition devra respecter les mêmes règles que celles qui s'appliquent aux perquisitions au cabinet ou au domicile d'un avocat. Il devra s'assurer que ni la perquisition ni ce qu'il saisit ne porte une atteinte disproportionnée au secret des sources. Le journaliste pourra s'opposer à la saisie d'un document qui permettrait d'identifier l'une de ses sources ; il appartiendra dans ce cas au juge de la liberté et de la détention de se prononcer sur la nécessité de cette saisie. Seules des infractions particulièrement graves permettront, à titre exceptionnel, une atteinte au secret des sources résultant d'écoutes téléphoniques ou de réquisitions.

Le texte va au-delà des exigences de la Cour européenne des droits de l'homme : iI empêche de contraindre un journaliste à livrer sa source, même dans les hypothèses les plus graves. La loi permettra aux enquêteurs de passer outre son refus de coopérer en utilisant leurs moyens d'investigation, étant entendu que le journaliste ne pourra pas être poursuivi ni sanctionné pour ce refus, contrairement au droit en vigueur. Le texte consacre ainsi le droit des journalistes au silence absolu ; c'était un engagement du Président de la République. Un journaliste entendu comme témoin pourra invoquer le secret des sources à tous les stades de la procédure pénale et n'encourra plus d'amende s'il se tait ou refuse de fournir un document pour protéger ses sources.

Ce texte est une avancée sans précédent. Il assure aux journalistes la protection nécessaire à l'exercice d'une libre information et leur permet de jouer pleinement le rôle de gardiens de la démocratie que leur confère la Cour européenne des droits de l'homme. C'est un texte équilibré, qui concilie la liberté de la presse et les exigences de l'action judiciaire. En le soutenant, je l'espère unanimement, vous contribuerez à un grand progrès démocratique, conforme à notre tradition républicaine. (Applaudissements au centre et à droite)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Le quasi-silence du législateur sur un sujet aussi essentiel pour la liberté de la presse ne laisse pas d'étonner. Si l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme pose le principe de la liberté de communication, il confie à la loi la responsabilité d'en fixer les limites afin de concilier l'exercice de cette liberté avec d'autres objectifs à valeur constitutionnelle tels que la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de la vie privée. La loi du 28 juillet 1881 a défini les délits de diffamation, d'injure, d'outrage, d'incitation à commettre un crime, de propagation de fausses nouvelles, mais elle est restée muette sur le secret des sources.

Cette question cruciale est pourtant au coeur des relations entre la justice et la presse ; toutes deux revendiquent la recherche de la vérité et s'appuient pour ce faire sur le secret, celui de l'instruction et celui des sources. Ces deux légitimités dans une société démocratique sont amenées à se heurter dès lors que la recherche de la vérité par l'une passe par la connaissance ou la divulgation d'informations couvertes par le secret de l'autre.

Le présent texte est un engagement du Président de la République ; il est aussi une réponse aux condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme. Les journalistes l'attendent depuis longtemps.

Son article premier fixe de façon simple et limpide le principe de la protection des sources afin, selon la rédaction de l'Assemblée nationale, de permettre l'information du public sur des questions d'intérêt général. Après les auditions auxquelles elle a procédé, la commission propose de faire plutôt référence à l'exercice des missions d'information du public ; cette modification fait l'unanimité chez les journalistes. Nous avons également précisé la définition que le texte donne des journalistes et, à la demande des professionnels, celle de « chaîne d'information », ce qui se traduit par les notions d'atteinte directe ou indirecte à la protection des sources.

Voilà le principe affirmé, dans une rédaction améliorant le texte d'origine.

Mais tout principe a ses limites.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et voilà !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - On peut aborder le sujet de plusieurs façons.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Eh oui !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le modèle belge n'accepte d'atteinte que pour protéger l'intégrité physique des personnes.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La Cour européenne des droits de l'homme accepte l'exception à condition qu'un « impératif prépondérant d'intérêt public » la justifie.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Qu'est-ce qu'un impératif prépondérant d'intérêt public ?

M. Michel Charasse.  - Le juge décide.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous nous rallions à cette conception, en précisant que même au cours d'une procédure pénale, il faudra veiller à ne commettre qu'une atteinte strictement nécessaire.

J'en viens aux perquisitions.

Le principe consiste à s'inspirer du régime applicable aux avocats, à ce détail près qu'il n'y a pas de bâtonnier des journalistes. On peut donc envisager la présence de témoins et surtout la saisine du juge des libertés. C'est une protection nouvelle des journalistes dans l'exercice de leur profession.

En commission, j'ai proposé seize amendements, dont quatre sont fondamentaux. Le premier limite la protection de la confidentialité aux seules questions d'intérêt général ; le deuxième étend explicitement cette protection à l'ensemble de la chaîne d'information ; le troisième complète les conditions permettant de porter atteinte à cette confidentialité en cas de procédure pénale ; le quatrième tend à rendre nulle toute écoute judiciaire qui méconnaîtrait ces conditions, sans même l'atteinte disproportionnée.

Les journalistes souhaitaient revenir sur le recel de violation du secret de l'instruction.

Bien sûr, un journaliste contre qui un procès en diffamation serait intenté pourrait produire un document obtenu « sous le manteau »...

M. Michel Charasse.  - Qu'un juge lui aura remis !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - ... sans risquer de poursuites au titre de ce délit. Il n'y a pas d'autre exception.

Les journalistes demandent à ne jamais être poursuivis sur le fondement de cette infraction. En pratique, cela reviendrait à supprimer le secret de l'instruction. On peut le décider, mais pas au détour de ce texte. Il reste donc à maintenir le secret, avec ses conséquences.

Le projet de loi marque une évolution majeure des relations entre la presse et la justice. Il ouvre des perspectives nouvelles, mais sans épuiser le sujet. La question de fond reste l'équilibre entre la protection accordée et ses limites, la comparaison avec des professions réglementées comme celle d'avocat n'étant pas pertinente, car l'existence d'un ordre professionnel apporte des droits, mais impose aussi des devoirs. Pour l'avenir, on peut réfléchir à une nouvelle organisation professionnelle pour les journalistes...

M. Michel Charasse.  - On peut rêver !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - ...mais il serait prématuré en l'état d'accorder une protection totale. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Legendre.  - La commission des affaires culturelles s'est sentie concernée par ce débat. L'inscription claire en droit positif du principe protégeant les sources des journalistes nous réjouit. C'est l'aboutissement d'une préconisation qui figurait dans le rapport d'information sur la presse, réalisé par notre excellent ancien collègue Louis de Broissia, approuvé il y a plus d'un an par notre commission. Celle-ci avait appelé de ses voeux une consolidation du statut des journalistes, afin que la protection du secret de leurs sources ne subisse d'atteinte qu'à titre exceptionnel et en cas d'infraction d'une particulière gravité. Elle souhaitait également étendre au domicile des journalistes les règles spécifiques applicables aux perquisitions effectuées dans une entreprise de presse, en les rapprochant au maximum des protections accordées aux avocats.

L'inscription de ces deux garanties dans le présent texte adresse un signe fort à une profession en perte de repères, dont le secteur d'activité doit mettre encore plus l'accent sur la qualité de l'information, son indépendance et sa réactivité.

Devoir autant que droit, la protection des sources est au coeur de l'éthique journalistique. Mais elle conditionne également la liberté de la presse : l'assurance pour une source de rester anonyme est le corollaire indispensable de la mission d'information, qui tend à rendre publics des éléments auxquels les citoyens ne pourraient seuls avoir accès. La confidentialité est donc une exigence capitale de l'investigation dans la recherche constante de la vérité.

Je souhaite insister sur le lien entre la protection des sources et la crédibilité de l'information. De la multiplicité des sources dépend la confiance du citoyen, donc la fidélité du lecteur à son quotidien. Or, cette confiance s'est considérablement érodée...

M. Christian Poncelet.  - Oui !

M. Jacques Legendre.  - ... selon une enquête effectuée par TNS-Sofres en janvier, moins d'un Français sur deux pense que « les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme la presse écrite le montre ». Conforter sa crédibilité est donc un premier pas essentiel pour sortir la presse de la crise qui l'atteint depuis trop longtemps. Confortant le statut des journalistes, ce projet de loi y contribue pleinement.

Il satisfait également aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme qui, se fondant sur l'article 10 de la Convention l'instituant, a érigé la liberté des journalistes de ne pas révéler leurs sources en « pierre angulaire de la liberté de la presse ».

Par ailleurs, je salue la vigilance dont ont fait preuve les commissions des lois quant aux limites de la confidentialité, qui ne saurait être absolue. J'approuve la nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article premier, introduite par l'Assemblée nationale, car l'expression « impératif prépondérant d'intérêt public » est préférable à l'incertaine formule initiale « impératif impérieux ». Je souscris également aux précisions que notre commission des lois souhaite apporter pour écarter tout malentendu quant à la définition même du principe. Ainsi, son périmètre est mieux circonscrit, puisque la protection intervient dans l'exercice de la mission d'information du public. En outre, toute la chaîne d'information est protégée, ce qui est indispensable puisque l'information circule entre plusieurs personnes au sein des rédactions. Enfin, je suis d'accord avec la commission des lois pour estimer que le principe général consacré à l'article premier protège les sources dématérialisées. En effet, les données téléphoniques des journalistes archivées par les opérateurs ne doivent être communiquées au juge d'instruction qu'en vertu d'un « motif prépondérant d'intérêt public ».

Je me réjouis que le législateur accède enfin à une revendication ancienne des journalistes, car il renforce la crédibilité de l'information et son indépendance. Ce nouveau secret professionnel montre que la confidentialité est un devoir autant qu'un droit. Équilibré, le dispositif réserve aux seuls journalistes le choix de dévoiler ou de taire leurs sources. C'est précisément ce que recommandait le groupe de travail sur l'avenir de la presse, installé par notre commission l'année dernière en associant à la réflexion l'ensemble des partis politiques.

C'est pourquoi j'espère que notre Haute assemblée parviendra à un large accord sur ce texte propre à conforter le statut des journalistes. (Applaudissements à droite)

M. Antoine Lefèvre.  - Dans toute société démocratique, les journalistes jouent un rôle capital. La confidentialité de leurs sources doit donc être garantie afin que le droit à l'information s'exerce. Or, notre législation n'assure qu'une protection partielle du secret des sources, car elle n'accorde pas aux journalistes le droit au secret professionnel. Certes, la loi du 4 janvier 1993 leur a reconnu le droit de taire leurs sources lorsqu'ils sont entendus comme témoins. Mais il s'agit d'un droit de non-divulgation, qui leur laisse la liberté de révéler ou de ne pas révéler. De plus, ce droit au silence est limité à la phase d'instruction et il ne s'applique pas au jugement. La loi de 1993 a également introduit dans le code de procédure pénale un article 56-2 relatif aux perquisitions dans les entreprises de presse qui dispose qu'elles ne peuvent être réalisées que par un magistrat, chargé de veiller à ce que les investigations ne « portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste ».

Enfin, notre législation n'est pas conforme à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et à l'interprétation très extensive qu'en a faite la Cour de Strasbourg au fil des ans, notamment dans l'arrêt Goodwin contre Royaume-Uni de mars 1996. La Cour estime en effet que la protection du secret des sources des journalistes constitue « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse » et qu'elle doit être garantie car, si ce principe n'était pas respecté, la presse pourrait être « moins à même de jouer son rôle indispensable de chien de garde de la démocratie ». Elle ajoute que les journalistes doivent pouvoir ne pas révéler leurs sources à l'autorité judiciaire, sauf si l'atteinte au secret est justifiée par « un impératif prépondérant d'intérêt public ».

