Mandat des élus locaux (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
Discussion générale
M. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Le texte soumis au vote ultime du Sénat arrive au terme d'un long processus, puisque cette proposition de loi avait été déposée par Mme Gourault et M. Sueur le 12 novembre 2012. Ils étaient alors respectivement présidente de la délégation aux collectivités territoriales et président de la commission des lois. Le texte faisait suite aux préoccupations du président Bel, exprimées aux États généraux des collectivités territoriales les 4 et 5 octobre 2012. Il reprenait les éléments d'une autre initiative sénatoriale, une proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat le 30 juin 2011 mais jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
La présente proposition de loi a été adoptée en première lecture par le Sénat le 29 janvier 2013 et par l'Assemblée nationale le 18 décembre 2013. Le Sénat l'avait examiné en deuxième lecture le 22 novembre 2014... Il a fallu attendre un an, jour pour jour, pour que l'Assemblée nationale fasse de même.
M. Jean-Pierre Sueur. - Quelle célérité !
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Le texte vise tout d'abord à harmoniser le régime indemnitaire des exécutifs en fixant notamment l'indemnité du maire à un taux unique correspondant au taux prévu dans les communes de moins de 1 000 habitants. Le régime indemnitaire des élus des communautés de communes a été aligné sur celui des autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le Sénat a adopté le principe du reversement au budget de la collectivité de la part écrêtée de l'indemnité au-delà du plafond légal en cas de cumul de rémunérations et d'indemnités.
L'article 2 exclut des revenus pris en compte pour le calcul des prestations sociales sous condition de ressources la fraction de l'indemnité représentative de frais d'emploi.
Le deuxième volet de la proposition de loi entend mieux protéger les élus salariés. L'extension du congé électif aux communes de 1 000 habitants au moins, la mise en place d'un crédit d'heures pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, l'élargissement aux adjoints des communes de 10 000 habitants et plus du champ des bénéficiaires du droit à suspension du contrat de travail et à réinsertion dans l'entreprise à l'issue du mandat ont été adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture.
La proposition de loi vise, enfin, à encourager la formation des élus locaux. L'extension du droit au congé de formation professionnelle et au bilan de compétences aux adjoints au maire des communes d'au moins 10 000 habitants a été adopté conforme par les députés en première lecture, de même que l'ouverture aux titulaires d'une fonction élective locale du dispositif de validation de l'expérience acquise à ce titre pour la délivrance d'un diplôme universitaire.
Les principaux ajouts de l'Assemblée nationale résident d'abord dans l'institution d'une charte de l'élu. Le Sénat, en deuxième lecture, s'est attaché à clarifier la lisibilité de sa rédaction, travail prolongé par la commission mixte paritaire. Les députés ont en outre prévu l'insertion obligatoire, dans les règlements intérieurs des conseils et régionaux, du principe de la réduction du montant des indemnités de leurs membres à raison de leur participation effective aux séances et aux réunions des commissions dont ils sont membres.
Le calendrier de l'entrée en vigueur du texte a enfin été revu et l'application outre-mer clarifiée.
Il restait trois principaux points de désaccord entre les deux assemblées. L'article premier A, introduit en première lecture au Sénat, visait à clarifier le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêt ; l'Assemblée nationale avait adopté une nouvelle définition de l'intérêt constitutif du délit, adoptée sans modification par notre commission des lois en deuxième lecture mais, en séance, un amendement de Pierre-Yves Collombat avait rétabli le texte originel du Sénat. En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a supprimé l'article.
L'Assemblée a par ailleurs modifié les modalités de financement de l'allocation différentielle de fin de mandat pour prévoir que le fonds serait désormais alimenté par une cotisation annuelle versée par les élus éligibles à l'allocation. Le Sénat avait maintenu les modalités de financement en vigueur.
Le Sénat, en première lecture, avait créé un droit individuel à la formation des élus et restreint l'assiette de la cotisation aux seuls élus qui décideraient de constituer un DIF. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, à l'origine du dispositif, prévoyait d'en mutualiser le financement entre les élus -comme l'Assemblée nationale qui a abaissé en conséquence de 3 % à 1 % le taux minimum de cotisation.
La CMP est parvenue à une position commune. En raison de l'opposition du Gouvernement à la clarification du champ des poursuites de la prise illégale d'intérêt, elle a préféré supprimer l'article premier A pour ne pas bloquer l'entrée en vigueur des autres dispositions du texte. Elle a en revanche maintenu les modalités actuelles de financement du fonds pour l'allocation différentielle de fin de mandat. Le dispositif instituant le DIF a été retenu dans la rédaction des députés.
