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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels avant l'article 14

Article 14

Articles additionnels

Article 15

Article 15 bis

Articles additionnels

Article 16

Article 17

Article 18

Article 18 bis

Article 19

Article 19 bis

Questions d'actualité

Suppression de la taxe professionnelle

M. Jacques Mézard

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Paradoxe de la crise automobile

M. Yves Détraigne

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Emploi et plan de relance

M. Jean-Pierre Godefroy

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Réforme des collectivités locales

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Fusion de la Banque populaire et des Caisses d'épargne

M. Jean-Pierre Fourcade

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Fracture territoriale

M. Simon Sutour

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Statut d'auto-entrepreneur

M. Philippe Dallier

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Politique en faveur des jeunes

M. Christian Demuynck

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Avenir des véhicules décarbonés

M. Louis Nègre

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Conclusions du comité Balladur

M. Jean-Claude Peyronnet

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Mission commune d'information sur l'outre-mer

Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 19 bis (Suite)

Article additionnel

Article 20

Articles additionnels

Article 22

Articles additionnels

Rappel au Règlement

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels (Suite)

Rappel au Règlement

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels (Suite)

Article 23

Article additionnel

Article 24

Articles additionnels

Article 25

Articles additionnels

Article 27

Articles additionnels




SÉANCE

du jeudi 5 mars 2009

74e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

Secrétaires : M. Jean-Pierre Godefroy, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 9 h 45.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux articles additionnels avant l'article 14.

Articles additionnels avant l'article 14

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mesures appliquées en matière de santé et de sécurité doivent assurer une protection efficace des détenus et ne peuvent pas être moins rigoureuses que celles dont bénéficient les travailleurs hors de prison.

M. Claude Jeannerot.  - Amendement tendant à transcrire dans notre droit la règle pénitentiaire européenne n°26-13.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois.  - Retrait puisque ces dispositions sont de nature réglementaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Même avis.

L'amendement n°110 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 14, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

De l'enseignement et de la formation

M. Claude Jeannerot.  - Texte même.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait ou rejet puisque toutes ces dispositions sont de nature réglementaire.

L'amendement n°113, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°112, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire organise l'accès des détenus à des programmes d'enseignement qui répondent à leurs besoins individuels tout en tenant compte de leurs aspirations.

Chaque établissement dispose d'une bibliothèque ouverte à tous les détenus. Ces derniers sont consultés sur les choix des documents.

M. Claude Jeannerot.  - Nous proposons d'intégrer dans cette loi la règle pénitentiaire européenne 28-1 afin de respecter les droits et individualités des détenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Déjà satisfait par les articles D 450 et suivants du code de procédure pénale.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le parcours d'exécution des peines, consacré par l'article 51, prévoit de mettre en place des actions de formation. En outre la quasi-totalité des établissements disposent déjà d'une bibliothèque. Je suis d'accord sur le fond mais ces dispositions sont d'ordre réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement n°112 n'est pas adopté.

Article 14

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l'absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

M. le président.  - Amendement n°191, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Rédiger comme suit cet article :

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à la signature d'un contrat de travail de droit public entre le détenu et l'administration pénitentiaire, représentée par le chef d'établissement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Nous proposons que l'acte d'engagement prenne la forme d'un contrat de travail, signé avec l'administration pénitentiaire et qui relèverait donc du droit administratif. Cela peut avoir pour effet pervers de rigidifier les choses et de rendre plus difficile l'accès au travail en prison mais, en même temps, on peut y voir l'intérêt de garantir le respect des droits des détenus exerçant une activité professionnelle en prison. Peut-être est-ce trop demander à la commission des lois ? Mais on ne demande beaucoup qu'à ceux qu'on aime. La commission des lois, qui a déjà prévu d'importantes avancées, ne voudra peut-être pas aller plus loin. Je ne vous en voudrai pas, monsieur le rapporteur...

M. le président.  - Amendement n°229, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans ou en dehors des établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un contrat de travail entre l'administration pénitentiaire, l'employeur et le détenu. Ce contrat prend en compte les conditions spécifiques inhérentes à la détention.

Il énonce les conditions de travail et de rémunération du détenu et précise ses droits et obligations professionnelles qu'il doit respecter ainsi que la protection sociale dont il bénéficie.

Il stipule en particulier les indemnités perçues en cas d'accident de travail et de perte d'emploi.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant les dérogations du contrat de travail au droit commun, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faut en effet demander beaucoup pour obtenir un tout petit peu...

En 2002, le très intéressant rapport de notre ancien collègue Paul Loridant nous alertait sur les conséquences de l'absence de contrat de travail dans les prisons. En matière de période d'essai, de formation, de durée du temps de travail, de rémunération, les détenus sont des sous-salariés. L'année dernière, la Chancellerie a décidé d'installer deux centres d'appel dans deux prisons, celle de Bapaume et la Centrale de femmes de Rennes. Cela a suscité la protestation des syndicats qui y ont vu la possibilité pour les employeurs de faire chuter leurs coûts salariaux. Si l'administration pénitentiaire a réellement l'intention de favoriser l'activité professionnelle en prison, ce problème du contrat de travail se posera en permanence, notamment avec le développement du télétravail.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Les détenus reçoivent, dès leur incarcération et pendant l'exécution de leur peine, une information sur les droits sociaux de nature à faciliter leur réinsertion.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous proposons de rapatrier ici cette disposition de l'article 83 de la loi de juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions afin de regrouper dans cette loi pénitentiaire les dispositions éparses concernant les prisons.

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'acte d'engagement est établi en présence de la structure d'insertion par l'activité économique qui mettra en oeuvre les modalités spécifiques et d'accompagnement du détenu.

M. Claude Jeannerot.  - La structure d'insertion avec laquelle l'administration pénitentiaire aura contracté devrait être présente dès l'établissement de l'acte d'engagement. Il s'agit de permettre au détenu d'établir rapidement un contact avec la structure qui prendra en charge l'accompagnement dont il bénéficiera et de faire état de ses aspirations éventuelles. Réciproquement, cela doit permettre tant à l'administration pénitentiaire qu'à la structure d'insertion de mesurer la situation du détenu et ses capacités d'insertion sociale et professionnelle. La possibilité de créer une relation de confiance doit conduire à des actions d'insertion non seulement pendant la détention mais lors de la phase de préparation à la libération et postérieurement à celle-ci, avec l'élaboration d'un contrat de travail, le cas échéant dans le cadre de la structure d'insertion ou avec son soutien.

Il faut s'orienter progressivement vers la mise en place systématique d'un contrat d'insertion dès l'arrivée du détenu sur le lieu de détention ; ce serait un gage de lisibilité et d'efficacité.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les différends nés de l'application ou de l'interprétation de l'acte d'engagement mentionné dans le présent article relève de la compétence des tribunaux administratifs.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le travail en prison contribue certes à l'insertion des détenus mais aussi à l'enrichissement des entreprises, qui peuvent ainsi employer des salariés hors des règles du droit du travail et les rémunérer à 45 % du Smic. Nous ne souhaitons pas que les prisons se transforment en sweat shops, ces unités de production qui exploitent la misère des populations du tiers-monde... Le droit du travail doit entrer en prison. Or le projet de loi a choisi de privilégier non les droits des détenus mais la compétitivité des entreprises. D'où cet amendement, qui prévoit un contrôle de l'acte d'engagement par les juridictions administratives.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il précise également les modalités selon lesquelles le détenu bénéficie du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles prévu aux articles L. 433-4 et L. 434-4 du code de la sécurité sociale.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Quand le détenu travaille, il peut se blesser ; dans ce cas, sera-t-il indemnisé ? Et par quelle caisse d'assurance ? Il doit bénéficier du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, du droit à la sécurité sociale. Cette exigence est d'ailleurs conforme à la règle européenne 26.14 qui dispose : « Des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles dans des conditions non moins favorables que celles prévues par le droit interne pour les travailleurs hors de prison ».

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les personnes détenues peuvent, avec l'autorisation du chef d'établissement, travailler pour leur propre compte ou pour le compte d'associations constituées en vue de leur réinsertion sociale et professionnelle.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Certains détenus travaillent en milieu ouvert pour leur propre compte, dans le cadre des mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou sous surveillance électronique ; dans ce dernier cas d'ailleurs, un contrat de travail de droit commun est établi. Il faut en tenir compte.

M. le président.  - Amendement n°63 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire favorise, dans la mesure du possible, l'égal accès de toutes les personnes détenues à une activité professionnelle.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Si on ne compte qu'un détenu sur trois qui travaille, ce n'est pas par manque de compétences ou d'aptitude mais parce que les offres ne sont pas assez nombreuses. Dans le droit commun du travail, l'accès à l'emploi est encadré ; il ne l'est pas en prison. On sait aussi que l'administration pénitentiaire l'utilise comme un outil de régulation de la détention ou le réserve aux détenus dont elle juge le comportement exemplaire. D'où notre amendement qui, je le souligne, ne crée pas d'obligation particulière.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission des lois a souhaité l'instauration d'une obligation d'activité, celle-ci pouvant être un travail, une formation, un apprentissage ou une responsabilité sociale, culturelle ou sportive. Il est clair cependant qu'il faut privilégier le travail. On sait qu'il permet de faire baisser la tension en milieu carcéral, de rapprocher autant que faire se peut le temps de la prison du temps de la vie en dehors, de faciliter la transition au moment de la sortie. Les détenus peuvent acquérir grâce à lui un savoir-faire ou une qualification professionnelle qui leur sera utile ; ils en tirent une rémunération qui leur donne la possibilité de cantiner, d'augmenter leur pécule et de participer à l'indemnisation des victimes.

Lors de mes visites, j'ai constaté que les établissements font des efforts -la France n'a d'ailleurs pas à rougir du taux d'occupation de ses détenus. J'ai vu aussi que certains responsables s'en remettaient aux gestionnaires privés ou à la régie industrielle des établissements pénitentiaires tandis que d'autres prenaient leur bâton de pèlerin, allaient dans les chambres de commerce et les cercles patronaux et y trouvaient des réponses bien plus encourageantes qu'on pouvait l'imaginer. C'est dire que chacun doit s'y mettre pour développer le travail carcéral.

La commission des lois a souhaité que la procédure de passation des marchés fasse une place préférentielle à la régie industrielle des établissements pénitentiaires ou aux partenaires privés qui offrent des emplois aux détenus. J'ai été choqué que certaines entreprises, qui se disent citoyennes et se targuent de leur charte éthique, affirment qu'elles ne travailleront jamais avec des détenus.

Le travail pénitentiaire n'est pas nécessairement une bonne opération financière pour les entreprises qui y recourent. Les difficultés sont nombreuses, le niveau de qualification des détenus, les contraintes inhérentes au système pénitentiaire, les contrôles et fouilles multiples, l'équipement insuffisant des ateliers, notamment dans les prisons anciennes, ou encore la gestion des flux des camions... L'essentiel est de pas décourager les entreprises, au contraire de les inciter à offrir du travail aux détenus.

J'ai été également surpris par les fortes réticences de certaines organisations syndicales, et même de la population, par exemple à Bapaume ou à Rennes où existent d'importants projets d'implantation de centres d'appel. Mais la concurrence ne joue pas avec les personnes non détenues mais avec l'Afrique du nord ou l'Ile Maurice... Chacun doit prendre ses responsabilités.

Pour rapprocher le travail en prison des règles du droit commun, Nicolas About propose, avec l'amendement n°191, d'opter pour un contrat de droit public. Cette novation juridique crée des incertitudes. En outre, cette rédaction ne fait plus référence aux possibilités d'insertion. Les dispositions prévues par le Gouvernement et défendues par Martin Hirsch sont importantes. En optant pour l'acte d'engagement, nous avons fixé le critère un cran plus bas que cet amendement, mais cette position me semble justifiée. Je demande à Nicolas About de retirer son amendement.

L'ambition qui motive l'amendement n°229 est maximale, mais l'assimilation de l'engagement à un contrat de droit commun risque de décourager l'offre de travail en prison. Développons d'abord celle-ci, nous sécuriserons la relation juridique dans un second temps. Avis défavorable.

Je demande le retrait de l'amendement n°22 rectifié : l'information mentionnée est tout à fait utile mais l'amendement est satisfait par l'article 10 bis qui prévoit le droit d'information d'une façon générale.

Dans la forme, l'amendement n°114 relève du domaine réglementaire. Au surplus, la rédaction proposée pourrait laisser entendre que l'acte d'engagement ne concerne que les activités exercées dans le cadre d'une structure d'insertion alors qu'il s'applique à tous les emplois en milieu pénitentiaire. Avis défavorable.

L'amendement n°21 rectifié précise que les recours contre l'acte d'engagement relèvent du juge administratif. Il vaut mieux laisser le juge administratif développer sa jurisprudence, déjà très protectrice : des décisions considérées comme mesures d'ordre intérieur sont désormais traitées comme des actes susceptibles de recours. Cela ne s'applique pour l'instant qu'au déclassement, et non à un refus ou à un changement d'emploi, mais il est souhaitable de ne pas modifier cet équilibre pour ne pas décourager le travail en milieu pénitentiaire. Avis défavorable.

L'amendement n°23 rectifié prévoit des garanties qui figurent déjà dans la partie réglementaire du code de procédure pénale : retrait, sinon avis défavorable. L'amendement n°24 rectifié est également satisfait par des dispositions du code de procédure pénale : demande de retrait, de même que pour l'amendement n°63 rectifié. Il s'agit d'un quasi-bégaiement car l'objectif recherché est déjà inscrit aux articles premier et 10 de ce texte.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le travail en prison répond à une volonté de réinsertion ; il ne s'agit pas d'une sanction ni de travaux forcés. Le taux d'activité est de 51 % dans les établissements pour peines contre 38 % dans les maisons d'arrêt, ces dernières hébergeant également des détenus. Malgré les problèmes rencontrés, liés notamment à la sécurité, à la surveillance, à la configuration des locaux, l'administration pénitentiaire accomplit un énorme effort pour maintenir cette activité.

Le contrat de travail n'est pas adapté au travail en prison, car il faut notamment tenir compte des transferts, des remises en liberté, des relaxes... La souplesse permise par l'acte d'engagement est nécessaire et déjà pratiquée par certains établissements pénitentiaires. Nous souhaitons la généraliser et lui donner un statut juridique, ce qui constitue une avancée majeure. Madame Boumediene-Thiery, cette disposition n'est pas seulement attendue par les entreprises, elle avantage également les détenus. Ainsi, malgré la crise, l'administration pénitentiaire a maintenu les taux d'activité. Ne créons pas des blocages ou des obstacles supplémentaires.

Pour ces raisons, nous sommes défavorables à l'amendement n°191, ainsi qu'à l'amendement n°229. L'acte d'engagement ne concerne que les activités en prison. Dans le cadre de l'aménagement des peines -placement extérieur, semi-liberté, conditionnelle-, l'activité exercée à l'extérieur fait l'objet d'un contrat de travail de droit commun.

Tous les détenus, qu'ils travaillent ou pas, bénéficient des droits sociaux mentionnés par l'amendement n°22 rectifié, et que ce texte renforce. Avis défavorable. L'acte d'engagement sera signé par le détenu et le chef d'établissement. L'amendement n°114 prévoit une modalité particulière pour les entreprises d'insertion : avis défavorable car les activités doivent toutes être traitées de la même manière, quelle que soit l'entreprise concernée.

Avis défavorable à l'amendement n°21 rectifié selon lequel l'acte d'engagement relèverait de la compétence du juge administratif. Ce dernier contrôle déjà le déclassement, qui peut effectivement constituer une sanction mais est parfois justifié par des raisons de santé.

Avis défavorable à l'amendement n°23 rectifié : le détenu bénéficie d'une prise en charge médicale, qu'il exerce une activité ou pas. Le travail d'un détenu pour son propre compte est déjà prévu dans le code pénal depuis la loi du 9 septembre 1992 : avis défavorable à l'amendement n°24 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n°63 rectifié : le code de procédure pénale prévoit déjà que l'accès au travail répond à des critères objectifs. Les demandes sont examinées par une commission pluridisciplinaire dont les décisions sont motivées. Quant aux discriminations, elles relèvent du domaine pénal.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Mon coeur s'incline devant la raison : je retire mon amendement, mais nous en reparlerons...

L'amendement n°191 est retiré.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'ai moi aussi un coeur et une raison, mais je ne m'inclinerai pas... (Sourires)

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Le mieux est l'ennemi du bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout est difficile pour les détenus.

Il est déjà difficile pour les détenus d'exercer des droits civiques, d'entretenir des liens familiaux. Renoncer à appliquer ces droits, c'est hypothéquer la réinsertion, aller à l'encontre du sens de l'histoire humaniste...

Certes, beaucoup de détenus ne peuvent pas travailler, et les réticences des entreprises sont connues. Mais toute personne exerçant une activité doit bénéficier des droits afférents au contrat de travail et d'une rémunération indexée sur quelque chose de réel ! Le rapport Loridant date de 2002 ; cette nouvelle loi pénitentiaire est encore une occasion ratée. Si les entreprises peuvent exploiter les détenus, faire du télétravail, nul doute qu'elles le feront !

L'amendement n°229 n'est pas adopté.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne peux accepter de retirer mes amendements, qui visaient à rassembler des dispositions éparpillées pour rendre plus lisible le droit applicable, et lui donner une valeur politique.

Dans la réalité, l'administration pénitentiaire utilise le refus de l'accès au travail comme sanction déguisée, en fonction du comportement des détenus. Certes, le déclassement peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, mais le jugement n'interviendra qu'au bout de plusieurs années ! Enfin, il existe des droits sociaux spécifiques, notamment en cas d'accident du travail.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

M. Claude Jeannerot.  - Nous nous rangeons aux arguments du rapporteur sur notre amendement n°114, mais, sur le fond, le texte gagnerait à ce que les articles 14 et 11 ter soient rassemblés dans une même rubrique : l'obligation de proposer au détenu une forme de contrat d'insertion, passant par l'activité et la formation professionnelle.

L'amendement n°114 est retiré.

L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23 rectifié, l'amendement n°24 rectifié et l'amendement n°63 rectifié.

L'article 14 est adopté, ainsi que l'article 14 bis.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°60 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'autorité administrative favorise, lors de l'incarcération initiale ou d'un transfèrement, la possibilité pour le détenu de maintenir des relations stables et continues avec sa famille.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le maintien de relations familiales est indispensable pour préparer la sortie et favoriser la réinsertion. Le projet de loi apporte des réponses partiellement satisfaisantes, comme le parloir hebdomadaire, mais ne règle pas la question du tourisme carcéral. L'administration pénitentiaire utilise en effet les transfèrements comme un moyen de sanction détournée : un détenu m'a dit avoir été transféré dix-huit fois en un an ! Selon le rapport de 1993 du comité de prévention de la torture, les transfèrements incessants peuvent s'apparenter à un traitement inhumain et dégradant. Il faut au moins prévenir les familles, assurer une proximité géographique. Nombre de familles, qui n'ont pas les moyens de suivre leur parent détenu, vivent un véritable cauchemar.

M. le président.  - Amendement n°115 rectifié bis, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires ont droit au maintien de leurs liens familiaux.

M. Alain Anziani.  - Il faut rappeler ce principe avec vigueur, et éviter les dérogations. Trop de familles découvrent au dernier moment que le parloir a été annulé ! Le maintien des liens familiaux joue un rôle certain dans la réinsertion.

M. le président.  - Amendement n°230, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus ont le droit de maintenir des liens avec leur famille, leurs proches et des représentants d'associations ou de tout autre organisme extérieur.

Les autorités judicaires et administratives doivent tenir compte, dans toutes les décisions relatives à l'exercice de ce droit, de l'éloignement de la famille, de la fragilité psychologique du détenu et de son état de santé.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet amendement reprend une règle pénitentiaire européenne. Le maintien des liens familiaux est d'autant plus difficile à assurer que le droit de visite est laissé à l'appréciation de l'administration : le parloir peut être refusé à la dernière minute ! La fréquence et la durée des visites sont insuffisantes. Comme l'a très bien montré le film « À côté » de Stéphane Mercurio, maintenir des liens avec un conjoint ou un fils détenu est plus qu'ardu...

L'administration ne tient nul compte de la distance entre le détenu et sa famille et ses connaissances.

Des milliers de détenus sont coupés de leur famille et de leurs amis. A l'isolement carcéral s'ajoute la misère affective. Les Cahiers de démographie pénitentiaire, qui hélas ne paraissent plus, ont révélé que 45 % des détenus ne sont pas appelés à un seul parloir durant toute la durée de leur peine. En 2003, des unités de vie familiale ont été créées, ainsi que des parloirs familiaux. Ils ne concernent cependant que les condamnés à de longues peines.

L'état de santé physique et mentale des détenus est affecté par cet isolement, lequel favorise les suicides.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Sur le n°60 rectifié, ce droit est garanti dans notre rédaction des articles 15 et suivants. Retrait. La jurisprudence administrative considérait dans le passé que les transfèrements ne faisaient pas grief, mais elle a évolué et le Conseil d'État estime désormais qu'ils sont des actes susceptibles de recours. Retrait également du n°115 rectifié bis, l'article 15 garantit concrètement le droit au maintien des liens familiaux. Il serait bon, du reste, d'étendre aux maisons d'arrêt ce qui se fait pour les maisons centrales en termes de visites ou de sorties, car plus on est présumé innocent, moins on a de droits ! Même avis sur le n°230. La proximité familiale est un objectif parfois difficile à atteindre, s'agissant des longues peines par exemple, car les prisons centrales ne sont pas nombreuses. Il en va de même des établissements pour mineurs ou de ceux destinés aux femmes. Soit dit en passant, si tous les établissements fonctionnaient comme la prison de Rennes, ce serait déjà mieux. (Mme Marie-Thérèse Hermange le confirme)

Certains critères peuvent entrer en contradiction avec le maintien des liens familiaux : si le détenu souhaite suivre une formation aux métiers de l'aéronautique, il sera mieux placé à Toulouse qu'à Lille. Et dans le cas des crimes au sein de la famille, l'éloignement peut être souhaitable.

Certains détenus ne reçoivent aucune visite, hormis celles de l'aumônier ou des visiteurs de prison, auxquels je rends hommage. La commission a repris la suggestion du groupe CRC : la durée du parloir doit prendre en compte l'éloignement de la famille. Le film que vous avez cité est très émouvant, remarquable : il montre ce qu'il faut éviter à tout prix !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Sur l'amendement n°60 rectifié, je rappelle que s'agissant des prévenus, c'est l'autorité judiciaire qui décide du placement, selon les affaires en cours. En revanche, pour les condamnés, le maintien des liens familiaux est le premier critère et 80 % des demandes de transfèrement présentées sur ce motif par les détenus sont satisfaites.

Gardons-nous de la caricature, il n'y a pas d'opposition entre l'administration pénitentiaire et les détenus, n'imaginons pas que la première règle ses comptes avec les seconds par le biais de transfèrements. Le personnel exerce un métier difficile et sans son action au plus près des détenus, le nombre des suicides serait bien supérieur. Je ne peux laisser dire que l'administration utilise les classements et déclassements contre les détenus.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Qui a dit cela ? Personne !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Un classement ou un déclassement n'est pas toujours une sanction, même s'il peut l'être. Parfois, un mineur ou un jeune majeur, tout juste arrivé, refuse de quitter son lit, de participer aux activités, il peut avoir une attitude exaspérante : il faut aussi comprendre les agents ! Ce sont eux aussi qui passent parfois une nuit entière à parler avec un détenu pour éviter un passage à l'acte. Un refus de transfèrement n'est pas forcément une sanction, des critères de sécurité ou d'organisation jouent également. Des transfèrements d'office ont lieu par exemple en cas de problèmes de comportement, ou lorsqu'il existe des bandes. Nous cherchons à améliorer les conditions de vie des détenus, mais n'oublions pas les conditions de travail du personnel pénitentiaire.

L'amendement n°115 rectifié bis est satisfait par les articles 10, 15 et suivants. Avis défavorable, comme au n°230.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il n'y a pas d'opposition, certes. Mais il y a une réalité et rien ne sert de faire la politique de l'autruche. Un rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) indique que des agents ont été condamnés pour des bavures. Bien sûr que la population des condamnés est difficile : cela n'interdit pas de réagir lorsqu'il y a des abus du côté de l'administration.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Lorsqu'ils ont eu lieu, ils ont été sanctionnés et en aucun cas couverts. L'administration pénitentiaire n'a du reste pas attendu la loi pour appliquer les règles européennes et une stricte déontologie.

L'amendement n°60 rectifié n'est pas adopté.

M. Louis Mermaz.  - Si le rappel du principe est utile, c'est bien en ce point du texte, juste avant un article 15 tellement flou qu'il ouvre à tous les arbitraires. Pour compenser ces imperfections, il faut adopter l'amendement n°115 rectifié bis. Mme Dati vient de montrer qu'elle lit parfois les rapports de la CNDS et elle admet tout de même qu'il peut y avoir des défaillances. Personne ici, je veux le lui indiquer, n'a mis en cause la qualité du travail des surveillants, dont nous connaissons tous la difficulté. Mais des abus se produisent parfois. Il vaut donc mieux être précis.

La seconde réponse de Mme Dati était du reste plus claire : Mme la ministre semble avoir compris ce que disait notre collègue. (Protestations au banc des commissions) Sa première réponse, formulée comme si Mme Boumediene-Thiery accusait l'ensemble du personnel pénitentiaire, est inadmissible. (Même mouvement) Mme la ministre a peut-être parlé pour le Journal officiel, je lui réponds de même !

Mme Catherine Procaccia.  - Mais sur quel ton !

M. Louis Mermaz.  - On a le ton que l'on peut : certains chantent, d'autres parlent.

L'amendement de M. Anziani est d'autant plus nécessaire que nous craignons que l'amendement n°192 de la commission des affaires sociales soit retiré, comme d'autres auparavant. (Applaudissements du groupe socialiste)

L'amendement n°115 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°230.

Article 15

Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortie des établissements pénitentiaires.

L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions.

L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer.

Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire.

M. Louis Mermaz.  - Nous abordons la section 3 relative à la vie privée et familiale des détenus. L'article 15 commence ainsi : « Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortie des établissements pénitentiaires. ». Bien. Mais le deuxième alinéa est plus inquiétant : « L'autorité administrative ne peut refuser » -voyez comment on préfère hypocritement une tournure négative plutôt que d'énoncer clairement des obligations- « de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ». Cela paraît frappé au coin du bon sens. Mais qui décidera de la légitimité de ces motifs ? Une fois encore, on s'en remet à l'appréciation nécessairement subjective de l'administration pénitentiaire.

Poursuivons : « L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer ». Au moins ici, les choses sont dites sans hypocrisie, sous forme affirmative.

Puis vient brusquement cette phrase : « Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire ». Cela nous satisfait plutôt : nous sommes favorables à la séparation des pouvoirs et l'intervention de l'autorité judiciaire, même imparfaite, est une garantie. Mais d'un autre côté, l'article permet à l'administration pénitentiaire de suspendre ou de retirer ces permis de visite, ce qui laisse la porte ouverte à l'arbitraire. Pourquoi l'autorité judiciaire ne se prononcerait-elle pas ? Certes, un détenu pourra toujours en appeler au juge administratif, mais avant que celui-ci se prononce, il aura été privé de droit de visite pendant de longues semaines.

