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Table des matières
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Convention internationale (Procédure simplifiée)
Échange de renseignements relatifs aux comptes financiers
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État
Discussion de l'article unique
Malades en fin de vie (Deuxième lecture)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
M. Gérard Dériot, co-rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Michel Amiel, co-rapporteur de la commission des affaires sociales
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Mme Marisol Touraine, ministre
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Chambres d'agriculture en Bretagne
Retraites et pensions de réversion
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Charte européenne des langues régionales
M. Manuel Valls, Premier ministre
Politique fiscale du Gouvernement (I)
M. Manuel Valls, Premier ministre
Politique fiscale du Gouvernement (II)
M. Manuel Valls, Premier ministre
Réforme de la dotation générale de fonctionnement
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Approvisionnement électrique de la Guyane
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer
Conflits avec les professionnels du droit
Modification de l'ordre du jour
Malades en fin de vie (Deuxième lecture - Suite)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. Alain Milon, président de la commission
INTITULE DE LA PROPOSITION DE LOI
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Convention internationale (Procédure simplifiée)
Échange de renseignements relatifs aux comptes financiers
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État
Discussion de l'article unique
Malades en fin de vie (Deuxième lecture)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
M. Gérard Dériot, co-rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Michel Amiel, co-rapporteur de la commission des affaires sociales
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Mme Marisol Touraine, ministre
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Chambres d'agriculture en Bretagne
Retraites et pensions de réversion
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Charte européenne des langues régionales
M. Manuel Valls, Premier ministre
Politique fiscale du Gouvernement (I)
M. Manuel Valls, Premier ministre
Politique fiscale du Gouvernement (II)
M. Manuel Valls, Premier ministre
Réforme de la dotation générale de fonctionnement
Mme Marylise Lebranchu, ministre
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État
Approvisionnement électrique de la Guyane
Mme George Pau-Langevin, ministre
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État
Conflits avec les professionnels du droit
Modification de l'ordre du jour
Malades en fin de vie (Deuxième lecture - Suite)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. Alain Milon, président de la commission
Ordre du jour du mardi 3 novembre 2015
SÉANCE
du jeudi 29 octobre 2015
16e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
Mme la présidente. - M. le Président du Sénat a reçu hier un rapport de M. Jacques Mézard au nom de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, créée le 4 mai 2015, à l'initiative du groupe du RDSE, en application de l'article 6 bis du Règlement.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition « Lois et Décrets », de ce jour. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'Instruction générale du Bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera publié sous le n°126, le mercredi 4 novembre 2015, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Mme la présidente. - Monsieur le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
La commission des lois propose la candidature de M. Mathieu Darnaud pour siéger comme titulaire au sein de cet organisme.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Convention internationale (Procédure simplifiée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.
Le projet de loi est adopté définitivement.
Échange de renseignements relatifs aux comptes financiers
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers.
Discussion générale
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Non, je ne me suis pas égaré ! (Sourires) Je vous prie d'excuser l'absence de M. Sapin, retenu, et vous présente ce texte, essentiel aux yeux du Gouvernement, qui autorise l'approbation de l'accord multilatéral sur l'échange automatique d'informations à des fins fiscales.
Cet accord illustre concrètement les avancées de la transparence fiscale au niveau internationale ainsi que la coopération des États pour répondre aux fléaux que sont la fraude et l'évasion fiscales, fléaux qui portent atteinte aux recettes publiques comme à l'égalité devant l'impôt. Ne nous y trompons pas, il marque un changement d'époque.
La France, s'appuyant sur la loi américaine Fatca de 2010, est engagée de longue date dans la promotion d'un mécanisme d'échange d'information automatique, multilatéral et réciproque au sein du G20 et de l'OCDE. Ella a encouragé l'OCDE, avec ses partenaires du G5, à établir un standard technique d'échange.
Elle s'était engagée à appliquer ce standard sans retard dès qu'il serait techniquement au point, entraînant à sa suite une dizaine d'États, dits « précurseurs ».
M. Sapin a annoncé l'adoption du dispositif d'échange le 28 avril 2014. L'accord a été signé à Berlin en octobre 2015 par une cinquantaine d'États et de territoires. Il réunit 61 États, dont la Suisse. Depuis, 33 pays l'ont rejoint, s'engageant à transmettre les informations fiscales en 2017 ou en 2018, dont Hong-Kong et Singapour. Le conseil Ecofin du 9 décembre dernier s'est accordé sur une directive traitant du même sujet.
L'échange prévu est très large, puisqu'il porte sur les comptes bancaires, les contrats d'assurance vie, les soldes et les revenus perçus. Ainsi pourront être identifiés et réduits les mécanismes de fraude et d'évasion fiscale ; l'assistance mutuelle entre administrations fiscales, en aval, reste pertinente.
Son rôle dissuasif est déjà avéré. La cellule ad hoc de Bercy a recouvré deux milliards d'euros en 2014 ; 2,6 milliards sont attendus en 2015 via le mécanisme de régularisation mis en place.
Des règles ont été fixées de sorte que la confidentialité des données échangées sera garantie.
L'entrée en vigueur du dispositif est prévue pour le 1er janvier 2016. Les services du ministère des finances échangent déjà régulièrement avec les établissements financiers sur les diligences utiles pour qu'il fonctionne efficacement.
Cet accord est crucial pour lutter au niveau mondial contre la fraude et l'évasion fiscale. Le Gouvernement invite le Sénat à l'adopter. (Applaudissements)
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances . - Priorité politique majeure des pays de l'OCDE et du G20, la coopération fiscale repose, pour l'heure, sur l'échange d'informations fiscales à la demande, ce qui suppose la connaissance de ce qui est recherché et la bonne volonté des partenaires - conditions loin d'être aujourd'hui réunies. Pour aller plus loin, il a fallu une initiative unilatérale et cavalière des États-Unis, la loi Fatca de 2010. Les pays européens, le G20 n'avaient plus guère le choix...
Cet accord, signé par 94 États et fondé sur une norme commune au champ très large, prévoit que les données seront collectées dès le 1er janvier 2016, pour des échanges automatiques au plus tard en septembre 2017. C'est un progrès majeur que le recul du secret bancaire. Le pouvoir dissuasif de ce mécanisme est réel, puisque 2,7 milliards d'euros devraient être recouvrés par la cellule de régularisation en 2017.
L'accord présente cependant une faiblesse par rapport à Fatca, il n'est pas contraignant. Les grands États, dont la France, doivent tout faire pour convaincre les autres pays de les suivre. Autres faiblesses pour l'heure : l'incompatibilité des standards OCDE et Fatca et la non réciprocité du mécanisme américain. Quelles avancées peut-on escompter sur ces points, monsieur le ministre ? Doit-on s'inquiéter de la non signature de l'accord par les États-Unis ? Il faut noter également que les champs d'application diffèrent. Un comparatif détaillé est annexé au rapport.
Les établissements financiers et la DGFiP ont déjà mis en place une infrastructure numérique fondée sur le système élaboré pour Fatca.
Cependant, le balayage complet des comptes afin de déceler les non-résidents supposera de reprendre l'article 1649 AC du code général des impôts. Une période transitoire sera nécessaire pour que les acteurs s'adaptent au mécanisme - la loi Fatca prévoit d'ailleurs un tel délai ; le Gouvernement est-il ouvert à une telle solution ? Le montant de l'amende de 200 euros prévue pour dissimulation d'information est bien faible. La liste des États non coopératifs n'a pas été mise à jour depuis longtemps. Enfin, quid des entreprises multinationales ?
Ces réserves mises à part, cet accord est une avancée majeure ; je vous propose d'adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Cet accord marque une inflexion politique majeure. Il paraissait inenvisageable il y a seulement quelques années. Puis est passée la crise financière de 2007... On se souvient des conclusions des différents G20 et surtout de celui de 2009. Il a fallu que la loi Fatca change la donne de manière un peu brutale, en 2010, pour que soit mis à l'ordre du jour la levée du secret bancaire.
Cet accord organise l'échange automatique d'informations sur une base multilatérale, égalitaire et réciproque. La France a été leader dans ce dossier. L'évasion fiscale représente dans notre pays entre 80 et 100 milliards d'euros, plus que notre déficit public. La lutte contre la fraude commence à porter ses fruits.
Cet accord comporte néanmoins des faiblesses qui appellent à la vigilance. D'abord, ses stipulations ne sont pas contraignantes ; ensuite, leur application dépend largement des compatibilités techniques des systèmes d'information des États parties ; enfin, il conviendra de contrôler l'usage qui sera fait des données par les administrations étrangères et de veiller au respect des libertés individuelles.
Le RDSE salue cet accord et votera le texte. (Applaudissements)
M. Vincent Delahaye . - La lutte contre l'évasion fiscale est un impératif majeur. Le manque à gagner avoisine 60 milliards dans notre pays, situation d'autant plus insupportable au regard de l'état de nos finances publiques.
En 2012 puis en 2013, des commissions d'enquête sénatoriales ont alerté l'opinion publique sur la nécessité d'agir vite et fort. Il a fallu attendre la loi Fatca de 2010 pour que les choses évoluent en Europe ; la France s'est fortement mobilisée dans le processus qui a abouti à la signature, sous l'égide de l'OCDE, de l'accord de Berlin du 29 octobre 2014.
Le texte est ambitieux, par le caractère des informations transmises, l'étendue des comptes déclarables, les institutions financières concernées. Dans une certaine mesure, il a déjà porté ses fruits en accélérant les régularisations.
Il n'en comporte pas moins des faiblesses - caractère non contraignant, incompatibilité avec le mécanisme américain - que M. Doligé a détaillées. Il faudra aller vers un standard unique, multilatéral et réciproque.
Parce que cet accord représente un progrès majeur dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
Mme Marie-France Beaufils . - La crise des marchés financiers de 2008 a largement montré les errements dans lesquels les places boursières et l'industrie financière s'étaient fourvoyées. Elle a conduit les États, notamment ceux dont le secteur bancaire était le plus atteint, à intervenir massivement.
La crise a également attiré l'attention de l'opinion publique sur l'évasion fiscale, la fraude, les paradis fiscaux et poussé l'OCDE à réfléchir à de nouvelles régulations des marchés comme à de nouveaux moyens de lutte.
Les commissions d'enquête du Sénat, à l'initiative du groupe CRC, ont contribué à la réflexion collective. Rappelons que le manque à gagner pour nos finances publiques se situe entre 60 et 80 millions d'euros... La loi de séparation bancaire n'a pas eu les effets escomptés.
L'initiative des États-Unis, avec la loi Fatca, a contribué à ébranler les établissements bancaires. Le présent accord, qui s'en inspire, ne peut que recueillir notre assentiment. Sans être une arme fatale, c'est une étape nécessaire. Le poids de l'opinion publique aura été utile. Mais une démarche similaire en direction des entreprises transnationales serait autrement plus pertinente... Le rapporteur Doligé a souligné son effet dissuasif, source de recettes fiscales.
Éric Bocquet, dans son rapport, appelait un tel mécanisme de ses voeux. Alors, malgré ses imperfections, le groupe CRC ne boudera pas son plaisir et votera ce texte. (Applaudissements)
M. Jacques Chiron . - L'évasion fiscale semblait il y a peu encore si complexe, si nébuleuse, si structurée par une industrie qui en fait commerce qu'on n'imaginait pas pouvoir l'enrayer. Pour lutter contre ce phénomène, il a fallu ténacité et constance. En améliorant les connaissances sur le sujet d'abord, et je salue le travail accompli au Sénat, au sein du groupe de travail de la commission des finances et des commissions d'enquête. Ensuite, en formant des coalitions internationales, au sein desquelles la France a joué un rôle moteur. Le processus a été accéléré par trois événements que l'on n'a guère maîtrisés : l'intolérance croissante de l'opinion publique internationale, la raréfaction des ressources publiques et l'initiative Fatca.
Les réflexions internationales doivent être traduites dans les faits. Je me réjouis que la France ait été à la hauteur.
51 États ont signé l'accord d'octobre 2014 relatif à l'échange automatique d'informations relatives aux comptes bancaires, aux contrats d'assurance et aux trusts ; des États traditionnellement attachés au secret bancaire comme la Suisse, l'Autriche ou le Luxembourg et des centres offshore en sont parties. Je veux saluer le travail de Pierre Moscovici qui a poursuivi à Bruxelles son engagement pour la justice fiscale, ainsi que celui de MM. Sapin et Eckert.
L'accord de Berlin consacre une nouvelle norme mondiale, plus crédible, malgré ses imperfections, que celle de la loi Fatca.
Rétrospectivement, nous pouvons nous féliciter de la rapidité avec laquelle le rapport de forces s'est inversé, la lutte contre la fraude s'est concrétisée. Le mécanisme est déjà efficace, si l'on en juge par les régularisations fiscales déjà effectuées - 2,6 milliards attendus en 2015, qui contribueront, comme en 2016, à la baisse des impôts des classes moyennes et populaires. La moralisation est en marche.
Il reste des combats à mener, à commercer par celui de la fiscalité numérique et la fraude à la TVA.
Le groupe socialiste et républicain votera ce texte qui affermit le pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Gattolin . - Ah comme j'aurais aimé ne pas avoir à bouder mon plaisir ! C'est une vieille revendication des écologistes dont nous débattons ce matin. Quel parcours du combattant pour en arriver à ce texte de bon sens et de justice ! Mais rien n'aurait été fait sans la loi Fatca. Ce que cela révèle du fonctionnement de l'Europe est proprement terrifiant. La concurrence entre États membres y est si forte, les intérêts privés si puissants que même la lutte contre le secret bancaire n'a pas réussi à cristalliser une conscience collective... L'intérêt général européen a été défendu par une bravade américaine ! N'est-il pas temps d'avoir un sursaut d'orgueil ?
En France, c'est la loi sur la séparation bancaire qui a fait avancer les choses. Souvenons-nous cependant que lorsque le groupe écologiste voulait renforcer la transparence fiscale, Pierre Moscovici, ministre des finances, craignait alors en commission, avant de revenir sur sa position en séance, que la levée du secret bancaire nuise à la compétitivité des banques... Plus tard, les dispositions voulues par le Parlement européen pour plus de transparence, à l'initiative des parlementaires écologistes, ont encore fait l'objet de blocages par la Commission... Pouvons-nous compter sur l'engagement de la France pour que la transparence fiscale s'applique aux grands groupes ? Notre pays peut donner l'exemple.
Les écologistes voteront ce texte, heureux de le voir aboutir enfin, mais restent lucides sur sa genèse... (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur ceux du groupe socialiste et républicain)
M. Francis Delattre . - Nous nous félicitons tous que ce projet ait abouti. Il rendra automatique les échanges entre États, mais ceux-ci devront obtenir les informations de leurs établissements financiers, ce qui nécessitera un peu de travail d'approfondissement...
Le champ de cet accord est mondial, c'est un progrès incontestable. L'échange se faisait jusqu'alors en cas de soupçon a priori, dans des formats variés, de manière anonyme. Cela semble d'un autre temps désormais. C'est tant mieux.
Si les nombreux rapports parlementaires ont contribué à améliorer les connaissances sur ces sujets, c'est la loi Fatca qui a véritablement changé le rapport de force. Il a fallu ainsi l'épisode d'UBS pour qu'un zèle nouveau soit déployé en faveur de la réciprocité, ainsi que l'affaire de l'accord Rubik : l'Allemagne, rappelez-vous, aurait bénéficié d'un retour de 2 milliards d'euros par an sur les comptes de particuliers allemands en Suisse. Tout cela appartient, espérons-le, au passé. Nous sommes entrés dans un nouveau monde.
L'accord du 29 octobre 2014 instaure une nouvelle norme mondiale. La France y a fortement contribué, et 94 États se sont engagés à le signer dont 61 qui le mettront en oeuvre dès 2016. Le terme « diligences raisonnables » reste imprécis, mais il représente un premier pas. La nouvelle norme commune rendra accessible l'identité et le numéro fiscal du contribuable, son numéro de compte, le solde de celui-ci et les revenus financiers produits : cette transparence est bienvenue.
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, qui va ouvrir une nouvelle ère dans la mondialisation. Nous connaissons les réticences des pays anglo-saxons à l'égard de tels mécanismes. Félicitons-nous qu'elles soient vaincues. Qu'un citoyen, sous toutes les latitudes, soit soumis à la justice fiscale, cela n'annonce-t-il pas une forme de citoyenneté du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État . - Je remercie tous les orateurs et me réjouis de l'unanimité qu'ils ont manifestée.
Le refus des États-Unis de signer l'accord de Berlin s'explique simplement : ils ont déjà signé des accords bilatéraux sur la base de leur système Fatca. Les établissements français ont d'ailleurs déjà commencé leur coopération avec eux.
La mise en oeuvre de l'accord en 2016 était nécessaire pour montrer notre détermination sans faille à lutter contre l'évasion fiscale. La directive sera transposée avant le 31 décembre 2015.
Les sanctions prévues sont inspirées de celles qui existent déjà aux articles 1736 et 1729 B du code général des impôts. Il s'agit de 200 euros par erreur ou information non transmise - il y en a des millions. Le total est potentiellement très élevé, sans être disproportionné.
Enfin, la liste des territoires non coopératifs sera publiée très prochainement. M. Sapin y demeure très attaché.
Un mot enfin : la cellule de Bercy récupère cette année plus de 2 milliards d'euros ; le Gouvernement a fait le choix de baisser les impôts de millions de nos compatriotes en 2016. C'est un signe important de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est adopté.
Malades en fin de vie (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Discussion générale
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Au début du mois d'octobre, l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture cette proposition de loi. Donner de nouveaux droits aux malades est une exigence parce que les progrès de la médecine ont modifié notre rapport à la mort. L'espérance de vie s'allonge, les attentes des Français ont évolué et des affaires très médiatisées ont agité l'opinion publique.
La mission confiée au Professeur Sicard, les débats en région et la conférence citoyenne organisée par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ont permis à nos concitoyens de s'exprimer. Il en ressort que les soins palliatifs sont peu accessibles à tous, ou du moins pas dans les mêmes conditions, que les Français connaissent mal leurs droits et qu'une nouvelle étape est nécessaire pour mieux accompagner nos concitoyens en fin de vie. D'où la mission confiée aux députés Claeys et Leonetti et l'élaboration de cette proposition de loi.
L'Assemblée nationale s'est prononcée par deux fois, à une très large majorité, en faveur de ce texte. Votre assemblée l'examine à nouveau après l'avoir rejeté en première lecture. De fait, après vos débats, il ne correspondait ni aux attentes de la majorité gouvernementale, ni à celles de la majorité sénatoriale. Il correspond à un point d'équilibre.
La seule question qui vaille est : le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale répond-il aux attentes des Français ? Oui, c'est ma conviction.
Il s'agit d'abord de renforcer les soins palliatifs. Les Français ne sont pas égaux devant la mort. Deux tiers de ceux qui meurent de maladie auraient besoin de soins palliatifs. Bien que le nombre de lits ait été multiplié par vingt en dix ans, trop nombreux sont ceux qui n'y ont pas accès ou n'y accèdent que trop tard. D'où le plan triennal lancé par le président de la République que je présenterai bientôt aux acteurs lors d'un déplacement auprès d'une structure particulièrement engagée dans les soins palliatifs à domicile - car les soins palliatifs doivent entrer en maisons de retraite et à domicile et ne pas se limiter à l'hôpital. Ses objectifs sont de mieux informer les patients, de renforcer la formation des professionnels, de développer les prises en charge de proximité, de réduire les inégalités d'accès. Sans attendre, j'ai dégagé 40 millions d'euros supplémentaires dans le budget 2016 de la sécurité sociale pour renforcer le développement des soins palliatifs ; concrètement, cela se traduira par trente équipes mobiles de soins palliatifs et la création de six unités. Les ARS veilleront à l'effectivité du droit d'accès universel aux soins palliatifs sur tout le territoire. Ce combat nous rassemble tous.
Deuxième avancée du texte : mieux faire connaître aux Français leurs droits. La moitié d'entre eux ignorent qu'un patient peut demander l'arrêt des traitements qui le maintiennent en vie ; et seuls 2,5 % ont rédigé des directives anticipées... Ce constat ne doit pas inciter à l'inaction ou à la résignation. Un modèle-type de directives anticipées sera élaboré sous l'autorité de la Haute Autorité de santé et un registre national automatisé créé.
Pour inciter nos concitoyens à se saisir de ce droit, encore faut-il les convaincre de son effectivité. Là encore, ce texte marque une avancée : les déclarations anticipées seront contraignantes pour les professionnels de santé, sans date de validité. La volonté du patient sera déterminante. Rester maître de sa vie comme de sa mort, c'est un enjeu de dignité.
Troisième avancée, l'encadrement de l'arrêt des traitements. Des progrès ont été faits mais en l'état actuel du droit, seuls les professionnels peuvent décider de mettre fin aux traitements ; ils sont parfois désemparés face à des situations qui les laissent dans la solitude de leur conscience. Les Français attendent une démédicalisation de la fin de vie. Le texte précise les modalités de l'interruption des traitements, clarifie la notion d'obstination déraisonnable avec le droit à bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme.
Or le texte de votre commission est en recul non seulement sur la version de l'Assemblée nationale mais aussi sur la loi Leonetti de 2005, en ne conservant que deux critères : la disproportion des traitements et le maintien artificiel de la vie. Des patients pourraient recevoir des traitements que les médecins eux-mêmes considèrent inutiles - c'était le troisième critère que vous avez supprimé. Le recul est aussi flagrant sur l'hydratation artificielle que vous avez assimilée à un soin pouvant être prodigué jusqu'au décès. Un patient qui ne serait plus alimenté continuerait d'être hydraté artificiellement ; ses souffrances seraient prolongées. C'est contraire à l'esprit de la proposition de loi : je proposerai par amendement de revenir à la définition de l'obstination déraisonnable de l'Assemblée nationale. L'hydratation et l'alimentation artificielles sont des traitements susceptibles d'être arrêtés.
Offrons aux Français la possibilité de mourir aussi dignement qu'ils ont vécu. J'espère vous convaincre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Gérard Dériot, co-rapporteur de la commission des affaires sociales. - Le 6 octobre dernier, l'Assemblée nationale a adopté un texte presqu'identique à celui qu'elle avait élaboré en première lecture. Le rapporteur Leonetti s'en est justifié en affirmant vouloir un dialogue de fond entre nos deux assemblées. En séance publique, les députés ont néanmoins repris certaines de nos propositions. Pour l'essentiel, la co-signature par la personne de confiance par laquelle elle est désignée et la liberté de la forme donnée aux directives anticipées.
Notre commission a fait le choix, non de rétablir son texte, mais d'intégrer des amendements qui avaient été adoptés en séance publique. La sédation profonde et continue ne constitue pas un acte d'euthanasie, cela est écrit clairement, elle concerne les seuls malades en fin de vie, dont la souffrance est réfractaire aux traitements.
Notre commission a accepté de rendre opposables les directives anticipées puisqu'elles peuvent demander ou refuser l'arrêt des traitements. Nous avons préservé la liberté d'appréciation du médecin compte tenu de la situation du malade. En revanche, nous avons maintenu que l'hydratation est un soin, qui peut être poursuivi jusqu'au décès.
Le Sénat, pour peser dans ce débat transpartisan, doit adopter un texte, faute de quoi c'est celui de l'Assemblée nationale qui s'imposerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Amiel, co-rapporteur de la commission des affaires sociales . - Gérard Dériot vient de vous dire dans quel esprit de compromis nous avons travaillé. Notre commission a oeuvré pour que le malade puisse demander l'arrêt des traitements et une sédation profonde et continue ; que les directives anticipées soient révisables et révocables à tout moment et par tout moyen ; que leur existence soit rappelée à leur auteur ; que le témoignage de la personne de confiance prévale sur tout autre.
Nous avons insisté pour que les soins palliatifs soient accessibles sur tout le territoire, car on meurt très mal en France.
À l'article 2, nous avons supprimé la référence à l'inutilité des traitements prescrits, afin de mieux garantir les droits des patients ; l'Assemblée nationale n'avait pas précisé les modalités d'arrêt des traitements.
À l'article 3, nous avons repris à notre compte l'amendement CRC à propos de la procédure collégiale pour lever toute ambiguïté sur son pouvoir d'opposition. Enfin, la sédation doit pouvoir être réalisée partout : à l'hôpital, en Ehpad ou à domicile.
À l'article 14, le contenu du rapport annuel a été précisé. Les besoins en soins palliatifs sont criants, nous attendons le plan triennal. Cette loi est faite pour ceux qui vont mourir et non ceux qui veulent mourir. Cela balaie tout risque d'euthanasie. En cela, elle est au plus près de la vie.
« La mort heureuse, la tête dans les étoiles », décrite par Albert Camus est hélas rare. Avançons ! (Applaudissements)
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Je salue le travail de la commission des affaires sociales, particulièrement éclairé et consensuel. Lors de débats humanistes, profonds et sereins, elle a intégré les préoccupations exprimées par la commission des lois. Son texte constitue le socle de l'accord à forger sur cette proposition de loi.
Nos amendements ne visent en rien à atténuer la force de ses propositions, au contraire. La légitimité et l'opportunité de nos interventions tiennent à l'exigence que soient supprimés tous les automatismes décisionnels et que soient préservées la liberté d'appréciation du médecin et surtout la volonté du malade. D'où notre appréciation sur la sédation profonde et continue en cas de souffrance réfractaire à tout autre traitement : l'Assemblée nationale voulait rendre obligatoire d'y recourir ; nous supprimons cette automaticité. On ne peut jamais faire l'impasse sur la volonté du malade.
Comme l'a dit Gérard Dériot, l'équilibre entre devoirs des soignants et droits des malades doit être impérativement préservé. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - À maintes reprises, je me suis exprimé sur la fin de vie, un sujet polémique qui cristallise les passions car il touche à l'essence même de nos interrogations existentielles. Convenons que nous devons trouver des solutions humaines et respectueuses.
Le législateur n'en est pas à sa première loi : nous avons progressé avec les lois de 1999, de 2002, de 2005. Les différents textes législatifs ont sans doute besoin d'être toilettés en raison du vieillissement de la population, des progrès de la médecine et de l'émergence de pratiques alternatives auxquelles l'accès reste inégalitaire.
Le credo de cette loi est de donner à chacun la possibilité d'une fin de vie digne et apaisée. Cependant, une loi ne modifie pas immédiatement les pratiques. Les médecins souhaitent l'intervention d'équipes de soins palliatifs, leur désir de soulager la souffrance des patients est fort. Certains craignent d'administrer des doses de sédatifs trop fortes menant au décès, d'autres le hâtent. C'est aussi leurs propres angoisses face à la mort et face à l'efficacité de leurs traitements que les médecins rencontrent en ces circonstances, et cela amène certains d'entre eux à se dire favorables à une euthanasie. Il nous faut protéger la liberté des individus contre les interventions indues de l'État.
La fin de vie ne doit pas être délaissée au profit d'autres moments de l'existence ; la souffrance est souvent intolérable pour le malade et pour ses proches. Le bien mourir fait désormais partie de notre société. Comme le dit le professeur Hirsch : « Ainsi se refondent les valeurs compassionnelles de notre démocratie ». Une démocratie elle-même sédatée...
Si assurer une mort digne représente un progrès, nous ne pourrons pas éliminer les demandes d'euthanasie et de suicide assisté. Le droit à mourir dignement est-il un progrès de l'autonomie des malades ? C'est une question morale à laquelle la société ne peut échapper.
Le texte de la commission des affaires sociales, qui intègre les amendements de la commission des lois, comporte des avancées tout en étant le fruit d'un consensus. C'est rare.
Selon Emmanuel Hirsch toujours, notre société est prête à des avancées. Les sondages, consultations, rapports, l'ont montré. Le problème de la fin de vie ne concerne pas que quelques patients ou cas médiatiques comme celui de Vincent Lambert. Avançons pour rendre la fin de vie la plus digne possible. (Applaudissements)
Mme Françoise Gatel . - Ce texte difficile met en cause nos convictions et nos valeurs. Il vient après la loi Leonetti de 2005 et nous rappelle la double inégalité d'accès aux soins palliatifs : seulement 20 % des patients accèdent aux soins palliatifs, 70 % des lits en soins palliatifs sont concentrés dans cinq régions. Les 40 millions d'euros supplémentaires et le plan triennal sont bienvenus, et nous en attendons le détail avec impatience.
Autre faiblesse, le manque de formation des professionnels aux soins palliatifs. La médecine doit être enseignée dans toutes ses finalités curative et palliative.
La fin de vie soulève des questions éthiques dans une société qui a banni la mort, vécue comme un échec. Est-ce ainsi que les hommes doivent mourir ? S'éteindre dans la souffrance ?
Le texte du Sénat, pesé au trébuchet, exempt de toutes les scories qui pouvaient provoquer les consciences, représente un geste d'humanité et de fraternité, qui honore notre assemblée. Je le voterai avec la majeure partie de mon groupe (Applaudissements)
Mme Annie David . - La mort, parce qu'elle ressortit à l'intime, au personnel, doit néanmoins être débattue au Parlement. Médecins, familles et patients nous attendent.
Le texte de première lecture décevait : il y manquait un volet financier, la sédation profonde et continue était réservée aux seuls malades dont le pronostic vital était engagé. Malgré sa modestie, la droite sénatoriale s'était liguée pour le vider de son sens. Dommage car nous avions renforcé la formation aux soins palliatifs en Ehpad et appelé au développement des soins palliatifs.
Le texte qui nous revient est bien meilleur. Cependant, nous déposerons des amendements pour rendre les déclarations anticipées strictement opposables au médecin mais aussi donner la possibilité de nommer une personne de confiance suppléante et, surtout, autoriser le suicide assisté quand la maladie est incurable. Tel est le sens que revêt à nos yeux le droit de mourir dans la dignité, droit que nous voulons approfondir.
Le bien mourir dépend des convictions morales, religieuses, ou simplement dictées par l'expérience vécue ; Il est donc difficile d'élaborer un texte correspondant à la vision que chaque Français a de sa propre mort. Cependant, le texte que nos commissions présentent en deuxième lecture est une bonne synthèse que le groupe communiste républicain et citoyen votera s'il n'est pas dénaturé en séance publique. (Applaudissements à gauche)
M. Georges Labazée . - Hier soir, le Sénat a voté à la quasi-unanimité le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement renforçant l'autonomie des personnes âgées. Je ne vois pas dans le présent texte une suite logique (Sourires), mais me félicite que le Sénat soit soucieux de créer de nouveaux droits pour les personnes isolées ou souffrantes.
