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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Candidatures)
Modifications à l'ordre du jour du Sénat
Aide administrative des directeurs d'école
Conseillers d'insertion et de probation
Services publics en milieu rural
Lin, chanvre, luzerne et fécule de pomme de terre
Conventionnement des opticiens
Radiothérapie en Seine-et-Marne
Réductions des délais de paiement
Engagements pris par les banques
Organisme extra-parlementaire (Nominations)
Questions prioritaires de constitutionnalité
(Décisions du Conseil constitutionnel)
Questions prioritaires de constitutionnalité
Débat sur la politique forestière
Contractualisation dans le secteur agricole (Question orale avec débat)
Mise au point au sujet d'un vote
SÉANCE
du mardi 24 mai 2011
107e séance de la session ordinaire 2010-2011
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Philippe Nachbar.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organisme extraparlementaire (Candidatures)
Mme la présidente. - M. le premier ministre a demandé au Sénat de désigner des sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Les commissions des affaires étrangères et de la culture proposent respectivement les candidatures de M. Robert del Picchia et de Mme Claudine Lepage. Celles-ci ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.
IUFM d'Étiolles
M. Bernard Vera. - La mastérisation de la formation des enseignants entraîne de profonds bouleversements : l'offre de formation est scindée au détriment des IUFM. Résultat, le nombre de candidats diminue, ce d'autant que le nombre de postes ouverts au concours se réduit. Ainsi, l'IUFM d'Étiolles a perdu 55 % de ses effectifs. On annonce sa fermeture pour 2012. Ce projet a soulevé un tollé public : avec sa fermeture, c'en serait fini d'un centre de proximité dans l'Essonne, un des plus jeunes départements de France.
En concertation, les présidents des universités de Cergy-Pontoise et d'Évry étudient une solution. Le 26 juin 2010, madame la ministre, vous avez voulu rassurer la représentation nationale en affirmant que l'avenir des IUFM sera assuré. Comment tiendrez-vous cet engagement, en particulier pour l'IUFM d'Étiolles ?
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - La réforme de la formation des enseignants vise à améliorer la qualification des maîtres, pour la réussite des élèves, et à revaloriser ce métier. Elle assure une formation progressive et continue et permet une réorientation des étudiants en cas d'échec, ceux-ci étant titulaires d'un mastère.
J'ai voulu dessiner une carte des IUFM répondant aux besoins. L'IUFM d'Étiolles ne reçoit plus que 200 étudiants pour 800 places... D'où la décision de fermeture à un horizon de cinq ans. Le recteur travaille à la mise en oeuvre concrète de cette nouvelle organisation avec un site de formation des maîtres à Évry.
Monsieur le sénateur, vous pouvez donc être rassuré : la formation des maîtres continuera d'être assurée dans l'Essonne au plus près des besoins.
M. Bernard Vera. - Cette réponse ne comporte pas d'engagement concret de l'État. C'est bien dommage car la formation des maîtres, via les UFM, contribue à préserver la mission de l'école : réduire les inégalités et s'attaquer à l'échec scolaire dès la primaire. Madame la ministre, je compte sur vous pour défendre l'IUFM auprès des présidents d'université.
Doctorants en entreprise
M. René-Pierre Signé. - Les conventions Cifre, qui facilitent le recrutement de jeunes chercheurs doctorants par des entreprises pour mener des projets de recherche, présentent une difficulté : en droit français, les résultats obtenus par le chercheur appartiennent à l'entreprise, ce qui rend caduques les clauses de propriété incluses dans le contrat de collaboration.
Madame la ministre, comment améliorer ce dispositif ?
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Le contrat signé tient compte de la spécificité du projet et précise le partage des droits ; en général, l'entreprise bénéficie d'une licence d'exploitation, parfois exclusive, tandis que le laboratoire auquel le doctorant est rattaché conserve le droit d'utilisation des résultats à des fins de recherche et la liberté de concéder un droit d'exploitation dans un autre domaine. Le cadre juridique est donc clair et assure le plus souvent un retour financier au laboratoire comme au doctorant. Pour preuve, les Cifre, autrefois de l'ordre de 600, sont maintenant au nombre de 1 200 ; l'an prochain, nous tablons sur 1 300. Leur succès ne se dément pas !
M. René-Pierre Signé. - Certes ! Mais les résultats des recherches -le fruit du travail du doctorant, échappent à celui-ci s'il a signé un contrat, alors que ceux qui ne relèvent pas d'une Cifre en conservent le bénéfice. Est-il possible de faire droit aux demandes des jeunes chercheurs ? Ce dispositif favorise manifestement les entreprises...
Modifications à l'ordre du jour du Sénat
Mme la présidente. - Par lettre en date d'hier soir, M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, compte tenu des contraintes de l'emploi du temps du ministre de l'agriculture liées à la gestion des questions relatives à la sécheresse, demande « exceptionnellement » au Sénat d'ouvrir la séance de cet après-midi à 18 h 30 et éventuellement le soir, sans changer l'ordre initialement prévu des débats.
Le Gouvernement sollicite également l'accord du Sénat pour que la séance de jeudi soit ouverte à 9 heures, avec l'agrément du groupe UC, qui a demandé le débat sur l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Il n'y a pas d'opposition ?
En conséquence, l'ordre du jour de cet après-midi s'établit comme suit : à 18 h 30 et, éventuellement, le soir, débat sur la politique forestière et le développement de la filière ; question orale avec débat de Mme Nathalie Goulet sur la contractualisation dans le secteur agricole.
Questions orales (Suite)
Exonérations en ZRD
M. Daniel Laurent. - La loi de finances rectificative pour 2008 a prévu une exonération de cotisations patronales pour les entreprises en zones de restructuration de la défense. En attendant la publication du décret d'application, un dispositif transitoire d'exonération totale est prévu pour les rémunérations horaires inférieures à 1,4 Smic. A La Rochelle plus de 1 600 emplois sont concernés ; les acteurs de la Chambre de commerce et d'industrie aimeraient savoir quand sera publié le décret puisque le régime expire au 31 décembre 2012.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Le dispositif est déjà applicable pour les rémunérations inférieures à 1,4 Smic et le décret, qui précisera la décote linéaire jusqu'à 2,4 Smic, sera publié dans les jours prochains. Le 31 mai 2012 constitue la date d'entrée dans le dispositif, non sa fin.
M. Daniel Laurent. - Merci.
Aide administrative des directeurs d'école
M. Yannick Bodin. - À la suite des instructions données aux recteurs, 50 000 employés de vie scolaire (EVS) ont été renvoyés vers le chômage. Ces EVS apportaient une aide précieuse aux directeurs d'école dont les tâches s'accroissent et se diversifient, avec la gestion informatique. Résultat, on affaiblit encore l'école publique !
Le président de la République a annoncé le déblocage de 500 millions pour les emplois aidés. Pouvez-vous vous engager à consacrer ces crédits en priorité à l'éducation nationale ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Chatel, qui vous confirme l'intérêt du ministère pour les EVS. Dans la loi de finances, il était prévu une dotation de 136,9 millions, cofinancée par les ministères de l'emploi et de l'éducation nationale. L'augmentation de la prise en charge par ce dernier ministère avait conduit à envisager une diminution du nombre de contrats mais ce plan de réduction a été reconsidéré.
D'abord le Parlement a adopté à l'unanimité un amendement à la loi de finances apportant 20 millions d'euros supplémentaires pour les EVS. En outre, sur les 500 millions annoncés par le président de la République, pour financer la politique de l'emploi, la moitié seront réservés aux contrats aidés, dont 4 000 pour l'éducation nationale.
M. Yannick Bodin. - Enfin, une reconnaissance du rôle des EVS. Vous aviez commis une grave erreur mais vous ne faites qu'un geste symbolique C'est dix fois plus d'EVS qu'il faut ! Écoutez les directeurs d'école !
Conseillers d'insertion et de probation
Mme Éliane Assassi. - Déjà en 2006, j'interrogeais le garde des sceaux sur le manque criant de conseillers d'insertion et de probation en Seine-Saint-Denis.
Rien n'a changé depuis. Quelques chiffres : six titulaires et quatre stagiaires pour prendre en charge les 996 détenus de la maison d'arrêt de Villepinte ; 44 travailleurs sociaux, dont quatre stagiaires, pour 8 030 mesures de justice !
Les professionnels de la justice manifestent leur colère depuis plusieurs années et dénoncent l'insuffisance des budgets de la justice -la France occupe le 37e rang en Europe. Puis-je rappeler que les CIP participent à la prévention de la récidive ? Que comptez-vous entreprendre pour remédier à cette situation ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Mercier qui rencontre ce matin les procureurs généraux et procureurs de la République.
La chancellerie porte un intérêt majeur aux CIP : leur nombre a été multiplié par trois entre 1997 et 2010. Pour faciliter leur tâche, on envisage de les recentrer sur leur coeur de métier et de confier à d'autres professionnels (assistants de service social, psychologues) une partie de leur tâche actuelle; des agents de la pénitentiaire sont désormais chargés du suivi de la surveillance électronique. L'arrivée de 245 titulaires de la quatorzième promotion des CIp et de 203 stagiaires de la quinzième promotion vont renforcer les effectifs, sans oublier le recours à la réserve civile de la pénitentiaire permis par la récente loi pénitentiaire. La Chancellerie étudie la possibilité de recourir à des agents contractuels en Seine-Saint-Denis et la situation de votre département fera l'objet d'une attention particulière lors des prochaines réunions de commission administrative paritaire de mobilité.
Mme Éliane Assassi. - Je note le souci de la Chancellerie. Cela dit, votre réponse ressemble à celle qui m'avait été faite en 2006. Lors d'une récente visite à la maison d'arrêt de Villepinte, j'ai constaté que les améliorations que vous annoncez ne sont pas ressenties. J'y retournerai pour faire part de votre réponse aux personnels, qui sont dans une situation très difficile.
Zones inondables
M. Philippe Madrelle. - La publication d'un rapport de la communauté urbaine de Bordeaux a suscité l'émoi des habitants de la presqu'île d'Ambès. Quatorze mois après Xynthia, le Sénat a adopté une proposition de loi sur la prévention du risque de submersion marine. Or, ce rapport prévoit un arasement des digues, qui ont montré leur efficacité en 1999, 2009 et 2010. Pour protéger Bordeaux, ce projet fou menacerait les habitants d'Ambès, Saint-Louis-de-Montferrand et Saint-Vincent-de-Paul. Ces mesures sont contraires au plan « digues ». Il y a d'autres solutions !