Voilà pourquoi nous soutenions l'amendement de M. Anziani. Il faut mettre fin à une situation déplorable, plusieurs fois dénoncée par les instances européennes. Ne tombons pas dans un juridisme excessif : il est important que le droit fixe des barrières, mais l'amélioration des conditions de vie des détenus est d'abord une question d'état d'esprit. Le personnel de l'administration pénitentiaire n'est pas responsable de leur dégradation ; d'ailleurs les syndicats -CGT, FO, CFDT- s'en plaignent. C'est le Gouvernement, par l'aggravation continue des procédures pénales et du code pénal, qui est le premier responsable du malheur et des vagues de suicides qui déferlent sur nos prisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

les membres de leur famille

par les mots :

leurs proches

II. - Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

membres de la famille

par le mot :

proches

III. - Dans le troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :

membres de la famille

par les mots :

proches du détenu

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement tend à élargir le champ recouvert par le mot « famille » dans cet article. Beaucoup de détenus ont rompu avec leur famille stricto sensu mais considèrent certains proches comme faisant partie de leur famille élargie. Nous craignons que le critère de la famille soit trop restrictif et serve à justifier des refus abusifs de permis de visite. Certes, le troisième alinéa fait référence à « d'autres personnes que les membres de la famille » mais il permet à l'administration pénitentiaire de retirer leur permis si leurs visites « font obstacle à la réinsertion du condamné ».

Nous proposons donc de remplacer les termes « membres de la famille » par le mot « proches ».

M. le président.  - Amendement n°192, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les prévenus doivent pouvoir être visités, par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - L'article 15 consacre un ensemble de droits afférents au droit de visite. Cet amendement tend à élever au niveau législatif une disposition réglementaire relative à la fréquence minimale des visites : force est de constater que celle-ci n'est pas toujours respectée.

M. le président.  - Amendement n°231, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après les mots :

des motifs liés

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa de cet article :

à la prévention des infractions. Les détenus sont informés sans délai de la décision les concernant.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet amendement répond à la même logique que le n°230. Il vise à mieux encadrer les restrictions que l'administration pénitentiaire peut apporter au droit de visite des condamnés : celles-ci ne pourraient être justifiées que par des motifs liés à la prévention des infractions, et les détenus devraient en être informés sans délai.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°27 rectifié : l'article 15 n'exclut nullement la visite des proches mais institue deux régimes différenciés, l'un plus libéral pour la famille, l'autre plus restrictif pour les autres visiteurs, ce qui nous paraît équilibré.

La disposition contenue dans l'amendement n°192 relève plutôt du règlement, mais nous nous en remettons à l'avis du Gouvernement. Nous proposons cependant de remplacer l'expression « doivent pouvoir » par le seul verbe « peuvent ». (M. Nicolas About, rapporteur pour avis, y consent)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement n°231 tend à supprimer des restrictions indispensables. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'ai été surprise par le ton et le contenu de votre intervention, monsieur Mermaz : nos débats s'étaient jusqu'alors déroulés dans un climat serein et respectueux. Vous retrouvez le comportement incorrect qui était le vôtre lors de l'examen des textes sur la rétention de sûreté et les peines planchers. Sachez que je lis soigneusement les rapports de la CNDS et que mes services en tirent les conséquences pratiques ; je souhaiterais que vous y soyez aussi attentif que je le suis aux recommandations de la commission.

Si je défends le personnel pénitentiaire, c'est parce qu'il le mérite : il travaille dans des conditions très difficiles, et je vous invite à vous rendre sur le terrain avant de porter des jugements à l'emporte-pièce : je ne sache pas que vous ayez visité aucune prison en 2008 et 2009. Oui, j'ai beaucoup de respect pour cette administration ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Avis défavorable à l'amendement n°27 rectifié.

Les dispositions de l'amendement n°192 appartiennent au domaine réglementaire et figurent déjà dans le code de procédure pénale. Retrait.

Avis défavorable à l'amendement n°231 : l'administration pénitentiaire est déjà tenue de motiver ses refus et d'en informer les détenus.

M. Jean-Pierre Michel.  - Mme la garde des sceaux a tort de s'énerver. M. Mermaz ne met nullement en cause les qualités professionnelles du personnel pénitentiaire : il a pu s'en rendre compte lors de ses visites dans les prisons. Ce que nous disons, c'est qu'il y a une contradiction entre ce projet de loi et votre politique pénale : nous le verrons une nouvelle fois à propos des peines alternatives à la prison.

Vous avez envoyé, en février 2009, des circulaires différentes dans toutes les cours d'appel, dans lesquelles vous stigmatisez les tribunaux qui n'usent pas de la rigueur souhaitée. Je cite : « Vous devrez veiller, monsieur le procureur général, à ce que telle juridiction mette bien en oeuvre la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. En effet, le taux de peines planchers pour cette juridiction est de 33,3 % à la date du 5 janvier 2009, contre une moyenne nationale de 49,3 %. » Je pourrais citer beaucoup d'autres exemples. Ainsi, vous jetez publiquement l'anathème sur telle ou telle juridiction qui, du fait du juge ou du procureur, n'applique pas avec suffisamment de zèle les circulaires nationales. Or les peines planchers sont une des causes principales de la surpopulation carcérale !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - C'est faux !

M. Jean-Pierre Michel.  - Outre notre amendement, nous soutiendrons l'amendement de M. About.

Vous êtes pris dans une contradiction qui vous embarrasse tous. Ainsi quand le rapporteur répond à M. Anziani que l'on ne peut mettre familles et proches sur le même plan, juste avant de donner un avis plus ou moins favorable à l'amendement du président de la commission des affaires sociales, à qui, bien sûr, il n'ose pas s'opposer de front. Cet amendement pourtant est fondé sur cette distinction.

M. Jean-Jacques Hyest président de la commission.  - Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Alain Anziani.  - Je connais M. Mermaz depuis longtemps.

M. Jean-Jacques Hyest président de la commission.  - Moi aussi.

M. Alain Anziani.  - C'est un homme qui respecte l'administration pénitentiaire mais c'est un homme libre, qui a le droit d'exprimer son opinion sur le projet de loi. Il est inadmissible de lui répondre qu'il n'a pas visité de prison en 2008 et 2009. Comment le savez-vous ? Auriez-vous enquêté sur sa vie privée ?

L'amendement de M. About est excellent parce qu'il prend en compte la situation particulière des prévenus, qui représentent une grande partie des détenus. Leurs droits doivent être le moins limités possible, et seulement par exception ou pour des impératifs de sécurité. Le principe doit être qu'ils « doivent pouvoir » voir leurs familles le plus souvent possible. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je réponds cordialement à M. Michel qu'il n'y a aucune contradiction dans ma position : l'amendement du président About fait bien une différence entre la famille et les proches pour les modalités de contrôle.

L'amendement n°27 rectifié n'est pas adopté.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Dès lors qu'un texte réglementaire a été élevé au niveau législatif, je ne vois pas pourquoi cet argument vaudrait contre mon amendement. Je le maintiens donc.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avec la rectification ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Oui, car il peut se faire que le détenu n'ait pas de visiteur. On ne va pas en fabriquer !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je voudrais vous convaincre de revenir à votre rédaction originelle : votre premier mouvement était le bon. Vous proposez désormais d'écrire « peuvent » pour dire « doivent ».

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - L'indicatif a valeur impérative.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il était plus clair d'écrire « doivent pouvoir ». Cela ne signifiait évidemment pas qu'on aurait dû inventer des visiteurs, cela signifiait simplement que la visite était un droit. C'était limpide et protecteur.

M. Jean-Jacques Hyest président de la commission.  - Quelle argumentation, franchement ! Et quelle langue ! « Peuvent » dit ce que vous voulez dire.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas sûr.

M. Jean-Jacques Hyest président de la commission.  - Je suis surpris qu'un aussi fin juriste, un lettré comme vous, en doute.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Revenons à la sérénité du débat, oublions la petite bataille entre M. Mermaz et Mme la ministre. Je voterai des deux mains l'amendement About, qui a l'énorme avantage de distinguer entre condamnés et prévenus - ceux-ci représentent 40 % des détenus !

M. Jean-Pierre Michel.  - Si « doivent pouvoir » et « peuvent » sont synonymes, pourquoi tenir à la rectification ?

M. Jean-Jacques Hyest président de la commission.  - Parce que c'est de plus belle langue.

M. Jean-Pierre Michel.  - Le rapporteur a-t-il le droit de rectifier en séance un texte que la commission a voté ? Ne devrait-il pas réunir celle-ci ? (Exclamations à droite) Le règlement devrait être clarifié là-dessus.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Qui a le droit ? Tout parlementaire !

M. Jean-Pierre Michel.  - Pas un rapporteur !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Pourquoi perdrait-il son droit de parlementaire à sous-amender en séance ?

J'avoue que j'ai commis une grossière erreur. (Sourires) J'ai copié-collé l'article D 410 du CPP.

M. René Garrec.  - Il est mal rédigé. (Sourires)

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Quand on élève un texte réglementaire au niveau législatif, il faut en améliorer la rédaction. Je suis fidèle en cela à l'enseignement que nous donnait Jean Foyer quand j'étais jeune député, en 1978 ; il insistait pour que la loi fût bien écrite.

M. Sueur a satisfaction puisque le texte législatif dit en fait ce qu'il souhaite et, de toute manière, reste le règlement qui conserve la formule à laquelle il tient.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous nous abstiendrons pour ce motif grammatical.

L'amendement n°192 rectifié est adopté.

L'amendement n°231 n'est pas adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Article 15 bis

Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue.

Tout détenu doit bénéficier d'au moins un parloir hebdomadaire, dont la durée doit être fixée en tenant compte de l'éloignement de sa famille. Pour les prévenus, ce droit s'exerce sous réserve de l'accord de l'autorité judiciaire compétente.

Mme Éliane Assassi.  - Le Gouvernement n'avait même pas fait mention, dans le projet de loi initial, des unités de vie familiale et des parloirs. Pourtant, les premières sont encore trop peu nombreuses et les conditions de mise en oeuvre des seconds ne sont pas satisfaisantes. Faciliter l'accès aux unités de vie familiale et aux parloirs est essentiel au maintien des liens avec les conjoints et les enfants. Le maintien de ces liens évite la désocialisation des détenus durant la détention et est, à ce titre, un facteur évident de réinsertion.

Il fallait combler cette lacune et le rapporteur l'a fait en partie. Restait à traiter de la fréquence et des contraintes pour les familles, à commencer par l'éloignement. Un parloir hebdomadaire apparaît comme un minimum au comité d'orientation restreint, qui demande que l'on n'en prive pas les condamnés placés en cellule disciplinaire. Nous avons donc déposé deux amendements en ce sens, que la commission a adoptés.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Tout détenu peut être autorisé à recevoir, dans des conditions préservant son intimité, les membres de sa famille dans des unités de vie familiale ou dans des parloirs familiaux

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Mes explications vaudront également pour l'amendement n°26 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les unités de vie familiale sont aménagées de manière à garantir le respect du droit à l'intimité. Les visites ont lieu en dehors de la présence du personnel pénitentiaire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La France a beaucoup de progrès à faire -je vous renvoie aux études de l'Observatoire international des prisons. La Suède, l'Espagne, le Canada ont mis en place des espaces où les détenus peuvent se soustraire à toute surveillance pendant des heures, la Lituanie et la République tchèque allant jusqu'à quelques jours. Ces moments sont consacrés à la vie familiale et sexuelle, ce qui fait partie du droit à l'intégrité physique et morale. Est-il normal qu'un détenu soit puni de quinze jours d'isolement, voire de deux mois d'interdiction de visite, pour avoir eu des relations sexuelles avec sa compagne ? Il faut lever ce tabou. Il y a des relations sexuelles et elles se déroulent dans des conditions contraires à la dignité. Non, la poursuite d'une vie sexuelle n'est pas incompatible avec la sécurité des établissements : c'est ce qu'affirmait dès 2000 le rapport Canivet. Ne cherchons plus de prétextes et trouvons les moyens nécessaires à la prévention du sida et des violences sexuelles.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je suis assez en harmonie avec beaucoup de vos propos. L'hypocrisie a suffisamment duré : je me souviens du temps où ce qui était interdit ici était autorisé ailleurs, mais s'y déroulait dans ces conditions déplorables pour les intéressés, ainsi que pour les autres visiteurs et les gardiens. L'administration pénitentiaire met assez bien en place les unités de vie familiale et cela change les rapports entre détenus et gardiens. Nous avons donc souhaité que ces unités figurent dans le texte.

Une boutade sur l'amendement n°25 rectifié bis ; il est bien rédigé ; ce n'est pas la peine d'écrire que tout détenu « doit pouvoir »... (Sourires) Sur le fond, j'en souhaite le retrait car il est satisfait par l'article 15 bis. Même position sur le n°26 rectifié car les choses se mettent en place.

Je termine par une confidence : on ne sort jamais indemne d'une visite en prison. Je me souviens d'une centrale dans laquelle un condamné à une très longue peine, que je n'avais jamais rencontré et qui ne devait plus jamais me revoir, a pleuré sur mon épaule parce qu'il avait eu son premier parloir familial avec sa compagne : « Je n'ai rien pu faire, mais ce n'était pas l'essentiel ». S'il y a une politique à encourager, c'est celle-là. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les détenus, leur famille et l'administration pénitentiaire reconnaissent le bénéfice des unités de vie familiale mais les visites ne se limitent pas à la famille : ce peut être des amis, des personnes rencontrées pendant la détention, par exemple par courrier. Tous les nouveaux établissements sont dotés d'espaces qui permettent de maintenir les liens sociaux. Cela présente quelques difficultés pour les détenus car l'administration pénitentiaire n'a pas accès au dossier d'instruction. Avis défavorable, donc, à l'amendement n°25 rectifié bis.

Oui, il y a une hypocrisie. Nous comptons 34 parloirs familiaux dans huit établissements ; ce sont des petites salles d'une dizaine de mètres carrés où l'intimité est complètement préservée. Cela ne relève pas du domaine de la loi mais de la pratique. Et aujourd'hui, tout se passe très bien : les incidents sont très rares. Je rejoins les propos du rapporteur et précise que si les visites peuvent aller jusqu'à 72 heures, de nombreux détenus préfèrent demander d'abord des durées beaucoup plus courtes et reprendre très progressivement la relation. Avis défavorable à l'amendement n°26 rectifié.

M. Pierre Fauchon.  - Je comprends peut-être mieux que personne le sens de ces amendements car je dois être le seul ici à avoir dirigé une maison d'arrêt, pendant un an et demi, au Maroc. Faute de local, j'avais mis en place un système d'autorisations de sortie et je n'ai jamais eu de problème. Sur le plan humain, il en est résulté, comme vous l'avez noté, madame la ministre, un apaisement du climat. La rédaction du rapporteur satisfait de manière convenable à votre objectif et je ne voterai pas les amendements. Je veux saluer le rapporteur qui fait tant pour la dignité de notre débat.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je voterai ces deux amendements.

L'intimité est rarement possible dans les prisons. Il s'agit pourtant d'un droit fondamental et je regrette que la commission n'ait pas accepté l'un des deux amendements pour introduire cette notion importante.

La garde des sceaux nous a donné des chiffres sur les parloirs familiaux et indiqué que les nouveaux établissements comprendraient des unités de vie familiale. Peut-elle nous indiquer quelles actions elle compte mettre en oeuvre dans les anciens établissements ? A-t-elle un programme ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Dans les anciens établissements, dont certains sont vétustes, se posent des problèmes de configuration ou de sécurité. Chaque fois que l'on peut, on aménage des parloirs familiaux, par exemple en réunissant des petits parloirs individuels. Là où on ne le fait pas, ce n'est pas dû à la mauvaise volonté, mais à des contraintes immobilières.

L'amendement n°25 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°26 rectifié.

L'article15 bis est adopté.

M. Pierre Fauchon.  - Bravo ! Bel article !

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°117, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les prévenus d'office sont autorisés à contacter téléphoniquement les personnes titulaires d'un permis de visite, sauf opposition expresse du magistrat lors de la délivrance du permis. Les contacts avec d'autres personnes, y compris de la famille, sont soumis à autorisation, le magistrat peut s'y opposer s'il s'agit de la victime ou s'il existe un risque de pression ou de concertation frauduleuse.

M. Alain Anziani.  - Nous proposons de simplifier une procédure et, en outre, d'alléger le travail des magistrats. L'article 16 accorde aux prévenus le droit de téléphoner avec l'autorisation de l'autorité judiciaire. Nous proposons que ce droit soit automatique, dès lors que le juge a accordé un droit de visite et ne s'est pas explicitement opposé à ce droit de téléphoner.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'article 16 subordonne le droit de téléphoner à l'autorisation du juge parce que l'interdiction peut être justifiée par les nécessités de l'enquête. La commission préfère en rester à l'équilibre instauré par cet article, d'autant que l'amendement pourrait se retourner contre les prévenus parce que cette automaticité pousserait les juges à leur accorder moins de droits de visite.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il est normal de conditionner cet accès au téléphone, ne serait-ce qu'à cause des risques d'évasion.

M. Alain Anziani.  - Monsieur le rapporteur, votre argument selon lequel cela pourrait se retourner contre les prévenus ne tient pas puisque lors de l'octroi du permis de visite, le juge peut refuser l'accès au téléphone.

L'amendement n°117 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°118, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible -par lettre, par téléphone ou par d'autres moyens de communication- avec leur famille, des tiers et des représentants d'organismes extérieurs, ainsi qu'à recevoir des visites desdites personnes.

M. Alain Anziani.  - Nous proposons de traduire ici la règle pénitentiaire européenne n°24-1 : la réinsertion -qui doit être notre préoccupation première- n'est possible que si le détenu garde des liens avec ses proches.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission préfère, comme pour les amendements précédents, la transcription concrète de ces règles européennes qui sont ainsi déclinées à l'article 15 bis pour ce qui est du droit de visite, à l'article 16 pour le téléphone et à l'article 17 pour la correspondance. L'amendement est donc satisfait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les articles 15 et suivants traitent des différents moyens par lesquels s'exercent les droits du détenu à la vie privée et familiale. En outre, la fréquence de ses liens avec son entourage n'est pas d'ordre législatif.

L'amendement n°118 n'est pas adopté.

Article 16

Les détenus ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Ils peuvent être autorisés à téléphoner à d'autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire.

L'accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information.

Le contrôle des communications téléphoniques est effectué conformément aux dispositions de l'article 727-1 du code de procédure pénale.

M. Louis Mermaz.  - L'adoption des deux amendements précédents aurait éclairé l'interprétation de cet article 16 qui présente les mêmes ambiguïtés que l'article 15. Que faut-il entendre par « prévention des infractions » ? C'est là un vieux débat qui nous évoque les Sorcières de Salem... Qui décide de refuser ou de suspendre l'accès au téléphone ? Ce n'est pas clair. Pour les prévenus, on sait que c'est le juge. Mais pour les condamnés ? Le rapporteur devrait nous éclairer sur ce point... Les règles pénitentiaires européennes 24-1 et suivantes précisent bien que l'autorité judiciaire doit autoriser un minimum de contacts du détenu avec ses proches.

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

téléphoner

insérer le mot :

régulièrement

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le droit pour les détenus de téléphoner constitue le moyen le plus courant de maintenir leurs contacts familiaux, surtout pour ceux dont les familles sont trop éloignées pour leur rendre visite. De plus, cette exigence de régularité d'accès au téléphone satisfait à la règle pénitentiaire européenne n°24-1 selon laquelle « Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible ». Je salue à cet égard l'action des radios associatives qui permettent aux familles de communiquer régulièrement avec les détenus.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter la première phrase du premier alinéa de cet article par les mots :

ou à leurs proches 

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous élargissons l'éventail des personnes auxquelles le détenu peut téléphoner. Les proches sont-ils visés dans la première ou bien dans la deuxième phrase de l'article 16 ? Nous voulons la garantie que les proches sont considérés comme les membres de la famille.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Monsieur Mermaz, c'est l'administration pénitentiaire qui retire l'autorisation de téléphoner. Il faut avoir entendu le contenu de certaines conversations pour comprendre que l'interdiction ou le retrait de l'autorisation de téléphoner est nécessaire à la sérénité de certaines familles ou de certains proches.

Le n°28 rectifié apporte une précision inutile : le détenu peut appeler aussi souvent qu'il le désire grâce à l'achat de cartes téléphoniques auprès de l'administration pénitentiaire.

Certains établissements ont même accordé la gratuité aux détenus indigents.

La notion de « proches » est imprécise : défavorable à l'amendement n°29 rectifié.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement n°28 rectifié n'apporte rien aux droits des détenus : défavorable. Le régime de communications téléphoniques, comme d'ailleurs celui des visites, est plutôt favorable ; la communication est de droit sauf raisons de sécurité. Le Gouvernement est opposé à l'extension proposée, d'autant que la notion de « proches » est imprécise. Avis défavorable à l'amendement n°29 rectifié.

L'amendement n°28 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Michel.  - Qu'est-ce que la famille ? Les parents, les frères et soeurs, les conjoints, les pacsés... Mais les autres ? Les enfants nés hors mariage et non reconnus, par exemple ? Mme Morano a proposé récemment une vision plus extensive de la famille. Évoquer les proches me paraît mieux correspondre à la réalité d'aujourd'hui. Je voterai l'amendement n°29 rectifié.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il est vrai que la notion de famille s'élargit. S'il faut préciser les choses, un décret pourra y pourvoir. Il arrive qu'un détenu change de petite amie pendant sa détention : on considère sa nouvelle compagne comme de la famille...

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°232, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

au maintien de l'ordre et de la sécurité ou

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Dans la logique de nos amendements précédents, nous souhaitons ici supprimer des restrictions au droit de communiquer.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Même logique, même avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En l'absence de motivation et de trace, comment un contrôle peut-il s'exercer sur les décisions de l'administration pénitentiaire, par exemple sur une suspension des communications téléphoniques ? Comment pourra-t-on faire avancer les droits élémentaires des détenus ?

L'amendement n°232 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Article 17

Les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues, peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix.

Le courrier adressé ou reçu par les détenus peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement la réinsertion du détenu ou le maintien de l'ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le courrier adressé ou reçu par les détenus est transmis ou remis dans un délai raisonnable et sans altération.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le droit à la correspondance ne doit pas faire l'objet de restrictions injustifiées. La lenteur de la transmission du courrier et le refus d'acheminement sont des réalités, la France a même été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour ce dernier motif. Il arrive que des courriers adressés à des juridictions soient retenus et ne réapparaissent par magie qu'après les délais de forclusion, ce qui prive les détenus de leur droit de recours. Le principe de la célérité de la transmission de la correspondance est affirmé par les règles européennes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Outre que l'amendement n'est sans doute pas du domaine législatif, la référence à l'absence d'altération du courrier est contradictoire avec les possibilités de contrôle prévues à l'article 7. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les délais de transmission sont dus aux opérations de contrôle menées par l'administration pénitentiaire et l'autorité judiciaire. Ils se sont beaucoup améliorés et sont aujourd'hui raisonnables.

Un mot à Mme Borvo Cohen-Seat : le refus d'accès au téléphone peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif ; et le détenu est toujours informé lorsqu'il est écouté. Il va de soi qu'une conversation au cours de laquelle sont évoqués par exemple des projets d'évasion peut être interrompue...

L'amendement n°30 rectifié n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°32, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot :

contrôlé

insérer les mots :

 , en présence du détenu,

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le contrôle du courrier est régi par le code de procédure pénale, qui ne donne cependant aucune précision sur sa nature ou sa régularité. Il en résulte une sorte de paranoïa, entretenue par l'administration, sur sa réalité et sa fréquence. D'où cet amendement, qui permettra notamment d'éviter les retenues abusives.

M. le président.  - Amendement n°120 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot :

pénitentiaire

insérer les mots :

en présence du détenu

M. Alain Anziani.  - La correspondance est essentielle dans la vie des détenus. Notre amendement éviterait des crispations inutiles, tant de la part des contrôleurs que des contrôlés, et le sentiment, justifié ou non, que le contrôle s'exerce au-delà des prescriptions des textes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ces amendements, outre qu'ils poseraient de grandes difficultés pratiques, pourraient avoir des effets vexatoires. Imagine-t-on un agent de l'administration pénitentiaire ouvrir le courrier devant un détenu, le lire et signifier qu'il ne peut le remettre ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même argumentation et même avis.

M. Alain Anziani.  - On peut imaginer ne prévoir la présence du détenu qu'après lecture du courrier et seulement s'il y a un problème ; cette solution permettrait d'ailleurs d'entendre les explications éventuelles de l'intéressé...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement poserait des problèmes pratiques énormes. Comment les choses pourraient-elles se passer à Fleury, la plus grande prison d'Europe, s'il fallait à chaque contrôle de courrier prévoir la présence du détenu, lire la lettre, lui dire que telle ou telle partie de celle-ci ne peut lui être communiquée ? Ce ne serait guère respectueux de sa dignité.

Nous ne sommes pas ici dans une procédure contradictoire entre l'administration et le détenu : la décision prise est contrôlée par le juge.

L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°120 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°233, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

A la fin de la première phrase du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou le maintien de l'ordre et de la sécurité

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous voulons supprimer une restriction qui maintient le statu quo.

L'amendement n°233, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le courrier adressé ou reçu par les détenus dans le cadre de l'exercice de leur défense ne peut être ni contrôlé ni retenu.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La confidentialité des échanges entre le détenu et son avocat doit être inscrite dans la loi pénitentiaire car il s'agit d'une garantie fondamentale du droit à un procès équitable. Ce principe, qui doit s'appliquer même si l'avocat n'a pas assisté le détenu au cours de son procès, a été rappelé dans le rapport du 1er décembre 1998 de la Commission européenne des droits de l'homme. Le décret du 13 décembre 2000 l'a inscrit dans le code de procédure pénale.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable : les conditions actuelles sont satisfaisantes.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous voterons cet amendement car il est important de donner une valeur législative au droit pour le détenu de communiquer sans restriction avec son avocat.

