Mission Pouvoirs publics
M. le président. - Nous abordons l'examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial de la commission des finances. - Le montant global des crédits de la mission s'établit à 1 018 millions d'euros, en baisse de 0,5 %.
Représentant plus de 95 % du total, les dotations de la Présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat sont reconduites à l'euro près.
En revanche, les indemnités des représentants français au Parlement européen -soit 4,7 millions d'euros l'an dernier- disparaissent de la mission, puisque les intéressés sont directement pris en charge par l'assemblée de Strasbourg depuis le renouvellement de juin 2009.
J'en viens à la transparence voulue par le Président de la République sur l'utilisation des crédits alloués à l'Élysée. C'est une avancée majeure de notre démocratie. En effet, le Président Sarkozy a souhaité un contrôle permanent de gestion par la Cour des comptes. Publié en juillet, son premier rapport aborde trois thèmes : la consolidation du budget ; la réforme des procédures budgétaires et administratives ; la mise en place d'une comptabilité analytique. La Présidence a répondu à chaque observation de la Cour et s'est engagée à respecter la plupart des préconisations du rapport, y compris sur le principal sujet de controverse : le financement des sondages d'opinion. Sans entrer ici dans un détail comparable à celui du rapport écrit, je précise que la Présidence de la République a décidé de recourir systématiquement à la mise en concurrence des prestataires, mettant un terme à une vieille tradition d'opacité.
Au total, il aura fallu deux siècles après la fin de la monarchie absolue pour que les dépenses liées à la fonction du chef de l'État soient identifiées, contrôlées et publiées plus que pour toute autre administration. Je salue ce constat, éloigné des polémiques apparues ces derniers temps.
Pour la troisième année consécutive, les deux assemblées parlementaires ont demandé la simple reconduction de la dotation antérieure. Il faut saluer la maîtrise de leurs dépenses, notamment en matière de personnel, qui permet de couvrir les dépenses induites par la révision constitutionnelle de 2008.
Je vous renvoie à mon rapport écrit pour les chaînes parlementaires et le Conseil constitutionnel, dont les dotations n'appellent pas de commentaire particulier.
Pour conclure, je voudrais évoquer la Cour de justice de la République, dont les crédits augmentent de 11,4 %, en raison de ses conditions d'hébergement.
En juillet, la commission des finances a publié un rapport sur l'État locataire, où il est clairement dit que le maintien de cette Cour rue de Constantine, sur l'esplanade des Invalides pour 600 euros par mètre carré n'est pas nécessaire, les locaux étant trop exigus pour que la formation de jugement y siège. Les deux derniers procès se sont tenus dans la première chambre civile du tribunal de grande instance de Paris.
Le loyer représentant 56,5 % de la dotation en 2010, il est légitime d'explorer d'autres solutions, comme la commission des finances le demande depuis des années. Courant octobre, le ministre du budget a adressé un courrier au président de la Cour de justice, pour demander une révision du bail ou la recherche d'une autre implantation, avec une référence expresse au rapport d'information de notre commission des finances. Nous resterons très attentifs à ce dossier.
Sous cette seule réserve, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission. (Applaudissements à droite)
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La dotation accordée en 2010 au Conseil constitutionnel s'élèvera à 11,6 millions, en baisse de 6,6 %, ce qui peut surprendre avec la prochaine mise en oeuvre de la question de constitutionnalité prévue par la révision constitutionnelle. En réalité, le Conseil prévoit d'anticiper l'exercice de ces nouvelles missions : espace dédié aux avocats et au public, logiciel de greffe. Il prépare en outre la prochaine élection présidentielle en s'équipant d'un logiciel de traitement des parrainages. Les opérations exceptionnelles, avec 4,5 millions de crédits, portent sur la poursuite des travaux de rénovation des locaux. Les crédits consacrés au Conseil Constitutionnel -dont je souligne la gestion rigoureuse- n'appellent donc pas d'observations particulières.
La dotation allouée à la Cour de justice de la République s'élèvera à 941 000 euros, en hausse de 11,4 %. Outre le loyer, il faut tenir compte de l'activité fluctuante de la Cour : 33 requêtes en 2008 et 26 en 2007, contre 66 en 2006 et 97 en 2005. La formation de jugement siègera à trois reprises cette année, d'où une hausse du budget. Les crédits de la Cour de justice de la République n'appellent donc pas d'observations particulières.
Enfin, comme chaque année, la commission des lois demande que les crédits du Conseil supérieur de la magistrature soient intégrés dans la mission « Pouvoirs publics ». Une telle mesure concrétiserait l'indépendance du CSM, confortée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il serait temps, alors que la réforme du CSM va bientôt entrer en vigueur, d'en tenir compte dans la maquette budgétaire.
La commission des lois est favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur le banc des commissions)
M. François Fortassin. - Cette mission revêt un caractère symbolique : il s'agit du train de vie du pouvoir. Je ne m'attarderai pas sur les moyens alloués aux deux assemblées ou au Conseil constitutionnel, mais à ceux de la Présidence de la République.
On a parlé en termes forts -moralisation, modernisation des valeurs républicaines. Tout citoyen exerçant une responsabilité publique, à commencer par le premier d'entre eux, a un devoir de modestie et d'exemplarité. Nous sommes loin du compte.
Fraîchement élu, le Président de la République, après des vacances bien méritées, a promis de faire toute la transparence -ce qui s'est traduit par une hausse sensible du budget de la Présidence, censée intégrer des crédits jusque-là externalisés. Où est la cohérence ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ce n'est pas le même périmètre.
