Loi de finances pour 2011
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2011.
Discussion générale
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. - J'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi de finances adopté hier à l'Assemblée nationale, dans le respect de son Règlement et du droit du Gouvernement à demander une seconde délibération. Je vous prie d'excuser ma voix altérée par un microbe.
Il y aura un avant et un après la crise. Nous devons absolument réduire le déficit public. Le Gouvernement a fait en ce sens des choix justes, responsables, équitables et courageux puisque nous refusons d'augmenter les impôts. Nous allons réduire de 60 milliards le déficit, soit une baisse de 40 %. Cette proposition historique s'explique par une réduction drastique des dépenses, jamais vue depuis cinquante ans. Certains doutent de notre capacité à y parvenir mais notre stratégie est en train de produire ses effets.
Le déficit d'aujourd'hui représente les dettes de demain et les impôts d'après-demain ! Réduire les dépenses est un choix politique et économique, un choix de société, comme l'a dit le Premier ministre. Lorsque plus de 56 % de la richesse nationale vont à des dépenses publiques, il est hors de question d'accroître encore les prélèvements obligatoires. Comme s'y était engagé le Président de la République, nous n'augmentons donc ni l'impôt sur le revenu, ni la TVA, ni l'impôt sur les sociétés.
Les dépenses de l'État seront stabilisées en valeur, ce qui, avec une hausse des prix de 1,5 %, signifie une réduction en volume.
Une telle réduction des dépenses est inédite. Nous allons jouer à la fois sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement. Nous allons poursuivre la RGPP, la réduction des effectifs de la fonction publique ainsi que celle de toutes les dépenses sur lesquels on pourra agir. Seront toutefois épargnés la justice, l'enseignement supérieur, la recherche et la sécurité intérieure. Pour l'assurance maladie, l'Ondam, respecté pour la première fois cette année, est limité à 2,9 %. Il y aura une stabilisation en valeur des crédits affectés aux collectivités locales, hors FCTVA.
Notre stratégie de réduction des dépenses repose aussi sur les niches fiscales et sociales, sur lesquelles nous espérons récupérer 10 milliards, soit davantage que ne le prévoyait le programme de stabilisation.
Le RSA, bouclier social, continuera sa montée en puissance. Nous réduirons les niches sociales du côté des employeurs, afin de ne pas remettre en cause les employés les plus défavorisés. Nous voulons protéger l'État providence. Les deux tiers des économies réalisées sur les riches seront affectés à l'action sociale.
Nous nous inscrivons dans la continuité de notre stratégie. Ce budget est le socle sur lequel nous espérons retrouver la croissance.
Notre système fiscal est complexe et devra être réformé au printemps, dans le cadre d'une loi de finances rectifictive, comme l'a annoncé le Président de la République. Il s'agit d'aboutir à une fiscalité acceptée par tous, qui ne nuise pas à notre compétitivité internationale. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - La sortie de crise est d'ores et déjà avérée : au deuxième trimestre, le PIB a gagné 0,6 %, après 0,3 % au premier trimestre, et l'investissement des entreprises a continué à augmenter, tandis que la consommation reprend, et cette tendance a été confirmée au troisième trimestre. Autre signe favorable : les Français ont recommencé à investir dans le logement.
J'entends encore les critiques faites au moment du plan de relance, qui aurait été insuffisant à 45 milliards -le FMI l'a jugé approprié. Nous avons soutenu les banques ? L'État y a gagné 2,4 milliards en intérêts sans prendre le moindre risque. Nous n'avons pas assez soutenu la consommation des ménages ? Elle n'a pas baissé !
Le PIB allemand s'était effondré de 4,7 % en 2009...
Depuis le début de l'année, la France a créé 100 000 emplois nets, et la tendance s'accélère. Nous avions prévu la création de 80 000 emplois, la réalité a dépassé nos espérances. Le chômage n'est plus qu'à 9,3 %, après le pic à 9,7 %, et il diminue de trimestre en trimestre.