L'amendement n°31 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°33 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :  

Le courrier transmis au Médiateur de la République ou à toute autre autorité de contrôle des conditions de prise en charge des détenus, ainsi que celui adressé par ces mêmes autorités au détenu, ne peut être ni contrôlé ni retenu.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il s'agit d'étendre le bénéfice de la confidentialité des correspondances à celles échangées avec le médiateur de la République ou toute autre autorité de contrôle. Cette exigence est logique. Ainsi, les parlementaires doivent pouvoir recevoir des courriers leur permettant de s'assurer des conditions de détention, préalable nécessaire à la saisine du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La loi n'a pas à énumérer la liste des personnes pouvant communiquer confidentiellement avec les détenus car cela relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement n°33 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l'administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d'un détenu, elle lui notifie sa décision.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement a pour objet d'inscrire dans la loi une règle prévue par une circulaire, rarement appliquée, du 19 décembre 1986. Cette notification permet au détenu d'exercer un recours, qu'il soit hiérarchique, auprès du chef d'établissement, ou contentieux, devant le tribunal administratif.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Préoccupation fondée. J'y suis donc favorable, même si cette mention se situe à la limite des domaines législatif et réglementaire. Toutefois, si nous obtenons du Gouvernement l'assurance qu'un décret sera pris en ce sens, nous pourrons nous ranger à son avis.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cette exigence, légitime, est satisfaite par la disposition de la loi de 1979 selon laquelle une personne est informée sans délai des motifs justifiant une décision administrative défavorable. Nous pouvons cependant le préciser dans un décret.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait de l'amendement ? Mais s'il est maintenu j'y demeure favorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je le maintiens car l'inscription de cette disposition dans la loi est essentielle.

L'amendement n°34 rectifié est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

Article 18

Les détenus doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l'utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification.

L'administration pénitentiaire peut s'opposer à la diffusion ou à l'utilisation de l'image ou de la voix d'une personne condamnée, dès lors que cette diffusion ou cette utilisation permet son identification et que cette restriction s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion du détenu. Pour les prévenus, la diffusion et l'utilisation de l'image ou de la voix sont autorisées par l'autorité judiciaire.

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après les mots :

d'une personne condamnée,

insérer les mots :

par décision motivée intervenant avant ladite diffusion ou utilisation,

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'article 18 prévoit qu'un détenu n'a pas la libre disposition de son image ni de sa voix et qu'il ne peut communiquer avec des journalistes qu'avec l'accord de l'administration pénitentiaire. Comme la censure des correspondances, l'interdiction de communication doit être notifiée au détenu, et surtout motivée, afin que le juge puisse contrôler le caractère abusif de l'interdiction.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'opposition de l'administration pénitentiaire à l'utilisation de l'image ou de la voix d'un détenu est minutieusement encadrée par cet article. Avis défavorable.

L'amendement n°36 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

A la fin de la première phrase du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

ainsi qu'à la réinsertion du détenu

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les restrictions au droit du détenu de communiquer avec l'extérieur, y compris avec la presse, doivent être d'interprétation stricte. Ainsi, la règle pénitentiaire européenne 24.12 prévoit des limitations au nom de la sécurité et de la sûreté, de l'intérêt public ou de la protection des victimes, des autres détenus et du personnel, mais ne fait pas référence à la réinsertion du détenu. Ce critère, trop vague, risque de justifier des censures abusives car tout peut être contraire à la réinsertion d'un détenu, y compris le fait même de s'exprimer puisqu'il s'expose et sort de l'anonymat...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cette restriction peut être utile et a été retenue dans plusieurs autres articles, dont celui traitant du droit de visite. Avis défavorable.

L'amendement n°37 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'alinéa précédent n'exclut pas la possibilité, pour le prévenu, d'exercer son droit à la protection de son image mentionné au I de l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'article 18 n'envisage le droit du détenu de communiquer avec les médias que de manière négative. Si le premier alinéa esquisse un droit à l'image du détenu, l'alinéa suivant le réduit à néant. Or la loi du 15 juin 2000 sanctionne toute utilisation de l'image d'un prévenu sans son consentement afin de garantir le respect de la présomption d'innocence. Nous souhaitons inscrire ce principe dans la loi pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est redondant avec la garantie prévue par le premier alinéa de l'article 18. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis : cette préoccupation est satisfaite par la loi du 29 juillet 1881.

L'amendement n°35 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Article 18 bis

Tout détenu a droit à la confidentialité de ses documents personnels. Ces documents peuvent être confiés au greffe de l'établissement qui les met à la disposition de la personne concernée.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les documents mentionnant le motif d'écrou du détenu sont, dès l'arrivée des détenus, obligatoirement confiés au greffe.

M. Alain Anziani.  - Cet article 18 bis est une bonne chose. On risque toutefois de stigmatiser les délinquants sexuels : celui qui aura confié ses documents au greffe, à la différence de ceux qui laissent accessibles les motifs de leur incarcération, sera immédiatement identifié comme tel par ses codétenus -et on sait quel sort ceux-ci peuvent lui réserver ! Il serait plus sage de prévoir que cette disposition s'applique à tous les détenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - En effet, je me souviens d'un meurtre en prison lié à la découverte par le codétenu qu'il partageait sa cellule avec un « pointeur ». Cet amendement conforte le nouveau droit de confidentialité introduit par la commission et renforce la protection des détenus. Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable, pour les mêmes raisons.

M. Robert Badinter.  - Deux mots : excellente disposition. (On apprécie la concision de l'orateur sur le banc de la commission)

L'amendement n°121 est adopté.

L'article 18 bis, modifié, est adopté.

Article 19

Les détenus ont accès aux publications écrites et audiovisuelles. Toutefois, l'autorité administrative peut interdire l'accès des détenus aux publications contenant des menaces graves contre la sécurité des personnes et des établissements ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l'encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire ainsi que des personnes détenues.

M. le président.  - Amendement n°64 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Supprimer la seconde phrase de cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le droit de recevoir des informations fait partie intégrante du droit à la liberté d'expression. Unique contact des détenus avec l'extérieur, il doit être préservé de toute censure.

M. le président.  - Amendement identique n°122, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Alain Anziani.  - Le droit commun interdit déjà l'accès à des publications contenant des propos injurieux ou diffamatoires. La loi de 1881, que la garde des sceaux vient d'invoquer contre l'amendement n°35, s'applique aussi ici !

M. le président. - Amendement n°41 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans la seconde phrase de cet article, après le mot :

graves

insérer les mots :

et précises 

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Amendement de repli. Le code de procédure pénale retient déjà le critère de précision des menaces pour intercepter les courriers des détenus. Seules des menaces visant une personne en particulier peuvent justifier les restrictions au droit de s'informer.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ces restrictions, encadrées par la commission, permettent notamment d'interdire les publications contenant des propos injurieux ou diffamatoires à l'encontre des détenus. L'amendement n°121, que nous venons de voter à l'unanimité, ne vise-t-il pas à éviter que l'on stigmatise les délinquants sexuels ? Ce texte réduirait son effet à néant.

Défavorable aux amendements identiques nos64 rectifié et 122, ainsi qu'à l'amendement n°41 rectifié : la référence à des menaces graves encadre suffisamment l'appréciation de l'administration.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cet article vise à encadrer l'action de l'administration pénitentiaire, à garantir la bonne exécution de l'accès à l'information et à concilier le respect des droits des détenus avec les impératifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité dans l'établissement. Cette disposition comble un vide législatif. Avis défavorable aux amendements de suppression ainsi qu'à l'amendement n°41 rectifié : si une menace est grave, c'est qu'elle est précise.

Les amendements identiques n°64 rectifié et n°122 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°41 rectifié.

L'article 19 est adopté.

Article 19 bis

L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.

Même en l'absence de faute, l'État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué, au sein d'un établissement pénitentiaire, par l'agression d'une personne détenue.

Lorsqu'une personne détenue s'est donnée la mort, l'administration pénitentiaire informe immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et facilite, à leur demande, les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'administration pénitentiaire est tenue d'assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique. D'une part, cet article introduit une responsabilité sans faute de l'État pour les décès intervenus en prison à la suite d'une agression par un détenu. Ces cas sont rares mais signalent un manquement très grave de l'État à ses obligations. Notons que la commission des finances nous a épargnés sur ce point...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ne leur donnons pas d'idées ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - D'autre part, l'article fait obligation à l'administration pénitentiaire, en cas de suicide d'une personne détenue, d'informer immédiatement sa famille et ses proches et de faciliter autant que possible leurs démarches. Comme l'a souligné le professeur Dupeyroux lors de son audition, le silence de l'administration ne peut qu'aggraver leur désarroi.

M. Alain Anziani.  - C'est un très bon article, qui montre tout l'intérêt de l'apport de la commission des lois. Cette disposition a eu la chance de passer la barrière de la commission des finances, alors que mon propre amendement a été frappé en plein vol par l'article 40...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On n'en parle plus !

M. Alain Anziani.  - Il s'agissait de tenir l'État responsable non seulement en cas de décès mais aussi de séquelles dues à une agression.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il est plus facile d'obtenir réparation quand on est encore vivant...

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

protection effective

insérer les mots :

de sa dignité et

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous devons cet article, l'un des plus importants du projet de loi, à l'audace du rapporteur. La responsabilité sans faute de l'État est une révolution juridique, dont je regrette qu'elle ne soit pas étendue aux suicides.

Cet amendement ajoute l'exigence de respect de la dignité du détenu. J'ai conscience que l'administration croulerait sous les condamnations si un tel principe devait être consacré... La dignité des détenus est incompatible avec la surpopulation carcérale.

La France est en permanence menacée de condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme en raison des conditions de vie déplorables en prison. Si nous ne posons pas en principe le respect de la dignité des détenus, ce fameux principe qui vous fait si peur, nous passerons à côté de l'essentiel. Tous les droits en découlent. Ayons le courage de décider que les prisons ne seront plus des mouroirs, que les traitements dégradants ne sont plus acceptables, refusons d'attendre cinq ans pour que l'encellulement individuel devienne systématique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Conservons à l'article son seul objet, la sécurité des détenus. L'amendement est satisfait par les articles premier et 10. Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je ne peux pas laisser dire que, sans cet article, l'administration pénitentiaire n'aurait rien fait. Il faut lui rendre justice. En cas de décès, elle effectue toutes les démarches nécessaires auprès de la famille, mais parfois le choc est tel que la réaction tarde un peu. Dans d'autres cas, on ne sait qui prévenir, ou bien les coordonnées des intéressés ne sont pas à jour. Dans tel drame récent, le nom de la dernière petite amie ne figurait pas dans le dossier. Mais tout est mis en oeuvre pour prévenir les familles et les proches.

Vous ne pouvez qualifier les prisons de mouroirs ! Depuis 2003, il y a deux, au plus trois décès dus à des violences en prison par an. Enfin, nous avons eu hier une discussion à propos du respect de la dignité des détenus et nous avons rédigé presque ensemble un amendement en ce sens. Ce principe ne nous effraie pas, il n'effraie pas non plus l'administration pénitentiaire. Et il est inscrit dans plusieurs articles de ce texte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les exemples sont pourtant nombreux. Des détenus en fin de vie sont maintenus en prison, alors que la loi Kouchner prescrit qu'on les libère avant leur agonie. Quant aux suicides, ils marquent suffisamment les esprits pour que le problème soit connu et indéniable. Ces suicides ne sont pas dus à l'administration, mais au manque de moyens pour la prise en charge psychologique, qui parfois conduit jusqu'à l'ignorance de l'état psychique du détenu, comme ce fut le cas à Nanterre récemment. Je ne dis pas qu'ils sont dus à l'administration mais les carences dans la prise en charge psychologique -surtout celle des arrivants- a des conséquences dramatiques. La Défenseure des enfants estime que le suicide des mineurs en prison est quarante fois supérieur à ce qu'il est chez les jeunes en général. Nous attendons le rapport Albrand, mais il semble que le placement en quartier disciplinaire pousse au passage à l'acte. On a envisagé des draps et des vêtements en papier : soyons sérieux, est-ce ainsi que l'on traite pareil problème ? L'administration garde une responsabilité importante dans le passage à l'acte.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Mme Dati a la fâcheuse manie de me décrire en opposition avec l'administration pénitentiaire. Ce n'est pas le cas, je me rends souvent en prison et j'ai d'excellents contacts avec les agents.

J'y insiste, la création d'une responsabilité sans faute est une révolution juridique, que nous devons à notre commission. Et, madame la ministre, si l'on compte peu de morts en prison, c'est que l'on évacue vers l'hôpital les agonisants ! Le terme de dignité n'apparaît pas plusieurs fois dans le texte, mais une seule fois : une seconde occurrence ne serait pas de trop.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - La prévention des suicides relève de l'administration mais celle-ci ne peut pas être tenue pour responsable des suicides. Un effort sans précédent a été accompli ces dernières années. La loi de 1998 sur les soins en prison était une avancée, mais elle a été votée sans les crédits ! Nous avons créé les hôpitaux-prisons, 100 places à la fin de l'année, plus de 700 en 2012. Nous ne pouvons tout résoudre en quelques mois, car rien n'a été fait pendant des années, mais nous rattrapons le retard.

Concernant les suicides de mineurs, nous détenions un triste record européen, mais c'est peut-être sur la société toute entière qu'il faut s'interroger. Le taux de suicide en quartier disciplinaire a considérablement diminué, j'y ai autorisé les visites des familles car un jeune de 13 ou 14 ans qui n'a pas vu sa famille depuis quatre mois est à l'évidence fragilisé.

J'ai donné à Mme Boumediene-Thiery l'occasion de dire tout son attachement à l'administration pénitentiaire, elle devrait m'en remercier ! (L'intéressée sourit)

L'amendement n°38 rectifié n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je rappelle que l'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

Suppression de la taxe professionnelle

M. Jacques Mézard .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur les conséquences pour les collectivités locales de la suppression annoncée de la taxe professionnelle.

Le 5 février dernier, non sans rappeler l'annonce faite il y a un an de la suppression de la publicité sur le service public de l'audiovisuel, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle en 2010. Depuis, plus rien. Cette annonce a plongé dans l'inquiétude les collectivités et les élus locaux qui craignent une nouvelle improvisation intempestive.

Cette suppression profitera évidemment aux entreprises assujetties à un impôt sur lequel tout le monde, à commencer par ses concepteurs, s'accorde à dire depuis des années que son mode de calcul doit être revu, qu'il s'agisse de son assiette ou de son taux. Mais il n'est pas envisageable que cette ressource fiscale ne fasse l'objet d'aucune mesure de compensation dans des conditions qui préservent les collectivités locales. Sur la compensation, comme en son temps sur le remplacement des ressources de la publicité, le chef de l'État a été très flou, se contentant d'évoquer « des possibilités autour de la taxe carbone ».

Dans un contexte de crise grave qui amène le Gouvernement à solliciter les collectivités pour financer son plan de relance, l'enjeu est de taille : il y va de la survie et du maintien des politiques de proximité menées par les collectivités. Elles ont perçu l'année dernière plus de 28 milliards au titre de la taxe professionnelle, dont 17 milliards sont allés aux communes et aux EPCI. Cette taxe représente ainsi, à elle seule, 43 % de ce que leur rapportent les impôts directs locaux.

On comprend donc aisément l'émoi suscité, par l'annonce de sa disparition, chez les élus locaux de tous bords, comme le montrent les réactions de toutes les associations d'élus. Ces inquiétudes sont ici partagées sur tous les bancs. Trouver en un an un impôt de substitution ne sera pas chose facile !

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement envisage toujours de supprimer la taxe professionnelle ? Si oui, quelles sont vos intentions pour garantir la compensation des pertes de recettes ? Disposez-vous d'un calendrier précis ? De quelle façon le Parlement sera associé à ce chantier ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Votre question contient déjà un certain nombre d'éléments de la réponse que je peux vous donner. Nous allons associer sénateurs et députés à une réflexion sur les possibles substituts à la taxe professionnelle, qui n'est pas un bon impôt, chacun le reconnaît, et dont la disparition partielle ne peut qu'accroître la compétitivité de nos entreprises et l'attractivité du territoire, étant entendu que la base foncière de cet impôt doit demeurer, pour assurer le lien entre les entreprises et les territoires. Les 22 milliards de recettes ainsi perdues par les collectivités territoriales seront intégralement compensés collectivité par collectivité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Comment ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Il faudra, je l'ai dit, conserver un lien entre l'entreprise et le territoire, et explorer d'autres directions.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Lesquelles ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - On peut penser à une fraction supplémentaire de la TIPP ou de la taxe sur les contrats d'assurance ; on peut penser aussi aux bases foncières industrielles comme à la valeur ajoutée.

Voici quelques-unes des pistes que nous allons explorer dans un esprit de concertation et de coopération, et sur lesquelles reviendra la conférence nationale des exécutifs que va prochainement réunir le Premier ministre. (Applaudissements à droite)

Paradoxe de la crise automobile

M. Yves Détraigne .  - Les chiffres publiés en début de semaine sur l'activité du secteur automobile en France semblent indiquer que l'effet de la prime à la casse est en train de s'estomper et que les stocks de véhicules augmentent à nouveau chez les constructeurs. Le marché des véhicules particuliers a reculé de 13 % le mois dernier par rapport à février 2008. Dans le même temps, l'activité redémarre fortement en Allemagne où les immatriculations ont bondi de 22 % le mois dernier.

Du fait de l'importance de ses stocks et de la faiblesse de son activité, l'industrie automobile française a considérablement réduit sa production. La plupart des entreprises de ce secteur ont mis un terme à leurs contrats d'intérim, n'ont pas renouvelé les contrats de leur personnel en CDD et sont passées d'une organisation de leur production en 3 x 8 à une organisation en 2 x 8. Les sous-traitants de l'industrie automobile sont les premiers touchés et les plans sociaux s'y multiplient.

Or, alors qu'il est possible de prendre livraison, en France, d'une automobile de marque étrangère trois à quatre semaines après sa commande, ce délai, que l'on peut considérer comme normal, est de trois à quatre mois lorsqu'il s'agit de prendre livraison d'un véhicule de marque française. Ce, dans toutes les régions, quel que soit le constructeur et quelle que soit la gamme du véhicule commandé. C'est incompréhensible.

Cette différence est inquiétante parce qu'elle aggrave la situation du secteur et va entraîner davantage encore de suppressions d'emplois. Comment expliquer ce hiatus entre les faits et les discours des constructeurs et comment allez-vous remédier à un comportement qui incite à l'achat de véhicules étrangers ? (On applaudit au centre)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services .  - Vous avez raison, la prime à la casse voulue par le Président de la République a connu un extraordinaire succès ; aussi a-t-elle été imitée par nos partenaires et c'est ainsi que le marché allemand a fait un bond de 20 %. Nos constructeurs n'ayant pas anticipé un tel succès, des tensions sont apparues.

Cette prime ne peut cependant tout résoudre à elle seule. C'est pourquoi, dès le 9 février, le Président de la République a annoncé un pacte automobile. La réactivité en est le maître-mot. Nos constructeurs ont ainsi bénéficié de prêts et de soutiens, l'État ayant débloqué 6,5 milliards à leur intention et 2,5 milliards pour les banques des constructeurs. Oseo apporte sa garantie jusqu'à 90 % des crédits aux sous-traitants de la filière. Enfin, l'indemnisation du chômage partiel a été élargie.

L'avenir s'articule autour du plan « véhicules décarbonés », 250 millions étant consacrés aux projets « verts ». Le crédit impôt recherche est l'outil le plus puissant des pays développés parce que l'innovation est la clef de la croissance. La suppression de la taxe professionnelle, que vient d'évoquer Mme Lagarde, jouera aussi en faveur de nos constructeurs.

M. le président.  - Concluez.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est mobilisé. Il ne laissera pas tomber l'industrie française.

Emploi et plan de relance

M. Jean-Pierre Godefroy .  - Jour après jour, la France bat de tristes records. Les déficits sont abyssaux, le chômage explose ; 300 000 emplois ont été détruits depuis six mois, dont 90 200 en janvier, soit le tiers de vos prévisions pour l'année.

M. Éric Doligé.  - Et ailleurs ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ne dites pas que la France résiste mieux que les autres à la crise...

M. René-Pierre Signé.  - Car ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Notre résistance n'est due qu'à un service public fort et à un système de protection sociale que vous n'aviez de cesse de détruire. Vous avez tardé à réagir et vos réponses demeurent décalées. (Protestations à droite) Au lieu de multiplier les annonces, il faudrait supprimer la loi Tepa, ce boulet pour les finances publiques. Le bouclier fiscal coûte cher et favorise l'évasion fiscale, sans effet sur l'économie ; leur détaxation n'a pas fait augmenter les heures supplémentaires et s'est réduite à un effet d'aubaine. Il est catastrophique en temps de récession de gaspiller ainsi 3,5 milliards. Il ne s'agit plus de travailler plus pour gagner plus, mais d'être plus nombreux à travailler. (Approbations sur les bancs socialistes) Et quand la reprise sera là, ce sera un frein à l'embauche.

En ce qui concerne le Fonds d'investissement social que vous avez créé sous la pression des syndicats, on voit en l'examinant de près que vous ne mettez sur la table que 800 millions sur les 2,5 milliards annoncés, et, qui plus est, ce sont des sommes réaffectées.

M. le président.  - Posez votre question. (Approbation à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Les salariés licenciés n'ont qu'à s'aider eux-mêmes... Votre plan est en décalage total. Dès lors, ma question (« Ah ! » à droite) est la suivante : allez-vous enfin orienter les efforts de la Nation vers la relance de la consommation ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Reprenons les chiffres précisément et rectifions-les si nécessaire. L'économie française ne détruit pas 600 000 emplois, ce chiffre est celui des demandeurs d'emploi. En réalité, notre économie détruira 350 000 emplois. Faut-il privilégier la consommation ? Mais quel est le secteur qui a progressé en janvier : l'exportation, l'investissement ? Non !, c'est la consommation qui a augmenté de 1,8 %. Ce n'est donc pas là qu'il faut intervenir prioritairement, mais pour l'investissement et en faveur des populations les plus touchées par la crise. Nous avons pris de multiples mesures à cet effet.

Le chômage a sensiblement progressé au quatrième trimestre. Du chiffre le plus bas depuis 27 ans, 7,2 %, nous sommes passés à 7,8 % en raison du freinage brutal de l'économie française, qui a connu une croissance négative de 1,2 %.

Nous ne restons toutefois pas les deux pieds dans le même sabot : l'indemnisation du chômage partiel augmente progressivement pour atteindre 75 % et 1 000 heures par entreprise. Nous avons encouragé les très petites entreprises à embaucher en franchise totale de contributions sociales : elles recrutent ainsi 2 000 personnes chaque jour depuis quinze jours. Voilà deux des mesures que nous avons prises pour l'emploi.

M. le président.  - Concluez...

Mme Christine Lagarde, ministre.  - A l'initiative du Gouvernement, les partenaires sociaux vont débattre de l'amélioration de l'indemnisation du chômage. Voilà comment nous luttons contre des chiffres dégradés par le freinage brutal de l'économie. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - La loi Tepa, voilà le péché originel !

Réforme des collectivités locales

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat .  - Ma question s'adresse au Premier ministre.

Nous savons maintenant que le Président de la République et M. Balladur sont sur la même longueur d'onde pour ce qui est de la reprise en main des collectivités territoriales par l'État et de la réduction des dépenses publiques. Car ce sont là les principales caractéristiques des propositions de M. Balladur : transformation des collectivités locales en services déconcentrés de l'État, plan social territorial -ou étranglement financier. En supprimant la compétence générale des départements, des régions et des communes membres de « métropoles », l'État sera en effet seul à disposer du pouvoir de dire qui a le droit de faire quoi dans chaque collectivité locale. Ce faisant, vous niez les libertés locales et le fait que les élus locaux sont mandatés pour appliquer les politiques souhaitées par la population. Le projet de Grand Paris est caricatural, qui sera directement géré par l'Élysée. (M. Philippe Dallier s'exclame) On a beaucoup pratiqué la démagogie pour convaincre l'opinion qu'il fallait mettre fin à un prétendu « mille-feuille » territorial qui rendrait les collectivités « inefficaces et coûteuses ». Le mille-feuille, c'est bien vous qui l'avez créé, avec la « décentralisation Raffarin », chef-d'oeuvre d'émiettement des compétences conjointes, concurrentes ou fragmentés.

M. Philippe Dallier.  - Justement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Financièrement, vous avez chargé la barque des collectivités sans compensation réelle et, pour couronner le tout, avant même le rapport Balladur, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle. Curieuse façon de soutenir l'investissement quand on sait que les trois quarts de l'investissement public sont le fait des collectivités locales ! Mais sans doute préférez-vous privilégier les grands groupes financiers. (« Ah ! » à droite)

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République vous a demandé d'élaborer un texte reprenant les propositions Balladur. La plupart des associations d'élus ont émis des critiques globales ou partielles au fur et à mesure que les intentions de M. Balladur étaient dévoilées.

M. René-Pierre Signé.  - Balladur, à la retraite !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comment allez-vous organiser une véritable discussion avec les élus et, surtout, un débat public avec la population sur la démocratie locale, sur le rôle de chacune des collectivités et sur les moyens financiers leur permettant de répondre aux besoins de la population ? (Applaudissements sur les bancs CRC et sur certains bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Si je vous ai bien comprise, madame Borvo Cohen-Seat, tout va bien et rien ne doit changer.

M. Bernard Frimat.  - Il faut surtout changer de Gouvernement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Il serait, selon vous, inutile de donner davantage de lisibilité à notre organisation administrative, inutile d'améliorer la rapidité et l'efficacité des décisions ?

M. René-Pierre Signé.  - Pas comme ça !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ne soyez pas si conservatrice, madame la sénatrice ! (protestations à gauche, rires à droite) et convenez qu'il faut davantage de lisibilité dans les prises de décision et la répartition des compétences. L'opposition participait d'ailleurs au comité Balladur...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pas nous !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ...et seize de ses propositions ont été adoptées à l'unanimité.

Le rapport Balladur sera l'objet d'une vaste concertation (« ah ! » ironique à gauche) qui permettra d'examiner le bien-fondé de certaines critiques. Le Premier ministre réunira une conférence des élus locaux, un projet de loi-cadre sera déposé devant le Parlement et suivi d'un ou de plusieurs projets de loi. Il faut rechercher le consensus le plus complet possible, en oubliant les égoïsmes particuliers et en ne se souciant que de l'intérêt général. (Applaudissements à droite).

Fusion de la Banque populaire et des Caisses d'épargne

M. Jean-Pierre Fourcade .  - La semaine dernière, la fusion des deux entités, Caisses d'Épargne et Banque populaire, a donné naissance à la deuxième banque française. Forte d'environ 34 millions de clients, de plus de 7 millions de sociétaires, de 7 700 agences et de 110 000 collaborateurs, cette nouvelle structure bancaire se met en place avec quelques handicaps : d'abord les pertes constatées en 2008 pour les deux réseaux et pour leur filiale commune Natixis ; ensuite, l'effet sur leurs dépôts de la banalisation des livrets d'épargne. Le gros des pertes ne concerne pas la clientèle traditionnelle...

M. René-Pierre Signé.  - C'est pourtant elle qui va payer !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - ...mais les opérations de diversification, de marché ou de grande clientèle à l'international auxquelles cette filiale s'est risquée.

Il importe de redonner confiance aux millions de porteurs de livret A, de rassurer les quelque 110 000 salariés du groupe, ainsi que les sociétaires et les emprunteurs. Le Gouvernement se doit d'apporter des réponses positives aussi bien sur les fonds propres de la nouvelle banque que sur son organisation. Comment sera conçu l'organe central des deux réseaux ?

M. François Marc.  - A l'Élysée !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Comment ces derniers fonctionneront-ils à l'avenir et dans quelle mesure sera protégé le statut mutualiste actuel ? Sous quelle forme se traduira le soutien du Gouvernement à ces banques ? (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Sous la forme de nos impôts !

