Loi de finances pour 2011 (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances.
Discussion générale (suite)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Comme nous l'avons indiqué dès septembre, il nous a semblé indispensable que notre commission se penche sur la première partie du projet de loi de finances, au regard des très nombreuses interactions entre celui-ci et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est une première, dont j'espère qu'elle ne deviendra pas la règle.
Le financement de la réforme des retraites requiert 3,5 milliards en 2011. Une partie de ces mesures figure dans le PLFSS, l'autre en loi de finances : le relèvement de 40 à 41 % de la dernière tranche d'imposition sur le revenu, pour 495 millions ; la suppression du crédit d'impôt attaché aux revenus distribués, pour 645 millions d'euros ; l'imposition dès le premier euro des plus-values réalisées par des particuliers à l'occasion de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux, pour 180 millions à partir de 2012 ; enfin la suppression, dans le cadre du régime « mères-filles », du plafonnement de la quote-part prélevée sur les dividendes perçus des filiales, pour 200 millions. Ces quatre recettes sont affectées à la sécurité sociale, plus une nouvelle part de la TVA collectée sur les activités liées à l'assurance maladie, pour 1,34 milliard.
Le deuxième point est relatif à l'alimentation de la branche famille. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a vu une importante reprise de dette par la Cades. La nature des recettes qui doivent abonder la Cades a beaucoup évolué ces dernières semaines. Le Gouvernement a finalement décidé que ces recettes viendraient, hors mobilisation du FRR, exclusivement de la CRDS et de 0,28 point de CSG pour 3,2 milliards. En contrepartie, la branche famille reçoit des crédits de la loi de finances. Si ce n'était si grave, on rirait de cette tuyauterie incompréhensible.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Eh oui !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Les recettes prévues -taxation des contrats d'assurance solidaires, prélèvement au fil de l'eau des contributions sociales sur les compartiments euro des contrats d'assurance-vie multisupports et taxation des sommes mises en réserve en franchise d'impôt par les entreprises d'assurances- ne sont pas pérennes pour les deux dernières. Seule la première pourrait l'être mais elle risque, à entendre les assureurs, de renchérir les primes de six ou huit points ; le Gouvernement, de son côté, nous dit que les organismes complémentaires ont des réserves suffisantes. M. Vasselle voudrait savoir ce qu'il en est. Comme la Cour des comptes, il relève le manque de transparence du secteur ; les éléments dont il dispose pour le moment ne sont pas assez précis.
Depuis plusieurs années, les droits « tabac » sont de moins en moins affectés à la sécurité sociale. Nous tenons à ce qu'ils y reviennent, ce que le Gouvernement a accepté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; nous aurons un amendement à l'article 40 pour en tirer les conséquences dans le projet de loi de finances.
La commission des affaires sociales sera très vigilante sur l'exécution des mesures finançant la réforme des retraites et compensant le manque à gagner pour la branche famille. Il faut que les recettes soient au rendez-vous. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Thierry Foucaud. - Sortie de crise ? Les quatre millions de travailleurs privés d'emploi stable répondent non. Pas d'augmentation des taxes et impôts ? Ceux-ci sont réels et frappent la consommation populaire. État modeste, performances des services publics, efficience, optimisation ? Les fermetures de classes, les files d'attente dans les préfectures répondent par la négative.
La priorité des priorités, pour vous, c'est la réduction des déficits publics. La belle affaire ! Vous le répétez depuis 2002 -et déficits et dette n'ont cessé de croître... Un budget bon pour l'avenir ? Le rapporteur général nous fait chaque année la même rengaine idéologique pour justifier la baisse de tous les postes utiles, santé, école, industrie, logement...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La dette, ce n'est pas de l'idéologie, c'est une réalité objective !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est aliéner l'indépendance nationale !
M. Thierry Foucaud. - Vous l'avez organisée, cette dette, à force de cadeaux aux plus riches ! La trésorerie des entreprises du CAC 40 atteint 142 milliards d'euros ! Je vous renvoie aux analyses de Joseph Stiglitz !
Pour la troisième fois, on nous reparle de sauver les retraites. On l'a fait en 1993 en mettant en avant les 35 heures, on a tenté de le refaire en 2003, puis encore une fois en 2010.
Pourquoi parviendrait-on, cette fois, à réduire les déficits, si l'on persiste à ne pas vouloir chercher des recettes où on pourrait les trouver ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous attendons vos propositions !
M. Thierry Foucaud. - Après la crise de 2008, l'Europe est la seule au monde à vouloir retrouver la croissance à coup d'austérité ! Le gouverneur de la FED a mis en circulation 600 milliards pour acheter une partie de la dette fédérale.
Qu'attend M. Trichet pour faire de même ? Pourquoi la BCE ne rachèterait-elle pas une partie de la dette publique irlandaise, grecque, espagnole ou portugaise ? Cela fait quelques décennies que l'Union européenne est considérée comme une zone de libre-échange fondée sur le moins-disant fiscal et social, où l'harmonisation conduit toujours à baisser les taux nominaux des impôts et à faire disparaître la taxation frappant les entreprises, le capital et le patrimoine. Avec le temps, nous avons vu la dette faire boule de neige. C'est seulement entre 1997 et 2002 que cela n'a pas été le cas.
Les recettes fiscales sont systématiquement amoindries depuis 2002. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, les allégements de cotisations sociales et d'impôt pour les entreprises ont représenté 172 milliards d'euros en 2009 et les niches dont bénéficient les particuliers, 106 milliards, le double du rendement de l'impôt sur le revenu. Le vrai taux de l'impôt sur les sociétés n'est pas 33,33 % mais 10 % ! Le projet de loi de finances pour 2011 est conforme à cette logique infernale. Nous ne sommes nullement enclins à accepter cette situation et ce budget. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
Mme Nicole Bricq. - Voici la première déclinaison de la loi de programmation qui, comme elle, est fondée sur des hypothèses excessivement optimistes. L'enthousiasme habituel de Mme Lagarde est fondé sur les chiffres passé ; mais on ne fait pas un budget en regardant dans le rétroviseur. Pour 2011, une croissance de 2 % n'est vraisemblable que pour l'Allemagne. La charge de la dette repart à la hausse, pour atteindre sans doute un pic en 2013.
