Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de féliciter les nouveaux ministres présents aujourd'hui... (Applaudissements à droite et au centre), avec une mention particulière pour Henri de Raincourt et Michel Mercier. Je souhaite que les fonctions que leur a confiées le Président de la République soient couronnées de succès.
M. Jean-Pierre Bel . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous avons tous en mémoire le discours du Président de la République à Versailles. Il a déclaré vouloir « éviter qu'il y ait des exclus que l'on ne puisse réinsérer dans la société... » et nous a promis « un monde dans lequel le progrès social, le progrès humain iront de pair avec les progrès économiques »...
M. René-Pierre Signé. - Nous l'avons déjà entendu !
M. Jean-Pierre Bel. - Or cela fait sept ans que Nicolas Sarkozy occupe des fonctions gouvernementales de premier plan et plus de deux ans qu'il est Président de la République. Le moment est venu de répondre à une question : celle du rapport entre le poids des mots et le choc de la réalité, du décalage entre la vie quotidienne et les grands discours flamboyants. En Ariège, dans ma région, dans toute la France, on me parle de fins de mois de plus en plus difficiles, des 200 000 chômeurs supplémentaires au premier trimestre, de l'angoisse des jeunes face à l'avenir, du désarroi des salariés qui voient leur entreprise disparaitre...
Le Président a également affirmé ne pas supporter l'idée qu'une partie du territoire soit abandonnée, que la France soit sans usines et sans ouvriers. Ne voit-il pas que c'est ce que vivent nos concitoyens ? Le Président de la République veut-il continuer comme avant, lorsqu'il promettait aux ouvriers d'Arcelor Mittal de garder leur usine ouverte, pour les laisser assister quelques mois plus tard, la rage au coeur, à sa fermeture ? Qu'allez-vous encore promettre aux salariés de Michelin, Continental, Alcatel et autres ? Un emprunt ? Voilà la recette miracle de l'intervention de Versailles : alors que la dette s'élève déjà à 1 400 milliards d'euros, on nous propose de renvoyer les problèmes à l'après 2012, d'ajouter de la dette à la dette ?
Monsieur le Premier ministre, plutôt que la fuite en avant, essayons ensemble de comprendre pourquoi vos recettes ne marchent pas. Allez-vous enfin organiser un débat de politique générale au Parlement et engager votre responsabilité à l'Assemblée ? Ce débat, vous ne le devez pas seulement aux parlementaires, vous le devez surtout aux Français. (Applaudissements à gauche)
M. François Fillon, Premier ministre . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je remercie M. Bel de me permettre de redire devant vous ce que j'ai dit hier à l'Assemblée nationale. Après deux ans et plus de 60 réformes, avec le Président de la République nous avons décidé de remanier le Gouvernement. Il s'agit d'un changement dans le Gouvernement et non d'un changement de Gouvernement. Il n'y a pas de changement de politique...
M. Didier Boulaud. - Plus de secrétariat d'État aux droits de l'homme !
M. François Fillon, Premier ministre. - Je vais continuer à conduire la politique à laquelle vous vous opposez et que la majorité soutient depuis deux ans. (Applaudissements sur les bancs UMP) Il n'y a pas de raison de faire perdre son temps au Parlement avec un débat de politique générale. Cela ne servirait qu'à nous répéter et, pour la majorité, à renouveler sa confiance envers le Gouvernement. (Protestations à droite, approbation à gauche)
M. René-Pierre Signé. - Si le Parlement perd son temps...
M. David Assouline. - Le Parlement, c'est toujours du temps perdu !
M. François Fillon, Premier ministre. - Notre politique est simple : nous allons amplifier l'effort de relance pour faire face à une crise mondiale qui touche tous les pays européens, dont certains connaissent une augmentation du chômage supérieure à la nôtre. Pour cela, nous allons définir ensemble des priorités qui bénéficieront de moyens supplémentaires pour créer les emplois de demain.
M. David Assouline. - Paroles, paroles.
M. Didier Boulaud. - Personne n'y croit !
M. François Fillon, Premier ministre. - Vous pourrez vous exprimer dans quelques semaines puisque le Parlement devra définir les secteurs stratégiques qui auront droit aux moyens supplémentaires dégagés par un emprunt national.