La proposition de loi devrait faciliter l'engagement des élus locaux dans la gestion quotidienne des collectivités. Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - Ce texte améliorera les conditions d'exercice des mandats exécutifs locaux, diversifiera le profil des élus et renforcera la vitalité de notre démocratie.
Issu des États généraux de la démocratie territoriale, cette proposition a été enrichie tout au long d'un parcours législatif fructueux. Grâce à la ténacité des rapporteurs, les clivages partisans ont été dépassés pour atteindre un point d'équilibre satisfaisant. La majeure partie des dispositions sont d'application immédiate.
Être élu local, c'est représenter la République, c'est faire vivre nos territoires, en être le visage et le moteur au plus près de nos concitoyens. Se mettre à leur service n'est toutefois pas un choix facile. Cela suppose des sacrifices et la précarité n'est pas toujours loin. Seulement 80 % des élus locaux perçoivent une indemnité. Nos concitoyens ignorent trop souvent que leurs élus sont pour la plupart bénévoles. Garantissons-leur la possibilité de servir l'intérêt général.
Transparence de la vie publique, parité, fin du cumul, lutte contre l'évasion fiscale... Des efforts importants ont été faits récemment pour dynamiser notre vie publique. Ce texte marque une étape supplémentaire dans ce processus.
La création du DIF répond à une préoccupation ancienne. Remboursement des frais, accès aux prestations sociales sous conditions de ressources, droit à la formation, soutien à la réinsertion professionnelle, niveau d'indemnité... Assemblée nationale et Sénat ont amélioré sensiblement la proposition de loi. La charte de l'élu local, dont le contenu a fait l'objet d'un compromis, sera lue en début de mandat ; ce sera un moment symbolique fort et de solennité républicaine.
Sur l'allocation de frais de mandat et la formation, le meilleur des propositions de chaque chambre permet d'aboutir à un dispositif efficace et peu coûteux. Les dispositions relatives à la garde d'enfants en cours de session seront utiles pour les femmes élues et favoriseront la parité.
Il était temps d'apporter des solutions concrètes...
M. Pierre-Yves Collombat. - Il était temps de ne rien faire !
Mme Nathalie Goulet. - Le statut de l'élu date de 2000 !
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. - ... temps de construire un dispositif pragmatique, adapté au rôle des élus et intelligible pour nos concitoyens. La France a besoin d'élus libres, compétents, animés par le souci du bien public. Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements)
Mme Cécile Cukierman . - Le groupe CRC est attaché à la création d'un statut de l'élu qui tienne compte des réalités de notre pays. Des coups d'accélérateur sont parfois nécessaires... C'est une exigence démocratique et une nécessité pour donner au plus grand nombre la possibilité de s'impliquer, quelle que soit sa situation. La Constitution dispose que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes à la vie politique... La question dépasse donc celles des indemnités. Elle la dépasse d'autant plus que l'on craint un fort taux d'abstention aux élections départementales. Le fossé se creuse entre la population et les élus locaux...
Nous regrettons que ces dispositions, dont la discussion a duré plus de deux ans -dans le but de les enrichir, nous n'en doutons pas-, n'aient pas trouvé leur place dans la réforme territoriale. Nous l'avons dit lors des débats sur les lois Maptam et NOTRe. La réforme territoriale est indissociable des femmes et des hommes qui font vivre nos collectivités territoriales.
Être élu implique des devoirs, certes, mais confère aussi des droits. Nous regrettons que la charte de l'élu local proposée par l'Assemblée nationale mette l'accent principalement sur les devoirs au risque de laisser croire que les élus se dispensent généralement de respecter leurs obligations... Dans leur immense majorité, les femmes et les hommes engagés localement s'impliquent pourtant sans compter, au service de leurs concitoyens, pour porter l'image de la République.
Nous regrettons que les dispositions relatives au cumul emploi-mandat et à la formation relèvent du code général des collectivités territoriales et non du code du travail, qui est la seule référence juridique des relations entre un salarié et sn employeur.
