Bisphénol A (Suite)
Discussion générale (Suite)
Mme Patricia Schillinger rapporteur de la commission des affaires sociales. - La France, comme tous les pays occidentaux, est confrontée à une augmentation inquiétante de certaines maladies, dont les causalités restent débattues ; mais il est certain que les facteurs environnementaux jouent un rôle majeur. Les perturbateurs endocriniens, notamment, sont mis en cause. Quel degré de certitude scientifique faut-il avoir atteint pour prendre des mesures ? C'est la question centrale du principe de précaution.
Sur le bisphénol A, les expertises de l'Inserm et de l'Anses ont établi sa toxicité pour l'animal et l'ont suspectée pour l'homme. Le principe toxicologique classique selon lequel la dose fait le poison ne vaut pas ici : le produit a des effets nocifs à faible dose, sans compter les effets « cocktail » -en combinaison avec d'autres produits-, « fenêtre » -à certains âges- et trangénérationnels.
Cette proposition de loi tend donc à suspendre dès le 1er janvier 2013 la commercialisation de conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A à destination des enfants de moins de 3 ans, à alerter par un étiquetage approprié les femmes enceintes, les enfants et -à l'initiative de notre commission- les femmes allaitantes, et à interdire tout conditionnement contenant du bisphénol A en 2015. Sur ma proposition, la commission a souhaité donner mandat à la DGCCRF pour contrôler les produits et constater d'éventuelles infractions. Je me félicite qu'un consensus se soit dégagé pour affirmer le principe da la fin programmée de l'utilisation du bisphénol A.
Il fallait cependant conserver un certain délai afin que les chercheurs puissent oeuvrer et les industriels s'adapter. Ne remplaçons pas le bisphénol A par un substitut mal expertisé ! Mais les faits établis par l'Inserm et l'Anses sont trop précis pour que nous tardions davantage. Les industriels ont d'ailleurs anticipé cette décision. Depuis une semaine, les réactions se sont multipliées. Mais la date de 2015 est à la fois raisonnable et volontariste.
M. François Patriat. - Pas du tout !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Pour alerter les consommateurs, envisagez-vous ce message écrit ou un pictogramme, madame la ministre ? L'avertissement doit être clair, précis et lisible.
Il faut aussi sensibiliser nos partenaires européens à cette question, dont certains ont déjà pris des mesures d'interdiction partielle, comme le Danemark ou la Suède. Nous devons également nous préoccuper des autres perturbateurs endocriniens et des usages autres qu'alimentaires du bisphénol A.
Le Premier ministre a fait de la santé environnementale une priorité, ce qui impose d'intensifier les recherches sur le sujet et de renforcer la coopération internationale. (M. Jean Desessard approuve)
Comme le note justement l'Inserm dans la préface de son étude, il ne faut pas attendre la preuve de la causalité pour protéger la santé de la population. C'est dans cet esprit que je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Laurence Cohen . - En 2010, lors de l'examen de la proposition de loi du RDSE, le groupe CRC avait déjà défendu l'interdiction à terme du bisphénol A mais la majorité de l'époque s'était montrée plus frileuse. Nous soutenons donc ce texte, qui aura sans doute le même effet d'entraînement en Europe que le précédent.
En commission, j'ai entendu des sénateurs de l'opposition s'étonner que l'on aille plus loin que les autres pays en interdisant à la fois la fabrication, l'importation et l'exportation des produits contenant du bisphénol A. Nous ne sommes pas de ceux qui font prévaloir le principe de la liberté du commerce sur la santé et l'environnement -on sait à quelles catastrophes écologiques et sanitaires ce principe a conduit.
Nous ne sommes pas des scientifiques mais des législateurs. Devons-nous renoncer à adopter ce texte en l'absence de consensus scientifique sur le caractère pathogène du bisphénol A ? De nombreuses études ont établi ses effets nocifs sur l'animal et l'Anses estime prioritaire de protéger les publics les plus sensibles. Mais cette étude est contestée. Sortons donc de ce débat qui peut durer encore longtemps. Pour mémoire, le Canada continue de contester les dangers de l'amiante ! Appliquons le principe constitutionnel de précaution et donnons-lui une portée réelle, en agissant avant même que le risque se réalise. Ne soyons pas des observateurs du risque mais des acteurs de la prévention. Il faut anticiper les risques et les conséquences de nos décisions sur les futures générations, ainsi que les possibilités de demander réparation, écrit le philosophe Hans Jonas dans Le principe de responsabilité. Faisons du doute une raison d'agir. Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Chantal Jouanno . - La question du bisphénol A me tient à coeur : quand j'étais secrétaire d'État à l'écologie, je me suis d'ailleurs opposée à la Direction générale de la santé à ce sujet. Aujourd'hui, avec l'étude de l'Anses, la nocivité du bisphénol A est avérée. Bien des maladies ne s'expliquent pas par l'analyse sanitaire classique. Cette proposition de loi nous donne l'occasion d'inscrire dans la loi un principe sanitaire nouveau. Le bisphénol A ne relève pas du principe de précaution mais du principe de prévention car les faits sont établis : on sait qu'il s'agit d'un oestrogène de synthèse, que le foetus est vulnérable, que 90 % de la population sont exposés. L'aveuglement n'est pas de mise.