Enfin, n'oublions pas la présence, dans les zones choisies pour l'étalement des crues, de nombreuses usines classées Seveso et de la centrale nucléaire du Blayais, qui, en 1999, a frôlé la catastrophe.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - L'estuaire de la Gironde a payé un lourd tribut lors des dernières tempêtes. Devant les risques, l'interdépendance des territoires nécessite une approche globale. Le schéma auquel travaille la communauté urbaine de Bordeaux n'est pas abouti. Des études techniques sont en cours. L'arasement des digues n'aura pas lieu car, depuis un an, l'État promeut la restauration des ouvrages et de toute façon il n'est pas question de poursuivre l'urbanisation dans les champs d'expansion actuels de la crue. Une concertation sera ouverte dans les prochains mois avec tous les acteurs.
M. Philippe Madrelle. - Merci de ces propos rassurants. Les inquiétudes étant vives, j'ai voulu tirer la sonnette d'alarme. De nombreuses habitations sont en jeu, sans compter la présence de la centrale nucléaire...
RN 147
M. Jean-Pierre Demerliat. - La RN 147, qui relie Limoges et Poitiers, est un axe essentiel pour les territoires. Quelle n'a pas été la surprise des habitants de constater que sa mise à 2 x 2 deux voies n'était pas inscrite au Snit !
Ce projet rendra cet axe, indispensable pour le développement économique des régions Limousin et Poitou-Charentes, plus sûr. Les accidents graves y sont nombreux. Et il contribuera à la liaison de la façade Atlantique au centre de l'Europe. Monsieur le ministre, je vous prie instamment d'intervenir !
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - Le Gouvernement se préoccupe des liaisons routières. Pour autant, ce projet améliore l'existant ; il ne crée pas de nouvelles fonctionnalités. D'où son absence du Snit. En revanche, pour répondre à votre inquiétude, nous sommes disposés à le mentionner dans une fiche de documentation du Snit parmi les liaisons nécessitant une mise à 2 x 2 voies. L'aménagement de la RN 147 sera progressif, dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers, qui prendront la suite du volet routier des contrats de plan État-région.
M. Jean-Pierre Demerliat. - Merci de cette précision.
Cette liaison irriguerait la façade atlantique de la France depuis le centre-Europe, dont c'est la base du delta, entre Nantes et Bordeaux.
Le Gouvernement parle d'améliorer la sécurité routière, mais seulement de façon coercitive. Rendre moins dangereuse une voie serait pourtant une bonne prévention.
Limoges et Poitiers sont les deux seules capitales limitrophes à n'être reliées par aucun moyen moderne de liaison, ni TGV, ni route à 2 x 2 voies.
La séance, suspendue à 10 h 30, reprend à 10 h 35.
Rats taupiers
Mme Anne-Marie Escoffier. - Ma question pourrait faire sourire si le sujet n'était douloureux dans nos campagnes.
La lutte contre les campagnols terrestres doit être prudente, raisonnée et peut utiliser certains poisons. Pourtant, la Suède est défavorable à l'homologation du produit utilisé, le bromadiolone.
Nos exploitants agricoles ne recourent pas systématiquement à des produits chimiques. Ils subissent pourtant des dommages certains et doivent pouvoir lutter efficacement contre ces parasites.
Quid des indemnisations possibles quand la Commission de Bruxelles impose à la France de démontrer la nocivité de ces animaux ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - La question est grave et difficile. Je l'ai vu en Franche-Comté, je l'ai vu en Auvergne : les campagnols rendent inexploitables des prairies quand les rendements en fourrage ne sont pas divisés par trois.
La lutte doit être raisonnée, fondée sur les réseaux d'épidémio-surveillance : méthodes directes comme le piégeage, protection des prédateurs naturels des campagnols que sont les rapaces et de leurs habitats, retournement des prairies dans des conditions qui ne nous fassent pas perdre le bénéfice de celles-ci. Sur le plan financier, la mobilisation des fonds de mutualisation serait une bonne solution.
Mme Anne-Marie Escoffier. - Je mesure la gravité du problème : dans l'Aubrac, nos prairies sont labourées par les campagnols. Un contrat de lutte raisonnée pourrait être signé dans l'Aveyron aussi. Pourra-t-on en outre continuer à utiliser le produit dont les Suédois ne veulent pas ?
Services publics en milieu rural
M. Martial Bourquin. - Les services publics sont la colonne vertébrale du monde rural. Le Gouvernement les détruit dans le cadre de la sacro-sainte RGPP, appliquée de façon comptable et arbitraire. Voici maintenant que l'on s'en prend aux écoles rurales, fondement de l'égalité républicaine. Les maires du Doubs s'inquiètent pour le dynamisme de leurs communes.
En juin 2006, une charte des services publics en milieu rural invoquait un aménagement « concerté » dans le cadre duquel les fermetures de classes devaient être planifiées deux ans à l'avance. Dans le Doubs cet engagement n'a pas été tenu. Le protocole signé entre l'État et les opérateurs publics est en recul par rapport à la charte.
Que répondrez-vous aux élus ruraux qui déplorent le manque de concertation du Gouvernement et assistent au déménagement de leurs villages ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - Nous avons fait un choix politique, afin de ne pas se retrouver contraints à des décisions plus difficiles encore : réduire l'endettement de l'État. Nous l'assumons. Regardez ce qui se passe ailleurs en Europe !
Nous faisons cela de la manière la plus responsable possible, avec par exemple la charte de 2006. L'accord du 28 septembre dernier est conforme à cette charte. Une expérimentation a été lancée dans 23 départements dont le Doubs ; elle sera suivie d'une évaluation.
Nous avons sanctuarisé -une première- 17 000 points de contact de La Poste. Pour les fermetures de classes et les regroupements pédagogiques, tout doit se faire dans la concertation avec les collectivités locales. Élu local dans l'Eure, je sais de quoi il retourne. Les inspecteurs d'académie pourront maintenir des classes à effectifs réduits pour tenir compte des spécificités locales. Vous voyez que nous ne procédons pas par esprit de système.
M. Martial Bourquin. - L'endettement ? Les salaires des patrons du CAC 40, y compris de sociétés à capitaux publics, échappent à l'impôt, tandis que les bonus explosent. Ce sont toujours les mêmes qui paient.
Se rend-on compte de ce qui se passe dans la ruralité ? Un nouvel exode se prépare. Habiter en ville ne sera bientôt plus un choix, mais une contrainte. Il faut repenser la politique d'aménagement du territoire. La charte des services publics était une bonne chose. Dans le Doubs, où le verglas sévit quatre mois par an, on ne peut parler regroupements pédagogiques sans évoquer les temps de transport et les risques encourus par les élèves. La RGPP est appliquée de façon aveugle.
Lin, chanvre, luzerne et fécule de pomme de terre
M. François Marc. - Malgré leurs évidents atouts écologiques, les filières du lin, du chanvre, de la luzerne et de la fécule de pomme de terre, sont négligées, alors qu'elles devraient être reconnues, dans la PAC après 2013, pour leurs valeurs de « bien public monétisable ». Mais les récoltes 2012 et 2013 sont menacées ; la volatilité des cours des matières premières risque fort d'avoir pour effet une réduction des surfaces plantées de ces cultures.
Les moyens européens doivent être actionnés pour favoriser ces filières « bio » en émergence, porteuses d'une économie verte. Les articles 63 et 68 du Règlement communautaire de 2009 vous donnent les moyens d'agir.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - Je partage votre analyse sur la pertinence de ces filières, au reste assez différentes en termes d'aides possibles. La Haute-Normandie est la première région productrice de lin au monde, utile pour l'habillement mais aussi pour l'industrie. Le bénéfice environnemental en est considérable.
Le lin est soutenu par un programme de promotion européen. La luzerne est intégrée dans le plan protéines et le restera ; cela nous permettra d'importer moins de protéines végétales. Une inclusion des aides à la transformation dans le régime des aides directes découplées a été reportée à 2012. A ce moment, ces aides seront intégrées dans les DPU.
Rouvrir l'article 68 ? Le faut-il vraiment ? Cela signifierait réexaminer toutes les aides aux agriculteurs. Est-ce très opportun, en cette saison de sécheresse ?
M. François Marc. - Le prolongement à 2012 est une bonne chose. Le Gouvernement promet beaucoup mais la sécurité des aides apportées aux agriculteurs est très importante pour leur organisation. La Bretagne était aussi grosse productrice de lin et de chanvre, jusqu'à ce que la politique de Colbert ruine ses productions.
Conventionnement des opticiens
M. Jean-Luc Fichet. - La prise en charge des dépenses dentaires et d'optique a toujours été insuffisante. Les complémentaires santé ont mis en place des réseaux de soins avec un certain nombre de professionnels. Mais certains opticiens se trouvent confrontés à l'effet cumulatif de réseaux importants, dont ils sont exclus. L'opticien de Lanmeur, dans mon département, voit pour cette raison son chiffre d'affaires se réduire considérablement.
Je ne conteste pas cette politique des complémentaires santé mais il ne faut pas non plus que certains professionnels soient contraints de mettre la clé sous la porte, et les patients de perdre toute possibilité de choix et la proximité des soins.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Les réseaux de soins permettent un meilleur pilotage du risque et une meilleure maîtrise des coûts ; ils sont efficaces contre la fraude. Il ne faut pas cependant qu'ils entraînent ni baisse de la qualité de l'offre de santé ni distorsion de concurrence. C'est pourquoi l'Unocam a prévu des conventionnements qui doivent obéir à certains principes. Le Gouvernement est attentif au respect des règles de la concurrence.
M. Jean-Luc Fichet. - Le fait est que certains professionnels se trouvent exclus, en particulier les artisans dans les communes rurales. Cela pose la question du libre choix et aussi celle de l'accès aux soins. Les réseaux de soins ont un effet cumulatif avec la désertification. Le monde rural ne peut pas être tenu pour un lieu de relégation.