Après avoir aggravé le déficit, le Gouvernement nous parle d'une décélération. Elle n'est que d'affichage : 95 % de la réduction sont dus à la fin du plan de relance et à la sortie du « grand emprunt » des comptes publics.
Plutôt que de réarmer les recettes, le Gouvernement prélève 11 milliards de taxes diverses, pour l'essentiel sur les classes moyennes, tandis que les collectivités territoriales sont soumises à la double peine, qui voient leurs dotations gelées après la disparition de leur autonomie fiscale.
Une fois encore, vous refusez de remettre en cause votre politique fiscale. Le Président de la République nous raconte de belles histoires à la télévision ; après les promesses de 2007, il en fait de nouvelles, aussi peu crédibles.
Seule une poignée de mesures ciblées sont mises en place, de l'ordre du symbolique, un peu sur les stock-options et les retraites chapeau, 500 millions au total. Quant aux niches, la tronçonneuse s'est transformée en rabot, puis en lime à ongles. (Sourires à gauche)
Une harmonisation fiscale avec l'Allemagne ? La situation très malheureuse de l'Irlande est la conséquence de son dumping fiscal...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Exactement !
Mme Nicole Bricq. - On nous a dit qu'il fallait supprimer la taxe professionnelle. Cela n'a pas amélioré les choses. Le taux facial de l'impôt sur les sociétés paraît très élevé mais les niches et exonérations font que les entreprises du CAC 40 ont un taux réel, rapporté sur l'excédent d'exploitation, de 8 % ; c'est le Conseil des prélèvements obligatoires qui le dit.
S'il s'agit de transférer des points de cotisations sociales sur la TVA, la fameuse TVA sociale ou anti-délocalisation, pensez-vous qu'il serait intelligent de ralentir le seul moteur qui marche encore, la consommation ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Oui, c'est intelligent.
Mme Nicole Bricq. - La TVA sur la restauration coûte très cher pour pas grand-chose : 130 000 euros l'emploi, c'est beaucoup. M. le rapporteur général en a estimé le coût annuel à celui d'un porte-avions.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Et je le maintiens !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Et il y a un coût caché qui bénéficie au Luxembourg !
Mme Nicole Bricq. - J'espère que le taux réduit durera moins longtemps qu'un porte-avions...
La taxation bancaire ? On fait à l'inverse de l'Allemagne, au point de la rendre indolore ; le lobby des banques a encore frappé...
Ni le bouclier fiscal ni l'ISF n'existe en Allemagne, dit aujourd'hui le Président de la République ? Il affirmait il y a peu que le premier y était en vigueur... Il est impossible de payer plus de 50 % d'impôt si l'on n'a pour seuls revenus que ceux du travail ! Les deux tiers des sommes restituées au titre du bouclier fiscal l'ont été à des contribuables disposant de plus de 15 millions de patrimoine.
Nous refusons la méthode utilisée par le Gouvernement pour les niches fiscales : il choisit celles qu'il veut toucher et laisse intactes les sources d'optimisation les plus criantes, comme le crédit d'impôt sur la recherche.
Si l'on considère l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur le patrimoine, on voit qu'ils sont tous régressifs, surtout que les inégalités de patrimoines se sont aggravées avec la loi Tepa.
Vous ne revenez sur rien d'essentiel et entretenez l'illusion de l'action. Nous sommes attachés à un raisonnement fondé sur les taux réels et la progressivité. Les efforts doivent être justement répartis : nous avons de propositions.
Vous faites fausse route mais ne vous résignez pas à modifier votre trajectoire. Ce budget est votre dernier budget utile. Il faudra refonder un pacte avec les contribuables et un contrat de confiance avec les collectivités territoriales. Ce sera notre objectif pour 2012. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Fourcade. - Pour mettre fin à un suspens insoutenable, j'annonce d'emblée que l'UMP votera ce projet de loi historique et courageux qui marque enfin un recul du déficit.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - De fait, les apparences sont flatteuses...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La réalité aussi !
M. Jean-Pierre Fourcade. - La croissance demeure soutenue par la consommation des ménages. Cela montre que le plan de relance avait été bien calculé. Les fonds prêtés aux banques ont été remboursés à 80 % et ont rapporté à l'État 2,4 milliards d'intérêts.
Tandis que les premiers signes de décrue du chômage apparaissent, un effort prioritaire devra être porté sur l'emploi des jeunes. C'est essentiel pour l'équilibre de notre société même. Un point noir subsiste : le déséquilibre de notre commerce extérieur, d'autant plus inquiétant qu'il nous éloigne de notre partenaire allemand. Il nous faut concilier le soutien à nos entreprises et le retour à l'équilibre budgétaire. Il nous faut revenir à la situation de 2006-2007 où le budget aurait été équilibré, n'était le financement de la dette. Mais si l'euro continue à toucher des sommets, nous peinerons à retrouver l'équilibre de notre commerce extérieur et de bons chiffres de l'emploi. C'est pourquoi il ne faut pas arrêter trop vite le processus de relance. Le crédit d'impôt recherche en particulier ne doit pas être supprimé.
Le rabotage des niches fiscales va donner lieu à la discussion de nombre d'amendements ; il est clair que le taux réduit sur la restauration est coûteux.
Ce budget n'est pas de rigueur. La Cour des comptes insiste sur la nécessité de réduire les dépenses publiques, démarche plus porteuse d'avenir, à terme, qu'une progression des recettes. L'endettement de l'État croît à un rythme affolant, il a progressé de 50 % en peu de temps. Il y aura un pic de remboursement en 2012.