Ce texte remédie donc aux insuffisances de notre droit au regard de la jurisprudence européenne en reconnaissant juridiquement le secret des sources. Au nom de mes collègues du groupe UMP, je salue l'engagement du Président de la République qui avait promis, durant la campagne présidentielle, de réformer le droit en vigueur pour renforcer la liberté d'information et, ainsi, consolider la démocratie. (M. Michel Charasse s'exclame) C'est donc avec satisfaction que nous examinons ce projet de loi attendu qui montre l'importance accordée par le Gouvernement à la liberté d'information et à l'indépendance des journalistes. Il ne s'agit pas d'une petite réforme ni d'une simple adaptation de nos règles de droit mais d'un texte majeur qui pose un nouveau principe au service de la liberté d'informer et de notre démocratie. Pour la première fois, la protection du secret des sources est garantie. Le principe général posé dans la loi de 1881 s'appliquera dans tous les domaines, notamment devant les juridictions répressives, et ce même en l'absence de dispositions particulières. Tous les actes d'enquête et d'instruction seront soumis aux conditions restrictives qui permettent, à titre exceptionnel seulement, d'identifier la source d'un journaliste. Les journalistes se voient reconnaître le droit de taire leurs sources en toutes circonstances. Entendus comme témoins, ils pourront invoquer le secret des sources à tous les stades de la procédure pénale. Le projet de loi les protège également davantage en cas de perquisition et il encadre de façon plus rigoureuse l'intervention de l'autorité judiciaire.

Comme le rappelait pourtant Mme le garde des sceaux, « le secret des sources doit pouvoir être levé dans certaines conditions, très encadrées. Il ne peut être absolu ». Il doit, en effet, exister un juste équilibre entre la protection des sources et ce que la Cour européenne des droits de l'homme appelle « un impératif prépondérant d'intérêt public ». Ainsi, il ne pourra être porté atteinte au secret des sources qu'à titre exceptionnel et lorsqu'un intérêt impérieux l'imposera. Cette atteinte devra être strictement nécessaire et proportionnée. Ainsi, par exemple, il sera possible à un juge d'exiger qu'un journaliste révèle l'identité de ses sources dans une affaire de terrorisme ou de crime organisé.

Ce projet de loi est donc parfaitement équilibré : il protège les journalistes tout en permettant l'intervention des juges. Notre rapporteur propose à juste titre de renforcer encore davantage les garanties apportées par ce texte. Sans en modifier l'équilibre, il le clarifie afin d'écarter tout malentendu et toute interprétation restrictive de la protection du secret des sources.

Comme notre rapporteur, nous estimons qu'une réflexion devra être menée sur l'organisation de la profession de journaliste, notamment en matière de déontologie. Dans la mesure où ce projet de loi reconnait de nouveaux droits et fait bénéficier les journalistes de procédures dérogatoires au droit commun habituellement réservées à des professions réglementées, il n'est pas illégitime de leur demander de ne pas abuser de ces nouveaux droits.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP adoptera ce projet de loi tel qu'enrichi par les pertinentes propositions de notre rapporteur. (Vifs applaudissements à droite)

M. François Zocchetto.  - L'une des revendications les plus anciennes des journalistes, la protection de leurs sources, est consacrée par ce projet de loi. Les relations entre la presse et la justice sont complexes. L'équilibre entre la liberté de la presse, le droit des victimes et le secret de l'instruction est difficile à trouver. Toutefois, sans méconnaître le principe de l'égalité devant la loi, il est incontestable que notre législation est aujourd'hui silencieuse sur la protection du secret des sources des journalistes. Ceci est d'autant plus regrettable que certaines affaires comme celle opposant le magazine Auto Plus à Renault ont montré que les atteintes à la liberté de la presse pouvaient atteindre des sommets. Cette affaire démontre les lacunes de notre droit et prouve qu'il protège mal le secret des sources. Or cette protection est nécessaire car elle permet de garantir la liberté de la presse. En outre, la France a été à plusieurs reprises condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est en effet particulièrement libérale et protectrice des journalistes. Dans le célèbre arrêt Goodwin contre Royaume-Uni du 27 mars 1996, arrêt de référence de toute sa doctrine sur la liberté de la presse, la Cour européenne affirme le droit des journalistes à protéger leurs sources et elle en profite pour rappeler le rôle déterminant des journalistes dans nos sociétés démocratiques contemporaines. Ainsi, elle estime que « La protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse. L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général ». Au fil de sa jurisprudence, la Cour a reconnu que trois motifs pouvaient porter atteinte à ce principe : l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public, la nécessité de l'atteinte, c'est-à-dire l'importance de l'information recherchée pour réprimer ou prévenir l'infraction et la proportionnalité de l'atteinte, c'est-à-dire l'existence d'autres mesures qui permettent d'arriver aux mêmes résultats.

Un arrêt de novembre 2007 considère même que le « droit des journalistes de taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple privilège qui serait accordé ou refusé en fonction de la licéité ou de l'illicéité des sources mais comme un véritable attribut du droit à l'information, à traiter avec la plus grande circonspection ». Quelques années après l'arrêt Goodwin, le comité des ministres du Conseil de l'Europe a d'ailleurs adopté une recommandation invitant les États à prendre les mesures nécessaires à la protection des sources des journalistes. Mais la France, contrairement à d'autres pays comme la Belgique, est restée très en retard. Les seules mesures actuellement en vigueur permettant de protéger a minima les journalistes datent de la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, qui autorise le journaliste à ne pas divulguer ses sources lorsqu'il est entendu comme témoin devant un juge d'instruction, et de la loi Perben II du 9 mars 2004, qui protège le journaliste en cas de réquisition judiciaire.

De plus, la Cour européenne des droits de l'homme a condamnée la France à diverses reprises notamment sur la question typiquement française de la condamnation pour délit de recel de violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel. Les juges français ont en effet tendance à condamner les journalistes sur le fondement de ces deux infractions, ce qui leur permet d'autoriser des perquisitions. Dans l'affaire Fressoz et Roire, il s'agissait du secret fiscal avec la déclaration de revenu de M. Calvet.

M. Michel Charasse.  - Ce n'était pas la déclaration de revenu mais l'avis d'imposition !

M. François Zocchetto.  - Cette jurisprudence française place les journalistes dans une insécurité juridique d'autant plus grande que de telles affaires se sont récemment multipliées.

Un projet de loi était donc nécessaire et nous remercions le Gouvernement de l'avoir déposé, à la demande du Président de la République. Je ne reviendrai pas sur les dispositions qui ont été très bien décrites par notre rapporteur. Ce dernier, dont je salue le travail, nous propose de modifier certains points, comme l'utilisation de termes considérés comme flous et qui laisseraient au juge une trop grande marge d'appréciation. Je salue donc l'amendement qui précise la notion « d'information du public » et sa finalité. La commission a en effet jugé utile que cette information ne porte pas seulement sur des questions d'intérêt général. Elle propose aussi de définir la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte en cas de procédure pénale et elle précise la notion d'atteinte indirecte

Pour certains, ce projet de loi aurait dû aller plus loin en supprimant le délit de recel de violation de l'instruction ou du secret professionnel. Comme le dit à juste titre notre rapporteur, la suppression pure et simple de ces infractions signerait la fin du secret de l'instruction, puisqu'aucun frein ne pourrait plus y être opposé. Certes, ce secret est déjà très affaibli mais l'existence du délit de recel oblige les journalistes à ne pas céder systématiquement à la facilité de publier des pièces protégées par le secret de l'instruction.

La question, j'en conviens, reste entière, mais les États généraux de la presse seront l'occasion de mener une réflexion approfondie (M. Michel Charasse en doute)

Je m'inquiète, comme mon prédécesseur à cette tribune, que le débat de cet après-midi ne donne pas lieu à consensus. Au motif que les dispositions de ce texte seraient insuffisantes, certains ont fait le choix de ne pas le voter. Je le regrette. Les dispositions proposées sont pourtant majeures puisqu'elles visent à protéger les journalistes et donc à garantir la liberté et le pluralisme de la presse. A chacun de prendre ses responsabilités. La liberté du journaliste est garante de la liberté d'expression, garante du caractère démocratique d'une société. Le devoir des parlementaires est de la protéger : même si des questions restent en suspens, il me semble fondamental de voter ce projet, trop longtemps attendu. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Ce texte vient en débat dans notre hémicycle cinq jours seulement après son inscription à l'ordre du jour par le Gouvernement. C'est bien mal mettre en pratique les discours qui nous ont été tenus lors de l'examen du projet de loi de révision constitutionnelle censé revaloriser le rôle du Parlement en l'associant mieux à la fixation de l'ordre du jour et en lui donnant le temps nécessaire pour légiférer dans la sérénité...

La protection du secret des sources des journalistes attendait une reconnaissance législative. La loi de 1881, avancée considérable pour la liberté d'expression et la liberté de la presse, ne reconnaît pas le principe de la protection des sources. En 1918, la charte du journaliste français stipule qu'un journaliste digne de ce nom garde le secret professionnel et ne confond pas son rôle avec celui d'un policier. Le principe est ensuite repris dans la Déclaration des droits et devoirs des journalistes de 1971. En France, la loi Vauzelle du 4 janvier 1993 modifie l'article 109 du code de procédure pénale afin de prévoir que tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. Mais depuis cette date, la législation française n'a pas consacré le principe de la protection du secret des sources des journalistes, pourtant reconnue au niveau international et européen : la Cour européenne des droits de l'homme en fait un élément essentiel de la liberté d'expression, la considérant même, dans son arrêt Roemen et Schmidt contre Luxembourg de février 2003, comme l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse. Le secret des sources fait partie intégrante de la liberté d'information et de la liberté d'expression C'est sur ce fondement que la France a été condamnée, le 7 juin 2007, la Cour européenne estimant que la condamnation de deux journalistes qui avaient refusé de révéler leurs sources constituait une violation de la liberté d'expression.

Les journalistes français sont aujourd'hui confrontés à un dilemme insoluble : soit révéler leurs sources, soit encourir des condamnations judiciaires. Dans l'un et l'autre cas, la liberté d'information est en danger : raréfaction des sources et autocensure des journalistes finiront par produire une presse lisse et uniforme. La situation est d'autant plus critique que les grands groupes sont concentrés entre les mains de Lagardère, Bouygues, Bolloré, Dassault, tous proches, voire intimes, du pouvoir exécutif en place.

La profession, soumise à des procédures judiciaires, des mises en examen, des perquisitions toujours plus nombreuses -pensons à celles qu'a subies le Canard Enchaîné, à la mise en examen de Denis Robert dans l'affaire Clearstream, aux perquisitions au Point et à l'Equipe dans l'affaire Cofidis, à la garde à vue du journaliste Guillaume Dasquié, pigiste au Monde, pour la divulgation de documents provenant de la DGSE....- attend beaucoup de nous. Ce projet est-il de nature à lever ses craintes et à assurer le droit à l'information ? Alors que le 8 mars 2000, le comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources, alors que d'autres États membres, comme la Belgique, avec sa loi du 27 avril 2005, accorde une protection très étendue non seulement aux journalistes mais à leurs collaborateurs, ce texte, loin d'être aussi protecteur que le Gouvernement voudrait nous le faire croire, n'est pas à la hauteur des enjeux.