Médecins étrangers
Mme Mireille Schurch. - Les nombreux médecins titulaires d'un diplôme non-européen recrutés dans nos hôpitaux -c'est le cas à Moulins, Vichy et Montluçon dans l'Allier- ne bénéficient d'aucune sécurité d'emploi. A Montluçon, une radiologue camerounaise diplômée à Saint-Pétersbourg a été refusée au concours, malgré l'excellence de ses notes -au détriment de l'hôpital ; un anesthésiste exerçant à Moulins a été refusé malgré une note de 18 sur 20. On peut s'interroger sur la réalité du concours... Les mesures dérogatoires arrivent à échéance au 31 décembre 2011.
Remplacer le concours par un examen ou prendre en considération les années de pratique permettrait de maintenir ces 10 000 médecins qualifiés dans des emplois où ils sont indispensables. Cela irait dans le sens de la directive « carte bleue ».
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - La loi HPST a accru les chances de réussite au concours en permettant de se présenter une année de plus. Jusqu'à fin 2011, ces praticiens associés peuvent se présenter à un examen. Il faut aussi tenir compte des acquis de l'expérience.
J'ai veillé à ce qu'aucun des praticiens concernés ne soit pénalisé ; je souhaite qu'ils soient incités à s'inscrire à l'examen -les dossiers doivent être déposés d'ici mardi prochain. Les syndicats ont été sensibilisés à cette exigence de calendrier. J'ai demandé que soit accru le nombre de postes offerts au concours 2012, le temps de résorber la situation transitoire actuelle.
Mme Mireille Schurch. - Vous restez vague : ceux qui n'auront pas réussi au concours deviennent des sans-papiers, alors qu'ils exercent à l'hôpital où on les accueille à bras ouverts. Tous les hôpitaux de l'Allier connaissent cette situation. Les services rendus depuis de longues années doivent être reconnus. Des mesures pérennes s'imposent.
Radiothérapie en Seine-et-Marne
Mme Mireille Schurch, en remplacement de M. Michel Billout. - La restructuration de la radiothérapie envisagée par l'ARS en Seine-et-Marne ne conserverait que deux centres de radiothérapie sur quatre, ceux qui relèvent du secteur privé à but lucratif.
Pourtant, le centre de Forcilles bénéficie d'une réputation internationale. Quant à celui de Lagny, il est menacé de fermeture au profit d'une clinique privée parce qu'il lui manquerait un patient par semaine pour atteindre le seuil exigé de 600. C'est l'égalité d'accès aux soins qui est menacée.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Nul ne souhaite remettre en cause la radiothérapie en secteur public ! C'est la défense du statu quo qui le mettrait à mal. Le centre de Lagny n'a pas le nombre de patients suffisant pour que sa conformité soit admise. Ce centre doit se restructurer dans le futur hôpital public de Jossigny.
En outre, l'ARS soutient le centre de Forcilles qui traverse de grandes difficultés. Enfin, l'agence a engagé une réflexion sur la radiothérapie en Île-de-France avec l'appui de l'Igas. Cette étude éclairera la situation de l'hôpital de Lagny et du centre de Forcilles.
Mme Mireille Schurch. - Merci de ces précisions. J'insiste sur la nécessaire proximité de l'offre de soins pour les malades.
Réforme des EPCI
M. Jean-Jacques Mirassou. - Un jour, j'essaierai d'établir des statistiques afin de connaître les chances que le ministre compétent réponde aux questions du mardi matin...
La communauté de communes des coteaux du Savès et de l'Aussonnelle compte 3 000 habitants. Dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, la loi du 16 décembre 2010 accorde au préfet la possibilité de faire exception au seuil de 5 000 habitants pour tenir compte des spécificités locales. Cette communauté de communes n'a aucun intérêt à se dissoudre dans celle de Savès -14 000 habitants et dix-huit communes-, dont les caractéristiques sont trop différentes. L'y forcer serait contraire à l'esprit de l'intercommunalité et de la réforme.
De fait, on ferait moins bien avec plus : une augmentation de 30 % de la taxe des ordures ménagères pour une perte de service de 94 %. L'article 35 de la loi, qui ouvre une dérogation, peut être appliqué. Qu'allez-vous faire ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Je vous prie d'excuser M. Richert.
L'article 35 de la loi, qui prescrit l'élaboration d'un schéma départemental de coopération intercommunale, autorise en effet, pour la constitution des EPCI, un abaissement du seuil de 5 000 personnes pour les zones montagneuses et certains territoires aux caractéristiques particulières.
Les propositions de regroupement faites à la communauté de communes par la CDCI feront l'objet d'une consultation durant trois mois et les observations éventuelles seront intégrées. Le projet est cohérent, qui prévoit une association avec une zone homogène.
M. Jean-Jacques Mirassou. - La porte est moins bloquée qu'il y a quelques mois... De fait, la réforme de la carte de l'intercommunalité a suscité la grogne des élus de France et de Navarre. Votre réponse est un début de commencement de réponse : on n'arrivera à rien en procédant à marche forcée. La population doit y trouver son compte ; je serai vigilant.
Réductions des délais de paiement
M. Daniel Dubois, en remplacement de Mme Catherine Morin-Desailly. - La loi de modernisation pour l'économie de 2008, qui a réduit les délais de paiement, donne lieu à un bilan positif : le bénéfice est de 3 milliards pour les PME.
Les accords dérogatoires pour les très petites structures prendront fin le 1er janvier 2012. Cela risque d'amplifier les problèmes qu'elles rencontrent, en particulier celles dont la trésorerie est très contrainte. L'Observatoire des délais de paiement a proposé cinq mesures. Le Gouvernement entend-il les appliquer ? Si oui, lesquelles ? Le ferez-vous dès 2012 ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Lefebvre.
Le Gouvernement suivra l'Observatoire : ne pas prolonger le dispositif dérogatoire, mais accompagner les petites entreprises, notamment via Oséo, dès le second semestre de cette année. Enfin, le Gouvernement a demandé une étude sur les conséquences de la LME pour les TPE. Il suit ce dossier avec attention.
M. Daniel Dubois. - Soit ! L'État, souligne l'Observatoire, est le seul à ne pas avoir réduit les délais de paiement à cause de Chorus. (Sourires) Puisse-t-il progresser !
Engagements pris par les banques
M. Alain Fouché. - Les 75 milliards prêtés aux banques pour surmonter la crise ont donné lieu à des engagements pris par celles-ci. Or, mes administrés témoignent de leurs difficultés à accéder aux services bancaires, ce qui les place sur le chemin des crédits et du surendettement ; d'autres se plaignent des frais élevés qu'ils doivent payer en cas de découverts minimes. Nous avons adopté des lois pour réguler les frais bancaires. Quid de leur mise en oeuvre ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Mme Lagarde m'a chargée de vous répondre.
Le Gouvernement se préoccupe des plus fragiles. Depuis le 1er mai, les cartes fidélité des magasins ne peuvent plus engager les consommateurs à leur insu dans un crédit renouvelable ; un crédit classique doit être systématiquement proposé pour un achat supérieur à 1 000 euros.
Nous avons fait en sorte de réduire les frais liés aux crédits renouvelables. Il est envisagé de créer un registre national des crédits aux particuliers pour prévenir le surendettement. Je vous rappelle également les mesures d'accompagnement prévues par la loi de juillet 2010. Nous avons travaillé pour un crédit responsable.
M. Alain Fouché. - Aucun gouvernement n'a fait autant d'efforts dans ce domaine. J'évoquais les petits découverts. Je souhaite que le Gouvernement surveille ce qui se passe dans les banques car ce n'est pas toujours correct !
Risques industriels majeurs
M. Guy Fischer. - Je remercie M. Longuet d'avoir bien voulu se charger de me répondre.
Située dans la « vallée de la chimie », la commune de Pierre-Bénite, dans le Rhône, détient un double record en France : elle est la plus proche d'un site Seveso et la plus pauvre des villes concernées ; son centre-ville est dégradé et plusieurs projets d'urbanisme sont bloqués. D'autres communes de l'Isère connaissent les mêmes difficultés. Le plan de prévention des risques technologiques (PPRT), indispensable, induit des coûts élevés pour les particuliers, les communes et les entreprises non Seveso. Or le Gouvernement a réduit, dans la loi de finances pour 2011, les aides pour les travaux de protection dans les zones de prescription. Près de 1 000 maires sur le territoire demandent de l'aide. Seule la solidarité nationale peut résoudre ces problèmes. Qu'entend faire le Gouvernement ?
Mme la présidente. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté de répondre à M. Fischer qui a été retenu par un retard de TGV.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. - En tant qu'élu local, je sais toute l'importance de cette question. Nous serons amenés à y retravailler ensemble.
Mme la ministre de l'environnement rappelle que les mesures de protection à la source sont prises par les industriels ; que, s'agissant du foncier, les expropriations et délaissements sont pris en charge via une convention tripartite État-industriel-collectivité ; qu'enfin des aides aux travaux dans les zones d'aléas moins importants sont votées en loi de finances. Leur plafond est effectivement insuffisant ; un dispositif complémentaire est à l'étude.
Enfin, le PPRT peut être l'occasion de revoir l'urbanisme de la commune ; de nouveaux modes de financement sont nécessaires, qui peuvent faire appel notamment aux industriels ou aux autres collectivités.
M. Guy Fischer. - C'est la triple peine pour les habitants : leur bien est dévalué, ils vivent dans une zone dangereuse, ils doivent payer les travaux de protection de leur logement ! Et pour la commune de Pierre-Bénite, la charge est évaluée à 143 600 euros, sans le moindre soutien de l'État...
Ne peut-on pas prévoir une OPAH « risque » ? Je rappelle que les travaux sont chiffrés entre 10 et 15 000 euros par foyer. Il est urgent de s'asseoir autour de la table pour trouver une solution. Un milliers de maires sont concernés.
L'affaire Audin
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Maurice Audin, mathématicien, membre du parti communiste algérien interdit, a organisé en septembre 1956 l'exfiltration du premier secrétaire de son organisation. Il a pour ce motif été arrêté en juin 1957 par des militaires du premier régiment étranger de parachutistes. On ne l'a plus jamais revu. Les pouvoirs publics ont à l'époque affirmé qu'il s'était évadé ; de nombreux éléments, dont ceux réunis par l'historien Vidal-Naquet, montrent qu'il est mort sous la torture.