M. Didier Boulaud. - Et la dette !
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous allons également mettre en oeuvre les engagements du Grenelle de l'environnement afin de réorienter le modèle économique français vers la croissance verte. Cela correspond aux engagements pris devant le Sénat et l'Assemblée nationale. Parmi les réformes de structure destinées à moderniser le pays, la principale est l'organisation de nos territoires. Là encore, le débat aura lieu puisque vous vous prononcerez à l'automne sur ce sujet et sur la réforme de la fiscalité. Pour ce qui est du contrat social, vous allez débattre de la réforme de la formation professionnelle et de l'extension du contrat de transition professionnelle. Tous ceux qui perdent leur emploi vont pouvoir bénéficier d'un an de salaire avec une formation qui leur permettra de rebondir lorsque nous sortirons de cette crise.
M. Alain Gournac. - Très bien.
M. François Fillon, Premier ministre. - Le Président de la République a proposé un débat national mi-2010 à l'occasion de l'évaluation des réformes successives de nos régimes de retraite et, éventuellement, de nouvelles décisions à prendre dans ce domaine. Il ne faut pas anticiper ce débat car il faut mener au préalable une concertation avec les partenaires sociaux et les Français.
Il n'y a donc aucune raison d'organiser un débat de politique générale. C'est moins au Gouvernement de réclamer la confiance de sa majorité qu'à l'opposition de s'interroger sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas celle du peuple français. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs UMP)
Bouclier fiscal
Mme Mireille Schurch . - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, qui reprend sans doute à son compte le discours de politique générale prononcé par M. Sarkozy à Versailles. Peut-être pourra-t-il nous éclairer sur les contradictions profondes de celui qui décide des faits et gestes du Gouvernement sans être aucunement responsable devant le Parlement. (Vives protestations à droite, qui couvrent pendant quelques instants la voix de l'oratrice)
MM. Dominique Braye et Alain Gournac. - Il fallait venir à Versailles !
Mme Mireille Schurch. - M. Sarkozy, abusant de la méthode Coué, a martelé sa volonté de changer la France, l'Europe, le monde et même le capitalisme... « Rien ne sera plus comme avant », a-t-il dit. Mais pour les oubliés du discours de Versailles, les choses s'aggravent et le Gouvernement ne donne aucun signe de vouloir changer de politique. Les licenciés sont toujours plus nombreux, les pauvres s'appauvrissent et les salariés ne gagnent pas un sou de plus, bien au contraire, puisque beaucoup d'entre eux subissent le chômage partiel. (Le brouhaha se poursuit sur les bancs UMP)
Les services publics, l'hôpital, l'école, la poste sont toujours aussi menacés par vos dogmes libéraux de concurrence, de rentabilité et de réduction des dépenses publiques. Les retraités constatent d'année en année la baisse de leurs revenus. L'éducation nationale que M. Sarkozy continue de démanteler -16 400 postes seront supprimés cette année- relève sans doute du mauvais déficit... Le seul bon déficit est-il à ses yeux celui des aides aux entreprises, dispensées sans contrôle et sans contrepartie réelle ?
Tout va continuer comme avant, parce que le chef de l'État n'entend ni modifier la répartition des richesses, ni réduire les inégalités, ni s'attaquer au pouvoir des actionnaires. Il prétend vouloir répartir autrement les revenus du capital et du travail ; nous attendons en vain des actes depuis le discours de Toulon en octobre dernier. Mettez fin à cette hypocrisie !
M. le président. - Veuillez poser votre question. (On renchérit à droite, on proteste à gauche)
Mme Mireille Schurch. - Avant de vous attaquer aux retraités et aux chômeurs, avant d'achever le secteur public et pour qu'enfin « rien ne soit plus comme avant », allez chercher l'argent où il se trouve : mettez fin au scandale du bouclier fiscal, des parachutes dorés et des revenus indécents des dirigeants d'entreprises. Comptez-vous prendre enfin cette mesure de justice fiscale que l'immense majorité de nos concitoyens attendent ? Si vous ne le faites pas, eh bien oui, tout va continuer comme avant ! (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Bravo !
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi . - Vous nous demandez des actes. Eh bien, je vais vous donner la preuve que nous tenons nos engagements. Dans le domaine social, qui a rehaussé l'indemnisation du chômage partiel jusqu'à 90 % du salaire ?
M. Jacques Mahéas. - Et le Smic ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Qui a créé le RSA ?
M. Didier Boulaud. - Il n'est pas financé !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Qui a instauré les conventions de reclassement personnalisé et en a développé l'usage ? Qui a porté de dix-sept à vingt-cinq le nombre de bassins d'emploi concernés par les contrats d'insertion professionnelle ? C'est notre majorité. (Marques d'approbation à droite)
Dans le domaine fiscal, qui a eu l'audace de vérifier l'efficacité des niches sociales et d'en plafonner le montant ? (Exclamations à gauche, nouvelles marques d'approbation à droite) Qui a eu le courage d'instaurer un plafonnement global des niches fiscales et de plaider au niveau international en faveur de l'éradication des paradis fiscaux ?