Nos investissements privés sont trop faibles. Dans la conjoncture internationale actuelle, ménages et entreprises ont un réflexe d'attentisme. Il faut être très attentif à cette question : seules les entreprises sont capables de créer de vrais emplois.
Troisième inquiétude : le budget 2012 sera très difficile à construire. Avec la fin de la relance, on a pu passer de 7,7 % à 6 % ; il sera plus difficile de passer de 6 % à 4,5 % l'an prochain. La comparaison sera alors délicate avec les Britanniques, qui auront fait avant nous ce que nous serons peut-être contraints de faire. Il faut tenir le langage de la vérité, d'autant que notre souveraineté nationale est en jeu quand 70 % des souscripteurs de nos OAT et bons du Trésor sont des non-résidents.
Nous voterons ce budget qui jette les bases d'une réduction des déficits en marquant de façon courageuse une diminution de la dépense. C'est le meilleur possible dans la conjoncture. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Nicolas About. - L'Insee a publié cette semaine son portrait social des Français. L'économie française a perdu 257 000 emplois en 2009 et la pauvreté a touché plus d'un Français sur cinq entre 2004 et 2007.
La situation de nos comptes publics est tout aussi alarmante. La première des priorités consiste à améliorer la situation des plus vulnérables tout en assainissant les comptes publics. Nous avons une exigence de justice fiscale.
Certaines prévisions nous paraissent trop optimistes, au point de rendre certains engagements difficiles à tenir. Je pense par exemple aux dépenses sociales de guichet, qui n'ont jamais été stabilisées. Augmente-t-on les impôts ? Oui, quand on réduit certaines niches fiscales et sociales, et c'est bien. Il faut l'assumer, pourvu que l''on ne nuise pas ainsi à notre compétitivité. Nous proposons d'exclure du crédit impôt recherche les établissements de crédit qui n'engagent pas de travaux de recherche.
Nous proposons d'augmenter la fiscalité sur divers contrats d'assurance complémentaires santé non responsables et d'augmenter le taux de TVA dans la restauration.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Nicolas About. - La réduction des dépenses est indispensable et il faut aller plus loin. Mais ce n'est pas un dogme et c'est pourquoi nous voulons geler certaines dépenses, ou même étendre le bénéfice du FCTVA dans certains cas, notamment pour lutter contre la désertification médicale.
Le bouclier fiscal mérite d'être aménagé. Le Gouvernement ne le souhaite pas. Personne ne conteste que ce débat soit loin d'être nouveau au Sénat. La crise mérite que l'on se penche une nouvelle fois sur cette question. La réforme de la fiscalité du patrimoine est donc nécessaire. Le groupe centriste a fait des propositions qui semblent être reprises dans la majorité et le Président de la République lui-même en a parlé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ça avance.
M. Nicolas About. - Le Sénat s'honorerait de rapprocher le revenu fiscal du revenu réel pris en compte par le bouclier. Trop d'exclusions ne sont pas justifiées. Si le Sénat refuse d'engager maintenant une réforme plus ambitieuse, qu'il retienne nos propositions, dont l'adoption ne retardera pas la future réforme.
Notre groupe veut une juste répartition de l'effort. La dernière tranche de l'impôt sur le revenu doit donc augmenter pour faire participer les bénéficiaires du bouclier. De même, les grandes entreprises doivent être sollicitées.
Si les collectivités locales sont associées à l'effort de maîtrise des dépenses, il faudra protéger les territoires les plus fragiles. Sous réserve de ces remarques, nous voterons le budget. (Applaudissements au centre)
Mme Marie-France Beaufils. - Vous voulez réduire les dépenses publiques. C'est obsessionnel. Pourtant, les services publics sont essentiels ; grâce à eux et à nos services sociaux, qui ont joué un rôle d'amortisseurs, notre pays a traversé la crise sans trop de casse.
Les administrations publiques distribuent des prestations en nature, comme le remarque l'Insee, avec les dépenses publiques d'éducation et de santé, ce qui réduit de moitié les inégalités de niveaux de vie.
Mais vous voulez réserver cet équivalent argent à vos amis alors que notre pays compte 7,8 millions de pauvres.
L'an dernier, vous avez supprimé la taxe professionnelle sans aucun résultat pour l'emploi. Ensuite, vous avez fait voter à la hussarde la réforme des retraites, qui pèsera sur les plus modestes, et la réforme des collectivités à l'arraché.
Le Président de la République s'est exempté de l'effort de réduction des dépenses en s'augmentant de 170 % puis en s'offrant un luxueux avion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Qui en remplace deux autres !
Mme Marie-France Beaufils. - Il n'y a plus d'argent dans les caisses ? On trouve 679 millions pour le bouclier fiscal. Comment faire croire que le pays traverse des difficultés alors que le patron du n°1 du luxe a gagné 18 millions en une journée grâce à ses stock-options ? On est loin de la moralisation du capitalisme !
M. Jean-Claude Frécon. - Très bien !
Mme Marie-France Beaufils. - Vous avez aggravé la dette en réduisant les impôts des plus fortunés. Les collectivités sont les principaux investisseurs de notre pays mais vous leur reprochez la faillite qui vous incombe.
Les élus locaux oeuvrent pour l'intérêt général des habitants et vous voulez qu'ils financent vos orientations. Ils le refusent. Lors du débat sur la réforme des collectivités, le spectacle des tractations de dernière minute a été lamentable.
Du fait du gel des dotations de l'État, certaines collectivités vont perdre 5 % de leur garantie de financement alors que l'inflation augmente de 1,5 %. Combien de communes vont-elles être touchées : 6 500, comme le dit Bercy, ou 20 000, à en croire l'AMF ? De nombreuses associations, qu'elles financent à 80%, vont être en difficulté.