Dans tous les pays développés, le chômage s'est accru. Il approche les 10 % aux États-Unis ! L'endettement public a augmenté dans la plupart des pays développés : plus de 40 % aux États-Unis ! C'était utile pour relancer la machine économique. Un certain nombre de pays émergents sont devenus des moteurs de croissance : Chine, Brésil, Russie...
Oui, la France peut rebondir. Elle a des atouts. Sa demande intérieure est dynamique. Son territoire est attractif pour les investissements et pour la demande mondiale qui lui est adressée ; le nombre de nouveaux projets d'investissements atteint 639, soit les chiffres d'avant crise. L'inflation est maintenue à 1,5 %, ce qui est bon pour les ménages. Notre signature est reconnue sur le marché mondial.
Notre démographie nous apporte le deuxième niveau de fertilité en Europe. Enfin, notre croissance est bien orientée, avec une prévision de 2 %.
Nous considérons que certaines de nos réformes destinées à libérer les échanges portent leurs fruits et que la demande pourra être satisfaite.
Notre première priorité est l'emploi, qui doit remonter au niveau d'avant crise. Ambitieux, certes, cet objectif peut être atteint. La prévision pour l'emploi total en 2010 -plus 167 000 emplois- sera sans doute dépassée ; nous attendons 228 000 créations l'an prochain. Nous allons tout faire pour conforter cette tendance, grâce à la réforme de la formation professionnelle et au développement de la formation en alternance.
Deuxième priorité : la résorption des déficits. C'est d'abord une exigence de souveraineté nationale. C'est aussi un impératif de justice face aux générations futures.
Mme Nicole Bricq. - Et la Cades ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - La réduction de la dette est nécessaire pour que les agents économiques aient confiance et ne constituent pas une épargne de précaution.
Pendant la crise, nous avons creusé le déficit et accru la dette ; il faut maintenant contrôler les dépenses de l'État et, je l'espère, des collectivités locales et s'attaquer aux niches.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Excellent !
Mme Christine Lagarde, ministre. - La réforme du financement des retraites s'inscrit dans cette perspective, ainsi que la mise à contribution du secteur de l'assurance pour la dette sociale.
La réduction des avantages fiscaux pour le photovoltaïque ne traduit aucune agressivité de Bercy contre le Grenelle : les objectifs ont été atteints.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Préférer une réduction de la dépense à une augmentation des impôts est un choix politique qui suppose aussi un équilibre de l'effort.
Troisième priorité, et non la moindre : la compétitivité de notre économie. Dans un monde multipolaire, il faut conserver sur notre sol des activités à haute valeur ajoutée, mais pas seulement : celles-ci ont besoin d'un socle industriel.
C'est la raison de la réforme de la taxe professionnelle et du crédit impôt recherche. Les PME doivent exporter plus ; il faut donc repositionner les acteurs publics dans cette perspective.
L'investissement immobilier des ménages a repris au troisième trimestre. Nous avons refondu les aides existantes pour les rendre plus simples, moins coûteuses budgétairement et plus efficaces.
Dans les états généraux de l'industrie, nous avons réfléchi aux moyens les plus efficaces pour aider nos entreprises. Le crédit impôt recherche est un des aspects les plus attractifs de notre territoire. Je plaide donc en sa faveur. C'est sans doute l'outil le mieux calibré, tant dans son architecture que dans ses effets. Les divers rapports réalisés le confirment.
Mme Nicole Bricq. - Et l'effet d'aubaine ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Ce n'est pas la question. Il s'agit de savoir si cela rapporte gros. Or on constate qu'un euro génère trois euros supplémentaires de recherche.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - En Europe centrale...
Mme Christine Lagarde, ministre. - Un euro se traduit par deux euros d'impôt sur quinze ans.
Les entreprises ont accru de 1,5 milliard leur effort d'investissement en recherche et développement ; 3 000 entreprises sont entrées dans ce cadre et deux tiers d'entre elles sont des PME.