Après les non-lieux de 1962 et de 2001, la France doit lever le secret défense. Cinquante-cinq ans après les faits, la France doit la vérité, au moins à la femme et aux enfants de Maurice Audin.
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. - L'affaire est grave. La plainte déposée par la femme de Maurice Audin en 1957 a conduit à un non-lieu pour insuffisance de charges en 1962. Après les révélations d'un officier général, elle a déposé une nouvelle plainte pour séquestration et crimes contre l'humanité qui, de nouveau, a fait l'objet d'un non-lieu en 2002. Jamais, la justice n'a saisi mon ministère ni la Commission consultative d'une demande de levée du secret défense dans cette affaire. Je le dis avec gravité : mon ministère, en cas de faits nouveaux, examinerait avec bienveillance une déclassification des documents concernés. Il est temps que la France vive la conscience en paix avec la tragédie algérienne, quels qu'en soient les aspects.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Votre réponse ne me satisfait pas. Mme Audin a écrit au président de la République en 2007 ; celui-ci n'a pas jugé bon de lui répondre. Le général Aussaresses a donné le nom de l'officier qui avait été chargé d'interroger Maurice Audin. L'hypothèse d'une mort sous la torture est plausible, faute que le contraire soit démontré. Il est plus que temps de lever le secret défense !
Organisme extra-parlementaire (Nominations)
Mme la présidente. - Les commissions des affaires étrangères et de la culture ont proposé des candidatures pour un organisme extra-parlementaire.
La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Robert del Picchia et Mme Claudine Lepage membres du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Questions prioritaires de constitutionnalité
(Décisions du Conseil constitutionnel)
Mme la présidente. - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 20 mai 2011, trois décisions du Conseil sur les questions prioritaires de constitutionnalité n°s2011-130, 2011-131 et 2011-132.
La séance est suspendue à midi et quart.
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présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
La séance reprend à 18 h 30.
Questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité. (2011-130, 2011-131 et 2011-132 QPC)
En outre, il a informé le Sénat que la Cour de cassation lui a adressé, le vendredi 20 mai 2011, en application de l'article 61-1 de la Constitution, une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité (2011-152QPC) et, le mardi 24 mai 2011, deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité (2011-153 et 2011-154 QPC).
Rappel au Règlement
M. Jean-Louis Carrère. - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 29 bis, qui traite de l'ordre du jour du Sénat. Nous sommes en « semaine de contrôle », selon une formule voulue par le président de la République. La manière tardive dont nous avons été informés du changement d'horaire est pour le moins cavalière.
Ce serait à cause de la sécheresse ? Allons ! Celle-ci n'est pas nouvelle ! Le ministre était à 15 heures à l'Assemblée nationale, sans doute pour parler de la sécheresse. Et nous, que sommes-nous ? Ce procédé est très discourtois.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - L'urgence aujourd'hui était de s'occuper en priorité des éleveurs en détresse. Il n'y a là rien de discourtois ! (Applaudissements à droite)
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. - Et hier, vous étiez dans votre circonscription !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Sur le terrain !
M. Jean-Louis Carrère. - C'est cela, vous êtes un laboureur !
Débat sur la politique forestière
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois.
Mme Renée Nicoux, au nom du groupe socialiste. - Un tiers du territoire national -96 % en Guyane !- est couvert par la forêt. Celle-ci doit être favorisée, à l'aube du changement climatique car elle est au carrefour de plusieurs enjeux, écologiques, sociaux, économiques. Pourtant, notre pays est loin d'être leader européen pour le bois. Nous importons de grandes quantités de bois, alors que l'Allemagne, dont la forêt est bien moins étendue que la nôtre, en est exportatrice. La filière bois est pour notre pays une ressource dormante. C'est que les débats sur la forêt sont toujours pavés de bonnes intentions que rien ne suit, sinon un amoindrissement des outils d'intervention.
Des plans se mettent en place, certes, mais point de stratégie globale, alors que les restrictions budgétaires font sentir leurs effets.
Nous devons nous interroger sur l'avenir de notre filière bois : nous importons 3 millions de m3 de sciage de résineux. En Guyane, la filière bois est à peine développée et doit faire face à une concurrence de plus en plus forte de produits provenant du Brésil et même de France métropolitaine.
Il est vrai que notre forêt est constituée aux deux tiers de feuillus alors que la filière bois veut des résineux. Certaines régions de montagne en particulier ne sont pas exploitables dans de bonnes conditions économiques.
Le morcellement de la propriété forestière ne facilite pas l'exploitation de la forêt. Il convient d'aider les sylviculteurs. Or, la RGPP sévit. Le Centre national professionnel de la propriété privée forestière manque de moyens. On pourrait accroître l'usage des feuillus dans l'industrie.
L'instabilité de l'approvisionnement national va de pair avec la frilosité des industriels, qui trouvent plus simple d'importer.
Depuis la suppression du Fonds forestier national -qui avait replanté 2 millions d'hectares- il manque un véritable outil national pour la forêt. Le rapport Puech d'avril 2009 proposait la création d'un fonds de reboisement, mais rien n'a suivi.
Sans politique active de plantation, la France sera vite limitée dans ses marges de manoeuvre. Il faut 40 ans pour développer la ressource en bois. Or, depuis quinze ans, la plantation a été divisée par cinq. Une gestion rationnelle de la ressource disponible s'impose.
La France doit se doter d'une vraie politique industrielle du bois. En mars dernier, des acteurs de la filière avaient d'ailleurs appelé de leurs voeux la mise en place d'« un groupe de travail interprofessionnel et ministériel dont la mission serait de réfléchir aux moyens de moderniser notre ressource forestière et de professionnaliser notre sylviculture ». Monsieur le ministre, cette demande est-elle à l'ordre du jour ?
Il faut créer une interprofession du bois. Une telle restructuration en amont du bois devrait être complétée en aval. Le débat est souvent vif entre défenseurs de la forêt de production et ceux qui en ont une approche multifonctionnelle. Je ne crois pas ces approches contradictoires.
La forêt guyanaise est fort peu exploitée : il conviendrait de lui ouvrir des débouchés.
L'objectif des trois fois vingt a été complété par le Grenelle. C'est une bonne chose pourvu que l'on n'aboutisse pas à un épuisement de la ressource. Il serait bon que les installations de biomasse utilisent davantage de déchets d'exploitation.
Valoriser l'exploitation de la forêt est aussi un moyen de développer des espaces ruraux fragiles.
L'ONF remplit de nombreuses missions d'intérêt général. C'est un acteur stratégique incontournable, qui pratique une politique volontariste de gestion de la filière bois. Or il subit de nombreuses attaques des administrations centrales, comme nous avons pu le constater avec la diffusion d'une note de la Direction générale du Trésor... Veut-on renvoyer la gestion des forêts rentables à l'exploitation privée, pour ne laisser à l'Office que les moins rentables ? Ce n'est pas aux collectivités d'assumer tous les coûts de l'aménagement du territoire.
Avez-vous oublié le rapport Gaymard de l'an dernier ? Il n'était pas sans mérites, même s'il était muet sur l'outre-mer.
Ses propositions semblent cependant bien loin... Le rapport Bourdin sur l'ONF est riche d'enseignements. La chute du cours du bois rend délicate la gestion de l'Office.
La Cour des comptes estime cependant que les difficultés actuelles de l'ONF sont dues aux choix managériaux du Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. - Il y avait une urgence !
Mme Renée Nicoux, au nom du groupe socialiste. - L'ONF n'est pas rémunéré à la hauteur des missions d'intérêt général qu'il assume.
L'avenir de l'Office est indissociable de celui de notre politique forestière.
Certes, structurer la filière bois tout en donnant des perspectives durables et raisonnées à notre politique forestière sera très complexe, mais de nombreuses solutions existent et je pense très sincèrement que la situation difficile que nous traversons actuellement est en grande partie due à un manque de volonté politique.
J'espère que ce débat donnera lieu à une vraie réflexion et à des propositions concrètes. Le président de la République avait déclaré à Urmatt « La France n'a pas de pétrole. La France n'a pas de gaz. Mais la France a des territoires ruraux, une géographie, des ressources naturelles qui représentent un potentiel formidable ». Nous partageons tous ce même constat, maintenant il faut passer aux actes ! (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Leroy, au nom de la commission de l'économie. - Je commencerai par deux éloges, l'un à la forêt française, l'autre à l'action du Gouvernement. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)
On n'aide bien que les gens bien portants. Ne disons pas que la forêt est condamnée au déclin ! Elle se porte bien et c'est une des plus grandes forêts européennes. Multifonctionnelle, elle produit du bois, rend des services sociaux, environnementaux et économiques ; elle a toujours 450 000 salariés, comme il y a vingt ans. Son entretien ne coûte pas cher en crédits publics : 360 millions en 2011. Privés du FFN, les professionnels demandent un effort financier, modeste mais ferme, des pouvoirs publics, pour faire face aux défis.
Or, le Gouvernement a relancé une politique forestière forte. De mémoire d'homme -et les forestiers ont la mémoire longue !-, on n'avait pas entendu de président de la République s'exprimer sur la forêt comme ce fut le cas à Urmatt ou à Égletons ; de mémoire d'homme, on n'avait encore jamais rien vu de comparable au Grenelle de l'environnement. Celui-ci a dégagé un consensus avec l'idée que le bois représenterait une grande partie de l'énergie renouvelable d'ici 2020. Le Grenelle a facilité l'acceptation sociale de cet objectif. Le travail est bon et doit être mené avec conviction.
M. Jean-Louis Carrère. - Incroyable !
M. Philippe Leroy, au nom de la commission de l'économie. - Chaque fois que la filière bois redémarre, notre déficit du commerce extérieur augmente : c'est le deuxième poste négatif de notre balance commerciale.
Est-ce parce que les forestiers ne sont pas malins ? Peut-on se contenter du « y'a qu'à » ? Si tout était simple, le problème serait résolu depuis longtemps. Nous avons une vraie faiblesse du côté du design pour la fabrication de meubles en bois.
Les deux tiers du déficit viennent du manque de bois résineux, parce que la France est essentiellement un pays de feuillus.