M. Bernard Piras. - Baratin !
Mme Christine Lagarde, ministre. - C'est encore notre majorité, sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République.
Vous revenez toujours au même sujet, celui du bouclier fiscal. Pourtant vous savez bien que les deux tiers des contribuables qui en bénéficient paient très peu d'impôts. (On ironise à gauche)
M. Didier Boulaud. - Pourquoi donc fait-il perdre tant de millions à l'État ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Quant aux 14 000 foyers fiscaux qui touchent l'essentiel des remboursements, ils paient plus d'un milliard d'euros à l'État. Le bouclier fiscal se justifie par un principe simple : nul ne doit être contraint de verser à l'État plus de 50 % de ses revenus. (Vifs applaudissements à droite, protestations à gauche)
M. Rémy Pointereau . - (Applaudissements à droite) Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
M. René-Pierre Signé. - Ministre étranger aux affaires !
M. Rémy Pointereau. - Le 12 juin dernier, le peuple iranien s'est rendu aux urnes pour élire le nouveau Président de la République islamique. L'annonce de la victoire du président sortant Mahmoud Ahmadinejad a suscité de vives protestations. La réponse des autorités, qui ont choisi de réprimer les manifestations, a soulevé l'indignation de la communauté internationale.
M. Didier Boulaud. - Et la Birmanie ?
M. Rémy Pointereau. - Depuis le 13 juin, les manifestants subissent arrestations sommaires et violences physiques ; plusieurs d'entre eux sont morts. La gravité des événements et leur impact dans le monde nous invitent à la prudence : gardons-nous de stigmatiser et d'isoler ce régime, ce qui lui donnerait des arguments dans ses diatribes contre l'Occident. Souvenons-nous également que sa volonté de puissance nucléaire menace la paix internationale.
Pourtant nous ne pouvons assister sans réagir à de telles violences et à ce déni de démocratie. Comment imaginer que des observateurs internationaux vérifient la régularité des élections alors même que certains diplomates étrangers doivent quitter le pays? Entre ingérence et inaction, quelle attitude la France peut-elle adopter afin de témoigner son soutien au peuple iranien ? Quelle marge de manoeuvre aura-t-elle lors de la prochaine réunion du G8 ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Entre ingérence et inaction, la marge est étroite. Que voulez-vous que nous fassions ?
M. Didier Boulaud. - De la Realpolitik ! Vous avez bien changé, monsieur Kouchner !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Notre réaction a été très ferme dès le début des événements, et nous avons été rejoints depuis par l'ensemble de la communauté internationale, qui a condamné sans réserve la répression des manifestations. Mais nous n'envisageons pas de rompre nos relations diplomatiques avec l'Iran, à moins que le régime s'en prenne à nos diplomates ou à ceux de nos alliés européens : deux diplomates britanniques ont déjà été expulsés, et nous ne tolérerons pas que l'on s'en prenne à ceux qui sont restés en Iran. Si cela se produit, les vingt-sept pays de l'Union européenne s'accorderont comme ils l'ont déjà fait pour manifester leur solidarité active à l'égard des Iraniens.
M. Didier Boulaud. - La Birmanie ?
M. Bernard Kouchner, ministre. - Sur la Birmanie, nous avons été au moins aussi fermes que sur l'Iran ! (M. Didier Boulaud s'exclame) Nous avons même été la plus ferme des diplomaties du monde, comme sur l'Iran ! Je n'accepte pas qu'on le conteste. Reportez-vous aux faits (« Bravo » et applaudissements à droite)
Entre l'inaction et l'ingérence, parfois nécessaire, nous nous tenons sur la crête. Nous ne laisserons pas faire. La menace ne pèse pas que sur les droits de l'homme ; il y a derrière la question du nucléaire militaire, sur laquelle l'Iran refuse de répondre à l'Agence internationale. Nous serons mesurés, mais très vigilants. (Applaudissements à droite, MM. Didier Boulaud et René-Pierre Signé ironisent)
Crise iranienne (II)
M. Jean-Pierre Plancade . - Je partage l'essentiel de ce qui a été dit. L'Iran est un enjeu international majeur. Les allégations concordantes de fraudes électorales nous interpellent. Arrestations d'opposants, de journalistes, censure de l'information, restriction de la liberté de communication, graves violences à l'encontre des manifestants : nous condamnons ces atteintes aux droits de l'homme et nous saluons le courage des manifestants qui, au péril de leur vie, bravent l'interdiction de se rassembler, luttent pour défendre leurs convictions, leur vision de la démocratie. (Applaudissements à droite)
M. Yvon Collin. - Très bien.
M. Jean-Pierre Plancade. - Notre inquiétude est accrue par la position géopolitique de l'Iran, ses liens avec le Hamas, le Hezbollah, la Syrie, sa probable possession de l'arme nucléaire, les déclarations agressives de son Président, inquiétantes pour Israël mais aussi pour le monde arabe.