Vous pouvez évoquer des chiffres grandiloquents, en particulier sur le remboursement anticipé dans le cadre du plan de relance. Mais il ne faut pas se focaliser sur un an de dégorgement des tuyaux ! Cet outil est très particulier ; je fais confiance à votre sagesse.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Il y a eu un peu trop de lobbying sur le sujet. Mais nous avons l'habitude...
Mme Christine Lagarde, ministre. - La contribution des banques sera portée à 1 milliard en 2013. Ce dispositif s'inscrit dans la perspective de la présidence du G 20, pour avoir un effet d'entraînement.
Comme promis, nous reviendrons devant vous pour évaluer les effets de la réforme de la taxe professionnelle.
Je remercie vivement la commission des finances qui a examiné avec patience et pertinence ce projet auquel nous allons consacrer tant de temps. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Nous entrons dans le troisième stade budgétaire d'automne. Premier stade : la programmation de la trajectoire ; deuxième stade : le financement de la sécurité sociale ; troisième stade : la loi mère, la loi de finances, en ce dixième anniversaire de la Lolf.
Je tiens à dire toute la reconnaissance de la commission aux ministres que nous soutiendrons dans toutes les mesures difficiles qu'il faut prendre. Nous veillerons à ce que le Sénat ne dégrade pas la réduction des dépenses fiscales, malgré le lobbying indécent de certains, qui s'apparente à des pressions.
Nous sommes bien en sortie de crise, mais notre déficit de compétitivité ne cesse de se creuser. Les chiffres du troisième trimestre peuvent nous réjouir, avec un taux de croissance de 0,4 %, meilleur que ce que certaines Cassandre prédisaient, mais notre solde extérieur ne cesse de se détériorer. La consommation se porte assez bien mais en déséquilibrant de plus en plus ce solde extérieur.
Cette loi de finances ne fait que ralentir la progression de la dette. « Rigueur », « mesures douloureuses », peut être mais on n'en est qu'à un ralentissement de la progression de la dette. L'équilibre n'est prévu qu'en 2013 ! Cette dette va donc continuer à progresser et son fardeau à s'alourdir. Il suffit de voir la progression des charges financières, entre 35 et 40 milliards. Et nous allons franchir allègrement les 45, 50 pour atteindre les 55 milliards dans trois ou quatre ans... si l'on respecte la loi de programmation triennale ! Cela signifie que les lois de finances à venir seront encore plus difficiles.
Quand on doit dégager 40 milliards pour payer la dette, il faut faire des efforts, mais encore plus quand il s'agit de 55 milliards !
Le déficit diminue de 60 milliards. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, qui prévoyait un déficit de 117,4 milliards d'euros, c'est-à-dire hors effet du « grand emprunt » sur le déficit de 2010, l'amélioration est d'environ 25 milliards d'euros. Quel est l'effort du Gouvernement ?
M. Yvon Collin. - Il y en a peu !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'augmentation des dépenses contenue à 4,5 milliards d'euros et les effets des mesures nouvelles sur les recettes, pour 1,7 milliard d'euros. Les autres facteurs expliquant l'évolution du déficit se constatent : évolution spontanée des recettes fiscales, soit 12,1 milliards d'euros, arrêt du plan de relance -8,2 milliards d'euros, réforme de la taxe professionnelle -qui coûte 5,3 milliards de moins que l'année précédente.
Tout ceci relativise le caractère extrêmement rigoureux du budget ! C'est un projet de loi de finances raisonnable, sérieux, mais ce n'est pas un budget de rigueur.
Ce projet de loi de finances aura des effets importants sur l'avenir : il est à retardement. Les réductions des niches fiscales ne rapportent que 500 millions d'euros cette année mais leur rendement devrait s'élever à 2,7 milliards d'euros l'année prochaine et 3,6 milliards d'euros l'année suivante.
J'en viens à la préservation des recettes, c'est-à-dire à la lutte contre l'excès de dépenses fiscales.