Ce texte nous a fait vivre des heures difficiles dans l'hémicycle. Chacun a l'expérience de la mort d'un proche, personne ne veut réduire les souvenirs d'un être cher à ceux d'un corps en souffrance. Oui, cela a été difficile mais nous ne sommes pas là pour refaire le match.
Merci à Mme la ministre de son engagement pour les soins palliatifs, aux rapporteurs d'avoir apaisé les craintes des sénateurs, à défaut d'avoir apaisé toutes celles des malades.
Peut-être que, si nous étions allés plus vite, le docteur Bonnemaison aurait eu droit à un autre sort devant le tribunal.
Le Sénat est parvenu à un accord en commission. D'ailleurs, ne suivant pas le Conseil d'État, il a choisi de faire de l'hydratation artificielle un soin. Ainsi, nous étonnons-nous de l'amendement n°28 qu'a déposé la ministre.
Comme le groupe communiste républicain et citoyen, le groupe socialiste et républicain votera ce texte pourvu qu'il ne soit pas dénaturé en séance. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Corinne Bouchoux . - Merci aux rapporteurs et au président de la commission des affaires sociales d'avoir, par leur travail sérieux et réfléchi, réussi à améliorer l'image du Sénat qui avait été écornée par nos travaux sur la fin de vie en première lecture. Néanmoins, un homme, Jean Mercier, a été condamné la semaine dernière pour non-assistance à personne en danger : il a abrégé les souffrances de sa femme qui duraient depuis trente ans. Si nous n'avons pas à commenter des décisions de justice, nous pouvons constater une évolution des moeurs.
Ce texte ne concerne pas ceux qui veulent, mais ceux qui vont mourir. Certes nous ne pourrons pas traiter de tous les cas, le législateur se doit néanmoins d'entendre toutes les revendications. Nous proposons de reconnaître la volonté du patient de bénéficier d'une assistance active à mourir. Avec le recours à une sédation profonde et continue, le texte contient une avancée. L'équipe soignante en décidera collégialement, ce qui représente une importante garantie.
Ce texte, pour certains dont nous sommes, ne va pas assez loin. Mais la loi de 2005 avait des faiblesses, auxquelles cette proposition de loi remédie. L'équilibre est difficile à trouver, nous persistons à vouloir aller plus loin plus tard. Dans l'immédiat, nous nous abstiendrons. (Applaudissements à gauche)
Mme Brigitte Micouleau . - Dix ans après la loi Leonetti, un constat s'impose : les soins palliatifs sont loin d'être accessibles à tous, et les inégalités territoriales restent fortes. Trop de nos concitoyens sont dans une détresse extrême face à la maladie et à la souffrance. Les dysfonctionnements ont été révélés par le rapport annuel de la Cour des comptes de 2015, qui relève les disparités en termes de taux d'équipement. Certes, nous sommes passés de 90 à 122 unités de soins palliatifs, et les lits de 142 à 1 301. Mais c'est 5 000 nouveaux lits qu'il faudrait. Et les soins palliatifs sont inexistants dans les Ehpad.
Quelque 85 % des Ehpad ne dispose pas d'infirmières de nuit. D'où les recours aux urgences, où 22 % des personnes qui y meurent ont plus de 90 ans. La majorité d'entre elles auraient pu bénéficier des soins palliatifs.
La formation des professionnels aux soins palliatifs reste insuffisante de même qu'à l'écoute et à l'accompagnement psychique des patients. Le plan triennal de promotion de la culture palliative devra être traduit concrètement en loi de financement de la sécurité sociale. Je salue enfin le travail de la commission des affaires sociales. (Applaudissements au centre et sur la plupart des bancs à droite)
M. Gilbert Barbier . - Le 25 janvier 2011, au cours d'une longue nuit, nous avons débattu d'un texte voisin de celui-ci. Je garde un souvenir douloureux des échanges vifs entre Guy Fischer et Jean-Louis Lorrain : leurs positions étaient différentes mais ils souffraient tous deux du mal qui devait les emporter quelque temps plus tard.
Chacun, sur ce sujet, a ses convictions. Ce texte s'appuie sur le devoir de ne point nuire et de protéger les plus faibles. Que faire lorsque le patient estime que ses souffrances psychiques et physiques sont telles qu'il veut mourir ?
Nous sommes face à deux courants de pensée qu'il est vain de croire pouvoir réduire en jouant sur l'ambiguïté de certains mots. Entre le souhait d'éviter toute souffrance et la crainte d'une fin provoquée, la tension est grande. Fallait-il légiférer à nouveau ? Au nom du compromis, dois-je renoncer au serment que j'ai prêté ? J'ai relu Axel Kahn, Léon Schwartzenberg, Marie de Hennezel, Jean Luc Romero, Vladimir Jankélévitch et d'autres. La loi de 2005 semblait donner le droit de ne pas souffrir. Faut-il donner la mort par compassion ?
J'ai parcouru longuement l'amendement signé par 137 députés à l'Assemblée nationale. J'ai bien entendu vos propos madame la ministre : cette proposition de loi est « une étape ». Mais une étape vers quoi ? Vers la suppression de l'emprise des médecins sur nos vies, disent certains.
Certains professeurs se demandent ce que signifient vraiment les termes que nous employons : sédation profonde, assistance médicale à terminer sa vie, acharnement thérapeutique, obstination déraisonnable. Ces termes crus ne peuvent que nous interpeller. Emmanuel Hirsch parle, lui, d'obstination politique déraisonnable. Il n'est pas nécessaire de vote une nouvelle loi.
Merci au président du groupe RDSE de m'avoir permis d'exprimer une position qui n'est pas partagée par mes collègues du groupe. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Dominique de Legge . - Cette proposition de loi a donné lieu à de véritables débats de conscience. Je me réjouis que le débat ait eu lieu ; il est à l'honneur de notre assemblée.
Fallait-il revenir sur la loi Leonetti ? Gilbert Barbier l'a dit : il n'y avait peut-être pas urgence. Les amendements que nous avons déposés ont été adoptés, je m'en réjouis ; ils limiteront la judiciarisation de la mort.
La navette a rendu le texte plus équilibré, plus consensuel. La commission des affaires sociales reprend certaines dispositions votées en séance, ce qui est heureux. Je salue le travail réalisé en commission.
Le Sénat doit sortir un texte : nous sommes résolus à y parvenir, nous sommes prêts au dialogue. Mais les mêmes qui appellent au consensus disent vouloir revenir dès que possible sur le texte adopté en commission des affaires sociales ! Évitons tout marché de dupes.
Le développement des soins palliatifs était une exigence de la loi Leonetti, reprise ici, je m'en réjouis, de même que de l'assurance des 40 millions d'euros supplémentaires en loi de financement de la sécurité sociale.
Les directives anticipées contraignantes, l'avis de la personne de confiance, tout cela va aussi dans le bon sens.
Nous avions en première lecture supprimé la mention « continue jusqu'au décès » de la disposition relative à la sédation profonde et continue. Son caractère impératif contrevenait, selon nous, à la liberté de chacun. Au reste, inscrire une prescription médicale dans la loi serait sans précédent.
La navette a fait apparaître l'impossible prise en compte de tous les cas de figure. Nous déterminerons notre vote final à l'issue de la commission mixte paritaire : les avancées votées en commission des affaires sociales devront figurer dans le texte final. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Godefroy . - Je risque d'avoir le sentiment de me répéter, depuis 2001... Ma position n'a en effet pas changé. Écrire la loi sur la fin de vie est un exercice très délicat. Nous n'avons considéré que l'individu : sa dignité, ses valeurs. Jean-Claude Ameisen a posé une très bonne question : faut-il soulager la douleur ou raccourcir le temps qu'il reste à vivre ? Au malade de le déterminer. Il doit disposer d'un droit contre la souffrance mais aussi d'une ultime liberté dont il peut user ou non de demander une assistance médicalisée à mourir, qui ne porterait atteinte à personne d'autre... À mon sens, cela apaiserait bien des malades.
Je regrette le décalage entre cette proposition de loi et l'opinion publique. J'ai déposé un amendement à l'article 3 pour clarifier le choix, que chacun devrait pouvoir faire, non entre la vie et la mort mais entre deux façons de mourir.
Madame le ministre, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que le débat resterait ouvert, que le Parlement pourrait vouloir franchir une étape supplémentaire. Heureusement ! Mais quand ? Avec quelle majorité ?
L'article 3 permettra d'harmoniser les pratiques sédatives sur tout le territoire. L'article 8 sur le caractère contraignant des déclarations anticipées est une autre avancée, favorable à l'autonomie des personnes. L'article 9 sur la désignation de la personne de confiance va dans le même sens.
L'hydratation artificielle est considérée par la commission des affaires sociales comme un soin pouvant être maintenu jusqu'au décès : cette formulation, qui me semble protéger les malades, devrait faire consensus.
La société, j'en suis convaincu, est toutefois prête à aller plus loin. Je remercie le président Milon pour son écoute permanente et amicale, les rapporteurs pour leur remarquable travail et Guy Labazée pour la qualité de nos échanges.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marisol Touraine, ministre . - Nos échanges ont été déjà riches en première lecture, je ne dirai donc qu'un mot de remerciement. Nous partageons tous la volonté de respecter les préoccupations de chacun et je veux saluer l'attachement des orateurs au consensus et leurs propos apaisés qui n'entament en rien leurs convictions.
Le Gouvernement a précisément cherché un point d'équilibre. La question de la prolongation d'un traitement se pose de plus en plus souvent avec les progrès de la médecine. Il ne saurait y avoir la moindre automaticité dans l'administration de sédation profonde et continue ; ce texte est fondamentalement un texte de liberté.
Une étape vers quoi ?, me demande Monsieur Barbier. La réponse est simple : vers ce que souhaiteront les parlementaires. Je dis à ceux qui veulent aller plus loin : il vous appartient de poursuivre le mouvement enclenché. Les débats seraient sans doute vifs. La porte reste toutefois ouverte.
J'ai déjà évoqué le malaise du Gouvernement sur l'article 2 tel que récrit par la commission des affaires sociales. Nous y reviendrons dans la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du groupe socialiste et républicain et du groupe UDI-UC)
La discussion générale est close.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Mme la Présidente. - La commission des lois a présenté une candidature pour la désignation d'un membre titulaire au sein de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, je proclame M. Mathieu Darnaud membre titulaire de cet organisme extra-parlementaire.
La séance est suspendue à 13 h 10.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Chambres d'agriculture en Bretagne
M. Joël Labbé . - Les présidents des chambres d'agriculture des quatre départements de la région Bretagne, établissements publics financés par l'impôt, ont adressé le 28 décembre dernier un courrier aux agriculteurs bretons pour les inciter à refuser de déclarer les flux d'azote qu'ils répandent, les appelant donc à violer la réglementation. À ma connaissance, le Gouvernement est resté silencieux devant ce grave manquement. Monsieur le ministre de l'agriculture, j'attends que vous les rappeliez à leur devoir, à leurs obligations, à leurs responsabilités.
Sur le fond, cette obligation a servi dans les négociations avec la Commission européenne à justifier la fin de l'interdiction de l'extension des élevages industriels et des zones d'excédent structurel, ainsi que des divers contentieux sur les prises d'eau.
Si le principe de l'obligation est justifié, son application n'est pas satisfaisante. Derrière les raisons des chambres d'agriculture on trouve l'ombre de la toute-puissante FNSEA... (Exclamations à droite) En cas de dépassement des flux sur un département, la sanction concerne toutes les exploitations, même les plus vertueuses. Le volet sanctions du dispositif doit être revu.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Il s'agit de la règle de l'azote total : en Bretagne, alors que des zones sont en excédent d'azote organique, certains fertilisent leurs terres avec de l'azote minéral ; le principe est que l'excédent du premier se substitue au second.
Pour ce faire, il faut une référence pour ces deux types d'azote. Oui, les chambres d'agriculture sont des établissements publics, le préfet de région les a convoquées le 16 octobre pour leur rappeler leurs obligations. Quant aux sanctions, je suis prêt à les reconsidérer pour cibler ceux qui utilisent les plus de fertilisants à l'hectare. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et écologiste)
Retraites et pensions de réversion
Mme Michelle Demessine . - Cette semaine, la presse nationale s'est fait l'écho de futurs retraités qui connaîtront des retards dans le versement de leur pension. Le directeur de la CNAV a minimisé la situation, 3 à 4 % des dossiers seulement seraient concernés - mais pas moins de 23 700 personnes tout de même...
Ma région Nord-Pas-de-Calais-Picardie est dans cette situation douloureuse depuis 2013 ; c'est le résultat du tout informatique, des baisses d'effectif, des fermetures d'accueils et des réformes menées pour réaliser des économies de gestion. En matière sociale, l'humain doit être préservé.
La ministre a pris un décret le 15 août dernier rendant le droit à la retraite opposable. Quid cependant des régimes spéciaux et surtout des pensions de réversion ? Le scandale de la Carsat continue, sans compter que les Caf connaissent elles aussi des difficultés. Le personnel est en première ligne, et c'est dur. La situation est source d'agressivité, voire d'agressions. À lire la convention d'objectifs 2014-2017, 9 000 postes doivent encore être supprimés dans l'ensemble des organismes sociaux ; la branche retraite a perdu 1 600 emplois depuis 2009.
Que faire pour que nos services sociaux, si précieux en ces temps difficiles, retrouvent leurs lettres de noblesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Il est vrai que la Carsat Nord-Pas-de-Calais a connu une surcharge de dossiers. C'est pourquoi, au-delà des aides d'urgence et des garanties des petites retraites, j'ai décidé d'un droit opposable à la retraite à compter du 1er janvier 2016 pour tous les dossiers déposés depuis le mois de septembre. C'est vrai d'abord pour la CNAV, le RSI et le RSA ; le dispositif a vocation à s'appliquer à l'ensemble des régimes de base. J'ai indiqué hier que ce droit opposable s'étendrait aux pensions de réversion, qui seront versées au plus tard quelques semaines après l'ouverture de leurs droits.
Mme Catherine Di Folco. - Et les hommes ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Vous le voyez, nous faisons le nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Charte européenne des langues régionales
M. François Marc . - Monsieur le Premier ministre, le rejet par le Sénat de la Charte des langues régionales a créé une onde de choc dans les territoires. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Hubert Falco. - La mer s'est retirée !
M. François Marc. - 25 pays l'ont pourtant ratifiée depuis 1992. La droite sénatoriale a énormément déçu tous les promoteurs des cultures et langues régionales, qui, dans leur riche diversité, ont tant apporté à notre République une et indivisible. Nos compatriotes ne comprennent pas d'où viennent les craintes, alors que le Conseil constitutionnel reconnaît déjà les langues régionales comme faisant partie du patrimoine culturel de la France.
M. François Grosdidier. - Personne ne dit le contraire !
M. François Marc. - Les Nations unies lancent l'alerte sur la disparition de 90 % des langues parlées dans le monde au XXIe siècle. Il faut réagir contre ce qui serait une catastrophe pour une République forte et riche de ses langues. (M. Roger Karoutchi s'exclame)
Quelle analyse faites-vous du vote du Sénat ? (Brouhaha à droite, qui couvre la voix de l'orateur)
Mme Nicole Bricq. - Ferez-vous une réponse en catalan ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Oui, les langues sont une richesse pour le monde et pour la France. (M. Jean-Baptiste Lemoyne ironise) Notre pays est riche de son histoire, de la diversité de ses territoires, ceux que vous représentez, de ses traditions en métropole et outre-mer, de son unité aussi. Ce n'est pas un paradoxe : la République est à la fois une, indivisible et diverse ; c'est sa chance et sa force.
Je regrette profondément le choix de la majorité sénatoriale. Quand la France a besoin d'écrire une histoire qui reconnaît toutes les histoires, de construire un destin commun qui fait place à tout le monde, ce choix est une erreur politique : pour masquer vos propres divisions, vous avez utilisé un artifice de procédure... (Protestations à droite) Vous n'avez pas été les premiers, vous ne serez pas les derniers à le faire... Mais vous avez refusé d'entendre les Français que vous représentez.
C'est aussi un contresens : la Charte ne favorise pas le communautarisme, elle protège et promeut les langues régionales comme partie intégrante du patrimoine culturel.
M. François Grosdidier. - C'est déjà dans la Constitution !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Je suis attaché comme vous à la langue française, qui permet à notre pays de porter haut dans le monde nos valeurs universelles. Porter ces valeurs, défendre la République, ce n'est pas rejeter les langues régionales.
M. François Grosdidier. - Faux procès !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Une République forte, c'est une République confiante en elle-même, une et indivisible, pas enfermée dans une conception rabougrie de son unité, une République qui n'a pas le coeur sec mais intègre à son patrimoine tous les imaginaires sans lesquels elle ne serait pas elle-même.
Mona Ozouf dit qu'on peut être à la fois Breton, français et républicain. Voilà une belle conception, ouverte, de ce que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste, et sur plusieurs bancs du groupe CRC)
Politique fiscale du Gouvernement (I)
M. Jean-Léonce Dupont . - Il y a quelques jours, Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé d'une fiscalité trop élevée qui avait fait des dégâts considérables, d'une rupture entre les Français et l'impôt. Je vous en sais gré, d'autant que certains de vos amis ne pensent pas ainsi. L'année prochaine encore, des foyers fiscaux soumis à l'impôt sur le revenu verront augmenter leurs charges. Certes le nombre d'assujettis diminuera en 2015 mais le produit de l'impôt sur le revenu augmentera, de 59,5 milliards en 2012 à 72 milliards en 2016. Quand mettrez-vous vos actes en accord avec vos propos ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Oui, l'impôt sur le revenu a beaucoup augmenté depuis 2010... Oui, nous avons dû augmenter celui des ménages les plus aisés pour redresser nos comptes publics. Mais les augmentations successives ont rendu imposables des ménages qui n'avaient pas vocation à l'être, et le poids de la fiscalité sur les classes moyennes est devenu excessif. La responsabilité est partagée : 12 millions d'augmentation sous la droite, et autant sous la majorité actuelle. J'assume mes responsabilités, que chacun fasse de même - en 2008, la suppression de la demi-part supplémentaire pour certaines personnes a eu des conséquences lourdes. Notre effort de 2014 et 2015 au profit des classes moyennes sera poursuivi en 2016. Au total, l'impôt sur le revenu des ménages modestes et des classes moyennes a baissé de 5 milliards d'euros depuis 2014, comme je m'y étais engagé dans ma déclaration de politique générale.
En matière de fiscalité locale, un effort important a déjà été fait. Nous irons au-delà dans le projet de loi de finances pour 2016 grâce à un amendement de Mme Pires Beaune ; vous aurez l'occasion d'en débattre.
L'honnêteté, c'est de reconnaître que les finances publiques étaient dégradées, le déficit était de 5 % du PIB, les dépenses publiques non maîtrisées. Les Républicains veulent aujourd'hui les diminuer de 100 à 150 milliards ? Comment ferez-vous ? Vous attaquerez-vous à l'Intérieur, à la Défense, à l'Éducation nationale ? Oui, nous baissons les impôts et les dépenses publiques tout en préparant l'avenir. Voilà la politique du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Léonce Dupont. - La responsabilité est peut-être partagée, mais vous êtes au pouvoir depuis trois ans et demi... Je n'ai pas le sentiment que les impôts baissent ni que les dépenses publiques baissent... Espérons que certains de vos amis abandonnent une vision moralisatrice de l'impôt pour lui préférer un équilibre entre justice et efficacité économique.
Politique fiscale du Gouvernement (II)
M. Daniel Laurent . - Depuis le début du quinquennat, la politique fiscale du Gouvernement a provoqué une rupture des Français avec l'impôt. Je pense aux classes moyennes mais aussi aux retraités, dupés avant d'être tondus... Vous ne faites pas de réforme de fond à cause de la perspective de 2017... Vous financez les baisses d'impôt par la hausse de la fiscalité sur le diesel, reprenez d'une main ce que vous avez donné de l'autre... La semaine dernière, le Premier ministre a fait son mea culpa. Mais les impôts sur les ménages ont augmenté de 10 milliards d'euros en 2014, de 5 milliards d'euros en 2015 et de 4 milliards d'euros en 2016.
Les autres pays européens, eux, font leur révolution fiscale, baissent les impôts et le chômage diminue... Et je ne parle pas des conséquences dramatiques de la baisse des dotations aux collectivités territoriales... Les Français sont inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants. (Brouhaha et claquements de pupitre sur les bancs du groupe socialiste et républicain pour marquer que le temps de parole de l'orateur est épuisé) À quand le changement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Malheureusement, vous vous êtes laissé aller à la polémique et à l'outrance. La période économique, sociale et politique difficile que nous connaissons mérite d'autres propos.
Vous auriez dû constater les baisses de charge cette année et celles programmées dans le budget que vous allez adopter - ou du moins examiner... Pas moins de 9 millions de Français verront leur impôt sur le revenu baisser.
M. François Grosdidier. - Faux ! Car vous nous contraignez à augmenter la fiscalité locale en diminuant les dotations !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Nous mettons en oeuvre nos engagements dans le souci des finances publiques : oui, car plus de 600 milliards d'euros de dette sont notre fardeau, notre héritage. Il faut s'en libérer. Mais vous, comment ferez-vous pour assumer vos promesses démagogiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François Grosdidier. - Vous transférez la charge sur les impôts locaux !
Accueil des migrants
Mme Hermeline Malherbe . - Le 16 octobre, vous étiez à Rivesaltes, monsieur le Premier ministre, dans un camp où des milliers de républicains espagnols, des juifs, des tziganes, des harkis ont été déportés et sont morts parce qu'ils étaient considérés comme indésirables. Le mémorial est dû à la volonté et à l'énergie de Christian Bourquin, qui s'est opposé dès son arrivée à la tête du conseil général en 1998 à la destruction des baraquements. Dix-sept ans plus tard, le mémorial a été inauguré et vous avez dit - je reprends vos mots - que ce témoignage du mépris d'hier doit nous rappeler nos devoirs d'aujourd'hui et servir à éviter l'horreur demain.
L'horreur, ce sont ces milliers de femmes, d'hommes et d'enfants qui fuyaient alors la guerre et la barbarie, tout comme les réfugiés d'aujourd'hui - que nous avons le devoir d'accueillir dans un cadre digne et républicain. Pouvez-vous faire le point d'étape sur l'action du Gouvernement et des collectivités territoriales, avec les associations. (Applaudissements à gauche)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Je me suis rendu à Rivesaltes, en effet, pour inaugurer ce lieu de mémoire qui rappelle les drames du XXe siècle. Ni ces Républicains espagnols, ni ces juifs, ni ces tziganes, ni ces harkis victimes de l'horreur ne doivent être oubliés.
Aujourd'hui, la France n'est pas seule. Avec nos partenaires européens, nous recherchons des solutions à la hauteur d'une crise qui sera durable. Le Conseil européen en octobre s'est penché sur la question. Un premier centre d'accueil est opérationnel à Lampedusa, un autre le sera dans quelques semaines à Lesbos.
D'autres dossiers avancent : décision de relocalisation, retours, protection des frontières, coopération avec la Jordanie, le Liban.
En France, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité, de la fermeté et de la solidarité, avec deux priorités : éviter les concentrations - d'où le démantèlement de campements à Paris et Calais - et distinguer entre ceux qui sont éligibles à l'asile et les autres. C'est indispensable pour mener une politique migratoire soutenable et préserver le droit d'asile.
En tout, 18 500 places en Cada auront été créées en cinq ans. Pour ceux qui reçoivent le statut de réfugié, tout est mis en oeuvre pour assurer un hébergement dans un logement.
Mais la France ne pourra pas accueillir tous les réfugiés de Syrie. Il faut des solutions humanitaires, militaires, diplomatiques. La France s'y emploie, elle n'est pas « isolée » comme j'entends dire parfois, elle est pleinement dans le jeu et elle joue tout son rôle dans la recherche de solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
Lutte contre le harcèlement
Mme Marie-Pierre Monier . - Le Gouvernement a lancé le 9 juillet dernier un plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun ; la France est la première dans le monde à prendre une telle initiative. D'après le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, toutes les utilisatrices des transports en commun ont déjà été victimes de harcèlement, voire de violences sexuelles dans l'espace public.
Vous agissez à travers douze mesures fortes, saluées par les associations, autour de trois axes : prévenir, agir plus efficacement, mieux accompagner les victimes.
Une prise de conscience est nécessaire. Le droit des femmes à aller et venir en toute quiétude doit être réaffirmé, c'est une liberté publique élémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - La République en acte, c'est quand les femmes peuvent se déplacer librement sans craindre le harcèlement ou l'agression. Il est intolérable que les femmes doivent développer des stratégies d'évitement, ne pas emprunter telle ligne de transport, éviter de prendre l'autobus le soir, etc. Avec Bernard Cazeneuve et Alain Vidalies, nous avons lancé le 9 juillet un programme d'action concret. Je me réjouis que les arrêts à la demande, de nuit et le week-end, soient prochainement expérimenté à Nantes. Le 9 novembre prochain, nous lancerons une vaste campagne de sensibilisation, avec les autorités de transports publics. Je salue les collectivités qui ont déjà répondu favorablement : la mobilisation collective est gage d'efficacité. Nous avons tous la responsabilité de réagir et d'agir. (Applaudissements à gauche)
Réforme de la dotation générale de fonctionnement
M. Philippe Bonnecarrère . - Madame Lebranchu, accepterez-vous de reporter la réforme de la dotation globale de fonctionnement ?
M. Philippe Dallier. - Bonne question.
M. Philippe Bonnecarrère. - Réforme utile, j'en conviens, mais difficile quand les collectivités locales subissent déjà une baisse des dotations pour la troisième année consécutive et ignorent encore l'impact sur leurs budgets de la refonte de l'intercommunalité et la création de grandes régions.
« Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances », disait le baron Louis. « Faites-nous de la stabilité et arrêtez les transferts de charge et nous vous ferons de bonnes économies, de bons investissements », pourrais-je vous dire. Alors, madame la ministre, acceptez-vous de reporter une réforme mal engagée et erratique, si j'en juge par les simulations qui circulent sous le manteau ? Donnez-vous du temps et associez le Parlement. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique . - Les rapports sont nombreux sur le sujet - le dernier en date est celui du regretté Jean Germain. La dotation globale de fonctionnement, qui date de 1979, est devenue illisible. C'est un empilement de strates successives et aujourd'hui, injustice violente, deux collectivités strictement identiques en population et richesse ont une DGF qui varie du simple au double. Nous prendrons en compte la ruralité, la centralité, la péréquation en augmentant la DSU et la DSR. Bien sûr, les collectivités qui bénéficient de l'injustice actuelle ne veulent rien changer. Cependant, précisément dans le contexte que vous décrivez, nous devons choisir la réforme, au nom de l'investissement et de la justice territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Bonnecarrère. - Soit mais il faudrait une espèce d'article 40 pour les collectivités territoriales, un bouclier financier qui les préserverait contre tout transfert de charges non compensé. Afin que l'article 72-2 de la Constitution s'applique enfin effectivement.
Fiscalité du numérique
M. Michel Bouvard . - Mme Lemaire, l'économie numérique se développe, c'est une chance mais aussi un défi pour les finances publiques. Les géants de l'internet optimisent les ventes en ligne en échappant en grande partie à la TVA. Peu de plateformes s'enregistrent ; à cela s'ajoute la franchise en douane pour les colis de moins de 22 euros...
Notre commission des finances a fait des propositions, pour percevoir l'impôt au moment de la transaction et mettre fin au flou qui entoure le développement de l'économie collaborative - sans le freiner. Quelles suites leur réservez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique . - Derrière ces questions techniques, il y a une interrogation fondamentale sur la capacité de l'État à lever l'impôt. Le rapport de votre commission des finances pose les bonnes questions et alimentera la réflexion et l'action du Gouvernement. Le prélèvement à la source de la TVA est une piste intéressante, innovante, nous voulons y travailler. Mais elle soulève des difficultés. Elle implique une démarche obligatoire des particuliers et des entreprises. L'impact sur la trésorerie des PME n'est pas à négliger. Il faudrait aussi mobiliser les banques, y compris à l'étranger... Il y a aussi la nécessité de modifier la directive de 2006 sur le système commun de TVA.
Le Gouvernement est cependant déterminé. Pour preuve, la modification du seuil de chiffre d'affaires à partir duquel la TVA est due en France : à l'article 3 du projet de loi de finances, il passe de 100 000 à 35 000 euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Approvisionnement électrique de la Guyane
M. Antoine Karam . - Des emplois, des critiques sur la programmation de l'énergie, mais aussi des inquiétudes sur l'approvisionnement énergétique de la Guyane sont au coeur du conflit entre EDF et ses salariés guyanais.
En Guyane, les installations obsolètes ne suffisent pas à répondre à des besoins croissants. Le remplacement de la centrale Degrad des Cannes par une centrale thermique de puissance équivalente est-elle toujours prévue ? Le Gouvernement semble préférer les énergies renouvelables.... Les syndicats et associations d'élus n'ont pas été consultés sur le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie. Garantissez-vous que votre projet apportera la sécurité énergétique à la Guyane ? Attention à ce que le conflit ne se déplace pas dans la rue...
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer . - Veuillez excuser Mme Royal, en déplacement à Londres pour la COP21. Nous suivons le mouvement social dont vous parlez avec beaucoup d'attention (Exclamations à droite). Nous espérons aboutir à un accord.
J'entends vos inquiétudes concernant la fermeture du centre de Degrad des Cannes. La Guyane doit être dotée des moyens d'une vraie transition énergétique. Nous prévoyons d'arriver à 50 % d'énergies renouvelables en 2020 et à l'autonomie totale en 2030. Nous devons tenir compte du développement démographique. Nous y reviendrons dans le pacte d'avenir pour la Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Chiffres du chômage
M. Gérard Cornu . - (Exclamations de satisfaction à droite) La France est sur une dynamique de persistance du chômage qui nous inquiète et nous isole.
M. Didier Guillaume. - On ne voit pas la même chose.
M. Gérard Cornu. - Avec 5,5 millions de chômeurs, la France est loin derrière l'Allemagne et l'Angleterre. Les pays du Sud que sont l'Espagne et l'Italie, sévèrement touchés par la crise, ont tout de même réussi à inverser leur courbe du chômage. Mais quand 1,3 millions d'emplois étaient créés entre juin 2014 et juin 2015, seuls 46 000 l'étaient en France.