Son article premier propose une réécriture très contestable de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881. Il dispose, tout d'abord, que le secret des journalistes est protégé « afin de permettre l'information du public sur des questions d'intérêt général ». Cette formulation, reprise de la recommandation du 8 juillet 2000, laisse perplexe. Est-ce à dire que dans les autres cas, il ne l'est pas ? On peut légitimement le craindre. (M. Jean-Pierre Sueur le confirme) Que sont des « questions d'intérêt général » et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Qui en décidera ? Ensuite, le principe est aussitôt tempéré par une exception, trois conditions étant posées pour encadrer les pouvoirs du juge : « Il ne peut être porté atteinte à ce secret que lorsqu'un intérêt impérieux l'impose, si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit et si les nécessités des investigations le justifient. » Enfin, rien n'est dit des collaborateurs, pas plus que n'est défini ce qu'est une source.

Le texte issu de l'Assemblée nationale n'a pas levé toutes les ambiguïtés. Ne mettant pas en question l'expression d'« intérêt général », il se contente ensuite de remplacer, dans les trois conditions encadrant les pouvoirs du juge, la notion d'« intérêt impérieux » par celle d'« impératif prépondérant d'intérêt public », reprise des termes de la Cour européenne des droits de l'homme, tandis que l'atteinte au secret reste possible « si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte, ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire ». Mais comment apprécier « l'impératif prépondérant d'intérêt public » ou la « particulière gravité du crime », notions hautement subjectives et dont la définition risque bien de dépendre de l'humeur changeante de l'opinion ? Quant à la question des collaborateurs, elle n'est traitée que de biais, le rapporteur de l'Assemblée prévoyant seulement que l'atteinte au secret des sources peut être directe ou indirecte, rempart bien fragile pour assurer une protection de toute la chaîne de l'information, tandis que la définition de ce qu'est une source fait toujours défaut. Dans la loi belge de 2005, la protection accordée aux collaborateurs est au contraire explicite, les informations et documents susceptibles d'identifier une source sont clairement définis, ainsi que le préconisait la recommandation du Comité des ministres du 8 juillet 2000.

L'article 2, quant à lui, modifie le code de procédure pénale afin d'encadrer les perquisitions dans une entreprise de presse ou au domicile du journaliste. Le texte initial présentait quelques lacunes, comblées par les députés : les perquisitions dans les entreprises de communication au public en ligne et les véhicules professionnels des journalistes, oubliées à l'origine, sont désormais, elles aussi, encadrées. Les éléments saisis seront mis sous scellés et le juge des libertés et de la détention décidera s'ils doivent ou non être pris en compte dans la procédure, le journaliste concerné pouvant s'opposer à la saisie s'il l'estime irrégulière. Mais en calquant ainsi ces garanties sur celles dont bénéficient les avocats, on oublie une différence d'importance : la présence du bâtonnier.

Les articles 3 bis et 3 ter, insérés par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur, portent respectivement sur les réquisitions et sur les écoutes téléphoniques. S'il faut saluer l'initiative, j'observe hélas que la police reste pouvoir à tout moment envoyer une réquisition aux opérateurs téléphoniques et de télécommunication, et obtenir ainsi la liste des appels reçus ou émis par le journaliste, sans même que celui-ci soit informé de cette réquisition. A quoi peut bien servir de poser le principe de sa nullité, puisque celle-ci n'interviendra jamais qu'a posteriori ? Même remarque sur l'article ter, qui n'empêche pas la divulgation du secret.

L'imprécision des termes de ce projet laisse le sentiment que le Gouvernement cherche davantage à se donner les moyens de pouvoir contourner le secret des sources qu'à les protéger. Puisse le débat sur nos amendements et ceux du rapporteur le démentir ! Si tel n'était pas le cas, nous ne pourrions voter en faveur de ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les principes dont se prévaut ce texte ne peuvent que recueillir un large assentiment. Mais nous savons tous que le diable est dans les détails. C'est ainsi que certaines habiletés sémantiques ont ce fâcheux effet de priver les meilleurs principes de leurs effets...

Ce texte contient un certain nombre de trompe-l'oeil et de clairs-obscurs qu'il nous faut débusquer. Si nous parvenions à élaborer un texte transparent, c'est avec plaisir que nous le voterions.

Ce projet de loi propose de modifier la loi de 1881 sur la presse, l'une des lois fondatrices de notre République, à laquelle nous ne devrions toucher qu'avec respect, scrupule et vigilance. On aimerait d'ailleurs parvenir, dans l'écriture de la loi, à la même simplicité et à la même beauté que les législateurs de 1881. L'article premier stipule : « L'imprimerie et la librairie sont libres. » Quelle clarté ! Tous les Français comprennent immédiatement ce que cela signifie ! La Convention européenne des droits de l'homme dispose, quant à elle, dans son article 10 : « Toute personne a droit à la liberté d'expression ». Citons encore les phrases si belles et si fortes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

M. Michel Charasse.  - Il est bien question des abus !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Oui, mais ceux-ci doivent être définis par la loi. Je sais que vous me comprendrez, car je connais votre esprit républicain.

Ce texte s'inscrit dans un contexte qui appelle à la vigilance. On ne peut pas dire que l'indépendance des médias soit parfaite dans notre pays. (M. Michel Charasse s'amuse ; protestations sur les bancs UMP) Les journalistes subissent les pressions des pouvoirs politique, financier et économique. (M. Michel Charasse en convient) Il n'est que de mentionner le projet de loi qui propose de faire nommer le président de la télévision publique par le Gouvernement, voire par le Président de la République, et de supprimer la publicité sur les chaînes publiques, mettant en péril les ressources financières des chaînes et donc leur capacité à créer et à informer. Mentionnons aussi les critiques adressées à l'Agence France Presse, sous prétexte qu'elle n'aurait pas publié tel ou tel communiqué d'un certain parti politique : nous savons tous que les communiqués des partis ne sont pas toujours du plus grand intérêt...

M. Michel Charasse.  - L'AFP est tout de même financée par l'argent des contribuables ! (M. Alain Gournac renchérit)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Souvenons-nous de l'affaire du Canard enchaîné, des perquisitions au Point et à L'Équipe à propos de l'affaire Cofidis, du placement en garde à vue du journaliste et écrivain Guillaume Dasquié, ou encore de ce qui s'est passé à France 3-Centre lorsque des journalistes ont été sommés de produire leurs rushes. Tout cela est contraire au secret des sources.

M. Michel Charasse.  - Faut-il le protéger même en cas de crime ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'y viens, monsieur Charasse, mais en l'espèce aucun crime n'avait été commis.

Madame la ministre, vous avez déclaré le 10 février dernier sur Europe 1 : « Nous sommes sur la protection des sources s'agissant de la révélation de l'origine d'une information, pas de la révélation d'une calomnie, d'une contre-vérité ou d'un mensonge ». Mais qu'est-ce qu'une contre-vérité ? Nous savons bien que, dans le débat politique, ce qui est vérité pour les uns est contre-vérité pour les autres ! Qui jugera de la vérité des propos des journalistes ?

M. Michel Charasse.  - Les journalistes ont dit que tous les sénateurs disposaient d'une voiture de fonction : c'est une contre-vérité !

M. Alain Gournac.  - Vous vouliez un exemple, en voilà un !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut aussi rappeler la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'arrêt Goodwin du 27 mars 1996 a consacré le principe de la protection des sources des journalistes. Dans son arrêt Ernst contre Belgique de 2003, la Cour a jugé que « des perquisitions ayant pour objet de découvrir la source d'information des journalistes -même si elles restent sans résultat- constituent un acte encore plus grave qu'une sommation de divulgation de l'identité de la source ». Dans l'arrêt Roemen et Schmit contre Luxembourg, elle a déclaré que le secret des sources constituait « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». Enfin, dans l'arrêt Dupuis contre France du 7 juin 2007, elle nous a invités à la plus grande prudence dans l'incrimination de recel de violation du secret de l'instruction.

La loi belge du 27 avril 2005 constitue un modèle en la matière : elle a donné une définition suffisamment large des statuts de journaliste et de collaborateur de journaliste ; elle a apporté des restrictions aux condamnations pour recel ; et elle a précisément délimité l'exception au droit au secret des sources.

Après avoir entendu les revendications des syndicats de journalistes et des associations, nous demandons que ce texte soit amélioré et clarifié sur plusieurs points.

A l'article premier, comme M. le rapporteur, nous considérons qu'il faut supprimer la référence à l'intérêt général. Nous proposons d'écrire simplement : « Le droit au secret des sources d'information est protégé par la loi. » C'est une formulation simple et claire. Il n'est nul besoin de faire référence à autre chose.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pour le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi de 1881 est inacceptable. La notion d'impératif prépondérant est extrêmement floue, et elle pourra très facilement être invoquée par les enquêteurs ! (Approbation à gauche) La rédaction initiale n'était guère plus précise, puisqu'elle parlait d'« intérêt impérieux ».

Je tiens à rassurer M. Charasse : nous ne sommes pas hostiles à toute forme de limitation du secret des sources. Nous ne sommes pas irresponsables ! Nous proposons d'écrire qu'il ne peut être porté atteinte à ce secret que « dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes ».

M. Michel Charasse.  - Sur ce point, nous sommes d'accord !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si l'on précise ainsi la limite du secret des sources, il n'est plus besoin de formules confuses, qui détournent la loi de son objet.

Nous souhaitons par ailleurs élargir la définition des statuts de journaliste et de collaborateur de journaliste. Il n'est pas opportun d'exclure du bénéfice du droit au secret des sources les collaborateurs irréguliers, ou ceux qui ne perçoivent pas de rémunération : nous sommes plusieurs ici à avoir collaboré avec des organes de la presse militante, particulièrement importante en France, et nous savons qu'il est nécessaire de protéger les sources de ces auteurs-là aussi.

S'agissant des perquisitions, il faudrait définir plus précisément les lieux visés et y ajouter ceux concernant les opérateurs de communication électronique, les hébergeurs de contenus, ainsi que les personnes visées au II de l'article 6 de la loi de juin 2004 sur la confiance en l'économie numérique.

Quant aux magistrats, on ne voit pas pourquoi il est dit à trois reprises qu'ils veillent à ce que les investigations ne portent pas atteinte de façon disproportionnée à la protection due au secret des sources, dès lors que cette dernière est posée comme un principe clair.

Avant-dernière remarque. (M. Alain Gournac donne des signes d'impatience)

M. le président.  - Il faudrait conclure.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dans sa grande sagesse, monsieur le président, le Sénat n'a pas organisé ce débat ; le temps de parole n'est donc pas limité. Mais rassurez-vous, je n'en ai plus que pour quelques instants.

Lors d'une perquisition, des personnes présentes sur les lieux peuvent s'opposer à ce que certains documents soient saisis. Dans ce cas, un procès-verbal est établi mais il ne doit pas être joint au dossier. Pourquoi ?

Enfin, il faut écrire qu'aucune garde à vue ne peut avoir pour cause, effet ou conséquence de rechercher ou de découvrir les sources d'un journaliste.