J'ai été frappée, lors des dernières élections municipales, par le nombre d'élus qui ont diminué leurs indemnités pour faire face aux difficultés financières de leur collectivité territoriale. Notre discussion ne serait pas complète si nous n'étudiions pas la situation financière globale de nos territoires... (Applaudissements)
M. Pierre-Yves Collombat . - Cette proposition de loi vient après celle que M. Saugey et moi-même avions déposée, que le Sénat avait adoptée en avril 2011 et qui a, par la suite, disparu corps et biens... La présence du ministre de la mémoire nous invite à célébrer le passé...
Pourtant, pas plus de statut de l'élu local aujourd'hui qu'hier. François Hollande, lors des États généraux de la démocratie territoriale, ne regrettait-il pas que la France n'offre pas de statut à ces élus qui sacrifient souvent leur vie professionnelle à l'intérêt général ? Marylise Lebranchu n'avait-elle pas promis de demander à son administration d'y travailler ? Jean-Pierre Sueur, alors président de la commission des lois, se disant conscient des exigences de la démocratie, n'affirmait-il pas que le populisme se combat par un discours de transparence et de vérité ?
MM. André Reichardt et Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. - Le groupe de travail dont il annonçait la création ne s'est jamais réuni...
Malheureusement, la navette a vidé le texte des quelques propositions novatrices que le Sénat y avait introduites.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce n'est pas vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. - La définition de la prise illégale d'intérêts ? Voté trois fois par le Sénat, supprimée à chaque fois ! Et l'on a cru bon, après les affaires Woerth et Cahuzac, de rajouter des dispositions prévenant la délinquance des élus locaux. Cela ne mange pas de pain, comme on dit chez moi... La charte... Obliger les élus à pareille liturgie moralisatrice, c'est alimenter des critiques infondées. Ce n'est pas ainsi qu'on combattra le populisme. Élus trop nombreux, trop payés... Face à ces attaques, multiplier les professions d'honnêteté, loin de rassurer, inquiète. Le groupe RDSE refuse d'être complice de cette cabale anti-élus qui place ceux-ci sous le regard de censeurs qui, eux, n'ont de comptes à rendre à personne.
Le texte n'est pas totalement dépourvu d'intérêt ; on me dira que trois fois rien, c'est déjà quelque chose... Stendhal disait préférer faire la cour à M. Guizot qu'à son bottier. Dans notre démocratie de marché post-moderne, il conviendrait de faire la cour aux deux. Toutes nos excuses si nous manquons d'entrain...
M. Jean-Pierre Sueur. - A tout le moins, cela est bien dit.
Mme Jacqueline Gourault . - Nous sommes au terme d'un long processus, dans un contexte où il nous faut positiver l'image des élus locaux.
Cette proposition de loi fait suite aux États généraux de la démocratie territoriale d'octobre 2012, tenus sous l'égide du président de la République. Le statut de l'élu et la simplification des normes en étaient les principaux sujets de réflexion. Je rappelle modestement que Jean-Pierre Sueur et moi-même sommes aussi à l'origine de Conseil d'évaluation des normes... Comme quoi, à leur niveau, les parlementaires peuvent faire des propositions qui améliorent la vie démocratique de notre pays. Je n'aurais garde d'oublier les travaux des députés Doucet et Gosselin sur le statut de l'élu. Jean-Pierre Sueur et moi-même avons de plus repris les travaux sénatoriaux précédents, dont ceux de Mme Des Esgaulx et de MM. Gélard et Saugey. Nous n'avons pas, non plus, ignoré les revendications de l'AMF...
On ne peut à la fois se faire le chantre des petites communes rurales et ne pas donner à leurs élus les moyens d'assumer leur mandat en étant honnêtement rémunérés. Aujourd'hui ce sont souvent des retraités ou des personnes qui ont quelques moyens, ce qui n'est pas un hasard.
Les dispositions relatives à l'articulation du mandat et d'un emploi vont dans le bon sens. Le doublement de la perception de l'allocation différentielle de fin de mandat n'est pas négligeable, le DIF ne l'est pas plus.
À force de prendre des dispositions, nous construisons petit à petit le statut de l'élu. Je ne crois guère au grand soir du statut de l'élu. Si l'on veut que nos élus représentent bien la société, il faut que notre démocratie s'en donne les moyens. Le climat démocratique actuel l'exige. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Sueur . - Lorsque j'ai eu l'honneur de présenter au Sénat la loi qui deviendrait celle du 3 mars 1992, qui instaurait droit à la formation et à la retraite des élus locaux, on me disait que ce n'était en rien un statut de l'élu ! Les arguments entendus ici y ressemblent furieusement. Mais mieux vaut de progressives avancées qu'un grand soir qui n'arrive jamais...