La vérité est que, depuis 2012, le Gouvernement a pratiqué le matraquage fiscal et cassé la croissance sans s'attaquer aux racines du mal. Résultat, nous ne profitons pas de l'embellie actuelle. Il faut baisser drastiquement les charges et les contraintes qui pèsent sur les entreprises (Exclamations à gauche) Quand allez-vous prendre des mesures courageuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. - Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, les derniers chiffres de l'emploi sont bons, 24 000 chômeurs en moins.
Mme Catherine Procaccia. - Oh !
M. Didier Guillaume. - Le Gouvernement s'en réjouit !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Plus 35 000 emplois créés le mois derniers ! Et 30 000 jeunes ont trouvé un emploi. La reprise se fait sentir. Nous ne nous contentons pas de ces chiffres. Attendons du reste qu'ils se confirment les mois suivants. Mais nous avons pris des mesures économiques, sociales : 150 000 jeunes chômeurs de longue durée sont en contrats aidés et nous préparons la réforme du code du travail.
M. Gérard Cornu. - Comment voulez-vous réformer le code du travail quand vous avez les pieds et poings liés avec les syndicats ? (Rires à gauche) Vous tenez beaucoup de discours mais les actes ne suivent pas.
Conflits avec les professionnels du droit
M. Marc Laménie . - Il y a un an déjà, les professions réglementées étaient dans la rue, pour protester contre le projet de loi Macron. Aujourd'hui, après les avocats - 156 barreaux en grève, même si vous avez trouvé un accord hier - le personnel pénitentiaire et les magistrats défilent. Est-ce sur de telles bases que l'on construit une justice du XXIe siècle et une société apaisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - M. Cornu nous reprochait de ne pas assez réformer, vous faites le contraire... Exemple des contradictions de votre camp ! (Protestations à droite)
Un accord a été trouvé hier avec les avocats, vous l'avez dit vous-même. Le Gouvernement est le premier à s'attaquer depuis quinze ans au problème de l'aide juridictionnelle, fondamentale pour l'accès au droit : relèvement du plafond des ressources des justiciables pour bénéficier de l'aide, hausse de la rétribution des avocats - ce qui n'avait pas eu lieu depuis 2007.
Il a été décidé conjointement avec magistrats, greffiers et avocats, que la première étape de la réforme serait la hausse de l'unité de valeur de 12,6 % en moyenne, sans modification du barème, pour calculer la rétribution des avocats. Ensuite, une contractualisation supplémentaire dans chaque barreau et chaque TGI permettra d'organiser la convergence des trois unités de valeur vers une seule.
M. Marc Laménie. - La politique pénale serait-elle devenue un marqueur de gauche ? Échec de la contrainte pénale, réforme de la justice des mineurs encore à faire, inaction face au problème des prisons... Le peuple français attend une justice utile !
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
La séance reprend à 16 h 15.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel sur le financement des établissements de santé. Celui-ci a été transmis à la commission des affaires sociales.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé de compléter l'ordre du jour du jeudi 5 novembre matin par l'inscription des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d'une heure.
En conséquence, l'ordre du jour du jeudi 5 novembre s'établit comme suit :
À 10 h 30, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié.
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
- Proposition de loi visant à pénaliser l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale.
- Suite du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
Malades en fin de vie (Deuxième lecture - Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
L'amendement n°24 n'est pas défendu.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient et, lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, dans le respect de la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale.
« Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité de la personne mourante et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10, y compris les traitements mentionnés à l'article L. 1110-5-2.
« La nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement. »
Mme Marisol Touraine, ministre. - Cet amendement ne répond pas au souci de trouver un compromis : à la suite des débats de votre commission, il rétablit le texte de l'Assemblée nationale. Je tenais à le préciser contre certains propos entendus. Ce matin, j'ai exposé ces deux divergences entre votre commission et le Gouvernement. La première, le plus technique, concerne les critères de l'obstination déraisonnable : vous avez supprimé celui de l'inutilité du traitement, sans doute pour harmoniser la rédaction par rapport à l'article 3. Mais autant ce critère serait difficile à interpréter à l'article 3, autant ici, il est utile au professionnel. Supprimer cette référence mènerait à ne pas proposer la sédation alors même que le médecin croit le traitement inutile. Par cette suppression, vous revenez à un état du droit antérieur à la loi de 2005. Autant ne pas légiférer ! (Mme Corinne Bouchoux approuve)
Les spécialistes des soins palliatifs nous ont affirmé qu'ils examinaient successivement les trois critères, en commençant par celui de l'inutilité du traitement, puis celui de l'obstination, enfin la finalité de l'acte.
Notre autre divergence porte sur l'hydratation que, contrairement à la première lecture, votre commission a choisi de considérer comme un soin pouvant être maintenu. Je comprends votre motivation : vous estimez que l'arrêter provoque une souffrance insupportable. Ce n'est pas ce que disent les spécialistes. Aujourd'hui, un consensus s'est dégagé pour considérer juridiquement l'hydratation et l'alimentation comme des traitements. Votre rédaction laisse entendre qu'il y aurait une marge d'appréciation pour le médecin, qui pourrait maintenir l'hydratation contre la volonté du patient.
Que l'arrêt de l'hydratation provoque ou non des souffrances - je ne veux pas entrer dans ce débat - cette loi a pour objet de donner plus de poids à la parole du patient. Vous atténuez la portée de la proposition de loi ; c'est pourquoi nous proposons de revenir au texte de l'Assemblée nationale.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Avis défavorable. Le Gouvernement conteste la suppression du critère d'inutilité qui nous paraît pourtant redondant avec celui de disproportion. Pour le reste, les spécialistes des soins palliatifs ne sont pas tous d'accord : l'hydratation peut soulager. Elle peut aggraver le râle agonique. D'où notre rédaction : « un soin qui peut être maintenu jusqu'au décès ». L'ouvrage récent du centre éthique et clinique de l'hôpital Cochin souligne la symbolique très forte liée à la fin de l'hydratation. Il faut penser à l'entourage et au personnel soignant.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je suis convaincu par le rapporteur de la commission des affaires sociales. Où est la plus grande humanité ? Faire que la fin de vie survienne le plus vite possible ou qu'elle soit le mieux accompagnée possible ? On doit pouvoir procéder à l'hydratation : il s'agit simplement d'élargir le champ des actes d'humanité.
M. Dominique de Legge. - Madame la ministre, vous avez pris huit minutes et vingt-deux secondes pour nous expliquer que votre amendement ne faisait que revenir au texte de l'Assemblée nationale. Cela ne me convainc pas. En quoi offrir une possibilité serait-elle une régression ? Faisons confiance aux médecins et au personnel soignant.
L'hydratation peut être maintenue d'abord, puis arrêtée. Ne demandons pas à la loi de tout prévoir, au risque de nous écarter de l'humanité.
M. Gilbert Barbier. - En proclamant que vous voulez rétablir tel quel le texte de l'Assemblée nationale, vous affrontez le Sénat et ce n'est pas très facile à accepter. L'hydratation, l'alimentation, ce ne sont pas des médicaments extérieurs à la vie, c'est la vie même ! Leur arrêt peut conduire à de grandes souffrances. Vous dites que le malade souffrirait, si on n'arrêtait pas l'hydratation ? Mais le patient est sous sédation profonde ! Comment ferez-vous pour administrer la sédation profonde, sans perfusion ?
Votre amendement est pour le moins injustifié alors que la position de la commission est très raisonnable.
M. Daniel Chasseing. - Je suis d'accord avec mes collègues. La loi Léonetti nous permet d'aller assez loin dans la sédation progressive. Dans 98 % des cas, cela se passe sans souffrance pour le malade et les familles. Nous traitons aujourd'hui des 2 % restants. Des études montrent que le patient peut souffrir de la soif. Je ne crois pas qu'un peu d'eau glucosée en intraveineuse prolongera la vie inconsidérément.
M. Roger Karoutchi. - Je ne suis ni médecin, ni juriste, mais j'ai été confronté dans mon histoire personnelle, comme nous tous, à des fins de vie catastrophiques, avec un personnel médical dévoué, qui répond que « la loi est la loi » et qu'il ne peut rien faire en face de familles qui disent : « Vous voyez bien qu'il souffre ! ». Là, il n'y a plus ni droite ni gauche. Je m'abstiendrai. Aidons les entourages à trouver des solutions, pour que la souffrance ne soit pas une évidence. Revenir sur la loi Leonetti ? Pitié !
Mme Françoise Gatel. - Il me semble que cet amendement nous emmène hors du chemin de crête que nous suivions avec vous jusqu'à présent. La commission a raison : les effets d'une fin de l'hydratation font trop débat, celle-ci ne peut pas être considérée comme un traitement.
Mme Catherine Génisson. - Le patient doit pouvoir émettre librement sa volonté et les médecins doivent pouvoir y répondre. J'ai entendu votre argumentation, madame la Ministre. Nous n'avons pas de différences existentielles sur les trois critères. Je souhaite une rédaction qui précise le souhait du patient et la collégialité de la décision. L'hyper-hydratation peut amener à une souffrance mais une légère déshydratation peut faire sécréter des endorphines, et une déshydratation sévère peut être extrêmement douloureuse.
Mme Annie David. - Je ne suis pas médecin. Une fois n'est pas coutume, je défendrai la même position que M. Karoutchi et Mme Gatel. Je regrette que votre amendement arrive si tard. Notre commission, dans un long et beau débat, est arrivée, entre médecins et non médecins, à un équilibre qui apporte de nouveaux droits aux malades en fin de vie.
Je trouve dommage de venir le remettre en cause, d'autant que le texte issu de nos travaux aurait pu être adopté à la quasi-unanimité. Le groupe CRC s'abstiendra donc, dans l'ignorance du rôle médical de l'hydratation.
Mme Corinne Bouchoux. - J'interviendrai à contre-emploi. Dans les années sida, j'ai, comme d'autres, accompagné des personnes en fin de vie, souvent jeunes, dont les entourages étaient désemparés. Je comprends votre intention, madame la Ministre, mais votre amendement, présenté tardivement, met en danger la co-construction de cette proposition de loi. Pourquoi ne pas donner du temps au temps jusqu'à la CMP ?
Mes amis en soins palliatifs sont inquiets de ce que nous faisons au Sénat, ils craignent que nous ne revenions sur la loi Leonetti. J'appelle à reporter l'examen de cet amendement.
M. Gérard Roche. - En première lecture, certains sénateurs craignaient un premier pas vers le suicide accompagné. D'autres, que certains empêchent, par conviction religieuse, les patients d'obtenir une sédation profonde et continue. L'hydratation est un symbole pour les premiers. Parlons de charité à l'endroit de ceux qui vont mourir.
Je vous demande de retirer votre amendement.
M. Hervé Poher. - Permettez à un médecin de donner son avis. Lorsqu'un médecin décide d'administrer une sédation profonde et continue, c'est pour le malade, mais aussi pour que l'entourage garde une image apaisée du patient. Ce n'est pas l'euthanasie. Cela peut prendre cinq jours. Avez-vous déjà vu un malade qui n'a pas reçu une seule goutte d'eau pendant cinq jours ? Par humanité, maintenez l'hydratation, madame la Ministre !
M. Georges Labazée. - Nous étions heureux ce matin de la quasi-unanimité des sénateurs. Les avis sont différents à l'intérieur du groupe sur ce texte. Au nom du groupe socialiste, je ne peux que prôner l'abstention ; tous les arguments ont été développés suffisamment.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je ne suis pas médecin non plus, même si j'en ai dans mes équipes. Je n'entrerai donc pas dans le débat médical. Mais lorsque vous me reprochez de remettre en cause le travail du Sénat, je réponds que le Gouvernement a lui aussi ses responsabilités. Madame Bouchoux, le texte de la commission des affaires sociales revient en arrière par rapport au droit actuel. Le Gouvernement ne peut pas ne pas intervenir, quel que soit son respect pour le travail du Sénat. À l'extérieur de cet hémicycle, des patients, des médecins, des associations seraient pour le moins étonnés si nous n'agissions pas. Cet amendement a certes été déposé tardivement, mais c'est la pure et simple reprise du texte de l'Assemblée nationale, conforme à l'équilibre de la loi de 2005.
À la demande de la commission, l'amendement n°28 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°32 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 211 |
Pour l'adoption | 10 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Plusieurs points nécessitent que nous ajustions notre approche, en particulier l'alinéa 4 de cet article 3. Celui-ci vise un patient incapable d'exprimer sa volonté face auquel le médecin arrête un traitement au titre du refus de l'obstination déraisonnable.
Comme le patient est inconscient, il y a un risque que sa souffrance réfractaire ne soit qu'une supposition du médecin. Il faudrait préciser que cela s'applique aux malades en fin de vie. (Exclamations sur les bancs socialistes)
Mme Stéphanie Riocreux. - Le texte s'appelle comme cela !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je veux être certain que telle est bien l'interprétation de la commission des affaires sociales ; Dans l'affirmative, l'amendement de M. Pillet pourra être adopté puisqu'il ne fait que le préciser.
M. Alain Milon, président de la commission . - L'article 3 est essentiel, disant que la sédation profonde et continue ne peut être administrée qu'aux malades atteints d'une maladie grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et la souffrance réfractaire à tout autre traitement. Le texte vise deux cas : celui où le patient est en mesure d'exprimer sa volonté, et celui où il ne l'est pas.
Il n'y a donc pas de lien automatique entre arrêt des traitements et sédation. Celle-ci n'est pas mise en oeuvre si le patient ne la demande pas ; elle est soumise à avis médical. Il n'y a donc pas d'opposition entre commission des lois et commission des affaires sociales. Notre débat révélera parfaitement l'intention du législateur.
M. Daniel Chasseing . - La loi Leonetti convient à la grande majorité des malades. D'autres, en revanche, ne sont pas soulagés par les traitements palliatifs, malgré l'excellent travail des services spécialisés. J'aurais préféré les termes de « sédation et analgésie » à ceux de « sédation profonde et continue ».
Lorsque le médecin arrête le traitement, il ne sait pas formuler un pronostic de vie avant l'agonie, à une semaine de la mort. Les médecins ne sont pas là pour donner la mort. Bien que le président Milon et les rapporteurs aient rappelé que cette loi n'était pas faite pour ceux qui veulent mourir, pour autoriser l'euthanasie, il n'est pas absurde d'émettre des réserves. Je dis non au suicide assisté.
Mme Evelyne Yonnet . - Saluons le travail de la commission, qui n'a eu de cesse de bien préciser qu'il ne s'agirait ni d'euthanasie, ni de suicide assisté. Nous sommes tous d'accord pour faire en sorte que le patient en fin de vie ne souffre pas.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Barbier.
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1110-5-2. - Un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance associé à l'arrêt des traitements disproportionnés du maintien en vie est mise en oeuvre dans les cas suivants :
II. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
la sédation profonde et continue
par les mots :
le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance associé à l'arrêt des traitements disproportionnés du maintien en vie
M. Gilbert Barbier. - Il s'agit de reprendre la rédaction initiale de ceux qui ont déposé la proposition de loi à l'Assemblée nationale ; elle correspondait parfaitement à notre but. J'ai bien compris que le Gouvernement veut supprimer l'emprise éventuelle de l'équipe soignante sur le malade. Cependant, la rédaction initiale correspond davantage à la réalité. Vous dites, madame la ministre, que nous revenons en arrière. En quoi au juste ?
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Bonnefoy et Meunier et MM. Patriat, Marie, Raoul, Lalande, Manable et Masseret.
Alinéa 2
Après les mots :
traitements de maintien en vie
insérer les mots :
voire à un traitement susceptible d'accélérer la survenue de la mort
Mme Dominique Gillot. - Dans certains cas, le corps du patient n'est pas aussi exténué qu'un corps dévoré par la maladie, ou vidé de sa sève par les ans, pour qu'un arrêt des traitements conduise à une cessation de vie dans des délais et des conditions respectueuses de la dignité de sa personne. Cette mort peut être longue à venir, en particulier dans le cas des personnes en état neurovégétatif.
Il s'agit d'assurer par tous les moyens la sérénité des derniers jours de la vie du patient, de la personne en fin de vie, y compris à l'aide de traitements pouvant accélérer la survenue de la mort, si le patient ou sa personne de confiance le demande expressément, ou si l'équipe médicale le juge utile dans l'intérêt du patient et que les directives anticipées ne l'interdisent pas. Les médecins se trouveraient ainsi protégés contre les pressions médiatiques et contre une insécurité juridique patente.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, M. Portelli, Mme Canayer, MM. Bignon, Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, MM. B. Fournier et Vasselle, Mmes Imbert, Duchêne et Gruny et MM. Mayet, de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
est
par les mots :
peut être
M. Dominique de Legge. - Nous l'avons dit à l'article 2, l'hydratation « peut » être maintenue jusqu'au décès. De même, la sédation profonde et continue ne saurait être systématique. Nous souhaitons rappeler nos convictions profondes. Nous sommes, nous aussi, favorables à la recherche du consensus, mais celle-ci implique de la confiance - or j'entends dire que l'on irait bientôt plus loin... Je comprendrais que cet amendement soit rejeté, mais il me semble que nous ne devrions pas non plus nous attarder sur des propositions contraires allant jusqu'à l'extrême.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.
I. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque le médecin arrête, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement de maintien en vie d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté, et qu'il estime que le patient risque d'être exposé à une souffrance réfractaire à tout autre traitement, il met en oeuvre une sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à une analgésie, à moins que les directives anticipées de ce patient s'y opposent.
II. - En conséquence, à la fin de l'alinéa 2 et au début de l'alinéa 3
Remplacer les mots :
dans les cas suivants :
« 1° Lorsque
par le mot :
lorsque
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Cet amendement est presque rédactionnel car sur le fond, nous sommes d'accord.
La commission des lois juge sa rédaction plus claire - ce qui vaut mieux que de s'en remettre aux travaux préparatoires. Précisons que le médecin ne peut mettre en oeuvre cette sédation préventive que s'il estime que le patient risque d'être exposé à une souffrance réfractaire à tout autre traitement. Notre amendement ne touche pas à l'équilibre trouvé. Mais le texte serait plus clair pour les malades, les soignants... et les juges qui l'interpréteront.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - La sédation profonde et continue est un outil à disposition des services de soins palliatifs, à l'hôpital, mais aussi en établissement où à domicile. Il est labellisé - ou reconnu - par la HAS. En aucun cas, nous n'ouvrons la porte à l'euthanasie. Retrait de l'amendement n°21, sinon défavorable.
L'amendement n°8 rectifié est hors sujet. Cette loi est faite pour ceux qui vont mourir, il ne s'agit ni d'euthanasie, ni de suicide assisté.
Merci à M. de Legge pour ses propos. Nous avons fait en sorte de coller à la réalité et de rédiger un texte aussi consensuel que possible. Retrait de l'amendement n°13 rectifié bis.
Même avis sur l'amendement n°5 : sans tomber dans un affrontement entre juristes et médecins, j'ai la faiblesse de croire que notre rédaction est tout aussi claire. Pas d'opposition, en revanche, aux termes « refus de l'obstination déraisonnable ».
Mme Marisol Touraine, ministre. - Ces amendements viennent modifier le texte de la commission sans doute parce qu'il ne paraît pas parfaitement clair. Avis défavorable à tous. Ceux de M. Barbier et Mme Gillot, opposés, ne correspondent ni l'un ni l'autre à l'esprit du texte. Les autres réduisent la portée du texte de la commission.
M. Gilbert Barbier. - Je prenais date...
L'amendement n°21 est retiré.
Mme Dominique Gillot. - Il est important de continuer à relayer les attentes, très fortes, de ceux qui refusent de prolonger inutilement la souffrance.
Il y a eu trop de drames, extrêmement douloureux, ouvrant la voie à des débats sans fin.
M. Hervé Poher. - Assez d'hypocrisie ! La sédation prolongée existe depuis des décennies ; et les médecins administrent déjà de fortes doses de morphine, qui accélèrent la mort. Dans certains cas, mourir un jour plus tôt, c'est bien pour le patient comme pour la famille.
L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.
M. Dominique de Legge. - Le sort de cet amendement ne déterminera pas notre vote final, je le maintiens néanmoins.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°13 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°33 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l'adoption | 21 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Je le répète, la rédaction de la commission des lois est plus précise. Il s'agit bien d'un arrêt des traitements, au titre du refus de l'obstination déraisonnable. Les rapporteurs de la commission des affaires sociales en ont convenu. Deuxièmement, faut-il préciser que la souffrance est réfractaire « à tout autre traitement », sans quoi on ne situe pas la sédation profonde et continue comme le stade ultime des soins palliatifs. Enfin, la décision du médecin doit ressortir de la volonté de faire échapper le patient, qui n'est pas en état de s'exprimer, au risque de souffrance réfractaire à tout traitement.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Je ne suis pas juriste. Cependant, si l'ajout du mot « refus » ne me pose pas de problème, les autres modifications me paraissent superflues. L'avis reste défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié ter, présenté par M. Mandelli, Mmes Duchêne et Micouleau, MM. Chaize, Bignon, Retailleau et Pinton, Mme Deromedi, MM. Charon, G. Bailly et Mayet et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La sédation profonde et continue ne peut en aucun cas s'appliquer aux personnes en situation de grand handicap dont le pronostic vital n'est pas engagé à court terme.
Mme Marie-Annick Duchêne. - Défendu.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - La sédation profonde et continue n'est destinée qu'aux personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme et dont les souffrances sont réfractaires aux traitements. Si elles ne sont pas en mesure de s'exprimer, la décision appartient à une instance collégiale incluant la personne de confiance. Les directives anticipées peuvent l'interdire.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°23 rectifié ter est retiré.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une aide active à mourir. »
M. Olivier Cadic. - Cet amendement ne retranche rien - les amendements suivants non plus - au dispositif voté en commission. Il autorise seulement, en droit français, l'aide active à mourir. C'est une proposition respectueuse de l'humanisme et de la liberté individuelle lorsqu'elle est exprimée de façon éclairée et réfléchie.
Il y a quelques mois, une de mes amies, atteinte d'une maladie incurable voulait mourir entourée de sa fille et de son fils. Mais son fils, après plusieurs mois de présence, a dû repartir outre-mer. Sa mère est morte quatre jours plus tard. Sa dernière volonté n'a pas été respectée.
Pourquoi refuser à ces personnes condamnées par les médecins cette dernière liberté ? Pourquoi les contraindre à se cadavériser petit à petit sous les yeux de leur famille ?
L'aide active à mourir, en voie de légalisation dans plusieurs pays, rend les malades plus sereins, car maîtres de leur fin de vie. D'après un sondage d'octobre 2014, 96 % des Français veulent qu'on accepte de mettre fin sans souffrance à la vie des personnes atteintes d'une maladie insupportable et incurable.
Faisons vivre les principes de liberté, d'égalité et de fraternité jusque face à la mort. Imitions la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Des petits pays me direz-vous ? La Constitution corse de Pascal Paoli a inspiré celle des États-Unis de 1787 et Robespierre a dit à Paoli : « Vous avez défendu la liberté dans un temps où nous n'osions l'espérer encore ».
Cette nouvelle liberté que représente l'aide active à mourir est animée par le même esprit que celle des Lumières. Son temps viendra, les Français y aspirent. (Mme Corinne Bouchoux et Jean-Pierre Godefroy applaudissent)
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 1111-10 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-10. - Lorsqu'une personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, demande à son médecin le bénéfice d'une aide active à mourir, celui-ci doit s'assurer de la réalité de la situation dans laquelle se trouve la personne concernée. Après examen du patient, étude de son dossier et, s'il y a lieu, consultation de l'équipe soignante, le médecin doit faire appel, pour l'éclairer, dans un délai maximum de quarante-huit heures, à un autre praticien de son choix. Les médecins vérifient le caractère libre, éclairé, réfléchi et constant de la demande présentée, lors d'un entretien au cours duquel ils informent l'intéressé des possibilités thérapeutiques, ainsi que des solutions alternatives en matière d'accompagnement de fin de vie. Les médecins peuvent, s'ils le jugent souhaitable, renouveler l'entretien dans les quarante-huit heures. Les médecins rendent leurs conclusions sur l'état de l'intéressé dans un délai de quatre jours au plus à compter de la demande initiale du patient. Lorsque les médecins constatent au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou que la personne juge insupportable, et donc la situation d'impasse thérapeutique dans laquelle se trouve la personne ainsi que le caractère libre, éclairé, réfléchi et réitéré de sa demande, l'intéressé doit, s'il persiste, confirmer sa volonté, le cas échéant, en présence de la ou des personnes de confiance qu'il a désignées. Le médecin respecte cette volonté. L'acte d'aide active à mourir, pratiqué sous le contrôle du médecin, en milieu hospitalier ou au domicile du patient ou dans les locaux d'une association agréée à cet effet, ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l'intéressé si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de celui-ci telle qu'il la conçoit pour lui-même. L'intéressé peut, à tout moment et par tout moyen, révoquer sa demande. Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical. Dans un délai de huit jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l'aide active à mourir adresse à la commission régionale de contrôle prévue à la présente section un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ; la commission contrôle la validité du protocole. Le cas échéant, elle transmet à l'autorité judiciaire compétente. »
M. Olivier Cadic. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 1110-9 du même code, il est inséré un article L. 1110-9-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-9-... - Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats auxquels elle est partie la personne dont la mort résulte d'une aide active à mourir mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le code de la santé publique. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
M. Olivier Cadic. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1110-5-1-... - Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une douleur physique ou une souffrance psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir.
« La demande du patient est étudiée sans délai par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé. Dans un délai maximal de huit jours, les médecins remettent leurs conclusions au patient.
« Si les conclusions des médecins attestent que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa douleur physique ou sa souffrance psychique ne peut être apaisée ou qu'elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée, réfléchie et explicite et s'ils constatent qu'elle confirme sa demande de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir, sa volonté doit être respectée.
« La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande.
« L'acte d'assistance médicalisée à mourir est pratiqué sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande et a accepté d'accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée.
« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »
M. Jean-Claude Requier. - Lorsqu'une personne se trouve dans un état de dépendance tel qu'il lui semble qu'elle ne vit que pour « en finir », qu'elle prend la décision de céder face à une vie de souffrance et sans aucun espoir, il est important de lui reconnaître le droit de pouvoir mourir dans la dignité -et non se suicider dans la clandestinité.
Je ne suis pas sûr que nous soyons allés « aussi loin que possible », comme vous le dites, madame la ministre. Surtout, je crois en la liberté des personnes. Reconnaissons-leur le droit à mourir sans souffrance.
Écoutons Sénèque : « Y a-t-il chose plus cruelle que la mort ? Oui, la vie quand on veut mourir. »
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mmes David, Assassi, Beaufils, Cohen et Prunaud et MM. Billout, Bosino et Watrin.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-... - Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique, ou la plaçant dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. » ;
2° Après l'article L. 1111-10, il est inséré un article L. 1111-10-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-10-... - Le médecin, saisi d'une demande d'assistance médicalisée pour mourir, saisit dans les meilleurs délais un confrère indépendant pour s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve la personne concernée. Ils vérifient, à l'occasion d'un entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande.
« Ils informent la personne malade des possibilités qui lui sont offertes de bénéficier des dispositifs de soins palliatifs compatibles avec sa situation.
« Dans un délai maximum de huit jours suivant la première rencontre commune de la personne malade, les médecins lui remettent, en présence de sa personne de confiance, un rapport faisant état de leurs conclusions sur l'état de santé de l'intéressé.
« Si les conclusions des médecins attestent, au regard des données acquises de la science, que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et qu'ils constatent à l'occasion de la remise de leurs conclusions que l'intéressé persiste, en présence de sa personne de confiance, dans sa demande, alors, le médecin doit respecter la volonté de la personne malade.
« L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.
« L'acte d'assistance médicalisée pour mourir est réalisé sous le contrôle du médecin choisi ou de premier recours qui a reçu la demande de l'intéressé et a accepté de l'accompagner dans sa démarche et ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de confirmation de sa demande.
« Toutefois, si la personne malade en fait la demande, et que les médecins précités estiment que la dégradation de l'état de santé de la personne intéressée le justifie, ce délai peut être abrégé ; la personne peut à tout moment révoquer sa demande.
« Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical de la personne. » ;
3° Après l'article L. 1111-4, il est inséré un article L. 1111-4-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-4-... - Les professionnels de santé ne sont pas tenus d'apporter leur concours à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée à mourir.
« Le refus du professionnel de santé est notifié sans délai à l'auteur de cette demande ou, le cas échéant, à sa personne de confiance. Afin d'éviter que son refus n'ait pour conséquence de priver d'effet cette demande, il est tenu de l'orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible d'y déférer. » ;
4° La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie est complétée par un article L. 1111-13-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-13-... - Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats auxquels elle était partie la personne dont la mort résulte d'une assistance médicalisée pour mourir, mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le présent code. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
Mme Annie David. - En 2011, un groupe de travail transpartisan de la commission des affaires sociales avait rédigé une proposition de loi, signée, notamment, par mon ami Guy Fischer. Elle avait été adoptée en commission, mais rejetée en séance publique. Elle légalisait l'assistance médicalisée pour mourir. Pas moins de 96 % des Français y sont favorables. C'est le droit de mourir où et quand on le souhaite. Cet amendement reprend cette proposition.
Nous introduisons une clause de conscience pour les médecins. Je signale qu'une telle assistance médicalisée pour mourir n'a entraîné aucune dérive dans les pays où elle a été légalisée.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Daudigny, Mmes Bataille et Campion, MM. Cazeau et Duran, Mme Guillemot, M. Filleul, Mme Lienemann, MM. Lorgeoux et Leconte, Mmes Lepage et Monier, MM. Madec, Poher et Raoul, Mmes Riocreux, Schillinger et Tocqueville et MM. Vaugrenard, Yung et Courteau.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 1110-5-2, il est inséré un article L. 1110-5-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-2-1. - Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, qui s'est vue proposer l'ensemble des soins palliatifs auxquels elle a droit, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu'il n'existe aucune solution acceptable par elle-même dans sa situation. »
M. Jean-Pierre Godefroy. - À quelques mots près, cet amendement reprend une proposition de loi signée par des membres de presque tous les groupes politiques de notre assemblée... Il s'agit de laisser les malades choisir s'ils veulent mourir conscients ou non, de leur laisser la possibilité d'échapper à la souffrance. Cette décision n'appartient ni aux médecins, ni aux philosophes, ni aux techniciens, mais au malade seul. Aucune dérive n'a eu lieu dans les pays où cela est possible, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Californie - qui ne sont pas des États barbares.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110-5-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5... - Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir.