Ce droit essentiel qu'est la protection des sources requiert de la clarté. Nous plaidons pour la clarté, la rigueur et la transparence en faveur de ce droit protecteur de nos libertés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La Cour européenne des droits de l'homme a pour habitude de qualifier les journalistes de « chiens de garde de la démocratie ». Sans une protection renforcée de l'activité des journalistes, sans information, il n'y a pas de démocratie et c'est pourquoi la Cour considère la protection de leurs sources comme une pierre angulaire de la liberté de la presse. Comparée à la Belgique, la France fait pourtant preuve sur ce point d'une timidité manifeste. Plusieurs fois condamnés par la Cour européenne, nous avons dû adapter, graduellement, notre droit à cette exigence de protection des sources journalistiques. La loi Vauzelle de 1993, qui en a consacré le principe dans notre droit pénal, a été une étape importante, mais insuffisante. La consécration du « droit au silence » des journalistes dans le cadre de l'instruction n'est pas suffisante : il ne sert à rien de poser ce principe si l'on n'en tire pas toutes les conséquences dans notre procédure pénale. Protéger les sources d'un journaliste, dans le cadre d'une déposition, ne sert à rien si, par ailleurs, une simple perquisition permet de confondre son informateur, ou s'il est possible d'intercepter ses correspondances.

En un moment où la liberté de la presse est battue en brèche par les incursions politiques, ou menacée par une politique pénale toujours plus répressive, il devient impérieux d'inscrire la protection des sources au coeur de cette loi de 1881 qui a besoin d'être adaptée aux nouvelles réalités. Le droit actuel est incomplet et inefficace. Il est inacceptable qu'un juge demande à un directeur de rédaction l'organigramme complet de la société avec les numéros de téléphone portable de tous ses collaborateurs ! Il est tout aussi intolérable que la justice contourne le droit du journaliste au silence en exerçant sur lui, lors d'une garde à vue, des pressions psychologiques durant 36 heures, jusqu'à ce qu'il craque et soit acculé à dénoncer un collègue.

Pour toutes ces raisons, nous aurions souhaité voter ce texte qui, au-delà de la consécration du principe de la protection des sources, permet de mieux prendre en compte cette garantie tout au long de la chaîne pénale. La plupart des amendements, proposés par notre rapporteur et adoptés par la commission des lois, offrent cette nécessaire garantie. Ils précisent opportunément le champ de la protection des sources et rappellent, avec raison, que ce ne sont pas les journalistes qui sont protégés, mais leurs sources. Ainsi amendé, ce texte essaie d'établir une protection étroitement contrôlée par le juge, mais effective et fournissant aux journalistes la sérénité nécessaire à l'exercice de leur mission. Dans l'intérêt de la profession, nous avions envie de voter ce texte mais nous ne pouvons pas l'adopter en l'état. Qu'il soit bon ne suffit pas : il faut aller plus loin...

Sur plusieurs points, le projet peut être plus audacieux. Nous aurions souhaité que l'on définisse, avec plus de précision, ce qu'est une source. Ce terme, qui apparaît pourtant plus de six fois dans l'article premier, n'est à aucun moment défini. Nous aurions pu prendre exemple sur nos voisins : il n'est pas dit que le juge belge, qui statue sur le fondement d'une définition large de la source, en droit belge, protège moins les sources journalistiques que le juge français qui n'en dispose pas. Parfois, la souplesse dans le droit produit les effets contraires à ceux attendus. Mieux définir les sources, c'est rendre la loi prévisible. Les journalistes, sachant ce qui ne relève pas de la source journalistique, sauront clairement ce qui ne relève pas de la protection. C'est pourquoi une définition, aussi générale soit-elle, doit trouver sa place dans ce texte ; c'est ce que nous proposons dans nos amendements.

Nous regrettons aussi que ne soit pas non plus définie l'atteinte directe aux sources. Là encore, l'absence de définition est supposée permettre d'englober des situations variées, ou peut-être encore inconnues à ce jour. Mais alors, pourquoi proposer de définir ce qu'est une atteinte indirecte ? Le texte gagnerait en lisibilité, et en efficacité, et il n'y aurait pas besoin, là encore, d'attendre une construction jurisprudentielle pour obtenir une réponse précise et prévisible.

Troisième point : la définition du « journaliste ». Dès lors que l'on ne souhaite pas reprendre la définition stricte donnée par le code du travail, il faut en tirer toutes les conséquences : la nature économique de l'activité de journaliste ne peut être le seul critère retenu. Cette définition ne correspond pas à la réalité : des journalistes peuvent exercer une mission d'information sans considérer qu'il s'agit de leur profession, ou sans collaborer à titre régulier ou rémunéré à une rédaction. La définition donnée par ce texte va un peu plus loin que celle du code du travail, mais elle s'arrête malheureusement en chemin. Quid des journalistes militants, des radios libres ou des revues associatives, existant grâce au travail des bénévoles ? Quid des stagiaires, qui travaillent autant qu'un journaliste ayant sa carte de presse ? Il ne faut pas non plus oublier ceux qui collaborent de manière irrégulière à une rédaction, en qualité d'experts par exemple : un juriste qui collabore à titre exceptionnel avec une rédaction pourra-t-il être protégé, lorsque, commentant une affaire judiciaire, il sera amené à révéler une information intéressant la justice ? Malheureusement, non. Pourtant, il agit dans le même dessein qu'un journaliste professionnel, et souvent avec la même rigueur. Nous vous soumettrons plusieurs amendements de nature à mieux appréhender ces situations, que le projet de loi écarte a priori.

Il est bon d'interdire l'interception de la correspondance des journalistes, mais il n'est pas tolérable de laisser des zones de non-droit où la protection des sources ne serait pas garantie. Nous devons en outre étendre encore cette protection aux situations censées être encadrées par le droit. Un journaliste placé en garde à vue a certes le droit de se taire, comme, du reste, tout citoyen ; mais quel disposition le protège spécifiquement contre la révélation de ses sources ?

Puisque le but de ce projet de loi est de protéger les sources des journalistes, sauf, comme le dit la Cour européenne des droits de l'homme, « impératif prépondérant d'intérêt public », pourquoi ne pas étendre cette protection, sous condition, à la garde à vue ? Pourquoi, comme pour les correspondances, les informations recueillies dans le cadre d'une garde à vue, en violation du principe posé par ce projet de loi, ne pourraient-elles pas être écartées à peine de nullité ?

Nous serons attentifs à la manière dont vous accueillerez nos amendements. De cet accueil dépendra notre adhésion au texte qui, en l'état, reste encore loin de nos espérances. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - La parole est à M. Charasse. (Marques de satisfaction à droite)

M. Éric Doligé.  - On va enfin entendre des vérités !

M. Michel Charasse.  - Puisque le débat n'est pas organisé, comme l'a rappelé M. Sueur, je me suis inscrit au dernier moment en discussion générale, plutôt que d'intervenir sur les articles.

Je n'aime pas délibérer sous la contrainte, ce que vous nous faites faire aujourd'hui. Je rappelle que nous n'avons ratifié la Convention européenne des droits de l'homme que parce qu'elle n'était pas contraire à notre Constitution et à nos principes fondamentaux tels qu'ils ont été énoncés en 1789. L'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui garantit la « libre communication des pensées et des opinions », précise que « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté » ...

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... « dans les cas déterminés par la loi. »

M. Michel Charasse.  - Or, la Cour de Strasbourg est de moins en moins empressée à réprimer les abus, si bien que la presse ressemble de moins en moins à celle de 1789, puisque l'objectif de « libre communication des pensées et des opinions » est de plus en plus souvent remplacé par un objectif purement commercial. Que vise-t-on lorsqu'on diffuse les extraits de documents volés dans le cabinet d'un juge d'instruction, voire provenant de celui-ci ?

Avec ce projet de loi, on pose en principe la protection des sources ; l'exception, ce sera donc l'atteinte à cette protection. L'interprétation de cette exception sera forcément de droit étroit et une très large marge d'appréciation est laissée aux juges. Les travaux parlementaires auront donc une importance toute particulière pour les éclairer et il est de toute première importance de préciser ce que l'on entend par « impératif prépondérant d'intérêt public ». Peut-on considérer comme tels la défense nationale, la sécurité nationale, la lutte contre les grands trafics internationaux de la drogue et le blanchiment de l'argent ou le respect des traités auxquels la France est partie ? Le fait que la divulgation de ces sources pourrait éviter à quelqu'un de faire trente ans de prison ? Les menaces sur la vie d'une ou plusieurs personnes ?

Qu'en est-il, d'autre part, du régime des perquisitions ? Les papiers qu'il aura saisis sur place, le magistrat les donnera à la police et à d'autres magistrats, il les versera au dossier, auquel les parties ont accès. Bref, ils seront vite sur la place publique. Le magistrat qui fera la perquisition devra avoir tout cela présent à l'esprit, en particulier si cette divulgation peut mettre en péril la vie du journaliste

Il faut aussi expliciter clairement quelles professions sont concernées. Ce devrait être tous ceux qui collaborent à la rédaction d'un journal. Encore faut-il le dire clairement.

Sans être béat d'admiration devant les journalistes, je suis prêt à leur reconnaître cette protection. Encore leur liberté et les droits de cette corporation doivent-ils passer après l'intérêt supérieur de la Nation, du pays, de la société, au sens de la Déclaration de 1789. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droit et au centre)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je remercie M. Legendre pour son soutien, en tant que président de la commission des affaires culturelles et en tant que porte-parole du groupe UMP. Il est vrai que ce projet de loi est attendu depuis longtemps.

M. Zocchetto a raison : la France est très en retard en la matière. Nous espérions donc un soutien unanime à ce texte.

Oui, monsieur Lefèvre, ce projet de loi renforce la démocratie : il ne peut y avoir de liberté de la presse sans protection des sources.

Il est vrai, madame Mathon-Poinat, que ce texte n'a été inscrit que tardivement à l'ordre du jour, mais la commission des lois en avait fait un examen approfondi. La réflexion n'a pas été hâtive.

M. Sueur juge que nous n'allons pas assez loin. Qu'a fait la gauche ? Une toute petite avancée avec la loi du 4 janvier 1993, qui reconnaît un droit au silence devant le juge d'instruction. Aller plus loin ? Quand on touche aux libertés publiques, il faut garder un équilibre ; la surenchère ne sert pas la cause de la liberté. La Cour européenne des droits de l'homme n'en demande pas tant !

Non, ce texte n'est pas une coquille vide.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'ai pas dit cela !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il pose un principe, par une affirmation créatrice de droits, et il répond à des préoccupations concrètes des journalistes : il protège les journalistes, les collaborateurs, les proches, il encadre tous les actes de la procédure et les perquisitions, il garantit les conversations téléphoniques.

Madame Boumediene-Thiery, les amendements de la commission des lois répondent pour l'essentiel à vos préoccupations. La loi est faite pour donner des éléments d'appréciation aux magistrats ; ceux-ci méritent notre confiance.

M. Michel Charasse.  - Point trop n'en faut !

M. Jean-Pierre Sueur.  - La loi doit être claire ! Quid de « l'impératif prépondérant » ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce projet de loi est un bon texte parce qu'il ne contient pas de ces énumérations limitatives qui poseraient des problèmes d'interprétation. La loi ne peut tout prévoir, elle doit respecter le pouvoir d'appréciation des magistrats et fixer des limites.

Certains font dire à la jurisprudence de la cour de Strasbourg plus qu'elle n'impose. Cependant notre texte va beaucoup plus loin. Quant aux intérêts de la Nation, si on a donné des exemples, on a évité les listes...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout en fait partie !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le juge examinera au cas par cas et nous devons faire confiance aux magistrats pour qu'ils agissent dans les limites fixées par le texte : la procédure pourrait être annulée en cas de disproportion entre la mesure et l'enjeu.

Le texte marque donc une grande avancée. Les débats et les amendements de la commission vont encore l'améliorer et je souhaite que tous les sénateurs contribuent à ce progrès pour les journalistes et pour la démocratie. (Applaudissements à droite et sur certains bancs au centre)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Acceptez quelques-uns de nos amendements !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° L'article 2 devient l'article 3 ;

2° L'article 2 est ainsi rétabli :

« Art. 2. - Le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l'information du public sur des questions d'intérêt général.

« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu'à titre exceptionnel et lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie. Au cours d'une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

« Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public. » ;

3° L'article 35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, les pièces d'une procédure pénale couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction si elles sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. »

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 :

« Art. 2.- Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.

« Est considéré comme journaliste au sens du précédent alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public.

« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

« Est considérée comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources.

« Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. » ;

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement, le plus important, réécrit l'ensemble de l'article. En effet, certaines critiques avaient été formulées contre la formulation, parfois jugée trop floue, de cet article et insuffisante pour protéger l'ensemble de la chaîne de l'information. Ces critiques procédaient d'un malentendu car ce sont les sources et non les journalistes que l'on protège. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) L'Assemblée nationale avait voulu éviter les atteintes directes ou indirectes, mais il nous a semblé utile d'améliorer la rédaction et, au premier alinéa, de substituer une formulation plus neutre à la référence à l'information du public sur des questions d'intérêt général. Distinguer entre la grande presse d'information, couverte par le secret des sources, et la presse people, qui ne le serait pas, n'apporterait pas grand-chose : tous les journalistes doivent bénéficier de la même protection pour leurs sources. Cela n'implique d'ailleurs nulle déresponsabilisation car ils restent responsables et doivent vérifier leurs informations.

Au cours des auditions, il a été proposé de fixer une liste d'infractions ou un quantum de peine à partir duquel il pourrait être porté atteinte au secret de l'instruction. Séduisante de prime abord, cette solution se heurte à des difficultés. Comment imaginer l'ensemble des situations possibles ? La Cour européenne des droits de l'homme se refuse à établir une telle liste : elle préfère en rester au cas par cas. On peut en revanche prévoir une proportionnalité qui serait de nature à rassurer M. Charasse : il faut qu'aucune autre mesure ne permette d'arriver au même résultat. Il semble plus logique de l'inscrire au niveau des principes généraux. Nous définissons ainsi mieux la proportionnalité par référence à la gravité de l'infraction poursuivie et à la manifestation de la vérité.

M. le président.  - Sous-amendement n°17 à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Est considérée comme source au sens du présent article :

« 1° L'identité de toute personne qui fournit des informations à un journaliste ;

« 2° Les informations, documents et objets permettant d'identifier la nature ou la provenance des informations fournies à un journaliste ;

« 3° Le contenu des informations, documents et objets permettant d'identifier la personne qui a fourni des informations à un journaliste.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je n'ai pas inventé cette définition des sources : c'est celle de la loi belge du 7 avril 2005 et la Belgique n'est pas soupçonnée de mal protéger le secret des sources -plusieurs collègues y ont fait allusion. Cette rédaction est conforme à l'article 10 de la Convention des droits de l'homme.

M. le président.  - Sous-amendement n°20 à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme source au sens du présent article, toute personne qui fournit des informations, documents, ou objets à un journaliste, ainsi que toute information, document ou objet permettant d'identifier cette personne.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous précisons de manière solennelle la notion de source, car une source n'est pas seulement une personne, mais toute information permettant de l'identifier. Cette définition extensive serait conforme aux articles 56-1 et 56-2 du code de procédure pénale.

M. le président.  - Sous-amendement n°22 à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

exerçant sa profession

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il s'agit d'un amendement d'appel. La mention de la profession renvoie-t-elle indirectement à la détention d'une carte de presse ? Nous ne le pensons pas, car la référence au code du travail a été écartée. Cependant, est-il opportun de maintenir la référence à la « profession » alors que des personnes qui interviennent régulièrement dans des journaux ou des radios libres ne sont pas des journalistes professionnels mais doivent être protégées ? Restons-en au critère d'une information du public, régulière et rémunérée.

M. le président.  - Sous-amendement n°23 à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l'alinéa précédent, est également considéré comme journaliste au sens du premier alinéa, le travailleur non rémunéré effectuant un stage dans une entreprise de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou dans une agence de presse et contribuant, à titre régulier, au recueil et à la diffusion d'informations au public. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Qu'ils soient en stage d'observation ou de journalisme, les stagiaires se sentent rapidement au coeur de l'activité, quand bien même ils ne sont pas rémunérés.

Ils acquièrent rapidement leur autonomie et se sentent tout autant journalistes que leurs aînés rémunérés. Pour beaucoup, le stage est une étape essentielle, sinon obligatoire, du parcours professionnel. Dans ce cadre, ils peuvent avoir besoin de voir leurs sources protégées ; ce n'est pas un cas d'école.

Or, le texte définit le journaliste selon le critère de la rémunération. Depuis février 2008, les stages de plus de trois mois consécutifs doivent faire l'objet d'une gratification -mais celle-ci ne semble pas pouvoir être assimilée à une rétribution ou à une rémunération. Quid en outre des stages de moins de trois mois ? Il faut lever ces ambiguïtés.

M. le président.  - Sous-amendement n°19 à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme une atteinte directe au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir, au moyen d'investigations, l'identité d'une personne ayant fournie à un journaliste une information, ainsi que le fait de tenter de se procurer des informations, documents ou objets permettant d'identifier cette personne.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il importe de définir ce qui constitue une atteinte au secret des sources, et singulièrement une atteinte directe. La combinaison des différentes dispositions du texte pourrait en tenir lieu, mais il y a une voie plus simple. Si une définition trop précise nuirait à l'application de la loi, celle que nous proposons ne paraît pas soulever de difficulté.

M. le président.  - Sous-amendement n°18 à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, remplacer le mot :

recherchée

par les mots :

, du document ou de l'objet recherchés

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Coordination avec les sous-amendements précédents.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par deux alinéas ainsi rédigés :

« Au nom de la liberté de la presse et du droit public à l'information, le secret des sources des journalistes est garanti par la loi.

« Nul ne peut contraindre un journaliste à divulguer ses sources, ni chercher, par quelque moyen que ce soit, à en connaître la teneur.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La référence à l'intérêt général, même reprise de la recommandation du Conseil de l'Europe, reste trop vague. Nous entendons poser clairement le principe de la protection du secret des sources.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

« - Le droit au secret des sources d'information est protégé par la loi.

Mme Claudine Lepage.  - La Cour européenne des droits de l'homme considère la protection du secret des sources comme une des pierres angulaires de la liberté de la presse. L'article premier en inscrit le principe dans la loi pour aussitôt en fixer les limites, qui plus est de façon imprécise. Il a été critiqué pour cela par les journalistes. Notre amendement affirme un principe, sans restriction.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Bénéficient de la protection des sources :

« 1° Toute personne qui contribue directement à la collecte, à la rédaction, à la production, au stockage ou à la diffusion d'informations par le biais d'un média ou d'un ouvrage au profit du public ;

« 2° Le directeur de la publication, les collaborateurs de la rédaction et toute personne qui, par l'exercice de ses fonctions ou de sa profession, est amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier une source.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est essentiel de définir les personnes pouvant invoquer le secret des sources. L'article premier, outre qu'il est à ce titre flou et juridiquement peu sûr, ne protège pas l'ensemble de la chaîne d'information ; seuls les journalistes sont protégés. Que fait-on de la secrétaire ou de l'assistant, du collaborateur d'une entreprise de presse qui ouvre la porte à une perquisition ?

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

I. - Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Bénéficient de la protection du secret des sources :

« 1° les journalistes, soit toute personne qui contribue à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d'informations, par le biais d'un média, au profit du public ;

« 2° les collaborateurs de la rédaction, soit toute personne qui, par l'exercice de sa fonction, est amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations.

II. - En conséquence, supprimer le troisième alinéa du même texte.

Amendement n°43, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Après le mot :

secret

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

, dans les conditions prévues à l'article 56-2 du code de procédure pénale, que lorsque la divulgation de ce secret peut prévenir la commission d'infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes et ceci seulement si le renseignement recherché est d'un intérêt crucial pour la prévention de ces infractions et ne peut être obtenu d'aucune autre matière.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous tentons une nouvelle fois de combler les lacunes du texte. L'article premier reprend la définition du journaliste qui figure dans le code du travail ; c'est prendre le problème à l'envers, alors qu'il faut protéger l'ensemble de la chaîne d'information, viser toutes les personnes impliquées dans le processus journalistique. La portée de la recommandation du Conseil de l'Europe s'en trouve restreinte. Cet amendement est inspiré par la définition donnée par la loi belge, à nos yeux bien meilleure.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le mot :

secret

rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

qu'à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d'aucune autre manière

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je transforme les amendements n°s26, 27 et même 24 en sous-amendements à l'amendement de la commission.

M. le président.  - Ils seront rectifiés à cette fin.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous précisons les conditions dans lesquelles il est légitime de faire exception au principe de la protection des sources, en cas de crime ou de menace à l'intégrité physique d'une personne. Le texte qui nous est soumis est trop vague : « impératif » est flou, « prépondérant » l'est tout autant.

Notre position est claire, responsable et rigoureuse.

M. le président.  - Sous-amendement n°27 rectifié à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 de la commission pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

régulier et

Mme Claudine Lepage.  - On ne peut pas toujours exercer à titre régulier un métier de l'information.

M. le président.  - Sous-amendement n°28 rectifié à l'amendement n°1 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 de la commission pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

et rétribué

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit ici de la presse militante ou associative, dans laquelle nous sommes nombreux à avoir publié des articles.

Récemment, j'ai reçu une rémunération -que j'ai renvoyée- pour un article où j'avais défendu mes convictions. La rétribution ne peut donc être érigée en critère.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme source toute personne qui fournit des informations à un journaliste et, par extension, le nom et les données personnelles ainsi que la voix et l'image d'une source, les circonstances concrètes de l'obtention d'informations par un journaliste auprès d'une source, la partie non publiée de l'information fournie par une source à un journaliste et les données personnelles, documents et objets des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La notion de source doit être précisée.

Nous reprenons ici la définition retenue par le Conseil de l'Europe, en ajoutant les documents et objets des journalistes ou de leurs employeurs.

Dans la majorité des pays disposant d'une législation sur ce sujet, les informations permettant d'identifier les sources sont elles-mêmes protégées.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le sous-amendement n°24 aurait pour conséquence non d'assurer la confidentialité des sources d'information dont bénéficient les journalistes dans le cadre de leur activité professionnelle, mais de protéger toute source d'information, quels qu'en soient le destinataire et la nature. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°17 tend à définir les sources d'information des journalistes, Les professionnels sont très partagés sur cette question ; je crains que multiplier les énumérations n'aboutisse à un dispositif inextricable : je préfère que la loi s'en tienne aux principes.

Le sous-amendement n°20 appelle des observations identiques.

Le sous-amendement n°22 comporte une nouvelle extension, alors que le projet de loi inclut déjà les pigistes et les correspondants. On ne peut guère aller au-delà.

Le sous-amendement n°27, qui tend à supprimer l'exigence d'un exercice « régulier » de la profession, appelle des observations analogues. Une personne qui écrit un article tous les deux mois en étant liée à un organisme de presse bénéficiera de ce texte. On ne peut non plus assimiler des stagiaires non rémunérés à des journalistes professionnels : Avis défavorable au sous-amendement n°23.

Le sous-amendement n°28 étend la protection aux personnes exerçant une activité d'information à titre bénévole. Avis défavorable à cette nouvelle extension.

Le sous-amendement n°26 reprend un débat que nous avons déjà eu sur la législation belge et la jurisprudence suivie par la Cour européenne des droits de l'homme. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°19 définit les attaques directes au secret des sources, alors que cette notion est limpide. Il serait plus utile de définir les attaques indirectes. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°18 est inutile, puisqu'on saisit nécessairement un support matériel.