Une crise politique durable en Iran déstabiliserait le Proche-Orient et plus largement les relations internationales. Il y a une contradiction manifeste entre l'ambition de l'Iran d'être une grande puissance régionale et le non-respect des droits de l'homme et du droit international.
M. Yvon Collin. - Vrai.
M. Jean-Pierre Plancade. - Le secrétaire général des Nations Unies a condamné les violences et appelé au respect des droits civiques, tout comme l'Union européenne et de nombreux États. La France a exprimé sa préoccupation et appelé à la libération immédiate des opposants arrêtés.
Monsieur le ministre, quelle position compte défendre la France lors de la réunion à cinq prévue demain à Trieste, en marge du G8 ? Que pense la France de la proposition suédoise d'un dispositif d'accueil, d'aide et d'assistance dans les ambassades européennes à Téhéran ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur plusieurs bancs à droite).
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - La France respectera la tradition d'asile, comme toutes les ambassades occidentales. Pour l'heure, le cas ne s'est pas présenté, étant donné le dispositif policier hermétique autour des ambassades.
Au G8, nous publierons ce soir un texte ferme. Aux exactions que vous avez citées s'ajoutent les pressions faites sur M. Karoubi, l'un des candidats, pour renoncer à la journée de deuil prévue aujourd'hui.
Au sommet du clergé chiite, des voix dénoncent ces pratiques, mettent en garde contre l'isolement de l'Iran et soulignent que les sanctions pèsent surtout sur les plus défavorisés. Nous croyons que le mouvement de contestation sera profond et prolongé. C'est pourquoi nous serons attentifs, sans provocations -laissons cela à M. Ahmadinejad, qui s'est encore illustré aujourd'hui par des déclarations insupportables. Je crains d'autres expulsions de diplomates ; nous ne devrons pas rester cois. (Applaudissements à droite)
Congé parental
M. Claude Biwer . - Je félicite tout d'abord Mme la secrétaire d'État à la famille pour l'élargissement de ses compétences à la solidarité. Ce rapprochement permet d'appréhender dans son ensemble la problématique de l'égalité entre hommes et femmes.
Le Haut conseil de la famille, qui remplace la Conférence de la famille, avec un champ élargi, se réunit aujourd'hui pour la première fois. La France a le taux de natalité le plus élevé d'Europe : la politique familiale doit répondre aux attentes, en matière d'accueil des jeunes enfants, de congé parental ou encore d'articulation entre vie professionnelle et familiale.
Le Président de la République a évoqué un droit opposable à la garde d'enfants. Où en est cette réflexion ? Le Premier ministre veut une rénovation du congé parental, qui ne doit plus exclure du marché du travail. Vous avez évoqué un congé parental plus court et mieux rémunéré. J'espère pour ma part que cette charge ne pèsera pas sur les départements, qui peinent déjà à financer la prise en charge des personnes âgées... Quel dispositif comptez-vous mettre en place ? (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité . - La France peut s'enorgueillir de sa politique familiale, qui nous permet d'avoir le taux de natalité le plus élevé de l'Union européenne. Nous devons mieux accompagner les familles, dans le cadre de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, faciliter la conciliation entre vie professionnelle et familiale.
Le Haut conseil, doté d'une meilleure gouvernance, lieu de concertation, fera des propositions.
Le congé parental concerne 573 000 personnes qui s'arrêtent de travailler pour s'occuper de leurs enfants de moins de trois ans ; il coûte 2 milliards. Seulement, il ne concerne des hommes que pour 1 % ! Le Haut conseil à la famille va donc faire des propositions pour inciter les pères à recourir davantage à ce congé, afin qu'il ne concerne pas seulement des mères, dont la moitié le prennent par défaut, en l'absence de structures de garde en quantité suffisante.
