Conseil et contrôle de l'Etat
M. le président. - Nous abordons l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances. - Cette mission, dont l'architecture est inchangée, s'appuie sur une enveloppe de 569,9 millions répartie entre trois programmes.
Le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » comporte 322 millions de crédits de paiement, en progression de 5,7 %, preuve de l'importance attachée aux moyens de la justice administrative. Les tribunaux administratifs voient leurs crédits croître de 8,7 % ; 53 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) sont créés en 2010, dont vingt postes de magistrats et trente de greffiers.
L'un des enjeux est de réduire les délais de jugement. En 2008, les tribunaux administratifs de la région parisienne ont enregistré, à eux seuls, 32 % des nouvelles affaires introduites en première instance. Outre le renforcement des effectifs permis par la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ), un nouveau tribunal administratif est installé à Montreuil-sous-Bois depuis septembre 2009, afin de désengorger les juridictions parisiennes.
Intégrée au programme depuis le 1er janvier 2009, la Cour nationale du droit d'asile s'est, elle aussi, attachée à diminuer ses délais de jugement, en réorganisant son fonctionnement, en améliorant ses procédures d'instruction et de déroulement des audiences, et en renforçant ses effectifs. Les efforts budgétaires imposent, en retour, une amélioration des délais de traitement des contentieux. L'objectif fixé par la LOPJ de les ramener à un an n'est pas encore atteint, sauf devant le Conseil d'État, mais ne paraît pas hors de portée.
Le programme « Conseil économique, social et environnemental » disposera en 2010 d'un budget de 37,5 millions, en progression de 1,63 %. Le Cese est aujourd'hui à la croisée des chemins. La révision constitutionnelle a étendu ses compétences au domaine environnemental, permis sa saisine par pétition et sa consultation sur les projets de loi de programmation. Le Parlement pourra le consulter sur tout problème économique, social ou environnemental. Son évolution devra se faire à budget presque constant -cela fait consensus. Reste le problème du financement de la caisse de retraite du Conseil, dont l'équilibre fragile pourrait être remis en cause par l'inévitable rajeunissement et la féminisation qui résulteront de la réforme.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 210,7 millions en crédits de paiement, en progression de 1,5 %. En réalité, les dépenses de fonctionnement augmentent de 9,6 %, du fait notamment de dépenses de loyers, tandis que l'enveloppe consacrée à l'investissement fond, avec la fin des travaux de rénovation de la tour des Archives rue Cambon.
Si les effectifs restent stables à 1 841 ETPT, la Cour des comptes emploie 45 experts, recrutés par contrat pour trois ans, qui contribuent aux missions de certification des comptes de l'État et de la sécurité sociale. Ils contribuent à la diffusion au sein de la Cour des techniques les plus modernes de l'audit.
S'il est difficile d'évaluer l'impact financier de la réforme des juridictions financières qui se profile, on peut penser que son coût sera compensé, sur une dizaine d'années, par une réduction des effectifs d'une centaine d'ETPT. Enfin, saluons la reconnaissance à l'international de l'expertise de nos juridictions financières, commissaires aux comptes d'organismes internationaux tels que l'Onu, l'Otan, l'Unesco, Interpol ou l'OMC. La commission des finances propose au Sénat d'adopter ces crédits. (Applaudissements)
M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois. - En cette période de dégradation des finances publiques, le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » voit son budget augmenter de 11,9 % en autorisations d'engagement et de 7,71 % en crédits de paiement. Cet effort correspond à un réel besoin, non seulement pour assurer le service public de la justice, mais aussi pour faire face aux contentieux qu'entraîneront de nouvelles dispositions dont les conséquences sont mal évaluées : RSA, droit au logement opposable (Dalo) ou permis à point.
Les crédits de personnel augmentent de 6,1 %, avec la création de vingt postes de magistrats. La LOPJ prévoyait la création de 210 emplois pour la période 2002-2007 ; nous avons du retard... Le projet de budget triennal 2009-2011 prévoit également le recrutement de 80 agents de greffe.
La création récente de tribunaux administratifs à Nîmes, Toulon et Montreuil-sous-Bois doit réorganiser la géographie de la justice administrative pour conjuguer efficacité et délais d'attente raisonnables. Il faut poursuivre les efforts sur la région parisienne. L'ouverture du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois en septembre dernier vise à faire face à la progression du contentieux de la Seine-Saint-Denis et à rééquilibrer l'activité entre les tribunaux d'Ile-de-France. Dès 2010, le tribunal administratif de Cergy traitera des affaires des Hauts-de-Seine et du Val-d'Oise, celui de Versailles des affaires de l'Essonne et des Yvelines et celui de Montreuil-sous-Bois, de la Seine-Saint-Denis.
En région parisienne, les délais ne sont plus supportables et dépassent parfois cinq ans. La situation déjà critique du tribunal administratif de Paris devrait encore se dégrader avec le développement du contentieux relatif au droit au logement opposable.
Je souhaite que les moyens alloués au tribunal administratif de Paris soient renforcés.
Les effectifs des cours administratives d'appel, notamment de Paris et de Versailles, devraient être augmentés. Si la création d'une nouvelle chambre est décidée pour celle de Versailles, je souhaite qu'un projet similaire soit confirmé pour Paris. Dans le sud, la création des tribunaux administratifs de Nîmes et de Toulon a soulagé ceux de Montpellier et de Marseille, mais la cour d'appel de Marseille est au bord de la saturation. Il faut absolument y créer une nouvelle chambre.
Les indicateurs de performance font apparaître des délais de jugement beaucoup trop longs, même si les valeurs cibles sont atteintes chaque année. Entre 2000 et 2008, le nombre d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs a progressé de 55 %, et de 64 % devant les cours administratives d'appel. Les contentieux les plus inflationnistes sont ceux des étrangers et de la police. Depuis 2004, ce dernier a augmenté de plus de 131 % devant les cours administratives d'appel, du fait notamment du permis à points. Monsieur le ministre, l'outil statistique relatif aux affaires de police administrative doit être complété afin de comptabiliser précisément ce contentieux.