La priorité absolue, ce sont le foetus, les femmes enceintes et allaitantes, les enfants. La gent masculine, en général, ne s'en préoccupe guère (protestations sur divers bancs) mais, messieurs, la faculté de reproduction est en cause... Il s'agit ici de santé publique.
Le lait maternel est aussi contaminé que celui qui sortait des biberons au bisphénol A. Et la présence du produit est attestée dans des dispositifs médicaux utilisés lors des accouchements médicalisés. Le bisphénol A doit donc être interdit dans tous les produits destinés aux femmes enceintes et allaitantes. Je vous proposerai deux amendements, l'un prohibant -après un certain délai- tous les perturbateurs endocriniens dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, l'autre de repli se limitant au bisphénol A.
Les lobbies, dit-on, auraient obtenu un report d'un an, mais il est normal de s'assurer de l'innocuité des substituants : je proposerai un amendement en ce sens.
Il serait étrange d'être plus restrictif pour les adultes que pour les enfants. J'ai pourtant entendu arguer d'un problème économique spécifique aux dispositifs médicaux à destination des enfants...
Nous avons l'occasion de proposer une nouvelle approche, en rupture avec l'analyse toxicologique classique -la dose fait le poison- qui ignore en outre les effets à long terme, effets « cocktail » et effets « fenêtre ».
L'exercice physique et une alimentation saine sont certes les meilleurs garants d'une bonne santé mais la santé environnementale est trop souvent le parent pauvre de la réflexion sur l'environnement. Ce texte est l'occasion de donner corps à certains principes de santé environnementale. Je l'ai voté en commission mais souhaite qu'il soit enrichi. (Applaudissements)
M. Gilbert Barbier . - La nocivité du perturbateur endocrinien qu'est le bisphénol A est avérée chez l'animal et très probable chez l'homme. C'est pourquoi, sur l'initiative du groupe RDSE, une interdiction a été envisagée en 2010, mais le Sénat, en l'absence d'études suffisantes, avait préféré se limiter aux biberons. Une étape a néanmoins été franchie à cette occasion.
L'Opecst a ensuite été saisi, et j'ai été rapporteur d'une mission d'information sur les perturbateurs endocriniens. Vu le danger, j'ai préconisé de protéger immédiatement les femmes enceintes et les jeunes enfants. Le rapport de l'Anses, à son tour, a établi, en 2011, la nocivité du bisphénol A, même à faible dose.
Je me félicite donc que le Sénat examine ce texte, un an après l'Assemblée nationale. Mais la loi doit être applicable. Soyons pragmatiques et réalistes, laissons aux industriels le temps de s'adapter. Ils y travaillent depuis quelques années. Les substituts doivent être sans danger et scientifiquement validés. L'impératif de préservation de la santé de nos concitoyens nous interdit de légiférer dans la précipitation : je proposerai donc un amendement reportant l'entrée en vigueur de la mesure d'interdiction.
Notre action doit aussi être coordonnée avec celle des autres pays européens. Le Parlement européen doit adopter en février 2013 un rapport sur les perturbateurs endocriniens. Mais on ne peut que s'inquiéter de la récente passe d'armes sur le sujet entre les administrations européennes compétentes... La vigilance s'impose.
Quant au message d'avertissement, il devra être plus lisible que le seul pictogramme obligatoire pour les boissons alcoolisées, dont j'ai dénoncé l'inefficacité. Mieux vaut un message simple et compréhensible, comme celui qui figure sur les biberons ou les cosmétiques « sans paraben ».