Le droit opposable ? Nous répondons d'abord à l'attente de nos concitoyens, qui souhaitent beaucoup plus d'équipements. Dans le cadre de l'accord entre l'État et les caisses d'allocations familiales, vont être proposées 200 000 offres de garde supplémentaires.
Vous voyez que nous intensifions notre politique familiale au service des familles. (Applaudissements à droite et au centre)
Attentat de Karachi
M. Jean-Pierre Godefroy . - J'interroge Mme la garde des Sceaux en tant qu'ancien de la DCN de Cherbourg et ancien maire de la ville.
Lors des obsèques des victimes de l'attentat de Karachi, promesse fut faite aux familles et aux milliers de salariés de DCN venus rendre un ultime hommage à leurs compagnons que toute la vérité serait faite. Sept ans plus tard, la piste d'Al Qaïda, qui n'a jamais revendiqué l'attentat, semble s'effondrer, à telle enseigne que la justice pakistanaise a récemment remis en liberté deux personnes condamnées en première instance et innocentées en appel. Lors de la visite en France, le 15 mai 2009, du Président pakistanais, les familles des victimes souhaitaient que le Président de la République obtienne de sa part des informations sur cette remise en liberté ; il n'en fut rien. Le 18 juin dernier, lors d'un entretien avec les familles au tribunal de grande instance de Cherbourg, les deux juges d'instruction antiterroristes chargés de l'enquête ont avancé la thèse d'un règlement de compte lié à des non-versements de commissions, la qualifiant de « cruellement logique ». S'il convient d'aborder ce dossier complexe avec rigueur, le contexte judiciaire nouveau exige que toute la lumière soit faite. Comme l'a dit l'une des victimes, blessée dans cet attentat, « si tout cela est bien vrai, alors on nous a sacrifiés ».
Le Président de la République, interrogé à Bruxelles, a parlé d'une « fable ». Envisage-t--il, comme il s'y était engagé, de recevoir les familles des victimes ?
Le Gouvernement dispose-t-il d'informations sur cet attentat ? Si elles relèvent du secret défense, est-il prêt à les déclassifier pour faciliter le travail des juges ?
Le Gouvernement est-il prêt à faire la lumière sur le contrat de vente à l'État pakistanais des sous-marins Agosta à l'origine de ces supposées commissions et peut-être donc de cet attentat ? Les déclarations, ce matin, de M. Millon, ministre de la défense en 1995, semblent conforter la thèse avancée par les juges antiterroristes Pour ce qui nous concerne, nous souhaitons la constitution d'une mission d'information parlementaire sur ce sujet.
Ces questions sont d'autant plus urgentes que le Gouvernement envisage de supprimer les juges d'instruction et d'élargir le champ du secret défense, ce qui ne facilitera pas l'émergence de la vérité. La mémoire de nos concitoyens nous appelle à exiger la transparence. (Applaudissements à gauche)
M. René-Pierre Signé. - Question embarrassante !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Malheureusement, je connais bien le drame du 8 mai 2002 : cela faisait six heures que j'avais pris mes fonctions de ministre de la défense. Je me suis immédiatement rendue sur place ; j'ai assisté aux obsèques -comme vous le savez puisque vous y étiez ; j'ai à de nombreuses reprises reçu les familles.
Il est évident que la lumière, toute la lumière, doit être faite. J'y tiens tout particulièrement. Nous le devons aux victimes et à leurs familles. Nous ferons en sorte que ce soit fait, dans des circonstances dont vous avez dit vous-même, avec le sens des responsabilités qui vous distingue, qu'elles étaient très complexes - et vous savez plus de choses que bien des commentateurs. Ce dossier doit donc être traité avec détermination, sérieux et sérénité. L'information judiciaire a été ouverte dès le 27 mai 2002 ; les juges qui en sont chargés bénéficient de toute l'aide nécessaire, y compris en matière de coopération internationale. Le gouvernement, les gouvernements sont très attachés à ce que la vérité apparaisse afin qu'ensuite la justice puisse passer.
Une mission parlementaire d'information ? La décision en revient à votre Assemblée, étant entendu que cette mission agirait dans le strict respect de la séparation des pouvoirs et du secret de l'instruction. (Applaudissements à droite et au centre)
Crise du lait
M. Philippe Paul . - Depuis l'accord du 3 juin dernier sur le prix du lait, la situation s'est aggravée. De nombreuses exploitations sont au bord de la faillite et du dépôt de bilan. Les prix moyens variant de 262 à 280 euros pour 1 000 litres prévus par l'accord ont, dès le départ, été déclarés insatisfaisants par la profession, malgré le plan d'aide de 30 millions pour les éleveurs en difficulté. Des producteurs du Finistère ont été payés 247 euros les 1 000 litres et, comme l'a dit ce matin notre collègue Muller, Entremont a réglé, hier, les 1 000 litres 205 euros.