« La demande du patient est immédiatement étudiée par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé.
« Si le patient confirme sa volonté de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir au moins quarante-huit heures après sa demande initiale, alors sa volonté doit être respectée.
« Dans un délai maximal de quatre jours après la confirmation de la demande par le patient, l'assistance médicalisée active à mourir est pratiquée, selon la volonté du patient, soit par le patient lui-même en présence du médecin, soit par le médecin. L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.
« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »
Mme Corinne Bouchoux. - On l'a dit, 96 % des Français souhaitent l'instauration d'une aide active à mourir, défendue depuis longtemps par les écologistes au Sénat.
Arrêtez de vous prévaloir de votre qualité de juriste ou de médecin, nous légiférons pour l'ensemble des Français. Dans le groupe écologiste, neuf membres sur dix sont convaincus que ce dispositif, bien encadré, n'est nullement la fin d'un monde, mais une expression de fraternité. Nous y viendrons dans quelques années.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Je pourrais me contenter de dire ! « hors sujet ». Je ne le ferai pas. De grâce, ne déniez pas aux adversaires de l'euthanasie, dont je suis, le sens de la fraternité.
On a cité un sondage. Toutefois, la question posée était : « Voulez-vous mourir sans douleur ou dans des souffrances abominables ? »
En des décennies d'exercice médical, on m'a fait trois fois seulement une demande d'euthanasie active. À l'approche de la mort, les attentes changent. Ce que craignent les gens, c'est l'agonie. L'euthanasie a un caractère expéditif. Philippe Ariès l'a montré, la mort est aujourd'hui reléguée, dissimulée. Même les professionnels de santé ne sont pas prêts à accompagner les patients jusqu'au bout. La mort a pris un caractère « pornographique », dit un sociologue anglo-saxon. L'agonie, plus que la mort.
On meurt mal en France. Si les soins palliatifs se généralisent, le problème de l'euthanasie ne se posera plus de la même manière. D'ailleurs, une maladie incurable, je ne sais pas ce que c'est. Il y a un siècle, la tuberculose était une maladie mortelle. Elle ne l'est plus.
Avis défavorable à tous les amendements.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis, pour une autre raison. C'est un cadre différent qui a été choisi. Néanmoins, je ne souscris pas aux propos du rapporteur. Créer un droit, ce n'est pas imposer quoi que ce soit.
Je ne mets pas sur le même plan soins palliatifs, euthanasie et suicide assisté. Ces voies doivent être distinguées. Le sondage ? Attention, il recouvre des positions très différentes.
Certains veulent démédicaliser la fin de vie, alors que l'euthanasie implique l'intervention d'un médecin... Bref, on ne peut aborder de telles questions en préjugeant de la position de la société française.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Si le rapporteur Amiel avait développé d'emblée les mêmes arguments, je n'aurais peut-être pas voté le texte... La fraternité, c'est d'ouvrir toutes les possibilités !
Cette loi ne réglera pas tous les problèmes, et certains continueront à aller mourir à l'étranger.
Mme Corinne Bouchoux. - Ceux qui en ont les moyens !
M. Jean-Pierre Godefroy. - En effet, c'est une ségrégation par l'argent. L'aide active à mourir est attendue par les Français, non parce qu'ils veulent cacher la mort, mais parce qu'ils veulent être maîtres d'eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et communiste républicain et citoyen)
M. Olivier Cadic. - Je souscris entièrement aux propos de M. Godefroy. De qui parlons-nous ? De gens qui, justement, ne veulent pas se retrouver inconscients à la dernière extrémité. Le grand texte qui autorisera l'interruption volontaire de la vie, nous l'attendons. (Mme Corinne Bouchoux applaudit)
Mme Annie David. - M. Godefroy a trouvé les mots justes. Vos propos m'ont heurtée, monsieur le rapporteur. L'euthanasie serait, selon vous, une méthode expéditive. Il n'y aurait pas de maladie incurable. Évidemment, il s'agirait des maladies incurables d'aujourd'hui. On ne va pas fixer une liste !
Respectons la volonté des gens. Une partie des Français revendiquent ce droit. Trois cas, monsieur le rapporteur, ce sont toujours trois cas. Avec ce texte, vous auriez pu répondre à la demande de ces patients, ou les orienter vers un confrère.
Nous avons tous en mémoire des cas douloureux. J'étais à Paris quand un proche est mort à Grenoble. J'aurais préféré que les choses se passent autrement...
Mme Evelyne Yonnet. - Bien sûr, il faut laisser à tous le libre choix. Le texte même s'inscrit dans le respect des directives anticipées. N'y a-t-il pas une possibilité d'y inscrire la volonté d'obtenir un suicide assisté ? Si nous l'ouvrions, que ferait le médecin ? Le débat s'est écarté de cette direction après de longs échanges en commission. Toutefois, nous pouvons nous poser la question.
Mme Corinne Bouchoux. - Tout de même, nous manquons un rendez-vous. L'Insee acte 3 500 euthanasies tous les ans. L'euthanasie existe déjà ! Certes mais seulement pour ceux qui ont le privilège d'être bien entourés, d'être aidés de médecins. Les autres doivent se débrouiller.
Le rapporteur a bien parlé, mais en tant que médecin plus que de parlementaire. Pour la génération des baby-boomers, les malades sont désormais acteurs de leur maladie. Grâce notamment à l'action d'Act up, les rapports entre soignants-soignés ont changé. Et, comme les femmes disaient « mon corps m'appartient » dans les années 1970, les Français disent aujourd'hui « le choix de ma mort m'appartient ».
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°34 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l'adoption | 52 |
Contre | 258 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté,non plus que les amendements nos3 rectifié, 11 rectifié bis, 16, 20 rectifié et 22.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est adopté.
L'article 4 bis demeure supprimé.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, MM. Portelli et Bignon, Mme Canayer, MM. Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, M. B. Fournier, Mmes Gruny et Imbert, M. Vasselle, Mme Duchêne et MM. de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.
Alinéa 5, première phrase
Avant les mots :
Le médecin
Insérer les mots :
Après s'être assuré que la personne n'est pas dans un état psychologique susceptible d'altérer son jugement,
M. Dominique de Legge. - Je souhaite que vous précisiez les choses.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - L'article 35 du code de déontologie médicale vous donne satisfaction. Retrait ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
L'amendement n°14 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°25 rectifié ter, présenté par M. Mandelli, Mmes Duchêne et Micouleau, MM. Chaize, Bignon, Retailleau et Pinton, Mme Deromedi, MM. Charon, G. Bailly, Pointereau et Mayet et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure.
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans qu'ait été prise une décision unanime du médecin, de l'équipe soignante, de la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-11-1 et de la famille ou des proches après consultation des directives anticipées et avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. Lorsque le médecin, l'équipe soignante, la personne de confiance et la famille ou les proches ne parviennent pas à se mettre d'accord, une médiation est envisagée. »
Mme Marie-Annick Duchêne. - Il est défendu.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - On touche à des affaires plus compliquées : la procédure collégiale et l'unanimité - parfois difficile à réunir, on l'a vu lors de certaines affaires. La commission a prévu que la procédure collégiale ne serait plus à la seule initiative du médecin qui doit favoriser le dialogue avec la personne de confiance, les proches et les autres soignants. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Idem.
L'amendement n°25 rectifié ter est retiré.
L'article 5 est adopté.
L'article 6 est adopté.
L'article 7 demeure supprimé.
ARTICLE 8
M. Philippe Bas,président de la commission des lois - Avec ce texte, les directives anticipées, créées dans la loi de 2005, deviennent contraignantes. Pour la commission des lois, il faut prévoir le cas où la situation ne correspondrait plus exactement à ce qu'a souhaité la personne et celui où la personne avait manifesté un autre souhait sans modifier ses directives anticipées. Il faut que la personne de confiance ou un membre de la famille du patient puisse en témoigner. M. Pillet présentera des amendements qui, je crois, peuvent être adoptés puisque nos positions se sont rapprochées à mesure des discussions.
Mme Dominique Gillot . - Comme en première lecture, je veux souligner l'importance des directives anticipées. Les proches ou la personne de confiance ne seront plus torturés à l'idée de trahir la volonté de la personne. Une étude menée au centre d'éthique clinique de l'Hôpital Cochin sur 186 personnes de plus de 75 ans, montre que neuf sur dix ignoraient l'existence de ce droit.
Activons-le en acceptant les directives anticipées qui ne respecteraient pas le modèle préétabli. Faisons-les connaître à des personnes qui ne seraient pas en fin de vie, comme lors des journées citoyennes ; ce sera connecter la fin de vie à la vie.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Bonnefoy et Meunier et MM. Labazée, Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Masseret, Lalande et Manable.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Des directives anticipées qui ne seraient pas rédigées conformément au modèle fixé par décret en Conseil d'État sont prises en compte dans la mesure où les indications dont elles sont porteuses peuvent être interprétées sans trahir la volonté de leur auteur.
Mme Dominique Gillot. - Défendu.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Vous avez satisfaction : le texte de la commission reconnait les directives anticipées, quelle que soit leur forme.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Votre amendement pose un problème de légistique : il ne peut s'appliquer au texte de la commission des affaires sociales. Retrait ?
Mme Dominique Gillot. - Je note la difficulté à exercer son droit d'amendement quand on ne fait pas partie de la commission saisie au fond.
L'amendement n°9 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.
Alinéa 4
1° Remplacer les mots :
sont respectées
par les mots :
s'imposent
2° Supprimer les mots :
lorsque sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ou
Mme Annie David. - Puisque les directives anticipées ont plus de poids, elles doivent s'imposer aux médecins. N'amoindrissons pas leur portée et revenons au texte de l'Assemblée nationale.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives
par les mots :
leur validité fait l'objet d'une contestation sérieuse au regard du dernier état connu de la volonté du patient, lorsqu'elles ne sont pas adaptées à sa situation médicale,
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Le texte de la commission des affaires sociales est beaucoup plus restrictif que celui de l'Assemblée nationale. Les directives anticipées doivent pouvoir être écartées quand elles diffèrent du dernier état de la volonté du patient. C'est important puisque nous avons supprimé la durée de validité des directives anticipées, qui peuvent donc avoir été exprimées il y a quarante ans !
Évitons de voter des dispositions à rebours de nos intentions et à la volonté du patient. Mon amendement intègre même un sous-amendement de la commission des affaires sociales en première lecture.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°17 : la commission a rendu les directives anticipées contraignantes. Quant à l'amendement n°6, les directives anticipées sont modifiables et révisables à tout instant et par tous les moyens. En première lecture, nous avions déposé un sous-amendement à cet amendement dans la plus grande confusion, d'autant que M. Pillet était absent. À titre personnel, favorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je suis bien incapable de vous donner un avis circonstancié tant les rédactions de ces amendements oscillent entre le texte des députés et celui de votre commission des affaires sociales. On y perd de la clarté et nos positions ne semblent pas si éloignées les unes des autres.
Sagesse sur les deux amendements avec plutôt une demande de retrait de l'amendement n°17, qui crée un flou préjudiciable. La rédaction de l'amendement n°6 me semble plus aboutie que celle de la commission des affaires sociales avec tout le respect que je dois à celle-ci. Il reviendra à la CMP de parfaire le travail d'élaboration de la loi.
L'amendement n°17 est retiré.
Mme Annie David. - Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement n°6 que la commission des affaires sociales a rejeté.
M. Georges Labazée. - Je ne sais plus que faire... La commission a rejeté l'amendement n°6, la ministre lui a donné un avis de sagesse. Faut-il se réfugier dans la position la plus coupable qui soit : l'abstention ?
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - La commission a effectivement rejeté l'amendement tout en voulant entendre les explications de M. Pillet en séance. J'ai donné un avis favorable à titre personnel.
L'amendement n°6 est adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
est examinée dans le cadre d'une procédure collégiale telle que celle visée
par les mots :
ou au regard de l'existence d'une contestation sérieuse portant sur leur validité fait l'objet d'une décision du médecin prise après consultation du collège prévu
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - C'est un amendement de conséquence sur la procédure collégiale. Le collège rend-il un avis ou prend-il la décision ? À notre sens, c'est un simple avis.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Par cohérence, avis favorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Toujours par cohérence, sagesse.
Mme Annie David. - Je veux rappeler au rapporteur Dériot nos doutes sur l'amendement n°6 : de qui viendra la contestation des directives anticipées ? Comment ? Avis défavorable, encore.
M. Jean Desessard. - Il faudrait que les rapporteurs prennent des directives anticipées pour qu'on sache où on est. (Sourires)
L'amendement n°7 est adopté.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Lepage, Bonnefoy et Meunier et MM. Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Lalande et Manable.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mineurs sont sensibilisés à la possibilité de rédiger des directives anticipées, à partir de leur majorité, à l'occasion de la journée défense et citoyenneté mentionnée à l'article L. 114-3 du code du service national.
Mme Dominique Gillot. - Les Français doivent s'approprier les directives anticipées, un progrès incontestable, à tous les âges de la vie. Pour ce faire, il faut une information en direction des jeunes lors de la journée défense et citoyenneté.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Le Sénat avait rejeté cet amendement en première lecture. Je n'ai pas pour ma part changé d'avis. Lors des journées défense et citoyenneté, les jeunes ont bien d'autres soucis. Retrait, sinon rejet.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis favorable : les jeunes sont plus attentifs qu'on ne le croit à la mort. Ils peuvent être confrontés à des drames : la maladie - c'est rare - et des accidents. On sensibilise déjà au don d'organe et de sang lors des journées défense et citoyenneté. Ajoutons-y une information sur les directives anticipées.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le livre blanc de la défense et le ministre recommandent de recentrer les journées défense et citoyenneté sur leur objet initial. On a déjà supprimé le module de secourisme. Dieu sait si après le 11 janvier, il y a déjà beaucoup à passer en revue.
M. Gilbert Barbier. - Personne n'a osé parler de la conduite à tenir envers les enfants et en néo-natalité. J'espère que l'on n'y touchera jamais.
Mme Annie David. - Je soutiendrai l'amendement n°10 rectifié, tout en soulignant que les votes, dirigés par le rapporteur Dériot, remettent en cause le travail de la commission sur la collégialité de la décision. Un coup de balai et, hop, tout est fichu en l'air. Cette méthode n'est vraiment pas élégante, sur un texte aussi délicat qui touche à l'intime. Cela me met, ainsi que mon groupe, dans une situation très délicate. Je ne suis plus du tout sûre de notre vote final.
Mme Corinne Bouchoux. - À titre personnel, et pour avoir passé beaucoup de temps à l'IHEDN et dans la réserve citoyenne auprès des militaires ces dernières années, qui organisent les journées citoyenneté et défense, je tire la conclusion inverse de M. Lemoyne : il faut apprendre aux jeunes de 18 ans que la vie est fragile, que l'on n'est pas invincible.
M. Georges Labazée. - Nous ne cessons de chercher des lieux, des espaces pour sensibiliser à la vaccination, les directives anticipées, le don d'organe et de sang. Une cohérence se dessine : tous ces sujets ont à voir avec la mort et la vie.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je ne voudrais pas que le rapporteur de la commission des lois soit à l'origine de tensions au sein de la commission des affaires sociales qui a travaillé en bonne entente. Que le rapporteur Dériot donne son avis personnel ne constitue par une révolution dans ce palais, Mme Meunier l'a fait quand elle rapportait le texte sur la protection de l'enfance. Je ne veux pas nuire à l'unanimité qui pointe dans cet hémicycle.
M. Gérard Dériot. - Mes excuses à Mme David ; mais j'ai exprimé un sentiment personnel.
Quant à la journée défense citoyenneté, ne chargeons pas la barque sans quoi il y faudra 48 heures ! Si l'on y parlera entre autres de vaccinations, il faudra certainement des piqûres de rappel ! (Sourires) Je crois que vous parlez du monde tel que vous le souhaitez. (Protestations à gauche)
Mme Isabelle Debré. - Il y a quinze jours, je devais intervenir à la fin de la journée défense citoyenneté. J'ai dû attendre longtemps. Les jeunes sont sortis tard et sans avoir fini tout le programme. Je crains que cet amendement, bienvenu dans son esprit, soit irréalisable.
M. Olivier Cadic. - Le jeunesse qui se croit invincible doit justement être sensibilisée à la mort. Il y a des accidents terribles chaque année. Aux organisateurs de ces journées de déterminer la façon de mener cette sensibilisation.
M. Gérard Roche. - Beaucoup de jeunes en fin d'adolescence sont très angoissés ; la mort leur fait peur. En parler peut provoquer des dégâts. Je vous l'affirme.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Ce n'est pas l'objet de la journée citoyenne et de défense. S'il peut être souhaitable d'inciter nos jeunes concitoyens à donner leur sang ou leurs organes, faire de la propagande pour les directives anticipées, à destination du public le moins concerné, serait totalement inapproprié. En outre, quand on donne ses directives anticipées à 20 ans, il y a fort à parier qu'elles seront devenues obsolètes à 80 ans...
Mme Catherine Procaccia. - Et la loi aura changé !
L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est chargé de faire enregistrer les directives anticipées de ses patients sur le registre mentionné au cinquième alinéa.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Cet amendement prévoit que le médecin traitant est chargé de faire inscrire les directives anticipées de ses patients sur le registre national prévu à cet effet.
C'est dans l'échange avec son médecin que le patient sera sensibilisé.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Les modalités doivent être renvoyées à un décret en Conseil d'État. Elles méritent d'être réfléchies : le médecin enregistre-t-il tout de suite les directives anticipées ? Ou faut-il laisser le temps à l'intéressé d'en parler avec son conjoint, par exemple ? Le médecin est-il le seul interlocuteur ? Votre amendement n'épuise pas le champ des possibles. Retrait.
L'amendement n°26 est retiré.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s'assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l'invite à procéder à une telle désignation.
II. - (Rejeté lors d'un vote par division) Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu'une mesure de protection judiciaire est ordonnée et que le juge ou le conseil de famille, s'il a été constitué, autorise la personne chargée de la protection à représenter ou à assister le majeur pour les actes relatifs à sa personne en application du deuxième alinéa de l'article 459 du code civil, la désignation de la personne de confiance est soumise à l'autorisation du conseil de famille, s'il est constitué, ou à défaut du juge des tutelles. Lorsque la personne de confiance est désignée antérieurement au prononcé d'une telle mesure de protection judiciaire, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut soit confirmer sa mission, soit la révoquer. »
Mme Marisol Touraine, ministre. - La désignation de la personne de confiance doit être une préoccupation durant tout le parcours de santé, non seulement à l'entrée à l'hôpital.
L'autre partie de l'amendement est purement légistique : comme vous l'avez fait dans le projet de loi adopté cette nuit, il faut assurer la cohérence du texte avec le code civil, en ce qui concerne les mesures de protection judiciaire.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par M. Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
tutelle
insérer les mots :
, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil,
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Amendement de précision. Pour l'amendement n°29, nous n'avons pas eu le temps de l'examiner. Nous serions plutôt favorables à son premier élément. Nous considérons en revanche que la désignation d'une personne de confiance est personnelle et ne peut donner lieu à représentation.
Avis défavorable, sous réserve que la commission des lois confirme mon appréciation. Il faudrait voter par division.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je confirme ce que dit le rapporteur sur l'alinéa 6. Il faut un consentement strictement personnel, conformément à l'article 458 du code civil.
La désignation de la personne de confiance ne saurait relever ni de la personne qui assiste le patient, ni du tuteur de ce dernier. La rédaction de la commission des affaires sociales est bien meilleure et permet au juge et au conseil de famille d'apprécier si la personne protégée est en mesure de désigner une personne de confiance. Si elle l'est, pourquoi devrait-elle s'en remettre à la décision de son tuteur ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je n'entre pas dans le débat de fond ! Mais vous avez adopté cette nuit, dans le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, des dispositions contraires.
Nous ne proposons donc qu'une mise en cohérence légistique, à laquelle il faudra bien procéder.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Je demande un vote par division.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Le projet de loi sur le vieillissement est encore en navette. Nous pourrons toujours en discuter en commission mixte paritaire. Mais l'article 458 du code civil existe !
Mme Annie David. - Soyons cohérents. Je fais confiance au rapporteur pour avis de la commission des lois, malgré nos griefs sur son précédent amendement. Cependant, je serais plutôt encline à voter l'intégralité de l'amendement, par cohérence avec ce que nous avons voté cette nuit - même si je n'ai pas tous les articles du précédent projet de loi en tête, je l'avoue...
M. Georges Labazée. - Le I est conforme à notre position. Quant au II, il faut certes la même rédaction dans les deux textes. Nous avons voté cette nuit des dispositions sur les rapports entre tutelle et personne de confiance. M. Mouiller avait déposé un amendement et Mme Rossignol a indiqué qu'il faudrait reprendre le sujet très compliqué des tutelles.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - On parle beaucoup du II, mais le pire est dans le I. Quelles conclusions le patient tirera-t-il sur son état de santé quand le médecin l'invitera à choisir une personne de confiance ? Cette démarche pourrait être très violente. Le législateur ne doit pas inciter à faire de la propagande sur la désignation d'une personne de confiance.
Le I de l'amendement n°29 est adopté.
Le II de l'amendement n°29 n'est pas adopté.
L'amendement n°29, ainsi modifié, est adopté.
L'amendement n°27 est adopté.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le patient peut désigner une personne de confiance suppléante. Son témoignage est entendu uniquement si la personne de confiance titulaire se trouve dans l'incapacité d'exprimer la volonté du patient qui l'a désignée.
Mme Annie David. - Cet amendement reprend celui déposé par Mme Le Vern à l'Assemblée nationale, et adopté en séance publique.
Il s'agit de désigner une personne de confiance suppléante. Garantissons au patient que sa volonté sera transmise, y compris si la personne de confiance qu'il a désignée n'est plus en mesure de l'exprimer, qu'elle soit décédée, privée de ses facultés mentales, ou simplement injoignable.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Cela peut paraître tout à fait naturel ; c'était prévu dans la loi sur le vieillissement. Les choses peuvent néanmoins devenir compliquées... C'est pourquoi nous avons en commission demandé le retrait.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis. Ce n'est pas une idée saugrenue. Je crains pourtant qu'elle soit porteuse de conflits entre les deux personnes de confiance, qui peuvent avoir des interprétations différentes des propos du patient. De telles situations se manifestent au sein d'une même famille.
Mme Evelyne Yonnet. - L'amendement vise plutôt le cas de décès ; cela me paraît une très bonne idée.
Mme Annie David. - En effet, dans ce cas, il ne peut pas y avoir de conflit. Mais j'entends que cela peut être affiné.
L'amendement n°18 est retiré.
L'article 9, modifié, est adopté.
Les articles 10, 11, 12 et 13 sont successivement adoptés.
ARTICLE 14
M. le président. - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, MM. Portelli et Bignon, Mme Canayer, MM. Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, MM. B. Fournier et Vasselle, Mmes Imbert, Duchêne et Gruny et MM. de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.
Alinéa 1
Avant les mots :
Le Gouvernement
insérer les mots :
À l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale,
M. Dominique de Legge. - Il s'agit pour le Gouvernement et le Parlement de pouvoir faire annuellement un état du développement des soins palliatifs et des conditions d'application de la présente loi. Lier ce rendez-vous à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de nature à le conforter et le pérenniser.
J'avais souhaité un bilan annuel sur les soins palliatifs, un rapport a été préféré. Cet amendement rapproche les deux positions en les consolidant.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Avis favorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas du tout le cadre juridique adéquat. C'est avant tout un texte financier : nous n'en faisons pas le réceptacle de tous les bilans de toutes les politiques de santé ! Je suis surprise de votre volonté de discuter de la fin de vie lors de l'examen de ce texte.
M. Dominique de Legge. - Je suis surpris moi aussi - de la véhémence de vos propos. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Il est apparu nécessaire de développer les soins palliatifs : logique par conséquent d'aborder la question de leur financement. Je peux comprendre que vous y voyiez une contrainte un peu forte, car il y a une date. C'est une manière d'affirmer que votre volonté de développer les soins palliatifs trouve une traduction budgétaire. Sinon, on en restera au voeu pieux.
Mme Isabelle Debré. - Je suis moi aussi étonnée de votre réaction, madame la ministre, face à cet amendement qui a fait l'unanimité en commission. Il s'agit de rendre ce rapport « à l'occasion » et non « dans le cadre » du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Françoise Gatel. - Je suis moi aussi surprise de votre surprise. Nous attendons tous que vous teniez votre engagement pour les soins palliatifs, engagement que nous avons salué ! Vous devriez être flattée de la confiance que nous vous témoignons : chaque année, vous nous présenterez les progrès qui auront été faits, et je n'ai aucun doute qu'il y en aura.
Mme Evelyne Yonnet. - Il ne s'agit pas d'une surveillance. Je voterai l'amendement.
L'amendement no15 rectifié bis est adopté.
L'article 14, modifié, est adopté.
INTITULE DE LA PROPOSITION DE LOI
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi créant de nouveaux droits pour les malades et les personnes en fin de vie
Mme Annie David. - « En faveur », concernant la fin de vie, me semble peu approprié. Il est restrictif, en outre, de faire porter la proposition de loi sur les seuls malades en fin de vie. Les soins palliatifs, le droit de refuser l'acharnement thérapeutique ou de désigner des personnes de confiance concernent bien d'autres personnes.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - L'intitulé d'origine ne nous convenait pas. Nous avons donc proposé : « Loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie », ce qui est plus précis et évitait de différencier malades et personnes en fin de vie. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis favorable. Cet amendement reflète bien la diversité des situations couvertes par ce texte.
Mme Evelyne Yonnet. - Nous avons découvert le changement d'intitulé en commission...
Mme Catherine Procaccia. - Non cela a été voté !
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Bien sûr !
Mme Evelyne Yonnet. - Le texte tel qu'il nous avait été distribué entérinait déjà le changement, sur lequel nous ne nous étions pas encore prononcés. Nous voterons donc pour cet amendement bienvenu.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
(Marques de désappointement à gauche)
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Godefroy . - Bien que notre amendement n'ait pas été adopté à l'article 3, le texte qui sortira du Sénat est équilibré. Nous le voterons.
M. Georges Labazée . - Grâce à un débat apaisé, nous nous sommes retrouvés sur l'essentiel. Nous avons demandé des scrutins publics de protection pour retrouver la sérénité... (Rires)
Après celui d'hier, voici un deuxième texte qui recevra l'onction de la grande majorité des sénateurs. Madame la ministre, vous avez raison de signaler qu'il reste du travail en CMP. Les deux interviendront sans doute le même jour et ce sera l'occasion de résoudre quelques approximations...
Mme Françoise Gatel . - Merci aux rapporteurs et au président Milon pour la qualité de nos débats. Nous avons cheminé sur un chemin de crête pour parvenir à un texte équilibré qui respecte les droits des patients et sécurise les équipes médicales. Madame la ministre, votre obstination quelque peu déraisonnable en début d'après-midi m'a fait un peu peur, car si je respecte les convictions de ceux qui voulaient un autre texte, je ne pense pas que nous puissions leur donner satisfaction.
Mme Annie David . - La discussion a été passionnante, sur un sujet délicat. J'avais annoncé que le groupe communiste républicain et citoyen voterait pour le texte s'il n'était pas dénaturé en séance. Les dispositions essentielles sont conservées, sédation profonde, soins palliatifs, même s'il y a un point faible, le financement.
Certains membres de mon groupe estiment que le texte ne va pas assez loin sur plusieurs sujets. Je regrette pour ma part que des imprécisions demeurent sur les directives anticipées. Sur cette question, le manque de respect pour les travaux en commission m'a mise en colère. Ce que nous avions fait sur la décision collégiale est amoindri dans la rédaction actuelle. J'hésite donc à voter ce texte et à engager mon groupe. Je veux bien, cependant, faire confiance aux trois rapporteurs, dans leur diversité politique, et voter le texte - le sujet le mérite. D'ici la CMP, j'espère que nous nous entendrons sur la rédaction la plus satisfaisante. (M. François Pillet, rapporteur pour avis, approuve)
Mme Corinne Bouchoux . - Je tiens à saluer les présidents et les rapporteurs ainsi que tous les intervenants dans ce débat de haute tenue et presque apaisé. Les membres du groupe écologiste s'abstiendront, l'un d'entre eux ne souhaitant pas s'engager dans cette direction, les autres estimant que le texte ne va pas assez loin.
M. Dominique de Legge . - Au sein du groupe Les Républicains, certains voteront pour, d'autres contre, d'autres encore s'abstiendront. Ce qui prouve une grande liberté de vote dans notre groupe. Et reflète aussi la difficulté à avancer sur un tel sujet. L'important est à mon sens qu'il y ait un texte du Sénat, comme nous le souhaitions. Le groupe Les Républicains espère que les avancées obtenues ici seront conservées.
Votre intervention en début d'après-midi m'a grandement inquiété, madame la ministre, vous sembliez ne pas vouloir écouter le Sénat. Votre amendement de retour à la rédaction des députés, comme si elle était l'alpha et l'oméga, débutait mal l'examen des amendements. Il est important que le dialogue s'ouvre maintenant entre les deux assemblées. Je fais confiance à nos rapporteurs pour faire régner le même esprit qu'ici à la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Hervé Poher . - Le français est une langue fantastique. Ce n'est pas la même chose de dire « laissez-moi mourir dignement », « aidez-moi à mourir dignement » ou « faites-moi mourir dignement ». Jusqu'à présent, le médecin ne pouvait répondre qu'à la première demande ; il pourra désormais répondre à la seconde - pas à la troisième, mais ce sera sans doute bientôt le cas.
À la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°35 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 297 |
Pour l'adoption | 287 |
Contre | 10 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche, au centre ; Mme Catherine di Folco applaudit également)
Prochaine séance, mardi 3 novembre à 15 heures.
La séance est levée à 20 h 10.