Protéger nos concitoyens et les générations futures est un devoir. Il faudra élargir le débat à tous les perturbateurs endocriniens : phtalates, paraben et autres. (M. Jean Desessard approuve) Il est en particulier urgent de s'intéresser aux dispositifs médicaux utilisés en obstétrique et en pédiatrie : j'ai déposé un amendement relatif à l'utilisation des phtalates qui, je le rappelle, est déjà interdite dans les jouets. Faire avancer la protection de nos concitoyens, notamment des enfants et des femmes enceintes, est une priorité absolue. (Applaudissements)
Mme Aline Archimbaud . - Le bisphénol A est l'un des produits chimiques les plus répandus au monde ; son marché est estimé à 6 milliards de dollars. Le réseau environnemental santé a recensé près de 700 études à son sujet : selon 95 % d'entre elles, il est nocif, cancérigène et neurotoxique. Ses effets sont héréditaires même à des niveaux d'exposition très faibles. Il ne suffira donc pas d'interdire le bisphénol A pour que ses effets sur la population disparaissent. Les conséquences potentielles sont peut-être pires que celles de l'amiante...
Sur 143 études récentes, seules 9 n'ont pas mentionné d'effets sur l'animal ni sur l'homme.
Il faut changer de paradigme sur l'évaluation des risques de santé publique. Les agences sanitaires, au nom des « bonnes pratiques de laboratoire », ne prennent en compte que les études financées par l'industrie... Avec le bisphénol A, la dose ne fait pas le poison. Et la période d'exposition doit être prise en compte.
Le groupe écologiste se réjouit que ce texte soit enfin examiné. Nous reparlerons lundi, avec le texte de Mme Blandin, de l'expertise et de la protection des lanceurs d'alerte. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Nous présenterons des amendements sur les dispositifs médicaux et les perturbateurs endocriniens en général.
Reporter d'un an l'interdiction générale du bisphénol A, c'est déjà beaucoup à nos yeux. Les difficultés des industriels ont déjà été prises en compte. Pour nous, il est hors de question d'aller plus loin, ne serait-ce que d'un jour !
Dans la notice du PLFSS pour 2013, le Gouvernement affiche sa volonté de lutter contre les maladies chroniques « liées au vieillissement de la population », responsables d'une grande part de l'inflation des dépenses d'assurance maladie, à commencer par le diabète. Or le rôle des perturbateurs endocriniens est avéré dans le développement de ces maladies. Cette loi devra être appliquée sans tarder car l'enjeu est grave. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Dériot . - En janvier 2010, l'Afssa publiait un avis mitigé sur la nocivité du bisphénol A. En juin de la même année, l'Assemblée nationale adoptait une proposition de loi de notre collègue Yvon Collin suspendant la fabrication de biberons contenant ce produit. L'initiative est revenue au Sénat, madame la ministre... La France était pionnière, avec le Danemark.
C'est lorsque les produits au bisphénol A sont chauffés que les aliments peuvent être contaminés. Il faut donc être vigilant.
J'avais signalé, à l'époque, le problème des biberons réchauffés au micro-ondes, souvent à une température trop élevée. Les bébés sont les plus vulnérables.
Les suspicions étaient suffisamment fortes pour que l'Union européenne décide à son tour, en 2011, l'interdiction de la commercialisation et de l'importation de biberons au bisphénol A.
Le bisphénol A est utilisé depuis plus de quarante ans pour fabriquer des plastiques, comme les polycarbonates et les résines utilisés dans de très nombreux contenants alimentaires. Avec cette proposition de loi, nous franchissons une étape : tous les conditionnements destinés aux enfants de moins de 3 ans seront interdits. L'Anses devra publier un rapport d'étape sur les substituts et leur innocuité.
Notre commission a décidé de repousser la date d'entrée en vigueur de l'interdiction au 1er janvier 2015. Les biberons étant déjà interdits, les enfants de moins de 3 ans étant déjà visés par la nouvelle interdiction, cette échéance est trop proche pour permettre au secteur de l'agroalimentaire de s'adapter aux nouvelles normes. La dangerosité des substituts est une préoccupation majeure pour notre groupe. Rien ne garantit leur innocuité totale au contact avec les aliments. En outre, si un récipient mal protégé est attaqué par un aliment acide, le danger peut être bien plus grave qu'avec du bisphénol !
Celui-ci sert, je le rappelle, à éviter le contact à la fois avec l'extérieur et, à l'intérieur, avec l'aluminium des canettes.
M. Alain Chatillon. - Exactement.
M. Gérard Dériot. - Le rapport de l'Anses sur les substituts doit être publié d'ici la fin de l'année. Il est indispensable pour établir l'innocuité des substituts. Il faut se donner un peu de temps, mettre les industriels devant leurs responsabilités afin qu'ils accélèrent leurs recherches.