Le Premier ministre a eu le grand mérite d'annoncer en mai des orientations qui s'appliquent à ce budget. Je précise que la réduction de 10 % des avantages fiscaux aurait pu avoir une base beaucoup plus large. L'Assemblée nationale a d'ailleurs élargi le coup de rabot et nous essayons d'en faire de même. La réduction proportionnelle est la plus équitable, la plus incontestable. Naturellement, certains dispositifs doivent être épargnés, mais le principe demeure. Quand on s'adresse à une catégorie particulière qui a bénéficié d'avantages pendant des années et qu'on lui dit qu'elle va garder 90 % de ces avantages, les bénéficiaires devraient être contents ! Mais il n'en est rien. Ne soyons pas trop victimes des intérêts particuliers. Des efforts doivent être supportés par tous et toutes, en fonction des facultés contributives.
C'est le mérite du Premier ministre anglais de dire que les mieux pourvus doivent faire le plus d'efforts. Ce langage est attendu par l'opinion publique, du moins l'opinion responsable. Rien ne sert de caresser certains lobbies dans le sens du poil. Certains sont très peu représentatifs, et ne le sont que de leurs propres intérêts.
Nous vous soumettons quelques idées complémentaires pour préserver les recettes.
Il faudra adapter les assiettes fiscales à l'évolution technologique. La fiscalité peut-elle rester la même alors que le monde change ? Doit-on estimer que la fiscalité des étranges lucarnes doit rester la même que du temps de Léon Zitrone, de Pierre Bellemare ou de Catherine Langeais ? (Sourires) Il faut mettre le sujet sur la table. De même, les plates-formes de transaction sur internet doivent faire l'objet de notre attention. La crise irlandaise est exemplaire en ce domaine... N'est-il pas indispensable, par souci d'équité, de demander à l'Irlande de revoir sa politique fiscale qui s'apparente à du dumping ?
Mme Nicole Bricq. - Tout-à-fait.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous devons faire comprendre à certains petits États que leurs politiques non coopératives ne sont plus de mise alors qu'ils font appel à la solidarité communautaire. Notre président de la commission des finances a eu des mots plus vifs, en affirmant que « le grand Duché nous fait les poches ». (Sourires)
J'en viens aux dépenses.
La norme de dépenses est de plus en plus exigeante mais il nous manque quelques informations.
Dans ce budget, les recettes nettes ne couvrent que 70 % des dépenses nettes. Nous nous situons à mi-chemin entre 2009, avec 55 %, et 2007, avec 86 %. Il est donc indispensable d'agir sur les dépenses. Un effort réel est fait sur le personnel, sur les investissements. Les dépenses de fonctionnement et d'intervention ne subissent que des contraintes.
Il est difficile de réduire de 5 % les dépenses de fonctionnement et d'intervention alors qu'il existe de nombreuses dépenses de guichet qu'il faut honorer.
Nous nous soucions aussi de la permanence des méthodes : les données doivent être homogènes. Or la situation n'est pas satisfaisante. Lorsqu'une entreprise présente ses comptes, la présentation est normée. D'année en année, chaque changement est expliqué... L'État n'en est pas encore là. Or c'est ce que les opérateurs financiers attendent.
Quelques mots sur le dixième anniversaire de la Lolf. Elle a innové sur certains sujets, notamment les aspects pluriannuels. Le Premier ministre a promis une révision constitutionnelle pour assurer la prééminence des lois financières et la pluriannualité, dans le cadre européen.
La loi organique n'a pas redonné sens à l'universalité budgétaire. Certains crédits, certaines fonctions continuent à proliférer, notamment avec la pratique détestable de l'agencisation.
M. Jean-Jacques Jégou. - Hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous sommes loin des intentions affichées. Nous avons donc tourné le dos au principe de bon sens sur lequel le redressement de l'État s'est fait au début de la Ve République, grâce à l'ordonnance organique du 2 janvier 1958.