Pour la taxe professionnelle, vous aviez proposé une clause de revoyure pour janvier 2010. Mais c'est l'arlésienne. On en parle toujours et rien ne se passe.
Ce projet de loi de finances crée de l'inquiétude auprès des élus de ce pays. Il faut leur redonner confiance. (Applaudissements à gauche)
M. Éric Doligé. - (Applaudissements à droite) L'exercice budgétaire n'est pas simple, d'autant que la tourmente internationale n'est pas achevée. Nous savons tous qu'il faut faire des efforts, mais si l'État peine à boucler son budget c'est pire pour les collectivités.
Les communes sont à peu près à l'équilibre, mais les charges des départements ont considérablement augmenté. L'effet de ciseaux n'est plus supportable.
L'État, au nom de la décentralisation, a su transférer certaines de ses compétences et beaucoup de ses charges. Nombre de décisions prises par l'État et le Parlement ont des conséquences sur les budgets des collectivités.
M. Baroin a dit que l'État, qui se veut vertueux, n'augmenterait pas les prélèvements obligatoires. C'est bien. Le gel des dotations est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité des entreprises. J'ai toujours essayé d'avoir le département le moins imposé et le moins dépensier mais la vertu n'est pas récompensée. L'article 61 du projet de loi de finances porte sur le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux. Des tableaux qui nous ont été présentés depuis des mois sont réputés faux. Il y va de 15 milliards. Si nous restons sur cette hypothèse, je voterai contre la loi de finances : on ne peut exiger de moi que je fasse faire hara-kiri au département que je préside. Si ce budget est globalement satisfaisant, il a des conséquences insupportables à cause de l'article 61. Je ne pourrai le voter s'il est maintenu.
Le Président de la République a évoqué mardi le sujet de la dépendance. Nous devons avoir apporté une réponse claire en 2011 pour arrêter l'hémorragie dans les départements. Il existe plusieurs solutions mais quand on parle de solidarité, chacun doit se sentir concerné.
Les 4 milliards pour le Grand Paris vont être finalement trouvés. Il en manque autant pour les départements et on va nous proposer 150 millions.
Mme Nicole Bricq. - Une aumône !
M. Éric Doligé. - La France ne se réduit pas à Paris !
Je veux vous dire ma satisfaction pour le travail que vous avez accompli mais mon insatisfaction sur un point : je ne le voterai pas, sans vouloir mêler ma voix à celle des orateurs précédents. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Jégou. - Notre pays traverse la plus grave crise depuis l'après-guerre et notre endettement est notre plus grand défi pour les années à venir.
La crise n'explique pas tout. La Cour des comptes a montré qu'une grande partie du déficit était structurelle.
La baisse des impôts a coûté 100 milliards. Il y a urgence à réduire les déficits publics. La progression des charges augmente de 5 milliards par an, bientôt 50 milliards !
La signature de la France risque d'être fragilisée.
Le Gouvernement nous dit que la réduction du déficit de 60 milliards est historique. Mais si l'on considère que le plan de relance est achevé, l'effort réel se limite à une dizaine de milliards.
Pour passer de 7,7 à 6 % de déficit, le Gouvernement peut dire ce qu'il veut, le taux de prélèvements obligatoires va augmenter. Sans parler de la réduction des niches, qui sont une augmentation des impôts, de nombreux autres prélèvements s'accroissent.
Comment fera le Gouvernement pour passer, en 2012, de 6 % à 4,6 % ? Ce sera bien difficile. L'effort sur la dépense publique devra être sans précédent, à six mois d'une échéance électorale majeure. Chaque année, nous perdons du temps et la dette se creuse.
Les Français sont capables d'entendre un discours de vérité si les efforts sont justement répartis.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Bien sûr !
M. Jean-Jacques Jégou. - Quand j'ai entendu, ce matin, parler de « protéger l'État providence », cela m'a glacé le sang !
Alors que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux est présenté comme la mesure phare du Gouvernement, la masse salariale a augmenté de 1 % par an depuis trois ans. Il faudra bien s'interroger sur la progression du point d'indice.
Il faudra baisser les dépenses de fonctionnement : 100 millions seulement en 2011 ! Les dépenses d'intervention ne baissent que de 1 % : une goutte d'eau.
Il faut aller beaucoup plus loin dans la réduction des niches. Le rabot est limité : 22 sur plus de 464 niches ont été réduites. Votre rabot est donc bien une lime à ongles, comme l'a dit le rapporteur général à l'assemblée nationale.
Il faut aller plus loin et changer d'outil.
Le Gouvernement ouvre le chantier de la fiscalité. C'est bien.
L'Union centriste et le président de la commission des finances veulent faire adopter le triptyque. Chaque année, on nous dit que ce n'est pas le moment.
La réforme devra être efficace, juste et simple.
L'ISF est un mauvais impôt. Pour éviter que l'impôt soit confiscatoire, il faut imposer les revenus du capital. Avec le bouclier fiscal, on laisse croire que les plus hauts revenus pourraient s'affranchir des efforts demandés aux Français. C'est devenu un boulet pour la majorité.
Tous les dispositifs Tepa sont remis en cause. Ne reste plus que la défiscalisation des heures supplémentaires, une usine à gaz contre les 35 heures, au coût exorbitant.
M. Gérard Longuet. - En effet.
Mme Nicole Bricq. - C'est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou. - Tous les aspects de notre fiscalité doivent être examinés et revus. Notre fiscalité doit être moderne, juste et efficace. Sera-ce possible à six mois des présidentielles ? (Applaudissements au centre)
M. François Marc. - Nul n'ignore que nos finances publiques sont dans un état calamiteux qui pèse sur la croissance. La charge de la dette devient étouffante. Notre pays est victime de votre politique des recettes qui le prive des moyens de réamorcer le cycle vertueux de la croissance. Avec ce budget, vous privilégiez la rigueur aux dépens de la croissance. Il n'est plus question d'aller chercher la croissance avec les dents.