Un contentieux qui explose, des moyens renforcés, une productivité accrue et une amélioration des délais de jugement : cette situation vertueuse pourrait vite se dégrader avec de nouveaux contentieux. De septembre 2008 à août 2009, 3 155 requêtes ont été déposées devant les tribunaux administratifs concernant le droit au logement opposable. Ce contentieux devrait à terme représenter 5 000 à 7 000 affaires par an, essentiellement devant les quatre juridictions d'lle-de-France. A la différence de celui du RMI et de l'allocation parent isolé, le contentieux du RSA relève en première instance des tribunaux administratifs et pourrait s'élever à 12 000 affaires par an. Ce nombre pourrait être réduit de moitié si la procédure de recours administratif préalable obligatoire auprès du président du conseil général se révèle efficace.
L'organisation interne de la justice administrative connaît des réformes depuis plusieurs années. Un décret du 7 janvier 2009 a remplacé le « commissaire du Gouvernement » par le « rapporteur public », mais le Parlement, et plus particulièrement le Sénat, a refusé que cette modification du code de justice administrative se fasse par ordonnance. Les dispositions relatives au statut des magistrats devront donc faire l'objet d'un projet de loi. Il en sera de même pour le projet de dispenses de conclusions du rapporteur public, envisagé par le Conseil d'État afin d'accélérer le traitement de certains contentieux répétitifs. Un tel dispositif suscite de vives inquiétudes. Il doit faire l'objet d'une réflexion approfondie afin d'éviter toute rupture d'égalité dans le traitement des affaires.
Je souhaite que l'effort pour donner à la justice administrative les moyens d'exercer correctement et prioritairement sa mission juridictionnelle soit maintenu et amplifié. La commission des lois approuve ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)
Mme Anne-Marie Escoffier. - La mission « Conseil et contrôle de l'État » permet d'imposer une logique de performance conforme à l'esprit de la Lolf, au bénéfice des citoyens comme à celui des agents de l'État.
Le premier de ses programmes concerne le Conseil d'État et les autres juridictions administratives dont le budget, qui correspond à 56,4 % des crédits de la mission, augmente de 5,7 %, soit 569,9 millions d'euros. L'ordre administratif doit parvenir au délai de jugement d'un an fixé par la Lopj de 2002, qui n'est toujours pas atteint. Nous notons le souci que l'État attache aux moyens de la justice administrative et espérons que cette augmentation budgétaire, légèrement majorée par l'Assemblée nationale, aidera à répondre à cette exigence. Il serait ainsi démontré que les administrations respectent le droit tout en maîtrisant leurs dépenses. Pour la première fois, la Cour nationale du droit d'asile est rattachée à ce programme. Elle doit elle aussi raccourcir ses délais de jugement tout en garantissant les droits de l'homme les plus élémentaires dans un État de droit.
Le deuxième programme concerne le Conseil économique, social et environnemental, qui a encore quelques progrès à faire pour satisfaire les impératifs fixés par la Lolf, d'autant que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 lui a confié de nouvelles missions. Il dispose d'un budget en progression de 1,6 million d'euros, soit une enveloppe globale de 37 millions. Une loi organique doit achever la définition de ses missions : 2010 sera bien une année de transition pour cette institution à laquelle le Parlement, et plus particulièrement le Sénat, est très attaché. La représentation des activités économiques et sociales représente 68,5 % des crédits du programme, le fonctionnement en absorbe 26 %, et la communication et l'international en utilisent 5,5 %. Si une trop grande maîtrise budgétaire était imposée au Conseil économique, social et environnemental, elle pourrait l'empêcher d'assurer toutes ses missions et l'équilibre fragile de sa caisse de retraite serait menacé.
La Cour des comptes et les autres juridictions financières, qui constituent le troisième programme, sont engagées dans un processus de modernisation dont la prochaine étape sera la réforme des chambres régionales et territoriales des comptes. Ses crédits, d'un montant de 210,7 millions d'euros, progressent légèrement, de 1,5 %. J'ai bien noté que les juridictions financières poursuivront la rationalisation de leurs moyens et que le Gouvernement souhaite faire de la Cour des comptes « le grand organisme d'audit et d'évaluation des politiques publiques » dont la France a besoin. Faute de connaître les détails de la réforme envisagée, il est difficile de se prononcer sur le budget de ce programme.
On ne peut que se féliciter, presque dix ans après la mise en oeuvre de la Lolf, des effets bénéfiques du contrôle de gestion imposé à ces institutions, surtout dans la situation budgétaire tendue que nous connaissons. Le groupe RDSE votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le budget du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » augmente de 5,7 % pour représenter 322 millions de crédits de paiement. Les tribunaux administratifs en bénéficient de plus 8,7 %. La création de 50 emplois confirme la mise en oeuvre du plan triennal et l'ouverture récente du tribunal administratif de Montreuil est positive. Toutefois, cette année encore, cela ne suffit pas pour faire face à l'engorgement de la juridiction administrative.
Le nombre des jugements par magistrat et par an est passé de 240 à 275 entre 2004 et 2008, avec des records en Ile-de-France. Le tribunal de Montreuil, créé pour drainer l'afflux du contentieux en Seine-Saint-Denis et rééquilibrer l'activité des tribunaux de Cergy-Pontoise et Versailles, ne soulagera pas ceux de Melun et de Paris. Nul doute qu'il sera lui aussi vite saturé. Une personne a même été informée récemment par le tribunal de Cergy-Pontoise que l'on traitait actuellement les recours de 2006 !
Comment en serait-il autrement pour le contentieux relatif aux étrangers avec une politique migratoire de plus en plus répressive ? Avec un objectif de 26 000 reconduites à la frontière, les atteintes aux droits augmentent inévitablement, ainsi que les recours contre les refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire et ceux des déboutés du droit d'asile. Quant au contentieux relatif à la mise en oeuvre du droit opposable au logement, il connaît une progression constante, surtout à Paris où la politique du logement donne la priorité à l'investissement locatif privé. La montée en puissance du contentieux du RSA sera liée au nombre des bénéficiaires et à la complexité du dispositif. Quant au contentieux du permis à points, lui aussi en forte progression, il se résume bien souvent au constat du non-respect par l'administration de certaines formalités, qui débouche sur une annulation. Ne faudrait-il pas mettre en place un recours administratif préalable obligatoire ?