Jeudi 29 octobre 2015 |
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Bas sommaire |
Sommaire
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête1
Organisme extraparlementaire (Candidature)1
Convention internationale (Procédure simplifiée)1
Échange de renseignements relatifs aux comptes financiers1
Discussion générale1
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports1
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances2
M. Jean-Claude Requier2
M. Vincent Delahaye2
Mme Marie-France Beaufils2
M. Jacques Chiron2
M. André Gattolin2
M. Francis Delattre2
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État2
Discussion de l'article unique2
Malades en fin de vie (Deuxième lecture)2
Discussion générale2
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes2
M. Gérard Dériot, co-rapporteur de la commission des affaires sociales.2
M. Michel Amiel, co-rapporteur de la commission des affaires sociales 2
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois2
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales2
Mme Françoise Gatel2
Mme Annie David2
M. Georges Labazée2
Mme Corinne Bouchoux2
Mme Brigitte Micouleau2
M. Gilbert Barbier2
M. Dominique de Legge2
M. Jean-Pierre Godefroy2
Mme Marisol Touraine, ministre2
Organisme extraparlementaire (Nomination)2
Questions d'actualité2
Chambres d'agriculture en Bretagne2
M. Joël Labbé2
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement2
Retraites et pensions de réversion2
Mme Michelle Demessine2
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes2
Charte européenne des langues régionales2
M. François Marc2
M. Manuel Valls, Premier ministre2
Politique fiscale du Gouvernement (I)2
M. Jean-Léonce Dupont2
M. Manuel Valls, Premier ministre2
Politique fiscale du Gouvernement (II)2
M. Daniel Laurent2
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement2
Accueil des migrants2
Mme Hermeline Malherbe2
M. Manuel Valls, Premier ministre2
Lutte contre le harcèlement2
Mme Marie-Pierre Monier2
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes, président de la commission2
Réforme de la dotation générale de fonctionnement2
M. Philippe Bonnecarrère2
Mme Marylise Lebranchu, ministre2
Fiscalité du numérique2
M. Michel Bouvard2
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État2
Approvisionnement électrique de la Guyane2
M. Antoine Karam2
Mme George Pau-Langevin, ministre2
Chiffres du chômage2
M. Gérard Cornu2
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État2
Conflits avec les professionnels du droit2
M. Marc Laménie2
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement2
Dépôt d'un rapport2
Modification de l'ordre du jour2
Malades en fin de vie (Deuxième lecture - Suite)2
Discussion des articles2
ARTICLE PREMIER2
ARTICLE 22
ARTICLE 32
M. Philippe Bas, président de la commission des lois2
M. Alain Milon, président de la commission2
M. Daniel Chasseing2
Mme Evelyne Yonnet2
ARTICLE 52
ARTICLE 82
Mme Dominique Gillot2
ARTICLE 92
ARTICLE 92
ARTICLE 142
SÉANCE
du jeudi 29 octobre 2015
16e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
Mme la présidente. - M. le Président du Sénat a reçu hier un rapport de M. Jacques Mézard au nom de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, créée le 4 mai 2015, à l'initiative du groupe du RDSE, en application de l'article 6 bis du Règlement.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition « Lois et Décrets », de ce jour. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'Instruction générale du Bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera publié sous le n°126, le mercredi 4 novembre 2015, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Mme la présidente. - Monsieur le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
La commission des lois propose la candidature de M. Mathieu Darnaud pour siéger comme titulaire au sein de cet organisme.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Convention internationale (Procédure simplifiée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.
Le projet de loi est adopté définitivement.
Échange de renseignements relatifs aux comptes financiers
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers.
Discussion générale
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Non, je ne me suis pas égaré ! (Sourires) Je vous prie d'excuser l'absence de M. Sapin, retenu, et vous présente ce texte, essentiel aux yeux du Gouvernement, qui autorise l'approbation de l'accord multilatéral sur l'échange automatique d'informations à des fins fiscales.
Cet accord illustre concrètement les avancées de la transparence fiscale au niveau internationale ainsi que la coopération des États pour répondre aux fléaux que sont la fraude et l'évasion fiscales, fléaux qui portent atteinte aux recettes publiques comme à l'égalité devant l'impôt. Ne nous y trompons pas, il marque un changement d'époque.
La France, s'appuyant sur la loi américaine Fatca de 2010, est engagée de longue date dans la promotion d'un mécanisme d'échange d'information automatique, multilatéral et réciproque au sein du G20 et de l'OCDE. Ella a encouragé l'OCDE, avec ses partenaires du G5, à établir un standard technique d'échange.
Elle s'était engagée à appliquer ce standard sans retard dès qu'il serait techniquement au point, entraînant à sa suite une dizaine d'États, dits « précurseurs ».
M. Sapin a annoncé l'adoption du dispositif d'échange le 28 avril 2014. L'accord a été signé à Berlin en octobre 2015 par une cinquantaine d'États et de territoires. Il réunit 61 États, dont la Suisse. Depuis, 33 pays l'ont rejoint, s'engageant à transmettre les informations fiscales en 2017 ou en 2018, dont Hong-Kong et Singapour. Le conseil Ecofin du 9 décembre dernier s'est accordé sur une directive traitant du même sujet.
L'échange prévu est très large, puisqu'il porte sur les comptes bancaires, les contrats d'assurance vie, les soldes et les revenus perçus. Ainsi pourront être identifiés et réduits les mécanismes de fraude et d'évasion fiscale ; l'assistance mutuelle entre administrations fiscales, en aval, reste pertinente.
Son rôle dissuasif est déjà avéré. La cellule ad hoc de Bercy a recouvré deux milliards d'euros en 2014 ; 2,6 milliards sont attendus en 2015 via le mécanisme de régularisation mis en place.
Des règles ont été fixées de sorte que la confidentialité des données échangées sera garantie.
L'entrée en vigueur du dispositif est prévue pour le 1er janvier 2016. Les services du ministère des finances échangent déjà régulièrement avec les établissements financiers sur les diligences utiles pour qu'il fonctionne efficacement.
Cet accord est crucial pour lutter au niveau mondial contre la fraude et l'évasion fiscale. Le Gouvernement invite le Sénat à l'adopter. (Applaudissements)
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances . - Priorité politique majeure des pays de l'OCDE et du G20, la coopération fiscale repose, pour l'heure, sur l'échange d'informations fiscales à la demande, ce qui suppose la connaissance de ce qui est recherché et la bonne volonté des partenaires - conditions loin d'être aujourd'hui réunies. Pour aller plus loin, il a fallu une initiative unilatérale et cavalière des États-Unis, la loi Fatca de 2010. Les pays européens, le G20 n'avaient plus guère le choix...
Cet accord, signé par 94 États et fondé sur une norme commune au champ très large, prévoit que les données seront collectées dès le 1er janvier 2016, pour des échanges automatiques au plus tard en septembre 2017. C'est un progrès majeur que le recul du secret bancaire. Le pouvoir dissuasif de ce mécanisme est réel, puisque 2,7 milliards d'euros devraient être recouvrés par la cellule de régularisation en 2017.
L'accord présente cependant une faiblesse par rapport à Fatca, il n'est pas contraignant. Les grands États, dont la France, doivent tout faire pour convaincre les autres pays de les suivre. Autres faiblesses pour l'heure : l'incompatibilité des standards OCDE et Fatca et la non réciprocité du mécanisme américain. Quelles avancées peut-on escompter sur ces points, monsieur le ministre ? Doit-on s'inquiéter de la non signature de l'accord par les États-Unis ? Il faut noter également que les champs d'application diffèrent. Un comparatif détaillé est annexé au rapport.
Les établissements financiers et la DGFiP ont déjà mis en place une infrastructure numérique fondée sur le système élaboré pour Fatca.
Cependant, le balayage complet des comptes afin de déceler les non-résidents supposera de reprendre l'article 1649 AC du code général des impôts. Une période transitoire sera nécessaire pour que les acteurs s'adaptent au mécanisme - la loi Fatca prévoit d'ailleurs un tel délai ; le Gouvernement est-il ouvert à une telle solution ? Le montant de l'amende de 200 euros prévue pour dissimulation d'information est bien faible. La liste des États non coopératifs n'a pas été mise à jour depuis longtemps. Enfin, quid des entreprises multinationales ?
Ces réserves mises à part, cet accord est une avancée majeure ; je vous propose d'adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Cet accord marque une inflexion politique majeure. Il paraissait inenvisageable il y a seulement quelques années. Puis est passée la crise financière de 2007... On se souvient des conclusions des différents G20 et surtout de celui de 2009. Il a fallu que la loi Fatca change la donne de manière un peu brutale, en 2010, pour que soit mis à l'ordre du jour la levée du secret bancaire.
Cet accord organise l'échange automatique d'informations sur une base multilatérale, égalitaire et réciproque. La France a été leader dans ce dossier. L'évasion fiscale représente dans notre pays entre 80 et 100 milliards d'euros, plus que notre déficit public. La lutte contre la fraude commence à porter ses fruits.
Cet accord comporte néanmoins des faiblesses qui appellent à la vigilance. D'abord, ses stipulations ne sont pas contraignantes ; ensuite, leur application dépend largement des compatibilités techniques des systèmes d'information des États parties ; enfin, il conviendra de contrôler l'usage qui sera fait des données par les administrations étrangères et de veiller au respect des libertés individuelles.
Le RDSE salue cet accord et votera le texte. (Applaudissements)
M. Vincent Delahaye . - La lutte contre l'évasion fiscale est un impératif majeur. Le manque à gagner avoisine 60 milliards dans notre pays, situation d'autant plus insupportable au regard de l'état de nos finances publiques.
En 2012 puis en 2013, des commissions d'enquête sénatoriales ont alerté l'opinion publique sur la nécessité d'agir vite et fort. Il a fallu attendre la loi Fatca de 2010 pour que les choses évoluent en Europe ; la France s'est fortement mobilisée dans le processus qui a abouti à la signature, sous l'égide de l'OCDE, de l'accord de Berlin du 29 octobre 2014.
Le texte est ambitieux, par le caractère des informations transmises, l'étendue des comptes déclarables, les institutions financières concernées. Dans une certaine mesure, il a déjà porté ses fruits en accélérant les régularisations.
Il n'en comporte pas moins des faiblesses - caractère non contraignant, incompatibilité avec le mécanisme américain - que M. Doligé a détaillées. Il faudra aller vers un standard unique, multilatéral et réciproque.
Parce que cet accord représente un progrès majeur dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
Mme Marie-France Beaufils . - La crise des marchés financiers de 2008 a largement montré les errements dans lesquels les places boursières et l'industrie financière s'étaient fourvoyées. Elle a conduit les États, notamment ceux dont le secteur bancaire était le plus atteint, à intervenir massivement.
La crise a également attiré l'attention de l'opinion publique sur l'évasion fiscale, la fraude, les paradis fiscaux et poussé l'OCDE à réfléchir à de nouvelles régulations des marchés comme à de nouveaux moyens de lutte.
Les commissions d'enquête du Sénat, à l'initiative du groupe CRC, ont contribué à la réflexion collective. Rappelons que le manque à gagner pour nos finances publiques se situe entre 60 et 80 millions d'euros... La loi de séparation bancaire n'a pas eu les effets escomptés.
L'initiative des États-Unis, avec la loi Fatca, a contribué à ébranler les établissements bancaires. Le présent accord, qui s'en inspire, ne peut que recueillir notre assentiment. Sans être une arme fatale, c'est une étape nécessaire. Le poids de l'opinion publique aura été utile. Mais une démarche similaire en direction des entreprises transnationales serait autrement plus pertinente... Le rapporteur Doligé a souligné son effet dissuasif, source de recettes fiscales.
Éric Bocquet, dans son rapport, appelait un tel mécanisme de ses voeux. Alors, malgré ses imperfections, le groupe CRC ne boudera pas son plaisir et votera ce texte. (Applaudissements)
M. Jacques Chiron . - L'évasion fiscale semblait il y a peu encore si complexe, si nébuleuse, si structurée par une industrie qui en fait commerce qu'on n'imaginait pas pouvoir l'enrayer. Pour lutter contre ce phénomène, il a fallu ténacité et constance. En améliorant les connaissances sur le sujet d'abord, et je salue le travail accompli au Sénat, au sein du groupe de travail de la commission des finances et des commissions d'enquête. Ensuite, en formant des coalitions internationales, au sein desquelles la France a joué un rôle moteur. Le processus a été accéléré par trois événements que l'on n'a guère maîtrisés : l'intolérance croissante de l'opinion publique internationale, la raréfaction des ressources publiques et l'initiative Fatca.
Les réflexions internationales doivent être traduites dans les faits. Je me réjouis que la France ait été à la hauteur.
51 États ont signé l'accord d'octobre 2014 relatif à l'échange automatique d'informations relatives aux comptes bancaires, aux contrats d'assurance et aux trusts ; des États traditionnellement attachés au secret bancaire comme la Suisse, l'Autriche ou le Luxembourg et des centres offshore en sont parties. Je veux saluer le travail de Pierre Moscovici qui a poursuivi à Bruxelles son engagement pour la justice fiscale, ainsi que celui de MM. Sapin et Eckert.
L'accord de Berlin consacre une nouvelle norme mondiale, plus crédible, malgré ses imperfections, que celle de la loi Fatca.
Rétrospectivement, nous pouvons nous féliciter de la rapidité avec laquelle le rapport de forces s'est inversé, la lutte contre la fraude s'est concrétisée. Le mécanisme est déjà efficace, si l'on en juge par les régularisations fiscales déjà effectuées - 2,6 milliards attendus en 2015, qui contribueront, comme en 2016, à la baisse des impôts des classes moyennes et populaires. La moralisation est en marche.
Il reste des combats à mener, à commercer par celui de la fiscalité numérique et la fraude à la TVA.
Le groupe socialiste et républicain votera ce texte qui affermit le pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Gattolin . - Ah comme j'aurais aimé ne pas avoir à bouder mon plaisir ! C'est une vieille revendication des écologistes dont nous débattons ce matin. Quel parcours du combattant pour en arriver à ce texte de bon sens et de justice ! Mais rien n'aurait été fait sans la loi Fatca. Ce que cela révèle du fonctionnement de l'Europe est proprement terrifiant. La concurrence entre États membres y est si forte, les intérêts privés si puissants que même la lutte contre le secret bancaire n'a pas réussi à cristalliser une conscience collective... L'intérêt général européen a été défendu par une bravade américaine ! N'est-il pas temps d'avoir un sursaut d'orgueil ?
En France, c'est la loi sur la séparation bancaire qui a fait avancer les choses. Souvenons-nous cependant que lorsque le groupe écologiste voulait renforcer la transparence fiscale, Pierre Moscovici, ministre des finances, craignait alors en commission, avant de revenir sur sa position en séance, que la levée du secret bancaire nuise à la compétitivité des banques... Plus tard, les dispositions voulues par le Parlement européen pour plus de transparence, à l'initiative des parlementaires écologistes, ont encore fait l'objet de blocages par la Commission... Pouvons-nous compter sur l'engagement de la France pour que la transparence fiscale s'applique aux grands groupes ? Notre pays peut donner l'exemple.
Les écologistes voteront ce texte, heureux de le voir aboutir enfin, mais restent lucides sur sa genèse... (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur ceux du groupe socialiste et républicain)
M. Francis Delattre . - Nous nous félicitons tous que ce projet ait abouti. Il rendra automatique les échanges entre États, mais ceux-ci devront obtenir les informations de leurs établissements financiers, ce qui nécessitera un peu de travail d'approfondissement...
Le champ de cet accord est mondial, c'est un progrès incontestable. L'échange se faisait jusqu'alors en cas de soupçon a priori, dans des formats variés, de manière anonyme. Cela semble d'un autre temps désormais. C'est tant mieux.
Si les nombreux rapports parlementaires ont contribué à améliorer les connaissances sur ces sujets, c'est la loi Fatca qui a véritablement changé le rapport de force. Il a fallu ainsi l'épisode d'UBS pour qu'un zèle nouveau soit déployé en faveur de la réciprocité, ainsi que l'affaire de l'accord Rubik : l'Allemagne, rappelez-vous, aurait bénéficié d'un retour de 2 milliards d'euros par an sur les comptes de particuliers allemands en Suisse. Tout cela appartient, espérons-le, au passé. Nous sommes entrés dans un nouveau monde.
L'accord du 29 octobre 2014 instaure une nouvelle norme mondiale. La France y a fortement contribué, et 94 États se sont engagés à le signer dont 61 qui le mettront en oeuvre dès 2016. Le terme « diligences raisonnables » reste imprécis, mais il représente un premier pas. La nouvelle norme commune rendra accessible l'identité et le numéro fiscal du contribuable, son numéro de compte, le solde de celui-ci et les revenus financiers produits : cette transparence est bienvenue.
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, qui va ouvrir une nouvelle ère dans la mondialisation. Nous connaissons les réticences des pays anglo-saxons à l'égard de tels mécanismes. Félicitons-nous qu'elles soient vaincues. Qu'un citoyen, sous toutes les latitudes, soit soumis à la justice fiscale, cela n'annonce-t-il pas une forme de citoyenneté du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État . - Je remercie tous les orateurs et me réjouis de l'unanimité qu'ils ont manifestée.
Le refus des États-Unis de signer l'accord de Berlin s'explique simplement : ils ont déjà signé des accords bilatéraux sur la base de leur système Fatca. Les établissements français ont d'ailleurs déjà commencé leur coopération avec eux.
La mise en oeuvre de l'accord en 2016 était nécessaire pour montrer notre détermination sans faille à lutter contre l'évasion fiscale. La directive sera transposée avant le 31 décembre 2015.
Les sanctions prévues sont inspirées de celles qui existent déjà aux articles 1736 et 1729 B du code général des impôts. Il s'agit de 200 euros par erreur ou information non transmise - il y en a des millions. Le total est potentiellement très élevé, sans être disproportionné.
Enfin, la liste des territoires non coopératifs sera publiée très prochainement. M. Sapin y demeure très attaché.
Un mot enfin : la cellule de Bercy récupère cette année plus de 2 milliards d'euros ; le Gouvernement a fait le choix de baisser les impôts de millions de nos compatriotes en 2016. C'est un signe important de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est adopté.
Malades en fin de vie (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Discussion générale
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Au début du mois d'octobre, l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture cette proposition de loi. Donner de nouveaux droits aux malades est une exigence parce que les progrès de la médecine ont modifié notre rapport à la mort. L'espérance de vie s'allonge, les attentes des Français ont évolué et des affaires très médiatisées ont agité l'opinion publique.
La mission confiée au Professeur Sicard, les débats en région et la conférence citoyenne organisée par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ont permis à nos concitoyens de s'exprimer. Il en ressort que les soins palliatifs sont peu accessibles à tous, ou du moins pas dans les mêmes conditions, que les Français connaissent mal leurs droits et qu'une nouvelle étape est nécessaire pour mieux accompagner nos concitoyens en fin de vie. D'où la mission confiée aux députés Claeys et Leonetti et l'élaboration de cette proposition de loi.
L'Assemblée nationale s'est prononcée par deux fois, à une très large majorité, en faveur de ce texte. Votre assemblée l'examine à nouveau après l'avoir rejeté en première lecture. De fait, après vos débats, il ne correspondait ni aux attentes de la majorité gouvernementale, ni à celles de la majorité sénatoriale. Il correspond à un point d'équilibre.
La seule question qui vaille est : le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale répond-il aux attentes des Français ? Oui, c'est ma conviction.
Il s'agit d'abord de renforcer les soins palliatifs. Les Français ne sont pas égaux devant la mort. Deux tiers de ceux qui meurent de maladie auraient besoin de soins palliatifs. Bien que le nombre de lits ait été multiplié par vingt en dix ans, trop nombreux sont ceux qui n'y ont pas accès ou n'y accèdent que trop tard. D'où le plan triennal lancé par le président de la République que je présenterai bientôt aux acteurs lors d'un déplacement auprès d'une structure particulièrement engagée dans les soins palliatifs à domicile - car les soins palliatifs doivent entrer en maisons de retraite et à domicile et ne pas se limiter à l'hôpital. Ses objectifs sont de mieux informer les patients, de renforcer la formation des professionnels, de développer les prises en charge de proximité, de réduire les inégalités d'accès. Sans attendre, j'ai dégagé 40 millions d'euros supplémentaires dans le budget 2016 de la sécurité sociale pour renforcer le développement des soins palliatifs ; concrètement, cela se traduira par trente équipes mobiles de soins palliatifs et la création de six unités. Les ARS veilleront à l'effectivité du droit d'accès universel aux soins palliatifs sur tout le territoire. Ce combat nous rassemble tous.
Deuxième avancée du texte : mieux faire connaître aux Français leurs droits. La moitié d'entre eux ignorent qu'un patient peut demander l'arrêt des traitements qui le maintiennent en vie ; et seuls 2,5 % ont rédigé des directives anticipées... Ce constat ne doit pas inciter à l'inaction ou à la résignation. Un modèle-type de directives anticipées sera élaboré sous l'autorité de la Haute Autorité de santé et un registre national automatisé créé.
Pour inciter nos concitoyens à se saisir de ce droit, encore faut-il les convaincre de son effectivité. Là encore, ce texte marque une avancée : les déclarations anticipées seront contraignantes pour les professionnels de santé, sans date de validité. La volonté du patient sera déterminante. Rester maître de sa vie comme de sa mort, c'est un enjeu de dignité.
Troisième avancée, l'encadrement de l'arrêt des traitements. Des progrès ont été faits mais en l'état actuel du droit, seuls les professionnels peuvent décider de mettre fin aux traitements ; ils sont parfois désemparés face à des situations qui les laissent dans la solitude de leur conscience. Les Français attendent une démédicalisation de la fin de vie. Le texte précise les modalités de l'interruption des traitements, clarifie la notion d'obstination déraisonnable avec le droit à bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme.
Or le texte de votre commission est en recul non seulement sur la version de l'Assemblée nationale mais aussi sur la loi Leonetti de 2005, en ne conservant que deux critères : la disproportion des traitements et le maintien artificiel de la vie. Des patients pourraient recevoir des traitements que les médecins eux-mêmes considèrent inutiles - c'était le troisième critère que vous avez supprimé. Le recul est aussi flagrant sur l'hydratation artificielle que vous avez assimilée à un soin pouvant être prodigué jusqu'au décès. Un patient qui ne serait plus alimenté continuerait d'être hydraté artificiellement ; ses souffrances seraient prolongées. C'est contraire à l'esprit de la proposition de loi : je proposerai par amendement de revenir à la définition de l'obstination déraisonnable de l'Assemblée nationale. L'hydratation et l'alimentation artificielles sont des traitements susceptibles d'être arrêtés.
Offrons aux Français la possibilité de mourir aussi dignement qu'ils ont vécu. J'espère vous convaincre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Gérard Dériot, co-rapporteur de la commission des affaires sociales. - Le 6 octobre dernier, l'Assemblée nationale a adopté un texte presqu'identique à celui qu'elle avait élaboré en première lecture. Le rapporteur Leonetti s'en est justifié en affirmant vouloir un dialogue de fond entre nos deux assemblées. En séance publique, les députés ont néanmoins repris certaines de nos propositions. Pour l'essentiel, la co-signature par la personne de confiance par laquelle elle est désignée et la liberté de la forme donnée aux directives anticipées.
Notre commission a fait le choix, non de rétablir son texte, mais d'intégrer des amendements qui avaient été adoptés en séance publique. La sédation profonde et continue ne constitue pas un acte d'euthanasie, cela est écrit clairement, elle concerne les seuls malades en fin de vie, dont la souffrance est réfractaire aux traitements.
Notre commission a accepté de rendre opposables les directives anticipées puisqu'elles peuvent demander ou refuser l'arrêt des traitements. Nous avons préservé la liberté d'appréciation du médecin compte tenu de la situation du malade. En revanche, nous avons maintenu que l'hydratation est un soin, qui peut être poursuivi jusqu'au décès.
Le Sénat, pour peser dans ce débat transpartisan, doit adopter un texte, faute de quoi c'est celui de l'Assemblée nationale qui s'imposerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Amiel, co-rapporteur de la commission des affaires sociales . - Gérard Dériot vient de vous dire dans quel esprit de compromis nous avons travaillé. Notre commission a oeuvré pour que le malade puisse demander l'arrêt des traitements et une sédation profonde et continue ; que les directives anticipées soient révisables et révocables à tout moment et par tout moyen ; que leur existence soit rappelée à leur auteur ; que le témoignage de la personne de confiance prévale sur tout autre.
Nous avons insisté pour que les soins palliatifs soient accessibles sur tout le territoire, car on meurt très mal en France.
À l'article 2, nous avons supprimé la référence à l'inutilité des traitements prescrits, afin de mieux garantir les droits des patients ; l'Assemblée nationale n'avait pas précisé les modalités d'arrêt des traitements.
À l'article 3, nous avons repris à notre compte l'amendement CRC à propos de la procédure collégiale pour lever toute ambiguïté sur son pouvoir d'opposition. Enfin, la sédation doit pouvoir être réalisée partout : à l'hôpital, en Ehpad ou à domicile.
À l'article 14, le contenu du rapport annuel a été précisé. Les besoins en soins palliatifs sont criants, nous attendons le plan triennal. Cette loi est faite pour ceux qui vont mourir et non ceux qui veulent mourir. Cela balaie tout risque d'euthanasie. En cela, elle est au plus près de la vie.
« La mort heureuse, la tête dans les étoiles », décrite par Albert Camus est hélas rare. Avançons ! (Applaudissements)
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Je salue le travail de la commission des affaires sociales, particulièrement éclairé et consensuel. Lors de débats humanistes, profonds et sereins, elle a intégré les préoccupations exprimées par la commission des lois. Son texte constitue le socle de l'accord à forger sur cette proposition de loi.
Nos amendements ne visent en rien à atténuer la force de ses propositions, au contraire. La légitimité et l'opportunité de nos interventions tiennent à l'exigence que soient supprimés tous les automatismes décisionnels et que soient préservées la liberté d'appréciation du médecin et surtout la volonté du malade. D'où notre appréciation sur la sédation profonde et continue en cas de souffrance réfractaire à tout autre traitement : l'Assemblée nationale voulait rendre obligatoire d'y recourir ; nous supprimons cette automaticité. On ne peut jamais faire l'impasse sur la volonté du malade.
Comme l'a dit Gérard Dériot, l'équilibre entre devoirs des soignants et droits des malades doit être impérativement préservé. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - À maintes reprises, je me suis exprimé sur la fin de vie, un sujet polémique qui cristallise les passions car il touche à l'essence même de nos interrogations existentielles. Convenons que nous devons trouver des solutions humaines et respectueuses.
Le législateur n'en est pas à sa première loi : nous avons progressé avec les lois de 1999, de 2002, de 2005. Les différents textes législatifs ont sans doute besoin d'être toilettés en raison du vieillissement de la population, des progrès de la médecine et de l'émergence de pratiques alternatives auxquelles l'accès reste inégalitaire.
Le credo de cette loi est de donner à chacun la possibilité d'une fin de vie digne et apaisée. Cependant, une loi ne modifie pas immédiatement les pratiques. Les médecins souhaitent l'intervention d'équipes de soins palliatifs, leur désir de soulager la souffrance des patients est fort. Certains craignent d'administrer des doses de sédatifs trop fortes menant au décès, d'autres le hâtent. C'est aussi leurs propres angoisses face à la mort et face à l'efficacité de leurs traitements que les médecins rencontrent en ces circonstances, et cela amène certains d'entre eux à se dire favorables à une euthanasie. Il nous faut protéger la liberté des individus contre les interventions indues de l'État.
La fin de vie ne doit pas être délaissée au profit d'autres moments de l'existence ; la souffrance est souvent intolérable pour le malade et pour ses proches. Le bien mourir fait désormais partie de notre société. Comme le dit le professeur Hirsch : « Ainsi se refondent les valeurs compassionnelles de notre démocratie ». Une démocratie elle-même sédatée...
Si assurer une mort digne représente un progrès, nous ne pourrons pas éliminer les demandes d'euthanasie et de suicide assisté. Le droit à mourir dignement est-il un progrès de l'autonomie des malades ? C'est une question morale à laquelle la société ne peut échapper.
Le texte de la commission des affaires sociales, qui intègre les amendements de la commission des lois, comporte des avancées tout en étant le fruit d'un consensus. C'est rare.
Selon Emmanuel Hirsch toujours, notre société est prête à des avancées. Les sondages, consultations, rapports, l'ont montré. Le problème de la fin de vie ne concerne pas que quelques patients ou cas médiatiques comme celui de Vincent Lambert. Avançons pour rendre la fin de vie la plus digne possible. (Applaudissements)
Mme Françoise Gatel . - Ce texte difficile met en cause nos convictions et nos valeurs. Il vient après la loi Leonetti de 2005 et nous rappelle la double inégalité d'accès aux soins palliatifs : seulement 20 % des patients accèdent aux soins palliatifs, 70 % des lits en soins palliatifs sont concentrés dans cinq régions. Les 40 millions d'euros supplémentaires et le plan triennal sont bienvenus, et nous en attendons le détail avec impatience.
Autre faiblesse, le manque de formation des professionnels aux soins palliatifs. La médecine doit être enseignée dans toutes ses finalités curative et palliative.
La fin de vie soulève des questions éthiques dans une société qui a banni la mort, vécue comme un échec. Est-ce ainsi que les hommes doivent mourir ? S'éteindre dans la souffrance ?
Le texte du Sénat, pesé au trébuchet, exempt de toutes les scories qui pouvaient provoquer les consciences, représente un geste d'humanité et de fraternité, qui honore notre assemblée. Je le voterai avec la majeure partie de mon groupe (Applaudissements)
Mme Annie David . - La mort, parce qu'elle ressortit à l'intime, au personnel, doit néanmoins être débattue au Parlement. Médecins, familles et patients nous attendent.
Le texte de première lecture décevait : il y manquait un volet financier, la sédation profonde et continue était réservée aux seuls malades dont le pronostic vital était engagé. Malgré sa modestie, la droite sénatoriale s'était liguée pour le vider de son sens. Dommage car nous avions renforcé la formation aux soins palliatifs en Ehpad et appelé au développement des soins palliatifs.
Le texte qui nous revient est bien meilleur. Cependant, nous déposerons des amendements pour rendre les déclarations anticipées strictement opposables au médecin mais aussi donner la possibilité de nommer une personne de confiance suppléante et, surtout, autoriser le suicide assisté quand la maladie est incurable. Tel est le sens que revêt à nos yeux le droit de mourir dans la dignité, droit que nous voulons approfondir.