M. Didier Boulaud.  - Comment disait Poniatowski, « les copains et ... » ? Je perds la mémoire...

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Vous avez dit, monsieur le sénateur, les raisons pour lesquelles la Banque populaire et les Caisses d'épargne ont fusionné. Il faut y ajouter leur histoire commune, leur culture mutualiste à laquelle le Gouvernement est attaché et qui sera maintenue, je l'espère, dans le projet de loi de fusion. Cette perspective de fusion occupait les deux groupes depuis dix ans mais ce dossier progressait si lentement que je leur ai demandé d'accélérer leurs négociations et de conclure avant le 26 février, date de la publication de leurs bilans. Quand deux si grands établissements projettent de se réunir, il ne faut pas tergiverser !

M. Didier Boulaud.  - Il fallait caser quelqu'un.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je suis également intervenue afin de consolider les fonds propres et de conforter l'épargne des particuliers et le crédit aux entreprises, les deux métiers complémentaires de la nouvelle banque.

M. Didier Boulaud.  - Tous à La Poste !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - L'État se devait de les consolider et de participer à la nécessaire redéfinition de la stratégie de Natixis. Il contribuera donc pour un maximum de 5 milliards sous forme de titres superprivilégiés ou sous forme d'actions préférentielles éventuellement convertibles en actions ordinaires assorties du droit de vote, si nécessaire, ce qui donnera à l'État un maximum de 20 % du capital des deux établissements ainsi réunis.

De cette affaire, vous déciderez lors de l'examen du projet de loi qui viendra devant vous dans les mois qui viennent. (Applaudissements à droite)

Fracture territoriale

M. Simon Sutour .  - A l'heure où la mode est aux métropoles, je veux vous parler des territoires ruraux. Qu'il est loin le temps où la fracture territoriale était un des thèmes majeurs du débat public ! Je me fais ici, devant le grand conseil des collectivités territoriales, l'écho du découragement et de l'exaspération des élus des zones rurales, qui ne sont plus en mesure de répondre aux besoins élémentaires de leurs administrés en termes de services publics, alors que la crise appelle une intervention publique plus forte en direction des plus fragiles.

L'évolution des services publics ne doit pas être un tabou, mais de nombreux élus ont le sentiment d'une politique purement comptable, conséquence de la révision générale des politiques publiques, et non d'une politique de fond ; il n'est que de voir ce que sont les réformes des cartes judiciaire, militaire ou hospitalière. La situation est aussi préoccupante dans les services postaux et de télécommunications. Il n'est pas un jour sans que nous soyons alertés, les uns et les autres, de la dégradation du service postal ou du service téléphonique, concrétisée par la fermeture de bureaux ou la coupure intempestive de lignes. La fracture numérique demeure, et les zones blanches ne sont toujours pas couvertes. On ne compte plus les fermetures de tribunaux de proximité, de bases militaires, de trésoreries, d'hôpitaux ruraux et même d'agences EDF-GDF. (M. Alain Fouché le conteste)

M. le président.  - Veuillez poser votre question !

M. Simon Sutour.  - Des sous-préfectures vont fermer, d'autres seront maintenues mais sans sous-préfet ; ce sera le cas dans mon département, au Vigan. Quant aux brigades de gendarmerie, deux d'entre elles pourraient y disparaître.

Pouvez-vous m'indiquer les intentions du Gouvernement ? Plus largement, quelle politique entendez-vous mener en direction des territoires ruraux afin que la fracture territoriale ne se transforme pas en gouffre ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Il faut demander à Balladur, c'est un grand spécialiste de la ruralité.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Vous savez combien je suis attachée au monde rural et à la présence de l'État sur tout le territoire. (On en doute sur les bancs socialistes) Mais cet attachement n'est pas nostalgie. (Mouvements divers à gauche) Peut-on ignorer qu'il existe de nouvelles façons de travailler ? Lorsque trois personnes seulement fréquentent chaque jour un bureau de poste, on peut s'interroger sur la bonne gestion des deniers publics. Il peut donc y avoir rationalisation, pourvu que le service rendu reste identique.

Je suis très attachée au maillage du territoire par la gendarmerie.

M. Didier Boulaud.  - Vous l'étiez, vous ne l'êtes plus !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ce maillage sera préservé, ce qui n'empêche pas de réfléchir à un meilleur fonctionnement des brigades. Lorsqu'on trouve, monsieur Sutour, trois brigades en quinze kilomètres sur un axe routier de votre département, il paraît sage de se poser des questions...

M. René-Pierre Signé.  - C'est faux. Venez voir sur le terrain !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Situation exceptionnelle !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Tout sera fait de toute façon en concertation avec les élus.

M. Didier Boulaud.  - Comme pour les radars !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - J'ai déjà eu l'occasion d'affirmer mon attachement à la présence des sous-préfectures dans les territoires les plus fragiles, (M. Christian Poncelet approuve) là où le besoin de l'autorité de l'État est le plus fort. Ce qui n'empêche pas de réfléchir à de nouvelles formes d'organisation, s'agissant notamment du contrôle de légalité.

M. le président.  - Je vous prie de conclure.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Vous savez que des personnels n'appartenant pas à la carrière préfectorale peuvent être nommés sous-préfet, ce qui se pratique depuis des années. Une quinzaine de conseillers d'administration pourront ainsi être promus. Je vous croyais plus soucieux de promotion sociale ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

Statut d'auto-entrepreneur

M. Philippe Dallier .  - La loi LME a créé le régime d'auto-entrepreneur, qui est opérationnel depuis le 1er janvier 2009 ; ce régime permet de créer une entreprise sans autre formalité qu'une déclaration et de ne payer cotisations sociales et impôts qu'après que l'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires et non, comme cela se passait auparavant, avant même que le premier euro ne soit rentré dans les caisses.

Ce dispositif a été critiqué par la gauche, ce qui n'étonnera personne, mais aussi par nombre d'artisans. On craignait le manque de soutien aux auto-entrepreneurs et le peu d'expérience de ces derniers. Pour autant, le dispositif est un franc succès. Pouvez-vous en faire le bilan ? Quelles mesures envisagez-vous pour accompagner les auto-entrepreneurs dans les premières années ? Ne serait-il pas opportun que les chômeurs indemnisés puissent bénéficier de tous les avantages de ce régime ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Question téléphonée !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services .  - Vous avez raison de dire que le régime de l'auto-entrepreneur connaît un franc et plein succès.

Ce sont plus de 81 000 inscrits depuis le 1er janvier 2009. L'extrême simplicité est facteur de succès. Beaucoup de Français ont saisi cette opportunité pour créer leur activité, transformer leur projet en revenus. (M. Jacques Mahéas s'exclame)

Il faut néanmoins un accompagnement plus important. Les chambres consulaires doivent notamment se pencher sur les exigences de qualification professionnelle et d'assurance. Le régime est bien entendu perfectible. Une mission d'évaluation proposera des améliorations avant la fin de l'année. Dans quelques semaines, nous annoncerons que les demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise pourront s'inscrire comme auto-entrepreneurs avec un taux de prélèvements inférieur au taux commun.

A côté de la réponse collective des pouvoirs publics, il y a une réponse individuelle des Français, qui se saisissent de cet outil supplémentaire pour lutter contre la crise. (Applaudissements à droite)

M. Didier Boulaud.  - C'est beau ! N'en jetez plus !

M. René-Pierre Signé.  - De quoi se plaint-on ?

Politique en faveur des jeunes

M. Christian Demuynck .  - Monsieur le haut commissaire, le 12 janvier à Saint-Lô, le Président de la République vous a chargé d'une nouvelle politique pour la jeunesse.

M. René-Pierre Signé.  - Il a été bien reçu !

M. Christian Demuynck.  - Il a insisté sur le besoin d'autonomie des jeunes, soulignant que la responsabilité est le nécessaire corollaire à cette liberté.

Le 18 février, lors des rencontres avec les partenaires sociaux, le Président et le Premier ministre ont souhaité des propositions rapides pour la jeunesse et l'organisation d'une grande concertation.

M. Didier Boulaud.  - Une table ronde, par exemple !

M. Christian Demuynck.  - Le 17 février, devant notre commission des affaires culturelles, vous avez évoqué les pistes de cette concertation.

M. René-Pierre Signé.  - Non balisées !

M. Christian Demuynck.  - Vous avez rappelé la volonté du Président de la République de relancer le service civique. Depuis votre nomination, vous avez multiplié les échanges avec les acteurs du secteur.

Quelles seront les grandes lignes de cette concertation ? Comment comptez-vous associer la représentation nationale à ce rendez-vous que vous donnez à la jeunesse ? (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse .  - Quand j'ai défendu le projet de loi instaurant le RSA, vous étiez nombreux, sur divers bancs, à vous interroger sur le sort des moins de 25 ans. Je m'étais engagé, au nom du Gouvernement, à ne pas laisser cette question sans réponse, non pas en étendant le RSA, mais en inventant autre chose.

La vaste concertation entamée lundi n'est pas une perte de temps : quand cette phase a été oubliée, on a mis les jeunes dans la rue ! (Exclamations à gauche) Nous mettons autour de la table les partenaires sociaux, les syndicats étudiants, les collectivités territoriales, les acteurs du service public de l'éducation et de l'emploi, afin d'aboutir à des propositions permettant d'avancer. La représentation nationale est associée : le président du Sénat a désigné deux sénateurs, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition, pour travailler ensemble sur ce sujet. Je suis tout disposé au débat.

Est-il normal qu'un jeune soit suivi par l'éducation nationale jusqu'au 30 juin, puis lâché dans la nature jusqu'à ce qu'une mission locale le récupère trois jours, trois mois ou trois ans après ? Non ! Est-il normal de payer les choix d'orientation faits à 11 ans, sans possibilité de rattrapage ? Non ! (Mme Catherine Procaccia applaudit) Est-il normal qu'un jeune qui a tout réussi se retrouve sur le carreau ? Non ! (Marques d'approbation sur plusieurs bancs à droite) Que chacun se renvoie la balle ? Non ! Je m'engage à faire des propositions pour le long terme, et à trouver des réponses adaptées à la crise. (Applaudissements à droite)

M. Didier Boulaud.  - Sept ans que la droite est au pouvoir !

M. le président.  - La Conférence des Présidents a décidé hier de créer une mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes. (Marques d'approbation à droite)

Avenir des véhicules décarbonés

M. Louis Nègre .  - Jour après jour se confirme l'extrême gravité de la crise qui frappe le secteur automobile.

M. Didier Boulaud.  - M. Novelli disait le contraire il y a un instant !

M. Louis Nègre.  - Nos champions nationaux sont victimes de la récession, avec des conséquences désastreuses pour l'emploi.

M. Didier Boulaud.  - Accordez vos violons !

M. Louis Nègre.  - Le modèle économique de la voiture thermique du XXe siècle, grosse consommatrice de carburant, est brutalement devenu obsolète, d'autant que, face à la crise environnementale, les mentalités évoluent très rapidement.

Le Gouvernement a réagi vigoureusement. Outre le plan de soutien de 8 milliards, trois actions phares : l'allocation de 400 millions à la recherche et au développement des véhicules à faible émission de CO2, annoncée par le Président de la République lors du Mondial de l'automobile...

M. René-Pierre Signé.  - Il est partout !

M. Louis Nègre.  - ...les États généraux de l'automobile organisés le 20 janvier 2009, et une réunion, le 17 février, avec les acteurs de la filière décarbonée.

M. Didier Boulaud.  - Et les ministres à vélo !

M. Louis Nègre.  - Le but est de définir une « stratégie nationale de déploiement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables ».

M. le président.  - Votre question ?

M. Louis Nègre.  - Quel est l'avenir de la filière du véhicule décarboné et notamment électrique ?

Quelle crédibilité, madame la ministre, faut-il accorder à ce que d'aucuns ont appelé un énième plan ? Existe-t-il une vraie volonté d'établir une politique pérenne dans ce domaine ? Compte tenu du défi technologique que représente cette nouvelle filière, ne risque-t-on pas, enfin, de lever de faux espoirs ? Au vu de la concurrence exacerbée qui s'annonce entre constructeurs, quel calendrier entendez-vous fixer pour que notre pays entre de plain-pied dans le marché du véhicule propre ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Simon Sutour.  - Il en a pris tout à son aise !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Vous avez raison, monsieur le sénateur, le soutien à la filière décarbonisée est un enjeu d'avenir. Enjeu écologique, puisque le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre, alors que l'on sait déjà faire des véhicules trois fois moins polluants ; enjeu économique, puisque l'industrie automobile représente 10 % de nos emplois ; enjeu social dès lors que la hausse du pétrole est inéluctable et que nos concitoyens ne doivent pas être les victimes : je rappelle que 60 % d'entre eux se servent de leur automobile tous les jours.

Nos constructeurs se situent aux deuxième et troisième rangs européens pour la mise sur le marché de véhicules à faible émission, et c'est aussi pourquoi nous sommes moins touchés par la crise. Conformément au voeu du Président de la République (Mme Nicole Bricq se gausse), des objectifs ont été fixés à l'horizon 2012 ; 400 millions ont déjà été débloqués pour la recherche ; un plan spécial de 80 millions, placé sous la responsabilité de l'Ademe, doit permettre de développer des expérimentations en site réel ; deux autres plans public-privé sont à l'oeuvre sur la question spécifique des batteries.

Le bonus de 5 000 euros pour les véhicules émettant moins de 60 grammes de gaz à effet de serre, étendu aux véhicules utilitaires légers, doit soutenir la demande, tandis que la commande groupée associant grandes collectivités et grandes entreprises de 100 000 véhicules décarbonisés, annoncée le 17 février, favorisera l'offre.

Un groupe de travail a également été mis en place sur les infrastructures de recharge, car nous savons que l'échec des plans précédents est largement imputable au manque de développement des services corollaires. Il fera des propositions courant 2009, à intégrer dans le programme législatif avant la fin de l'année.

Nous sommes bien face à un défi sans précédent car l'avenir sera, par définition, sans carbone. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Conclusions du comité Balladur

M. Jean-Claude Peyronnet .  - Le rapport remis ce matin par M. Balladur entre les mains du Président de la République ne manque pas d'inquiéter. Sous les apparences d'une évolution tranquille se cache une révolution brutale qui aboutirait à une architecture territoriale très simplifiée, supprimant le département, regroupant les 36 000 communes en 2 500 communes nouvelles et ramenant les régions métropolitaines à 15 au lieu de 22.

La période transitoire dessine une France à peu près ingouvernable, faite de territoires plus enchevêtrés encore qu'aujourd'hui. Car si le rapport Attali proposait la suppression du département, le rapport Balladur le fait mourir à petit feu, pour éviter une révision constitutionnelle impossible. Car comment cette institution pourrait-elle vivre alors que toutes ses compétences seraient transférées aux onze métropoles à statut particulier, puis à d'autres agglomérations et, pourquoi pas, aux 2 500 communes nouvelles ?

Les maires de 34 000 communes en seraient réduits à ne s'occuper plus que de l'état civil, de la police et des cas sociaux.

Nous ne sommes pas opposés à toute évolution.

M. Ladislas Poniatowski.  - Ah bon !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - La création de grandes métropoles serait une bonne idée, pour peu que leur soient donnés les moyens d'un véritable développement économique. Mais en quoi la gestion des routes départementales et celle de la sécurité civile renforcerait-elle leur puissance dans la compétition européenne ? Qui, enfin, dans cet empire romain reconstitué, s'occupera de la péréquation et de la solidarité entre les territoires ?

Nos concitoyens, légitimement préoccupés par la cherté de la vie et le chômage, semblent peu mobilisés. Mais gardez-vous d'oublier qu'ils ont toujours manifesté un fort attachement identitaire à la commune, au département et, plus récemment, à la région.

Comment le Gouvernement reçoit-il ces propositions ? Est-il prêt à voir 34 000 maires cantonnés à la gestion des cimetières ? (Exclamations à droite) Estime-t-il que le partage des mêmes compétences entre agglomérations et conseils généraux amènera une simplification ?

Alors que le chômage explose, que le pouvoir d'achat s'effondre et que l'État fait appel aux collectivités pour l'aider dans son plan de relance, cette question reste-t-elle une priorité ? Ne craint-il pas de susciter une instabilité qui gênerait les collectivités dans leur appui à la relance ? (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Si le Président de la République a demandé au comité Balladur de plancher sur les structures institutionnelles, c'est que nous voyons bien, comme nos concitoyens, que se pose un problème de clarification et d'efficacité. Faut-il rappeler que ce comité est composé de personnalités, de droite comme de gauche, dont on ne peut nier la compétence en matière de gestion des collectivités. N'est-ce pas leur faire injure que de dire que leurs propositions ne tiennent pas compte des réalités ou qu'elles ne visent qu'à compliquer l'organisation territoriale ? Où sont les arrière-pensées électoralistes dès lors que MM. Vallini et Mauroy reconnaissent ce matin même qu'ils approuvent 80 % de ces propositions ? (On le conteste sur plusieurs bancs socialistes)

Vous réglerez vos problèmes entre vous. Quant à nous, ce que nous cherchons, dans le cadre de la conférence des exécutifs réunie par le Premier ministre, c'est l'efficacité, y compris sur la question de la fiscalité. Nous ne sommes animés par aucune arrière-pensée mais par une seule ambition : améliorer, pour le bien de nos concitoyens, le fonctionnement de l'ensemble des collectivités. (Protestations à gauche ; applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Mission commune d'information sur l'outre-mer

M. le président.  - Nous allons procéder à la désignation des membres de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer.

Je vous rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que les présidents de groupe et le délégué des non-inscrits y siégeraient ès qualités. Les 36 candidatures remises par les groupes n'ayant fait l'objet d'aucune opposition, sont désignés comme membres de cette mission commune, outre les présidents de groupe et le délégué des non-inscrits : Mme Michèle André, MM. Jean-Etienne Antoinette, David Assouline, Gilbert Barbier, Michel Bécot, Gérard César, Christian Cointat, Denis Detcheverry, Éric Doligé, Mme Catherine Dumas, MM. Gaston Flosse, Bernard Frimat, Christian Gaudin, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Charles Guené, Mme Gélita Hoarau, MM. Serge Larcher, Claude Lise, Roland du Luart, Mme Lucienne Malovry, MM. Philippe Marini, Daniel Marsin, Marc Massion, Jean-François Mayet, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Albéric de Montgolfier, Georges Patient, Mmes Anne-Marie Payet, Catherine Procaccia, MM. Daniel Raoul, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Odette Terrade, MM. Richard Tuheiava et Jean-Paul Virapoullé.

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 16 h 15.

Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion des articles, nous poursuivons la discussion de l'article 19 bis.

Article 19 bis (Suite)

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsqu'une personne détenue subit une atteinte à son intégrité physique, une enquête indépendante, effective et approfondie est diligentée afin d'établir les circonstances de cette atteinte et l'identification du ou des responsables.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement vise à transposer en droit français la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme pose l'obligation d'une enquête indépendante, effective et approfondie lorsqu'un détenu a fait l'objet d'une atteinte à son intégrité physique. Il s'agit de casser le corporatisme et la loi du silence, qui empêchent les détenus comme les agents de parler librement des faits dont ils ont connaissance. L'administration pénitentiaire peut-elle être considérée comme indépendante par rapport à ses agents ? Je ne le crois pas.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Lorsqu'une telle atteinte est constatée, une information est ouverte sous la responsabilité du procureur de la République ; c'est systématique en cas d'atteinte grave. L'amendement est satisfait. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Toute atteinte signalée fait l'objet d'une enquête dirigée par le parquet, voire d'une enquête avec ouverture d'information. L'indépendance est garantie. De son côté, l'inspection des services pénitentiaires peut diligenter une enquête administrative. Les dispositions nécessaires figurent dans le code de procédure pénale. Défavorable.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°212 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du RDSE.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente un rapport biannuel sur les violences commises en prison et sur l'indemnisation des personnes détenues victimes d'une agression commise dans l'enceinte de l'établissement pénitentiaire, que ce soit dans les lieux collectifs ou individuels.

M. Jacques Mézard.  - C'est un amendement de protestation. Rien n'est simple en prison, les relations sont difficiles dans cet univers contraint, il est donc impératif de respecter la dignité des détenus et leur intégrité physique.

Nous sommes nombreux à avoir fait les frais d'une application à géométrie variable de l'article 40 sur cet article 19 bis. Nous présentions un amendement qui rejoignait celui de M. Anziani, tendant à inclure dans la réparation des dommages les séquelles graves. La réparation en cas de décès est un progrès, que nous devons à la commission. Mais refuser d'étendre la réparation aux cas d'atteintes corporelles graves ayant entraîné une incapacité permanente partielle me semble anormal : le détenu ne pourra peut-être exercer aucune activité professionnelle à sa sortie de prison.

La responsabilité sans faute de l'État est une avancée. L'invocation de l'article 40 pour s'opposer à la réparation des séquelles graves me paraît inéquitable.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous partageons largement, sur le fond, les propos de M. Mézard. Lors des auditions, nous avons été sollicités pour étendre la responsabilité sans faute aux suicides et atteintes corporelles graves. Cependant, la Constitution n'autorise pas le législateur à aller plus loin dans ses initiatives. Cet amendement attire l'attention sur les violences en milieu carcéral, mais exiger un rapport bi-annuel me semble excessif. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je rejoins les observations de votre rapporteur. L'administration pénitentiaire établit déjà un rapport annuel qui inclut ces sujets. En outre, des condamnations et indemnisations peuvent être obtenues par voie de justice. J'ai donné des instructions claires aux parquets afin qu'il n'y ait aucun classement ; les poursuites sont systématiques lorsqu'un détenu agresse un autre détenu ou un membre du personnel. Défavorable.

L'amendement n°212 rectifié n'est pas adopté.

L'article 19 bis est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°193 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire et les personnels soignants garantissent le droit au secret médical des détenus ainsi que le secret de la consultation, dans le respect des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - La qualité des soins passe par le respect du secret médical et d'abord par le secret du contenu de la consultation médicale. Sauf lorsque la sécurité l'exige, les surveillants n'ont pas à être présents ; surtout, ils n'ont pas à l'être de leur propre chef, ce qui se produit trop souvent.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission avait donné un avis défavorable à la première version de l'amendement, qui ne prenait pas en compte les dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté.

Le secret médical est une question complexe. J'ai constaté, lors de mes visites d'établissements pénitentiaires, que le personnel médical et le personnel pénitentiaire avaient souvent des relations de confiance, mais ce n'est pas toujours le cas. Il m'est arrivé, pendant une table ronde à l'occasion d'une visite, qu'un représentant du corps médical me dise à propos des détenus : « Considérez-les tous comme des malades mentaux ». Les agents des services pénitentiaires chargés de préparer la réinsertion me demandaient alors : « Dans ces conditions, que pouvons-nous faire ? »

Dans le drame de Rouen, je considère que le secret médical a tué. A titre personnel, même si ce n'est pas très courageux, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les difficultés autour du secret médical sont connues depuis longtemps. L'administration pénitentiaire n'a pas accès au dossier pénal, uniquement à la condamnation.

Souvenons-nous du drame de Rouen : la tendance au cannibalisme était connue des psychiatres. Voilà pourquoi je considère que l'information doit être partagée : pour protéger le détenu, son codétenu et l'administration.

Quand le détenu est en consultation, le secret médical est entièrement préservé. Lors de la prise d'otage de Fleury-Mérogis, le détenu a menacé un psychologue avec un morceau de miroir...

Il faut avoir une vision pragmatique de cette notion de secret médical.

L'objectif de cet amendement est totalement satisfait par les dispositions actuelles : je n'y suis donc pas favorable.

M. Claude Jeannerot.  - L'amendement About mérite d'être soutenu. L'Académie de médecine a dénoncé les trop fréquentes transgressions du secret médical qui se produisent en milieu pénitentiaire, malgré la loi de 1994. Nous comprenons bien les précautions qu'évoque Mme la ministre mais il nous paraît possible de tenir l'ensemble en respectant le secret médical.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous ne nous comprenons pas toujours très bien, peut-être parce que je suis médecin...

Je fais une différence entre secret médical et secret professionnel. Le secret médical couvre tous les éléments de l'état de santé, et ce droit s'applique aux détenus comme à tout le monde. En revanche, un secret professionnel peut être partagé lorsque c'est l'intérêt de tous. Dans l'affaire de Rouen, ce n'était pas violer un secret médical que faire savoir qu'en aucun cas, ce détenu ne pouvait être mis dans la même cellule qu'un autre. Cette information aurait-elle été partagée, point de cannibalisme !

On peut régler tous les problèmes auxquels fait allusion Mme la ministre sans trahir le secret médical ; mon amendement peut donc être adopté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je soutiens cet amendement. L'exemple qu'a donné Mme la ministre le conforte. Le manque de personnel dans les établissements au regard du nombre de détenus fait que l'on se retrouve dans ce genre de situations extrêmes. Le problème est plutôt là que dans le secret médical, lequel est un droit pour tout le monde.

L'amendement n°193 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Article 20

La prise en charge de la santé des détenus est assurée par le service public hospitalier dans les conditions régies par le code de la santé publique.

Lorsqu'il est fait application, en cas de diagnostic ou de pronostic grave sur l'état de santé d'une personne détenue, des dispositions de l'article L. 1110-4 du même code, le médecin est habilité à délivrer à la famille, aux proches ou à la personne de confiance les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à la personne malade à l'exception de celles susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements pénitentiaires et des établissements de santé.

La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l'ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés.

L'état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur incarcération et pendant leur détention.

L'administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l'éducation sanitaires.

Elle assure un hébergement, un accès à l'hygiène, une alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques.

Mme Raymonde Le Texier.  - Chacun se souvient des remarquables travaux effectués par le président Mermaz en 2000. Six ans après les progrès dus à la loi de 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, chacun estimait indispensable de pérenniser cette dynamique d'amélioration de la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées. Près d'une décennie plus tard, alors que la surpopulation dans certains lieux de détention peut atteindre le chiffre sans précédent de 200 %, qu'en est-il ?

La santé de la population carcérale est globalement moins bonne que celle du reste de la population. Ce n'est pas un effet automatique de l'incarcération, cela s'inscrit plus généralement dans des parcours individuels fragiles où les situations de précarité et d'exclusion se sont accumulées. Le rapport établi en 2005 par le collège des soignants intervenant en prison dressait le constat suivant : il y avait en prison 3,5 fois plus de sida, 7 fois plus d'hépatites C, 5 fois plus de cas de dépendance à l'alcool, 7 fois plus de suicides, 7 fois plus de cas de schizophrénie, 21 fois plus de cas de dépression, 20 fois plus de cas de pathologie psychiatrique. Didier Sicart, président du Comité consultatif national d'éthique, comparait en 2004 la prison à un « laboratoire épidémiologique de maladies transmissibles et d'infections ».