Dans ces conditions, les délais pour les autres affaires s'allongent eux aussi. Cette situation s'oppose à l'obligation de résultats que vous faites peser sur les juges administratifs, sauf à prendre des risques pour la qualité des jugements prononcés. Il n'est pas de bonne justice si elle est trop rapide, trop souvent organisée par des ordonnances et sans la garantie de la collégialité.
La justice ne peut être abordée sous le seul angle de la RGPP, ni de la « productivité » des magistrats. Réduire les délais de jugement exige un accroissement considérable des effectifs. Sur le plan immobilier, les programmes de travaux se poursuivent, mais de nombreux locaux sont trop petits, comme à Paris, inadaptés ou en mauvais état, comme à Fort-de-France. Enfin, l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées est sans cesse repoussée à plus tard. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - Merci aux rapporteurs, merci aux oratrices ! Avec plus de 20 000 nouveaux dossiers en 2008, le tribunal administratif de Paris concentre 36 % des nouvelles procédures en Ile-de-France et son contentieux, notamment en droit des étrangers, est en forte croissance. La situation de cette juridiction s'est cependant beaucoup améliorée depuis 2002, le délai prévisible moyen de jugement ayant été réduit de 23 à 12 mois en 2008 ; le nombre d'affaires en stock a diminué de près de 32 %. Une action résolue a permis de résorber le retard pris sur le contentieux fiscal ou les marchés publics. La cour administrative d'appel de Paris, en dépit d'une progression de 50 % du volume de contentieux, a divisé par deux son délai moyen de jugement. Celle de Versailles, créée en 2004, a également été confrontée à une très vive croissance du contentieux : 75 % entre 2005 et 2008. Son délai prévisible de jugement est pourtant proche de la moyenne nationale. La cour administrative d'appel de Marseille, quant à elle, est parvenue à ramener son délai de jugement de trois ans et sept mois à un an et neuf mois, en dépit d'un doublement du contentieux ! Les moyens humains ont été accrus et tout le personnel s'est mobilisé -je lui rends hommage ici.
Le tribunal administratif de Paris demeure une juridiction fragile. En 2009, nous avons renforcé l'aide à la décision par la création d'emplois d'assistants et de postes de magistrats. En 2010, six nouveaux magistrats seront affectés à ce tribunal. La situation des deux cours franciliennes reste également préoccupante. La croissance du contentieux y demeure nettement plus élevée qu'ailleurs. La cour administrative d'appel de Paris pourrait bénéficier de magistrats supplémentaires et celle de Versailles sera dotée en 2010 d'une 6e chambre, avec quatre magistrats et trois agents de greffe. La croissance du nombre de requêtes devant la cour de Marseille se ralentit, mais le délai de jugement y reste supérieur à la moyenne nationale. Il n'est donc pas exclu de la renforcer en créant une chambre supplémentaire. J'indique qu'une nouvelle rubrique concernant les permis à points figurera dans l'application informatique du suivi des procédures.
Madame Borvo, la juridiction administrative est confrontée à une demande massive et croissante, qui exige, outre les moyens supplémentaires alloués dans le budget de l'État, l'investissement des magistrats, assistants et agents de greffe. Je salue leur engagement qui s'est traduit par une réduction tangible des délais de jugement malgré une vive progression du contentieux. La loi de programmation pour les finances publiques 2009-2011 prévoit la création de 150 emplois sur trois ans. A cela s'ajoute une réflexion plus globale sur l'évolution des méthodes et des procédures. Un décret, début 2010, réformera le partage des compétences entre le Conseil d'État et les tribunaux administratifs et poursuivra la rénovation des procédures.
Monsieur le rapporteur Frécon, il est bien difficile de mesurer l'impact de la réforme du Conseil économique, social et environnemental tant que les détails n'en sont pas arrêtés. L'impact des saisines parlementaires sur la charge de travail du Conseil et sur son budget dépendra du nombre de saisines annuelles -c'est d'une logique infaillible !- et il appartiendra au Conseil renouvelé et recomposé d'évaluer les conséquences budgétaires et pratiques. Mais il est probable que la variable d'ajustement sera le nombre d'auto-saisines, priorité étant donnée aux saisines gouvernementales et parlementaires. Par ailleurs, l'exercice du droit de pétition pose un certain nombre de problèmes de gestion. (MM. les rapporteurs renchérissent) La négociation triennale qui se tiendra au printemps 2011 avec la direction du budget sera l'occasion d'évaluer le montant des crédits nécessaires.
Au 31 décembre 2008, la caisse de retraite du Conseil comptait 798 ayants droit et 233 cotisants. Elle est donc en déséquilibre et le financement des pensions est très majoritairement assuré par les crédits budgétaires. Il existe un fonds de réserve, mais il sera totalement consommé à l'horizon 2013. La Cour des comptes a formulé des propositions : changer l'âge de la retraite, le montant des cotisations et des prestations ; transformer le régime actuel en régime de retraite en points ; ou en faire un régime de retraite complémentaire. Ces différentes solutions nécessitent une expertise approfondie. Le Conseil économique a déjà pris des mesures en 2009 : suppression de la retraite proportionnelle et diminution du taux de réversion de 66 à 50 %.
Les contours exacts de la réforme des juridictions n'étaient pas arrêtés lors la préparation du budget. Le projet de loi sera examiné par le Parlement au cours de l'année 2010. Dès lors, la première traduction budgétaire de la réforme devrait intervenir en loi de finances pour 2011 et dans la prochaine loi de programmation des finances publiques 2011-2013. L'étude d'impact montre que les surcoûts des missions nouvelles sont compensés par les gains de productivité et la rationalisation immobilière.
Madame Escoffier, vous avez soulevé la question des délais de jugement de la Cour nationale du droit d'asile. Le Conseil d'État et la Cour nationale se sont accordés sur des objectifs ambitieux pour 2009-2011 : ramener le délai de jugement des affaires en stock à six mois, contre plus de dix mois il y a un an. Le Conseil d'État a engagé la modernisation de cette juridiction : dix magistrats y siégeront à titre permanent et la réforme des audiences diminuera le nombre, élevé, des renvois d'affaires d'une séance à l'autre, facteur d'alourdissement et d'allongement des délais. Le Conseil d'État a prévu un renforcement des moyens de la Cour et quinze emplois équivalents temps plein sont créés. Les premiers résultats ont conduit à revoir certains objectifs intermédiaires, sans remettre en cause les objectifs pour 2011. Cette réduction moindre que prévu s'explique notamment par l'augmentation du nombre des recours. (Applaudissements à droite)
Les crédits de la mission sont adoptés.