Le bien mourir dépend des convictions morales, religieuses, ou simplement dictées par l'expérience vécue ; Il est donc difficile d'élaborer un texte correspondant à la vision que chaque Français a de sa propre mort. Cependant, le texte que nos commissions présentent en deuxième lecture est une bonne synthèse que le groupe communiste républicain et citoyen votera s'il n'est pas dénaturé en séance publique. (Applaudissements à gauche)
M. Georges Labazée . - Hier soir, le Sénat a voté à la quasi-unanimité le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement renforçant l'autonomie des personnes âgées. Je ne vois pas dans le présent texte une suite logique (Sourires), mais me félicite que le Sénat soit soucieux de créer de nouveaux droits pour les personnes isolées ou souffrantes.
Ce texte nous a fait vivre des heures difficiles dans l'hémicycle. Chacun a l'expérience de la mort d'un proche, personne ne veut réduire les souvenirs d'un être cher à ceux d'un corps en souffrance. Oui, cela a été difficile mais nous ne sommes pas là pour refaire le match.
Merci à Mme la ministre de son engagement pour les soins palliatifs, aux rapporteurs d'avoir apaisé les craintes des sénateurs, à défaut d'avoir apaisé toutes celles des malades.
Peut-être que, si nous étions allés plus vite, le docteur Bonnemaison aurait eu droit à un autre sort devant le tribunal.
Le Sénat est parvenu à un accord en commission. D'ailleurs, ne suivant pas le Conseil d'État, il a choisi de faire de l'hydratation artificielle un soin. Ainsi, nous étonnons-nous de l'amendement n°28 qu'a déposé la ministre.
Comme le groupe communiste républicain et citoyen, le groupe socialiste et républicain votera ce texte pourvu qu'il ne soit pas dénaturé en séance. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Corinne Bouchoux . - Merci aux rapporteurs et au président de la commission des affaires sociales d'avoir, par leur travail sérieux et réfléchi, réussi à améliorer l'image du Sénat qui avait été écornée par nos travaux sur la fin de vie en première lecture. Néanmoins, un homme, Jean Mercier, a été condamné la semaine dernière pour non-assistance à personne en danger : il a abrégé les souffrances de sa femme qui duraient depuis trente ans. Si nous n'avons pas à commenter des décisions de justice, nous pouvons constater une évolution des moeurs.
Ce texte ne concerne pas ceux qui veulent, mais ceux qui vont mourir. Certes nous ne pourrons pas traiter de tous les cas, le législateur se doit néanmoins d'entendre toutes les revendications. Nous proposons de reconnaître la volonté du patient de bénéficier d'une assistance active à mourir. Avec le recours à une sédation profonde et continue, le texte contient une avancée. L'équipe soignante en décidera collégialement, ce qui représente une importante garantie.
Ce texte, pour certains dont nous sommes, ne va pas assez loin. Mais la loi de 2005 avait des faiblesses, auxquelles cette proposition de loi remédie. L'équilibre est difficile à trouver, nous persistons à vouloir aller plus loin plus tard. Dans l'immédiat, nous nous abstiendrons. (Applaudissements à gauche)
Mme Brigitte Micouleau . - Dix ans après la loi Leonetti, un constat s'impose : les soins palliatifs sont loin d'être accessibles à tous, et les inégalités territoriales restent fortes. Trop de nos concitoyens sont dans une détresse extrême face à la maladie et à la souffrance. Les dysfonctionnements ont été révélés par le rapport annuel de la Cour des comptes de 2015, qui relève les disparités en termes de taux d'équipement. Certes, nous sommes passés de 90 à 122 unités de soins palliatifs, et les lits de 142 à 1 301. Mais c'est 5 000 nouveaux lits qu'il faudrait. Et les soins palliatifs sont inexistants dans les Ehpad.
Quelque 85 % des Ehpad ne dispose pas d'infirmières de nuit. D'où les recours aux urgences, où 22 % des personnes qui y meurent ont plus de 90 ans. La majorité d'entre elles auraient pu bénéficier des soins palliatifs.
La formation des professionnels aux soins palliatifs reste insuffisante de même qu'à l'écoute et à l'accompagnement psychique des patients. Le plan triennal de promotion de la culture palliative devra être traduit concrètement en loi de financement de la sécurité sociale. Je salue enfin le travail de la commission des affaires sociales. (Applaudissements au centre et sur la plupart des bancs à droite)
M. Gilbert Barbier . - Le 25 janvier 2011, au cours d'une longue nuit, nous avons débattu d'un texte voisin de celui-ci. Je garde un souvenir douloureux des échanges vifs entre Guy Fischer et Jean-Louis Lorrain : leurs positions étaient différentes mais ils souffraient tous deux du mal qui devait les emporter quelque temps plus tard.
Chacun, sur ce sujet, a ses convictions. Ce texte s'appuie sur le devoir de ne point nuire et de protéger les plus faibles. Que faire lorsque le patient estime que ses souffrances psychiques et physiques sont telles qu'il veut mourir ?
Nous sommes face à deux courants de pensée qu'il est vain de croire pouvoir réduire en jouant sur l'ambiguïté de certains mots. Entre le souhait d'éviter toute souffrance et la crainte d'une fin provoquée, la tension est grande. Fallait-il légiférer à nouveau ? Au nom du compromis, dois-je renoncer au serment que j'ai prêté ? J'ai relu Axel Kahn, Léon Schwartzenberg, Marie de Hennezel, Jean Luc Romero, Vladimir Jankélévitch et d'autres. La loi de 2005 semblait donner le droit de ne pas souffrir. Faut-il donner la mort par compassion ?
J'ai parcouru longuement l'amendement signé par 137 députés à l'Assemblée nationale. J'ai bien entendu vos propos madame la ministre : cette proposition de loi est « une étape ». Mais une étape vers quoi ? Vers la suppression de l'emprise des médecins sur nos vies, disent certains.
Certains professeurs se demandent ce que signifient vraiment les termes que nous employons : sédation profonde, assistance médicale à terminer sa vie, acharnement thérapeutique, obstination déraisonnable. Ces termes crus ne peuvent que nous interpeller. Emmanuel Hirsch parle, lui, d'obstination politique déraisonnable. Il n'est pas nécessaire de vote une nouvelle loi.
Merci au président du groupe RDSE de m'avoir permis d'exprimer une position qui n'est pas partagée par mes collègues du groupe. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Dominique de Legge . - Cette proposition de loi a donné lieu à de véritables débats de conscience. Je me réjouis que le débat ait eu lieu ; il est à l'honneur de notre assemblée.
Fallait-il revenir sur la loi Leonetti ? Gilbert Barbier l'a dit : il n'y avait peut-être pas urgence. Les amendements que nous avons déposés ont été adoptés, je m'en réjouis ; ils limiteront la judiciarisation de la mort.
La navette a rendu le texte plus équilibré, plus consensuel. La commission des affaires sociales reprend certaines dispositions votées en séance, ce qui est heureux. Je salue le travail réalisé en commission.
Le Sénat doit sortir un texte : nous sommes résolus à y parvenir, nous sommes prêts au dialogue. Mais les mêmes qui appellent au consensus disent vouloir revenir dès que possible sur le texte adopté en commission des affaires sociales ! Évitons tout marché de dupes.
Le développement des soins palliatifs était une exigence de la loi Leonetti, reprise ici, je m'en réjouis, de même que de l'assurance des 40 millions d'euros supplémentaires en loi de financement de la sécurité sociale.
Les directives anticipées contraignantes, l'avis de la personne de confiance, tout cela va aussi dans le bon sens.
Nous avions en première lecture supprimé la mention « continue jusqu'au décès » de la disposition relative à la sédation profonde et continue. Son caractère impératif contrevenait, selon nous, à la liberté de chacun. Au reste, inscrire une prescription médicale dans la loi serait sans précédent.
La navette a fait apparaître l'impossible prise en compte de tous les cas de figure. Nous déterminerons notre vote final à l'issue de la commission mixte paritaire : les avancées votées en commission des affaires sociales devront figurer dans le texte final. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Godefroy . - Je risque d'avoir le sentiment de me répéter, depuis 2001... Ma position n'a en effet pas changé. Écrire la loi sur la fin de vie est un exercice très délicat. Nous n'avons considéré que l'individu : sa dignité, ses valeurs. Jean-Claude Ameisen a posé une très bonne question : faut-il soulager la douleur ou raccourcir le temps qu'il reste à vivre ? Au malade de le déterminer. Il doit disposer d'un droit contre la souffrance mais aussi d'une ultime liberté dont il peut user ou non de demander une assistance médicalisée à mourir, qui ne porterait atteinte à personne d'autre... À mon sens, cela apaiserait bien des malades.
Je regrette le décalage entre cette proposition de loi et l'opinion publique. J'ai déposé un amendement à l'article 3 pour clarifier le choix, que chacun devrait pouvoir faire, non entre la vie et la mort mais entre deux façons de mourir.
Madame le ministre, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que le débat resterait ouvert, que le Parlement pourrait vouloir franchir une étape supplémentaire. Heureusement ! Mais quand ? Avec quelle majorité ?
L'article 3 permettra d'harmoniser les pratiques sédatives sur tout le territoire. L'article 8 sur le caractère contraignant des déclarations anticipées est une autre avancée, favorable à l'autonomie des personnes. L'article 9 sur la désignation de la personne de confiance va dans le même sens.
L'hydratation artificielle est considérée par la commission des affaires sociales comme un soin pouvant être maintenu jusqu'au décès : cette formulation, qui me semble protéger les malades, devrait faire consensus.
La société, j'en suis convaincu, est toutefois prête à aller plus loin. Je remercie le président Milon pour son écoute permanente et amicale, les rapporteurs pour leur remarquable travail et Guy Labazée pour la qualité de nos échanges.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marisol Touraine, ministre . - Nos échanges ont été déjà riches en première lecture, je ne dirai donc qu'un mot de remerciement. Nous partageons tous la volonté de respecter les préoccupations de chacun et je veux saluer l'attachement des orateurs au consensus et leurs propos apaisés qui n'entament en rien leurs convictions.
Le Gouvernement a précisément cherché un point d'équilibre. La question de la prolongation d'un traitement se pose de plus en plus souvent avec les progrès de la médecine. Il ne saurait y avoir la moindre automaticité dans l'administration de sédation profonde et continue ; ce texte est fondamentalement un texte de liberté.
Une étape vers quoi ?, me demande Monsieur Barbier. La réponse est simple : vers ce que souhaiteront les parlementaires. Je dis à ceux qui veulent aller plus loin : il vous appartient de poursuivre le mouvement enclenché. Les débats seraient sans doute vifs. La porte reste toutefois ouverte.
J'ai déjà évoqué le malaise du Gouvernement sur l'article 2 tel que récrit par la commission des affaires sociales. Nous y reviendrons dans la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du groupe socialiste et républicain et du groupe UDI-UC)
La discussion générale est close.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Mme la Présidente. - La commission des lois a présenté une candidature pour la désignation d'un membre titulaire au sein de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, je proclame M. Mathieu Darnaud membre titulaire de cet organisme extra-parlementaire.
La séance est suspendue à 13 h 10.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Chambres d'agriculture en Bretagne
M. Joël Labbé . - Les présidents des chambres d'agriculture des quatre départements de la région Bretagne, établissements publics financés par l'impôt, ont adressé le 28 décembre dernier un courrier aux agriculteurs bretons pour les inciter à refuser de déclarer les flux d'azote qu'ils répandent, les appelant donc à violer la réglementation. À ma connaissance, le Gouvernement est resté silencieux devant ce grave manquement. Monsieur le ministre de l'agriculture, j'attends que vous les rappeliez à leur devoir, à leurs obligations, à leurs responsabilités.
Sur le fond, cette obligation a servi dans les négociations avec la Commission européenne à justifier la fin de l'interdiction de l'extension des élevages industriels et des zones d'excédent structurel, ainsi que des divers contentieux sur les prises d'eau.
Si le principe de l'obligation est justifié, son application n'est pas satisfaisante. Derrière les raisons des chambres d'agriculture on trouve l'ombre de la toute-puissante FNSEA... (Exclamations à droite) En cas de dépassement des flux sur un département, la sanction concerne toutes les exploitations, même les plus vertueuses. Le volet sanctions du dispositif doit être revu.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Il s'agit de la règle de l'azote total : en Bretagne, alors que des zones sont en excédent d'azote organique, certains fertilisent leurs terres avec de l'azote minéral ; le principe est que l'excédent du premier se substitue au second.
Pour ce faire, il faut une référence pour ces deux types d'azote. Oui, les chambres d'agriculture sont des établissements publics, le préfet de région les a convoquées le 16 octobre pour leur rappeler leurs obligations. Quant aux sanctions, je suis prêt à les reconsidérer pour cibler ceux qui utilisent les plus de fertilisants à l'hectare. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et écologiste)
Retraites et pensions de réversion
Mme Michelle Demessine . - Cette semaine, la presse nationale s'est fait l'écho de futurs retraités qui connaîtront des retards dans le versement de leur pension. Le directeur de la CNAV a minimisé la situation, 3 à 4 % des dossiers seulement seraient concernés - mais pas moins de 23 700 personnes tout de même...
Ma région Nord-Pas-de-Calais-Picardie est dans cette situation douloureuse depuis 2013 ; c'est le résultat du tout informatique, des baisses d'effectif, des fermetures d'accueils et des réformes menées pour réaliser des économies de gestion. En matière sociale, l'humain doit être préservé.
La ministre a pris un décret le 15 août dernier rendant le droit à la retraite opposable. Quid cependant des régimes spéciaux et surtout des pensions de réversion ? Le scandale de la Carsat continue, sans compter que les Caf connaissent elles aussi des difficultés. Le personnel est en première ligne, et c'est dur. La situation est source d'agressivité, voire d'agressions. À lire la convention d'objectifs 2014-2017, 9 000 postes doivent encore être supprimés dans l'ensemble des organismes sociaux ; la branche retraite a perdu 1 600 emplois depuis 2009.
Que faire pour que nos services sociaux, si précieux en ces temps difficiles, retrouvent leurs lettres de noblesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Il est vrai que la Carsat Nord-Pas-de-Calais a connu une surcharge de dossiers. C'est pourquoi, au-delà des aides d'urgence et des garanties des petites retraites, j'ai décidé d'un droit opposable à la retraite à compter du 1er janvier 2016 pour tous les dossiers déposés depuis le mois de septembre. C'est vrai d'abord pour la CNAV, le RSI et le RSA ; le dispositif a vocation à s'appliquer à l'ensemble des régimes de base. J'ai indiqué hier que ce droit opposable s'étendrait aux pensions de réversion, qui seront versées au plus tard quelques semaines après l'ouverture de leurs droits.
Mme Catherine Di Folco. - Et les hommes ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Vous le voyez, nous faisons le nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Charte européenne des langues régionales
M. François Marc . - Monsieur le Premier ministre, le rejet par le Sénat de la Charte des langues régionales a créé une onde de choc dans les territoires. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Hubert Falco. - La mer s'est retirée !
M. François Marc. - 25 pays l'ont pourtant ratifiée depuis 1992. La droite sénatoriale a énormément déçu tous les promoteurs des cultures et langues régionales, qui, dans leur riche diversité, ont tant apporté à notre République une et indivisible. Nos compatriotes ne comprennent pas d'où viennent les craintes, alors que le Conseil constitutionnel reconnaît déjà les langues régionales comme faisant partie du patrimoine culturel de la France.
M. François Grosdidier. - Personne ne dit le contraire !
M. François Marc. - Les Nations unies lancent l'alerte sur la disparition de 90 % des langues parlées dans le monde au XXIe siècle. Il faut réagir contre ce qui serait une catastrophe pour une République forte et riche de ses langues. (M. Roger Karoutchi s'exclame)
Quelle analyse faites-vous du vote du Sénat ? (Brouhaha à droite, qui couvre la voix de l'orateur)
Mme Nicole Bricq. - Ferez-vous une réponse en catalan ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Oui, les langues sont une richesse pour le monde et pour la France. (M. Jean-Baptiste Lemoyne ironise) Notre pays est riche de son histoire, de la diversité de ses territoires, ceux que vous représentez, de ses traditions en métropole et outre-mer, de son unité aussi. Ce n'est pas un paradoxe : la République est à la fois une, indivisible et diverse ; c'est sa chance et sa force.
Je regrette profondément le choix de la majorité sénatoriale. Quand la France a besoin d'écrire une histoire qui reconnaît toutes les histoires, de construire un destin commun qui fait place à tout le monde, ce choix est une erreur politique : pour masquer vos propres divisions, vous avez utilisé un artifice de procédure... (Protestations à droite) Vous n'avez pas été les premiers, vous ne serez pas les derniers à le faire... Mais vous avez refusé d'entendre les Français que vous représentez.
C'est aussi un contresens : la Charte ne favorise pas le communautarisme, elle protège et promeut les langues régionales comme partie intégrante du patrimoine culturel.
M. François Grosdidier. - C'est déjà dans la Constitution !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Je suis attaché comme vous à la langue française, qui permet à notre pays de porter haut dans le monde nos valeurs universelles. Porter ces valeurs, défendre la République, ce n'est pas rejeter les langues régionales.
M. François Grosdidier. - Faux procès !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Une République forte, c'est une République confiante en elle-même, une et indivisible, pas enfermée dans une conception rabougrie de son unité, une République qui n'a pas le coeur sec mais intègre à son patrimoine tous les imaginaires sans lesquels elle ne serait pas elle-même.
Mona Ozouf dit qu'on peut être à la fois Breton, français et républicain. Voilà une belle conception, ouverte, de ce que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste, et sur plusieurs bancs du groupe CRC)
Politique fiscale du Gouvernement (I)
M. Jean-Léonce Dupont . - Il y a quelques jours, Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé d'une fiscalité trop élevée qui avait fait des dégâts considérables, d'une rupture entre les Français et l'impôt. Je vous en sais gré, d'autant que certains de vos amis ne pensent pas ainsi. L'année prochaine encore, des foyers fiscaux soumis à l'impôt sur le revenu verront augmenter leurs charges. Certes le nombre d'assujettis diminuera en 2015 mais le produit de l'impôt sur le revenu augmentera, de 59,5 milliards en 2012 à 72 milliards en 2016. Quand mettrez-vous vos actes en accord avec vos propos ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Oui, l'impôt sur le revenu a beaucoup augmenté depuis 2010... Oui, nous avons dû augmenter celui des ménages les plus aisés pour redresser nos comptes publics. Mais les augmentations successives ont rendu imposables des ménages qui n'avaient pas vocation à l'être, et le poids de la fiscalité sur les classes moyennes est devenu excessif. La responsabilité est partagée : 12 millions d'augmentation sous la droite, et autant sous la majorité actuelle. J'assume mes responsabilités, que chacun fasse de même - en 2008, la suppression de la demi-part supplémentaire pour certaines personnes a eu des conséquences lourdes. Notre effort de 2014 et 2015 au profit des classes moyennes sera poursuivi en 2016. Au total, l'impôt sur le revenu des ménages modestes et des classes moyennes a baissé de 5 milliards d'euros depuis 2014, comme je m'y étais engagé dans ma déclaration de politique générale.
En matière de fiscalité locale, un effort important a déjà été fait. Nous irons au-delà dans le projet de loi de finances pour 2016 grâce à un amendement de Mme Pires Beaune ; vous aurez l'occasion d'en débattre.
L'honnêteté, c'est de reconnaître que les finances publiques étaient dégradées, le déficit était de 5 % du PIB, les dépenses publiques non maîtrisées. Les Républicains veulent aujourd'hui les diminuer de 100 à 150 milliards ? Comment ferez-vous ? Vous attaquerez-vous à l'Intérieur, à la Défense, à l'Éducation nationale ? Oui, nous baissons les impôts et les dépenses publiques tout en préparant l'avenir. Voilà la politique du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Léonce Dupont. - La responsabilité est peut-être partagée, mais vous êtes au pouvoir depuis trois ans et demi... Je n'ai pas le sentiment que les impôts baissent ni que les dépenses publiques baissent... Espérons que certains de vos amis abandonnent une vision moralisatrice de l'impôt pour lui préférer un équilibre entre justice et efficacité économique.
Politique fiscale du Gouvernement (II)
M. Daniel Laurent . - Depuis le début du quinquennat, la politique fiscale du Gouvernement a provoqué une rupture des Français avec l'impôt. Je pense aux classes moyennes mais aussi aux retraités, dupés avant d'être tondus... Vous ne faites pas de réforme de fond à cause de la perspective de 2017... Vous financez les baisses d'impôt par la hausse de la fiscalité sur le diesel, reprenez d'une main ce que vous avez donné de l'autre... La semaine dernière, le Premier ministre a fait son mea culpa. Mais les impôts sur les ménages ont augmenté de 10 milliards d'euros en 2014, de 5 milliards d'euros en 2015 et de 4 milliards d'euros en 2016.
Les autres pays européens, eux, font leur révolution fiscale, baissent les impôts et le chômage diminue... Et je ne parle pas des conséquences dramatiques de la baisse des dotations aux collectivités territoriales... Les Français sont inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants. (Brouhaha et claquements de pupitre sur les bancs du groupe socialiste et républicain pour marquer que le temps de parole de l'orateur est épuisé) À quand le changement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Malheureusement, vous vous êtes laissé aller à la polémique et à l'outrance. La période économique, sociale et politique difficile que nous connaissons mérite d'autres propos.
Vous auriez dû constater les baisses de charge cette année et celles programmées dans le budget que vous allez adopter - ou du moins examiner... Pas moins de 9 millions de Français verront leur impôt sur le revenu baisser.
M. François Grosdidier. - Faux ! Car vous nous contraignez à augmenter la fiscalité locale en diminuant les dotations !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Nous mettons en oeuvre nos engagements dans le souci des finances publiques : oui, car plus de 600 milliards d'euros de dette sont notre fardeau, notre héritage. Il faut s'en libérer. Mais vous, comment ferez-vous pour assumer vos promesses démagogiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Hermeline Malherbe . - Le 16 octobre, vous étiez à Rivesaltes, monsieur le Premier ministre, dans un camp où des milliers de républicains espagnols, des juifs, des tziganes, des harkis ont été déportés et sont morts parce qu'ils étaient considérés comme indésirables. Le mémorial est dû à la volonté et à l'énergie de Christian Bourquin, qui s'est opposé dès son arrivée à la tête du conseil général en 1998 à la destruction des baraquements. Dix-sept ans plus tard, le mémorial a été inauguré et vous avez dit - je reprends vos mots - que ce témoignage du mépris d'hier doit nous rappeler nos devoirs d'aujourd'hui et servir à éviter l'horreur demain.
L'horreur, ce sont ces milliers de femmes, d'hommes et d'enfants qui fuyaient alors la guerre et la barbarie, tout comme les réfugiés d'aujourd'hui - que nous avons le devoir d'accueillir dans un cadre digne et républicain. Pouvez-vous faire le point d'étape sur l'action du Gouvernement et des collectivités territoriales, avec les associations. (Applaudissements à gauche)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Je me suis rendu à Rivesaltes, en effet, pour inaugurer ce lieu de mémoire qui rappelle les drames du XXe siècle. Ni ces Républicains espagnols, ni ces juifs, ni ces tziganes, ni ces harkis victimes de l'horreur ne doivent être oubliés.
Aujourd'hui, la France n'est pas seule. Avec nos partenaires européens, nous recherchons des solutions à la hauteur d'une crise qui sera durable. Le Conseil européen en octobre s'est penché sur la question. Un premier centre d'accueil est opérationnel à Lampedusa, un autre le sera dans quelques semaines à Lesbos.
D'autres dossiers avancent : décision de relocalisation, retours, protection des frontières, coopération avec la Jordanie, le Liban.
En France, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité, de la fermeté et de la solidarité, avec deux priorités : éviter les concentrations - d'où le démantèlement de campements à Paris et Calais - et distinguer entre ceux qui sont éligibles à l'asile et les autres. C'est indispensable pour mener une politique migratoire soutenable et préserver le droit d'asile.
En tout, 18 500 places en Cada auront été créées en cinq ans. Pour ceux qui reçoivent le statut de réfugié, tout est mis en oeuvre pour assurer un hébergement dans un logement.
Mais la France ne pourra pas accueillir tous les réfugiés de Syrie. Il faut des solutions humanitaires, militaires, diplomatiques. La France s'y emploie, elle n'est pas « isolée » comme j'entends dire parfois, elle est pleinement dans le jeu et elle joue tout son rôle dans la recherche de solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
Lutte contre le harcèlement
Mme Marie-Pierre Monier . - Le Gouvernement a lancé le 9 juillet dernier un plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun ; la France est la première dans le monde à prendre une telle initiative. D'après le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, toutes les utilisatrices des transports en commun ont déjà été victimes de harcèlement, voire de violences sexuelles dans l'espace public.
Vous agissez à travers douze mesures fortes, saluées par les associations, autour de trois axes : prévenir, agir plus efficacement, mieux accompagner les victimes.
Une prise de conscience est nécessaire. Le droit des femmes à aller et venir en toute quiétude doit être réaffirmé, c'est une liberté publique élémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes, président de la commission . - La République en acte, c'est quand les femmes peuvent se déplacer librement sans craindre le harcèlement ou l'agression. Il est intolérable que les femmes doivent développer des stratégies d'évitement, ne pas emprunter telle ligne de transport, éviter de prendre l'autobus le soir, etc. Avec Bernard Cazeneuve et Alain Vidalies, nous avons lancé le 9 juillet un programme d'action concret. Je me réjouis que les arrêts à la demande, de nuit et le week-end, soient prochainement expérimenté à Nantes. Le 9 novembre prochain, nous lancerons une vaste campagne de sensibilisation, avec les autorités de transports publics. Je salue les collectivités qui ont déjà répondu favorablement : la mobilisation collective est gage d'efficacité. Nous avons tous la responsabilité de réagir et d'agir. (Applaudissements à gauche)
Réforme de la dotation générale de fonctionnement
M. Philippe Bonnecarrère . - Madame Lebranchu, accepterez-vous de reporter la réforme de la dotation globale de fonctionnement ?
M. Philippe Dallier. - Bonne question.
M. Philippe Bonnecarrère. - Réforme utile, j'en conviens, mais difficile quand les collectivités locales subissent déjà une baisse des dotations pour la troisième année consécutive et ignorent encore l'impact sur leurs budgets de la refonte de l'intercommunalité et la création de grandes régions.
« Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances », disait le baron Louis. « Faites-nous de la stabilité et arrêtez les transferts de charge et nous vous ferons de bonnes économies, de bons investissements », pourrais-je vous dire. Alors, madame la ministre, acceptez-vous de reporter une réforme mal engagée et erratique, si j'en juge par les simulations qui circulent sous le manteau ? Donnez-vous du temps et associez le Parlement. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Les rapports sont nombreux sur le sujet - le dernier en date est celui du regretté Jean Germain. La dotation globale de fonctionnement, qui date de 1979, est devenue illisible. C'est un empilement de strates successives et aujourd'hui, injustice violente, deux collectivités strictement identiques en population et richesse ont une DGF qui varie du simple au double. Nous prendrons en compte la ruralité, la centralité, la péréquation en augmentant la DSU et la DSR. Bien sûr, les collectivités qui bénéficient de l'injustice actuelle ne veulent rien changer. Cependant, précisément dans le contexte que vous décrivez, nous devons choisir la réforme, au nom de l'investissement et de la justice territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Bonnecarrère. - Soit mais il faudrait une espèce d'article 40 pour les collectivités territoriales, un bouclier financier qui les préserverait contre tout transfert de charges non compensé. Afin que l'article 72-2 de la Constitution s'applique enfin effectivement.
Fiscalité du numérique
M. Michel Bouvard . - Mme Lemaire, l'économie numérique se développe, c'est une chance mais aussi un défi pour les finances publiques. Les géants de l'internet optimisent les ventes en ligne en échappant en grande partie à la TVA. Peu de plateformes s'enregistrent ; à cela s'ajoute la franchise en douane pour les colis de moins de 22 euros...
Notre commission des finances a fait des propositions, pour percevoir l'impôt au moment de la transaction et mettre fin au flou qui entoure le développement de l'économie collaborative - sans le freiner. Quelles suites leur réservez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État . - Derrière ces questions techniques, il y a une interrogation fondamentale sur la capacité de l'État à lever l'impôt. Le rapport de votre commission des finances pose les bonnes questions et alimentera la réflexion et l'action du Gouvernement. Le prélèvement à la source de la TVA est une piste intéressante, innovante, nous voulons y travailler. Mais elle soulève des difficultés. Elle implique une démarche obligatoire des particuliers et des entreprises. L'impact sur la trésorerie des PME n'est pas à négliger. Il faudrait aussi mobiliser les banques, y compris à l'étranger... Il y a aussi la nécessité de modifier la directive de 2006 sur le système commun de TVA.
Le Gouvernement est cependant déterminé. Pour preuve, la modification du seuil de chiffre d'affaires à partir duquel la TVA est due en France : à l'article 3 du projet de loi de finances, il passe de 100 000 à 35 000 euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Approvisionnement électrique de la Guyane
M. Antoine Karam . - Des emplois, des critiques sur la programmation de l'énergie, mais aussi des inquiétudes sur l'approvisionnement énergétique de la Guyane sont au coeur du conflit entre EDF et ses salariés guyanais.
En Guyane, les installations obsolètes ne suffisent pas à répondre à des besoins croissants. Le remplacement de la centrale Degrad des Cannes par une centrale thermique de puissance équivalente est-elle toujours prévue ? Le Gouvernement semble préférer les énergies renouvelables.... Les syndicats et associations d'élus n'ont pas été consultés sur le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie. Garantissez-vous que votre projet apportera la sécurité énergétique à la Guyane ? Attention à ce que le conflit ne se déplace pas dans la rue...
Mme George Pau-Langevin, ministre . - Veuillez excuser Mme Royal, en déplacement à Londres pour la COP21. Nous suivons le mouvement social dont vous parlez avec beaucoup d'attention (Exclamations à droite). Nous espérons aboutir à un accord.
J'entends vos inquiétudes concernant la fermeture du centre de Degrad des Cannes. La Guyane doit être dotée des moyens d'une vraie transition énergétique. Nous prévoyons d'arriver à 50 % d'énergies renouvelables en 2020 et à l'autonomie totale en 2030. Nous devons tenir compte du développement démographique. Nous y reviendrons dans le pacte d'avenir pour la Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Chiffres du chômage
M. Gérard Cornu . - (Exclamations de satisfaction à droite) La France est sur une dynamique de persistance du chômage qui nous inquiète et nous isole.