Ces chiffres sont dramatiques. Reflets d'un univers pénitentiaire qui concentre des difficultés énormes au point d'hypothéquer la finalité même de la peine : la réinsertion. Car comment concevoir une telle mission si les détenus ne peuvent pas bénéficier d'un accès aux soins de qualité ? Il y a 25 ans, comme le disait notre collègue Badinter, nous comprenions « qu'il ne pouvait exister une médecine pratiquée pour tous et une médecine carcérale. Devant la maladie, tout être humain doit être également traité ». Partant, il s'agit d'inscrire dans les faits l'efficience du système de soins pénitentiaires.

C'est un impératif de tout premier ordre, d'autant que le bulletin de santé de la population carcérale s'est considérablement dégradé. En juin 2000, la commission d'enquête du Sénat observait qu'en raison « d'une dérive psychiatrique et judiciaire, des milliers de détenus atteints de troubles psychiatriques errent sur le territoire national, ballotés entre les établissements pénitentiaires, leurs quartiers disciplinaires, les services médico-psychologiques régionaux, les unités pour malades difficiles, les unités fermées des hôpitaux psychiatriques ».

Selon une étude de 2004 du ministère de la justice portant sur 800 détenus, 80 % des hommes et 70 % des femmes présentent au moins un trouble psychiatrique, la majorité en cumulant plusieurs. Pour 60 % de la population carcérale, les établissements ne disposent pas de service médico-psychologique régional. Il revient alors à des équipes réduites issues du secteur psychiatrique général du centre hospitalier le plus proche de dispenser les soins courants.

Selon les études menées sous la direction du professeur Rouillon et qui portaient sur 1 000 détenus de 23 établissements différents, 56 % des détenus connaissent des troubles dépressifs, 24 % des troubles psychotiques et 2 % présentaient une schizophrénie ou une psychose de chronique, schizophrénique ou dysthymique. Ces chiffres recoupent ceux de l'étude du docteur de Beaurepaire, chef du SMPR de Fresnes, en 2004.

Cette inquiétante actualité renvoie à la faillite de la psychiatrie de secteur public, à la suppression de 55 000 lits en vingt ans, aux restrictions budgétaires qui contraignent de plus en plus à limiter les hospitalisations à la seule période de crise aiguë. Comment alors s'étonner que la souffrance mentale s'oriente de plus en plus vers la rue, vers la prison ? Il n'appartient pas à l'institution pénitentiaire de faire face à ce tsunami de pathologies, de suppléer aux manquements désastreux de la politique sanitaire. Ce serait revenir au temps où les mauvais sujets étaient cadenassés pour protéger la société.

Certains en viennent à se demander si la prison n'est pas en train de devenir l'asile du XXIe siècle. Elle ne doit pas le devenir. Elle doit recouvrer sa mission première tout en permettant aux détenus dont l'état de santé n'est pas incompatible avec l'incarcération de bénéficier d'un accès à des soins de qualité. Tel est l'objet de cet article et nous vous ferons des propositions afin d'en améliorer le contenu.

M. Claude Jeannerot.  - La question de la santé est au coeur du débat : quel diagnostic portons-nous sur l'état de santé de la santé en prison et quels remèdes préconisons-nous ?

Les insuffisances actuelles ne nous font pas oublier les énormes progrès accomplis depuis la loi du 18 janvier 1994, qui a permis une triple normalisation : les médecins sont désormais employés par les hôpitaux publics ; les soins ont vocation à être du même niveau que pour les personnes libres ; les détenus ne sont plus des objets de soins mais des citoyens jouissant du droit à la santé. Chacun des 194 établissements possède une unité carcérale de soins ambulatoires ; la plupart disposent d'un psychiatre et 26 d'un service psychologique régional. La loi de 1994 a posé des principes qui nous permettraient de régler les questions en suspens ; elle pourrait suffire si on l'appliquait effectivement. L'Académie de médecine, qui regrette des violations du secret médical en milieu carcéral, demande avec insistance l'application de la loi de 1994 afin que le niveau des soins rejoigne celui de l'extérieur et que le statut de détenu ne prime plus. Elle regrette des carences graves pour l'hygiène ; elle observe que la permanence des soins n'est pas assurée la nuit et le week-end ; elle constate des difficultés d'accès au diagnostic et aux soins ; elle déplore le manque de prévention et l'insuffisance de suivi à la sortie, qui est facteur de récidive. Les ruptures du parcours de santé sont extrêmement préjudiciables.

Je ne reviens pas sur les troubles mentaux qui affectent 30 % des détenus. Il suffit de dire que des avancées considérables sont indispensables. Si l'article 20, remanié, en comporte, il faut aller plus loin en se rappelant que huit hommes et sept femmes sur dix présentent des pathologies psychiatriques. Les règles pénitentiaires européennes peuvent nous servir de guides. C'est l'objet de nos amendements. Le premier dispose que les personnes, dont l'état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison, doivent être placés dans un établissement spécialement conçu à cet effet. Le second favorise le dépistage afin que chacun jouisse des soins requis. Nous devons garantir l'instrumentalisation de ce droit. Le troisième précise que chaque prison doit assurer l'accès à un médecin à tout moment.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Dans la version initiale du Gouvernement, l'article traitait surtout des conditions dans lesquelles le médecin peut donner des éléments d'information à la famille du détenu ; pour le reste, il se bornait à reprendre en termes flous quelques pratiques. Notre rapporteur a considérablement fait bouger le texte et je le reconnais d'autant plus volontiers que la plupart des obligations imposées à l'administration pénitentiaire proviennent d'amendements que nous avions déposés et auxquels il a donné un avis favorable : les détenus doivent avoir le même accès aux soins que l'ensemble des citoyens ; je tiens également beaucoup à notre amendement sur l'état psychiatrique des détenus. Si l'article 20 grave dans la loi des obligations de l'administration pénitentiaire, nous pouvons et nous devons aller plus loin car le problème de la santé en prison est majeur. Tout le monde le sait, certaines pathologies sont très répandues en prison et Mme de Beaurepaire, forte de toute son expérience, a déclaré que l'on ne pouvait pas y traiter les maladies mentales.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Tel que modifié par nos amendements, l'article 20 traite notamment de la prise en compte de l'état psychologique des détenus. Ce point est fondamental. Un jeune Polonais de 23 ans incarcéré à Nanterre s'est suicidé le 26 mars 2008 dans une cellule du quartier disciplinaire ; il souffrait de troubles psychiatriques importants. La Commission nationale de déontologie de la sécurité, saisie par M. Mermaz, a rendu son avis.

Écroué pour viol avec violence le 31 décembre 2007, ce jeune s'était ouvert les veines le soir de son incarcération. Extrait médicalement, il a subi une intervention et a été réincarcéré dès le lendemain. Deux mois plus tard, il était placé en quartier disciplinaire à la suite d'une agression contre un gardien le 2 mars. Il a été trouvé pendu dans sa cellule à 4 heures du matin.

Incarcéré un 31 décembre, il n'avait pu voir un médecin que le 2 janvier et le psychiatre le 3, date à laquelle il a été mis sous surveillance spéciale. La Commission rappelle que le choc carcéral des premiers jours détermine des passages à l'acte ; elle regrette que le prisonnier ait été ramené en prison dès le lendemain de l'intervention. Elle rappelle que le questionnaire psychiatrique standardisé, dont la précision requiert pour les non-francophones la présence d'un interprète, n'a pas été rempli. Elle s'interroge sur la pertinence de cette formalité en l'absence d'interprète, et constate que le psychiatre n'a été prévenu que le 25 mars de la présence de ce détenu au quartier disciplinaire où il se trouvait depuis le 3. Faute d'interprète, le contact a été très difficile et le psychiatre devait revenir deux jours plus tard avec un interprète. Le médecin a précisé qu'il envisageait une hospitalisation d'office.

La CNDS « condamne le maintien en quartier disciplinaire d'un détenu suffisamment malade pour qu'une hospitalisation d'office ait été envisagée lors de sa dernière consultation, moins de deux jours avant son suicide ».

Selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention. A cela s'ajoute que la maison d'arrêt de Nanterre souffre, elle aussi, de surpopulation carcérale -1 900 détenus pour 600 places- et ne dispose que de trois médecins psychiatres à mi-temps. La CNDS a conclu que ce détenu n'avait « pas bénéficié de la surveillance spéciale que son état psychique nécessitait ». Cela prouve que, sans les moyens adéquats, la prévention du suicide en prison reste inopérante, surtout pour les détenus étrangers.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Le service public hospitalier assure, dans les conditions régies par le code de la santé publique, les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier. Il concourt, dans les mêmes conditions, aux actions de prévention et d'éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement réécrit le premier alinéa de l'article 20 afin d'y intégrer les examens de diagnostics, la prévention et l'éducation pour la santé.

M. le président.  - Amendement n°234, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Remplacer le premier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

L'administration pénitentiaire doit protéger la santé de tous les détenus dont elle a la garde.

Elle s'assure que l'accès aux soins est conforme aux dispositions du code de la santé publique en tenant compte des conditions spécifiques inhérentes à la détention.

Mme Éliane Assassi.  - Le premier alinéa de cet article est trop vague pour répondre à l'urgence sanitaire dans les prisons. A quoi bon répéter ce qui est déjà contenu dans le code de la santé publique qui dans son article R-1112-31 dispose que « les détenus sont hospitalisés en régime commun ». Cet alinéa passe sous silence l'effet dégradant qu'exerce la prison sur la santé des détenus : apparition ou aggravation de manifestations d'auto-agressivité, d'angoisse, de troubles sensoriels, digestifs, musculaires. Les grèves de la faim, de la soif, les automutilations sont fréquentes et les tentatives de suicides sont six à sept fois plus fréquentes que dans la population générale. Plutôt que confirmer le droit des détenus d'accéder au service public hospitalier, la nouvelle loi pénitentiaire devrait lutter contre la dégradation qu'exercent les conditions de détention sur les personnes incarcérées, conformément à la règle pénitentiaire européenne n°39, laquelle dispose que les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elles ont la garde. Nous proposons d'intégrer cette règle dans l'alinéa 1.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le n°42 rectifié apporte des précisions inutiles car déjà incluses dans la mention que fait le premier alinéa au service public hospitalier.

L'article 20 tel qu'il est maintenant rédigé reprend les propositions faites en commission par Mme Borvo ; le groupe CRC est responsable de la rédaction des quatre derniers alinéas. En revanche, la commission n'a pas souhaité retenir ce que propose l'amendement n°234 dans son premier alinéa car il s'agit d'une responsabilité partagée par le service public de la santé.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Depuis la loi de1994, il n'y a plus de « médecine pénitentiaire » et cela a été un grand progrès. En 2009, il y aura plus de 2 500 personnes, médecins, infirmiers, psychiatres etc dans les prisons pour soigner les détenus. On revient de loin, on y a mis des moyens et peu à peu nous progressons même si tout n'est pas encore satisfaisant. Je rappelle que la loi de 1998 avait été votée sans moyens. Les budgets de 2008 et de 2009 ont accordé davantage de moyens pour la santé en prison et, comme il s'agit d'un programme triennal, il en sera de même jusqu'en 2011.

Le n°42 rectifié est inutile puisqu'il reprend les dispositions de l'article L.6112-1 du code de la santé publique. Avis également défavorable au n°234 auquel je viens de répondre.

L'amendement n°42 rectifié n'est pas adopté, non plus que le n°234.

M. le président.  - Amendement n°194, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - En supprimant cet alinéa, on en revient à l'application de plein droit de l'article L.1110-4 du code de la santé publique qui autorise le médecin, en cas de diagnostic mettant en cause le pronostic vital, à déroger au secret médical pour prévenir les proches. Ce faisant, on appliquera aux détenus le droit commun des patients. En effet, il paraît très peu probable que la famille ou les proches tenteront de faire évader d'un hôpital une personne qui y suit un traitement lourd et nécessaire à sa survie. Limiter leur information ne paraît donc pas nécessaire.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le mot :

malade

supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.

M. Claude Jeannerot.  - Même objet que le précédent : encore une convergence avec M. About ! (Sourires)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis favorable au n°194 car le risque d'évasion d'un malade à l'état de santé très dégradé est limité. Retrait de l'amendement n°124 qui n'est pas exactement le même et auquel je préfère celui de M. About.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le code de la santé publique, en son article 1110-4 permet déjà de violer le secret médical en cas de pronostic grave, et ce code s'applique aux détenus comme aux autres patients. Mais il est nécessaire de ne pas communiquer les dates de transfert ou d'hospitalisation aux familles et aux proches afin d'éviter les évasions et de protéger tant le détenu que ses proches et le personnel pénitentiaire ou médical. En octobre 2008 un transfèrement à Villepinte a été l'occasion d'une évasion. Je n'ai pas d'exemple de famille qui se soit plaint de ne pas avoir d'information sur l'état de santé d'un détenu mais je suis opposée à la communication des dates de transfèrement, pour des raisons de sécurité. Retrait du n°194 et avis défavorable au n°124 qui va encore plus loin.

M. Claude Jeannerot.  - Nous retirons le n°124 au profit du n°194.

L'amendement n°124 est retiré.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu. Ce n'est pas au médecin -en a-t-il d'ailleurs connaissance ?- de donner aux familles des informations sur les dates et heures des transfèrements. L'article 1110-4 du code de la santé publique ne concerne, me semble-t-il, que les personnes en fin de vie ; l'exemple apporté par Mme la garde des sceaux ne paraît donc pas pertinent. J'ai vu en prison des détenus de 80 ans prostrés en position foetale depuis des mois, qu'on voit mal s'évader en courant lors d'un transfèrement. Je m'en remets au Sénat. Je ne suis qu'un médecin, je sais ce qu'est une situation médicale grave et veux tout ignorer des horaires de transfèrement...

L'amendement n°194 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°195, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Au début du troisième alinéa de cet article, après les mots :

La qualité

insérer les mots :

, la permanence

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Après avoir vu ce qu'est la vie en prison, ce qu'est aussi le fonctionnement des unités de soins ou des services médico-psychologiques, songeant aux maladies qu'on trouve en prison et disparues ailleurs, aux situations psychiatriques lourdes, à la détresse et aux risques suicidaires, nous avons pensé qu'il fallait garantir la permanence des soins dans les établissements. Et pour cela nous accrocher à l'excellente rédaction élaborée pour l'article 20 par la commission des lois. Mais on nous a expliqué que notre proposition reviendrait à imposer partout, à cause des derniers mots de l'alinéa, un service de réanimation, un bloc opératoire, que sais-je encore. Nous avons vu planer l'ombre de l'article 40...

Je me suis dit alors que j'avais peut-être emporté la commission des affaires sociales un peu loin, qu'il fallait être plus raisonnable ; j'ai pensé qu'on pouvait simplement souhaiter la présence effective et permanente au sein des établissements d'un professionnel de santé. Et c'est là qu'on m'a opposé l'article 40 ! Pour un infirmier, alors qu'on ne l'avait pas fait pour un bloc ! C'est pour tout dire assez...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cocasse !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Irritant !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Irritant, en effet. Dois-je rappeler que la santé en prison est entièrement entre les mains du service public hospitalier ? Sait-on le temps qu'il faut pour venir du centre de rattachement ou pour y amener un malade ? La médecine de ville ne veut plus intervenir, il y a trop de contraintes, c'est loin, c'est peu rentable... Le risque est là, dans tout ce temps perdu ! Il est d'ailleurs possible que certains suicides eussent pu être évités s'il y avait eu un professionnel sur place... Un détenu qui arrive le vendredi ne verra un professionnel de santé que le lundi ; quand on sait que les 48 premières heures sont les plus risquées pour les primo-détenus, on peut se demander si la mission de santé est bien assurée ! Et on libère des gens en fin d'après-midi, sans suivi médical, sans ordonnance, alors que certains peuvent avoir un traitement en cours ou prendre des produits de substitution...

En regrettant qu'on ait jugé bon d'opposer l'article 40 à une proposition qui paraissait raisonnable, je maintiens mon amendement, en espérant qu'on trouve une meilleure formule au cours de la navette.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - J'ai quelque scrupule à m'exprimer après le plaidoyer du président About. Je sais hélas, comme beaucoup d'élus ruraux, que la permanence des soins n'est pas assurée pour l'ensemble de la population.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je préfère être détenu dans un canton qu'en prison...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - J'ai été longtemps responsable d'un service d'incendie et de secours ; qu'est-ce qu'on fait en cas de problème ? On appelle les pompiers, et ce sont eux qui emmènent le malade à l'hôpital, détenu ou vieillard d'une maison de retraite.

Quant aux paradoxes de l'article 40, qui commencent à nous donner des cheveux blancs, je n'y suis pour rien... Un article qu'il n'est pas interdit d'invoquer en séance...

M. le président.  - Quelle que soit l'appréciation que nous portons les uns et les autres sur le discernement avec lequel l'article 40 est appliqué, je vous suggère de ne pas engager le débat maintenant... mais il est clair que nous devrons l'avoir.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission s'est demandée s'il n'y avait pas redondance entre la notion de « continuité », introduite sur la suggestion du groupe CRC-SPG, et celle de « permanence ». Elle s'en était remise à la sagesse du Sénat. Pour compléter le propos du président Hyest, je connais dans mon département urbain du Nord nombre de maisons de retraite où la permanence des soins au sens où l'entend le président About n'est pas assurée.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - La permanence, c'est le retour à la médecine pénitentiaire d'avant 1994...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Mais non ! J'ai parlé d'un professionnel de santé, pas nécessairement d'un médecin !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce qui a de toute façon un coût budgétaire...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Pas du tout ! Il suffit de répartir sur 24 heures les moyens existants !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Vous débattrez bientôt d'un texte sur l'hôpital, où la question de l'organisation de la permanence des soins pour l'ensemble de la population sera évidemment abordée. L'amendement y aura mieux sa place. Avis défavorable.

L'amendement n°195 est adopté.

M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les détenus sont affiliés obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime général à compter de la date de leur incarcération dans les conditions régies par le code de la sécurité sociale.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Même si cette règle existe déjà, il me semble important qu'elle soit intégrée à la loi pénitentiaire. Le bénéfice d'une couverture santé est le premier pas vers la prise en charge sanitaire des détenus.

L'affiliation doit être immédiate et systématique, et les soins intégralement pris en charge.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'affiliation au régime général est déjà obligatoire. L'amendement est satisfait : retrait ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°125, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes souffrant de maladies mentales et dont l'état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet.

Si ces personnes sont néanmoins exceptionnellement détenues dans une prison, leur situation et leurs besoins doivent être régis par des règles spéciales.

M. Claude Jeannerot.  - Il s'agit de nous mettre en accord avec la règle pénitentiaire européenne n°12. De nombreux rapports ont dénoncé la souffrance psychique dans l'univers carcéral, et le commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe recommande que notre pays augmente les moyens qu'il consacre aux soins en prison.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La situation actuelle n'est certes plus tolérable. On recommande aux jurys d'assises de déclarer les accusés responsables quel que soit leur état mental, pour mieux protéger la société !

Les unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) risquent d'entretenir le cercle vicieux. Il faut créer des hôpitaux psychiatriques-prisons ! Les malades mentaux les plus lourds ne doivent pas entrer dans le monde carcéral. En Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne, où je me suis rendu avec Mme Boumediene-Thiery et M. Badinter, des malades mentaux qui ont commis des infractions graves sont placés dans des établissements purement médicaux, avec une protection périphérique. La plupart ne guérissent pas, et ne sortent donc pas. En prison, ils compliqueraient la tâche des surveillants et, une fois leur peine purgée, seraient tout aussi dangereux !

On ne peut traiter au détour d'un amendement le problème de la santé mentale dans les établissements psychiatriques. Nous n'échapperons pas à un débat parlementaire spécifique sur ce point. En attendant, retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je suis d'accord avec le rapporteur. Il faut s'atteler à la réforme de la loi sur la santé mentale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Absolument.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Mais cette question pose aussi celle de la procédure pénale : le juge d'instruction est lié par l'avis des experts. Si la personne n'est pas déclarée irresponsable, il est tenu de la renvoyer devant les assises.

Si des troubles mentaux apparaissent pendant la détention, il peut y avoir hospitalisation d'office. A leur sortie de l'hôpital, les détenus reviennent en prison purger leur peine. Il est vrai que, guéris ou non, ils restent rarement hospitalisés... (M. le rapporteur pour avis le déplore)

C'est pourquoi nous mettons en place les hôpitaux-prisons : il y aura 710 places d'ici fin 2011. Défavorable à l'amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Dans les années 60, 17 % des criminels étaient considérés comme irresponsables ; aujourd'hui, ils sont 2 % ! Ce n'est pas sans raison. Pour avoir participé à la réforme du code pénal, je me souviendrai toute ma vie de l'article 64. On a renoncé, dans notre pays, aux milieux fermés ; résultat, plus quelqu'un représente un danger pour la société, plus on a tendance à le condamner, les juges comme les jurés, alors que l'on peut pourtant imputer des faits sans engager la responsabilité.

Les hôpitaux-prisons, très bien, mais la plupart des pays européens n'ont pas abandonné le milieu fermé. On ne peut traiter la question des détenus fous et des fous détenus au détour d'un amendement. Il faudra y revenir lors de la réforme de l'hospitalisation psychiatrique.

M. Claude Jeannerot.  - Le rapporteur a fait un lapsus révélateur, en parlant d'établissements « psychiatriques » au lieu de « pénitentiaires »... Preuve que la prison a pris le relais de l'hôpital psychiatrique ! Cet amendement ne réglera pas la question, j'en conviens, mais je le maintiens néanmoins pour prendre date car il faudra un débat sur la santé mentale en prison.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le rapporteur, la ministre, le président de la commission sont prêts à faire le même constat -et à renvoyer le problème à un autre texte. Ce sujet a déjà été débattu lors de la loi sur la rétention de sûreté. La prison remplace l'hôpital psychiatrique fermé. Invoquer la question de la responsabilité pénale, c'est se cacher derrière son petit doigt ! Nous avons refusé l'aggravation pénale car c'est un faux-semblant.

Votre politique pénale se veut d'une grande sévérité envers les délinquants, confondus avec les malades mentaux. On ne peut pas ne pas mettre en détention des gens qui ont commis des crimes abominables, dites-vous. Peut-être la population se sent-elle plus à l'abri ainsi ?

Nous ne sommes pas quittes du réel. Le problème reste inextricable pour l'administration pénitentiaire. Quel sens y a-t-il à mettre en prison une personne profondément malade, qui a besoin d'être traitée ? Même si les psychiatres, qui n'y peuvent mais, désemparés par le manque de leurs lits, dont on ferme un nombre de plus en plus important, se demandent parfois si la prison ne vaut pas mieux que la rue.

Après avoir fait la démonstration que la prison ne peut pas traiter ces malades, on invente des lieux de relégation où l'on promet qu'après leur peine, ils seront traités ! Il faut parvenir, dans notre code de procédure pénale, à une situation plus claire et plus sereine, comme l'ont fait bien d'autres pays qui n'enferment pas les malades en prison.

L'amendement n°125 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°126 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les services médicaux de la prison ont vocation à dépister et à traiter les maladies physiques ou mentales ainsi que les déficiences associées.

Il doit pouvoir être garanti à chaque détenu l'accès aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis.

M. Claude Jeannerot.  - Amendement de principe qui reprend les règles pénitentiaires européennes nos40-4 et 40-5. Nous mettons l'administration pénitentiaire sous contrainte pour garantir à chaque détenu l'accès aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'objectif est couvert par les dispositions introduites à l'article 20 par la commission des lois, à l'initiative de Mme Borvo Cohen-Seat. Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°126 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque prison dispose des services d'au moins un médecin généraliste.

Des dispositions doivent être prises pour s'assurer à tout moment qu'un médecin diplômé interviendra sans délai en cas d'urgence.

Les prisons ne disposant pas d'un médecin exerçant à plein temps doivent être régulièrement visitées par un médecin exerçant à temps partiel.

M. Claude Jeannerot.  - Nous reprenons la règle pénitentiaire européenne n°41. J'attire l'attention sur l'avant-dernier alinéa, qui suppose que l'on prévoie, au-delà du recours au médecin généraliste, l'appel à un spécialiste -je pense en particulier à la psychiatrie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On recrée la médecine pénitentiaire !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait. Ces dispositions sont d'ordre réglementaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°127 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°197 rectifié bis, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Notre commission vous propose qu'il ne puisse être demandé aux médecins et personnels soignants d'accomplir des actes sans lien avec les soins, qui détruiraient toute crédibilité et nuiraient au lien de confiance qui doit s'établir entre médecin et patient.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - J'observe que cet amendement, dont la commission jugeait la rédaction initiale trop générale, a été rectifié pour tenir compte de ses observations, mais je rappelle qu'elle a déjà donné un avis favorable à l'amendement n°206 à l'article 24, du même auteur, qui prévoit que le médecin appartenant à l'hôpital de rattachement auquel il est fait appel pour des actes autres que les soins ne participe pas aux soins en milieu carcéral. Où va la préférence du président About ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - A cet amendement n°197 rectifié bis, dont l'adoption rendrait en effet le n°206 superflu.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Entendons-nous bien sur la signification des termes d'« acte dénué de lien avec les soins » : il ne faudrait pas que ces dispositions empêchent la participation des médecins aux réunions d'information professionnelle, indispensables à la bonne prise en charge des patients.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Bien entendu. Il ne s'agit que d'éviter, pour donner un exemple, que le directeur d'un établissement appelle le médecin pour lui demander de pratiquer une fouille des cavités naturelles sur son patient. Vous comprendrez que cela poserait un vrai problème. L'amendement ne vise nullement, en revanche, à interdire la participation des médecins à des réunions de réflexion.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Pour la bonne information de nos collègues, je rappelle que la commission ayant jugé, à l'article 24 relatif aux fouilles, que celles-ci ne pouvaient être réalisées que par un médecin requis à cet effet, elle avait donné un avis favorable à l'amendement de M. About qui précisait que ce médecin ne devait pas participer aux soins. Elle aimerait entendre l'avis du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'attire l'attention sur l'amendement n°197 rectifié bis, qui pourrait avoir des effets collatéraux dommageables. Il est indispensable que les médecins puissent, si l'on veut éviter des drames, donner des informations indispensables au juge d'application des peines pour les réaménagements de peine et la réinsertion. Il ne faudrait pas que demain, ils ne puissent plus participer aux commissions interdisciplinaires. Ce serait une véritable régression et c'est pourquoi je suis totalement opposée à cet amendement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Sans doute parce que j'ai été éduqué par des jésuites...

M. le président.  - Personne n'est parfait !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - ...je perçois une différence entre un acte médical et une action telle que la participation à une réunion. Or on fait semblant de ne pas le comprendre... Mon amendement ultérieur n°206 a dû être restreint pour échapper à l'article 40 mais il faudra écrire à cette occasion que l'on interdit la pratique des fouilles au corps, ainsi les choses seront-elles parfaitement claires.

M. Robert Badinter.  - Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'insiste sur les risques de cet amendement. Quand un médecin doit estimer si l'état d'un détenu est compatible avec le placement en quartier disciplinaire, est-ce un acte ou une action ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Vous savez bien que les médecins s'y refusent.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Non. A Melun, lorsqu'une commission plurisciplinaire effectue une évaluation de dangerosité, le médecin doit signer un document.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Il se prononce sur le maintien en quartier disciplinaire, mais se refuse à être à l'origine de la punition.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - On a déjà eu du mal à faire participer les médecins à la prévention du suicide ou à l'amélioration de la sécurité des détenus... Nous pouvons préciser dans l'article 24 qu'il ne peut leur être demandé de pratiquer des fouilles au corps, mais il serait regrettable d'adopter cet article additionnel.