Direction de l'action du Gouvernement
M. le président. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Orateurs inscrits
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial de la commission des finances. - Les crédits, en augmentation de 15 % environ, s'élèvent à 559,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 553,9 millions en crédits de paiement. Ils sont répartis entre deux programmes, l'un rassemblant des services rattachés au Premier ministre, l'autre composé de onze autorités administratives indépendantes participant à la protection des droits et libertés. Une action « Administration territoriale » est créée dans le programme « Coordination du travail gouvernemental ». Elle regroupe la rémunération des secrétaires généraux pour les affaires régionales et celle de leurs chargés de mission. La réforme de l'administration territoriale déconcentrée explique en partie la hausse d'environ 20 % des crédits de ce programme.
A périmètre constant, l'évolution des crédits du programme traduit une diminution des emplois, conforme à la révision générale des politiques publiques. Je souhaite d'ailleurs que le Gouvernement poursuive sa réflexion sur la pertinence du maintien de certaines entités rattachées aux services du Premier ministre, réflexion pouvant conduire à des suppressions, en cas de redondance ou de caducité des missions.
J'insiste sur la diligence dont le contrôleur général des lieux de privation de liberté a fait preuve afin de rendre opérationnels ses services dans les plus brefs délais, en dépit de conditions d'installation tardives et difficiles. Je me félicite de l'augmentation des crédits de paiement du programme « Protection des droits et libertés ». Comme l'an dernier, l'Assemblée nationale a réduit de 648 545 euros les crédits de la Halde ; nos collègues Dominati et Milon ont, quant à eux, déposé un amendement tendant à limiter la progression des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des autorités administratives indépendantes. Or, à l'exception du CSA dont les crédits de fonctionnement augmentent afin de poursuivre le développement de la télévision numérique, les augmentations de crédits prévues en 2010 sont destinées à renforcer les effectifs de ces autorités, y compris ceux de la Halde.
C'est que le nombre des saisines augmente considérablement. De 1 534 % en cinq ans pour l'activité de contrôle de la Cnil ! Dans le cas du Médiateur de la République, la progression considérable du nombre de saisines est due à l'arrivée des demandes supplémentaires émanant du Pôle santé et sécurité des soins. Quant aux réclamations enregistrées par la Halde, elles ont augmenté de 25 % par rapport à 2007.
Je comprends le souhait de nos collègues d'associer les autorités administratives indépendantes à la maîtrise des dépenses de l'État. La commission des finances y souscrit et n'est pas revenue sur l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. Je souscris également au souhait de voir ces autorités adopter une gestion vertueuse. C'est pourquoi j'ai demandé que la commission des finances contrôle les crédits de la Halde en 2010. Cependant, dans l'attente des conclusions de ce contrôle, je me garderai de réduire hâtivement les crédits de cette institution ou de toute autre. C'est pourquoi je présenterai à titre personnel un amendement rétablissant les crédits de la Halde.
Je reste vigilant sur les dépenses de fonctionnement de ces autorités, en particulier leurs loyers. Le problème a été analysé de manière exhaustive dans le rapport d'information de Mme Bricq sur l'État locataire. Depuis lors quelques progrès ont eu lieu. C'est ainsi que la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, une des institutions les plus dépensières en termes de loyer, a rejoint des locaux appartenant aux services du Premier ministre. Grâce à quoi son budget diminue de 4 %. Le Médiateur a renégocié son loyer, dont le coût passe de 700 euros le m2 à moins de 450. Il m'a été indiqué que la Halde renégociait son bail afin d'en réduire le coût. Il semble qu'une réflexion globale sur le parc immobilier de l'État soit en cours. Pouvez-vous me dire où elle en est ?
La commission a proposé l'adoption sans modification des crédits de la mission.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Cinq minutes pour évoquer le dramatique problème de la drogue...
Avec un budget de 29,8 millions, la Mildt ne s'occupe directement que d'une infime partie de la lutte contre la toxicomanie ; elle est cependant au coeur de cette politique car elle pilote le plan gouvernemental 2008-2011. Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008, la commission des affaires sociales a demandé qu'un document de politique transversale soit élaboré. Celui-ci nous est présenté pour la première fois cette année et il nous donne une vision globale des sommes consacrées par l'État à la lutte contre les drogues. Le total atteindrait 931 millions en 2010, à quoi il faut ajouter les 267 millions attribués à la prise en charge sanitaire et sociale au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette somme ne me paraît pas excessive face à ce qui cause 20 % des décès en France chaque année. Une part importante de financement relève du budget de l'éducation nationale ; de fait, la priorité doit être de lutter contre la première consommation de substances addictives qui s'effectue désormais dès l'âge de dix ou onze ans.
La vraie question est de savoir si ces sommes sont bien utilisées et c'est là que j'émettrai quelques réserves. Il y a une grande marge de progrès dans le monde de l'éducation. Les infirmières scolaires et la visite épisodique d'un gendarme ou d'un policier en uniforme ne suffisent pas à faire prendre conscience aux jeunes des dangers encourus, à détecter les problèmes et à orienter vers une prise en charge adaptée. La politique de répression paraît également inadaptée : on oscille entre de simples rappels à la loi et des peines de prison qui n'empêchent pas la récidive. Une contraventionnalisation serait une meilleure réponse.
Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues est un engagement important mais nous devons rester modestes dans nos attentes. Trois ans ne peuvent suffire à inverser une tendance inquiétante. Il faut donc une évaluation de fond, inscrite dans la durée, afin de saisir les tendances sociales en matière de consommation de drogues et, surtout, leurs déterminants. L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies devrait être chargé de la détermination des indicateurs propres à mesurer l'efficacité de la politique publique. Ces indicateurs pourraient faire l'objet d'une publication annuelle.
Nombre de parlementaires estiment que la police et la justice ne répriment pas suffisamment les réseaux de commercialisation de drogue, voire les conservent pour maintenir la paix sociale dans certains quartiers. Pouvez-vous vous faire l'écho de ces préoccupations auprès de vos collègues en charge de l'intérieur et de la justice ?