Ce texte est le fruit d'un long dialogue, il reprend largement les propositions des associations d'élus, AMF en tête. Il présente d'incontestables avancées. Nous savons que nos conseils municipaux sont de plus en plus composés de retraités et de moins en moins de salariés.
Monsieur Collombat, nous n'avons pas d'affection particulière pour la charte proposée par les députés. Nul besoin d'une charte pour inciter les élus à respecter la loi. Mais c'est la logique de la navette : rapprocher les positions. Deux ans après le dépôt du texte, c'était indispensable.
Vous dites que ce texte, c'est trois fois rien. Vous connaissez l'étymologie : rien, c'est toujours quelque chose...
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est ce que dit toujours le Gouvernement !
M. Jean-Pierre Sueur. - Je n'ai pas le temps de citer toutes les mesures utiles introduites par ce texte, je n'en citerai donc qu'une dizaine (Sourires) : extension du congé électif, harmonisation des modalités de fixation de l'indemnité de fonction, suspension du contrat de travail, remboursement des frais de garde d'enfants, exclusion de la fraction représentative des frais d'emploi ouvrant droit aux prestations sociales, validation des acquis de l'expérience, droit au congé de formation professionnelle, DIF, plancher de dépenses obligatoires pour la formation des élus, obligation d'une formation la première année du mandat... Toutes ces mesures sont concrètes pour les 500 000 élus locaux. Nous sommes des militants du concret ! (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes, UDI-UC et UMP)
M. Ronan Dantec . - Cette proposition de loi entend avancer sur la voie d'un véritable statut de l'élu alors que constituer ne serait-ce qu'une liste pose parfois problème dans certaines communes...
Rendons hommage à nos élus, prenons en compte leurs difficultés. On sait bien que leur précarité a longtemps été contrebalancée par le cumul des mandats ; c'est évidemment pour les écologistes une mauvaise réponse...
Tout le monde doit pouvoir devenir élu. Ce texte, qui favorisera la diversification de nos assemblées, est une petite pierre à l'édifice. Il reconnaît l'engagement et le travail d'animation des territoires des élus, lourde responsabilité qui s'apparente parfois à un sacerdoce.
Les améliorations apportées par le texte ont été rappelées. Les écologistes ne peuvent qu'y souscrire. Marie-Hélène Lipietz s'était battue pour obtenir des avancées sur la formation des élus ; certaines de ses propositions ont été adoptées ; d'autres, plus audacieuses, comme le relèvement du plancher des dépenses de formation, ne l'ont pas été... Pour avoir longtemps été secrétaire général d'une fédération d'élus locaux, je sais que beaucoup se battent pour que leur droit à la formation soit respecté. Trop de maires et de majorités refusent encore de la prendre en charge pour les élus de l'opposition.
Il est temps de séparer véritablement les organes exécutifs et délibérants des collectivités territoriales, de renforcer les droits de l'opposition locale, bref de parlementariser leur fonctionnement politique. Dans la loi NOTRe, cela a été confirmé à l'Assemblée nationale, le droit des élus de l'opposition a été élargi aux communes de plus de 3 500 habitants, contre plus de 1 000 habitants autrefois. Je m'en réjouis.
La remise à tous les élus de la Charte de l'élu local est importante mais elle s'adresse explicitement aux élus issus du suffrage universel direct, ce qui n'est pas le cas des délégués communautaires, à qui elle sera remise aussi. Je me félicite aussi que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement socialiste prévoyant l'élection de ces derniers au suffrage direct avant 2017. Cela va dans le sens de l'histoire...
Ce texte renforce le socle de notre démocratie ; nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean-Jacques Hyest . - Ah ! Une proposition de loi chemine toujours lentement...
M. Jean-Pierre Sueur. - Hélas !
M. Jean-Jacques Hyest. - Je peux vous faire la liste des propositions de loi sénatoriales toujours en attente... On ne peut contraindre l'autre assemblée à faire ce qu'elle ne veut pas faire ! J'avais émis l'idée, à une époque, d'un donnant-donnant : je prends ta proposition de loi, tu prends la mienne... (Sourires)
Le grand soir du statut de l'élu, cela ne veut rien dire ! Ce texte contient beaucoup de choses positives, consensuelles, issues, pour beaucoup d'entre elles, des États généraux de la démocratie territoriale. Ah, si nous avions été entendus sur toutes les propositions des États généraux ! Nous l'avons été, un peu, dans la loi NOTRe...