Mme Nicole Bricq. - Il n'y a plus de dents ! (Sourires)
M. François Marc. - La crise n'est pas finie et vos mesures d'austérité empêcheront de créer des emplois. La pauvreté fait tâche d'huile dans notre pays, constate l'Insee.
Vous supprimez le plan de relance et vous imposez un plan de rigueur aux collectivités. Croyez-vous que cela va améliorer nos finances publiques ?
Vous nous direz que l'on ne peut pas tout faire. Mais comment en êtes-vous arrivés là ? Depuis 2002, la droite n'a jamais respecté les règles budgétaires européennes. Les déficits ont filé et vos cadeaux fiscaux seront financés par les générations futures.
Sur les 120 milliards de déficit, 80 milliards sont dus aux cadeaux fiscaux depuis 2002. Vous reconnaissez l'erreur du bout des lèvres en parlant de reconstitution des recettes et en déclarant la fin du bouclier. Cette conversion vous oblige à agir en urgence, à l'aveugle.
Ce projet de loi de finances confirme l'échec de votre stratégie. Conformément au dogme libéral, vous pensiez qu'en aidant les plus riches, l'abondance ruissellerait jusqu'aux plus modestes. Mais la corne d'abondance a creusé les déficits et accru les inégalités. On nous parlait d'un cocktail gagnant : quel breuvage empoisonné !
Une croissance élevée est une priorité immédiate. Il faut une croissance de 2,5 à 3 % par an pour redresser notre pays.
L'attractivité et la compétitivité appellent des infrastructures et une main-d'oeuvre qualifiée. Un sondage de La tribune montrait que les entreprises de croissance voulaient plus d'État.
L'autonomie fiscale n'est pas contraire au principe d'équilibre des finances publiques. Pourquoi stigmatiser comme vous le faites les dépenses publiques locales ?
Un plan de soutien à l'investissement local serait le bienvenu. Mais ce budget traduit un recul de la décentralisation. Le sentiment d'injustice est prégnant.
Quelle est l'ambition européenne de la France ? Seule l'Europe permettra à notre pays de sortir de la crise.
Notre pays paie votre erreur stratégique de 2002. Un sursaut est possible. La France n'arrive pas à s'investir dans des projets d'avenir, à dégager un nouveau modèle de croissance, et ce projet de loi de finances n'y aidera en rien. Nous ne pourrons le voter. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Bernard Vera. - Ce projet de loi de finances se situe dans le droit fil du projet de loi de programmation. Une autre politique était pourtant possible. La crise est toujours là. Depuis des années, les déficits s'accumulent, tandis que les impôts sur les entreprises et les plus aisés se réduisent. Notre système de prélèvement frappe les plus modestes et de moins en moins les plus fortunés.
La baisse de l'impôt sur les sociétés et la suppression de la taxe professionnelle devaient accroître la compétitivité des entreprises et empêcher les délocalisations. Le but n'est pas atteint. Le chômage a augmenté. Il faut donc changer de cap.
Une réforme fiscale permettrait de mieux redistribuer les revenus. Si la justice fiscale est nécessaire, il faut taxer davantage les plus-values d'actifs. Seul le levier de l'impôt sur le revenu permettrait de réduire les inégalités.
Comment mettre sur le même plan les artisans et les grands groupes qui arrivent à ne plus payer d'impôts sur les sociétés, ce qui prive l'État de milliards de recettes ?
La loi de finances doit rendre service à nos concitoyens et à nos entreprises. Nous en sommes loin.
La Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège ont un développement harmonieux grâce à la dépense publique qui permet de réduire les inégalités.
L'économie américaine ne permet pas de soigner ni de former sa population. Les inégalités sociales non corrigées par les charges publiques sont un obstacle à la reprise. Réformer l'impôt permettrait de modifier les comportements économiques et d'augmenter les dépenses publiques. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Paul Virapoullé. - Que vient faire un néophyte dans cette loi de finances ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ne soyez pas trop modeste.
M. Jean-Paul Virapoullé. - La crise de 29, c'était une dépression séculaire. Celle de 2008 ne le sera pas puisque nous vivons dans un climat de crise.
On peut faire le procès du Gouvernement, mais depuis vingt cinq ans nous votons des budgets en déséquilibre. De 1990 à 2007, le PIB industriel a diminué de 10 % et le nombre d'emplois industriels de 30 %, alors qu'il y avait une alternance politique. On ne peut donc s'en prendre au Gouvernement. La vraie cause de cette crise, c'est que nous avons manqué la construction européenne. Nous avons cru au libre-échange, au marché autorégulé, nous en avons fait un dieu parmi les dieux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Et oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. - Au lieu de faire l'Europe politique, l'Europe puissance démocratiquement gouvernée, on l'a confiée au marché, à des puissances économiques organisées aux USA, en Asie.
Plus grave : nous avons construit un monde sans règles. Produits dérivés, titrisation, l'économie virtuelle, cela coûte, et elle s'est substituée à l'économie réelle. Aujourd'hui, il y a de belles spéculations qui éclatent de-ci de-là.
Le président du Nasdaq est un escroc, condamné à cent cinquante ans de prison. Mais si j'avais dit cela il y a cinquante ans, on m'aurait jeté à l'asile !
Vouloir imputer à ce gouvernement tous les maux qui nous accablent, c'est faire un contre sens !
Je vous présente donc trois idées. Je vous suggère de créer un code de la route, écrit par les Nations unies. Nous devrions créer un Observatoire des règles de la mondialisation. Aujourd'hui, chacun fait ce qu'il veut. Il n'y a aucune harmonisation. Il faudrait un radar placé au sein du FMI pour réguler la mondialisation. Enfin, le G 20 assurerait le contrôle.