Nous commençons à y voir plus clair sur la politique de lutte contre les drogues et les toxicomanies, dont nous pensons qu'elle pourrait être déclarée grande cause nationale. Dans cette attente la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action Mildt.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Le programme « Protection des droits et Libertés » est né de la volonté conjuguée de Mme Gourault et de M. Gélard, de sanctuariser les crédits des autorités administratives indépendantes, en charge de la protection des droits et libertés. L'objectif était de neutraliser le principe de fongibilité asymétrique des crédits qui pouvait fragiliser ces autorités.
Je vous présente donc, pour la deuxième année consécutive, le programme « Protection des droits et libertés ». Il serait d'ailleurs plus cohérent que le Défenseur des enfants soit intégré à ce programme, avec la Cnil et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Nous pouvons nous réjouir du caractère raisonnable du budget alloué à celui-ci. Cette progression donnera à cette autorité les moyens de poursuivre sa montée puissance tant en termes de moyens humains que d'amélioration des visites sur site ou de traitement des courriers.
C'est assurément sans dommage pour le bon accomplissement de leurs missions que les autorités administratives indépendantes peuvent envisager une baisse de leurs loyers prohibitifs. J'espère que le Défenseur des droits qui va être institué donnera le bon exemple d'une utilisation intelligente de la géographie et qu'il s'installera ailleurs que dans les beaux quartiers, dans des locaux spacieux, fonctionnels, moins coûteux et évolutifs.
Le président Warsmann a fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement sur lequel notre commission des lois s'est prononcée.
Après cette limitation de la hausse des crédits de la Halde, elle a donc souhaité revenir aux propositions initiales du Gouvernement.
Les autorités indépendantes s'inquiètent : la création du Défenseur des droits ne se traduira-t-elle pas par une perte d'indépendance, par une dégradation de leur visibilité, par un alourdissement des procédures et par une dilution des compétences ? Il y a en effet peu de chances qu'une mutualisation permette une diminution des coûts car la plupart de ces budgets étant peu élevés, on ne pourra pas gagner beaucoup.
Un mot enfin du Défenseur des enfants. Le projet prévoit une solution mais un collège de trois membres n'est pas de nature à rassurer : il y aurait intérêt à élargir cette composition afin de mieux individualiser les institutions intégrées.
La commission recommande l'adoption de ces crédits. (Applaudissements)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je me concentrerai sur les onze autorités indépendantes en y ajoutant le Défenseur des enfants, dont je regrette moi aussi qu'il n'y soit pas associé. Je salue le travail du Contrôleur des lieux privatifs de liberté. Bien évidemment, son activité est appelée à se développer compte tenu de l'état de nos prisons.
Les loyers sont souvent très élevés, dit-on, mais il faut considérer la gestion par l'État de son patrimoine, elle n'est pas toujours des plus compréhensibles.
Nous discutions dans un contexte particulier. Les contours du futur défenseur des droits sont connus. Mon groupe n'avait pas voté sa création car nous redoutions qu'il n'absorbe plusieurs autres autorités et n'ait un budget et une compétence restreints. Nos craintes sont aujourd'hui confirmées. Il réunit les fonctions du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et du Défenseur des enfants, sans que ces deux autorités aient été consultées. Il pourrait aussi intégrer la Halde et la Cada. On assiste à une reprise en main d'organismes dont le sérieux et l'indépendance ne convenaient pas. Déjà le Défenseur des enfants en 2004 et la Commission nationale de déontologie de la sécurité en 2005 avaient échappé de peu à une réduction de leur budget.
Les droits sont réduits au fil des lois. Votre politique de plus en plus répressive multiplie les fichiers au point que le commissaire européen aux droits de l'homme nous montre du doigt. Ces autorités ont vocation à vérifier le respect du droit comme des conventions internationales -ainsi de la convention internationale des droits des enfants dont nous venons de fêter le vingtième anniversaire- mais aussi à réfléchir à de nouveaux droits et à les promouvoir, à faire des propositions.
Le Défenseur des droits, lui, n'interviendra que sur saisine et sauf dans les domaines de l'enfance et de la sécurité, uniquement en regard des services publics. Où est l'effectivité des droits pour tous ? Où est le pluralisme ? Que devient la spécificité du champ d'intervention des autorités indépendantes regroupées ? Tout cela participe de la régression des droits. Le président de la commission des lois affirme que le Défenseur des droits sera plus efficace parce qu'il sera doté d'un pouvoir d'injonction. Mais il n'aura pas les moyens d'investigation ! Mieux vaut donner le pouvoir d'investigation aux autorités actuelles en leur assurant les moyens de travailler. Le nombre de saisines de la CNDS a augmenté de 50 % et la Cnil est confrontée à la multiplication des fichiers : à chaque fait-divers, une loi et à chaque loi, un fichier -et encore avec le texte sur la récidive !
Nous soutenons l'amendement de la commission des lois mais voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Cette mission n'est assurément pas la plus simple : elle regroupe des institutions très différentes. Complexe à appréhender, difficile à cerner, elle tend moins selon la formule du rapporteur, à concourir à une politique publique qu'à une fonction d'état-major ou à des actions interministérielles à caractère transversal. Ses autorisations d'engagement, 559 millions, progressent de 15 % et ses crédits de paiement, 553 millions, de 19 %. Le premier de ses deux programmes correspond à sa fonction d'état-major, de stratégie, de prospective et de coordination autour du Premier ministre -autant de fonctions essentielles. Son périmètre a été sensiblement modifié pour tenir compte des raisons affectant l'administration territoriale.
Le deuxième programme regroupe onze autorités administratives indépendantes, dont la Cnil. Je souligne la particulière fragilité de celle-ci au cas où ses crédits ne seraient pas revalorisés. A l'occasion de notre proposition de loi, M. Détraigne et moi avons souligné l'impérieuse nécessité de revoir ses moyens financiers à la hausse pour assurer une compétence dont le champ s'amplifie.
Il y aurait trop d'organismes, des regroupements permettraient des économies substantielles. Je ne puis qu'être favorable à des clarifications de compétences. Certains organismes, créés pour répondre à un problème, n'ont pas disparu quand il a été réglé : le mille-feuille n'est pas seulement dans les collectivités territoriales...
