Contractualisation dans le secteur agricole (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre de l'agriculture sur la contractualisation dans le secteur agricole.
Nous avons tous des réunions demain matin. J'insiste donc pour que chacun respecte son temps de parole, afin que nous ne terminions pas trop tard.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Je regrette cette heure tardive...
M. Didier Guillaume. - Nous aussi !
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Lors de la LMA, certains s'étaient inquiétés de la contractualisation. Je crains aujourd'hui que le pari d'alors ne soit perdu. (M. Gérard César s'exclame) Errare humanum est, perseverare diabolicum : pourquoi tant de hâte, monsieur le ministre ? Un étudiant médiocre de première année de droit vous dirait qu'il n'est pas de contrat sans consentement libre et éclairé des cocontractants. On n'y est pas.
Les premiers retours de terrain de la contractualisation sont peu enthousiasmants ; les clauses abusives sont nombreuses. On pratique des doubles quotas sur le lait ; en renforçant l'alignement sur le marché mondial, les producteurs se lient les mains face à l'industrie. Ne laissons pas la filière laitière devenir une filière intégrée, qui ferait des éleveurs les travailleurs pauvres d'une industrie riche.
Les groupements de producteurs réfléchissent à une fusion à l'échelle de l'ouest. L'industriel dissuade les producteurs de s'organiser et menace de se montrer implacable dans les négociations commerciales. C'est bien un abus de position dominante !
La capacité de celui qui s'engage est importante. On compte 85 000 producteurs de lait pour 540 entreprises de collecte ; les producteurs sont contraints de signer avant même que la contractualisation soit organisée. On a mis la charrue avant les boeufs !
Il faut laisser le temps aux producteurs de s'organiser avant de les faire contracter !
J'espère, monsieur le ministre, que vous serez attentif et ferme, pour que les producteurs ne signent pas de contrats dans lesquels ils perdraient toute sécurité juridique. Dans les contrats actuels, le prix n'est pas garanti, non plus que le volume. C'est pourtant un élément central du contrat ! Dès lors que le contrat est obligatoire, les laiteries se trouvent en position dominante.
Le prix du lait doit être fixé aussi en fonction du prix de revient. Les producteurs recevaient 50 % durant le mois de la traite, le reste le mois suivant. Ils ne perçoivent plus rien le mois de la traite. Ne les laissez pas devenir les banquiers des producteurs.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - Vous tenez le discours de l'Apli !
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Je parle de la réalité que je connais dans l'Orne. Des explications s'imposent.
M. Bruno Le Maire, ministre. - De fait, des explications sont nécessaires.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - D'où ce débat.
Je voudrais aussi vous parler de l'interdiction du broyage des céréales.
Comment comptez-vous sanctionner les clauses abusives, de manière que les producteurs de lait puissent rester fiers de leur métier, en Haute comme en Basse-Normandie ?
M. Aymeri de Montesquiou. - « Rien n'étonne plus les hommes que le bon sens » disait Emerson. Vous en avez fait la ligne principale de votre politique.
La garantie d'un revenu simple et décent aux agriculteurs est de simple bon sens, et pourtant l'affirmer est nouveau. Où en est la contractualisation pour les céréaliers et les éleveurs ? Quel est le bilan de l'activité du médiateur ?
Il faut avancer dans toutes les filières. Vous avez engagé un audit des abattoirs. Où en est-on ?
Les contrats peuvent aller jusqu'à cinq ans. Souhaitez-vous généraliser une contractualisation, en la rendant obligatoire pour les industriels ? La contractualisation ne règle pas le problème central de la volatilité des prix et la libéralisation totale de l'agriculture a été une erreur stratégique majeure, selon vos propres termes.
Les éleveurs sont les seuls à ne pouvoir répercuter sur leurs prix la hausse des coûts de production. Quelles sont vos intentions ?
Les aléas climatiques ne peuvent être contractualisés. C'est pourquoi nous voulons une assurance obligatoire, interrégionale et interfilières.
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - C'est une forme de péréquation.
La sécheresse qui s'installe ne fera qu'aggraver la situation et livrer à la spéculation le marché des denrées alimentaires.