M. François Fortassin. - En 2008, le budget voté était de 16 millions, or 24 millions ont été consommés. Transparence ? Moralisation ?
Au nom de ces valeurs républicaines revisitées, on lance un grand débat sur l'identité nationale, centré sur la sécurité et l'immigration. Bien loin des valeurs républicaines traditionnelles, au premier rang desquelles je range la laïcité. Quel rapport avec ce budget, allez-vous dire ? Le problème, ce sont ces 3 millions pour des sondages qui n'ont d'autre objet que de mettre en valeur l'action du chef de l'État ! Ce n'est guère convenable. On cherche avant tout à séduire un certain électorat, qui ne fait pas des valeurs républicaines des vertus cardinales...
Les prétendus « modernes » accusent les « anciens » d'être accrochés à des valeurs dépassées. Nous avons traversé des périodes sombres : les 80, que nous allons bientôt honorer, et qui ont refusé d'accorder les pleins pouvoirs à Pétain ont été accusés d'être passéistes, rétifs au modernisme de la « révolution nationale ». On sait la suite... Je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvais augure mais évitons les idées trop simplistes qui pourraient nous engager dans une voie regrettable. Je suis pour une identité nationale définie autour des concepts d'humanisme, de laïcité et de tolérance.
On exige beaucoup de nos compatriotes qui souffrent. Les dépenses somptuaires seraient inhérentes à la grandeur de la France, disent certains. Je n'ai jamais été gaulliste, mais à l'époque du Général, la grandeur de la France n'était pas un vain mot, alors que les dépenses du chef de l'État étaient des plus modestes ! A l'heure où l'on exige des sacrifices de nos compatriotes, nous souhaiterions plus de modestie dans l'affichage et dans les chiffres. On ne peut demander à ceux qui exercent des missions de service public de faire des économies si l'exemple ne vient pas d'en haut !
Toutefois, saluons la rigueur du Président de la République en matière de frais de bouche : petit appétit, grand buveur d'eau, il doit être bien moins dépensier en la matière que son prédécesseur ! (Sourires)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - Monsieur Alduy, je rejoins votre appréciation sur la bonne gestion de la Présidence de la République.
Le loyer de la Cour de justice de la République s'élève à 532 100 euros. Cette somme tient compte de l'application en cours d'année de l'indice d'augmentation des loyers : la hausse a été de 10,50 % en 2009. Le loyer actuel a été fixé par les services des Domaines lors du renouvellement du bail en 2004. Les locaux ont été aménagés pour recevoir l'institution, qui n'est pas une juridiction comme les autres. Les travaux réalisés se sont élevés à 3,5 millions d'euros.
La localisation de la Cour de justice de la République, proche de l'Assemblée nationale et du Sénat, explique en partie le niveau élevé de ces loyers. Elle est située en dehors d'une enceinte judiciaire dédiée, ce qui témoigne d'une volonté politique d'une grande signification.
Yves Détraigne souhaite que le budget du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), actuellement rattaché à la mission « Justice », appartienne désormais à la mission « Pouvoirs publics ». Il ne me semble pas que cette instance puisse être considérée comme un pouvoir constitutionnel, au même titre que le Conseil constitutionnel ou la Cour de justice de la République. L'autonomie budgétaire du Conseil d'État et de la Cour de cassation est assurée sans que leur budget soit rattaché à la mission « Pouvoirs publics ». Surtout, la révision constitutionnelle intervenue en 2008 ne modifie pas la nature du CSM.
Monsieur Fortassin, je vous rappelle que, pour la première fois, le budget de la Présidence de la République est totalement transparent : il a été soumis à l'appréciation de la Cour des comptes, qui a publié un rapport. Cela n'était pas une obligation. Il est singulier qu'au moment où cette évolution doit être saluée... (M. Robert del Picchia approuve)... elle donne lieu à des reproches. Dois-je vous rappeler comment la Présidence de la République fonctionnait auparavant ? Comment étaient payés les collaborateurs ? Quel était le montant des indemnités perçues par le chef de l'État ? Tout le monde sait qu'il y avait autrefois à l'Élysée, comme dans les grands ministères, des fonds secrets. Il serait plus juste de louer le Président de la République pour cette évolution que de lui en faire le reproche. (M. Robert del Picchia approuve)
Monsieur Fortassin, votre message a été entendu pour ce qui est des dépenses de personnel, qui vont diminuer. Le nombre de conseillers du chef de l'État est passé de 82 à 48. L'effectif de l'Élysée a été ramené de près de 1 100 à 940. Toutes les dépenses effectuées à titre privé par le Président de la République sont assumées par lui, suivant une recommandation de la Cour des Comptes. Il a remboursé 14 000 euros à ce titre, et plus aucune dépense de cette nature n'est traitée par les services de l'Élysée. Il règle lui-même ses billets d'avion pour ses déplacements privés. On peut toujours faire mieux, mais ces efforts de transparence et de bonne gestion des fonds publics sont louables. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Sont présents ce soir trois rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Pouvoirs publics » : je l'ai été jusqu'en 2008, avant Henri de Raincourt, remplacé cette année par Jean-Paul Alduy. Nous savons qu'à une époque les crédits de la Présidence ne traduisaient que partiellement les frais engagés. Les ministères mettaient à sa disposition des personnels dont ils assuraient la rémunération. Une comparaison n'est possible qu'à périmètre constant.
Un immense progrès a été accompli pour rendre ce budget aussi transparent que possible, conformément à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Le Président de la République applique des méthodes comptables plus rigoureuses afin que son budget donne une image fidèle des moyens employés. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Les crédits de la mission sont adoptés.