L'amendement n°40, qui tend à une protection absolue des sources, est partiellement satisfait par celui de la commission. Pour le reste, il faut bien poser des limites ! Avis défavorable.

Le sous-amendement n°25 conduit à une extension illimitée du secret, sans contrepartie déontologique. Avis défavorable.

Les amendements n°s41, 43 et 42 appellent respectivement des observations identiques à celles formulées au sujet des sous-amendements n°s25, 26 et 17.

Hommage à une délégation hellénique

M. le président.  - (Mmes et MM les sénateurs se lèvent) J'ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de M. Dimitris Sioufas, Président du Parlement hellénique, venu en visite en France pour rencontrer le Président du Sénat et celui de l'Assemblée nationale.

M. Dimitris Sioufas est accompagné par notre collègue M. Marc Massion, président du groupe d'amitié France-Grèce du Sénat.

Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'il porte à notre institution.

Au nom du Sénat de la République, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos deux pays et entre leurs parlements. (Applaudissements)

Secret des sources des journalistes (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

Discussion des articles (Suite)

Article premier(Suite)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement n°1 répond aux inquiétudes des journalistes : c'est l'activité journalistique elle-même qui motive la protection des sources et c'est bien l'information du public qui est centrale. L'objectif d'intérêt général rappelé par la Cour européenne des droits de l'homme n'est pas indispensable à rappeler.

Concernant la protection du secret des sources, les collaborateurs et les proches du journaliste seront protégés puisque c'est le secret qui est protégé et non la personne qui le détient. En outre, la définition des atteintes indirectes lève les dernières incertitudes.

Enfin, les atteintes exceptionnelles au secret des sources en matière pénale sont précisées.

Toutes ces précautions rédactionnelles sont de nature à rassurer les journalistes : avis favorable.

En revanche, je suis défavorable au sous-amendement n°17 : il n'est en effet pas indispensable de définir ce qu'est une source, d'autant que cette question n'a pas soulevé de difficulté. Certes, la définition que vous proposez n'est pas inintéressante, mais elle aurait l'inconvénient de figer cette notion. De plus, cette définition a l'inconvénient de confondre la protection des sources et la protection de l'anonymat des informateurs. Il suffit parfois de savoir comment un journaliste a été informé pour savoir qui l'a informé. Dans ces conditions, avis défavorable au sous-amendement n°17, ainsi qu'au sous-amendement n°22 pour les mêmes raisons.

Même avis sur le sous-amendement n°19 qui propose une définition des atteintes directes au secret des sources. Cette précision est inutile puisque l'article premier interdit les atteintes au secret, qu'elles soient directes ou indirectes.

Plusieurs amendements de la commission proposent d'ajouter la notion d'objet à celle de documents lors de la perquisition ou de la saisie. Même si la notion d'information est plus générale, il est sans doute cohérent de compléter la loi de 1881 : je m'en remets donc à la sagesse de la Haute assemblée sur le sous-amendement n°18.

L'amendement n°43 et le sous-amendement n°26 rectifié limitent la levée du secret des sources en matière pénale, comme en Belgique. Mais les atteintes à l'intégrité physique ne sont pas les seules à être condamnables. Nous considérons que la loi belge est trop restrictive et qu'elle ne saurait être transposée dans notre droit : avis défavorable.

Les sous-amendements n°s27 rectifié et 28 rectifié étendent le champ d'application de ce texte aux journalistes occasionnels non rétribués. Nous préférons protéger le secret des sources des journalistes professionnels. Avis défavorable.

Les amendements n°s40, 25, 41 et 42 et le sous-amendement n°24 rectifié sont satisfaits par l'amendement de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous sommes très attachés au sous-amendement n°24 rectifié qui a l'avantage de la simplicité et de la clarté, contrairement à l'amendement n°1 de notre rapporteur qui n'est pas toujours limpide. Le droit au secret des sources est protégé par la loi : il va de soi qu'il s'agit d'un texte qui concerne les journalistes. Nous proposons une formulation générale du même type que ce qu'énonce la loi de 1881. Cette rédaction permettrait d'éviter quelques arguties juridiques. En outre, quand j'entends dire que nos motifs d'exception sont trop restrictifs, je crains que le juge ne puisse invoquer un trop grand nombre d'entre eux, ce qui ferait perdre de son efficacité à cette loi.

Le sous-amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°17 n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements n°s20, 22, 27 rectifié et 28 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'ai pas compris pourquoi M. le rapporteur et Mme la ministre sont opposés au sous-amendement n°23. Nous avons proposé quinze amendements et sous-amendements sur cet article, et aucun d'entre eux n'a reçu un avis favorable. N'est-ce pas un peu systématique ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je comprends, monsieur le président, que vous ayez une haute idée de la vérité et des travaux de la commission des lois, mais nos suggestions peuvent ne pas être totalement inutiles. Le fait que l'on retoque en bloc toutes nos propositions est d'autant moins sain que le président Larcher se dit très attaché au statut de l'opposition.

Pour quelles raisons un journaliste qui vient travailler quelques mois dans une rédaction ne pourrait-il bénéficier du même droit de protection de ses sources que ses collègues embauchés à durée indéterminée ? Je comprends d'autant moins ce refus que nous avons voté, il n'y a pas si longtemps, une loi pour protéger les stagiaires !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Voilà une conception curieuse de l'opposition, monsieur Sueur. Il faudrait, parce que vous en faites partie, que nous acceptions certains de vos amendements !

Je voudrais également faire une remarque sur la façon dont nous travaillons en commission : nos débats seraient bien plus riches si nous pouvions confronter nos amendements plutôt que d'examiner ceux du rapporteur puis, dans un deuxième temps, les autres. Mais nous reviendrons plus tard sur cette question.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avec plaisir !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous avons examiné vos amendements un par un et aucun ne nous a paru congruent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est votre droit !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous feignez la surprise sur le sous-amendement n°23 même si vous savez bien qu'il est inutile.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Serais-je de mauvaise foi ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Non, mais vous n'êtes pas non plus naïf... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je défends les stagiaires !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous savez bien que la précision que vous proposez n'est pas nécessaire puisqu'ils sont déjà couverts.

Mais dire ensuite que la protection des sources doit être prévue par la loi n'est rien d'autre qu'une redondance. Revenons à des principes sains ! Il est trop de textes, qu'ils émanent du Gouvernement ou des parlementaires, dans lesquels on a envie de sabrer, tant ils sont inutilement bavards, pour se laisser aller de surcroît à la tentation de proposer des séries sans fin d'amendements !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas ce que nous faisons.

M.Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - L'opposition a des droits, mais pas celui d'avoir des amendements acceptés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai seulement constaté que tous mes amendements avaient été repoussés.

M. Bernard Frimat.  - J'ai trouvé M. Sueur un peu sévère : il n'y a pas 30 avis défavorables sur 30, mais 29 sur 30, puisque le Gouvernement a émis un avis de sagesse sur le sous-amendement n°18. (Sourires) Saluons cette avancée remarquable...

Le droit du parlementaire, monsieur le président de la commission, n'est-il pas de déposer un amendement, de le défendre et d'essayer de convaincre ? M. Sueur a cette qualité de croire qu'il peut encore convaincre et que ses arguments auront leur poids.

Vous répondez que l'amendement n°23 est inutile parce que la chose est implicite. Serait-ce trop demander que de préférer parfois que l'implicite cède la pas à l'explicite ? Les stagiaires, qui sont souvent sur le terrain, effectuent un travail de journaliste. Au-delà de mon souhait de voir se manifester parfois un esprit d'ouverture, suffisamment rare au Sénat, (protestations à droite) j'aurais aimé entendre un vrai débat sur cet amendement. Nous demandions hier que les articles puissent être discutés. Nous demandons aujourd'hui que puisse s'exercer un droit d'amender plein et entier. Chaque fois qu'il s'agira de faire progresser les droits de l'opposition, vous nous trouverez à vos côtés : j'espère que l'occasion nous en sera donnée au moins une fois... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous essayons de construire un texte cohérent, concis et clair : trop de textes recherchent inutilement l'exhaustivité, quand l'énoncé des principes suffit souvent à garantir le droit.

Vous demandez que les stagiaires soient assimilés à des journalistes. Mais ce texte, dont l'objet est de protéger les sources des journalistes, assure une protection « directe ou indirecte » : toute la chaîne de l'information est bien visée. Un stagiaire travaillant pour un journaliste professionnel faisant l'objet d'une demande de levée sera protégé comme lui.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et s'il travaille tout seul ?

M. Bernard Saugey.  - Ce débat me semble sans objet. Pour avoir été longtemps journaliste, statut que j'ai acquis le 1er mars 1961, dans des journaux que l'on ne peut considérer comme des feuilles de chou, puisqu'il s'agit du deuxième et du quatrième titre de la presse française, je puis vous dire que le problème des stagiaires ne se pose pas : un stagiaire ne sera jamais chargé d'aucune enquête d'investigation ; seuls les grands journalistes en mènent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci pour les autres. Ils apprécieront.

M. Bernard Saugey.  - Un stagiaire, la plupart du temps, fait un travail de localier : il n'y a pas lieu de le protéger.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le sous-amendement n°26 rectifié qui va être soumis au vote est au coeur du sujet, et c'est pourquoi nous avons demandé un scrutin public. Nous pensons avoir suffisamment démontré combien sont flous les termes d'« intérêt impératif prépondérant ». Mme le garde des sceaux a évoqué l'intérêt de la Nation, mais si telle fraction de la Nation peut invoquer ces intérêts, tels qu'elle les conçoit, ç'en est fait du secret des sources. Elle a aussi donné l'exemple des sites sensibles. Mais toute publication a un directeur, qui répond devant la justice, avec l'auteur, des informations qui y sont diffusées. Le secret défense est là pour garantir l'impératif de sécurité. Nous ne le mettons pas en cause. Mais dans ce cas, comme dans celui de la diffamation, il existe des règles claires : on ne peut pas publier n'importer quoi dans un journal, et c'est heureux.

Autre chose est la question du secret des sources. Quiconque est prêt à en affirmer le principe doit aussi définir les exceptions. Nous le faisons, avec le sens des responsabilités qui est le nôtre : porter atteinte à ce secret est licite s'il s'agit de prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes. L'exception est ainsi clairement circonscrite. Ne pas l'accepter, c'est entrer dans le flou.

A la demande du groupe socialiste, le sous-amendement n°26 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 139
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Le sous-amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°18.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'aimerais attirer l'attention sur la formulation complexe et obscure du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 de la commission. Il est écrit : « Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. » Si je comprends bien la syntaxe enchevêtrée de ce texte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte au secret des sources, on prendra en compte la gravité du crime ou du délit, l'importance de l'information, et « le fait que » les mesures envisagées sont indispensables. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) Ce dernier membre de phrase est mal rédigé : il aurait mieux valu écrire qu'on tiendrait compte « de la mesure dans laquelle » ces mesures sont indispensables. D'ailleurs cette rédaction, qui juxtapose trois conditions, laisse le champ libre à toutes sortes d'abus : on pourra invoquer la loi, dès que l'on considérera dans une procédure pénale qu'une atteinte au secret des sources est nécessaire à la manifestation de la vérité ! (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le conteste) Cela affaiblit considérablement la protection du secret des sources.