M. Pierre-Yves Collombat. - Quand les communes auront disparu, il n'y aura plus de problème !
M. Jean-Jacques Hyest. - Monsieur Dantec, nous aussi sommes élus au suffrage universel, seulement il n'est pas direct. L'intercommunalité n'est pas la supracommunalité, l'AMF l'a rappelé solennellement. Les Français sont attachés à la commune comme cellule de base de la démocratie. Si nous n'avons plus que de grandes communautés technocratiques, la démocratie locale en prendra un bon coup ! (Applaudissements)
Des avancées, en effet... Qui aurait imaginé une prise en charge des frais de garde d'enfant pour les élus il y a trente ans ? Notre société évolue, il faut en tenir compte. Les femmes sont de plus en plus nombreuses en politique -elles seront même 50 % bientôt dans les conseils départementaux.
En revanche, curieuse chose que la Charte de l'élu local... Respecter la loi, c'est respecter la loi... Mais il y a plus, cette affaire de la prise illégale d'intérêt... S'il y a beaucoup de poursuites, il y a bien peu de condamnations. Nous voulions lever toute ambiguïté en définissant la prise illégale d'intérêts, n'en déplaise aux lanceurs d'alerte et aux journalistes avides de pourchasser les élus -et moins enclins à faire état de leurs relaxes... Dans la lignée de la loi Fauchon, qui a rendu possible la poursuite des élus, le Sénat s'est prononcé pour la troisième fois sur cette définition, à nouveau repoussée. Il doit persévérer. (Applaudissements)
M. André Reichardt . - A ceux qui en doutent encore, le groupe UMP indique qu'il votera ce texte, non parce qu'il institue le statut de l'élu local promis lors des États généraux de la démocratie territoriale mais parce que, plus simplement, il améliorera le régime indemnitaire des élus locaux, facilitera l'exercice de leur mandat, leur réinsertion professionnelle et leur garantira l'accès à la formation et la protection sociale.
Je ne reviens pas sur les points de désaccords discutés en CMP, sauf à dire que je regrette que l'on n'ait pas clarifié le champ de la prise illégale d'intérêt. Je veux dire mon refus de la Charte de l'élu local... Faut-il écrire que le représentant doit exercer ses fonctions « avec impartialité, diligence, dignité et probité et poursuivre l'intérêt général à l'exclusion de tout intérêt personnel » ? Faire des élus des délinquants en puissance est proprement inacceptable. La lecture de cette charte en début de mandat est scolaire et superfétatoire. Il est trop tard alors pour donner des consignes... Comme l'a relevé notre collègue Antoine Lefèvre, quand on met implicitement en doute l'impartialité ou la dignité des élus, c'est la République qu'on affaiblit.
Faut-il, pour autant, jeter le bébé avec l'eau du bain ? Non, et ce texte démontre tout l'intérêt du bicamérisme. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
M. René Vandierendonck . - Lors des États généraux de la démocratie territoriale, j'étais à Lille ; j'ai entendu les élus exprimer leurs attentes. Au-delà d'un statut, ils souhaitent que leurs droits à l'information et à la formation soient reconnus, qu'on les considère comme des serviteurs loyaux de la République.
Le champ avait été bien balisé avec des rapports, à droite comme à gauche. Je me souviens des travaux de MM. Dallier et Peyronnet au Sénat, de ceux de MM. Gosselin et Doucet à l'Assemblée. Le projet de loi Sueur-Gourault en fait la synthèse. Le bicamérisme, ce ne sont pas des lits superposés. (Sourires) Nous devions donc bien trouver un accord en CMP. Il a été trouvé. Ce texte comporte de réelles avancées, je vais tenter de vous le démontrer.
D'abord, la parité, la représentation des générations et des catégories socio-professionnelles seront mieux assurées dans nos assemblées locales. Ensuite, les élus demandaient plus un droit à la formation qu'un droit à l'information. Quelque 400 000 normes à connaître, imaginez ! Cela exige des compétences techniques. Le toujours jeune et sémillant Alain Richard y avait pensé quand il était rapporteur de la loi de 1982. Le DIF, la formation au cours de la première année de mandat, les dépenses obligatoires de formation, la validation des acquis de l'expérience constituent de vrais progrès.
Certains partis politiques ont leurs propres organismes de formation. Puisque le Gouvernement aime les chartes, je l'invite à concevoir une charte pour les organismes de formation avec fixation d'un référentiel unique.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument.