Si le juge d'application des peines demande au médecin de signer un document, considère-t-on qu'il s'agit d'un acte ou d'une action ? Des drames risquent de se produire à nouveau.

M. le président.  - Ce débat est passionnant, mais demande à être clarifié, d'autant que j'ai noté plusieurs demandes d'explication de vote. Pour éviter d'effectuer en séance un travail de commission, nous devrons nous prononcer sur le texte déposé.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous traitons ici du coeur de la partie santé de ce projet de loi. Pour éviter les confusions, je peux rectifier mon amendement en le rédigeant ainsi : « Un acte dénué de lien avec les soins, la préservation de la santé du détenu ou les expertises médicales, ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral. »

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°197 rectifié ter.

M. Alain Anziani.  - Nous sommes un certain nombre à avoir compris ce dont parle Nicolas About, et il a raison d'insister. Les arguments qui lui sont opposés sont surtout techniques. Nous ne voulons pas nous situer en retrait de sa proposition, mais notre amendement n°128 rectifié pourrait régler certaines questions.

M. Hugues Portelli.  - J'ai bien compris le sens de l'amendement du président About. Le problème sera réglé si lors de l'examen de l'article 24 on interdit dans tous les cas les fouilles au corps, ce que je souhaite.

M. Claude Jeannerot.  - Nous donnons raison au président About, et notre amendement suivant, n°128 rectifié, réunit l'ensemble des arguments exposés. Tout d'abord, l'accès des détenus à la santé est organisé par la loi du 18 janvier 1994. Ensuite, le code de déontologie médicale prévoit que « nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d'un même malade. Un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, d'un de ses proches, d'un de ses amis ou d'un groupement qui fait habituellement appel à ses services ». Ces règles assurent l'étanchéité absolue de la fonction de médecin traitant et des actes d'expertise à la demande de l'administration pénitentiaire.

Mme Virginie Klès.  - Plutôt que de chercher à distinguer l'acte médical de l'action, il nous faut prendre en compte leur objectif. Si un acte ou une action est destiné à évaluer la santé du détenu pour savoir s'il risque de se suicider ou s'il peut supporter un quartier disciplinaire, il s'agit bien d'un soin.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous sommes tous d'accord : il est hors de question de demander au médecin traitant de participer aux mesures de sécurité ou de pratiquer une fouille corporelle interne, au risque de rompre l'indispensable lien de confiance qu'il entretient avec son patient.

Les craintes de Mme la ministre quant aux répercussions de l'adoption de cet amendement sur le fonctionnement quotidien des prisons sont justifiées : le médecin pourrait en effet se défausser lorsqu'il s'agit d'estimer si un détenu est apte à l'encellulement collectif -nous avons tous en mémoire les événements de Rouen- ou si, à l'inverse, l'encellulement individuel est dangereux pour une personne suicidaire.

Comme Hugues Portelli, je pense que si l'amendement ultérieur de Nicolas About interdisant les fouilles au corps est adopté, la question sera réglée. Auquel cas, cet amendement peut être retiré ou rejeté.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Cela pose un problème, car l'amendement n°206 n'est pas satisfaisant. Pour contourner l'article 40, j'ai dû le réécrire en y intégrant une aberration : c'est le médecin de l'hôpital de rattachement qui devra intervenir... et on l'attendra longtemps ! Soit on adopte l'amendement n°206 tel quel, ce qui lui ôte tout intérêt dans la pratique, soit le Gouvernement reprend l'objet à son compte pour contourner l'irrecevabilité. L'amendement n°128 rectifié n'est pas satisfaisant en ce qu'il ne mentionne pas le personnel infirmier.

Je maintiens cet amendement-ci.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Comment prévenir efficacement les violences, comment préparer une bonne réinsertion si l'on ne dispose pas des informations les plus complètes ? Certains médecins en donnent très peu. Or, pour choisir les activités par exemple, on a besoin de connaître la personnalité du détenu et elle peut être éclairée par le médecin. Dans un établissement pénitentiaire, toutes les catégories de personnel sont amenées à travailler ensemble. Cette rédaction restrictive risquerait d'engendrer un nouveau cloisonnement.

Peut-on placer un détenu à l'isolement, en quartier disciplinaire, en activité ? Si le médecin ne donne pas son avis et qu'un suicide se produit, ce sera encore la faute de l'administration pénitentiaire ! Il ne faut pas adopter cet amendement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Les sénateurs sont tous d'accord entre eux ; je ne suis pas certain qu'ils soient d'accord avec Mme la ministre. Mais puisque nous partageons l'intention de préciser, dans un amendement à venir, qu'il n'est pas possible d'imposer au médecin de procéder à une fouille au corps, je retire l'amendement n°197 rectifié ter. (Protestations sur les bancs socialistes) J'espère que nous serons alors tous solidaires. Pour l'heure, je ne veux pas porter la responsabilité d'une rupture entre les catégories de personnel -quoique, à mon avis, les relations sont bonnes quand les gens sont intelligents et mauvaises quand ils ne sont pas à la hauteur.

L'amendement n°197 rectifié ter est retiré.

M. Alain Anziani.  - Je reprends l'amendement !

L'amendement n°197 rectifié quater est adopté et devient article additionnel.

L'article 21 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°128 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un médecin traitant est désigné pour chaque détenu.

Le médecin traitant ne peut être appelé à pratiquer des examens ordonnés par l'autorité judiciaire ou l'administration pénitentiaire sur le détenu dont il assure le suivi.

M. Claude Jeannerot.  - Il est satisfait par l'adoption du n°197 rectifié quater.

L'amendement n°128 rectifié est retiré.

Article 22

Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique relatives à l'aide d'une personne malade, empêchée d'accomplir elle-même des gestes liés à des soins médicaux, la désignation de l'aidant est subordonnée à une autorisation de l'administration pénitentiaire.

M. le président.  - Amendement n°129, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

La désignation de l'aidant est de droit, sauf décision contraire du chef d'établissement, spécialement motivée.

M. Claude Jeannerot.  - Il s'agit de l'application dans les prisons de l'article L. 1111 du code de la santé publique. Les handicapés incarcérés souffrant d'une limitation fonctionnelle des membres supérieurs ne peuvent accomplir eux-mêmes certains soins médicaux. Ils doivent pouvoir s'adresser à un aidant, il y va du respect de leur dignité. Cet amendement est aussi une application des règles pénitentiaires européennes. Auprès de qui le détenu fait-il sa demande : gardiens, gradés, directeur ? Des précisions s'imposent.

M. le président.  - Amendement n°196, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le détenu faisant fonction d'aidant peut être rémunéré par l'administration pénitentiaire.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Lorsqu'un handicapé demande de l'aide à un autre, il est rançonné, il faut donc que la fonction soit rémunérée, comme l'est la distribution des repas, par exemple. La mission est noble, elle doit être reconnue.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait du n°129, l'intervention d'une personne extérieure requiert une autorisation préalable ; et dans les faits, il n'y a aucune raison que le directeur s'oppose au choix de la personne. Quant au n°196, il donne seulement une faculté, or elle existe déjà. Retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même position, pour les mêmes raisons.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Certaines unités de consultation et de soins sont situées en étage, accessibles seulement par des escaliers... Les handicapés ne peuvent faire autrement que de demander l'aide des autres. Quant à la rémunération, certains directeurs ne la croient pas réglementaire.

M. Pierre Fauchon.  - « Aidant » est-il le terme consacré ? S'il est l'équivalent de « assistant », choisissons ce dernier, par considération pour la langue française.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Mais c'est le terme consacré...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Dans le code !

L'amendement n°129 est adopté et devient l'article 22.

L'amendement n°196 devient sans objet.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°130, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les traitements médicaux prescrits avant l'incarcération par un médecin généraliste ou un spécialiste sont poursuivis en détention.

Leur interruption peut engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire.

M. Claude Jeannerot.  - Nous affirmons ici le principe de la continuité des soins. La commission consultative des droits de l'homme estime qu'il faut l'appliquer strictement ici.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il est mentionné à l'article 20 et l'amendement est donc satisfait. Retrait. Je signale que si une personne est incarcérée un vendredi soir, la responsabilité de l'administration sera systématiquement engagée alors qu'elle n'y est pour rien...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Totalement défavorable ! L'administration assume suffisamment de responsabilités.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Faute de permanence des soins, si l'arrivant, le vendredi soir, n'apporte pas ses médicaments, il n'aura pas de traitement durant le week-end. C'est le lundi matin que la poursuite ou l'interruption du traitement sera étudiée. Mais pour l'intervalle, la responsabilité peut être engagée : il faut régler le problème.

L'amendement n°130 est adopté et devient un article additionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je demande une suspension de séance.

M. Louis Mermaz.  - Pour battre le rappel...

La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 40.

Rappel au Règlement

M. Louis Mermaz.  - Pouvez-vous, monsieur le président, nous éclairer sur la suite de nos travaux ? On parle d'aller jusqu'à l'aube, cela me paraît de folle méthode.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Compte tenu du nombre d'amendements qui restent à examiner, des amendements qui ne sont pas de détail, il est irréaliste d'espérer finir ce soir à une heure raisonnable -autour d'une heure-, mieux vaut donc nous arrêter vers minuit et demi et reprendre demain matin. La séance qui devait « éventuellement » avoir lieu demain perdrait ainsi son caractère éventuel.

M. le président.  - Et la commission des lois aurait supprimé un adverbe ! (Sourires)

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels (Suite)

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucune exception ne peut être opposée au secret médical des détenus par le service public pénitentiaire.

M. Claude Jeannerot.  - Le principe éthique du secret médical existe dans l'intérêt premier du patient qu'il protège des effets de la divulgation d'informations intimes. En cela, le secret est une nécessité technique de l'exercice des soins, dont il conditionne souvent la qualité.

Dans les prisons, le respect du secret médical n'est pas toujours bien perçu. De son existence dépend aussi l'applicabilité de certains dispositifs, comme la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui prévoit que des remises de peines peuvent être accordées à un détenu qui, présentant une pathologie d'addiction, accepte de suivre un traitement. Il s'agit bien là d'informations couvertes par le secret médical !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Défavorable, d'abord parce que cet amendement ne tient pas compte de la loi sur la rétention de sûreté, ensuite parce qu'il contredit un amendement About qui a été voté tout à l'heure. Où serait la cohérence ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cet article aurait pour effet de créer un régime du secret médical spécial pour les détenus : la règle valant pour tout le monde, il n'y a pas à spécifier la manière dont elle vaut pour les détenus.

M. le président.  - Je n'ai pas à intervenir dans le débat mais il me semble, monsieur Jeannerot, que l'argument du rapporteur est dirimant.

M. Claude Jeannerot.  - Je n'insiste pas.

L'amendement n°131 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque des soins sont dispensés à des personnes détenues pendant les extractions médicales, ils le sont dans le respect de la dignité humaine.

M. Claude Jeannerot.  - Nous mettons un terme à des pratiques observées.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable : l'amendement est satisfait tant par le troisième aliéna de l'article 20 que par l'article 10, avec les garanties nouvelles apportées quant au respect de la dignité humaine.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement est satisfait par cette rédaction nouvelle.

L'amendement n°132 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°133, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque les personnes détenues ont subi des violences physiques, mentales ou sexuelles, l'administration pénitentiaire doit favoriser leur accès aux services spécialisés.

M. Claude Jeannerot.  - Nous suivons la règle pénitentiaire européenne n°34-2.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement en retrait sur le droit actuel qui prévoit une obligation incontournable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je préfère obliger plutôt que favoriser. Avis défavorable.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°133 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 137
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Hugues Portelli.  - Je souhaite que la modification du Règlement définisse très précisément la procédure des scrutins publics. Le Conseil constitutionnel serait très intéressé par les conditions dans lesquelles ils se déroulent actuellement. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement que les lecteurs de nos débats méditeront.

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels (Suite)

M. le président. - Amendement n°198 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une visite médicale obligatoire est organisée avant que le détenu ne soit libéré.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Un tel examen est souhaitable pour assurer la poursuite des traitements et favoriser la réinsertion par la continuité du suivi médical.

M. Jean-René Lecerf.  - La commission avait été défavorable à la rédaction initiale parce qu'elle ne voyait pas comment rendre obligatoire une visite après la sortie et s'inquiétait des droits à la protection sociale des détenus libérés, qui étaient subordonnés à cette visite. Elle n'a pas examiné la rectification mais, à titre personnel, j'y suis favorable car il évitera les situations ubuesques ou dramatiques, de la prothèse dentaire qu'on ne pourra poser à cause d'une sortie de prison un vendredi au traitement interrompu, situations que décrit votre avis.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis favorable à l'amendement s'il est ainsi rectifié.

Adopté, l'amendement n°198 rectifié devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°199, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes détenues peuvent, après avis médical et sur autorisation du directeur régional des services pénitentiaires, faire appel à un autre praticien que ceux appartenant aux unités de soins en milieu carcéral et à leurs hôpitaux de rattachement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Certains détenus étaient suivis par des spécialistes et ne peuvent recevoir les soins appropriés en prison. Nous proposons donc une dérogation au système mis en place en 1994.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cela ne relève pas du domaine de la loi. Retrait ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - C'est en effet déjà prévu par les articles D.365 et D.381 du code de procédure pénale.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Oui, mais il faut une autorisation expresse du ministre de la justice. Cela me paraissait très lourd mais je n'en fais pas une affaire.

L'amendement n°199 est retiré.

M. Alain Anziani.  - Nous le reprenons.

Après une épreuve à main levée, déclarée douteuse, l'amendement n°199 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°200, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque détenu dispose d'un dossier médical électronique unique.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Le projet est simple : plaçons le malade au coeur de nos préoccupations et évitons les querelles entre spécialistes, généralistes, psychiatres, etc.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission demande avec humilité l'avis du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il serait prématuré de l'imposer pour les détenus, qui sont des patients comme les autres, alors que le dossier médical unique n'est pas encore prêt.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous l'avons imposé pour la population générale, pour laquelle ce dossier est compliqué à mettre en oeuvre. Mais nous avons là, d'un côté de la prison, une Unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) et de l'autre, un Service médico-psychologique régional (SMPR). Et il n'y a le plus souvent aucun lien ente les deux ! On peut tout de même leur imposer une ligne informatique unique ! Le directeur de prison se décharge de cette responsabilité sur l'hôpital de rattachement. Quelquefois le médecin et le psychiatre partagent le même bureau ! Et le détenu ne pourrait pas avoir un dossier médical unique ! 

L'amendement n°200 est adopté.

M. le président. - Amendement n°201, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les hôpitaux en charge des unités de soins en milieu carcéral passent, pour les matériels mis à disposition de ces unités, un contrat d'entretien spécifique.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - De trop nombreux matériels de soins implantés dans les UCSA et les SMPR ne sont pas en état de fonctionnement. Nous proposons qu'ils bénéficient d'un contrat d'entretien spécifique. On ne pourra m'opposer l'article 40 parce que ces contrats sont moins chers que les extractions dont chacune coûte entre 450 et 1 500 euros.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je comprends l'objectif mais, là, nous tombons du 34 au 37 !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - M. About a raison mais nous ne pouvons, dans une grande loi pénitentiaire, descendre au niveau règlementaire. Après avoir signalé fortement la nécessité d'entretenir ces matériels, pourriez-vous envisager de retirer votre amendement ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - J'essayais de faire faire des économies à la Pénitentiaire... D'accord, cette disposition n'est pas du niveau de la loi mais il faut demander aux ARH et aux futures Agences régionales de santé de prévoir un budget suffisant pour l'entretien du matériel des UCSA et de veiller à ce que les crédits ne soient pas, comme cela arrive, détournés pour l'hôpital de rattachement... Je retire l'amendement.

M. Alain Anziani.  - Nous le reprenons ! Les amendements mûrement réfléchis d'un homme de l'art si avisé que M. About mérite davantage de respect.

M. Pierre Fauchon.  - J'ai beaucoup de respect pour M. About, mais davantage encore pour les principes fondamentaux de la loi. Ici, ce sont les droits de l'homme qui sont en cause ; il ne faut pas y mêler ces histoires de crédits et d'économies. C'est sans doute par malice que vous reprenez l'amendement. Renoncez à votre malice et restez au niveau des droits de l'homme qui, seuls, justifient le travail de notre assemblée et fondent sa compétence. (Applaudissements à droite).

L'amendement n°201 rectifié n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°202, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 juillet 2009, le Gouvernement présente au Parlement un plan d'équipement des unités de consultation et de soins ambulatoires et des services médico-psychologiques régionaux en moyens de télémédecine pour les années 2009 à 2014.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Pour surmonter les obstacles liés à l'isolement des unités de soins en milieu carcéral, il faut les faire bénéficier le plus rapidement possible des bénéfices de la télémédecine. Nous proposons qu'un plan d'équipement des UCSA et des SMPR en moyens de télémédecine soit élaboré par le Gouvernement pour la période 2009-2014.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous remontons de la circulaire au décret mais nous ne sommes toujours pas dans le domaine de la loi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je le retire.

M. Alain Anziani.  - Nous le reprenons.

L'amendement n°202 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°203, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après avis médical, les détenus ayant effectué un séjour continu de plus de douze mois dans un service médico-psychologique régional sont placés dans des établissements spécialisés hors du milieu carcéral pour la durée restante de leur peine, dans des conditions définies par décret.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous remontons d'un cran... Une durée anormalement longue de séjour au sein d'un SMPR révèle une telle inadaptation au milieu carcéral qu'elle remet en question, à mon sens, la validité de la décision d'incarcération. Nous proposons donc qu'un détenu ayant passé plus de douze mois consécutifs dans un tel service soit réorienté vers un établissement de soins spécialisé dans des conditions définies par décret.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il n'est pas bon de faire référence à un cas anormal dans la loi car cela contribuerait à le consacrer. De plus l'amendement est trop imprécis. Les UCSA n'ont pas vocation à recevoir les longs séjours. Notre commission avait préconisé la création de telles unités pour des longs séjours. Mais cet amendement comme le n°125 amènent à s'interroger sur la présence en milieu pénitentiaire de malades reconnus responsables... J'attends en fait une grande réforme Justice, Santé, Intérieur... Retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Notre programme de 700 places d'hôpital-prison permettra d'ouvrir deux unités en 2009 et 2010, et le reste en 2011 et 2012.

L'amendement prévoit de placer ces personnes « hors milieu carcéral ». C'est gênant car se poserait alors le problème du statut de ces personnes après ces douze mois. Où finiraient-elles leur peine ? Mais la suspension de peine dépend de l'autorité judiciaire...

M. Nicolas About, rapporteur.  - Si le condamné a passé douze mois en SMPR, c'est qu'il y a eu erreur dans la décision d'incarcération !

Aux Baumettes, j'ai vu quelqu'un qui était depuis huit ans dans la même cellule du SMPR. Huit ans ! En sortant de là, je me suis dit qu'il fallait absolument que les magistrats aillent visiter les prisons ! Tel a été le sens du premier amendement que j'ai fait voter. Comment ce brave homme (Mme Catherine Procaccia s'exclame) -c'est le médecin qui parle d'un malade-, comment cet homme a-t-il pu passer là toutes ces années ? Je vais retirer l'amendement mais ces situations, qui résultent à mon sens d'une mauvaise condamnation, d'une mauvaise décision judiciaire, ne sont pas dignes de notre société.

L'amendement n°203 est retiré.

La séance est suspendue à 19 h 15.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Article 23

............. Supprimé ...............

M. le président.  - Amendement n°59 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

I. - Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le droit de propriété des détenus doit être respecté.

Les biens dont les détenus sont porteurs à leur entrée dans un établissement pénitentiaire sont conservés et mis à leur disposition par l'administration pénitentiaire dans les conditions définies à l'article 18 bis.

À leur sortie de prison, les détenus se voient remettre leurs réalisations, quel qu'en soit le support.

II. - En conséquence, rétablir une division et son intitulé ainsi rédigés :

Section 6

Des biens

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le respect du droit de propriété des détenus implique qu'ils puissent faire conserver leurs biens ou les utiliser au cours de leur détention. Je connais un détenu qui a attendu un an avant de récupérer son ordinateur...vide, donc inutilisable ! Il faut bien entendu que le bien soit rendu en son état initial.

L'administration doit également garantir aux détenus la possibilité de détenir leurs oeuvres de l'esprit, à l'instar des oeuvres plastiques récemment exposées au musée des Abattoirs, à Toulouse.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Défavorable. Il s'agit de dispositions d'ordre réglementaire, que l'on ne peut envisager de promouvoir au niveau législatif sans toilettage préalable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - La conservation des biens n'entre pas dans les attributions du greffe pénitentiaire. Défavorable.

A la demande de la commission, l'amendement n°59 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 138
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°204, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Avant l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 juillet 2009, le Gouvernement présente au Parlement un plan d'équipement des prisons en moyens de détection électronique, pour les années 2009 à 2014, permettant d'éviter les fouilles à corps.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Texte même.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission des lois partage votre objectif, mais cette mesure ne relève pas du domaine de la loi. Plus l'encadrement des fouilles à corps sera strict, plus le Gouvernement sera contraint de hâter l'équipement des prisons en moyens électroniques.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable, pour les mêmes motifs.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je le retire, à regret.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous le reprenons !

M. Louis Mermaz.  - Nous sommes souvent soulevés d'émotion par les amendements du docteur About, mais dès que l'avis n'est pas favorable, au moment de passer à l'acte, patatras, il n'y a plus personne ! Il faut pourtant bien en finir avec les fouilles au corps, qui sont une véritable humiliation pour la République. On trouve de l'argent pour toutes sortes de choses, on doit bien pouvoir en trouver un peu pour le respect de la dignité des prisonniers !

M. Richard Yung.  - Cet amendement arrive à point nommé... (M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, demande la parole. Protestations du groupe CRC)... puisque nous allons aborder l'article 24, qui traite de la délicate question des fouilles. Nous avons repris cet amendement... (M. Philippe Dallier se lève. Nouvelles protestations)... parce que nous estimons qu'il offre une solution pour l'avenir.

M. le président.  - Permettez, monsieur Dallier, que M. Yung finisse son propos, et que s'expriment les orateurs qui avaient demandé la parole. Vous l'aurez tout de suite après.

M. Richard Yung.  - Il rassurera aussi le personnel pénitentiaire, qui ne mène pas les fouilles au corps de gaité de coeur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ne jouons-nous pas un jeu de dupes ? Car à quoi bon travailler avec ardeur, comme nous le faisons, sur cette loi, si elle ne s'accompagne ni de moyens, ni d'un échéancier ? Nous avons précédemment posé la question des unités de vie familiale. Il est important de savoir à quel rythme elles seront mises en place et quand elles seront opérationnelles. Le problème est le même sur cette question de la détection électronique : quand ? Et comment ? Hier, madame la ministre, je vous parlais de la maison d'arrêt d'Orléans, dont le taux de surpopulation, un des plus élevés de France, est de 230 %. Voici quelques années, nous avions d'abord trouvé un terrain sur une commune voisine, auquel il fallut bientôt renoncer au motif qu'un tuyau -peut-être le seul tuyau indéplaçable au monde- le traversait. Fort bien. Une nouvelle concertation a eu lieu, les élus se sont beaucoup dépensés et un autre terrain fut trouvé, sur une autre commune voisine. Nous avions alors compris que cette nouvelle maison d'arrêt devait voir le jour en 2012. Telle était en effet, en 2008, la position de votre ministère. Mais voici qu'en décembre 2008, le directeur de l'administration pénitentiaire indique que la date est reportée. Protestation des élus. C'est alors que M. Sarkozy, venu présenter ses voeux aux policiers, aux gendarmes et au personnel pénitentiaire annonce finalement que ce sera 2013 et même, emporté par son élan, 2012 -une meilleure année pour lui, tant mieux si cela peut servir à quelque chose... Vous étiez là, madame la ministre, et pourtant, en février, voilà que vous parlez de 2014. Les élus en ont assez ! Ils veulent savoir, enfin, ce qu'il en sera ! Si vous pouviez nous dire enfin que l'engagement pris depuis cinq ans sera respecté, nous en serions très heureux ! Le même problème se pose pour ce que nous votons dans ce texte. Si l'on décide de mettre en place un système électronique, il faut savoir selon quel échéancier. La crédibilité de cette loi tient aux moyens que l'on y mettra.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous avons déjà eu ce type d'échange. Si vous ne cessez de nous opposer, messieurs de la majorité, la question des moyens, rien n'est possible. S'il fallait attendre que tous les moyens soient réunis pour prendre des décisions, nous serions toujours à courir derrière l'essentiel. S'il existe une technologie qui permet de mettre fin à une humiliation qui déshonore le XXIe siècle, pourquoi s'en priver ? En énoncer, dès à présent, le principe est essentiel. Si au motif que tout cela est complexe et qu'il faut attendre, on ne fait rien aujourd'hui, nous en serons encore, dans quelques années, à déplorer l'existence de la fouille au corps. La commission des finances n'a pas opposé, en amont, l'article 40 : rien ne nous interdit donc de mener le débat.

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances.  - Considérons donc que le doute bénéficie à l'amendement. Il n'en reste pas moins qu'il pose problème, puisqu'il est demandé au Gouvernement de présenter un plan pour la période 2009-2014.

L'amendement n°204 rectifié n'est pas adopté.

Article 24

Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des détenus.

Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique sont insuffisants.

Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet.

M. Louis Mermaz.  - Reconnaissez que si chaque fois que l'on fait une suggestion, on nous oppose l'article 40, il ne reste plus qu'à fermer les portes du Parlement. A pousser au bout cette logique, l'article 40 devrait être invoqué chaque fois que nous respirons, car nos émissions de gaz carbonique sont coûteuses. Foin de cette comédie ! Nous ne sommes pas, que diable ! aux Bouffes parisiens. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'amuse)

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances.  - (Se levant) Qui visez-vous par ces propos ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 40 !

M. le président.  - Monsieur Dallier, vous aurez tout à l'heure la parole.

M. Louis Mermaz.  - Cet article 24 mérite d'être lu et commenté ! « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans l'établissement. » Elles sont, autrement dit, justifiées par la seule suspicion, éminemment subjective, celle-la même qui fit condamner les sorcières de Salem. « Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des détenus. » A la personnalité des détenus ! On en a le frisson ! « Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique sont insuffisants. » Mais qui donc en décide ? « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. » Encore une fois, qui en décide ? « Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet. » Là, vous nous avez simplifié le travail, puisque, ô miracle, l'amendement n°197 rectifié bis a été voté avant que la majorité ne se ressaisisse et que le président Hyest, qui avait eu quelque retard à l'allumage, n'ait recours aux scrutins publics. (M. le président Hyest proteste) Ne vous fâchez pas, vous pourrez demander, à la fin du débat, un droit de parole pour fait personnel : ce temps ne vous sera pas compté...