Consciente des efforts de cette mission, je donnerai avec mon groupe un avis favorable à ces crédits. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - Je remercie les rapporteurs d'avoir présenté le travail effectué et les orateurs de leurs interventions. Je voudrais d'abord répondre sur la situation des autorités administratives indépendantes. Le Gouvernement, très sensible à la maîtrise des coûts, considère que leur fonctionnement doit se conformer à la discipline qu'il s'impose à lui-même. Nous essayons de réduire les loyers et renégocions systématiquement les baux les plus chers. M. Woerth a détaillé ce chantier dans une lettre aux présidents des commissions des finances des deux assemblées et au président du conseil de l'immobilier de l'État. L'installation du Défenseur des droits dans le XIXe montre qu'il est possible de trouver des loyers raisonnables dans Paris (500 euros le mètre carré).
Les relais territoriaux sont question d'efficacité. Ils n'ont pas le même intérêt pour toutes les autorités ni ne doivent prendre systématiquement la même forme. Ce qu'il est possible de concevoir pour le Médiateur de la République, au contact direct des citoyens, ne l'est pas forcément pour toutes les autorités.
S'il s'agit de conforter un réseau de correspondants locaux au service des citoyens, avec pour objectif d'améliorer la qualité de service au moindre coût, la démarche ne peut être qu'encouragée. S'il s'agit en revanche de multiplier les centres locaux de décision et de gestion, avec une augmentation des coûts de structures et de fonctionnement, le Gouvernement sera très réservé. En outre, ce qui compte, c'est la rapidité de traitement des dossiers plus que la proximité géographique : c'est tout l'enjeu du traitement à distance des demandes et des nouvelles technologies.
La mise en place d'un Défenseur des droits sera l'occasion d'évaluer la pertinence de l'organisation territoriale des autorités qui la composent. L'examen du projet de loi organique permettra d'en débattre.
Concernant la politique immobilière de l'État évoquée par M. Krattinger, le Sénat a mis cette question sur le devant de la scène avec le remarquable rapport de Mme Bricq de juillet dernier. Le Gouvernement considère également que l'État ne peut pas continuer à payer 188 millions par an de loyers en Ile-de-France. En mai, Éric Woerth, ministre en charge de la politique immobilière de l'État, a commencé à réduire ces charges. C'est un des axes majeurs de la politique immobilière du Gouvernement, au même titre qu'un meilleur entretien, que la réduction des surfaces et que la mobilisation des opérateurs de l'État. La réduction du coût locatif a d'abord été obtenue pour le loyer du ministère des sports, dans le XIIIe arrondissement, qui était le plus coûteux : le Gouvernement a obtenu qu'il passe de 14,5 à 8 millions par an. Le ministère du travail est concerné par une procédure identique : une renégociation est en cours pour ses locaux de la tour Mirabeau, dans le XVe arrondissement. Plus généralement, le Gouvernement souhaite intensifier ces renégociations pour profiter de la conjoncture actuelle en matière de loyers de bureaux à Paris. Là où le travail a été fait, la baisse moyenne a été de 45 % ! Éric Woerth a mis sur pied une task force associant le service France domaine de la direction générale des finances publiques et une équipe de négociateurs immobiliers privés. Pour 25 baux représentant 74 millions de loyer annuel, la renégociation devrait aboutir dans les prochains mois.
M. Krattinger m'a interrogé sur la rationalisation des commissions et des comités. La circulaire du Premier ministre du 8 décembre 2008 relative à la modernisation de la consultation a permis de recenser et de supprimer des instances consultatives inutiles. Le décret du 4 juin 2009 modifiant le décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif a permis de réduire le nombre des commissions consultatives créées auprès d'autorités de l'État, conformément à l'orientation donnée par le conseil de modernisation des politiques publiques. Ainsi, sur les 545 commissions créées par voie réglementaire, 211 ont déjà été supprimées. Pour poursuivre cet effort, Éric Woerth a demandé aux membres du Gouvernement de rechercher les commissions qui pourraient faire l'objet d'une nouvelle vague de suppression.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Henri de Raincourt, ministre. - Ce travail de recensement est en cours et devrait permettre de supprimer encore une cinquantaine de commissions d'ici la fin de l'année. Il reste beaucoup à faire, mais le Gouvernement souhaite continuer à supprimer les organismes qui doivent l'être et éviter la création de nouvelles structures inutiles, inadaptées, coûteuses, voire même redondantes. Dans ce contexte, les propositions du Parlement sont extrêmement utiles.
M. Peyronnet m'a interrogé sur l'impact budgétaire de l'installation du Défenseur des droits. Sa création n'aura pas d'incidence budgétaire immédiate. Pour 2010, le Défenseur des droits bénéficiera des moyens budgétaires votés en loi de finances pour l'ensemble des autorités administratives qui le composeront. II conviendra ensuite de tirer les conséquences financières de la mise en place de la nouvelle autorité, en termes de mutualisation des moyens. Le regroupement sur un lieu unique, respectant les critères d'efficacité de la politique immobilière de l'État, y contribuera.
M. Barbier a souhaité que l'Observatoire français des drogues et toxicomanies puisse élaborer des instruments d'évaluation. Mais cet observatoire recueille, analyse et synthétise en permanence diverses données concernant les drogues et les toxicomanies ! Pour remplir sa mission, l'Observatoire a mis en place des indicateurs et des tableaux de bords qui permettent de suivre l'évolution de la demande et de l'offre de produits. S'agissant de la demande, certains indicateurs suivent le niveau de consommation : tableau de bord mensuel tabac, dispositif de suivi des consultations jeunes consommateurs, enquêtes auprès des jeunes Français et des jeunes Européens, données sur les infractions à la législation sur les stupéfiants fournies par l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, baromètre santé qui permet de suivre la perception sur la dangerosité et l'accessibilité des produits. D'autres indicateurs concernent l'évolution de l'offre comme les saisies de stupéfiants ou, pour les produits légaux, les volumes vendus. Ces indicateurs sont suivis en permanence : ils permettent de définir des tendances et d'éclairer les choix stratégiques des pouvoirs publics en leur permettant d'anticiper les évolutions. Ce souci de l'évaluation a prévalu dès la phase de préparation du plan gouvernemental 2008-2011. Dans cette perspective, l'Observatoire a défini avec la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) une batterie de 44 indicateurs. En outre, la Mildt a demandé à l'Observatoire d'évaluer à la fin du plan certains dispositifs innovants comme les stages de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants, les programmes cocaïne, les programmes détenus, l'impact de la réglementation alcool sur les consommations.