L'industrie ne consomme pas de façon massive du bois de feuillus. Cela avait été compris il y a 50 ans, quand on a créé le FFN qui devait reboiser en résineux.
Vous vous êtes bien battu, monsieur le ministre, pour la forêt dans le cadre de la LMA. L'élaboration des plans pluriannuels rencontre des difficultés. La cohabitation des représentants des chambres d'agriculteurs et des forestiers semble n'être pas excellente. L'article 64 prévoit un décret, dont la parution a pris du retard.
Le droit de préférence, inscrit dans cette loi, semble rencontrer des difficultés d'application.
Le rapporteur de la LMA et le groupe d'études sénatorial sur la forêt sont très attachés à la mise en place des assurances. Le décret n'est pas encore paru. L'adoption de cet article de la LMA était un beau combat, que le ministre a bien mené.
Une fois les ressources mobilisables identifiées par les PPRDF, il faudra des investissements supplémentaires pour aller les chercher en forêt. Les récoltes sont essentiellement à prévoir dans la forêt privée. Les sommes en cause seraient évaluées entre 50 et 100 millions par an pour lancer le reboisement. Nous attendons ces crédits du fonds « chaleur », créé par le Grenelle, mais ce fonds consacre des moyens à d'autres dossiers. Utiliser pour la forêt les quotas « carbone » ? Je crains qu'à court terme, on n'en reste au stade des incantations.
Comme Mme Nicoux, je déplore la suppression du FFN. La France doit consacrer un gros effort au reboisement, faute duquel nous nous mettrions en déséquilibre. Il faut replanter plus de 100 millions de plans chaque année ; on le faisait et on est redescendu à 28.
La situation est dramatique. Le déficit structurel de la France en résineux ne pourra que s'aggraver d'ici 2030.
M. Jacques Berthou. - Et tout va bien !
M. Philippe Leroy, au nom de la commission de l'économie. - Les professionnels du bois s'organisent. Les critiques qui leur sont parfois faites sont injustes.
Je vous mets en garde contre les conflits d'usage qui pourraient se présenter entre bois industrie et bois énergie.
L'ONF mérite un examen particulier, au moment où l'État cesse de financer son action et le met en déséquilibre structurel. Le partage des responsabilités entre l'État et les communes forestières doit être revu : tout ne doit pas peser sur ces dernières.
Je conclurai sur notre souci de reconstituer en France une grande pensée forestière. Nous n'avons pas d'école susceptible de former des ingénieurs forestiers, des experts capables de porter à l'étranger les valeurs de notre forêt ; nous ne tenons plus notre place dans les démarches technologiques. Ce qui est fait est bien fait, avec des gens compétents -mais en nombre insuffisant. Je rejoins Mme Nicoux sur l'idée d'équipes pluridisciplinaires capables de nous aider à penser l'utilisation du bois de feuillus dans la construction.
Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre. Vos états de service en matière forestière ne sont pas si mauvais ! (Applaudissements sur certains bancs UMP)
Mme Anne-Marie Escoffier. - J'abandonne les rats taupiers, évoqués ce matin, pour la forêt en cet après-midi. Un article du Monde évoquait naguère les plaisirs enfantins de monter aux arbres et le Baron perché d'Italo Calvino, un sujet qui n'est pas si éloigné de ce débat. La forêt française est la troisième d'Europe mais la moins productrice et nous devons importer de grandes quantités de bois : ces importations sont le deuxième poste de notre déficit commercial.
Plusieurs objectifs ambitieux ont été fixés pour la filière bois. L'ONF, outil d'une volonté, tient une place privilégiée dans ce plan stratégique. Sa détérioration financière, constatée par la Cour des comptes, a nécessité des mesures urgentes. Les propositions Bourdin et Gaymard ont eu pour but d'améliorer les choses. Lesquelles peut-on mettre en oeuvre ? Je n'ignore pas les craintes manifestées par les syndicats à propos de la diminution des effectifs, du management par objectifs, de la priorité maintenant donnée au tout résineux.
Il faut aussi que les propriétaires privés puissent réinvestir dans la forêt. Cela suppose une politique fiscale adéquate. On pourrait transformer les exonérations fiscales en crédits d'impôts, faire supporter aux chasseurs le coût des dégâts qu'ils causent...
L'utilisation du bois dans la construction devrait être décuplée. Mais priorité a longtemps été donnée aux feuillus... Comment alors accroître la part du bois dans la construction ? Je ne doute pas de votre volonté, monsieur le ministre, et je mesure la difficulté de la tâche. Mais je crains que les espoirs suscités par le président de la République ne soient illusoires.
N'oubliez pas qu'ici-même Chateaubriand, pair de France, demandait d'accorder plus d'attention à la forêt en déclarant : « Les forêts précèdent les peuples et les déserts les suivent ». (« Très bien ! » et applaudissements)
Mme Évelyne Didier. - Beaucoup ont jugé irréalisables, voire nocifs, les objectifs assignés par le président de la République à la forêt française. Depuis la suppression du FFN, le reboisement est insuffisant et la forêt ne se renouvelle que par elle-même. On méconnaît les objectifs bio-géo-chimiques. On oublie que l'exploitation de la forêt montagnarde n'est pas forcément rentable économiquement.
De plus, la rentabilité de la forêt ne se mesure pas en mètres cubes ; elle a beaucoup d'effets environnementaux -un rôle de filtre pour l'eau, de protecteur de la biodiversité-, et sociaux -la promenade dans la forêt est devenue possible à chacun depuis la fin des privilèges durant la Révolution. Le temps de la forêt n'est pas celui du marché ; les chênes de la forêt de Tronçais, remontant à Colbert, sont de véritables cathédrales végétales. Nous devons aider les propriétaires, qu'ils soient publics ou privés, à construire une stratégie collective. Seuls les pouvoirs publics peuvent coordonner ces efforts. Le développement du bois énergie doit être conjugué au circuit court, sans quoi l'impact est fort sur les émissions de CO2.
Une note délirante de Bercy envisageait un changement du régime forestier. Attention à la marchandisation de la nature ! La compensation écologique est un mirage. Monsieur le ministre, cette idée saugrenue est-elle définitivement enterrée ? Il convient de répondre au malaise social à l'ONF et aux questions des forestiers. L'intérêt national doit primer sur la RGPP : on plante pour dans 50 ans au minimum !
Comment rééquilibrer la gestion des forêts publiques et privées ? Comment redonner du sens au métier de forestier ? Finissons-en avec ce court-termisme ! Tournons le dos à l'illusionnisme ; on ne construit pas une politique forestière sans moyens. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Boyer. - Débat capital, car la filière bois participe de l'aménagement et du développement de nos territoires. Sénateur de Haute-Loire, je sais toute la richesse de la forêt. Ce débat est l'occasion de sensibiliser l'opinion à l'importance de la filière bois. La forêt progresse depuis 1820 pour couvrir aujourd'hui 27 % du territoire métropolitain. La forêt, en aval, concourt à l'existence de nombreux métiers -meuble, papeterie ; les chasseurs et tous ceux qui aiment s'y ressourcer en sont amoureux La forêt est une chance, une force ; à nous de l'organiser et de la soutenir par une politique ambitieuse, notamment en matière de transport et surtout de fret ferroviaire. Que de gares désaffectées dans nos massifs forestiers !
La forêt est un grand espace de biodiversité ; on y a recensé plus de 128 variétés d'arbres. La LMA a généré des inquiétudes chez les petits propriétaires ; le temps est maintenant à l'apaisement.
La forêt progresse tandis que la récolte diminue, au point de ne toucher que 60 % de l'accroissement naturel.
Notre forêt est sous exploitée. Les pôles d'excellence rurale l'ont montré.
La loi de modernisation de l'agriculture a souligné la volonté du Gouvernement d'améliorer l'exploitation et la protection de la forêt ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Louis Carrère. - Sénateur du département des Landes, je parlerai du massif des Landes de Gascogne qui a subi en 2010 une deuxième tempête majeure. La tempête Martin de 1999 a détruit 18 % des arbres ; puis la tempête Klaus a ravagé 30 % de ce qui restait. Au total, la moitié de ce massif a été touchée ; et le prix du bois s'est érodé. Et l'on continue de dire que tout va bien ! Le système d'aide n'a pas profité aux vraies victimes : les producteurs.
Se dresse devant nous un vrai défi pour les générations futures : redonner confiance aux producteurs en créant une assurance forestière. Ainsi nous rendrons à la forêt ses services environnementaux : je propose une dotation carbone ainsi qu'une aide à la remise en culture. On prélèverait sur les ressources telles que le béton, le pétrole ou certains produits alimentaires. On sortirait ainsi du temps politico-médiatique !
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. - La RGPP a hypothéqué l'action des centres départementaux de la propriété forestière et l'ONF. La propriété privée, souvent très morcelée, nécessite un accompagnement public, d'autant que la forêt est aujourd'hui attaquée par les scolytes.
Je propose également, sur l'exemple des autres pays européens, de promouvoir les structures collectives d'approvisionnement et de traitement des sciages couplées à des projets de cogénération. En outre, il faut faciliter l'accès à la matière première en mettant en place des coopératives.
Enfin, il faut une incitation fiscale pour le regroupement des entreprises de travaux forestiers, de taille trop réduite. Sans quoi, celles-ci, dix ans après la tempête, ne pourront pas faire face à la concurrence.
Rendons à la forêt de l'espoir ! Relisez l'éditorial « Inciter à défricher » dans la revue Forêts de Gascogne, qui n'est pas connue pour son gauchisme ! Une politique forte en faveur du bois est indispensable pour aider ce secteur à surmonter ces moments difficiles ! (Applaudissements à gauche)
M. Gérard César. - Je me réjouis de ce débat consacré au bois, trop souvent évoqué au détour de débats sur l'agriculture. Rapporteur de la LMA, je m'étais attaché à travailler le volet forestier. M. Leroy a voulu ce débat...
M. Jean-Louis Carrère. - Non, ce sont les socialistes !
M. Gérard César. - M. Leroy a relevé le défi !
M. Jean-Louis Carrère. - Soit ! Mais rendons à César ce qui lui appartient.
M. Gérard César. - C'est pourquoi je suis là ! (Sourires)
Je ne m'explique pas le retard de publication des décrets. Le président de la République a annoncé la remise à plat des dispositifs fiscaux en faveur de la forêt d'ici la fin de l'année.
Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que cet engagement sera tenu ?
Pour finir, parlons des Landes, durement touchées par les tempêtes Martin et Klaus et les attaques de scolytes et de chenilles processionnaires. La sécheresse va encore aggraver ces difficultés phytosanitaires. Les propriétaires demandent que le traitement de la forêt -en réalité de 30 000 hectares seulement- soit entièrement pris en charge par l'État, étant donné que ses services n'ont pas pris la mesure du danger. Pour autant, les propriétaires n'attendent pas tout de l'État, ils ont mis en place une caisse de prévoyance. Merci de vos réponses si importantes pour le devenir des Landes et de la forêt française. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Bailly. - Sénateur du Jura, département connu pour ses forêts et ses jouets en bois, je sais combien la forêt est parfois mal exploitée. Il faut apprendre à bien la cultiver. Après de nombreuses années de turbulences, la forêt a besoin de stabilité. Plus cela ira, plus le bois sera nécessaire.
Pour pouvoir mener une politique ambitieuse du bois, il faut améliorer les dessertes, notamment en zones montagneuses. Cela suppose des moyens. Autre difficulté, la sanctuarisation des zones Natura 2000. La forêt multifonctionnelle, pourquoi pas ? Mais à condition de ne pas réduire son exploitation. Autre handicap, le morcellement des parcelles. Il faut favoriser les regroupements, ce qui améliorera l'expertise. Pour le bois énergie, il faut aller vers une contractualisation pour un approvisionnement de la matière première par les scieries locales. Il est absurde d'acheter à l'extérieur : on multiplie les transports par camion quand l'offre existe sur place.
Les communes forestières réclament que l'ONF ne soit pas démantelé et qu'une solution acceptable par toutes les parties soit trouvée pour le financement des pensions.
Certaines communes qui avaient souscrit à des prêts en travaux au Fonds forestier national souhaiteraient sortir du dispositif. On nous parle d'une circulaire, rédigée mais non signée...
La filière bois est un atout considérable pour notre pays. A nous de lui accorder davantage de considération ! (Applaudissements à droite)
M. Yves Daudigny. - Ce soir, je veux vous parler de confiance. Le traumatisme causé par les tempêtes de 1999 et 2009 témoigne de l'attachement des Français à leur forêt. Dans mon département de l'Aisne, 70 % des propriétaires sont privés. Les antennes de l'ONF y jouent un rôle remarqué. Pourtant, depuis plus d'un an, un conflit oppose l'ONF et les populations à propos de la gestion du massif de Saint-Gobain. Des coupes à blanc en lisière pour renflouer les caisses se multiplient. La RGPP n'explique-t-elle pas ce changement brusque d'attitude de l'Office dont la réputation fut si longtemps sans tache ? Gestion économique et missions d'intérêt général doivent s'équilibrer.
Cette incompréhension m'inquiète. Il faut restaurer la confiance, soulignait le rapport Gaymard, pour développer la filière du bois. Dans l'Aisne, d'après une récente étude, la filière bois pourrait créer 2 400 emplois. Sans une politique coconstruite, sans la confiance, nous n'arriverons pas à suivre ce chemin ! (Applaudissements à gauche)
M. Yann Gaillard. - Longtemps président de la Fédération nationale des communes forestières, j'ai commis à ce titre une sorte de petit coup d'État en paraphant la convention de l'ONF pour la période 2006-2011. Un souvenir agréable, mais troublé. Quelques semaines après, nous découvrions des frais supplémentaires liés entre autres à la retraite des fonctionnaires et à la mise à bail des maisons forestières...
Je me suis laissé aller à dire que l'État reprenait d'une main ce qu'il a donné de l'autre.
Il est question que la fédération des communes forestières signe le prochain contrat. Un récent rapport confidentiel -mais bien vite diffusé- les a rendues amères, qui faisait appel au sens de la responsabilité des élus, alors que le partenariat entre l'ONF et les communes forestières, y compris sur des sujets difficiles, s'est approfondi, dans une période économiquement peu favorable. Les conditions sont peut-être réunies pour réfléchir à une contribution plus équitable des communes forestières, et plus incitative à une gestion durable et dynamique. Le rendez-vous de la préparation du nouveau contrat sera manqué si l'ONF est maintenu dans une situation financière structurellement déficitaire et si les relations sociales conflictuelles perdurent. Ce serait un grand malheur pour la forêt française mais je compte sur vous, monsieur le ministre, pour l'éviter ! (Applaudissements à droite)
M. Philippe Nachbar. - Le développement de la filière bois est une « ardente nécessité »... Il n'en a pas toujours été ainsi. Ma région, la Lorraine, cinquième productrice, avait pris les devants ; elle accueille le premier pôle d'enseignement et de recherche en ce domaine.
Rien ne sera possible sans les 12 000 communes forestières : elles représentent 40 % de la production. Elles coopérèrent déjà étroitement avec l'ONF. Il serait impensable d'augmenter leur contribution et de réformer le régime forestier, comme le préconisait une récente note de la direction du Trésor.
Monsieur le ministre, pouvez-vous prendre l'engagement devant le Sénat et les communes forestières de conserver le régime forestier, de maintenir les missions de service public de l'ONF et la subvention que l'État accorde à l'Office ? (Applaudissements à droite)
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - Avec quelques heures de retard, me voici à nouveau au Sénat, où je répondais ce matin à une question sur les rats taupiers, pour débattre de cet enjeu majeur que représente la forêt.
La forêt est un atout pour la France : elle est indispensable pour la captation de carbone, l'aménagement de notre territoire, notre économie et nos emplois. Sait-on que la forêt emploie davantage que l'automobile et qu'elle contribue davantage que l'aéronautique à notre excédent commercial ?
Cet atout, nous l'avons délaissé durant des années. La filière était déficitaire de 7 milliards en 2010. Autrement dit, il y a quelque chose qui cloche dans le royaume de la forêt...
Plus de résineux, plus de designers cela est possible. L'Allemagne, avec une surface moins vaste, emploie 175 000 personnes de plus que nous dans la forêt. Nous avons des progrès à faire.
Pour revaloriser la forêt, il faut améliorer l'aval, l'industrie. Nous avons créé le Fonds bois en 2010 et des aides complémentaires : subventions et prêts Oseo. A nous de mieux utiliser ces outils. Autre nécessité, le développement de la construction et de l'énergie bois. Traditionnellement en France, on construit en pierre, non en bois...
Je me suis battu à Matignon pour que le tarif de rachat de l'électricité produite à partir du bois ne lèse pas les petits producteurs. Le fait est que nous avons un conflit d'usage pour le bois. Nous avons pour principe de suivre la hiérarchie des usages et de privilégier les plus hauts rendements.
Une profession rassemblée pourra gagner. Je tiens à ce que l'interprofession soit unie ; les querelles de chapelle sont le drame de la forêt. Nous avons pu le faire pour la viticulture ; nous devons pouvoir le faire pour le bois. Les acteurs doivent passer d'une logique de confrontation à une logique de complémentarité. Le décret concernant les forêts de 25 hectares est à la signature et sera publié incessamment. Créer un statut de gestionnaire forestier ? Les experts forestiers s'inquiètent. Nous avons proposé d'interdire aux gestionnaires la vente de bois provenant des parcelles qu'ils exploitent. Le décret est en préparation.
Le droit de préférence pose problème. Il faudra donc réécrire l'article ; ce sera fait au plus tôt.
La révision du contrat d'objectif de l'ONF doit aboutir en juillet. Il est exclu de remettre en question le régime forestier et la mission du service public de l'Office. Des notes émanant de tel ou tel bureau peuvent circuler dans la presse, mais en République, c'est le Gouvernement qui décide.
L'État prendra ses responsabilités, pour réduire le déficit de l'Office, en liaison avec les forestiers et les communes concernées.
Le bois doit être transporté. Un décret a été pris pour la cartographie des itinéraires sur lesquels pourront circuler les camions de 40 tonnes...
Mme Évelyne Didier. - L'état des chemins...
M. Jean-Louis Carrère. - Les routes ne dépendent pas du Grenelle de l'environnement !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Les décrets sur les risques liés aux tempêtes doivent paraître prochainement.
Nous avons une divergence d'appréciation sur la chenille processionnelle : les défoliations de peuplement ont cessé, il n'est donc pas nécessaire de prévoir un traitement, d'autant que celui-ci coûte très cher et est très nocif. Contre les scolytes, il n'existe qu'une seule stratégie, en trois temps. Ce plan d'action scolytes a été lancé à la suite de votre appel, le 15 mars ; il coûtera 7 millions à l'État et permet le traitement systématique des piles de bois en bordure de route depuis cette date.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est très bien !
M. Gérard César. - Et ça marche !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Pour le charançon, nous avons répondu très vite aux demandes des professionnels.
Il faut enfin relancer l'investissement en forêt. Le niveau des plantes est au plus bas depuis 30 ans ; on risque ainsi de manquer de résineux, mais aussi de hêtres : j'ai dans l'Eure une des plus belles hêtraies d'Europe, celle de Mons.
La recherche forestière est essentielle à notre sylviculture. La seule action possible est l'incitation fiscale. Le président de la République l'a reconnu à Égletons. Je travaille donc à une fiscalité forestière incitative, qui prenne en compte les spécificités de la forêt. C'est une priorité absolue. Sans cela, nos efforts n'auraient servi à rien.
Nous devons aussi faire preuve d'imagination pour les financements, par exemple en inventant une méthode de rémunération des sylviculteurs pour le stockage du carbone : on aide bien les éleveurs pour ce motif !
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Le paquet Énergie-climat nous offre une voie possible : une juste part du revenu des enchères des droits à carbone doit aller à la forêt.
Vous le constatez : nous ne manquons ni d'imagination, ni de détermination pour défendre la filière sylvicole française, qui mérite nos efforts et justifie le débat de cet après-midi. (Applaudissements au centre et à droite)
La séance est suspendue à 20 h 45.
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présidence de M. Roger Romani,vice-président
La séance reprend à 22 h 45.
Contractualisation dans le secteur agricole (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre de l'agriculture sur la contractualisation dans le secteur agricole.
Nous avons tous des réunions demain matin. J'insiste donc pour que chacun respecte son temps de parole, afin que nous ne terminions pas trop tard.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Je regrette cette heure tardive...