M. le Premier ministre a déclaré, le 15 septembre dernier, soutenir cette proposition de loi « sous réserve que les produits de substitution aient fait la preuve de leur innocuité ». Attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal ! Si le principe de précaution est légitime, il doit être accompagné de mesures adéquates.
La précipitation serait mauvaise conseillère. C'est pourquoi nous demandons un délai supplémentaire et proposons de repousser l'entrée en vigueur au 1er janvier 2016. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeau . - M. Gérard Bapt a déposé cette proposition de loi à l'Assemblée nationale le 22 juin 2011. Le 5 février 2010, l'Anses avait rendu un avis sur le bisphénol A mettant en évidence une toxicité avérée chez l'animal et suspectée chez l'homme et ce, à faibles niveaux. Le rapport note l'impact oestrogénique sur le nourrisson, sans effet de seuil. Plus la santé est fragile, plus les conséquences risquent d'être graves.
En 2010, M. Collin nous a fait voter l'interdiction de la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A -interdiction confirmée par l'Union européenne. Preuve que l'Europe suit nos recommandations !
Faut-il aller plus loin, comme le propose M. Bapt ? Oui. L'interdiction ne couvre pas tous les contenants qui contiennent du bisphénol A, comme les petits pots pour bébé. Fâcheuse incohérence !
La Cour de justice européenne, le 7 juillet 2009, a souligné qu'il est des sujets où l'on ne peut se contenter d'attendre que le risque soit avéré pour agir. Belgique, Suède, Danemark ont déjà mis en oeuvre cette interdiction ; le Canada et divers États d'Amérique du nord s'apprêtent à le faire.
La commission a modifié le texte en reportant la date d'entrée en vigueur de l'interdiction d'un an, au 1er janvier 2015, pour permettre aux PME de se retourner. Il faut en effet prendre en compte les contraintes auxquelles ces PME sont confrontées.
La commission a également permis aux agents de la DGCCRF de rechercher et constater ces infractions : l'interdiction doit s'appliquer à tous, pas question d'autoriser le dumping sanitaire.
Un troisième amendement de la commission renvoie au décret certaines modalités de l'interdiction. Enfin, il était de bon sens de reporter la date de remise du rapport de l'Anses, qui ne doit pas être bâclé.
Faut-il élargir le texte à tous les objets contenant du bisphénol A? Notre rapport sur les dispositifs médicaux implantables en cite plusieurs comme les cathéters, appareils d'oxygénation, instruments de chirurgie. Il me paraît toutefois préférable de traiter ce sujet à part -ces dispositifs sont de certification communautaire. La Commission européenne a pris conscience de la nécessité d'assurer une sécurité optimale pour les utilisateurs. La réglementation sera revue... en 2019 ! Il faudra, madame la ministre, inciter l'Union européenne à se prononcer plus vite pour les matériaux utilisés en néonatalogie et en pédiatrie.
Il reste beaucoup à faire. Ce texte ne réglera pas tous les problèmes mais constitue une étape nécessaire. Il faut bien sûr tenir les délais. (Applaudissements à gauche)
Mme Muguette Dini . - Le bisphénol A est toxique, nous le savons. La loi du 30 juin 2010 était une décision modérée, mais importante, qui a poussé la Commission européenne à modifier la réglementation.
Je souhaite insister sur trois points. Le premier, l'avertissement à destination des personnes fragiles. Quelle forme prendra l'étiquetage : mention écrite ou pictogramme ? La mention écrite exclut les consommateurs qui lisent mal et ne diffuse aucun message de danger. Je préfère donc le pictogramme. L'INPS a été chargé d'en imaginer un et d'en tester la compréhension. Trois pictogrammes ont été proposés. Les résultats montrent que la population de 18 à 45 ans y est réceptive : le triangle jaune a sa préférence. L'avertissement doit être lisible pour tous. La loi ne doit pas être bafouée par un pictogramme ridiculement petit comme celui qui orne les bouteilles d'alcool !
L'Anses publiera d'ici la fin de l'année une étude sur les substituts du bisphénol A, mais qui ne portera pas sur leur innocuité. Le professeur Jégou appelle à mener des recherche scientifiques sur ces substituts, faute de quoi l'interdiction sera une supercherie. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
Enfin, attention aux distorsions de concurrence au niveau européen. A la demande de l'Anses, l'Agence européenne des produits chimiques devra statuer sur la qualification du bisphénol A comme toxique pour la reproduction.