La semaine dernière, une négociation s'est tenue à Bercy, avec le secrétaire d'État à la consommation et les producteurs, mais en l'absence des grands distributeurs. Tout semble fait pour que les producteurs perdent patience.
Comment expliquer cet écart énorme entre le prix payé aux producteurs et le prix de vente aux consommateurs ? La vérité doit être enfin dite ; la transparence est une exigence républicaine ! Nos agriculteurs souffrent, la filière est au bord du gouffre. Personne d'autre n'accepterait de travailler à perte sans aucune perspective ni soutien.
A l'issue du conseil des ministres européens qui vient de se tenir à Luxembourg, nous savons que la France a appelé à une mobilisation de tous les outils de gestion du marché pour soutenir les cours. La réflexion se porte effectivement sur une nouvelle gouvernance des marchés laitiers. Nous sommes tous conscients que la loi de modernisation de l'économie doit impérativement être modifiée. Mais, quel que soit le niveau, européen ou national, les solutions qui se mettent en place ne peuvent pas résoudre dans l'immédiat les difficultés des producteurs. Vous arrivez à ce ministère ; la tâche sera rude. Nous comptons sur vous pour que nos producteurs de lait puissent vivre décemment de leur métier. Pouvez-vous nous assurer de votre détermination et nous dire dans quelle direction vous allez porter vos efforts ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche . - Comme ce matin, je vous assure que nous ne nous laisserons pas tomber la filière laitière (applaudissements à droite), afin que les producteurs puissent pourvoir vivre dignement et sereinement de leur travail.
Avec le Premier ministre, nous avons pris un certain nombre de décisions, notamment un soutien de 30 millions d'euros à la filière. L'accord fixant à 280 euros le prix des 1 000 litres doit être scrupuleusement respecté. A l'échelle communautaire, nous avons demandé que toutes les possibilités de régulation -notamment de stockage- soient mises en oeuvre. Il y a quelques minutes, j'ai reçu Mme Fischer-Boel au cours d'un long entretien pour lui demander d'utiliser toutes les marges de manoeuvre communautaires.
Ainsi que je l'ai dit ce matin, nous devons obtenir une transparence totale en matière de prix : c'est une exigence républicaine. A la demande du Premier ministre, une étude sera conduite pour savoir où va l'argent. Les conclusions sont attendues par les producteurs laitiers et par l'ensemble des Français. Nous les connaîtrons très prochainement.
Mais nous devons aussi mieux organiser la filière en contractualisant les relations entre les producteurs, les transformateurs et l'industrie agroalimentaire, car aucun agent économique ne peut supporter des prix variant de 30 % d'une année sur l'autre. Cette filière a besoin de visibilité.
Sur le plan communautaire, j'ai clairement dit à Mme Fischer-Boel qu'il faudrait surveiller la fin des quotas laitiers. Des rendez-vous sont déjà prévus en 2010 et 2012. Clairement, ce secteur ne peut se passer de régulation.
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je rencontrerai les autres commissaires la semaine prochaine. Je me rendrai aussi en Allemagne pour tisser une alliance. Bien sûr, je serai dès demain en Seine-Maritime pour examiner la situation avec les producteurs laitiers. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que l'excellent rapport d'information du sénateur Bizet vient de paraître. (Applaudissements à droite)
Respect des droits de l'homme en France
M. Alain Anziani . - Ma question s'adresse à Mme Alliot-Marie en tant que ministre des libertés.
Les rapports publiés récemment par deux autorités administratives indépendantes nous alertent sur la situation inquiétante des libertés publiques.
Ainsi, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a rappelé l'état inhumain de nos prisons. Le projet de loi pénitentiaire, adopté ici en urgence le 6 mars, sommeille encore sur les rives de la Seine. (On se demande à droite ce que la gauche a fait) Pendant ce temps, les règles pénitentiaires européennes restent lettre morte, les suicides de détenus ou de surveillants se multiplient et « l'humiliation pour la République » perdure.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a dénoncé les atteintes à la dignité des personnes arrêtées, le recours abusif au menottage, les fouilles avec mise à nu quasiment systématique, les perquisitions arbitraires et les violences contre des mineurs. La commission déplore que ses recommandations soient « si souvent méconnues et que la hiérarchie policière ne veille pas mieux à leur application ». Il ne s'agit pas de simples bavures mais de comportements systématiques car nous avons affaire à une culture -favorisée par le Gouvernement- considérant les droits de la personne comme secondaires.