M. Didier Guillaume. - On ne voit pas la même chose.
M. Gérard Cornu. - Avec 5,5 millions de chômeurs, la France est loin derrière l'Allemagne et l'Angleterre. Les pays du Sud que sont l'Espagne et l'Italie, sévèrement touchés par la crise, ont tout de même réussi à inverser leur courbe du chômage. Mais quand 1,3 millions d'emplois étaient créés entre juin 2014 et juin 2015, seuls 46 000 l'étaient en France.
La vérité est que, depuis 2012, le Gouvernement a pratiqué le matraquage fiscal et cassé la croissance sans s'attaquer aux racines du mal. Résultat, nous ne profitons pas de l'embellie actuelle. Il faut baisser drastiquement les charges et les contraintes qui pèsent sur les entreprises (Exclamations à gauche) Quand allez-vous prendre des mesures courageuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État . - Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, les derniers chiffres de l'emploi sont bons, 24 000 chômeurs en moins.
Mme Catherine Procaccia. - Oh !
M. Didier Guillaume. - Le Gouvernement s'en réjouit !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Plus 35 000 emplois créés le mois derniers ! Et 30 000 jeunes ont trouvé un emploi. La reprise se fait sentir. Nous ne nous contentons pas de ces chiffres. Attendons du reste qu'ils se confirment les mois suivants. Mais nous avons pris des mesures économiques, sociales : 150 000 jeunes chômeurs de longue durée sont en contrats aidés et nous préparons la réforme du code du travail.
M. Gérard Cornu. - Comment voulez-vous réformer le code du travail quand vous avez les pieds et poings liés avec les syndicats ? (Rires à gauche) Vous tenez beaucoup de discours mais les actes ne suivent pas.
Conflits avec les professionnels du droit
M. Marc Laménie . - Il y a un an déjà, les professions réglementées étaient dans la rue, pour protester contre le projet de loi Macron. Aujourd'hui, après les avocats - 156 barreaux en grève, même si vous avez trouvé un accord hier - le personnel pénitentiaire et les magistrats défilent. Est-ce sur de telles bases que l'on construit une justice du XXIe siècle et une société apaisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - M. Cornu nous reprochait de ne pas assez réformer, vous faites le contraire... Exemple des contradictions de votre camp ! (Protestations à droite)
Un accord a été trouvé hier avec les avocats, vous l'avez dit vous-même. Le Gouvernement est le premier à s'attaquer depuis quinze ans au problème de l'aide juridictionnelle, fondamentale pour l'accès au droit : relèvement du plafond des ressources des justiciables pour bénéficier de l'aide, hausse de la rétribution des avocats - ce qui n'avait pas eu lieu depuis 2007.
Il a été décidé conjointement avec magistrats, greffiers et avocats, que la première étape de la réforme serait la hausse de l'unité de valeur de 12,6 % en moyenne, sans modification du barème, pour calculer la rétribution des avocats. Ensuite, une contractualisation supplémentaire dans chaque barreau et chaque TGI permettra d'organiser la convergence des trois unités de valeur vers une seule.
M. Marc Laménie. - La politique pénale serait-elle devenue un marqueur de gauche ? Échec de la contrainte pénale, réforme de la justice des mineurs encore à faire, inaction face au problème des prisons... Le peuple français attend une justice utile !
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
La séance reprend à 16 h 15.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel sur le financement des établissements de santé. Celui-ci a été transmis à la commission des affaires sociales.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé de compléter l'ordre du jour du jeudi 5 novembre matin par l'inscription des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d'une heure.
En conséquence, l'ordre du jour du jeudi 5 novembre s'établit comme suit :
À 10 h 30, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié.
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
- Proposition de loi visant à pénaliser l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale.
- Suite du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
Malades en fin de vie (Deuxième lecture - Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
L'amendement n°24 n'est pas défendu.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient et, lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, dans le respect de la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale.
« Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité de la personne mourante et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10, y compris les traitements mentionnés à l'article L. 1110-5-2.
« La nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement. »
Mme Marisol Touraine, ministre. - Cet amendement ne répond pas au souci de trouver un compromis : à la suite des débats de votre commission, il rétablit le texte de l'Assemblée nationale. Je tenais à le préciser contre certains propos entendus. Ce matin, j'ai exposé ces deux divergences entre votre commission et le Gouvernement. La première, le plus technique, concerne les critères de l'obstination déraisonnable : vous avez supprimé celui de l'inutilité du traitement, sans doute pour harmoniser la rédaction par rapport à l'article 3. Mais autant ce critère serait difficile à interpréter à l'article 3, autant ici, il est utile au professionnel. Supprimer cette référence mènerait à ne pas proposer la sédation alors même que le médecin croit le traitement inutile. Par cette suppression, vous revenez à un état du droit antérieur à la loi de 2005. Autant ne pas légiférer ! (Mme Corinne Bouchoux approuve)
Les spécialistes des soins palliatifs nous ont affirmé qu'ils examinaient successivement les trois critères, en commençant par celui de l'inutilité du traitement, puis celui de l'obstination, enfin la finalité de l'acte.
Notre autre divergence porte sur l'hydratation que, contrairement à la première lecture, votre commission a choisi de considérer comme un soin pouvant être maintenu. Je comprends votre motivation : vous estimez que l'arrêter provoque une souffrance insupportable. Ce n'est pas ce que disent les spécialistes. Aujourd'hui, un consensus s'est dégagé pour considérer juridiquement l'hydratation et l'alimentation comme des traitements. Votre rédaction laisse entendre qu'il y aurait une marge d'appréciation pour le médecin, qui pourrait maintenir l'hydratation contre la volonté du patient.
Que l'arrêt de l'hydratation provoque ou non des souffrances - je ne veux pas entrer dans ce débat - cette loi a pour objet de donner plus de poids à la parole du patient. Vous atténuez la portée de la proposition de loi ; c'est pourquoi nous proposons de revenir au texte de l'Assemblée nationale.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Avis défavorable. Le Gouvernement conteste la suppression du critère d'inutilité qui nous paraît pourtant redondant avec celui de disproportion. Pour le reste, les spécialistes des soins palliatifs ne sont pas tous d'accord : l'hydratation peut soulager. Elle peut aggraver le râle agonique. D'où notre rédaction : « un soin qui peut être maintenu jusqu'au décès ». L'ouvrage récent du centre éthique et clinique de l'hôpital Cochin souligne la symbolique très forte liée à la fin de l'hydratation. Il faut penser à l'entourage et au personnel soignant.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je suis convaincu par le rapporteur de la commission des affaires sociales. Où est la plus grande humanité ? Faire que la fin de vie survienne le plus vite possible ou qu'elle soit le mieux accompagnée possible ? On doit pouvoir procéder à l'hydratation : il s'agit simplement d'élargir le champ des actes d'humanité.
M. Dominique de Legge. - Madame la ministre, vous avez pris huit minutes et vingt-deux secondes pour nous expliquer que votre amendement ne faisait que revenir au texte de l'Assemblée nationale. Cela ne me convainc pas. En quoi offrir une possibilité serait-elle une régression ? Faisons confiance aux médecins et au personnel soignant.
L'hydratation peut être maintenue d'abord, puis arrêtée. Ne demandons pas à la loi de tout prévoir, au risque de nous écarter de l'humanité.
M. Gilbert Barbier. - En proclamant que vous voulez rétablir tel quel le texte de l'Assemblée nationale, vous affrontez le Sénat et ce n'est pas très facile à accepter. L'hydratation, l'alimentation, ce ne sont pas des médicaments extérieurs à la vie, c'est la vie même ! Leur arrêt peut conduire à de grandes souffrances. Vous dites que le malade souffrirait, si on n'arrêtait pas l'hydratation ? Mais le patient est sous sédation profonde ! Comment ferez-vous pour administrer la sédation profonde, sans perfusion ?
Votre amendement est pour le moins injustifié alors que la position de la commission est très raisonnable.
M. Daniel Chasseing. - Je suis d'accord avec mes collègues. La loi Léonetti nous permet d'aller assez loin dans la sédation progressive. Dans 98 % des cas, cela se passe sans souffrance pour le malade et les familles. Nous traitons aujourd'hui des 2 % restants. Des études montrent que le patient peut souffrir de la soif. Je ne crois pas qu'un peu d'eau glucosée en intraveineuse prolongera la vie inconsidérément.
M. Roger Karoutchi. - Je ne suis ni médecin, ni juriste, mais j'ai été confronté dans mon histoire personnelle, comme nous tous, à des fins de vie catastrophiques, avec un personnel médical dévoué, qui répond que « la loi est la loi » et qu'il ne peut rien faire en face de familles qui disent : « Vous voyez bien qu'il souffre ! ». Là, il n'y a plus ni droite ni gauche. Je m'abstiendrai. Aidons les entourages à trouver des solutions, pour que la souffrance ne soit pas une évidence. Revenir sur la loi Leonetti ? Pitié !
Mme Françoise Gatel. - Il me semble que cet amendement nous emmène hors du chemin de crête que nous suivions avec vous jusqu'à présent. La commission a raison : les effets d'une fin de l'hydratation font trop débat, celle-ci ne peut pas être considérée comme un traitement.
Mme Catherine Génisson. - Le patient doit pouvoir émettre librement sa volonté et les médecins doivent pouvoir y répondre. J'ai entendu votre argumentation, madame la Ministre. Nous n'avons pas de différences existentielles sur les trois critères. Je souhaite une rédaction qui précise le souhait du patient et la collégialité de la décision. L'hyper-hydratation peut amener à une souffrance mais une légère déshydratation peut faire sécréter des endorphines, et une déshydratation sévère peut être extrêmement douloureuse.
Mme Annie David. - Je ne suis pas médecin. Une fois n'est pas coutume, je défendrai la même position que M. Karoutchi et Mme Gatel. Je regrette que votre amendement arrive si tard. Notre commission, dans un long et beau débat, est arrivée, entre médecins et non médecins, à un équilibre qui apporte de nouveaux droits aux malades en fin de vie.
Je trouve dommage de venir le remettre en cause, d'autant que le texte issu de nos travaux aurait pu être adopté à la quasi-unanimité. Le groupe CRC s'abstiendra donc, dans l'ignorance du rôle médical de l'hydratation.
Mme Corinne Bouchoux. - J'interviendrai à contre-emploi. Dans les années sida, j'ai, comme d'autres, accompagné des personnes en fin de vie, souvent jeunes, dont les entourages étaient désemparés. Je comprends votre intention, madame la Ministre, mais votre amendement, présenté tardivement, met en danger la co-construction de cette proposition de loi. Pourquoi ne pas donner du temps au temps jusqu'à la CMP ?
Mes amis en soins palliatifs sont inquiets de ce que nous faisons au Sénat, ils craignent que nous ne revenions sur la loi Leonetti. J'appelle à reporter l'examen de cet amendement.
M. Gérard Roche. - En première lecture, certains sénateurs craignaient un premier pas vers le suicide accompagné. D'autres, que certains empêchent, par conviction religieuse, les patients d'obtenir une sédation profonde et continue. L'hydratation est un symbole pour les premiers. Parlons de charité à l'endroit de ceux qui vont mourir.
Je vous demande de retirer votre amendement.
M. Hervé Poher. - Permettez à un médecin de donner son avis. Lorsqu'un médecin décide d'administrer une sédation profonde et continue, c'est pour le malade, mais aussi pour que l'entourage garde une image apaisée du patient. Ce n'est pas l'euthanasie. Cela peut prendre cinq jours. Avez-vous déjà vu un malade qui n'a pas reçu une seule goutte d'eau pendant cinq jours ? Par humanité, maintenez l'hydratation, madame la Ministre !
M. Georges Labazée. - Nous étions heureux ce matin de la quasi-unanimité des sénateurs. Les avis sont différents à l'intérieur du groupe sur ce texte. Au nom du groupe socialiste, je ne peux que prôner l'abstention ; tous les arguments ont été développés suffisamment.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je ne suis pas médecin non plus, même si j'en ai dans mes équipes. Je n'entrerai donc pas dans le débat médical. Mais lorsque vous me reprochez de remettre en cause le travail du Sénat, je réponds que le Gouvernement a lui aussi ses responsabilités. Madame Bouchoux, le texte de la commission des affaires sociales revient en arrière par rapport au droit actuel. Le Gouvernement ne peut pas ne pas intervenir, quel que soit son respect pour le travail du Sénat. À l'extérieur de cet hémicycle, des patients, des médecins, des associations seraient pour le moins étonnés si nous n'agissions pas. Cet amendement a certes été déposé tardivement, mais c'est la pure et simple reprise du texte de l'Assemblée nationale, conforme à l'équilibre de la loi de 2005.
À la demande de la commission, l'amendement n°28 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°32 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 211 |
Pour l'adoption | 10 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Plusieurs points nécessitent que nous ajustions notre approche, en particulier l'alinéa 4 de cet article 3. Celui-ci vise un patient incapable d'exprimer sa volonté face auquel le médecin arrête un traitement au titre du refus de l'obstination déraisonnable.
Comme le patient est inconscient, il y a un risque que sa souffrance réfractaire ne soit qu'une supposition du médecin. Il faudrait préciser que cela s'applique aux malades en fin de vie. (Exclamations sur les bancs socialistes)
Mme Stéphanie Riocreux. - Le texte s'appelle comme cela !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je veux être certain que telle est bien l'interprétation de la commission des affaires sociales ; Dans l'affirmative, l'amendement de M. Pillet pourra être adopté puisqu'il ne fait que le préciser.
M. Alain Milon, président de la commission . - L'article 3 est essentiel, disant que la sédation profonde et continue ne peut être administrée qu'aux malades atteints d'une maladie grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et la souffrance réfractaire à tout autre traitement. Le texte vise deux cas : celui où le patient est en mesure d'exprimer sa volonté, et celui où il ne l'est pas.
Il n'y a donc pas de lien automatique entre arrêt des traitements et sédation. Celle-ci n'est pas mise en oeuvre si le patient ne la demande pas ; elle est soumise à avis médical. Il n'y a donc pas d'opposition entre commission des lois et commission des affaires sociales. Notre débat révélera parfaitement l'intention du législateur.
M. Daniel Chasseing . - La loi Leonetti convient à la grande majorité des malades. D'autres, en revanche, ne sont pas soulagés par les traitements palliatifs, malgré l'excellent travail des services spécialisés. J'aurais préféré les termes de « sédation et analgésie » à ceux de « sédation profonde et continue ».
Lorsque le médecin arrête le traitement, il ne sait pas formuler un pronostic de vie avant l'agonie, à une semaine de la mort. Les médecins ne sont pas là pour donner la mort. Bien que le président Milon et les rapporteurs aient rappelé que cette loi n'était pas faite pour ceux qui veulent mourir, pour autoriser l'euthanasie, il n'est pas absurde d'émettre des réserves. Je dis non au suicide assisté.
Mme Evelyne Yonnet . - Saluons le travail de la commission, qui n'a eu de cesse de bien préciser qu'il ne s'agirait ni d'euthanasie, ni de suicide assisté. Nous sommes tous d'accord pour faire en sorte que le patient en fin de vie ne souffre pas.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Barbier.
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1110-5-2. - Un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance associé à l'arrêt des traitements disproportionnés du maintien en vie est mise en oeuvre dans les cas suivants :
II. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
la sédation profonde et continue
par les mots :
le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance associé à l'arrêt des traitements disproportionnés du maintien en vie
M. Gilbert Barbier. - Il s'agit de reprendre la rédaction initiale de ceux qui ont déposé la proposition de loi à l'Assemblée nationale ; elle correspondait parfaitement à notre but. J'ai bien compris que le Gouvernement veut supprimer l'emprise éventuelle de l'équipe soignante sur le malade. Cependant, la rédaction initiale correspond davantage à la réalité. Vous dites, madame la ministre, que nous revenons en arrière. En quoi au juste ?
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Bonnefoy et Meunier et MM. Patriat, Marie, Raoul, Lalande, Manable et Masseret.
Alinéa 2
Après les mots :
traitements de maintien en vie
insérer les mots :
voire à un traitement susceptible d'accélérer la survenue de la mort
Mme Dominique Gillot. - Dans certains cas, le corps du patient n'est pas aussi exténué qu'un corps dévoré par la maladie, ou vidé de sa sève par les ans, pour qu'un arrêt des traitements conduise à une cessation de vie dans des délais et des conditions respectueuses de la dignité de sa personne. Cette mort peut être longue à venir, en particulier dans le cas des personnes en état neurovégétatif.
Il s'agit d'assurer par tous les moyens la sérénité des derniers jours de la vie du patient, de la personne en fin de vie, y compris à l'aide de traitements pouvant accélérer la survenue de la mort, si le patient ou sa personne de confiance le demande expressément, ou si l'équipe médicale le juge utile dans l'intérêt du patient et que les directives anticipées ne l'interdisent pas. Les médecins se trouveraient ainsi protégés contre les pressions médiatiques et contre une insécurité juridique patente.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, M. Portelli, Mme Canayer, MM. Bignon, Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, MM. B. Fournier et Vasselle, Mmes Imbert, Duchêne et Gruny et MM. Mayet, de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
est
par les mots :
peut être
M. Dominique de Legge. - Nous l'avons dit à l'article 2, l'hydratation « peut » être maintenue jusqu'au décès. De même, la sédation profonde et continue ne saurait être systématique. Nous souhaitons rappeler nos convictions profondes. Nous sommes, nous aussi, favorables à la recherche du consensus, mais celle-ci implique de la confiance - or j'entends dire que l'on irait bientôt plus loin... Je comprendrais que cet amendement soit rejeté, mais il me semble que nous ne devrions pas non plus nous attarder sur des propositions contraires allant jusqu'à l'extrême.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.
I. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque le médecin arrête, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement de maintien en vie d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté, et qu'il estime que le patient risque d'être exposé à une souffrance réfractaire à tout autre traitement, il met en oeuvre une sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à une analgésie, à moins que les directives anticipées de ce patient s'y opposent.
II. - En conséquence, à la fin de l'alinéa 2 et au début de l'alinéa 3
Remplacer les mots :
dans les cas suivants :
« 1° Lorsque
par le mot :
lorsque
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Cet amendement est presque rédactionnel car sur le fond, nous sommes d'accord.
La commission des lois juge sa rédaction plus claire - ce qui vaut mieux que de s'en remettre aux travaux préparatoires. Précisons que le médecin ne peut mettre en oeuvre cette sédation préventive que s'il estime que le patient risque d'être exposé à une souffrance réfractaire à tout autre traitement. Notre amendement ne touche pas à l'équilibre trouvé. Mais le texte serait plus clair pour les malades, les soignants... et les juges qui l'interpréteront.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - La sédation profonde et continue est un outil à disposition des services de soins palliatifs, à l'hôpital, mais aussi en établissement où à domicile. Il est labellisé - ou reconnu - par la HAS. En aucun cas, nous n'ouvrons la porte à l'euthanasie. Retrait de l'amendement n°21, sinon défavorable.
L'amendement n°8 rectifié est hors sujet. Cette loi est faite pour ceux qui vont mourir, il ne s'agit ni d'euthanasie, ni de suicide assisté.
Merci à M. de Legge pour ses propos. Nous avons fait en sorte de coller à la réalité et de rédiger un texte aussi consensuel que possible. Retrait de l'amendement n°13 rectifié bis.
Même avis sur l'amendement n°5 : sans tomber dans un affrontement entre juristes et médecins, j'ai la faiblesse de croire que notre rédaction est tout aussi claire. Pas d'opposition, en revanche, aux termes « refus de l'obstination déraisonnable ».
Mme Marisol Touraine, ministre. - Ces amendements viennent modifier le texte de la commission sans doute parce qu'il ne paraît pas parfaitement clair. Avis défavorable à tous. Ceux de M. Barbier et Mme Gillot, opposés, ne correspondent ni l'un ni l'autre à l'esprit du texte. Les autres réduisent la portée du texte de la commission.
M. Gilbert Barbier. - Je prenais date...
L'amendement n°21 est retiré.
Mme Dominique Gillot. - Il est important de continuer à relayer les attentes, très fortes, de ceux qui refusent de prolonger inutilement la souffrance.
Il y a eu trop de drames, extrêmement douloureux, ouvrant la voie à des débats sans fin.
M. Hervé Poher. - Assez d'hypocrisie ! La sédation prolongée existe depuis des décennies ; et les médecins administrent déjà de fortes doses de morphine, qui accélèrent la mort. Dans certains cas, mourir un jour plus tôt, c'est bien pour le patient comme pour la famille.
L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.
M. Dominique de Legge. - Le sort de cet amendement ne déterminera pas notre vote final, je le maintiens néanmoins.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°13 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°33 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l'adoption | 21 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Je le répète, la rédaction de la commission des lois est plus précise. Il s'agit bien d'un arrêt des traitements, au titre du refus de l'obstination déraisonnable. Les rapporteurs de la commission des affaires sociales en ont convenu. Deuxièmement, faut-il préciser que la souffrance est réfractaire « à tout autre traitement », sans quoi on ne situe pas la sédation profonde et continue comme le stade ultime des soins palliatifs. Enfin, la décision du médecin doit ressortir de la volonté de faire échapper le patient, qui n'est pas en état de s'exprimer, au risque de souffrance réfractaire à tout traitement.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Je ne suis pas juriste. Cependant, si l'ajout du mot « refus » ne me pose pas de problème, les autres modifications me paraissent superflues. L'avis reste défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié ter, présenté par M. Mandelli, Mmes Duchêne et Micouleau, MM. Chaize, Bignon, Retailleau et Pinton, Mme Deromedi, MM. Charon, G. Bailly et Mayet et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La sédation profonde et continue ne peut en aucun cas s'appliquer aux personnes en situation de grand handicap dont le pronostic vital n'est pas engagé à court terme.
Mme Marie-Annick Duchêne. - Défendu.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - La sédation profonde et continue n'est destinée qu'aux personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme et dont les souffrances sont réfractaires aux traitements. Si elles ne sont pas en mesure de s'exprimer, la décision appartient à une instance collégiale incluant la personne de confiance. Les directives anticipées peuvent l'interdire.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°23 rectifié ter est retiré.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une aide active à mourir. »
M. Olivier Cadic. - Cet amendement ne retranche rien - les amendements suivants non plus - au dispositif voté en commission. Il autorise seulement, en droit français, l'aide active à mourir. C'est une proposition respectueuse de l'humanisme et de la liberté individuelle lorsqu'elle est exprimée de façon éclairée et réfléchie.
Il y a quelques mois, une de mes amies, atteinte d'une maladie incurable voulait mourir entourée de sa fille et de son fils. Mais son fils, après plusieurs mois de présence, a dû repartir outre-mer. Sa mère est morte quatre jours plus tard. Sa dernière volonté n'a pas été respectée.
Pourquoi refuser à ces personnes condamnées par les médecins cette dernière liberté ? Pourquoi les contraindre à se cadavériser petit à petit sous les yeux de leur famille ?
L'aide active à mourir, en voie de légalisation dans plusieurs pays, rend les malades plus sereins, car maîtres de leur fin de vie. D'après un sondage d'octobre 2014, 96 % des Français veulent qu'on accepte de mettre fin sans souffrance à la vie des personnes atteintes d'une maladie insupportable et incurable.
Faisons vivre les principes de liberté, d'égalité et de fraternité jusque face à la mort. Imitions la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Des petits pays me direz-vous ? La Constitution corse de Pascal Paoli a inspiré celle des États-Unis de 1787 et Robespierre a dit à Paoli : « Vous avez défendu la liberté dans un temps où nous n'osions l'espérer encore ».
Cette nouvelle liberté que représente l'aide active à mourir est animée par le même esprit que celle des Lumières. Son temps viendra, les Français y aspirent. (Mme Corinne Bouchoux et Jean-Pierre Godefroy applaudissent)
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 1111-10 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-10. - Lorsqu'une personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, demande à son médecin le bénéfice d'une aide active à mourir, celui-ci doit s'assurer de la réalité de la situation dans laquelle se trouve la personne concernée. Après examen du patient, étude de son dossier et, s'il y a lieu, consultation de l'équipe soignante, le médecin doit faire appel, pour l'éclairer, dans un délai maximum de quarante-huit heures, à un autre praticien de son choix. Les médecins vérifient le caractère libre, éclairé, réfléchi et constant de la demande présentée, lors d'un entretien au cours duquel ils informent l'intéressé des possibilités thérapeutiques, ainsi que des solutions alternatives en matière d'accompagnement de fin de vie. Les médecins peuvent, s'ils le jugent souhaitable, renouveler l'entretien dans les quarante-huit heures. Les médecins rendent leurs conclusions sur l'état de l'intéressé dans un délai de quatre jours au plus à compter de la demande initiale du patient. Lorsque les médecins constatent au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou que la personne juge insupportable, et donc la situation d'impasse thérapeutique dans laquelle se trouve la personne ainsi que le caractère libre, éclairé, réfléchi et réitéré de sa demande, l'intéressé doit, s'il persiste, confirmer sa volonté, le cas échéant, en présence de la ou des personnes de confiance qu'il a désignées. Le médecin respecte cette volonté. L'acte d'aide active à mourir, pratiqué sous le contrôle du médecin, en milieu hospitalier ou au domicile du patient ou dans les locaux d'une association agréée à cet effet, ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l'intéressé si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de celui-ci telle qu'il la conçoit pour lui-même. L'intéressé peut, à tout moment et par tout moyen, révoquer sa demande. Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical. Dans un délai de huit jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l'aide active à mourir adresse à la commission régionale de contrôle prévue à la présente section un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ; la commission contrôle la validité du protocole. Le cas échéant, elle transmet à l'autorité judiciaire compétente. »
M. Olivier Cadic. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 1110-9 du même code, il est inséré un article L. 1110-9-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-9-... - Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats auxquels elle est partie la personne dont la mort résulte d'une aide active à mourir mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le code de la santé publique. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
M. Olivier Cadic. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1110-5-1-... - Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une douleur physique ou une souffrance psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir.
« La demande du patient est étudiée sans délai par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé. Dans un délai maximal de huit jours, les médecins remettent leurs conclusions au patient.
« Si les conclusions des médecins attestent que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa douleur physique ou sa souffrance psychique ne peut être apaisée ou qu'elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée, réfléchie et explicite et s'ils constatent qu'elle confirme sa demande de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir, sa volonté doit être respectée.
« La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande.
« L'acte d'assistance médicalisée à mourir est pratiqué sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande et a accepté d'accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée.
« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »
M. Jean-Claude Requier. - Lorsqu'une personne se trouve dans un état de dépendance tel qu'il lui semble qu'elle ne vit que pour « en finir », qu'elle prend la décision de céder face à une vie de souffrance et sans aucun espoir, il est important de lui reconnaître le droit de pouvoir mourir dans la dignité -et non se suicider dans la clandestinité.
Je ne suis pas sûr que nous soyons allés « aussi loin que possible », comme vous le dites, madame la ministre. Surtout, je crois en la liberté des personnes. Reconnaissons-leur le droit à mourir sans souffrance.
Écoutons Sénèque : « Y a-t-il chose plus cruelle que la mort ? Oui, la vie quand on veut mourir. »
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mmes David, Assassi, Beaufils, Cohen et Prunaud et MM. Billout, Bosino et Watrin.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-... - Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique, ou la plaçant dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. » ;
2° Après l'article L. 1111-10, il est inséré un article L. 1111-10-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-10-... - Le médecin, saisi d'une demande d'assistance médicalisée pour mourir, saisit dans les meilleurs délais un confrère indépendant pour s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve la personne concernée. Ils vérifient, à l'occasion d'un entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande.
« Ils informent la personne malade des possibilités qui lui sont offertes de bénéficier des dispositifs de soins palliatifs compatibles avec sa situation.
« Dans un délai maximum de huit jours suivant la première rencontre commune de la personne malade, les médecins lui remettent, en présence de sa personne de confiance, un rapport faisant état de leurs conclusions sur l'état de santé de l'intéressé.
« Si les conclusions des médecins attestent, au regard des données acquises de la science, que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et qu'ils constatent à l'occasion de la remise de leurs conclusions que l'intéressé persiste, en présence de sa personne de confiance, dans sa demande, alors, le médecin doit respecter la volonté de la personne malade.
« L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.
« L'acte d'assistance médicalisée pour mourir est réalisé sous le contrôle du médecin choisi ou de premier recours qui a reçu la demande de l'intéressé et a accepté de l'accompagner dans sa démarche et ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de confirmation de sa demande.
« Toutefois, si la personne malade en fait la demande, et que les médecins précités estiment que la dégradation de l'état de santé de la personne intéressée le justifie, ce délai peut être abrégé ; la personne peut à tout moment révoquer sa demande.
« Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical de la personne. » ;
3° Après l'article L. 1111-4, il est inséré un article L. 1111-4-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-4-... - Les professionnels de santé ne sont pas tenus d'apporter leur concours à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée à mourir.
« Le refus du professionnel de santé est notifié sans délai à l'auteur de cette demande ou, le cas échéant, à sa personne de confiance. Afin d'éviter que son refus n'ait pour conséquence de priver d'effet cette demande, il est tenu de l'orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible d'y déférer. » ;
4° La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie est complétée par un article L. 1111-13-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-13-... - Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats auxquels elle était partie la personne dont la mort résulte d'une assistance médicalisée pour mourir, mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le présent code. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
Mme Annie David. - En 2011, un groupe de travail transpartisan de la commission des affaires sociales avait rédigé une proposition de loi, signée, notamment, par mon ami Guy Fischer. Elle avait été adoptée en commission, mais rejetée en séance publique. Elle légalisait l'assistance médicalisée pour mourir. Pas moins de 96 % des Français y sont favorables. C'est le droit de mourir où et quand on le souhaite. Cet amendement reprend cette proposition.