Enfin, la démarche de performance est utile, nécessaire, mais s'est transformée en machine administrative qui tourne pour elle-même et dépourvue d'efficacité politique. Quel sens ont aujourd'hui les indicateurs de performance ?
Nous allons cheminer ensemble durant quelques semaines. Nous aurons alors une vue d'ensemble. Nous n'occulterons aucun sujet et nous disposerons, je l'espère, d'un cadre raisonnable pour 2011. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous nous réjouissons de votre retour au banc des ministres, madame le ministre. Je forme des voeux pour que l'action que vous menez, l'une des plus délicates et éprouvantes qui soient, réponde à tous vos objectifs. J'apprécie à sa juste valeur le message que vous venez d'adresser à votre pays. Cette terrible crise est derrière nous. La France, convalescente, doit redresser ses comptes et rompre avec trois décennies d'illusionnisme à crédit.
Dans un monde ouvert, nous devons rester compétitifs et ne pas décrocher avec l'Allemagne, notre principal partenaire. Vaste programme ! La méthode retenue m'interpelle pourtant.
Le projet de loi de finances s'inscrit dans la démarche de programmation que nous avons retenue au début du mois. Nous devons revenir à 6 % de déficit en 2011 et à 3 % en 2013... ou 2014.
Vous souhaitez réduire les dépenses publiques. Avec plus de 50 % de la richesse nationale, nous nous situons en tête des pays pour l'addiction à la dépense publique. Sur ce point, ce budget n'est pas vraiment convaincant.
M. Philippe Dominati. - Très juste !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Près des deux tiers de l'amélioration du solde du budget de l'Etat tiennent à la non-reconduction de certains crédits : plan Campus, plan de relance...
Les dépenses augmentent de 4,5 milliards, il est vrai exclusivement imputables à la charge de la dette et des pensions. Les autres dépenses sont stables en valeur. Mais nous avions deux objectifs au printemps : moins 10 % sur les dépenses de fonctionnement et d'intervention.
Convenons que nous sommes loin de l'objectif assigné. J'entends bien les arguments du Gouvernement mais le détail des économies fait défaut. Vos ministres n'ont pas encore rompu avec les « combines » de présentation.
Le rapporteur général les a décrites, en évoquant malicieusement une « Charte de débudgétisation ». Les mauvaises habitudes ont la peau dure !
Après trois ans de RGPP, l'action sur la dépense publique reste embryonnaire.
A l'heure de la double norme, des choix doivent être faits. La commission des finances fera des propositions.
J'en viens aux recettes. Certes, il faut les modifier en réduisant les niches fiscales. Mais le Gouvernement ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires, promesse faite avant la crise. Je ne me fais pas l'apôtre des prélèvements obligatoires mais la charge de l'impôt doit être équitablement répartie. Il n'y a pas d'impôt qui ne soit, d'une façon ou d'une autre, acquitté par les ménages. Il faut donc s'interroger sur l'équité de l'impôt.
J'ai donc voté contre le PLFSS car je ne pouvais admettre les expédients et les bricolages conçus à la va vite pour colmater les brèches.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Très bien ! (Applaudissements au centre)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il fallait majorer la CRDS de 0,26 point. (Applaudissements au centre)
M. Jean-Jacques Jégou. - Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'était une obligation de justice. C'était aussi une question de respect à l'égard de nos concitoyens et une question d'indépendance nationale puisque la dette aliène la liberté de la nation.
La commission apportera sa contribution à la réflexion sur les nouvelles assiettes et à la réduction des niches fiscales. Mais notre réflexion doit aller plus loin : cela veut dire TVA sociale -que je veux bien nommer « TVA anti-délocalisation »- et suppression du bouclier fiscal.
Cette TVA anti-délocalisation mettrait enfin sur un pied d'égalité les importations et les produits nationaux et nous permettrait de faire l'économie du coûteux crédit d'impôt recherche, qui n'empêche pas certaines délocalisations. Peut-on admettre que ceux qui ne consomment que des produits importés ne participent aucunement au financement de la protection sociale ?