Devant le Congrès, le Président de la République a évoqué les libertés publiques et les prisons. Fort bien ; mettre en accord ses actes et ses paroles serait mieux.
Que compte faire le Gouvernement pour faire respecter en toutes circonstances les droits de la personne humaine ? (Applaudissements à gauche)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés . - Adopté par la Haute assemblée en mars, le projet de loi pénitentiaire doit maintenant être examiné par l'Assemblée nationale. Le Président de la République a souvent souligné l'attention extrême qu'il accordait au monde pénitentiaire. Il m'a confié ce dossier comme prioritaire.
J'ai déjà répondu dans d'autres fonctions aux critiques portant sur l'attitude de policiers : tout manquement à la déontologie est sanctionné.
M. Guy Fischer. - Pas tant que ça !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Bien plus qu'on ne le pense généralement. J'avais donc annoncé, lors de la synthèse des forums, que tous les rapports et toutes les sanctions seraient désormais publiés.
L'état des prisons est extrêmement insatisfaisant, sur les plans quantitatifs et qualitatifs. Améliorer les conditions de détention est une de mes priorités, que je concrétiserai en construisant de nouveaux établissements et en en réhabilitant certains. S'ajoutera un aménagement plus fréquent des peines, notamment grâce au bracelet électronique, car l'emprisonnement et l'aménagement sont complémentaires pour protéger nos concitoyens contre la délinquance, respecter la dignité humaine de chacun et favoriser la réinsertion, indispensable au progrès de la sécurité.
J'ai souvent dit que la sécurité était une chaîne. Comme garde des Sceaux, je continuerai à y prendre ma part. (Applaudissements à droite)
Crash du vol Rio-Paris
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Nos pensées tristement émues vont vers les victimes du crash de l'avion d'Air France qui s'est abîmé dans l'océan pendant la nuit du 31 mai au 1er juin en reliant Rio de Janeiro à Paris. Elles vont aussi vers leurs proches.
Nous nous associons pleinement à l'hommage, tout d'émotion et de solidarité, qu'a rendu, lors de sa visite au Brésil, le Président du Sénat. Les familles ont été sensibles à l'attention que vous-même et M. Borloo leur avez témoignée. La nomination de Pierre Jean Vandoorne comme ambassadeur chargé des familles a été perçu comme un geste fort. La mobilisation a été active, venue d'acteurs de tous horizons.
Reste que les familles sont déchirées face à la multiplication des démarches : quatre dossiers, quatre adresses différentes, une lettre du Président de la République, une lettre du groupe d'enquête et d'analyse, une lettre de la cellule de crise d'Air France... Elles ne savent plus où téléphoner, qui contacter, et cela ne fait qu'ajouter aux difficultés psychologiques et matérielles qu'elles traversent. Ne serait-il pas souhaitable, pour la qualité de l'aide apportée aux victimes, de simplifier les procédures en centralisant tous les dossiers en un guichet unique, avec une adresse unique ? (Applaudissements à droite et au centre. M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports . - Je vous remercie d'avoir rappelé combien les familles ont été sensibles au geste de solidarité du Président Larcher et je m'associe à votre hommage. Je sais, madame la sénatrice, combien sensible vous êtes à ce drame, puisqu'une entreprise de votre département compte plusieurs victimes parmi ses salariés. Il est vrai que tout doit être fait pour accompagner les familles. Nous gardons le contact avec elles, celles des passagers comme celles des membres de l'équipage, et nous mesurons les difficultés auxquelles elles se heurtent. Il faut retrouver les corps, identifier ceux qui l'ont été, mener les autopsies, déclarer le décès, ce qui peut prendre du temps ; viennent encore les problèmes d'assurance, d'indemnisation, les relations avec la justice, la tutelle des orphelins, auxquels il faut trouver des familles d'accueil.
Tout cela requiert la plus grande clarté. Air France fait son travail d'information. Le Premier ministre a nommé comme ambassadeur auprès des familles M. Vandoorne, qui, ambassadeur au Venezuela, s'était distingué, lors du crash qui a coûté la vie à plusieurs de nos compatriotes antillais, par sa grande humanité. Il est en contact téléphonique avec chacune des familles, qui dispose également d'un téléphone pour l'accès à l'information.