M. Didier Guillaume. - Nous aussi !
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Lors de la LMA, certains s'étaient inquiétés de la contractualisation. Je crains aujourd'hui que le pari d'alors ne soit perdu. (M. Gérard César s'exclame) Errare humanum est, perseverare diabolicum : pourquoi tant de hâte, monsieur le ministre ? Un étudiant médiocre de première année de droit vous dirait qu'il n'est pas de contrat sans consentement libre et éclairé des cocontractants. On n'y est pas.
Les premiers retours de terrain de la contractualisation sont peu enthousiasmants ; les clauses abusives sont nombreuses. On pratique des doubles quotas sur le lait ; en renforçant l'alignement sur le marché mondial, les producteurs se lient les mains face à l'industrie. Ne laissons pas la filière laitière devenir une filière intégrée, qui ferait des éleveurs les travailleurs pauvres d'une industrie riche.
Les groupements de producteurs réfléchissent à une fusion à l'échelle de l'ouest. L'industriel dissuade les producteurs de s'organiser et menace de se montrer implacable dans les négociations commerciales. C'est bien un abus de position dominante !
La capacité de celui qui s'engage est importante. On compte 85 000 producteurs de lait pour 540 entreprises de collecte ; les producteurs sont contraints de signer avant même que la contractualisation soit organisée. On a mis la charrue avant les boeufs !
Il faut laisser le temps aux producteurs de s'organiser avant de les faire contracter !
J'espère, monsieur le ministre, que vous serez attentif et ferme, pour que les producteurs ne signent pas de contrats dans lesquels ils perdraient toute sécurité juridique. Dans les contrats actuels, le prix n'est pas garanti, non plus que le volume. C'est pourtant un élément central du contrat ! Dès lors que le contrat est obligatoire, les laiteries se trouvent en position dominante.
Le prix du lait doit être fixé aussi en fonction du prix de revient. Les producteurs recevaient 50 % durant le mois de la traite, le reste le mois suivant. Ils ne perçoivent plus rien le mois de la traite. Ne les laissez pas devenir les banquiers des producteurs.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - Vous tenez le discours de l'Apli !
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Je parle de la réalité que je connais dans l'Orne. Des explications s'imposent.
M. Bruno Le Maire, ministre. - De fait, des explications sont nécessaires.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - D'où ce débat.
Je voudrais aussi vous parler de l'interdiction du broyage des céréales.
Comment comptez-vous sanctionner les clauses abusives, de manière que les producteurs de lait puissent rester fiers de leur métier, en Haute comme en Basse-Normandie ?
M. Aymeri de Montesquiou. - « Rien n'étonne plus les hommes que le bon sens » disait Emerson. Vous en avez fait la ligne principale de votre politique.
La garantie d'un revenu simple et décent aux agriculteurs est de simple bon sens, et pourtant l'affirmer est nouveau. Où en est la contractualisation pour les céréaliers et les éleveurs ? Quel est le bilan de l'activité du médiateur ?
Il faut avancer dans toutes les filières. Vous avez engagé un audit des abattoirs. Où en est-on ?
Les contrats peuvent aller jusqu'à cinq ans. Souhaitez-vous généraliser une contractualisation, en la rendant obligatoire pour les industriels ? La contractualisation ne règle pas le problème central de la volatilité des prix et la libéralisation totale de l'agriculture a été une erreur stratégique majeure, selon vos propres termes.
Les éleveurs sont les seuls à ne pouvoir répercuter sur leurs prix la hausse des coûts de production. Quelles sont vos intentions ?
Les aléas climatiques ne peuvent être contractualisés. C'est pourquoi nous voulons une assurance obligatoire, interrégionale et interfilières.
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - C'est une forme de péréquation.
La sécheresse qui s'installe ne fera qu'aggraver la situation et livrer à la spéculation le marché des denrées alimentaires.
Vous avez obtenu une révision de l'obscur droit européen de la concurrence, faussé et dévastateur pour les exploitations familiales. Un projet de règlement européen se prépare, dans la perspective d'une suppression des quotas. Il s'agirait de laisser aux États le soin de rendre ou non obligatoire la signature de contrats.
Les agriculteurs sont inquiets, face aux coups de boutoir du marché. Ils veulent un équilibre entre péréquation, mutualisation, solidarité et liberté d'entreprendre. La contractualisation est la meilleure réponse.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour la généraliser !
M. Gérard Le Cam. - La contractualisation méritait un tel débat. Elle nous a été présentée comme une réponse à l'ouverture des marchés. A notre sens, une mauvaise réponse, car elle s'inscrit dans un système malade dont elle ne modifie pas les règles du jeu.
Le contrat ne saurait suffire à équilibrer les relations entre les différents acteurs. Lors du débat sur la LMA, nous nous étions rencontrés pour reconnaître la gravité de la crise agricole : le revenu net a chuté de 32 % en moyenne, pour atteindre 54 % dans l'agriculture vivrière. Si le cours des céréales est remonté, les producteurs n'en ont guère profité.
La sécheresse actuelle va créer de nouvelles difficultés, en particulier pour les éleveurs car le rendement des fourrages a d'ores et déjà diminué de 30 à 40 %. (Mme Nathalie Goulet confirme) Vous avez mis à disposition les jachères et vous avez souhaité, monsieur le ministre, que le Fonds de garantie des calamités agricoles (FGCA) se réunisse le mois prochain. Fort bien !
Quel bénéfice les agriculteurs peuvent-ils espérer de la contractualisation face à la crise ? Ils sont les derniers maillons d'une filière qui s'enrichit à leurs dépens.
Une politique plus juste, qui favorise les petites exploitations, serait plus efficace que la contractualisation, qui n'empêche pas la concurrence entre produits et bassins de production, ni le dumping social et environnemental. Les écarts se creusent entre ceux qui en bénéficient et les petits producteurs. Quel effet aura la charte exigée des industriels ?
Les syndicats de la profession sont très critiques sur le contenu même des contrats et les pratiques abusives. Le prix n'est pas garanti. Pour le lait, des clauses permettent aux entreprises de se dégager de leurs exigences en cas de crise.
Il est aberrant de vouloir rendre possible la cession des contrats en même temps que celle de l'entreprise. Un État de droit ne peut pas tolérer les entraves à la liberté syndicale, qu'on a vues à propos de Lactalys. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard César. - Notre agriculture vit un vrai bouleversement. La LMA devait permettre à la ferme France de mieux gérer la situation. L'enjeu n'est pas mince, avec la fin des quotas laitiers en 2015 : produire ne suffira plus, il faudra trouver des débouchés et vendre.
La France souhaite une PAC forte après 2014, qui donne plus de place à la contractualisation. Celle-ci doit d'abord être l'affaire des interprofessions. L'État ne définit qu'un régime par défaut. Les coopératives doivent être soumises à la même contractualisation que les autres.
Dans le secteur du lait, les acheteurs doivent proposer, depuis le 1er avril, une contractualisation aux producteurs. Ceux-ci restent en position de faiblesse, faute d'organisation.
Certains contrats sont rédigés d'une manière qui ouvre la voie à renégociation permanente. Comment faire pour mieux assurer la contractualisation dans le secteur du lait ? Nous attendons le rapport du médiateur. Pour les fruits et légumes, la production dépend de la météo et la marchandise ne peut être stockée longtemps. Il serait bon de simplifier la contractualisation dans ce secteur. Celle-ci devrait être étendue à la viande bovine et elle existe déjà pour la viande ovine. Ne faut-il pas étendre la contractualisation à toute une filière, distributeurs compris ? Ne peut-on aller plus loin que l'accord du 3 mai sur les prix de l'alimentation animale ?
M. Daniel Soulage. - Dans la filière fruits et légumes, la contractualisation n'est pas aisée. Il y a encore beaucoup à faire en matière de contrats pour prendre bien en compte les intérêts de tous les acteurs.
Les ventes sur les marchés de gros ainsi que de gré à gré aux consommateurs sont une part non négligeable. Ces marchés apportent des produits de saison, qui ont du goût, et les vieilles variétés de nos terroirs, recherchées par les restaurateurs. Il faut laisser faire ce marché spontané, dans un pays dont la gastronomie est reconnue par l'Unesco.
Les producteurs de ces produits plus rares ne peuvent pas appliquer la contractualisation telle qu'elle est proposée. Que pensez-vous faire pour les ventes au carreau ? Il n'est pas aisé de réglementer ce qui relève de la simple rencontre physique entre deux personnes. C'est là le seul vrai marché libre, face à un univers qui tend à tout contractualiser.
Les acteurs vous proposent de prendre pour référence, à titre de contrat, le bon de livraison. Faut-il vraiment garder ces marchés professionnels ? Certes, ils ne représentent que 7,5 % des produits, mais ils ont une importance majeure pour nos territoires et la qualité de nos produits. Préfère-t-on les sacrifier au profit d'importations de produits insipides ? Pas nous !
Mme Maryvonne Blondin. - Souffrez qu'une finistérienne remplace une morbihannaise qui n'avait pas prévu ce report d'horaire...
La contractualisation était la potion magique de la LMA. Qu'elle est dure à avaler par les producteurs ! L'emprise des industriels se renforce...
Mme Nathalie Goulet. - C'est vrai.
Mme Maryvonne Blondin. - ...alors que la LMA devait favoriser au contraire les producteurs. Ceux-ci se retrouvent mis sous tutelle des industriels, dont ils ne seraient plus que des sous-traitants.
Les clauses sont telles que, pour nombre de transformateurs, il s'agit seulement de rendre les producteurs dépendants des puissances d'argent. Vous avez dénoncé les premiers contrats proposés par les laiteries, monsieur le ministre. Pourquoi ne pas nous avoir écoutés quand nous vous parlions de fixer un prix plancher ?
Mais le choix de la procédure accélérée pour la LMA a réduit le débat parlementaire à trois semaines. Pourquoi n'avoir pas entendu les demandes transpartisanes de prendre le temps de la réflexion ? Des contrats existent, qui peuvent être étendus à toute une filière. Encore faut-il un accord des deux parties.