Si ces trois organismes ne sont pas mis en place, nous allons au devant de graves mésaventures économiques, humaines, sociales. Nous pourrons pleurer, mais ce sera inéluctable.
Je reviens vers l'outre-mer. Le rabot, oui ; la guillotine, non ! Vous parlez d'abus ? Non, ce sont des escroqueries. Vous voulez des noms, je vous les donne. Jetez ces escrocs en prison. Les honnêtes gens n'ont pas à payer pour eux ! Suspendez les grandes installations du photovoltaïque et constituez une commission pour faire le point, mais pour les petits, il faut la défiscalisation au premier euro.
Si le décret sur le watt crête avait été publié, il n'y aurait pas eu d'abus !
Vous m'avez dit, à Biarritz, que le logement devait être sanctuarisé. Merci de l'avoir fait pour le logement social, mais pourriez-vous appliquer le rabot au Scellier Dom seulement au 1er janvier 2011 ?
La France a un espace maritime pillé par les Japonais, les Coréens ou les Chinois dont la surface vaut sept fois la Méditerranée. Qu'attendez-vous pour mettre en place une politique de pêche dans ces zones ?
Je suis un partenaire loyal de la majorité, mais prenez en comptes nos demandes ! (Applaudissements sur les bancs UMP et UC)
La séance, suspendue à 17 heures 5, reprend à 17 heures 15.
M. Bernard Angels. - Le Président de la République change de ministre, pas de politique, hélas ! Vous présentez un budget de rigueur qui va mettre à mal les ménages. Ce n'est pas tant le Gouvernement qu'il fallait remanier que ce budget !
Les indicateurs récemment publiés ne vous ont pas alertés. Les exportations sont loin de compenser les importations. L'investissement des entreprises n'a augmenté que de 0,5 % au troisième trimestre, après 1,2 % au deuxième. La consommation n'a augmenté que grâce à la prime à la casse, qui ne sera pas reconduite. J'ajoute que le FMI et l'Union européenne ont des prévisions moins optimistes que les vôtres.
La crise est peut-être un lointain souvenir mais pour une infime minorité de citoyens ; pour la plupart, elle persiste et c'est une réalité quotidienne. Vous allez donc relever les prélèvements obligatoires : il faudra dégager 4 milliards de plus chaque année. Qui paiera ? Les ménages et les services publics, au détriment de la justice et de l'efficacité économique.
Vos choix pèsent dramatiquement sur les finances du pays. Entre 2000 et 2009, 70 milliards de recettes ont disparu des caisses de l'État. En cause : la loi Tepa, le bouclier, la TVA réduite sur la restauration, la taxe professionnelle.
En 2011, les prélèvements obligatoires vont accuser une hausse de 20 milliards, dont 2 grâce à la reprise économique. Les ménages vont supporter 70 % des 18 milliards restants. Il est clair que l'augmentation de la TVA sur les fournisseurs d'internet sera reportée sur les utilisateurs.
Votre mansuétude pour les privilégiés est touchante. Le bouclier fiscal coûte 600 millions et l'ISF rapporte près de 4 milliards. On ne peut donc simplement supprimer les deux.
Le non-remplacement des fonctionnaires n'apportera que 100 millions par an. On est en pleine idéologie.
Le gel de l'aide aux territoires aura des conséquences graves sur l'investissement local, quand bien même les collectivités n'ont qu'un endettement équivalent à 10 % de celui de l'État. Il leur faudra donc recourir à l'impôt.
Il y a ainsi de fortes chances pour que le résultat de votre loi de finances ne soit pas à la hauteur des espérances. Rééquilibrage des comptes publics ne signifie pas forcement restriction des dépenses.
Il faut aussi regarder aux recettes du côté des stock-options et des revenus du capital. Une autre politique, ce serait surtout une véritable ambition pour l'emploi. Entre 1997 et 2002 400 000 emplois ont été créés et la France était leader européen pour la croissance. Aujourd'hui, nous sommes loin des résultats du gouvernement Jospin ! Avec votre politique, la croissance est en berne et le chômage augmente.
Le Gouvernement a changé, pas vos orientations. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Dominati. - Je ne reviens pas sur le soutien apporté par le groupe UMP à ce budget.
Nous avons tous pour objectif de réduire les déficits et de stimuler l'emploi. Le rapporteur général a très bien expliqué que les recettes nettes ne représentaient que 70 % des dépenses nettes : tout le problème est là.
Les recettes nouvelles proviennent outre de quelques taxes nouvelles, de 10 milliards sur les « niches fiscales ». Qu'est-ce au juste ? Je n'ai jamais entendu un ministre du budget ou un rapporteur général nous annoncer que nous allions créer une « niche fiscale » ! En revanche, j'ai voté des mesures d'incitation à l'emploi ou au développement.
Mme Lagarde parle de 100 000 emplois nouveaux. Ceux-ci apporteront des recettes nouvelles. Il faut favoriser la création de ces emplois par des incitations...qui deviendront demain des niches !
Le rapporteur général nous l'a dit : il n'y a pas réduction de la dépense publique puisqu'elle augmente encore de 4 milliards ! Nos concitoyens ont le sentiment que l'effort de réduction des dépenses n'est pas aussi important qu'il pourrait l'être.
Il est vrai que la dépense publique est contrainte : la dette est devenue le premier des postes, la deuxième étant le ministère de l'éducation nationale. L'économie financière représentée par la diminution de 15 000 postes représente 390 millions, dont près de 200 sont réaffectés. Ne restent donc que 190 millions tout au plus d'économies.