Vous avez obtenu une révision de l'obscur droit européen de la concurrence, faussé et dévastateur pour les exploitations familiales. Un projet de règlement européen se prépare, dans la perspective d'une suppression des quotas. Il s'agirait de laisser aux États le soin de rendre ou non obligatoire la signature de contrats.
Les agriculteurs sont inquiets, face aux coups de boutoir du marché. Ils veulent un équilibre entre péréquation, mutualisation, solidarité et liberté d'entreprendre. La contractualisation est la meilleure réponse.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour la généraliser !
M. Gérard Le Cam. - La contractualisation méritait un tel débat. Elle nous a été présentée comme une réponse à l'ouverture des marchés. A notre sens, une mauvaise réponse, car elle s'inscrit dans un système malade dont elle ne modifie pas les règles du jeu.
Le contrat ne saurait suffire à équilibrer les relations entre les différents acteurs. Lors du débat sur la LMA, nous nous étions rencontrés pour reconnaître la gravité de la crise agricole : le revenu net a chuté de 32 % en moyenne, pour atteindre 54 % dans l'agriculture vivrière. Si le cours des céréales est remonté, les producteurs n'en ont guère profité.
La sécheresse actuelle va créer de nouvelles difficultés, en particulier pour les éleveurs car le rendement des fourrages a d'ores et déjà diminué de 30 à 40 %. (Mme Nathalie Goulet confirme) Vous avez mis à disposition les jachères et vous avez souhaité, monsieur le ministre, que le Fonds de garantie des calamités agricoles (FGCA) se réunisse le mois prochain. Fort bien !
Quel bénéfice les agriculteurs peuvent-ils espérer de la contractualisation face à la crise ? Ils sont les derniers maillons d'une filière qui s'enrichit à leurs dépens.
Une politique plus juste, qui favorise les petites exploitations, serait plus efficace que la contractualisation, qui n'empêche pas la concurrence entre produits et bassins de production, ni le dumping social et environnemental. Les écarts se creusent entre ceux qui en bénéficient et les petits producteurs. Quel effet aura la charte exigée des industriels ?
Les syndicats de la profession sont très critiques sur le contenu même des contrats et les pratiques abusives. Le prix n'est pas garanti. Pour le lait, des clauses permettent aux entreprises de se dégager de leurs exigences en cas de crise.
Il est aberrant de vouloir rendre possible la cession des contrats en même temps que celle de l'entreprise. Un État de droit ne peut pas tolérer les entraves à la liberté syndicale, qu'on a vues à propos de Lactalys. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard César. - Notre agriculture vit un vrai bouleversement. La LMA devait permettre à la ferme France de mieux gérer la situation. L'enjeu n'est pas mince, avec la fin des quotas laitiers en 2015 : produire ne suffira plus, il faudra trouver des débouchés et vendre.
La France souhaite une PAC forte après 2014, qui donne plus de place à la contractualisation. Celle-ci doit d'abord être l'affaire des interprofessions. L'État ne définit qu'un régime par défaut. Les coopératives doivent être soumises à la même contractualisation que les autres.
Dans le secteur du lait, les acheteurs doivent proposer, depuis le 1er avril, une contractualisation aux producteurs. Ceux-ci restent en position de faiblesse, faute d'organisation.
Certains contrats sont rédigés d'une manière qui ouvre la voie à renégociation permanente. Comment faire pour mieux assurer la contractualisation dans le secteur du lait ? Nous attendons le rapport du médiateur. Pour les fruits et légumes, la production dépend de la météo et la marchandise ne peut être stockée longtemps. Il serait bon de simplifier la contractualisation dans ce secteur. Celle-ci devrait être étendue à la viande bovine et elle existe déjà pour la viande ovine. Ne faut-il pas étendre la contractualisation à toute une filière, distributeurs compris ? Ne peut-on aller plus loin que l'accord du 3 mai sur les prix de l'alimentation animale ?
M. Daniel Soulage. - Dans la filière fruits et légumes, la contractualisation n'est pas aisée. Il y a encore beaucoup à faire en matière de contrats pour prendre bien en compte les intérêts de tous les acteurs.