Je me félicite que le Gouvernement n'ait pas déclaré l'urgence sur ce texte : peut-être pourra-t-on améliorer ces formules ambiguës au cours des prochaines lectures.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - On peut tout faire dire à un texte, mais il y a des limites ! Les conditions énoncées par notre amendement sont évidemment cumulatives.

Mme Jacqueline Gourault.  - En effet : elles sont coordonnées par « et ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Peut-être pourra-t-on trouver une meilleure rédaction, mais je n'en vois pas pour le moment.

L'opposition pourrait veiller à la précision de ses propres amendements ! L'un d'eux autorisait les atteintes au secret des sources dans le but de prévenir les atteintes à l'intégrité physique des personnes. Mais dans le cas où l'infraction aurait déjà été commise, il n'aurait plus été possible lever le secret !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous parlions d'une menace.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le texte du projet de loi, tel qu'il ressortait des travaux de l'Assemblée nationale, ne satisfaisait évidemment pas M. le rapporteur. Mon groupe, le groupe socialiste et les Verts ont formulé des propositions pour améliorer ce texte, et garantir le respect du secret des sources des journalistes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce n'est pas un droit absolu !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Certes, il faut prévoir des exceptions au secret des sources ; mais les formulations que nous avions proposées étaient plus pertinentes et plus claires. Il est dommage que nous n'ayons pas été entendus. Je m'abstiendrai donc sur l'amendement de la commission.

L'amendement n°1 est adopté.

Les amendements n°s40, 25, 41, 43 et 42 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le second alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :

les pièces d'une procédure pénale couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction si elles

par les mots :

des éléments provenant d'une violation du secret de l'enquête ou de l'instruction ou de tout autre secret professionnel s'ils

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement tend à ajouter au nombre des documents que les personnes poursuivies pour diffamation peuvent produire pour leur défense sans encourir de poursuites pour recel, les documents provenant d'une violation du secret professionnel. La Cour européenne des droits de l'homme considère qu'il n'y a pas de différence de nature entre le secret professionnel et le secret de l'instruction. Cet amendement n'empêche évidemment pas de poursuivre la personne ayant directement violé le secret professionnel.

L'amendement n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

L'article 56-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 56-2. - Les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels, ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat. Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l'article 57. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans cette décision. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité. Le magistrat et la personne présente en application de l'article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. 

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste. Il veille à ce qu'elles ne portent pas atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qu'elles ne constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas de retard injustifiés à la diffusion de l'information.

« La personne présente lors de la perquisition en application de l'article 57 du présent code peut s'opposer à la saisie d'un document ou du matériel de toute nature utilisé, dans l'exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l'intention de procéder si elle estime que cette saisie serait irrégulière au regard de l'alinéa précédent. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections de la personne, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure.

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

« A cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que la personne en présence de qui la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes. Si le journaliste chez qui la perquisition a été réalisée n'était pas présent lorsque celle-ci a été effectuée, notamment s'il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 57, le journaliste peut se présenter devant le juge des libertés et de la détention pour être entendu par ce magistrat et assister, si elle a lieu, à l'ouverture du scellé.

« S'il estime qu'il n'y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction. »

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code procédure pénale par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences, ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat.

« Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l'article 57.

« Le magistrat et la personne présente en application de l'article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents ou des objets découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans cette décision.

« Ces dispositions sont édictées à peine de nullité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

d'une entreprise de communication au public

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

, d'une agence de presse, d'un opérateur de communication électronique visé à l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques, d'une personne visée au II de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique dans un lieu de stockage d'informations protégées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, sont interdites.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'article 2 renforce les garanties procédurales en cas de perquisition dans une entreprise de presse ou au domicile d'un journaliste, afin que les atteintes au secret des sources soient évitées ou réduites au strict nécessaire. Ces règles s'appliquent dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire ; le Gouvernement prétend aligner les garanties des journalistes sur celles des avocats.

Notre amendement vise à étendre la protection accordée aux entreprises éditrices aux locaux des prestataires techniques, hébergeurs de contenus, fournisseurs d'accès à internet ou opérateurs de télécommunication, qui détiennent aussi des informations protégées par le secret.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Et puis quoi encore ? La voiture du livreur ? La loge du concierge ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le journalisme sur internet se développe rapidement, et il serait imprudent de ne pas en tenir compte dans cette loi.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

ou au domicile d'un journaliste

par les mots :

au domicile d'un journaliste ou dans un tout autre lieu de vie et de travail du journaliste

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet amendement vise à étendre les protections accordées au domicile des journalistes à tous leurs lieux de vie et de travail.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable au n°29 qui étend la protection à des lieux où il n'y a pas de journalistes. C'est excessif et inutile.

Avis défavorable au n°44 : le texte protège déjà, outre le lieu de travail, le domicile des journalistes, les véhicules et même les chambres d'hôtel. Si l'on devait aller plus loin, le juge apprécierait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis favorable au n°3.

Avis défavorable au n°29 : les fournisseurs d'accès internet ne sont pas détenteurs du secret des sources et ne peuvent savoir de qui un journaliste tient son information, mais ils sont concernés par les atteintes indirectes.

Avis défavorable au n°44 : en procédure pénale, la notion de domicile est entendue de façon très large.

L'amendement n°3 est adopté.

Les amendements n°s29 et 44 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, ne portent pas atteinte au secret des sources en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et ne constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l'information.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

I. - Après le mot :

respectent

rédiger ainsi la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

les dispositions de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881.

II. -  Supprimer la seconde phrase du même alinéa.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le juge doit veiller, lors des perquisitions, au respect de la protection des sources des journalistes dans tous les cas, et non seulement lorsque les investigations seraient susceptibles de porter atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l'infraction, au secret des sources. La Cour européenne des droits de l'homme juge qu'il est grave qu'une perquisition permette d'arriver à une source journalistique. Le principe de protection ne peut souffrir d'aucune atténuation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable car cet amendement est satisfait par mon amendement n°4.

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'amendement n°45 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

du matériel de toute nature utilisé, dans l'exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l'intention de procéder

par les mots :

de tout objet

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

document

insérer les mots :

ou l'objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la troisième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

n'est pas

par le mot :

est

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement Hamlet ! Être ou ne pas être : c'est un vrai sujet... L'article 2 prévoit qu'une personne présente à la perquisition peut s'opposer à la saisie d'un document. Dans ce cas, un procès-verbal doit mentionner ses objections à la saisie. Or, bizarrement, le texte prévoit que ce procès-verbal ne sera pas joint au dossier de procédure. Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi ? Les objections à la saisie peuvent intéresser tant le juge que les parties.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le procès-verbal est transmis au juge. Certes, il n'est pas maintenu dans la procédure, mais le juge a connaissance de son contenu. Cet amendement créerait un droit nouveau qui n'existe pas pour les autres professions, les avocats par exemple. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - La procédure de perquisition est beaucoup plus protectrice pour les journalistes que pour les avocats chez lesquels personne ne peut s'opposer à la saisie de documents. Par ailleurs votre amendement risque d'aller contre ce que vous souhaitez : si le juge des libertés met le procès-verbal dans le dossier, toutes les parties auront accès au motif du refus de la saisie puisque, dans une procédure contradictoire, tout le monde a accès au dossier. Donc, je vais dans votre sens en étant défavorable à votre amendement. (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est la raison d'être du débat que de tenter de parvenir à la vérité. Comme vous avez eu l'excellente idée de ne pas choisir l'urgence, cela nous donne le temps de la réflexion et, compte tenu de ce que vous venez de me dire, je retire mon amendement. (« Très bien ! »à droite)

L'amendement n°30 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la quatrième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

documents

insérer les mots :

ou objets

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

document

insérer les mots :

ou l'objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la dernière phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

chez qui

par les mots :

au domicile duquel

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après les mots :

le document

insérer les mots :

ou l'objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

ou à son contenu

par les mots :

, à son contenu ou à cet objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté, les groupes socialistes et CRC votant contre.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 56-1 du même code est ainsi modifié :

1° Dans les troisième et quatrième phrases du premier alinéa, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou des objets » ;

2° Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : « à laquelle le magistrat a l'intention de procéder » sont remplacés par les mots : « ou d'un objet » ;

3° Dans la deuxième phrase du même alinéa, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

4° Dans la quatrième phrase du même alinéa, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou d'autres objets » ;

5° Dans la dernière phrase du même alinéa, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

6° Dans le sixième alinéa, après les mots : « le document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

7° Dans le même alinéa, les mots : « ou à son contenu » sont remplacés par les mot : « , à son contenu ou à cet objet ».

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 57 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les perquisitions relevant de l'article 56-2, les deux témoins sont requis par le magistrat; ils ont la qualité de journalistes au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le code de procédure pénale prévoit que la perquisition chez un avocat doit se faire en présence du bâtonnier. Les journalistes ne disposent pas d'un ordre professionnel. Nous proposons donc que la perquisition, en ce qui les concerne, se fasse en présence de deux témoins qui soient des journalistes, à même d'apprécier la qualité des documents saisis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable car il n'est pas certain qu'il soit pratique de choisir deux témoins journalistes. Qui pourrait jouer le rôle que joue le bâtonnier lors d'une perquisition chez un avocat ? Faute d'une organisation professionnelle structurée, il est difficile de répondre à cette question. Nous pourrons y répondre valablement si, un jour, la profession s'organise.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - la règle générale est qu'il doit y avoir deux témoins pour vérifier la régularité de la procédure, ces témoins n'étant pas parties à la procédure. De ce point de vue, la qualité de journaliste n'apporte rien. En imposant la présence de journalistes, on risque de compliquer inutilement la procédure. Si l'on se met à imposer une qualité aux témoins, on commence à déroger au droit commun.

L'exemple du bâtonnier ne peut pas être invoqué : il est lié à la qualité précise de l'avocat.

J'espère vous avoir convaincu.

M. le président.  - Êtes-vous séduit, monsieur Sueur ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas par les arguments ! (Sourires)

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

Article 3

I. - L'article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

II. - L'article 437 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

I. - L'article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité professionnelle est libre de ne pas révéler ses sources. »

II. - L'article 427 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité professionnelle est libre de ne pas révéler ses sources. »

III. - Dans le deuxième alinéa de l'article 109 du même code, après le mot : « journaliste » sont insérés les mots : « ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement étend la garantie offerte aux journalistes entendus comme témoins aux directeurs de publication et aux collaborateurs de la rédaction.

D'autre part, nous précisons le champ d'application de l'article 109 du code de procédure pénale et l'harmonisons avec celui des précédents articles du même code que nous venons de modifier.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Le deuxième alinéa de l'article 326 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'obligation de déposer s'applique sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et de la faculté pour tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité de ne pas en révéler l'origine. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cohérence.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - L'article 437 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 437. - Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Même chose.

Défavorable à l'amendement n°33 : le droit au silence est déjà reconnu ; il est difficile d'aller plus loin. Pourquoi les personnes ayant connaissance des sources du journaliste auraient-elles ce droit alors qu'elles ne sont pas soumises aux mêmes règles déontologiques ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Nous avons déjà beaucoup étendu le droit au silence.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut l'étendre à toute la chaîne de l'information.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce sont les sources qu'il s'agit de protéger, pas les journalistes ! Ils ne demandent d'ailleurs rien de tel.

Favorable, en revanche, aux amendements de la commission.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'amendement n°13 est adopté, ainsi que l'amendement n°14

L'article 3, modifié, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, les personnes visées à l'article 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ont le droit de taire leurs sources et de n'en faire état en aucune manière dans des conditions prévues par ledit article. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je souhaite présenter en même temps l'amendement n°35.