Je n'ai pas la même vision que vous du périmètre de l'État. La réduction du nombre de ministres devrait avoir une traduction budgétaire. Je prends pour exemple le projet du Grand Paris ; nous sommes l'un des seuls Etats au monde à avoir un gigantesque service de transports public ; la Cour des comptes a montré que l'Etat était moins performant que le privé.
Libéral ce budget ? Je ne le vois pas tel. Il faut aider les entreprises, car c'est d'elles que viendra la création d'emplois. Le pays du monde qui a supprimé le plus de fonctionnaires, c'est Cuba, avec 500 000 postes de moins ...
Je suis ravi qu'on nous annonce enfin une réforme de la fiscalité qui va libérer les énergies. (Applaudissements sur certains bancs UMP)
M. François Rebsamen. - Le remaniement a eu lieu, juste avant ce projet de loi de finances. Certains, qui s'étaient tus, ont donc retrouvé de la voix.
Ma contribution au débat sera modeste car je sais bien que ce texte est déjà gravé dans le marbre, pour rassurer les agences de notation ; il suffit de voir l'effet produit par le rapporteur général quand il a parlé de prendre pour hypothèse 2 % de croissance au lieu de 2,5. Bonjour la « rilance » ! Nemo auditur propriam turpitudinem allegans...
Nous discutons aujourd'hui le dernier budget du candidat Sarkozy 2007 ; l'an prochain, ce sera celui du candidat Sarkozy 2012... Le Gouvernement est corseté par les exigences de ce candidat. Ce budget n'est pas de rigueur ? Pour quelques-uns... Les priorités sont affichées, que les chiffres ne confirment pas. Le Gouvernement va jusqu'à diminuer de 19 % les dépenses d'investissements pour la sécurité et à créer une taxe sur les loyers les plus modestes des résidents en HLM, sans même que l'on puisse mettre en avant une logique de péréquation.
La politique actuelle de gestion des contrats aidés est ainsi en contradiction avec les objectifs affichés : il y en aura 60 000 de moins ! Les structures d'insertion par l'activité économique ne pourront plus agir.
Des recettes pouvaient être trouvées du côté de la loi Tepa ou des effets d'aubaine. Mais vous préférez demander des efforts aux ménages modestes et aux collectivités locales. Les pratiques d'optimisation fiscales sont facilitées par la complexité du système et les retards pris pour l'évaluation.
Il n'est pas normal que le taux facial d'imposition des entreprises soit aussi éloigné du taux réel. Certains comportements scandaleux ne sont pas combattus. Quand les entreprises du CAC 40 voient leurs profits croître de 96 % en un an, elles pourraient contribuer aux besoins du pays plutôt que de détruire 40 000 emplois.
Nommer n'est pas définir. Le Gouvernement aime les grandes déclarations mais croissance et justice sociale ne se décrètent pas, elles se créent. Je vous rappelle que nommer n'est pas définir, selon Lao Tseu ! La résistance du Gouvernement est intense, sans que je comprenne bien pourquoi, sachant seulement que ce n'est pas dans l'intérêt des Français. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Edmond Hervé. - Un constat retient mon attention : notre fiscalité locale demeure à la traîne alors que l'action locale est nécessaire à notre économie, qu'elle doit répondre à des normes nouvelles, que l'État engage des chantiers nouveaux. L'inéluctable impôt européen aura forcément des répercussions sur nos collectivités territoriales.
Le risque est réel d'un divorce entre le contribuable local et un système fiscal attardé. Il faut aller à l'essentiel. C'est pourquoi je demande au président Arthuis que la commission des finances fasse un état des lieux de la fiscalité locale. « Si vous voulez réformer, mettez de la lumière » ! a-t-il dit. Je suis bien d'accord.
Il faut apprécier l'action des collectivités locales. Elle sera d'autant plus positive qu'elle sera fondée sur une fiscalité juste. Preuve de l'obsolescence de cette fiscalité : produit voté, produit payé et produit perçu ne sont plus en correspondance ! C'est seulement 47,6 % des recettes locales qui viennent de la fiscalité locale.
Les bases locatives doivent être révisées ; cela fait des années qu'on le répète. La taxe d'habitation, unique dans l'OCDE, est d'une injustice flagrante... et je ne peux pas ne pas évoquer, monsieur Fourcade, la taxe départementale sur les revenus, taxe mort-née il y a vingt ans !
Les taxes foncières sont localement assises mais que penser de leur évaluation ? La CTE peut aussi être réévaluée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai parlé d'une réforme de pays riche.
M. Edmond Hervé. - La péréquation peut-elle s'accommoder d'une compensation générale à l'euro près ?
C'est à partir des grands principes qu'on peut faire une réforme durable. Devons nous conserver un système fiscal local ? Je fais partie de ceux qui le souhaitent mais certains y sont opposés, même s'ils restent silencieux...
La convergence avec l'Allemagne ? M. Marini a dit, à juste titre, que le taux des prélèvements obligatoires est un agrégat trop complexe pour que la comparaison soit pertinente « faute d'une autorité comptable indépendante au niveau communautaire ». En fait, la grande différence entre nos deux pays, c'est que l'Allemagne a construit un compromis social fondé sur la maitrise des coûts salariaux et le maintien de l'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Et ils n'ont pas les 35 heures !
M. Edmond Hervé. - Les länder jouent un rôle déterminant, elles peuvent construire des projets avec des entreprises moyennes très fortes, qui ne sont pas nécessairement affectées par l'impôt sur les sociétés. Elles sont soumises à un type d'impôt différent. La fiscalité partagée fournit 60 % des ressources des länder.
On ne peut faire table rase du passé. Les collectivités territoriales ont, avec beaucoup de civisme, répondu au plan de relance. Si nous faisons un état des lieux fiscal, n'oublions pas l'usage qui est fait de la ressource. Je fais mienne cette formule du Conseil des prélèvements obligatoires sur la pertinence du prélèvement fiscal local. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, applaudit aussi)
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. - Merci pour la qualité de vos contributions. J'ai été frappé par les différences d'approche entre la majorité et l'opposition ! Nous pouvons avoir des divergences d'appréciations au sein de la majorité, mais notre objectif est connu : l'équilibre budgétaire. Cet objectif politique doit mobiliser l'ensemble de la puissance publique.