Les ventes sur les marchés de gros ainsi que de gré à gré aux consommateurs sont une part non négligeable. Ces marchés apportent des produits de saison, qui ont du goût, et les vieilles variétés de nos terroirs, recherchées par les restaurateurs. Il faut laisser faire ce marché spontané, dans un pays dont la gastronomie est reconnue par l'Unesco.
Les producteurs de ces produits plus rares ne peuvent pas appliquer la contractualisation telle qu'elle est proposée. Que pensez-vous faire pour les ventes au carreau ? Il n'est pas aisé de réglementer ce qui relève de la simple rencontre physique entre deux personnes. C'est là le seul vrai marché libre, face à un univers qui tend à tout contractualiser.
Les acteurs vous proposent de prendre pour référence, à titre de contrat, le bon de livraison. Faut-il vraiment garder ces marchés professionnels ? Certes, ils ne représentent que 7,5 % des produits, mais ils ont une importance majeure pour nos territoires et la qualité de nos produits. Préfère-t-on les sacrifier au profit d'importations de produits insipides ? Pas nous !
Mme Maryvonne Blondin. - Souffrez qu'une finistérienne remplace une morbihannaise qui n'avait pas prévu ce report d'horaire...
La contractualisation était la potion magique de la LMA. Qu'elle est dure à avaler par les producteurs ! L'emprise des industriels se renforce...
Mme Nathalie Goulet. - C'est vrai.
Mme Maryvonne Blondin. - ...alors que la LMA devait favoriser au contraire les producteurs. Ceux-ci se retrouvent mis sous tutelle des industriels, dont ils ne seraient plus que des sous-traitants.
Les clauses sont telles que, pour nombre de transformateurs, il s'agit seulement de rendre les producteurs dépendants des puissances d'argent. Vous avez dénoncé les premiers contrats proposés par les laiteries, monsieur le ministre. Pourquoi ne pas nous avoir écoutés quand nous vous parlions de fixer un prix plancher ?
Mais le choix de la procédure accélérée pour la LMA a réduit le débat parlementaire à trois semaines. Pourquoi n'avoir pas entendu les demandes transpartisanes de prendre le temps de la réflexion ? Des contrats existent, qui peuvent être étendus à toute une filière. Encore faut-il un accord des deux parties.
Face à ces cafouillages, la puissance publique doit soutenir l'organisation des producteurs. Où en est le décret ? Le rapport du médiateur de la contractualisation laitière servira-t-il à corriger les dysfonctionnements que nous constatons ? (Applaudissements à gauche)
M. Antoine Lefèvre. - De fait, l'année 2010 aura été une année charnière pour l'agriculture avec la LMA. Voici que l'année 2011 est déjà marquée par une grave sécheresse.
Les agriculteurs doivent pouvoir produire plus et mieux. Il faut encourager le stockage.
Vous avez nommé un médiateur des contrats. Je constate la réticence des producteurs laitiers, qui ne peuvent se regrouper en organisations de producteurs.
Pour les fruits et légumes, il faudrait adapter la loi aux marchés de gré à gré.
De façon générale il faudrait étendre la contractualisation à toute la filière, c'est-à-dire inclure la grande distribution. Représentant de l'Aisne, je me félicite que les filières céréalières et d'élevage travaillent à une contractualisation amont mais il faudra aussi intégrer l'aval pour pouvoir répercuter les prix de production.
L'inscription de la question de la volatilité des prix agricoles à l'ordre du jour du G20 est une initiative majeure du Gouvernement.
Je vous remercie des éclairages que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Didier Guillaume. - La contractualisation est bien en deçà de ce que subissent les agriculteurs avec la dramatique sécheresse qui s'annonce, à laquelle il ne saurait y avoir d'autre réponse que nationale.