M. Barbier estime que la répression du trafic de stupéfiants est insuffisante. Soyez assuré que cette lutte est une priorité absolue du Gouvernement. Mais comme vous le souhaitez, je me ferai l'écho de vos propos auprès des ministres de l'intérieur et de la justice. Le trafic et la consommation de drogues favorisent le développement d'une délinquance induite par les usagers, qui cherchent à financer leur consommation, et d'une économie souterraine liée aux importants bénéfices réalisés.
Au plan national, voici les tendances pour 2009 : stabilité du nombre des infractions à la législation sur les stupéfiants qui avoisinent les 117 000 ; saisies de 22,8 tonnes de cannabis et de 2,2 tonnes de cocaïne. Le ministre de l'intérieur a recentré l'activité des 34 groupes d'intervention régionaux sur le trafic des produits stupéfiants. Lors des enquêtes, l'approche patrimoniale est systématique, notamment dans les quartiers sensibles afin d'empêcher qu'y prospère l'économie souterraine. Il a demandé que la lutte contre le « deal de proximité » s'intensifie. Elle sera une priorité d'action des 34 « groupes spécialisés dans la lutte contre la délinquance des cités », créés le 1er octobre. La signature du protocole de coopération avec le ministre du budget le 23 septembre permettra d'affecter 50 contrôleurs des services fiscaux afin de favoriser les échanges d'information dans 43 quartiers sensibles. La création de la police de l'agglomération parisienne a permis depuis début octobre d'étendre le plan drogue de Paris à la petite couronne. Enfin, le ministre de l'intérieur souhaite intensifier la lutte contre le trafic international : la coopération opérationnelle a été renforcée avec les services espagnols et marocains pour lutter contre le trafic de cannabis. Le recours à des équipes communes d'investigations et d'enquêtes sera privilégié.
Mme Escoffier a souligné, à juste titre, l'importance du rôle joué par la Cnil.
M. Robert del Picchia. - C'est vrai !
M. Henri de Raincourt, ministre. - Nous savons que les missions de la Cnil ont été profondément modifiées : extension de sa compétence aux fichiers privés, passage d'un contrôle a priori à un contrôle a posteriori sur place et sur pièces, prononcé de sanctions qui n'existaient pas auparavant et qui supposent une instruction contradictoire. En outre, les progrès technologiques comme les réseaux sociaux ou le développement de la biométrie multiplient les difficultés pour protéger les données personnelles. C'est pourquoi l'augmentation des moyens accordés à la Cnil est pleinement justifiée. (Applaudissements à droite et au centre)
Examen des crédits
Article 35
Il est ouvert aux ministres, pour 2010, au titre du budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'élevant respectivement aux montants de 381 203 968 005 € et de 379 741 845 043 €, conformément à la répartition par mission donnée à l'état B annexé à la présente loi.
M. le président. - Amendement n°II-47, présenté par MM. P. Dominati et Milon.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
||||
Protection des droits et libertés Dont Titre 2 |
2.003.941 |
2.003.941 |
||
TOTAL |
2.003.941 |
2.003.941 |
||
SOLDE |
- 2.003.941 |
- 2.003.941 |
M. Philippe Dominati. - Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, le monde est en crise, la Nation souffre, mais l'État se porte bien : la France est devenue cette année la Nation qui dépense le plus pour la sphère publique de tous les pays du G20. Lorsqu'ils constatent des augmentations de budget de 15 %, les parlementaires ne peuvent que s'émouvoir. Des amendements similaires au mien ont été déposés sur les associations, les syndicats, les partis politiques, car en période de crise, il est tout à fait naturel que le pays en son entier fasse des efforts.
Cet amendement réduit de 2 millions, sur un total de 560, les crédits de ce budget en augmentation de 15 %. Nous avons voulu ce geste symbolique pour dénoncer de si fortes augmentations en cette période difficile pour tous. Les autorités administratives indépendantes doivent pouvoir faire des efforts. Nous ne mettons pas en cause leur bien-fondé -la lutte contre la drogue est une nécessité ; la Cnil fait un travail très utile- mais il faut alors, si l'on se donne des priorités, trouver des économies à faire ailleurs sur le programme.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Je précise que le programme n'est pas de 500 mais de 86 millions : tel est le montant des crédits qui concernent spécifiquement les droits et libertés. Un amendement de même nature avait déjà été présenté à l'Assemblée nationale l'an dernier, demandant pour 2009 un maintien des crédits au niveau de 2008. Mais n'oublions pas que le nombre de saisines de la Cnil a augmenté de plus de 1 700 % en cinq ans. Le Gouvernement a donc proposé d'aller plus loin qu'une simple progression du nombre des agents qui servent des missions, car l'embouteillage reste important, tant à la Cnil que dans d'autres autorités indépendantes. Il faut faire un effort supplémentaire pour les aider à réagir.
La question s'est en vérité posée des loyers et j'ai proposé de faire un contrôle sur pièces et sur place à la Halde pour tenter de traiter le problème au fond. La réponse du ministre va dans le bon sens.
Nous entendons donc bien votre raisonnement, mais la commission des finances reste réservée sur votre proposition et s'en remettra à l'avis du Gouvernement. J'ajoute qu'à titre personnel, je ne souhaite pas que cet amendement soit retenu, car il ne me semble pas apporter la bonne réponse.
M. Henri de Raincourt, ministre. - J'ai bien compris la philosophie qui sous-tend votre amendement. En cette période de rareté des finances publiques, l'État doit manifester, comme il l'a fait dans les lois de finances successives et avec la révision générale des politiques publiques, sa volonté de maîtrise de la dépense. Vous nous dites que votre amendement est symbolique, mais dans les faits, ces réductions de crédit s'imputeront sur la Cnil, le CSA, la Cada et la CNCIS.