Il faut, à présent, que l'enquête menée, sous l'autorité judiciaire, par le bureau d'enquête et d'analyse, que l'on a vu mobilisé en juin par le tragique accident de l'Isère, progresse. Une conférence de presse aura lieu jeudi prochain. J'appelle la presse et les médias, par respect pour les familles, à faire preuve de la plus grande prudence tant que le bureau d'enquête n'a pas confirmé l'identification des corps. Le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour assurer un accompagnement des familles dans lequel nous mettons toute notre humanité et toute notre affection. (Applaudissements à droite et au centre)
Installation de défibrillateurs
M. Alex Türk . - J'ai depuis trois ans, madame la ministre de la santé, pris l'initiative, avec Mme Desmarescaux, dans notre département du Nord, de développer, en liaison avec les maires, l'installation de défibrillateurs cardiaques dans nos communes. Nous fêterons dans quelques jours le dixième appareil installé. Vous en connaissez l'utilité puisque vous êtes venue dans notre département à l'occasion du lancement de notre plan de développement, ce dont je vous remercie.
Nous rencontrons cependant deux difficultés. L'article premier du décret du 4 mai 2007 n'est pas totalement applicable, puisque manque l'arrêté qui doit en préciser deux dispositions importantes : d'une part, la localisation en amont des appareils, qui doit permettre aux pompiers et au Samu de gagner un temps précieux dans les situations d'urgence ; d'autre part, la collecte de l'information sur la survenance de ce type d'accidents et l'usage de l'appareil, qui doit permettre aux chercheurs de mieux comprendre les causes, au bénéfice de la prévention. Ces éléments manquant au système, c'est la bonne volonté des Samu et des permanences parlementaires qui permet, pour l'instant, d'assurer une centralisation « artisanale » de l'information.
Se pose également un problème de signalisation. Alors que l'on n'a pas de problème à reconnaître un extincteur, tel n'est pas le cas pour les défibrillateurs, qui ne bénéficient pas d'une signalétique uniforme -couleur, symbole... Une telle uniformisation mériterait d'ailleurs d'être imposée à l'échelle européenne. Elle permet de faire naître les réflexes adéquats. Nous avons déjà, grâce à ce dispositif, sauvé plusieurs personnes dans le Nord. Cela mériterait que l'on réfléchisse à une harmonisation du système. (Applaudissements sur plusieurs bancs)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports . - Je sais que vous êtes, monsieur Türk, un militant du défibrillateur. J'ai souvenir qu'à l'occasion d'une visite, comme président de la Cnil, vous m'en aviez fait une démonstration. (Rires entendus ; Mme la ministre se joint aux rieurs) Je ne m'en porte pas mal. Je suis toujours au Gouvernement. (Nouveaux rires)
L'utilisation de défibrillateurs fait passer le taux de survie de 2 % à 30 %. Ce sont donc, grâce à eux, 2 500 à 3 500 vies sauvées chaque année. N'oublions pas que l'on déplore plus de 500 décès au cours d'exercices sportifs, dont 45 % sur les lieux mêmes.
Nous avons donc développé une politique ambitieuse d'installation. J'ai mis 2 millions pour équiper les institutions, les établissements publics ont également mis la main au pot, la SNCF a équipé 150 gares et toutes ses rames de TGV. Les collectivités locales aussi, et je les en remercie, se sont mises de la partie, ainsi que certains opérateurs privés, comme certaines grandes surfaces qui ont installé des défibrillateurs dans leur galerie marchande.
Il est vrai qu'à la suite de la publication du décret de 2007, un arrêté reste à prendre sur l'harmonisation et sur le recueil des données.
Nous allons prochainement disposer d'une fiche uniformisée de recueil de données, ce qui nous permettra de suivre ces statistiques de façon beaucoup plus précise.
Quant à la géo-localisation, il n'y a évidemment pas d'obligation de déclarer les défibrillateurs, mais mes services sont en train de rédiger un arrêté pour préciser les choses. Je compte beaucoup sur les agences régionales de santé (exclamations à gauche) pour lancer un recensement des appareils de défibrillation afin de connaître précisément leur localisation.
En ce qui concerne la signalétique, l'Ilcor, le Comité international de liaison de la ressuscitation, a proposé un logo avec un coeur blanc sur fond vert et un éclair vert avec une petite croix blanche sur le côté. Bien sûr, il ne s'agit que d'une préconisation, mais nous demandons à l'ensemble des opérateurs d'utiliser ce logo qui sera bientôt connu par nos concitoyens et j'étudie la meilleure façon de généraliser cette signalétique. (Applaudissements à droite, au centre et sur divers bancs socialistes)
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
La séance reprend à 16 h 20.