L'an dernier, nous avons voté contre la LMA, à cause des ambitions que nous portons pour l'agriculture de notre pays, même si certaines de ses dispositions allaient dans le bon sens, comme l'article premier, qui définissait la politique de l'alimentation pour la Nation , ou l'article 4 modifiant le code du commerce pour encadrer certaine pratiques commerciales. Certaines dispositions, voulues par tous les sénateurs, ne l'étaient pas par le Gouvernement. Notre opposition portait surtout sur l'article 3, tête de gondole du projet. Non par refus de principe d'un cadre contractuel. Nous y sommes favorables à condition d'une régulation au niveau européen. L'un de vos prédécesseurs avait créé des contrats territoriaux d'exploitation. Après des doutes, vous vous êtes ralliés à cette idée. Alors que chaque agriculteur doit vivre de son travail, et non de subventions, la contractualisation ne jouait pas ce rôle, à nos yeux.
Pour finir, quelques mots sur le secteur des fruits et légumes. La contractualisation a été réalisée à marche forcée, sans consultation de l'interprofession. Celle-ci insiste pour le maintien des marchés de gré à gré.
La contractualisation doit se faire sur une durée conséquente ; le Gouvernement veut la réduire à moins d'un an ! Faisons en sorte qu'elle permette aux agriculteurs de vivre de leur travail. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Benoît Huré. - La contractualisation, devenue obligatoire pour le lait, les fruits et légumes et les agneaux de moins de 12 mois, est indispensable à l'agriculture française. Elle s'appliquera bientôt à la filière bovine et, demain, à toutes les filières. Pour m'en tenir à un exemple, le prix d'achat de la viande bovine a baissé de 10 % depuis les années 90 ; les consommateurs l'achètent à un prix multiplié par deux ! Régulation et transparence vont de pair avec la contractualisation.
Monsieur le ministre, je me réjouis que vous portiez ce combat dans les instances européennes. Vous permettez au secteur agricole de prendre son avenir en main ! (Applaudissements à droite)
M. le président. - Lors de la Conférence des présidents, il n'avait pas été envisagé de poursuivre la séance après minuit. Mieux vaut en terminer avec ce débat, à moins que quelqu'un ne s'y oppose.
Puisqu'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.
Mme Renée Nicoux. - Le secteur de l'élevage va mal : hausse continue des coûts de production, stagnation des prix à la consommation et concurrence des pays émergents annoncent une grande catastrophe. La LMAP répond à cette situation par la contractualisation. Vous avez parlé d'un décret en juin. Concernera-t-il tous les secteurs ? Chacun a sa spécificité... En outre, le contrat ne doit pas se limiter à la relation entre producteur et industriel. Le préalable, au reste, est le renforcement des interprofessions pour rééquilibrer les relations commerciales.
Qu'en est-il des négociations en cours ? Nous attendions beaucoup du premier rapport de l'Observatoire des prix et des marges. Or, celui-ci montre que l'augmentation des prix dans la grande distribution est la conséquence des investissements rendus nécessaires par davantage de normes sanitaires. Pourtant, les producteurs, eux aussi, font face à de plus en plus de normes. Comment expliquer la hausse des prix à la consommation si ce n'est par l'accroissement des marges dans la grande distribution ?
Enfin, pour lutter contre les catastrophes naturelles, comme la sécheresse actuelle, il faut de nouveaux outils de solidarité entre les interprofessions. Vous y êtes vous-même favorable. Travaillons-y ! (Applaudissements à gauche)
M. André Reichardt. - La contractualisation, demandée par le secteur laitier, constitue un progrès. Néanmoins, au vu d'un premier bilan, des ajustements s'imposent. La hausse du coût des intrants doit être prise en compte dans le calcul. La contractualisation s'impose seulement au premier acheteur ; ce n'est pas suffisant. Une durée de trois ans ne résout pas le problème de la volatilité des prix ou d'éventuels aléas climatiques. Il faut plus de souplesse, plus de réactivité.
Enfin, un point qui ne peut être réglé par le contrat : le coût variable de la main-d'oeuvre dans les pays de l'Union européenne. L'Alsace, territoire frontalier, connaît bien ce problème.
Pour conclure, améliorer le dialogue entre producteurs et distributeurs suppose un renforcement et une restructuration des grandes filières nationales. (Applaudissements à droite)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - On reproche parfois au Sénat d'agir avec lenteur. Peut-être cette fois se hâte-t-il lentement, festina lente (sourires) : nous dressons le bilan de mesures mises en oeuvre il y a à peine deux mois !