Le groupe socialiste a déposé un certain nombre d'amendements visant à réduire au maximum la dangerosité de cet article. Ainsi, son amendement n°134 prévoit que la fouille des cellules ne pourra avoir lieu qu'en présence des personnes visées. Et que l'on ne nous oppose pas que ces personnes pourraient, en cas d'émeute, se trouver sur le toit : à force de toujours chercher le cas exceptionnel, on finira par ne plus pouvoir légiférer !

Le détenu doit être présent lors de la fouille de sa cellule, qui ne doit pas concerner ses effets personnels.

Un autre amendement prévoit que les fouilles intégrales soient spécialement motivées. En outre, les méthodes de détection électronique doivent être employées au plus vite. On n'oserait pas demander aux passagers d'un avion de se déshabiller avant de monter à bord...

Les critiques émanant des institutions européennes sont à l'origine de ce débat, que l'on aurait sinon sans doute encore repoussé. Ainsi, en décembre 2007, le Comité européen pour la prévention de la torture a rapporté les dires d'un détenu de la maison d'arrêt de Fresnes, placé à l'isolement, qui aurait été fouillé à corps quatorze fois en un mois. De nombreux détenus se sont plaints de faits semblables.

Une grande latitude est laissée par ce texte pour la fouille des locaux à l'administration pénitentiaire, qui agit par délégation du ministère de la justice. En outre, les surveillants souhaiteraient être autre chose que des porteurs de clés. Il serait préférable de se conformer aux recommandations des institutions européennes.

Nous espérons que les fouilles au corps soient enfin proscrites mais il serait regrettable que le Gouvernement, malgré des circonvolutions pudiques et autres invocations de bons sentiments, continue à faire en sorte que rien ne change, comme en témoigne le traitement réservé aux amendements de l'opposition. Dans ces conditions, l'administration pénitentiaire devra faire preuve de beaucoup de mérite et de noblesse pour continuer à respecter les droits de l'homme.

M. Philippe Dallier.  - Je rappelle à Louis Mermaz, ancien président de l'Assemblée nationale, que l'on ne peut qualifier de bouffonnerie le fait, pour un parlementaire, d'invoquer l'article 40. Ces propos ne sont pas dignes de notre assemblée.

Mme Éliane Assassi.  - Vous n'étiez pas là ! Et on invoque sans cesse l'article 40...

M. Alain Anziani.  - Depuis trois jours, nous avons souvent parlé d'intimité et de dignité. Avec cet article, nous arrivons à un grand rendez-vous, à l'épreuve de vérité : allons-nous passer des bonnes intentions à la réalité ?

La théorie de la fouille, partiellement vraie, en fait un outil permettant d'assurer la sécurité publique. Toutefois, elle est battue en brèche du fait de nombreuses défaillances : on trouve tout dans les prisons, et surtout le pire. La pratique, incontestable, est qu'elle relève d'une volonté de soumettre, de « casser » le détenu -le terme revient souvent dans les témoignages- pour obtenir son obéissance. Tous les détenus le reconnaissent : on n'est pas fier après une fouille et on se tient tranquille pendant un moment. Un corps fouillé, mis à nu, c'est une âme humiliée, atteinte. (Mme Catherine Troendle rit)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'y a pas de quoi rire !

M. Alain Anziani.  - Vous ririez moins, madame, si vous deviez subir une fouille au corps.

Si la recherche de sécurité n'est pas contestable, il n'en est pas de même de la soumission recherchée par des fouilles trop fréquentes. C'est d'autant moins acceptable que nous ne sommes plus au temps d'Edmond Dantès ! Comment ne pas être choqué, dans une société moderne, par le fait que ce qui est bon pour chacun de nous dans un aéroport ne soit pas utilisé dans les prisons ? Le rapporteur souhaite que des portiques soient installés : effectivement, de tels moyens de surveillance ont fait leurs preuves. Je remercie mon collègue d'avoir renoncé à invoquer l'article 40. Comment aurions-nous pu, ainsi, soutenir que le prix de la dignité était trop élevé ?

Madame la garde des sceaux, si vous voulez une grande loi pénitentiaire, ne commencez pas par nous expliquer que la pierre sur laquelle tout l'édifice va être construit est inabordable car il s'agit de la dignité.

M. Richard Yung.  - Avec la question de la fouille, nous abordons le coeur du sujet : la dignité humaine. Comment préserver celle-ci tout en respectant les impératifs de sécurité ?

En l'état actuel du droit, qui est uniquement de nature réglementaire, l'administration pénitentiaire bénéficie d'une très grande marge de manoeuvre. Les fouilles sont souvent pratiquées, parfois sans discernement, au nom du seul impératif de sécurité. Les règles d'application manquent. Dans leur excellent rapport, Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel les qualifiaient d'« automatisme pénitentiaire ». Elles sont pratiquées à l'excès, lors de chaque entrée ou sortie de la prison, avant et après les parloirs et les visites. Des fouilles intégrales avec mise à nu sont notamment pratiquées après les entretiens des détenus avec leurs avocats, ce qui en dit long sur la considération accordée à ces derniers...

Louis Mermaz a cité le cas du prisonnier rencontré par la délégation du Comité européen pour la prévention de la torture, fouillé quatorze fois en un mois. En 2006, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) évoquait le cas d'un détenu particulièrement signalé fouillé à corps par des agents d'une équipe régionale d'intervention et de sécurité, qui ne sont pourtant habilités qu'à pratiquer des fouilles de cellules. Depuis 2002, les campagnes de fouille générale semblent plus fréquentes, ce qui attise les tensions au sein des prisons.

Les fouilles sont vécues comme une humiliation, un viol, qui répondent parfois à des petites haines entre détenus et surveillants. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des prisons, les qualifie de « petits coups bas ». Elles sont également pénibles pour les personnels et ne correspondent pas à l'idée qu'ils se faisaient de leur fonction. Ces atteintes à la dignité et à l'intégrité physique des détenus sont d'autant plus critiquables que les bénéfices en sont limités. Ainsi, elles n'empêchent pas les trafics de stupéfiants, de téléphones portables et d'armes. La France est régulièrement pointée du doigt pour ces traitements dégradants, notamment par le Comité européen pour la prévention de la torture, fin 2007, et par la Cour européenne des droits de l'homme dans une décision du 12 juin 2007.

Le juge administratif est également très critique. Dans une décision du 14 novembre dernier, le Conseil d'État a jugé que les fouilles corporelles intégrales doivent être « nécessaires, adaptées et proportionnées ». Ces règles ont été fixées il y a trois mois seulement : il reste beaucoup à faire. Elles prouvent à quel point le régime des fouilles est insuffisamment encadré. Les fouilles intégrales avec mise à nu et les fouilles corporelles internes ne devraient être réservées qu'à quelques cas, tels les détenus particulièrement surveillés.

L'idéal serait d'installer des portiques à ondes millimétriques, ces scanners corporels renvoyant une image sur un écran de contrôle. Cela éviterait au personnel d'avoir à pratiquer des fouilles.

Mme Raymonde Le Texier.  - Nous recherchons un équilibre entre le respect de la dignité humaine et l'impératif de sécurité. Les fouilles intracorporelles portent un nom clair : le viol. Les fouilles à corps non intrusives exigent que le détenu soit entièrement nu et dans une position dégradante afin que rien n'échappe au regard. Ces pratiques sont d'autant plus humiliantes qu'elles interviennent après les parloirs et succèdent ainsi aux rares moments chaleureux que connaît le détenu. Il a connu un répit, a pu se projeter dans un avenir meilleur, a repris espoir ; la redescente est brutale. Il subit la honte de la mise à nu, or ce traitement avilissant n'est pas toujours efficace. Les moyens techniques existent, qui respectent l'intégrité du corps humain et évitent l'humiliation psychologique : rayons X, scanners à ondes magnétiques à basse énergie...

Le degré de civilisation d'un pays se mesure à la façon dont il traite ses prisonniers, a dit Albert Camus. Ne nous privons pas de nous hisser à la hauteur des valeurs humanistes que nous portons. Ces fouilles sont dégradantes pour ceux qui les subissent comme pour ceux qui les pratiquent.

M. Hugues Portelli.  - J'ai lu avec intérêt l'excellent rapport de M. Lecerf. Il reconnaît que la pratique des fouilles est dégradante et humiliante pour le détenu, il rappelle la condamnation dont la France a fait l'objet par la Cour européenne des droits de l'homme, pour violation de l'article 3 de la convention européenne relatif aux traitements dégradants.

Je pensais donc que notre rapporteur proposerait en conclusion de supprimer les fouilles corporelles, en particulier internes. Hélas, il ne le fait pas totalement, mais maintient le « cas exceptionnel motivé par un impératif de sécurité ».

Des détenus se sont évadés grâce à des explosifs : où aurait-on trouvé ce matériel si l'on avait réalisé des fouilles au corps ? De telles pratiques n'empêchent manifestement pas les évasions. Et qui va motiver ? Qui va juger de l'impératif ? Tout de même pas l'administration pénitentiaire ! Seul un magistrat aurait, selon moi, autorité pour le faire. Le mieux est de respecter une fois pour toutes non seulement la Convention européenne des droits de l'homme mais aussi l'article premier de ce projet de loi que nous avons adopté et qui nous impose le respect de la dignité des détenus. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit également)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le texte issu des travaux de la commission est beaucoup plus positif, ou moins négatif, que le projet de loi initial et il constitue une avancée par rapport à la situation actuelle. Le problème est complexe. Nous connaissons tous les pratiques des mules ; et je garde en mémoire qu'une jeune fille est morte pour avoir ingéré un certain nombre de substances. C'est banal, mais horrible... L'amendement About me semble la bonne solution. Les techniques existent, il faut, pour les généraliser, un effort financier : la République française peut le supporter. J'espère que les amendements de mes amis recevront un accueil favorable, car ils vont plus loin. Les gardiens de prison...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Les surveillants !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...que j'ai rencontrés la semaine dernière dans mon département m'ont demandé de dire ici qu'ils effectuent des dizaines, des centaines de fouilles à corps, de fouilles internes, et que ces pratiques humiliantes et dégradantes pour les détenus sont également très pénibles pour eux.

M. Robert Badinter.  - Ayons présent à l'esprit ce qui est advenu de la civilisation européenne dans des temps récents, ou assez lointains mais pas oubliés. Etre mis à nu devant un autre, les régimes totalitaires savent que c'est la première dégradation du sujet. Tant de témoignages nous sont parvenus de périodes tragiques et de lieux concentrationnaires... La fouille au corps interne doit être absolument épargnée. La pénétration du corps hors le consentement de la personne est un viol. Utiliser l'électronique est à notre portée. Les fouilles au corps internes sont à proscrire à jamais.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je remercie M. Mermaz d'avoir fait référence aux travaux de la commission. Les amendements ont été adoptés à l'unanimité ; nous avons tous tenté d'améliorer le texte et de concilier deux impératifs distincts. Les conditions posées ne sont pas dérisoires et l'exigence d'un soupçon d'infraction ou d'un risque pour la sécurité est déjà une façon de remettre en cause des pratiques qui existent aujourd'hui.

Nous avons aussi établi une gradation : fouilles par palpation, fouilles intégrales uniquement dans le cas où la palpation et les moyens de détection électronique sont insuffisants -nous préparons l'avenir, car les progrès techniques réduiront ainsi les cas de fouille intégrale- et fouilles au corps internes. Elles ne devraient pas exister mais elles sont pratiquées, y compris par le personnel pénitentiaire. Nous les limitons aux cas où les deux premières catégories de fouilles sont insuffisantes et nous exigeons la réquisition d'un médecin ; M. About précise qu'il doit s'agir d'un médecin extérieur à l'établissement.

Les propos de M. Portelli m'inspirent une modification supplémentaire.

Je vous propose donc de compléter cet article en ajoutant après « requis à cet effet » ces quatre mots : « par l'autorité judiciaire ».

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°303.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ainsi, ce n'est plus l'autorité pénitentiaire qui apprécie l'impératif avancé, mais l'autorité judiciaire, qui en pratique sera généralement représentée par le parquet de surveillance.

Ne nous déchirons pas sur cet article ! Nous sommes très proches, nos intentions sont les mêmes : tenir pour essentielle la dignité humaine sans pour autant oublier les impératifs de sécurité. Nous pensons à ceux qui souffrent de ces fouilles, parce qu'ils les subissent ou parce qu'ils les pratiquent, mais aussi à ceux qui prennent des risques.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Des détenus se sont évadés en utilisant des explosifs qui leur avaient été apportés par des visiteurs, que, de manière générale, on ne fouille pas. Si leur prise d'otages ne s'est pas conclue de la pire façon, on le doit à d'autres détenus qui ont eu le courage de s'interposer. Avec des détenus dangereux, il peut être nécessaire de procéder à une fouille intégrale.

M. Mermaz a été ministre et président de l'Assemblée nationale. Je ne puis accepter ses accusations. Qu'ont fait les gouvernements qu'il a soutenus ? Ils auraient eu tout loisir d'adopter une grande loi pénitentiaire pour améliorer concrètement la situation des détenus, et pas seulement sur le papier comme avec la loi de 1998 qui n'était pas accompagnée des moyens nécessaires à sa bonne application. Ils auraient eu tout loisir de construire des établissements, quand les deux tiers de ceux-ci étaient déjà vétustes et insuffisants. Ils auraient eu tout loisir de créer un contrôleur général des prisons -même s'ils n'avaient pas l'audace, que nous avons eue, d'étendre sa compétence à tous les lieux privatifs de liberté. Au lieu de quoi, ils n'ont, à aucun moment, rien fait pour les prisons.

Je ne peux accepter que l'on accuse l'administration pénitentiaire de décider des fouilles pour « casser » des détenus ; sur 550 fouilles effectuées en 2008, 50 ont donné lieu à agression de surveillants. Il faut le dire ! Vous parlez de la dignité des détenus mais nous pensons aussi au personnel pénitentiaire.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous aussi !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Et nous l'avons dit !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ceux qui prétendent que l'administration pénitentiaire pratique des « fouilles à corps » en sous-entendant « investigations corporelles » disent quelque chose de faux. Elle n'a jamais été habilitée pour ce genre de fouille. Elle peut faire des fouilles par palpation, comme dans les aéroports. Elle peut fouiller les cellules, toujours en l'absence des détenus. Quand les amis de M. Mermaz étaient au gouvernement, à Rouen, un surveillant a été assassiné par un détenu pendant qu'il vérifiait le barreaudage de sa cellule : le détenu a saisi un barreau et en a frappé le surveillant à la tête. L'administration peut pratiquer des fouilles intégrales -et non pas des « fouilles à corps »- en déshabillant complètement le détenu, sans contact physique.

Les examens des cavités corporelles -anus, bouche, vagin- sont pratiqués de manière exceptionnelle, à la recherche d'explosifs ou de stupéfiants, et seulement par des médecins. Il n'a jamais été question de permettre à la pénitentiaire de pratiquer elle-même ces fouilles.

Ce texte constitue une réelle avancée, nous prenons nos responsabilités pour améliorer la condition des détenus, sans oublier le travail difficile et le dévouement de l'administration pénitentiaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je demande la priorité pour l'amendement n°303.

Acceptée par le Gouvernement, la priorité est de droit.

M. le président.  - J'en rappelle le texte.

Amendement n°303, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.

Compléter la dernière phrase du dernier alinéa de cet article, par les mots :

par l'autorité judiciaire

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je l'ai exposé.

M. le président.  - Amendement n°235, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités. Elles s'effectuent si besoin par des moyens de détection électronique.

La fouille des détenus est effectuée dans le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique. La fouille intégrale des détenus et les investigations corporelles internes sont interdites.

Les fouilles des cellules sont effectuées sur décision motivée du chef d'établissement et en présence du détenu.

Mme Éliane Assassi.  - Le projet de loi ne remet pas en cause le régime actuel des fouilles : tout juste les encadre-t-il, en prévoyant que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électroniques sont insuffisants. Ce qui ne protège pas le détenu du risque d'arbitraire.

En 2000, le rapport d'enquête sénatorial sur les prisons, rappelant que les fouilles était un « automatisme pénitentiaire », ajoutait que « l'efficacité des fouilles reste pourtant limitée, comme le démontre la réalité des trafics de stupéfiants en prison : le détenu apprend vite les ruses pour échapper à la fouille ». Pourquoi conserver des pratiques dégradantes et humiliantes qui, de surcroît, ne démontrent même pas leur efficacité !

La CNCDH, dans son avis sur le projet de loi, « préconise l'interdiction de la fouille intégrale de la personne détenue et réaffirme la nécessité d'atteindre le même niveau de sécurité en recourant à des moyens de détection modernes garantissant le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique ».

En outre, l'article 24 reste muet sur les fouilles des cellules, alors que celles-ci sont attentatoires au respect de la vie privée. La CNCDH préconise qu'un régime plus strict que celui existant actuellement leur soit appliqué, et demande qu'une telle fouille n'intervienne que sur décision motivée du chef d'établissement et en présence du détenu.

Cet amendement s'inspire de ces deux recommandations de la CNCDH : il interdit donc formellement les fouilles intégrales, mais aussi les investigations corporelles internes, considérées par les associations et la CNCDH comme contraires au respect de la dignité et de l'intégrité physique et psychique de la personne. Il prévoit enfin un encadrement des fouilles des cellules.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

I. - Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

L'inspection des cellules a lieu dans le respect des biens et de la vie privée des détenus. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées aux nécessités de maintien de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement.

II. - Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

fouilles

insérer le mot :

corporelles

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Même si la cellule n'est pas un domicile au sens de la loi, il faut que les fouilles de cellules soient aussi encadrées par la loi.

M. le président.  - Amendement n°134, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

fouilles

insérer les mots :

des cellules

II. - Après le premier alinéa du même article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tous les détenus doivent assister à la fouille de leurs effets personnels, à moins que les techniques de fouille ou le danger potentiel pour le personnel ne l'interdise.

M. Alain Anziani.  - L'article n'est pas assez précis à propos de la fouille des cellules. La réalité que vivent les prisonniers, c'est qu'à l'occasion des fouilles de cellules, telle photo, tel document personnel disparaît. La ministre nous dira que cela n'existe pas.

Si, madame la garde des sceaux, c'est la réalité ! La présence du détenu pendant la fouille évitera les tensions.

M. le président.  - Amendement n°135, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elles doivent être spécialement motivées.

M. Alain Anziani.  - On voit bien l'esprit de l'article et on partage celui du rapporteur : pas de fouille intégrale, sauf si on ne peut faire autrement. Quand on dit « oui, mais... », il faut faire attention au « mais » : c'est la motivation.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les fouilles sont effectuées dans le respect de la dignité de la personne.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La dignité encore. Tout le monde en parle mais elle n'apparaît qu'une fois dans le texte grâce à la discussion d'hier. Je suis surprise que le mot ait disparu du texte initial. Rien ne justifie pourtant la disparition d'un principe qui devrait être le socle de toute cette construction. Récemment, un détenu a dû se mettre tout nu pour accéder au parloir ; comme on avait oublié de fermer la porte, il l'a fait devant les familles. N'est-ce pas un vrai problème de dignité ? On pourrait multiplier les exemples concrets de ces atteintes intolérables. C'est après une fouille à la prison de Fresnes que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé par son arrêt du 12 septembre 2007 que les fouilles demandent des précautions.

M. le président.  - Amendement n°136 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les fouilles sont pratiquées dans le respect de la personne.

M. Alain Anziani.  - Amendement de repli.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement n°235, d'abord : les modifications introduites à l'article 24 permettent d'encadrer strictement les fouilles. L'interdiction totale des fouilles intégrales, et non des fouilles corporelles internes, pousserait trop loin le curseur entre sécurité et dignité. Il faut les encadrer pour des raisons de sécurité.

L'amendement n°45 rectifié traduit une petite incompréhension sur le premier alinéa de l'article 24, lequel encadre les fouilles de manière générale ; il couvre l'ensemble des fouilles, y compris celles des cellules. Retrait ?

Le problème que soulève l'amendement n°134 est assez proche de celui du contrôle du courrier. La présence du prisonnier peut susciter des vexations et aviver les tensions ; elle pose aussi des difficultés pratiques : comment procéder quand il est au parloir ou qu'il travaille ? Avis défavorable.

Nous avons voté un dispositif très encadré. Restons-en à cet équilibre. Je souhaite le retrait des amendements nos135 et 134 car le premier alinéa de l'article pose les principes de proportionnalité et de nécessité des fouilles. Il en va de même de l'amendement n°136 rectifié, dont le premier alinéa satisfait pleinement l'objectif.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis favorable à l'amendement n°303. L'amendement n°235 ne relève pas du domaine de la loi et il est satisfait par l'article 10. La fouille n'est pas une sanction, c'est une question de sécurité, n'alourdissons pas l'organisation des établissements par une exigence de motivation.

L'amendement n°45 rectifié sur le respect des biens et de la vie privée est satisfait par le premier alinéa de l'article 24, qui s'applique à toutes les fouilles ; j'y serais défavorable s'il était maintenu.

A l'amendement n°134, aux arguments du rapporteur sur la présence du détenu lors de la fouille, j'ajouterai que je défends la dignité et la sécurité des gardiens...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous aussi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Lorsque des incidents tragiques s'étaient produits par le passé, les mesures nécessaires n'avaient pas été prises ; nous les prenons en nous dotant d'une législation moderne tout en assurant la dignité et la sécurité du personnel.

Mêmes observations que tout à l'heure sur l'amendement n°135. Avis défavorable à l'amendement n°44, satisfait par l'article 10 et même avis sur l'amendement n°136 rectifié qui a le même objet.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'amendement de M. Lecerf nous dit que le médecin sera requis par l'autorité judiciaire. Nous pensons que la motivation doit émaner d'une autorité indépendante du juge.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je veux abonder dans ce sens. Nous comprenons très bien le souci du rapporteur mais il y a désormais un problème de coordination entre les phrases. C'est pourquoi je propose d'écrire : « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf décision de l'autorité judiciaire pour des raisons impératives spécialement motivées. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet par celle-ci ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je partage ces remarques. Si c'est bien ainsi que l'entend le rapporteur, nous soutiendrons son amendement qui marquerait un progrès.

Il y a là un principe auquel on peut déroger mais à condition que ce soit motivé. On invoque la sécurité. Le problème, c'est d'évaluer justement les impératifs de la sécurité et ceux de la dignité du détenu. Toutes ces mesures n'empêchant ni les évasions ni les violences, demandons-nous si elles sont suffisamment efficaces au regard de l'humiliation qu'elles provoquent. J'ai lu le rapport de l'ACAT -l'Association des chrétiens contre la torture...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Excellente lecture !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...car les actes dégradants sont des tortures. Il évoque le traitement des « détenus particulièrement signalés » parce que qualifiés, par exemple, de terroristes. C'est le cas de Julien Coupat, en détention provisoire, accusé de terrorisme sans aucune preuve. Selon sa famille, il serait « fouillé à corps plusieurs fois, à chaque visite de son avocate ou à chacun de ses déplacements au tribunal, et mis à nu devant des policiers hilares ». Cela ne nous honore pas. Il nous faut des principes et ne déroger à ces principes qu'en cas d'absolue nécessité motivée.

M. Pierre Fauchon.  - J'ai dit ce matin mon expérience de la prison en 1955 lors des évènements d'Afrique du nord... J'ai pris alors, non sans risques, des décisions qui ont évité à plus d'une centaine de détenus les horreurs de la détention par les militaires français de l'époque, qui n'étaient pas des tendres.

La dignité a ses exigences mais la sécurité aussi et les détenus ne sont pas toujours des anges. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat lève les bras au ciel) Je suis trop avocat pour dire qu'il y a des méchants mais je peux dire qu'il y a des êtres dangereux. Vous évoquez, monsieur Badinter, les horreurs de la fouille intégrale mais on peut tout aussi bien invoquer les horreurs de la criminalité et la douleur des victimes ! Vous n'en avez rien dit ! (M. Robert Badinter s'en défend) Vous les avez minimisées. C'est trop commode !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est pénible de se faire donner des leçons comme cela...

M. Pierre Fauchon.  - Monsieur Portelli, vous avancez que ces fouilles ne sont pas efficaces : mais le code pénal non plus n'est pas efficace puisqu'il n'empêche pas la criminalité. Est-ce une raison pour le supprimer ? Notre devoir est d'agir dans le domaine du possible aussi voterai-je avec confiance l'amendement n°303.

M. Hugues Portelli.  - Il faudrait mettre en balance les horreurs de la criminalité et celles de la fouille intégrale ? Mais on fait une loi sur les victimes tous les trois mois alors qu'on en fait une sur les prisons tous les 50 ans ! (Applaudissements à gauche) Les détenus sont aussi des personnes.

M. Pierre Fauchon.  - J'ai fait plus que quiconque ici pour les détenus !

M. Hugues Portelli.  - Je ne le nie pas mais nous légiférons présentement sur les prisons et nous avons le droit d'accorder au sort des détenus toute l'importance qu'il mérite !

Je partage le point de vue de M. Sueur. Imaginez un week-end ordinaire dans mon département : le malheureux substitut de service voit défiler de nombreux dossiers. Si on lui demande de requérir un médecin, il n'a pas le temps de réfléchir. Mais si on lui demande une motivation, il prendra le temps de le faire. Donc, je préfère la rédaction proposée par M. Sueur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous avançons sur un problème difficile et essentiel. Je ne suis pas d'accord avec MM. Portelli et Sueur. Chacun a son rôle dans le maintien de la sécurité et de la dignité. Celui qui doit motiver la fouille, c'est celui qui connaît le mieux la situation dans la prison et qui, ensuite, se retourne vers l'autorité judiciaire, seule compétente pour réquisitionner le médecin, si elle a été convaincue par l'autorité pénitentiaire. Si cette autorité judiciaire n'est pas convaincue, elle n'autorisera pas la réquisition et il n'y aura pas fouille. C'est logique.

M. Robert Badinter.  - Nous ne sommes pas éloignés les uns des autres. Il est plus clair pour le personnel et l'autorité pénitentiaire d'obtenir le feu vert. Aujourd'hui, avec le téléphone portable et le mail, la réponse est immédiate. L'autorité judiciaire, c'est la garante du respect des droits fondamentaux. L'investigation corporelle doit être proscrite sauf autorisation de cette autorité et, pour cela un mail suffit.

C'est à l'autorité judiciaire de prendre cette responsabilité, pas à l'administration pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nos positions sont en effet très proches. Je souhaite cependant qu'on en reste à l'amendement n°303. Je sais que comparaison n'est pas raison, mais, pour le même type de fouille, la réquisition est faite par l'officier de police judiciaire lors d'une garde à vue, et par les autorités des douanes dans les opérations qui relèvent d'elles. Nous avons fait un grand pas dans la direction souhaitée par M. Badinter, je souhaite qu'il en fasse un petit vers nous.

L'amendement n°303 est adopté.

M. le président.  - C'est l'unanimité.

L'amendement n°235 devient sans objet.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos134, 135, 44 et 136 rectifié.