La fiscalité, pour être acceptée, doit être équitable. Le bouclier fiscal est une mauvaise réponse apportée à un problème réel. Le mécanisme est à bout de souffle : le temps des rafistolages est terminé. Je me félicite des déclarations récentes du Président de la République, mais il faudra aller au bout. Vous connaissez mon triptyque, devenue une tétralogie : suppression de l'ISF et du bouclier fiscal, création d'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu et hausse du barème d'imposition des plus-values. Je pense également qu'une réflexion sur l'imposition des successions devrait utilement compléter ce tableau, afin notamment de contribuer au financement de la dépendance.
Le débat doit avoir lieu dès maintenant. N'attendons pas encore un an avant de mettre en pratique une telle réforme !
Il y a un an, j'appelais à refondre le pacte républicain sur l'impôt pour permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire.
Je serais tenté de reprendre la même formule et de souligner l'urgence à agir. Le projet de budget pour 2011, an 1 de la nouvelle programmation triennale, est un premier pas. A nous de le guider dans la bonne direction ! (Applaudissements au centre et sur divers bancs socialistes et à droite)
M. Yvon Collin. - Ce projet de loi de finances fait-il les bons choix ?
Une nouvelle fois, il est fondé sur des hypothèses de croissance très optimistes. Bien sûr, des prévisions restent des prévisions et, en matière budgétaire, il convient de méditer cette pensée de San Antonio : « Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ». (Sourires) La politique, ce n'est pas l'art de la prévision, mais celui de prendre de bonnes décisions.
Depuis quelques mois, la reprise se confirme. L'investissement, la consommation repartent de l'avant, tandis que l'inflation reste sage.
Pourtant, certains éléments posent problème. La croissance mondiale est soumise à divers aléas, les ménages et les entreprises sont tous endettés. La consommation pourrait être moins soutenue que prévu alors que le prix du baril de pétrole risque d'augmenter. Les taux de change ne sont pas non plus satisfaisants.
Nous sommes déçus par les décisions prises au niveau mondial, notamment à Séoul.
Les transactions financières doivent être taxées. Ma proposition de loi n'a pu être adoptée pour des raisons techniques mais nous vous soutiendrons si le G 20 va dans ce sens.
M. le Rapporteur général a montré les dangers d'un endettement massif. La France n'est pas à l'abri d'un déclassement par les agences de notation.
La principale ficelle de la réduction des dépenses publiques, c'est toujours et encore la RGPP avec la réduction du nombre des fonctionnaires. Le pouvoir d'achat va finir par en pâtir et la part des recettes fiscales nettes continuer à se réduire.
Le bouclier fiscal était une erreur : je me félicite que le Président de la République commence à le comprendre. Et je salue l'idée d'une taxation des revenus du patrimoine, même si je regrette qu'il faille attendre encore plusieurs mois pour la mettre en chantier ; le calendrier politique prime une nouvelle fois sur le calendrier parlementaire.
Le recouvrement de l'impôt sur les sociétés pourrait être amélioré puisque les entreprises du CAC 40 y échappent en grande partie.
Mme Nicole Bricq. - Exact.
M. Yvon Collin. - Cela coûte extrêmement cher à l'État : 170 milliards.
Puisque ce sont les PME qui paient davantage, pourquoi ne pas remettre à plat ce dispositif ?
M. Jean-Pierre Plancade. - Très bien !
M. Yvon Collin. - Comme les hauts revenus, les grandes entreprises bénéficient des largesses de l'État.
On nous promet une grande réforme de la fiscalité ; en attendant cette grande réforme reposant sur la progressivité de l'impôt sur le revenu, si chère aux Radicaux depuis Joseph Caillaux...
Mme Nicole Bricq. - Bonne référence !
M. Yvon Collin. - ...et sur une taxation des revenus du patrimoine, la majorité de mes collègues du RDSE ne pourra pas soutenir ce projet de loi de finances pour 2011. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)