Mon exposé général a, pour la Cnil, largement anticipé ma réponse. L'extension de ses activités et de son champ d'intervention nous conduisent à augmenter ses crédits. Nous ne pouvons donc partager votre proposition dans cette application. Quant aux crédits supplémentaires affectés au CSA, ils doivent permettre le passage à la TNT. Sans eux, les écrans de certains de nos compatriotes resteraient noirs alors même qu'ils continueraient de payer la redevance. Vous savez que la proposition de loi de M. Pintat doit mettre en oeuvre les efforts de la Nation pour que 100 % de nos compatriotes bénéficient de la TNT.
Je suis donc, au nom du Gouvernement, très attentif à votre message et connais tout le sérieux de votre raisonnement, mais c'est aussi mon devoir de vous demander de retirer votre amendement, faute de quoi, à mon grand regret, je devrai émettre un avis défavorable.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Je m'associe à la demande du ministre. La commission des finances ne peut avoir que de la sympathie pour un amendement qui vise la maîtrise des dépenses, mais elle a aussi conscience que nombre d'autorités administratives indépendantes doivent faire face à un afflux considérable de saisines liées à des missions nouvelles que l'État lui-même lui a confiées.
Si les budgets sont importants, c'est notamment du fait des loyers, contractés parfois dans la précipitation, à une époque où France Domaine n'existait pas. La Halde acquitte ainsi un loyer bien supérieur à la moyenne des prix parisiens, qui absorbe 2 millions sur un budget de 5 millions. Mais c'est la volonté franche du Gouvernement que de reprendre les choses en main.
M. Philippe Dominati. - Je vais retirer l'amendement, mais vos explications sont une démonstration du problème. Il serait temps d'avoir une gestion patrimoniale de long terme. Les difficultés sont réelles, y compris au niveau local : quand on voit qu'un office municipal des sports, dans une ville, est obligé de payer un surloyer pour être dans un quartier attractif, on comprend le problème...
Je ne nie pas les efforts des autorités administratives indépendantes, ni de leurs agents, mais je dis que tant que l'on ne réduira pas le périmètre de l'État, on aura beau tenter d'être vertueux, on finira toujours par augmenter d'un côté de plus quinze quand le reste est à moins vingt.
L'amendement n°II-47 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-42, présenté par M. Peyronnet, au nom de la commission des lois.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Protection des droits et libertés Dont Titre 2 |
648 545 |
0 |
648 545 |
0 |
TOTAL |
648 545 |
0 |
648 545 |
0 |
SOLDE |
+ 648 545 |
+ 648 545 |
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. - L'amendement rétablit les montants initiaux prévus par le Gouvernement. La Halde est visée en raison de son loyer excessif. Mais des négociations sont en cours, et la situation devrait se rétablir. Une réduction des crédits risquerait de déstabiliser l'institution.
M. le président. - Amendement identique n°II-43, présenté par M. Krattinger.
M. Yves Krattinger. - Il est défendu.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Lorsque la commission a examiné l'amendement tendant à rétablir les crédits de la Halde, proposé par son rapporteur spécial, celui-ci n'avait malheureusement pu alors être présent et transmettre toute sa conviction à ses membres. Notre commission, dont les réactions sont parfois un peu rustiques, a alors pris le parti de ne pas suivre son rapporteur spécial.
Le loyer est très élevé, mais le ministre du budget a confirmé que des négociations étaient en cours à fin d'alléger cette charge.
Les paroles du ministre ont également été très bien entendues lorsqu'il a dit que le Gouvernement avait engagé un ménage systématique tendant à faire disparaître les missions devenues inutiles. Je suggère de faire la même chose dans les départements : le président du conseil général de l'Yonne doit être surpris par la pléthore d'organismes divers où il doit nommer des représentants, alors qu'ils ne se réunissent guère et que les rares exceptions laissent aux participants l'impression d'avoir perdu leur temps. Nous avons beaucoup de travail pour faire le ménage dans cet inventaire à la Prévert de commissions et d'organismes divers.
S'agissant de la Halde, l'avis du Gouvernement sera précieux.
M. Henri de Raincourt, ministre. - C'est un combat à front renversé par rapport au débat devant l'Assemblée nationale... (Sourires)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Heureusement que le Sénat existe !
M. Henri de Raincourt, ministre. - Les députés voulaient adresser à la Halde un signal fort portant sur le montant jugé excessif du loyer. J'avais répondu aux députés que je partageais leur sentiment, mais qu'il était impossible d'anticiper au 1er janvier 2010 l'éventuelle révision du loyer, en effet important. Il faut attendre la clause de revoyure pour bénéficier de ses bienfaits. Après avoir exposé aux députés ce raisonnement simple, je m'en suis remis à leur sagesse.
J'ai abouti ce soir à une conclusion identique... bien qu'elle aille dans l'autre sens.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - J'entends cet appel à la sagesse.
Nous pourrions adopter l'amendement, mais je demande le gel des crédits qui seront devenus inutiles à l'issue de la négociation conduite par M. Woerth.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Je ne suis pas certain que la clause de revoyure joue en 2010, le bail arrivant à échéance en 2014.
La remarque formulée par le président de la commission des finances sera prise en considération. En attendant, il faut respecter le bail.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Sous le bénéfice de ces explications de bonne gestion, la commission des finances émet un avis favorable.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Signé en 2005, le bail court jusqu'en 2014. Une négociation est engagée, sans succès à ce jour. Elle est nécessairement difficile, puisque la signature recueillie par le propriétaire le met dans une situation favorable.
Je souscris à la proposition du président de la commission des finances.
L'amendement n°II-42, identique à l'amendement n°II-43, est adopté.
M. le président. - Amendement n°II-78, présenté par le Gouvernement.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail GouvernementalDont Titre 2 |
222 500 178 000 |
222 500 178 000 |
||
Protection des droits et libertésDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
222 500 |
222 500 |
||
SOLDE |
- 222 500 |
- 222 500 |
M. Henri de Raincourt, ministre. - Les crédits du Premier ministre doivent être réduits au profit de la culture, qui accueillera désormais la direction des médias, rattachée jusqu'ici à Matignon.
L'amendement n°II-78, accepté par la commission, est adopté.
Les crédits de la mission sont adoptés.