L'article 24, modifié, est adopté, les groupes socialiste et CRC-SPG s'abstenant.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°137, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lors des fouilles, le personnel applique une procédure dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.

M. Alain Anziani.  - On reproche souvent aux règles pénitentiaires européennes de n'être pas normatives ; en voici une -c'est la règle 54.1- qui l'est et qu'il faut retenir.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est totalement satisfait par l'article 27.

M. Alain Anziani.  - La procédure n'est pas définie...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Elle l'est pour l'essentiel à l'article 24, et tout ce que celui-ci ne définit pas doit l'être, aux termes de l'article 27, par décret en Conseil d'État. Il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de cigarette entre vous et moi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement est en effet satisfait par l'article 27.

L'amendement n°137 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°236, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'emprisonnement de mineurs doit constituer une mesure de dernier recours. Le régime de détention doit, en toutes circonstances, être adapté aux spécificités des détenus mineurs.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le texte fait peu de cas des mineurs en détention ; pourtant, selon la Défenseure des enfants, 72 d'entre eux ont tenté de se suicider en 2008 et trois ont trouvé la mort. La création de sept établissements pour mineurs (EPM) ne règle rien -un jeune de 16 ans s'y est pendu l'an dernier. La prison est d'autant plus dure pour les mineurs que ceux-ci sont plus fragiles et plus vulnérables. D'où notre amendement, qui est conforme à la Convention internationale des droits de l'enfant.

La création des EPM est hélas emblématique de la politique du Gouvernement, qui privilégie l'enfermement des mineurs, peut-être demain des enfants de dix ans. La quasi-totalité des moyens supplémentaires y sont affectés, au détriment des structures d'hébergement, des centres éducatifs et des postes de magistrat ou de greffier. La création d'un EPM coûte 90 millions d'euros pour 60 jeunes, et mobilise 40 personnels ; on pourrait, pour la même somme, réaliser six foyers éducatifs, huit services d'insertion professionnelle assurant le suivi de 750 mineurs, ou encore dix services en milieu ouvert prenant en charge 1 500 jeunes. Enfance et adolescence sont des périodes structurantes mais aussi de grande vulnérabilité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est largement, sinon totalement, satisfait par la rédaction proposée par l'article 32 pour l'article 132-24 du code pénal, qui dispose qu'« une peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier recours ». Cet article s?applique aux mineurs comme aux majeurs. Les articles 53 et 53 bis, relatifs aux sanctions disciplinaires et aux mesures d'isolement, comportent en outre des dispositions spécifiques aux mineurs. Enfin, l'ordonnance de 1945 dispose que la détention provisoire et l'emprisonnement d'un mineur ne peuvent avoir lieu que dans le quartier spécial d'un établissement ou dans un établissement spécialisé, pour garantir l'isolement complet vis-à-vis des majeurs et la présence d'éducateurs.

La refonte de cette ordonnance sera l'occasion de revoir certaines règles, à l'exception de celles qui ont été constitutionnalisées : la juridiction spécialisée, la primauté de l'éducatif et l'atténuation de responsabilité.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je partage l'avis du rapporteur. Les mineurs criminels, madame Mathon-Poinat, n'ont pas leur place dans les foyers éducatifs, où se trouvent aussi des mineurs victimes. Il est important qu'existent des établissements spécialisés comme les EPM. Ceux-ci ont d'ailleurs été salués par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est vrai.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - ...qui a suggéré aux autres pays européens de suivre l'exemple de la France. Leur succès est dû à la prise en charge pluridisciplinaire qu'ils organisent dans l'intérêt des mineurs.

L'amendement n°236 n'est pas adopté.

Article 25

L'administration pénitentiaire garantit aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant.

M. Louis Mermaz.  - On peut difficilement faire plus bref que cet article, ni utiliser aussi peu d'encre. Article 40 oblige, sans doute.

Les articles 26 et 27 ne sont pas plus étoffés. Le sujet aurait pourtant mérité davantage !

Je veux prendre la défense du président Badinter, dont tout le monde se souvient qu'il a été un grand ministre... de l'agriculture, à une époque où Mme Dati n'était pas encore en politique ! (On s'esclaffe à gauche). Je me souviens avoir dit à Mme Guigou que le garde des sceaux qui mérite d'être félicité à sa sortie de fonction était celui qui aura fait baisser le nombre de détenus en prison. Ce ne sera pas votre cas, madame !

J'espère que nos amendements seront acceptés, qu'il s'agisse de la protection de l'intégrité physique des détenus mineurs ou du risque de confusion entraîné par la détention conjointe de majeurs et de mineurs dans certains établissements, notamment outre-mer.

Il est indispensable de se référer aux règles pénitentiaires européennes en la matière. Les mineurs de 18 ans doivent être incarcérés dans des établissements spécifiques ou, à tout le moins, bénéficier de règles spéciales. Les recommandations européennes sont très claires.

Dans l'idéal, les parents des enfants en bas âge ne devraient pas être incarcérés, ce qui n'est pas toujours possible. La décision doit tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Quand l'autorité parentale n'est pas suspendue, elle doit être pleinement exercée. Lorsque des enfants en bas âge sont incarcérés, ils ne doivent pas être considérés comme des détenus ! S'agissant de l'âge à partir duquel un enfant doit être séparé de son parent détenu, il faut agir avec un maximum d'humanité.

Il faut tenir compte de la position de la CNCDH, et élever au niveau législatif de nombreuses dispositions réglementaires. Il est regrettable que les droits des mineurs ne soient pas énumérés. Ce n'est le cas qu'à l'article 53, qui traite du régime disciplinaire, preuve du caractère avant tout répressif de ce projet de loi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je n'ai pas oublié que le président Badinter fut garde des sceaux. Je suis en effet bien plus jeune en politique que vous, monsieur Mermaz, mais je suis sur le terrain depuis plus longtemps ! (On le conteste à gauche) Il vous faudrait être un peu plus en phase avec la réalité !

Oui, il y a plus de détenus aujourd'hui, mais la délinquance a baissé. Je vous rappelle qu'entre 1997 et 2002, elle augmentait de 20 % ! Je tiens les chiffres à votre disposition.

M. Louis Mermaz.  - Nous ne sommes plus en campagne !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - En 2000, sous votre gouvernement, plus de 800 mineurs étaient incarcérés. Aujourd'hui, ils sont moins de 700 ! Et ce malgré une politique pénale de fermeté, que nous assumons : les criminels et les délinquants sont sanctionnés, mais les mineurs sont mieux pris en charge. Les centres éducatifs fermés -contre lesquels vous aviez voté et qui vous agréent aujourd'hui- sont salués pour leur rôle contre la récidive. Nos seules préoccupations sont la sécurité des Français et la réinsertion des délinquants, notamment mineurs. Laissons là ces polémiques stériles ! (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - Les détenus mineurs étrangers, doublement victimes, posent un problème spécifique. Ils sont soit séparés de leurs parents, soit instrumentalisés. Mes amendements de bon sens, qui prévoyaient notamment l'accès à une information précise et l'octroi d'un titre de séjour dans les meilleurs délais, sont tombés sous le coup de l'article 40. Je soutiens les amendements de M. Tuheiava.

M. le président.  - Amendement n°140 rectifié, présenté par M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans chaque établissement pénitentiaire, il sera mis en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l'intégrité physique des détenus mineurs.

M. Richard Tuheiava.  - Je déplore que seuls trois articles soient consacrés à la détention des mineurs. La réponse du rapporteur, invoquant l'ordonnance de 1945 pour repousser l'amendement de nos collègues CRC, ne me satisfait pas.

Aux termes de l'article 37-C de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, « Les États parties veillent à ce que tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge : en particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant ». Dans la pratique, la confusion entre détenus mineurs et majeurs porte atteinte à ces règles. Pour la Polynésie française, cette situation a été dénoncée dans un rapport alternatif de la Ligue polynésienne des droits de l'homme et de la FIDH, que j'ai personnellement défendu à Genève, et le comité des droits de l'enfant de l'ONU a émis des recommandations précises à l'égard de la France.

Régularisée dans la pratique, cette situation n'a pas été réglée sur le plan législatif. J'espère un consensus sur cette disposition.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La convention de New York sur les droits de l'enfant est directement applicable, même sans transposition.

Ce que je comprends mal, c'est que vous vous focalisiez sur le problème de la séparation entre majeurs et mineurs. Depuis la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, ont été créés sept établissements pénitentiaires pour mineurs pour une capacité d'accueil de 720 jeunes. Sept programmes de rénovation de quartiers pour mineurs ont en outre été engagés en 2003, qui ont déjà permis de créer 330 places aux normes européennes et d'en remettre 326 à niveau. Nous disposons donc de quelque 1 000 places aux normes, sachant qu'au 1er novembre 2008, 673 mineurs étaient incarcérés -moins, au reste, qu'en 2007, où ils étaient 713 : si la qualité d'un garde des sceaux se juge aussi à cela, vous avez droit, madame la ministre, à un satisfecit.

Il est vrai que d'autres problèmes se posent, que j'ai pu mesurer en visitant les établissements pour mineurs, dont celui du Nord m'a paru le plus opérationnel. Le prix de journée, en particulier, est beaucoup trop élevé -1 400 euros l'an dernier. C'est intenable, même s'il faut prendre en compte le fait que ces établissements sont nouveaux, donc incomplètement occupés. Il faudra que ce coût diminue. Le regretté Michel Dreyfus-Schmidt, avec qui j'ai visité l'établissement de Meyzieu, faisait la même observation.

Sur ce problème des mineurs, monsieur Tuheiava, on peut donc considérer que le Gouvernement a fait son travail. Peut-être existe-t-il des problèmes spécifiques dans certains secteurs en Polynésie, mais je n'aurais pas l'audace de demander, à ce stade, une nouvelle mission au président de la commission des lois. Pour votre amendement, il est satisfait par le texte de la commission, en ses articles premier, 4 bis et 19 bis, qui souhaite par conséquent le voir retirer.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable pour les mêmes raisons.

M. Richard Tuheiava.  - Je pense en effet que le rapporteur apprendrait beaucoup en visitant les établissements d'outre-mer. La situation est telle en Polynésie française que cet article 25 ne saurait être satisfait. Le fait est que sur certaines parties du territoire de la République, la séparation des mineurs n'est pas garantie. La convention de New York sur les droits de l'enfant est d'application directe ? Il n'y a donc pas d'argument légal, pas plus que financier, qui s'opposerait à l'adoption de mon amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il est vrai que le rapporteur n'a pas visité tous les départements et territoires d'outre-mer. Mais chaque fois que nous y faisons un déplacement, nous visitons les établissements pénitentiaires, comme les juridictions. C'est ce qu'ont fait nos deux collègues qui se sont récemment rendus en Polynésie ; c'est ce que j'ai fait à Mayotte. Il est vrai que les établissements de Polynésie connaissent de gros problèmes liés à la surpopulation. Nous le disons chaque année lors du débat budgétaire. Mais à quoi bon répéter, ainsi que vous nous le demandez, ce qui est déjà écrit ailleurs ? Ce qu'il faut, c'est aller de l'avant en Polynésie, pour créer des nouveaux établissements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Vous avez raison d'évoquer le problème de la surpopulation carcérale outre-mer. Il a fallu dix ans, à Saint-Denis de la Réunion, pour créer un établissement nouveau de 600 places. L'établissement de Faa'a, en Polynésie, compte 390 détenus, dont 3 mineurs pour 150 places. Un programme d'extension est cependant engagé, qui permettra de créer 100 places nouvelles fin 2009 et des négociations sont en cours pour acquérir un terrain susceptible d'accueillir un autre établissement.

L'amendement n°140 rectifié n'est pas adopté.

L'article 25 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°141 rectifié, présenté par M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public pénitentiaire garantit la prévention totale du risque de confusion entre l'incarcération de mineurs et celle de majeurs.

M. Richard Tuheiava.  - Cet amendement procède du même esprit. Le sous-dimensionnement et la vétusté des bâtiments s'ajoutent à la surpopulation carcérale qui induit des risques de promiscuité entre mineurs et majeurs. Il serait bon que le paragraphe C de l'article 37 de la Convention de New York trouvât à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission a bien entendu les arguments de notre collègue sur la situation en Polynésie française. Mais sur l'amendement, sa position est défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°141 rectifié n'est pas adopté.

L'article 26 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°237, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit garantir l'accès des détenus mineurs aux services sociaux, psychologiques et éducatifs, culturels et sportifs ou à des activités similaires.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'article 25 rappelle que les droits fondamentaux des mineurs détenus doivent être respectés, mais renvoie au Conseil d'État le soin de définir ses modalités d'application, en contradiction avec la règle pénitentiaire européenne n°35-1, qui procède à l'énumération précise d'un certain nombre de droits. Notre collègue vient également de rappeler l'article 37 de la Convention internationale des droits de l'enfant. L'absence, dans ce texte, de toute mention précise de ces droits pourrait ouvrir à l'arbitraire. Nous proposons d'énumérer les principaux d'entre eux, afin de garantir leur meilleure application et d'éviter les recours.

Plus largement, ce texte pose un vrai problème quant aux droits des mineurs.

Ce texte de nature généraliste s'applique par défaut aux mineurs, mais les droits accordés aux détenus sont toujours accompagnés de restrictions qui s'appliqueront elles aussi aux mineurs.

L'article 53 contient la seule disposition spécifique dans ce domaine : le placement des mineurs de plus de 16 ans en cellule disciplinaire ne peut excéder sept jours. Ainsi, tout ce qui touche aux mineurs est abordé sous l'angle répressif.

Pourtant, comme le rappelle notamment l'étude du projet de loi par le groupe de travail de la CNCDH, il y a une spécificité de la vie carcérale en ce qui concerne l'âge, dans tous les domaines.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'ordonnance de 1945 exige déjà la présence d'éducateurs. Dans le cadre de sa refonte, un projet de loi présentera prochainement l'ensemble des règles applicables aux mineurs.

Dans les établissements pour mineurs que j'ai visités, la prise en charge intensive dont ils bénéficient correspond largement aux attentes des auteurs de cet amendement. La situation est moins bonne dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires, même si elle a progressé depuis que des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse y sont présents. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'article 25 impose à l'administration pénitentiaire de garantir aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant. Dans quelques jours sera présenté un projet de nouveau code pénal pour les mineurs. Les droits de ces derniers ne sont donc pas remis en cause et les garanties demandées par cet amendement sont assurées. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°237 n'est pas adopté.

Article 27

Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État.

Mme Raymonde Le Texier.  - Il manque quelque chose à cet article censé clore le chapitre III relatif aux droits des détenus : il manque simplement un pan entier sur les droits spécifiques des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge !

Il est incompréhensible qu'un texte réaffirmant les droits fondamentaux des détenus ait fait l'impasse sur ce sujet, d'autant plus que ces droits sont explicitement précisés par les règles pénitentiaires européennes n°s34 et 36. On nous alléguera que les droits garantis par ce texte s'appliquent indifféremment aux détenus hommes et femmes, mais ces dernières ont des besoins spécifiques : suivi gynécologique, accouchement, prise en charge des très jeunes enfants, maintien de la relation mère-enfant...

Nous sommes plusieurs, sur tous les bancs, à juger cette carence inacceptable. Madame la ministre, je vous invite à prendre la mesure de ce manquement, tant pour la vie de ces femmes et de leurs enfants que pour ce qu'il dit de nous et de notre société. Le groupe socialiste avait déposé sept amendements transposant les règles européennes en droit français, mais cinq d'entre eux ont été rejetés en vertu de l'article 40, ce qui illustre une fois encore l'usage excessif et discrétionnaire fait de cet article.

Il est dommage de ne pas parler de la procédure d'adaptation avec la famille d'accueil lorsque l'enfant doit quitter sa mère, de l'obligation de rechercher pour celui-ci le placement le plus proche possible de la maison d'arrêt ou du maintien des liens entre la mère et l'enfant. L'utilisation de l'article 40 est ici d'autant plus regrettable que seuls quelques cas par an sont concernés. Le coût ne saurait donc être élevé.

Nous voterons tous les amendements gouvernementaux que Mme la ministre ne manquera pas de nous proposer pour, faute de mieux, nous aligner sur les droits européens.

L'article 27 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°142, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 27, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Des personnes détenues femmes et des enfants en bas âge

Mme Raymonde Le Texier.  - Les femmes ne représentent que 3,8 % de la population carcérale, mais il ne faut pas négliger la spécificité de leurs problèmes. La majorité sont des mères de famille : 76 % ont au moins un enfant.

Nous souhaitons insérer une section transposant les règles pénitentiaires européennes dans ce domaine.

M. le président.  - Amendement n°143, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit respecter les besoins des femmes aux niveaux physique, professionnel, social et psychologique pour tous les aspects de la détention.

Mme Raymonde Le Texier.  - La règle pénitentiaire européenne n°34 tient compte du fait que les femmes détenues, en minorité au sein du système pénitentiaire, peuvent facilement être l'objet de discriminations. Ainsi, elles sont parfois logées dans de petits quartiers qui proposent moins de travail ou du travail moins intéressant.

Il faut développer des mesures positives afin qu'elles puissent accéder à certains services spéciaux, dans des domaines très divers qui ne sont pas seulement d'ordre médical. Ainsi, une femme doit être traitée avec dignité lorsqu'elle est transférée dans un établissement non pénitentiaire : il est, par exemple, inacceptable qu'elle accouche menottée ou attachée à un meuble. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable sur les deux amendements.

Au 1er novembre 2008, 71 494 hommes étaient incarcérés ; les femmes détenues n'étaient que 2 386. En conséquence, il y a beaucoup moins d'établissements pour ces dernières et l'éloignement avec la famille est plus grand. Exception faite de ce constat, les droits fondamentaux des femmes et des enfants en bas âge sont garantis par les droits des détenus mentionnés aux articles premier et 10.

L'administration pénitentiaire -et je suis pourtant le premier à la critiquer s'il y a lieu- assure aux femmes des conditions de détention convenables. Ainsi, après une visite à la prison de Rennes, mes collègues et moi avons estimé que si tous les établissements pénitentiaires étaient du même niveau, nous aurions atteint nos objectifs. De même qu'à Fleury-Mérogis et à Lille-Sequedin, des efforts considérables ont été réalisés pour les mères et leurs enfants.

Ainsi, j'ai rencontré une mère prévenue d'infanticide qui s'occupe de son enfant né en détention, toujours en présence d'une éducatrice qui emmène le bébé le soir à son propre domicile. Après 18 mois, la pratique consiste à trouver un placement à proximité immédiate de la prison pour que l'enfant puisse rendre visite à sa mère aussi souvent que possible. Certes, il n'est pas simple de suivre les évolutions de la vie d'un couple, lorsque le père est muté à l'autre bout de la France, par exemple, mais la situation des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge n'a rien d'une humiliation pour la République.

Retrait ou avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les femmes détenues ne sont pas nombreuses et sont prises en charge dans les meilleures conditions, notamment pour les soins médicaux et gynécologiques. Conformément aux recommandations de la règle pénitentiaire européenne n°34, il n'y a pas d'accouchements en prison. Une vingtaine d'enfants de moins de 18 mois sont incarcérés avec leur mère. Ils sont tous suivis par le juge des enfants et par les services de la protection médicale infantile. Certes, la rupture avec la mère est difficile après 18 mois, mais on ne peut garder ces enfants en détention.

Je rends hommage au personnel pénitentiaire qui s'occupe de ces femmes détenues, sur la base du volontariat car il faut également prendre en charge leurs enfants.

Le placement des enfants intervient donc à 18 mois, ce qui constitue une rupture. Comme le code civil indique qu'il faut privilégier les liens familiaux, le père ou la famille ne vivent pas forcément près de l'établissement pénitentiaire, et l'éloignement peut poser un problème pour les visites. Mais un tiers digne de confiance ou un éducateur peuvent amener l'enfant auprès de la mère. Nous n'avons en tout cas pas à rougir de la prise en charge des enfants nés pendant la détention. Défavorable.

Mme Raymonde Le Texier.  - Nous ne critiquons pas cette prise en charge et nous nous réjouissons que tout se passe bien ; mais ce n'est pas une raison valable pour ne pas inscrire dans la loi les dispositions reconnaissant les spécificités d'une telle situation. Les accouchements sont peu nombreux, dites-vous : alors pourquoi mettre en avant l'article 40 ? Les choses se passent bien aujourd'hui, elles ne coûteront pas plus cher demain.

L'amendement n°143 n'est pas adopté.

L'amendement n°142 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°239, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit prendre toute disposition pour permettre aux détenus étrangers un accès effectif à leurs droits, aux soins, au travail et aux activités dispensés dans les établissements pénitentiaires.

Mme Éliane Assassi.  - Le cas des étrangers incarcérés présente d'autres spécificités. La barrière de la langue rend difficile l'accès aux soins, aux services, aux activités. Si d'autres personnes servent d'interprètes, la confidentialité est remise en cause, le secret médical en premier lieu. La famille vit par définition loin, alors que le maintien des liens familiaux est désormais un droit reconnu. Certains établissements ont mis au point des livrets d'accueil en plusieurs langues mais le projet n'a jamais été généralisé, alors que la CNDH le préconise.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement, comme les suivants, tend à décliner les droits des détenus pour les adapter aux étrangers. Il ne me paraît pas opportun de viser ceux-ci en particulier, au risque de créer des régimes différents selon la catégorie, étrangers, femmes, pratiquants de telle ou telle religion... Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je partage ces arguments : quand on crée des catégories, certaines risquent d'être moins bien traitées que les autres. Tout le monde doit être considéré à égalité. Défavorable.

L'amendement n°239 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°240, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus étrangers doivent pouvoir procéder à une demande de titre de séjour ou obtenir le renouvellement de titre de séjour, ou procéder à une demande d'asile politique durant leur incarcération.

Mme Éliane Assassi.  - Une double peine est infligée aux étrangers incarcérés. Ils ne peuvent demander un titre de séjour ou le renouvellement de celui-ci, ils ne peuvent solliciter l'asile politique. La péremption de leur titre de séjour durant la détention les place en situation irrégulière -ils seront expulsables à l'issue de leur peine- et ils perdent leurs droits à prestations. Faisons en sorte que les conditions de détention soient équitables...

M. le président.  - Amendement n°241, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de l'article 12 bis de la présente loi sont applicables aux détenus étrangers.

Mme Éliane Assassi.  - Avec la domiciliation auprès de l'établissement pénitentiaire, un droit fondamental est enfin reconnu. Mais ne pas l'étendre aux démarches administratives des étrangers place ceux-ci dans une situation d'isolement et de ségrégation.

M. le président.  - Amendement n°242, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus étrangers mineurs doivent faire l'objet d'un signalement et bénéficier d'un suivi spécifique afin de préparer leur sortie.

Mme Éliane Assassi.  - Rien dans la loi ne concerne les mineurs étrangers. Ils doivent faire l'objet d'un signalement spécifique afin qu'un titre de séjour soit demandé pour eux avant leur majorité. Sinon, leur situation sera plus compliquée lorsqu'ils deviendront majeurs. Il faut sensibiliser le personnel administratif.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Certains des aspects que vous avez exposés posent vraiment problème. Mais nous avons voté un amendement afin de faciliter les démarches relatives au titre de séjour grâce à une domiciliation dans l'établissement. Il y a donc égalité avec les autres détenus. Quant aux mineurs, aucune disposition spécifique n'est nécessaire pour eux puisque l'ordonnance de 1945 impose la présence d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Je salue à cet égard l'action du Médiateur qui a largement contribué à l'avancée sur les titres de séjour.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Pour la délivrance des titres, les demandeurs doivent en principe se déplacer, et c'est pourquoi des conventions ont été signées avec la plupart des préfectures. L'amendement n°240 est satisfait. L'amendement n°241 l'est aussi : les détenus étrangers ressortissants européens pourront s'inscrire sur les listes électorales. De réelles avancées des droits civiques et sociaux sont inscrites aux articles 12 et 12 bis. Quant aux mineurs étrangers, ils sont entourés par les éducateurs et par le juge pour enfants. Les problèmes apparaissent plutôt à la sortie, lorsque les jeunes se retrouvent dans la nature. Et placés en foyers, ils fuguent souvent très rapidement. Mais pour ce qui est de l'encadrement et la prise en charge dans l'établissement pénitentiaire, on peut difficilement faire plus.

Le guide des droits et devoirs des personnes détenues est paru en janvier 2009. Il avait été supprimé en 2000 ! Et c'était l'OIP qui, durant cette période, avait pris le relais. A présent, l'administration distribue un guide en français (Mme le garde des sceaux en montre un exemplaire) et en anglais. Et le guide du détenu arrivant, imprimé à 100 000 exemplaires, est en quatre langues. (Même mouvement)

M. Richard Yung.  - Nous avions déposé un amendement similaire au n°249 mais le nôtre a subi les foudres de la commission des finances. Aléas de l'article 40...

Je ne crois pas qu'avec cet amendement on donne plus de droits aux détenus étrangers comme l'a dit la ministre. Ceux-ci sont dans une situation plus difficile et souvent plus douloureuse ; il faut en tenir compte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - D'ailleurs, beaucoup d'étrangers sont en prison pour des délits relatifs au séjour...

Il vous serait plus facile de refuser un chapitre spécifique pour les étrangers si vous aviez accepté de dire à l'article 10 qu'il n'y aurait aucune discrimination. Or, des discriminations, il y en a ; il faut qu'elles cessent, nous proposons des moyens pour y mettre fin.

L'amendement n° 240 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos241 et 242.

L'amendement n°238 devient sans objet.

L'article 28 demeure supprimé.

L'article 29 est adopté, ainsi que l'article 30.

M. le président.  - Amendement n°243, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 30, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique sont supprimés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement a trait au secret médical. Le rapporteur peut-il nous dire que l'amendement qui a été voté à ce propos vaut aussi pour ce chapitre ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement de tout à l'heure vaut pour tout le texte ; il permettra d'éviter qu'une interprétation trop stricte du secret médical conduise à des drames comme celui de Rouen.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°243 n'est pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 6 mars 2009, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit et demi.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 6 mars 2009

A 9 HEURES 45, A 15 HEURES ET ÉVENTUELLEMENT LE SOIR

- Suite du projet de loi pénitentiaire (n° 495, 2007-2008).

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 143, 2008-2009).

Rapport supplémentaire de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 201, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 202, 2008-2009).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°222, 2008-2009).

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- MM. Daniel Raoul, Jean-Pierre Bel, Edmond Hervé, Marc Daunis, Robert Navarro, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Michel Teston, Yannick Bodin, Mme Samia Ghali, MM. Serge Lagauche, Thierry Repentin, Jean-Pierre Sueur, Charles Gautier, François Rebsamen, Mmes Bariza Khiari, Christiane Demontès, Odette Herviaux, Jacqueline Chevé, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Daudigny, François Marc, Didier Guillaume, Martial Bourquin, Mmes Nicole Bricq, Maryvonne Blondin, Gisèle Printz, MM. Jean-Luc Fichet, Yannick Botrel, Jean-Marc Todeschini, Mme Annie Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales ;

- M. Simon Sutour une proposition de résolution, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de décision-cadre relative à l'utilisation de données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives (n°E-3697).