Les choses bougent au niveau européen, mais avec frilosité et réticence. Notre groupe souhaite vivement que son amendement reportant l'entrée en vigueur de la loi soit retenu. (Applaudissements au centre et à droite)
M. François Grosdidier . - Oui, nous devons prolonger la loi du 30 juin 2010, étendre cette mesure à tous les récipients contenants du bisphénol A. Certains défendaient hier l'innocuité des biberons au bisphénol. Aujourd'hui, ils prétendent qu'il n'y a pas de risque pour les récipients que l'on ne chauffe pas. C'est oublier que l'on peut chauffer des boîtes de conserve au bain-marie, par exemple.
Je comprends le report de l'échéance mais je le regrette car il faut agir vite. Les femmes enceintes et les foetus continueront à être exposés après 2013. Une année perdue, c'est 800 000 foetus potentiellement atteints ; 2015 est le maximum acceptable. Les industriels savent depuis des années que le bisphénol A est condamné.
Je partage les propos de Mme Jouanno, sauf sur le prétendu désintérêt des hommes pour les enfants. Je regrette d'avoir moi-même chauffé des biberons pour mon enfant né en 2004 : ils m'avaient été remis à la maternité. Je me réjouis de l'avoir évité à ma petite fille née en 2011.
C'est toujours le même débat, la même justification du manque de recul, comme pour l'amiante. On l'a vu avec la convocation de Mme Aubry, ancien haut fonctionnaire en charge du sujet...
Les industriels ont pu anticiper l'adoption de cette proposition de loi. Le temps, c'est de l'argent, certes, mais qui ne ferait pas prévaloir la santé de ceux qu'il aime sur l'intérêt financier ? Transposer le raisonnement à l'échelle de la société, cela s'appelle l'humanisme -qui n'est pas le domaine réservé de la gauche, madame Cohen ! Les régimes collectivistes ont été bien peu soucieux de la santé des gens... (Protestations sur les bancs CRC)
Il est plus que temps d'agir et d'interdire le bisphénol A, ainsi que les autres perturbateurs endocriniens.
Mme Marisol Touraine, ministre . - Merci pour la qualité de ce débat. Il y a une prise de conscience, une volonté généralisée de poursuivre dans cette voie, d'être pionnier en Europe. Je partage l'analyse de Mme Jouanno : nous ne pouvons plus nous contenter des critères d'analyse sanitaires classiques. Il faut revoir nos modèles, nos manières de penser. L'augmentation des maladies chroniques, soulignée par Mme Archimbaud, nous incite à adapter nos réponses sanitaires pour accompagner les patients tout au long de leur maladie.
En effet, faisons du doute une raison d'agir, madame Cohen, au lieu qu'il joue contre les consommateurs.
Rendons au Sénat ce qui est au Sénat : je salue bien volontiers son rôle de pionnier avec la proposition de loi Collin, dont vous avez été le rapporteur monsieur Dériot !
Première question : le calendrier. Donnons du temps aux industriels, disent certains. Cela fait un an que cette proposition de loi a été examinée à l'Assemblée nationale : il est donc normal d'en tenir compte en reportant la date d'entrée en vigueur. Mais en un an, les industriels ne sont pas restés inactifs : ils ont commencé à s'adapter. Ceux que j'ai rencontrés ne demandent qu'un délai de six mois ! Un nouveau report enverrait un mauvais signal. Il y a d'ailleurs comme une contradiction à le demander et à vouloir étendre le dispositif aux phtalates !
Si nous étions confrontés à un problème majeur, le Parlement pourrait remettre en cause cette suspension, qui n'est pas une interdiction définitive. Toutes les garanties sont là pour que nous puissions avancer. On ne peut parler de précipitation, madame Dini, monsieur Barbier.
Deuxième point : l'élargissement de la mesure aux dispositifs médicaux. Il faut être très attentif, encourager la recherche sur les produits de substitution. Nous ne possédons pas, aujourd'hui, les éléments nécessaires. Il faut tenir compte de l'aide médicale, parfois vitale, qu'apportent ces dispositifs médicaux !
Troisième point, l'appel à une action française à l'échelle européenne. J'ai rencontré le commissaire européen ; la France doit continuer à être l'aiguillon de l'Europe en matière de santé et d'environnement.
J'en viens aux pictogrammes. Madame Dini, je partage votre appréciation du pictogramme sur les bouteilles d'alcool. Il faut une réflexion plus large sur les messages sanitaires. Un décret sera pris en application de ce texte, dès le vote de la loi. Il faudra être précis, réfléchir, par exemple au sein d'un groupe de travail associant mes services et les parlementaires, à cette importante question. C'est tout un nouveau champ de la politique sanitaire qu'il nous faut défricher ! (Applaudissements à gauche et au centre)
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