M. le président.  - Soit.

Amendement n°35, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

I. - Avant le dernier alinéa de l'article 63, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une mesure de garde à vue ne peut en aucun cas être prise à l'encontre d'un journaliste ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte ressortissant de l'exercice de son activité lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources. »

II. - Après le troisième alinéa de l'article 77, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une mesure de garde à vue ne peut en aucun cas être prise à l'encontre d'un journaliste visé aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte commis dans l'exercice de sa profession lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources. Dans tous les autres cas, ces mêmes personnes ne pourront être gardées à vue pour des raisons liées à l'exercice de leur profession que pour une durée de 24 heures non renouvelable. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit là d'encadrer strictement la garde à vue des journalistes. Certains voudraient l'interdire ; ce n'est pas notre cas : dès lors que la garde à vue existe, elle doit être la même pour tous les citoyens. Mais nous voudrions éviter que se reproduise ce qui s'est passé avec un journaliste du Monde, M. Dasquier, qui, au bout de 36 heures de garde à vue a craqué et a fini par dire aux enquêteurs les noms qu'ils voulaient obtenir.

C'est le sens de notre amendement n°35 que nous jugeons à ce point important que nous demandons qu'il soit mis aux voix par scrutin public.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable : il n'y a qu'une obligation de comparaître, avec possibilité de dire au juge que l'on n'a rien à déclarer. Aucune profession ne bénéficie de règles particulières sur la garde à vue. Et imaginez que le journaliste ait violé un secret de la défense nationale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a une loi sur le secret défense.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - En garde à vue, le journaliste peut, comme tout le monde, ne rien dire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il me semble que dans l'affaire évoquée, le secret défense était bien en jeu.

Vous faites bien peu confiance aux juges et aux policiers pour se plier aux règles de la garde à vue, qui sont très strictes. Si l'on pose des règles particulières pour les journalistes, pourquoi pas pour les commerçants qui pourraient avoir des secrets de fabrication ? On ne met pas quelqu'un en garde à vue pour lui faire avouer de tels secrets !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mettons-le dans la loi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - De toute façon, nul n'est obligé de parler durant sa garde à vue. Il n'y a pas de contrainte, l'avocat est là, et cela se fait sous contrôle du procureur de la République et du juge d'instruction. En outre, ce que vous dites est déjà dans le code de procédure pénale.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°35 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 139
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa de l'article 63, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus, dans le cadre d'une garde à vue, en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » ;

2° Après le troisième alinéa de l'article 77, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus, dans le cadre d'une garde à vue, en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. Jacques Muller.  - C'est la même logique mais une autre rédaction. Nous pensons à l'affaire Dasquié, au journaliste qui craque au bout d'une garde à vue. Il est fondamental qu'on ne puisse tenter d'extorquer une information en soumettant un journaliste à des pressions psychologiques, d'où cet amendement de bon sens

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Il est dangereux de multiplier les dérogations pour des catégories professionnelles car on créerait des distinctions injustifiées et, à la fin des fins, on affaiblirait le principe général. Celui-ci suffit. A moins de considérer que les magistrats ne respectent pas la loi...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - On est dans le cadre d'une garde à vue et s'il y a des contraintes illégales, elles peuvent donner lieu à poursuites. Vous souhaitez que des informations révélées de manière illégale ne soient pas versées au dossier mais comment accepter que la loi dise que des policiers ou des gendarmes puissent commettre des infractions ? Il y a une procédure qui respecte le principe des droits de la défense et du contradictoire. Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article 100-7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune interception ne peut avoir lieu sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d'un journaliste, ou de toute autre personne visée aux troisième et quatrième alinéas de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, y compris à son domicile pour un acte ressortissant de son activité professionnelle. »

M. Michel Boutant.  - Nous souhaitons que les journalistes jouissent, en matière d'interceptions téléphoniques, des mêmes garanties que les parlementaires, les avocats ou les magistrats.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Aucune profession ne bénéficie d'une telle disposition : le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat est informé quand cela concerne un parlementaire et le bâtonnier, pour des avocats.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis : ce serait parfaitement dérogatoire et nul n'a un tel privilège, cela n'existe pas pour les avocats, malgré la confidentialité de la relation avec son client. Or, il peut y avoir eu infraction.

L'amendement n°36 n'et pas adopté.

Article 3 bis

I. - L'article 60-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

II. - Les articles 77-1-1 et 99-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 60-1 sont également applicables. »

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le second alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application

par les mots :

prise en violation des dispositions

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ne laissons pas penser qu'il s'agit d'une condition supplémentaire.

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le second alinéa du I de cet article, supprimer les mots :

de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne voulons pas du flou, du clair-obscur, de l'imprécision qui finit par retrancher significativement sur les garanties que le texte est censé apporter.

M. le président.  - Amendement identique n°46, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Notre objectif est le même : la formulation retenue réduirait considérablement la protection des sources. Alors que les réquisitions sont des actes assez graves, on arriverait ainsi discrètement à remonter aux sources des journalistes.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ces amendements sont satisfaits par le nôtre. J'en demande le retrait.

Les amendements n°s37 et 46 sont retirés.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Avis favorable à l'amendement de la commission, comme pour l'amendement n°4.

L'amendement n°15 est adopté, ainsi que l'article 3 bis modifié.

Article 3 ter

L'article 100-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

correspondances

insérer les mots :

ou communications de toute nature

M. Michel Boutant.  - Il faut protéger les correspondances mais aussi les communications de toute nature.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement n'était pas nécessaire : c'est déjà le cas avec l'article 100-5 du code de procédure pénale. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette explication sera utile.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Même avis que la commission. En la matière, le code de procédure pénale vise toutes les correspondances, y compris celles qui sont dématérialisées. Les débats parlementaires en feront foi : le mot « correspondances » doit être pris dans son acception la plus large.

L'amendement n°38 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application

par les mots :

permettant d'identifier une source en violation

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement symétrique de celui déposé à l'article précédent.

Les amendements n°s39 et 47 sont retirés.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°16 est adopté.

L'article 3 ter, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Malgré les efforts du rapporteur, il subsiste beaucoup trop de possibilités d'atteinte à la protection de sources, qui font douter de l'effectivité de celle-ci. Nous regrettons que les interrogations légitimes des journalistes sur l'avenir de leur profession n'aient pas été entendues. Nous avons le sentiment d'une certaine méfiance à l'égard de professionnels qui s'efforcent d'exercer leur métier en toute indépendance du pouvoir politique.

La France était très en retard, ce n'est pas avec ce texte qu'elle se mettra en conformité avec la jurisprudence et le droit européens. Nous voterons contre, en espérant que la navette permette d'aboutir à un texte digne de notre pays.

M. Jacques Muller.  - Nous nous réjouissions de voir enfin protégées les sources des journalistes. Mais une fois de plus, cela devient un rituel dans cette assemblée, aucun de nos amendements n'a été accepté, comme si ceux qui ont ici le monopole du pouvoir avaient aussi celui de la vérité.

On nous a sans cesse opposé la nécessité de ne pas faire des journalistes une catégorie à part ; je pense au contraire que ces « chiens de garde de la démocratie » méritent des dispositions particulières. Nous voterons contre ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous avions dit lors de la discussion générale ce qui conditionnait notre vote. Le texte n'a malheureusement pas évolué comme nous le souhaitions. L'expression « intérêt général » a certes disparu à l'initiative du rapporteur, c'est un progrès ; mais sur quatre points, nous n'avons pas été entendus.

Nous n'avons pas obtenu une définition élargie des personnes concernées au-delà des journalistes stricto sensu ; nous n'avons pas été suivis sur les perquisitions et les lieux où elles se déroulent. Les deux autres points sont les plus sensibles, qui ont justifié nos demandes de scrutin public. S'agissant de la garde à vue, on nous a dit que nos propositions étaient redondantes ; je n'ai pas compris pourquoi elles l'étaient, nous savons bien que le problème s'est posé et se pose toujours. Surtout, nous avons dénoncé la grande imprécision du texte qui procède à nos yeux du dessein de donner à la protection des sources une valeur relative. Malgré une argumentation à laquelle on ne nous a rien opposé, nous n'avons pu obtenir ni la suppression de l'expression « impératif prépondérant », ni une définition précise des exceptions, notamment relativement aux menaces de commission de crime ou de mise en cause de l'intégrité physique des personnes. Formules volontairement floues et absence de définition claire des exceptions se complètent si naturellement que le texte ne peut atteindre l'objectif que lui assigne son titre.

Souhaitant un large accord, nous espérons que la navette fera évoluer le texte. En l'état, nous voterons contre.

M. Nicolas Alfonsi.  - Une rare unanimité s'est faite au sein du groupe du RDSE pour voter ce texte. Bien que sensible aux arguments de M. Sueur, je considère que les principes de notre droit doivent transcender les cas particuliers et les professions.

L'ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je remercie les membres de la commission des lois et tous ceux qui ont participé à nos débats. Si je suis partisan qu'on aille loin dans la protection de certains droits, je souhaite qu'en face on mette des obligations et des devoirs. Ce texte est une grande avancée pour les journalistes, ils nous l'ont dit, même si certains auraient souhaité qu'on allât plus loin. A eux maintenant de s'en saisir et de s'organiser et nous pourrons progresser encore, dans un juste équilibre. (Applaudissements à droite)

Mme Christine Albanel, ministre.  - Au nom de Mme la garde des sceaux et de moi-même, je salue la qualité de vos débats. Je remercie la commission des lois, particulièrement son président et son rapporteur dont tous les amendements ont été adoptés avec l'accord du Gouvernement.

Le texte que vous venez d'adopter apporte des garanties nouvelles en matière de liberté d'information ; il met la France en conformité totale avec la Convention européenne des droits de l'homme. Certains voulaient aller plus loin ; mais nous sommes parvenus ensemble à un bon équilibre entre la liberté de l'information et les exigences de l'action de la justice dans un État de droit. Les atteintes au secret des sources ne seront possibles qu'en cas d'impératif prépondérant d'intérêt public, c'est-à-dire dans des situations exceptionnelles.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela n'a rien d'évident !

Mme Christine Albanel, ministre.  - Les perquisitions dans les entreprises de presse et au domicile d'un journaliste sont strictement encadrées, de même que les écoutes téléphoniques des journalistes.

En toute hypothèse et à chaque étape de la procédure, les journalistes ont le droit de ne pas dévoiler leurs sources. Enfin, en cas de poursuite pour diffamation, ils peuvent se défendre sans craindre le recel de violation du secret de l'instruction ni le recel de violation du secret professionnel.

Ce texte fait honneur à notre démocratie. (Applaudissements à droite et au centre)

Mission commune d'information (Nominations)

M. le président.  - La commission des finances et la commission des affaires sociales ont désigné respectivement Mme Michèle André et M. Gilbert Barbier pour faire partie de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.

Prochaine séance demain, jeudi 6 novembre 2008 à 9 h 30.

La séance est levée à 19 h 30.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 6 novembre 2008

Séance publique

A 9 HEURES 30, A 15 HEURES ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

Discussion du projet de loi (n° 55, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les prélèvements obligatoires.

Rapport (n° 78, 2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Avis (n° 71, 2008-2009) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc, André Lardeux, Gérard Dériot et Mme Sylvie Desmarescaux un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).

- M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles ;

- M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2008-810 du 22 août 2008 et n° 2008-811 du 22 août 2008 relatives à la conformité des denrées avec la législation alimentaire et à la sécurité générale des produits ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009.

- M. Jean-Jacques Jégou un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009).