Comme disait un président de la République que je respecte comme tous les présidents de la République passés, présents ou futurs, il faut savoir « laisser du temps au temps ». Je continue de croire en la contractualisation.
Mme Goulet a prononcé un réquisitoire contre les contrats dans les coopératives, mais ceux-ci n'existent pas encore ! En outre, le système de doubles quotas est un plus ; auparavant, le quota B était pénalisé ! Le contrat renforce les organisations de producteurs, et non le contraire. Enfin, seuls les industriels ont obligation de signer un contrat ; les producteurs sont libres.
Cela dit, je voulais vous souhaiter un joyeux anniversaire. (Applaudissements)
Mme Nathalie Goulet. - Le jour en est passé depuis cinq minutes ! (Sourires)
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous voulions défendre la régulation au niveau européen ; il fallait en finir avec l'illusionnisme et s'engager dans la logique contractuelle. La France est dans l'Europe ; il y a des règles, nous avons des concurrents, notamment allemands ; ceux-ci ont développé leur agriculture et utilisent des quotas que la France n'utilise pas. Comment ne pas en tenir compte ? Depuis dix ans, la France sous-réalise de 8 à 10 % ses quotas laitiers... Me battre pour les quotas au-delà de 2015 ? Ce ne serait pas précisément de bonne tactique européenne.
Pour autant, je ne suis pas béat d'admiration devant la mise en oeuvre de ces contrats. Certains industriels, et pas les moindres d'entre eux, n'ont pas joué le jeu. Cela me convainc que l'intérêt général reste du seul ressort de la représentation nationale et de l'État. Cela dit, de nombreux producteurs ont joué le jeu.
Le médiateur des contrats est créé ; les interprofessions ont élaboré un guide des bonnes pratiques.
Quand le paquet Lait, proposé par la France sera définitivement adopté, les producteurs pourront se regrouper plus encore : le plafond retenu permettra par exemple aux producteurs de lait bretons, s'ils le veulent, de se réunir en une organisation unique pour négocier avec les industriels. Si je tiens autant aux contrats, c'est que la France est seule à défendre une modification du droit de la concurrence européenne. Sans eux, nous perdrons tout dans les négociations. Prenons la filière viande. Il y a quelques années, la filière agneau a failli disparaître en France : on considérait que l'agneau néo-zélandais, sous-production de la laine, allait inonder le marché. Sans contractualisation, il n'y avait plus de filière agneau en France ! La logique vaut pour la filière bovine, qui fait partie de l'identité de la France : je le dis avec gravité, celle-ci doit se réformer.
Pour les calamités, il faut un système de réassurance : la sécheresse montre que c'est indispensable !
Je plaide, depuis des mois, pour des contrats entre interprofessions. Nécessité a fait loi : les premiers contrats seront signés avant le 1er juillet entre éleveurs et céréaliers.
Pour les fruits et légumes, nous avons privilégié le décret car l'interprofession n'était pas prête à un accord. Le texte du décret a été longuement discuté avec les organisations agricoles et majoritairement approuvé. Le producteur a la possibilité de contractualiser sur une partie seulement de sa production pour s'assurer un revenu de stabilité. M. Soulage m'a alerté sur les marchés de gros. Je ne suis pas un garçon buté. Je prendrai en compte la spécificité des carreaux. Dans ce secteur, nous nous heurtons à des résistances, à la faiblesse de son organisation. Je travaille dans l'intérêt des producteurs.
Pour conclure, ce qui ruine l'agriculture française est l'absence de solidarité, de dialogue et de coopération au sein des filières. Chaque semaine, j'assiste à des affrontements picrocholins entre producteurs.
Autre nécessité, la régulation car l'agriculture n'est pas une industrie comme les autres ; l'agriculture est la vie. On ne peut pas demander à une vache d'arrêter de produire du lait dans les deux jours ! Enfin, la régulation mondiale. Le blé, le maïs, le riz et l'élevage sont aussi stratégiques pour la planète que le pétrole : sans nourriture, les peuples se révoltent. J'espère que le message passera lors de la réunion du G20 à Paris ! (Applaudissements à droite et au centre)