Face à ces cafouillages, la puissance publique doit soutenir l'organisation des producteurs. Où en est le décret ? Le rapport du médiateur de la contractualisation laitière servira-t-il à corriger les dysfonctionnements que nous constatons ? (Applaudissements à gauche)
M. Antoine Lefèvre. - De fait, l'année 2010 aura été une année charnière pour l'agriculture avec la LMA. Voici que l'année 2011 est déjà marquée par une grave sécheresse.
Les agriculteurs doivent pouvoir produire plus et mieux. Il faut encourager le stockage.
Vous avez nommé un médiateur des contrats. Je constate la réticence des producteurs laitiers, qui ne peuvent se regrouper en organisations de producteurs.
Pour les fruits et légumes, il faudrait adapter la loi aux marchés de gré à gré.
De façon générale il faudrait étendre la contractualisation à toute la filière, c'est-à-dire inclure la grande distribution. Représentant de l'Aisne, je me félicite que les filières céréalières et d'élevage travaillent à une contractualisation amont mais il faudra aussi intégrer l'aval pour pouvoir répercuter les prix de production.
L'inscription de la question de la volatilité des prix agricoles à l'ordre du jour du G20 est une initiative majeure du Gouvernement.
Je vous remercie des éclairages que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Didier Guillaume. - La contractualisation est bien en deçà de ce que subissent les agriculteurs avec la dramatique sécheresse qui s'annonce, à laquelle il ne saurait y avoir d'autre réponse que nationale.
L'an dernier, nous avons voté contre la LMA, à cause des ambitions que nous portons pour l'agriculture de notre pays, même si certaines de ses dispositions allaient dans le bon sens, comme l'article premier, qui définissait la politique de l'alimentation pour la Nation , ou l'article 4 modifiant le code du commerce pour encadrer certaine pratiques commerciales. Certaines dispositions, voulues par tous les sénateurs, ne l'étaient pas par le Gouvernement. Notre opposition portait surtout sur l'article 3, tête de gondole du projet. Non par refus de principe d'un cadre contractuel. Nous y sommes favorables à condition d'une régulation au niveau européen. L'un de vos prédécesseurs avait créé des contrats territoriaux d'exploitation. Après des doutes, vous vous êtes ralliés à cette idée. Alors que chaque agriculteur doit vivre de son travail, et non de subventions, la contractualisation ne jouait pas ce rôle, à nos yeux.
Pour finir, quelques mots sur le secteur des fruits et légumes. La contractualisation a été réalisée à marche forcée, sans consultation de l'interprofession. Celle-ci insiste pour le maintien des marchés de gré à gré.
La contractualisation doit se faire sur une durée conséquente ; le Gouvernement veut la réduire à moins d'un an ! Faisons en sorte qu'elle permette aux agriculteurs de vivre de leur travail. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Benoît Huré. - La contractualisation, devenue obligatoire pour le lait, les fruits et légumes et les agneaux de moins de 12 mois, est indispensable à l'agriculture française. Elle s'appliquera bientôt à la filière bovine et, demain, à toutes les filières. Pour m'en tenir à un exemple, le prix d'achat de la viande bovine a baissé de 10 % depuis les années 90 ; les consommateurs l'achètent à un prix multiplié par deux ! Régulation et transparence vont de pair avec la contractualisation.
Monsieur le ministre, je me réjouis que vous portiez ce combat dans les instances européennes. Vous permettez au secteur agricole de prendre son avenir en main ! (Applaudissements à droite)
M. le président. - Lors de la Conférence des présidents, il n'avait pas été envisagé de poursuivre la séance après minuit. Mieux vaut en terminer avec ce débat, à moins que quelqu'un ne s'y oppose.
Puisqu'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.
Mme Renée Nicoux. - Le secteur de l'élevage va mal : hausse continue des coûts de production, stagnation des prix à la consommation et concurrence des pays émergents annoncent une grande catastrophe. La LMAP répond à cette situation par la contractualisation. Vous avez parlé d'un décret en juin. Concernera-t-il tous les secteurs ? Chacun a sa spécificité... En outre, le contrat ne doit pas se limiter à la relation entre producteur et industriel. Le préalable, au reste, est le renforcement des interprofessions pour rééquilibrer les relations commerciales.
Qu'en est-il des négociations en cours ? Nous attendions beaucoup du premier rapport de l'Observatoire des prix et des marges. Or, celui-ci montre que l'augmentation des prix dans la grande distribution est la conséquence des investissements rendus nécessaires par davantage de normes sanitaires. Pourtant, les producteurs, eux aussi, font face à de plus en plus de normes. Comment expliquer la hausse des prix à la consommation si ce n'est par l'accroissement des marges dans la grande distribution ?
Enfin, pour lutter contre les catastrophes naturelles, comme la sécheresse actuelle, il faut de nouveaux outils de solidarité entre les interprofessions. Vous y êtes vous-même favorable. Travaillons-y ! (Applaudissements à gauche)
M. André Reichardt. - La contractualisation, demandée par le secteur laitier, constitue un progrès. Néanmoins, au vu d'un premier bilan, des ajustements s'imposent. La hausse du coût des intrants doit être prise en compte dans le calcul. La contractualisation s'impose seulement au premier acheteur ; ce n'est pas suffisant. Une durée de trois ans ne résout pas le problème de la volatilité des prix ou d'éventuels aléas climatiques. Il faut plus de souplesse, plus de réactivité.
Enfin, un point qui ne peut être réglé par le contrat : le coût variable de la main-d'oeuvre dans les pays de l'Union européenne. L'Alsace, territoire frontalier, connaît bien ce problème.
Pour conclure, améliorer le dialogue entre producteurs et distributeurs suppose un renforcement et une restructuration des grandes filières nationales. (Applaudissements à droite)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. - On reproche parfois au Sénat d'agir avec lenteur. Peut-être cette fois se hâte-t-il lentement, festina lente (sourires) : nous dressons le bilan de mesures mises en oeuvre il y a à peine deux mois !
Comme disait un président de la République que je respecte comme tous les présidents de la République passés, présents ou futurs, il faut savoir « laisser du temps au temps ». Je continue de croire en la contractualisation.
Mme Goulet a prononcé un réquisitoire contre les contrats dans les coopératives, mais ceux-ci n'existent pas encore ! En outre, le système de doubles quotas est un plus ; auparavant, le quota B était pénalisé ! Le contrat renforce les organisations de producteurs, et non le contraire. Enfin, seuls les industriels ont obligation de signer un contrat ; les producteurs sont libres.
Cela dit, je voulais vous souhaiter un joyeux anniversaire. (Applaudissements)
Mme Nathalie Goulet. - Le jour en est passé depuis cinq minutes ! (Sourires)
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous voulions défendre la régulation au niveau européen ; il fallait en finir avec l'illusionnisme et s'engager dans la logique contractuelle. La France est dans l'Europe ; il y a des règles, nous avons des concurrents, notamment allemands ; ceux-ci ont développé leur agriculture et utilisent des quotas que la France n'utilise pas. Comment ne pas en tenir compte ? Depuis dix ans, la France sous-réalise de 8 à 10 % ses quotas laitiers... Me battre pour les quotas au-delà de 2015 ? Ce ne serait pas précisément de bonne tactique européenne.
Pour autant, je ne suis pas béat d'admiration devant la mise en oeuvre de ces contrats. Certains industriels, et pas les moindres d'entre eux, n'ont pas joué le jeu. Cela me convainc que l'intérêt général reste du seul ressort de la représentation nationale et de l'État. Cela dit, de nombreux producteurs ont joué le jeu.
Le médiateur des contrats est créé ; les interprofessions ont élaboré un guide des bonnes pratiques.
Quand le paquet Lait, proposé par la France sera définitivement adopté, les producteurs pourront se regrouper plus encore : le plafond retenu permettra par exemple aux producteurs de lait bretons, s'ils le veulent, de se réunir en une organisation unique pour négocier avec les industriels. Si je tiens autant aux contrats, c'est que la France est seule à défendre une modification du droit de la concurrence européenne. Sans eux, nous perdrons tout dans les négociations. Prenons la filière viande. Il y a quelques années, la filière agneau a failli disparaître en France : on considérait que l'agneau néo-zélandais, sous-production de la laine, allait inonder le marché. Sans contractualisation, il n'y avait plus de filière agneau en France ! La logique vaut pour la filière bovine, qui fait partie de l'identité de la France : je le dis avec gravité, celle-ci doit se réformer.
Pour les calamités, il faut un système de réassurance : la sécheresse montre que c'est indispensable !
Je plaide, depuis des mois, pour des contrats entre interprofessions. Nécessité a fait loi : les premiers contrats seront signés avant le 1er juillet entre éleveurs et céréaliers.
Pour les fruits et légumes, nous avons privilégié le décret car l'interprofession n'était pas prête à un accord. Le texte du décret a été longuement discuté avec les organisations agricoles et majoritairement approuvé. Le producteur a la possibilité de contractualiser sur une partie seulement de sa production pour s'assurer un revenu de stabilité. M. Soulage m'a alerté sur les marchés de gros. Je ne suis pas un garçon buté. Je prendrai en compte la spécificité des carreaux. Dans ce secteur, nous nous heurtons à des résistances, à la faiblesse de son organisation. Je travaille dans l'intérêt des producteurs.
Pour conclure, ce qui ruine l'agriculture française est l'absence de solidarité, de dialogue et de coopération au sein des filières. Chaque semaine, j'assiste à des affrontements picrocholins entre producteurs.
Autre nécessité, la régulation car l'agriculture n'est pas une industrie comme les autres ; l'agriculture est la vie. On ne peut pas demander à une vache d'arrêter de produire du lait dans les deux jours ! Enfin, la régulation mondiale. Le blé, le maïs, le riz et l'élevage sont aussi stratégiques pour la planète que le pétrole : sans nourriture, les peuples se révoltent. J'espère que le message passera lors de la réunion du G20 à Paris ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Nathalie Goulet. - Le 19 mai 2011, lors du vote sur le projet de loi relatif à la participation des citoyens à la justice pénale, Mme Gourault souhaitait s'abstenir.
M. le président. - Dont acte.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 25 mai 2011, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit et demi.
René-André Fabre,
Directeur
Direction des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 25 mai 2011
Séance publique
À 14 heures 30
1. Débat sur l'état de la recherche en matière d'obésité.
2. Débat sur « Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? ».