M. René Vandierendonck. - Idem pour la réinsertion professionnelle. Je dois beaucoup à M. Diligent, l'ancien sénateur de Roubaix. Il disait : « L'évolution, c'est la révolution sans avoir l'R » (Sourires). Je crois que c'est le cas de ce texte ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit, M. Pierre-Yves Collombat maugrée)
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État . - Je vous remercie pour votre important travail. Encore sénateur, j'étais intervenu à propos des indemnités des élus des petites communes : de fait, ceux-ci peinent à admettre leur légitimité.
Les orateurs ont eu raison de souligner les avancées de ce texte. Il faut le voter.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - À ce stade de la discussion, seuls sont recevables les amendements acceptés par le gouvernement.
ARTICLE 5 BIS
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Saugey, au nom de la commission.
Alinéas 16 et 20
Remplacer les mots :
de 1 %
par les mots :
, dont le taux ne peut être inférieur à 1 %,
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Cet amendement harmonise les dispositions relatives au financement du droit individuel à la formation des élus applicables à la Guyane et à la Martinique avec les dispositions applicables en métropole.
Interventions sur l'ensemble
M. Pierre-Yves Collombat . - Je suis minoritaire, j'en ai conscience. On a tenté de m'engloutir sous des flots de réalisme. Quelques explications, donc.
Un statut de l'élu est nécessaire pour les élus des petites collectivités locales, exclusivement. Comme cela n'intéresse pas les autres, nul ne s'est hâté de le mettre en place.
Qu'est-ce qu'un statut ? C'est l'ensemble des garanties et obligations qui s'attachent à un groupe. Ce groupe, ce sont les élus locaux, élus par les citoyens pour gérer les affaires publiques dans l'intérêt général. Tout le reste en découle ! Au point que cela représente une circonstance aggravante dans le code pénal.
M. Sueur a insisté sur la dizaine de mesures positives, elles sont là justement parce que le statut de l'élu local n'existe pas. Il faudra beaucoup de propositions de loi !
Ensuite, on ne peut pas séparer ce texte de son contexte : l'offensive anti-élus et anti-petites communes, véritable exercice de mortification ! À preuve ce que l'Assemblée nationale a fait de la loi NOTRe.
Dilemme : devons-nous renoncer au « droit d'aînesse » qu'est le statut des élus contre le « plat de lentilles » que sont les mesures microscopiques de ce texte ? Vous connaissez ma réponse : je veux un statut, celui dont on parlait en 1982, proposé par le sénateur Debarge, quand la gauche voulait encore changer la vie.
Mme Nathalie Goulet . - Mieux vaut des petits pas que pas de pas du tout. (Sourires) Le groupe UDI-UC votera naturellement ce texte. En 2000, le Sénat avait voté un excellent statut de l'élu local, complet et pour ainsi dire parfait, proposé alors par Jean-Paul Delevoye. Bien entendu, il n'a jamais été soumis à l'Assemblée nationale... Restera néanmoins à faire preuve de beaucoup de pédagogie pour améliorer le sort des élus locaux qui animent notre vie démocratique et forment notre corps électoral.
M. Jean-Pierre Sueur . - Lors de la discussion de la loi du 3 février 1992, j'avais proposé que la formation des élus fût dispensée non par les partis mais par des organismes tels que les universités. Je n'avais pas été suivi, cela eût pourtant évité bien des dérives.
Malgré mon amour pour Micromégas, je ne puis, même en cette année voltairienne, me résoudre à ce culte du minimalisme : « petits pas », « petites mesures », dispositions « microscopiques ». Amélioration du régime indemnitaire, droit à la formation, à la réinsertion professionnelle, je vote tout cela avec enthousiasme.
M. Pierre-Yves Collombat. - Cela n'a rien à voir avec la vie démocratique locale !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Je comprends à bien des égards la colère de notre collègue Collombat. Néanmoins, ne prenons pas le risque de repousser des mesures attendues par les élus locaux. La charte, sans la qualifier d'exercice de mortification, relève parfois de propos du café du commerce. Personne ne l'a attendue pour être probe, digne et impartial. La justice n'en a pas eu besoin pour poursuivre des élus. Elle est inutile mais les députés y tiennent ; elle ne contient rien qui nous offusque, acceptons-la pour faire passer ce à quoi nous tenons.
Les conclusions de la CMP sont adoptées.