L'opposition n'a, elle, qu'un projet, qui ne fait pas un programme politique : augmenter les prélèvements obligatoires. C'est une erreur dangereuse pour l'économie et la croissance, déprimante pour les Français. Au-delà d'un certain seuil, le taux de prélèvement porte atteinte au consentement à l'impôt.
Certains trouvent le budget 2011 trop timide, d'autres le jugent trop brutal. Nous avons privilégié un redressement raisonné des finances publiques, en évitant les coupes aveugles, en programmant un ralentissement de la progression des dépenses. En aucun cas il n'y a de plan de rigueur. C'est une véritable révolution, le point de départ d'une politique inscrite dans la durée.
Nous avons écarté une augmentation généralisée des impôts, rien de comparable avec ce qui se fait chez certains de nos voisins. Le déficit est réduit de 60 %, soit 40 milliards. C'est historique.
MM. Marini, Arthuis et About se sont interrogés sur la maîtrise des dépenses d'intervention, de ces dépenses de guichet dont la progression spontanée est forte. Nous y apportons toute notre attention avec la règle des « moins 5 % ».
Le secteur HLM bénéficie de 4,5 milliards d'aides fiscales et dispose de 6,5 milliards de fonds propres ; nous lui demandons un effort modéré, sachant que les 340 millions n'iront pas remplir les caisses de l'État mais retourneront au renouvellement urbain.
Plusieurs niches fiscales et sociales sont réduites. Le Gouvernement aurait pu choisir la facilité en supprimant deux ou trois très grosses niches ; il a préféré le chemin de crête, plus exigeant, quitte à voir s'élever davantage de critiques... Il a visé les dispositifs dont l'efficacité ou la nécessité ne sont plus démontrées, ou qui ne sont pas conformes au principe d'égalité. La TVA réduite dans la restauration et l'exonération des heures supplémentaires ne sont pas du nombre. La TVA dans la restauration a besoin de stabilité. Laissons-là vivre et produire ses effets vertueux. Le rabot est peut-être critiquable mais je n'ai entendu aucune proposition alternative. J'ai lutté contre la terminologie « niche fiscale », mais j'ai échoué monsieur Dominati. (Sourires) Donner un avantage fiscal, c'est renoncer à un prélèvement ; pour l'État, c'est une dépense.
L'effort est équitablement réparti : 37 % sur les ménages, 63 % sur les entreprises. Toute mesure fiscale retentit sur les ménages, dit le président Arthuis ; ce n'est pas faux, mais c'est toute la différence entre le contribuable et l'usager ou le consommateur.
L'hypothèse de croissance me semble juste et raisonnable au regard de nos résultats aux deuxième et troisième trimestres. L'ébauche de ce programme alternatif que proposent Mme Bricq et M. Marc aurait des effets gravement récessifs. La réduction des inégalités passe d'abord par les transferts sociaux, on le sait. L'effet de redistribution est de 11 points supérieur en 2009 à ce qu'il était en 2006.
La répartition n'est pas injuste. Nous entendons protéger notre modèle redistributif. C'est ce que nous avons fait avec la réforme des retraites, la Cades et ce budget.
Les dotations de l'État aux collectivités sont gelées, conformément aux conclusions de la Conférence sur les déficits. Cette décision était prévue depuis des années. Ayant cependant entendu le message du CFL, le gel est décidé hors FCTVA.
M. François Marc. - Cela vous profite !
M. François Baroin, ministre. - L'investissement des collectivités ne sera pas ralenti. Le dispositif de péréquation a été abondé de 150 millions supplémentaires à l'Assemblée nationale. J'ai pris note des propos de M. Doligé sur l'article 61. Nous en débattrons, comme du caractère suffisamment redistributif ou non du fonds.
Le Gouvernement reste attentif à la situation financière des départements en difficulté. J'ai présenté hier, en conseil des ministres, dans le cadre du collectif, la mise en place d'un fonds de solidarité exceptionnel doté de 150 millions.
Le taux de notre impôt sur les sociétés est largement inférieur à ce qu'il est en Allemagne, madame Bricq ?
Mme Nicole Bricq. - Je n'ai pas dit ça !
M. François Baroin, ministre. - Les prélèvements obligatoires sur les entreprises sont en France parmi les plus élevés d'Europe. Attendons le rapport de la Cour des comptes. Le modèle allemand est à l'inverse du nôtre : une assiette large et des taux faibles.
Mme Nicole Bricq. - C'est exactement ce que nous proposons !
M. François Baroin, ministre. - Un compromis a été trouvé à l'Assemblée nationale sur la défiscalisation outre-mer, monsieur Virapoullé ; nous en reparlerons.
Sur la fiscalité du patrimoine, nous aurons un grand débat. Le Président de la République et le Premier ministre engagent la réforme pour le premier semestre 2011. On ne peut pas se contenter de supprimer l'ISF et le bouclier fiscal, les implications sont multiples ; donnons-nous le temps d'y réfléchir.
Soyez assuré de mon engagement dans ce débat, pour améliorer un projet de loi de finances responsable, que je suis fier de défendre. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - 446 amendements ont été déposés sur la première partie. Il convient donc de bien organiser nos travaux. L'an passé, nous avions travaillé le vendredi soir et le samedi, mais le volet taxe professionnelle nous avait beaucoup occupés.
Je souhaite que nous puissions prévoir demain soir la poursuite de nos travaux. Il nous faudra aussi travailler dans la nuit de lundi à mardi pour être au rendez-vous, mercredi, du vote de l'article d'équilibre.