Nous introduisons une clause de conscience pour les médecins. Je signale qu'une telle assistance médicalisée pour mourir n'a entraîné aucune dérive dans les pays où elle a été légalisée.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Daudigny, Mmes Bataille et Campion, MM. Cazeau et Duran, Mme Guillemot, M. Filleul, Mme Lienemann, MM. Lorgeoux et Leconte, Mmes Lepage et Monier, MM. Madec, Poher et Raoul, Mmes Riocreux, Schillinger et Tocqueville et MM. Vaugrenard, Yung et Courteau.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 1110-5-2, il est inséré un article L. 1110-5-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-2-1. - Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, qui s'est vue proposer l'ensemble des soins palliatifs auxquels elle a droit, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu'il n'existe aucune solution acceptable par elle-même dans sa situation. »
M. Jean-Pierre Godefroy. - À quelques mots près, cet amendement reprend une proposition de loi signée par des membres de presque tous les groupes politiques de notre assemblée... Il s'agit de laisser les malades choisir s'ils veulent mourir conscients ou non, de leur laisser la possibilité d'échapper à la souffrance. Cette décision n'appartient ni aux médecins, ni aux philosophes, ni aux techniciens, mais au malade seul. Aucune dérive n'a eu lieu dans les pays où cela est possible, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Californie - qui ne sont pas des États barbares.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110-5-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5... - Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir.
« La demande du patient est immédiatement étudiée par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé.
« Si le patient confirme sa volonté de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir au moins quarante-huit heures après sa demande initiale, alors sa volonté doit être respectée.
« Dans un délai maximal de quatre jours après la confirmation de la demande par le patient, l'assistance médicalisée active à mourir est pratiquée, selon la volonté du patient, soit par le patient lui-même en présence du médecin, soit par le médecin. L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.
« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »
Mme Corinne Bouchoux. - On l'a dit, 96 % des Français souhaitent l'instauration d'une aide active à mourir, défendue depuis longtemps par les écologistes au Sénat.
Arrêtez de vous prévaloir de votre qualité de juriste ou de médecin, nous légiférons pour l'ensemble des Français. Dans le groupe écologiste, neuf membres sur dix sont convaincus que ce dispositif, bien encadré, n'est nullement la fin d'un monde, mais une expression de fraternité. Nous y viendrons dans quelques années.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Je pourrais me contenter de dire ! « hors sujet ». Je ne le ferai pas. De grâce, ne déniez pas aux adversaires de l'euthanasie, dont je suis, le sens de la fraternité.
On a cité un sondage. Toutefois, la question posée était : « Voulez-vous mourir sans douleur ou dans des souffrances abominables ? »
En des décennies d'exercice médical, on m'a fait trois fois seulement une demande d'euthanasie active. À l'approche de la mort, les attentes changent. Ce que craignent les gens, c'est l'agonie. L'euthanasie a un caractère expéditif. Philippe Ariès l'a montré, la mort est aujourd'hui reléguée, dissimulée. Même les professionnels de santé ne sont pas prêts à accompagner les patients jusqu'au bout. La mort a pris un caractère « pornographique », dit un sociologue anglo-saxon. L'agonie, plus que la mort.
On meurt mal en France. Si les soins palliatifs se généralisent, le problème de l'euthanasie ne se posera plus de la même manière. D'ailleurs, une maladie incurable, je ne sais pas ce que c'est. Il y a un siècle, la tuberculose était une maladie mortelle. Elle ne l'est plus.
Avis défavorable à tous les amendements.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis, pour une autre raison. C'est un cadre différent qui a été choisi. Néanmoins, je ne souscris pas aux propos du rapporteur. Créer un droit, ce n'est pas imposer quoi que ce soit.
Je ne mets pas sur le même plan soins palliatifs, euthanasie et suicide assisté. Ces voies doivent être distinguées. Le sondage ? Attention, il recouvre des positions très différentes.
Certains veulent démédicaliser la fin de vie, alors que l'euthanasie implique l'intervention d'un médecin... Bref, on ne peut aborder de telles questions en préjugeant de la position de la société française.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Si le rapporteur Amiel avait développé d'emblée les mêmes arguments, je n'aurais peut-être pas voté le texte... La fraternité, c'est d'ouvrir toutes les possibilités !
Cette loi ne réglera pas tous les problèmes, et certains continueront à aller mourir à l'étranger.
Mme Corinne Bouchoux. - Ceux qui en ont les moyens !
M. Jean-Pierre Godefroy. - En effet, c'est une ségrégation par l'argent. L'aide active à mourir est attendue par les Français, non parce qu'ils veulent cacher la mort, mais parce qu'ils veulent être maîtres d'eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et communiste républicain et citoyen)
M. Olivier Cadic. - Je souscris entièrement aux propos de M. Godefroy. De qui parlons-nous ? De gens qui, justement, ne veulent pas se retrouver inconscients à la dernière extrémité. Le grand texte qui autorisera l'interruption volontaire de la vie, nous l'attendons. (Mme Corinne Bouchoux applaudit)
Mme Annie David. - M. Godefroy a trouvé les mots justes. Vos propos m'ont heurtée, monsieur le rapporteur. L'euthanasie serait, selon vous, une méthode expéditive. Il n'y aurait pas de maladie incurable. Évidemment, il s'agirait des maladies incurables d'aujourd'hui. On ne va pas fixer une liste !
Respectons la volonté des gens. Une partie des Français revendiquent ce droit. Trois cas, monsieur le rapporteur, ce sont toujours trois cas. Avec ce texte, vous auriez pu répondre à la demande de ces patients, ou les orienter vers un confrère.
Nous avons tous en mémoire des cas douloureux. J'étais à Paris quand un proche est mort à Grenoble. J'aurais préféré que les choses se passent autrement...
Mme Evelyne Yonnet. - Bien sûr, il faut laisser à tous le libre choix. Le texte même s'inscrit dans le respect des directives anticipées. N'y a-t-il pas une possibilité d'y inscrire la volonté d'obtenir un suicide assisté ? Si nous l'ouvrions, que ferait le médecin ? Le débat s'est écarté de cette direction après de longs échanges en commission. Toutefois, nous pouvons nous poser la question.
Mme Corinne Bouchoux. - Tout de même, nous manquons un rendez-vous. L'Insee acte 3 500 euthanasies tous les ans. L'euthanasie existe déjà ! Certes mais seulement pour ceux qui ont le privilège d'être bien entourés, d'être aidés de médecins. Les autres doivent se débrouiller.
Le rapporteur a bien parlé, mais en tant que médecin plus que de parlementaire. Pour la génération des baby-boomers, les malades sont désormais acteurs de leur maladie. Grâce notamment à l'action d'Act up, les rapports entre soignants-soignés ont changé. Et, comme les femmes disaient « mon corps m'appartient » dans les années 1970, les Français disent aujourd'hui « le choix de ma mort m'appartient ».
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°34 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l'adoption | 52 |
Contre | 258 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté,non plus que les amendements nos3 rectifié, 11 rectifié bis, 16, 20 rectifié et 22.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est adopté.
L'article 4 bis demeure supprimé.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, MM. Portelli et Bignon, Mme Canayer, MM. Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, M. B. Fournier, Mmes Gruny et Imbert, M. Vasselle, Mme Duchêne et MM. de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.
Alinéa 5, première phrase
Avant les mots :
Le médecin
Insérer les mots :
Après s'être assuré que la personne n'est pas dans un état psychologique susceptible d'altérer son jugement,
M. Dominique de Legge. - Je souhaite que vous précisiez les choses.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - L'article 35 du code de déontologie médicale vous donne satisfaction. Retrait ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
L'amendement n°14 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°25 rectifié ter, présenté par M. Mandelli, Mmes Duchêne et Micouleau, MM. Chaize, Bignon, Retailleau et Pinton, Mme Deromedi, MM. Charon, G. Bailly, Pointereau et Mayet et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure.
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans qu'ait été prise une décision unanime du médecin, de l'équipe soignante, de la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-11-1 et de la famille ou des proches après consultation des directives anticipées et avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. Lorsque le médecin, l'équipe soignante, la personne de confiance et la famille ou les proches ne parviennent pas à se mettre d'accord, une médiation est envisagée. »
Mme Marie-Annick Duchêne. - Il est défendu.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - On touche à des affaires plus compliquées : la procédure collégiale et l'unanimité - parfois difficile à réunir, on l'a vu lors de certaines affaires. La commission a prévu que la procédure collégiale ne serait plus à la seule initiative du médecin qui doit favoriser le dialogue avec la personne de confiance, les proches et les autres soignants. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Idem.
L'amendement n°25 rectifié ter est retiré.
L'article 5 est adopté.
L'article 6 est adopté.
L'article 7 demeure supprimé.
ARTICLE 8
M. Philippe Bas,président de la commission des lois - Avec ce texte, les directives anticipées, créées dans la loi de 2005, deviennent contraignantes. Pour la commission des lois, il faut prévoir le cas où la situation ne correspondrait plus exactement à ce qu'a souhaité la personne et celui où la personne avait manifesté un autre souhait sans modifier ses directives anticipées. Il faut que la personne de confiance ou un membre de la famille du patient puisse en témoigner. M. Pillet présentera des amendements qui, je crois, peuvent être adoptés puisque nos positions se sont rapprochées à mesure des discussions.
Mme Dominique Gillot . - Comme en première lecture, je veux souligner l'importance des directives anticipées. Les proches ou la personne de confiance ne seront plus torturés à l'idée de trahir la volonté de la personne. Une étude menée au centre d'éthique clinique de l'Hôpital Cochin sur 186 personnes de plus de 75 ans, montre que neuf sur dix ignoraient l'existence de ce droit.
Activons-le en acceptant les directives anticipées qui ne respecteraient pas le modèle préétabli. Faisons-les connaître à des personnes qui ne seraient pas en fin de vie, comme lors des journées citoyennes ; ce sera connecter la fin de vie à la vie.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Bonnefoy et Meunier et MM. Labazée, Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Masseret, Lalande et Manable.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Des directives anticipées qui ne seraient pas rédigées conformément au modèle fixé par décret en Conseil d'État sont prises en compte dans la mesure où les indications dont elles sont porteuses peuvent être interprétées sans trahir la volonté de leur auteur.
Mme Dominique Gillot. - Défendu.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Vous avez satisfaction : le texte de la commission reconnait les directives anticipées, quelle que soit leur forme.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Votre amendement pose un problème de légistique : il ne peut s'appliquer au texte de la commission des affaires sociales. Retrait ?
Mme Dominique Gillot. - Je note la difficulté à exercer son droit d'amendement quand on ne fait pas partie de la commission saisie au fond.
L'amendement n°9 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.
Alinéa 4
1° Remplacer les mots :
sont respectées
par les mots :
s'imposent
2° Supprimer les mots :
lorsque sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ou
Mme Annie David. - Puisque les directives anticipées ont plus de poids, elles doivent s'imposer aux médecins. N'amoindrissons pas leur portée et revenons au texte de l'Assemblée nationale.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives
par les mots :
leur validité fait l'objet d'une contestation sérieuse au regard du dernier état connu de la volonté du patient, lorsqu'elles ne sont pas adaptées à sa situation médicale,
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Le texte de la commission des affaires sociales est beaucoup plus restrictif que celui de l'Assemblée nationale. Les directives anticipées doivent pouvoir être écartées quand elles diffèrent du dernier état de la volonté du patient. C'est important puisque nous avons supprimé la durée de validité des directives anticipées, qui peuvent donc avoir été exprimées il y a quarante ans !
Évitons de voter des dispositions à rebours de nos intentions et à la volonté du patient. Mon amendement intègre même un sous-amendement de la commission des affaires sociales en première lecture.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°17 : la commission a rendu les directives anticipées contraignantes. Quant à l'amendement n°6, les directives anticipées sont modifiables et révisables à tout instant et par tous les moyens. En première lecture, nous avions déposé un sous-amendement à cet amendement dans la plus grande confusion, d'autant que M. Pillet était absent. À titre personnel, favorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je suis bien incapable de vous donner un avis circonstancié tant les rédactions de ces amendements oscillent entre le texte des députés et celui de votre commission des affaires sociales. On y perd de la clarté et nos positions ne semblent pas si éloignées les unes des autres.
Sagesse sur les deux amendements avec plutôt une demande de retrait de l'amendement n°17, qui crée un flou préjudiciable. La rédaction de l'amendement n°6 me semble plus aboutie que celle de la commission des affaires sociales avec tout le respect que je dois à celle-ci. Il reviendra à la CMP de parfaire le travail d'élaboration de la loi.
L'amendement n°17 est retiré.
Mme Annie David. - Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement n°6 que la commission des affaires sociales a rejeté.
M. Georges Labazée. - Je ne sais plus que faire... La commission a rejeté l'amendement n°6, la ministre lui a donné un avis de sagesse. Faut-il se réfugier dans la position la plus coupable qui soit : l'abstention ?
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - La commission a effectivement rejeté l'amendement tout en voulant entendre les explications de M. Pillet en séance. J'ai donné un avis favorable à titre personnel.
L'amendement n°6 est adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
est examinée dans le cadre d'une procédure collégiale telle que celle visée
par les mots :
ou au regard de l'existence d'une contestation sérieuse portant sur leur validité fait l'objet d'une décision du médecin prise après consultation du collège prévu
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - C'est un amendement de conséquence sur la procédure collégiale. Le collège rend-il un avis ou prend-il la décision ? À notre sens, c'est un simple avis.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Par cohérence, avis favorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Toujours par cohérence, sagesse.
Mme Annie David. - Je veux rappeler au rapporteur Dériot nos doutes sur l'amendement n°6 : de qui viendra la contestation des directives anticipées ? Comment ? Avis défavorable, encore.
M. Jean Desessard. - Il faudrait que les rapporteurs prennent des directives anticipées pour qu'on sache où on est. (Sourires)
L'amendement n°7 est adopté.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Lepage, Bonnefoy et Meunier et MM. Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Lalande et Manable.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mineurs sont sensibilisés à la possibilité de rédiger des directives anticipées, à partir de leur majorité, à l'occasion de la journée défense et citoyenneté mentionnée à l'article L. 114-3 du code du service national.
Mme Dominique Gillot. - Les Français doivent s'approprier les directives anticipées, un progrès incontestable, à tous les âges de la vie. Pour ce faire, il faut une information en direction des jeunes lors de la journée défense et citoyenneté.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Le Sénat avait rejeté cet amendement en première lecture. Je n'ai pas pour ma part changé d'avis. Lors des journées défense et citoyenneté, les jeunes ont bien d'autres soucis. Retrait, sinon rejet.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis favorable : les jeunes sont plus attentifs qu'on ne le croit à la mort. Ils peuvent être confrontés à des drames : la maladie - c'est rare - et des accidents. On sensibilise déjà au don d'organe et de sang lors des journées défense et citoyenneté. Ajoutons-y une information sur les directives anticipées.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le livre blanc de la défense et le ministre recommandent de recentrer les journées défense et citoyenneté sur leur objet initial. On a déjà supprimé le module de secourisme. Dieu sait si après le 11 janvier, il y a déjà beaucoup à passer en revue.
M. Gilbert Barbier. - Personne n'a osé parler de la conduite à tenir envers les enfants et en néo-natalité. J'espère que l'on n'y touchera jamais.
Mme Annie David. - Je soutiendrai l'amendement n°10 rectifié, tout en soulignant que les votes, dirigés par le rapporteur Dériot, remettent en cause le travail de la commission sur la collégialité de la décision. Un coup de balai et, hop, tout est fichu en l'air. Cette méthode n'est vraiment pas élégante, sur un texte aussi délicat qui touche à l'intime. Cela me met, ainsi que mon groupe, dans une situation très délicate. Je ne suis plus du tout sûre de notre vote final.
Mme Corinne Bouchoux. - À titre personnel, et pour avoir passé beaucoup de temps à l'IHEDN et dans la réserve citoyenne auprès des militaires ces dernières années, qui organisent les journées citoyenneté et défense, je tire la conclusion inverse de M. Lemoyne : il faut apprendre aux jeunes de 18 ans que la vie est fragile, que l'on n'est pas invincible.
M. Georges Labazée. - Nous ne cessons de chercher des lieux, des espaces pour sensibiliser à la vaccination, les directives anticipées, le don d'organe et de sang. Une cohérence se dessine : tous ces sujets ont à voir avec la mort et la vie.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je ne voudrais pas que le rapporteur de la commission des lois soit à l'origine de tensions au sein de la commission des affaires sociales qui a travaillé en bonne entente. Que le rapporteur Dériot donne son avis personnel ne constitue par une révolution dans ce palais, Mme Meunier l'a fait quand elle rapportait le texte sur la protection de l'enfance. Je ne veux pas nuire à l'unanimité qui pointe dans cet hémicycle.
M. Gérard Dériot. - Mes excuses à Mme David ; mais j'ai exprimé un sentiment personnel.
Quant à la journée défense citoyenneté, ne chargeons pas la barque sans quoi il y faudra 48 heures ! Si l'on y parlera entre autres de vaccinations, il faudra certainement des piqûres de rappel ! (Sourires) Je crois que vous parlez du monde tel que vous le souhaitez. (Protestations à gauche)
Mme Isabelle Debré. - Il y a quinze jours, je devais intervenir à la fin de la journée défense citoyenneté. J'ai dû attendre longtemps. Les jeunes sont sortis tard et sans avoir fini tout le programme. Je crains que cet amendement, bienvenu dans son esprit, soit irréalisable.
M. Olivier Cadic. - Le jeunesse qui se croit invincible doit justement être sensibilisée à la mort. Il y a des accidents terribles chaque année. Aux organisateurs de ces journées de déterminer la façon de mener cette sensibilisation.
M. Gérard Roche. - Beaucoup de jeunes en fin d'adolescence sont très angoissés ; la mort leur fait peur. En parler peut provoquer des dégâts. Je vous l'affirme.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Ce n'est pas l'objet de la journée citoyenne et de défense. S'il peut être souhaitable d'inciter nos jeunes concitoyens à donner leur sang ou leurs organes, faire de la propagande pour les directives anticipées, à destination du public le moins concerné, serait totalement inapproprié. En outre, quand on donne ses directives anticipées à 20 ans, il y a fort à parier qu'elles seront devenues obsolètes à 80 ans...
Mme Catherine Procaccia. - Et la loi aura changé !
L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est chargé de faire enregistrer les directives anticipées de ses patients sur le registre mentionné au cinquième alinéa.
M. Michel Amiel, co-rapporteur. - Cet amendement prévoit que le médecin traitant est chargé de faire inscrire les directives anticipées de ses patients sur le registre national prévu à cet effet.
C'est dans l'échange avec son médecin que le patient sera sensibilisé.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Les modalités doivent être renvoyées à un décret en Conseil d'État. Elles méritent d'être réfléchies : le médecin enregistre-t-il tout de suite les directives anticipées ? Ou faut-il laisser le temps à l'intéressé d'en parler avec son conjoint, par exemple ? Le médecin est-il le seul interlocuteur ? Votre amendement n'épuise pas le champ des possibles. Retrait.
L'amendement n°26 est retiré.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s'assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l'invite à procéder à une telle désignation.
II. - (Rejeté lors d'un vote par division) Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu'une mesure de protection judiciaire est ordonnée et que le juge ou le conseil de famille, s'il a été constitué, autorise la personne chargée de la protection à représenter ou à assister le majeur pour les actes relatifs à sa personne en application du deuxième alinéa de l'article 459 du code civil, la désignation de la personne de confiance est soumise à l'autorisation du conseil de famille, s'il est constitué, ou à défaut du juge des tutelles. Lorsque la personne de confiance est désignée antérieurement au prononcé d'une telle mesure de protection judiciaire, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut soit confirmer sa mission, soit la révoquer. »
Mme Marisol Touraine, ministre. - La désignation de la personne de confiance doit être une préoccupation durant tout le parcours de santé, non seulement à l'entrée à l'hôpital.
L'autre partie de l'amendement est purement légistique : comme vous l'avez fait dans le projet de loi adopté cette nuit, il faut assurer la cohérence du texte avec le code civil, en ce qui concerne les mesures de protection judiciaire.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par M. Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
tutelle
insérer les mots :
, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil,
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Amendement de précision. Pour l'amendement n°29, nous n'avons pas eu le temps de l'examiner. Nous serions plutôt favorables à son premier élément. Nous considérons en revanche que la désignation d'une personne de confiance est personnelle et ne peut donner lieu à représentation.
Avis défavorable, sous réserve que la commission des lois confirme mon appréciation. Il faudrait voter par division.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je confirme ce que dit le rapporteur sur l'alinéa 6. Il faut un consentement strictement personnel, conformément à l'article 458 du code civil.
La désignation de la personne de confiance ne saurait relever ni de la personne qui assiste le patient, ni du tuteur de ce dernier. La rédaction de la commission des affaires sociales est bien meilleure et permet au juge et au conseil de famille d'apprécier si la personne protégée est en mesure de désigner une personne de confiance. Si elle l'est, pourquoi devrait-elle s'en remettre à la décision de son tuteur ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je n'entre pas dans le débat de fond ! Mais vous avez adopté cette nuit, dans le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, des dispositions contraires.
Nous ne proposons donc qu'une mise en cohérence légistique, à laquelle il faudra bien procéder.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Je demande un vote par division.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Le projet de loi sur le vieillissement est encore en navette. Nous pourrons toujours en discuter en commission mixte paritaire. Mais l'article 458 du code civil existe !
Mme Annie David. - Soyons cohérents. Je fais confiance au rapporteur pour avis de la commission des lois, malgré nos griefs sur son précédent amendement. Cependant, je serais plutôt encline à voter l'intégralité de l'amendement, par cohérence avec ce que nous avons voté cette nuit - même si je n'ai pas tous les articles du précédent projet de loi en tête, je l'avoue...
M. Georges Labazée. - Le I est conforme à notre position. Quant au II, il faut certes la même rédaction dans les deux textes. Nous avons voté cette nuit des dispositions sur les rapports entre tutelle et personne de confiance. M. Mouiller avait déposé un amendement et Mme Rossignol a indiqué qu'il faudrait reprendre le sujet très compliqué des tutelles.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - On parle beaucoup du II, mais le pire est dans le I. Quelles conclusions le patient tirera-t-il sur son état de santé quand le médecin l'invitera à choisir une personne de confiance ? Cette démarche pourrait être très violente. Le législateur ne doit pas inciter à faire de la propagande sur la désignation d'une personne de confiance.
Le I de l'amendement n°29 est adopté.
Le II de l'amendement n°29 n'est pas adopté.
L'amendement n°29, ainsi modifié, est adopté.
L'amendement n°27 est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le patient peut désigner une personne de confiance suppléante. Son témoignage est entendu uniquement si la personne de confiance titulaire se trouve dans l'incapacité d'exprimer la volonté du patient qui l'a désignée.
Mme Annie David. - Cet amendement reprend celui déposé par Mme Le Vern à l'Assemblée nationale, et adopté en séance publique.
Il s'agit de désigner une personne de confiance suppléante. Garantissons au patient que sa volonté sera transmise, y compris si la personne de confiance qu'il a désignée n'est plus en mesure de l'exprimer, qu'elle soit décédée, privée de ses facultés mentales, ou simplement injoignable.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Cela peut paraître tout à fait naturel ; c'était prévu dans la loi sur le vieillissement. Les choses peuvent néanmoins devenir compliquées... C'est pourquoi nous avons en commission demandé le retrait.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis. Ce n'est pas une idée saugrenue. Je crains pourtant qu'elle soit porteuse de conflits entre les deux personnes de confiance, qui peuvent avoir des interprétations différentes des propos du patient. De telles situations se manifestent au sein d'une même famille.
Mme Evelyne Yonnet. - L'amendement vise plutôt le cas de décès ; cela me paraît une très bonne idée.
Mme Annie David. - En effet, dans ce cas, il ne peut pas y avoir de conflit. Mais j'entends que cela peut être affiné.
L'amendement n°18 est retiré.
L'article 9, modifié, est adopté.
Les articles 10, 11, 12 et 13 sont successivement adoptés.
ARTICLE 14
M. le président. - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, MM. Portelli et Bignon, Mme Canayer, MM. Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, MM. B. Fournier et Vasselle, Mmes Imbert, Duchêne et Gruny et MM. de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.
Alinéa 1
Avant les mots :
Le Gouvernement
insérer les mots :
À l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale,
M. Dominique de Legge. - Il s'agit pour le Gouvernement et le Parlement de pouvoir faire annuellement un état du développement des soins palliatifs et des conditions d'application de la présente loi. Lier ce rendez-vous à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de nature à le conforter et le pérenniser.
J'avais souhaité un bilan annuel sur les soins palliatifs, un rapport a été préféré. Cet amendement rapproche les deux positions en les consolidant.
M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - Avis favorable.
31
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mardi 3 novembre 2015
Séance publique
À 15 heures
1. Projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société (procédure accélérée) (n° 660, 2014-2015) et projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (procédure accélérée) (n° 661, 2014-2015).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 119, 2015-2016)
Texte de la commission des lois (n° 120, 2015-2016)
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 121, 2015-2016)
Texte de la commission des lois (n° 122, 2015-2016)
À 16 h 45
2. Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45, le soir et la nuit
3. Suite du projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société (procédure accélérée) (n° 660, 2014-2015) et du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (procédure accélérée) (n° 661, 2014-2015)
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 119, 2015-2016)
Texte de la commission des lois (n° 120, 2015-2016)
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 121, 2015-2016)
Texte de la commission des lois (n° 122, 2015-2016)
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 32 sur l'amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, à l'article 2 de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 342
Suffrages exprimés : 211
Pour : 10
Contre : 201
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Contre : 141
Abstention : 1 - M. Roger Karoutchi
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (110)
Abstentions : 110
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 1 - M. Olivier Cadic
Contre : 40
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Hervé Marseille, Président de séance
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
Abstentions : 19
Groupe du RDSE (17)
Contre : 17
Groupe écologiste (10)
Pour : 9
Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi
Sénateurs non-inscrits (6)
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n° 33 sur l'amendement n°13 rectifié bis, présenté par M. Dominique de Legge et plusieurs de ses collègues, à l'article 3 de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 334
Suffrages exprimés : 329
Pour : 21
Contre : 308
Le Sénat n'a pas adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 20 - M. Jérôme Bignon, Mmes Agnès Canayer, Caroline Cayeux, MM. Patrick Chaize, Pierre Charon, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Marie-Annick Duchêne, M. Bernard Fournier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Dominique de Legge, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Jean-Marie Morisset, Hugues Portelli, Henri de Raincourt, André Reichardt, Bruno Retailleau, Charles Revet, Alain Vasselle
Contre : 119
Abstentions : 3 - MM. Philippe Bas, Daniel Chasseing, François Pillet
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (110)
Contre : 110
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 1 - M. Yves Pozzo di Borgo
Contre : 31
Abstention : 1 - M. Michel Mercier
N'ont pas pris part au vote : 9 - M. Hervé Marseille, Président de séance, M. Bernard Delcros, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Claude Kern, Jean-Jacques Lasserre, Jean-François Longeot, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Henri Tandonnet, Mme Lana Tetuanui
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
Contre : 19
Groupe du RDSE (17)
Contre : 16
Abstention : 1 - M. Gilbert Barbier
Groupe écologiste (10)
Contre : 10
Sénateurs non-inscrits (6)
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n° 34 sur l'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Olivier Cadic et plusieurs de ses collègues, à l'article 3 de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :317
Suffrages exprimés :310
Pour :52
Contre :258
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 1 - M. Alain Fouché
Contre : 141
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (110)
Pour : 26 - Mmes Delphine Bataille, Nicole Bricq, Claire-Lise Campion, MM. Bernard Cazeau, Roland Courteau, Yves Daudigny, Jérôme Durain, Jean-Jacques Filleul, Mme Dominique Gillot, M. Jean-Pierre Godefroy, nnie Guillemot, MM. Georges Labazée, Jean-Yves Leconte, Mmes Claudine Lepage, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jeanny Lorgeoux, Roger Madec, Mmes Michelle Meunier, Marie-Pierre Monier, MM. Hervé Poher, Daniel Raoul, Mmes Stéphanie Riocreux, Patricia Schillinger, Nelly Tocqueville, MM. Yannick Vaugrenard, Richard Yung
Contre : 84
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 8 - MM. Olivier Cadic, Vincent Delahaye, Daniel Dubois, Joël Guerriau, Mme Chantal Jouanno, MM. Nuihau Laurey, Hervé Maurey, Christian Namy
Contre : 19
Abstentions : 6 - MM. Olivier Cigolotti, Jean-Léonce Dupont, Jean-Marc Gabouty, Jean-Jacques Lasserre, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Jean-Claude Luche
N'ont pas pris part au vote : 9 - M. Bernard Delcros, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Claude Kern, Mme Valérie Létard, MM. Jean-François Longeot, Hervé Marseille, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Henri Tandonnet, Mme Lana Tetuanui
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
Pour : 8 - Mmes Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Jean-Pierre Bosino, Mmes Laurence Cohen, Annie David, Christine Prunaud, M. Dominique Watrin
Contre : 11
Groupe du RDSE (17)
N'ont pas pris part au vote : 17 - MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Gilbert Barbier, Alain Bertrand, Joseph Castelli, Yvon Collin, Pierre-Yves Collombat, Philippe Esnol, François Fortassin, Jean-Noël Guérini, Robert Hue, Mmes Mireille Jouve, Françoise Laborde, Hermeline Malherbe, MM. Jacques Mézard, Jean-Claude Requier, Raymond Vall
Groupe écologiste (10)
Pour : 9
Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi
Sénateurs non-inscrits (6)
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n° 35 sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :335
Suffrages exprimés :297
Pour :287
Contre :10
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 107
Contre : 8 - MM. Gérard Bailly, Jérôme Bignon, René Danesi, Louis Duvernois, Alain Fouché, Jean-Paul Fournier, Daniel Gremillet, Didier Mandelli
Abstentions : 27 - MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Mme Caroline Cayeux, M. Daniel Chasseing, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Bernard Fournier, Alain Gournac, Benoît Huré, Roger Karoutchi, Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Laurent, Dominique de Legge, Jean-Pierre Leleux, Philippe Leroy, Mmes Vivette Lopez, Brigitte Micouleau, MM. Claude Nougein, Jean-Jacques Panunzi, Jackie Pierre, Henri de Raincourt, André Reichardt, Bruno Retailleau, Charles Revet, Didier Robert, Bernard Saugey, Alain Vasselle, Hilarion Vendegou
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. René-Paul Savary
Groupe socialiste et républicain (110)
Pour : 110
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 32
Contre : 1 - M. Yves Pozzo di Borgo
Abstention : 1 - M. Michel Mercier
N'ont pas pris part au vote : 8 - M. Bernard Delcros, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Claude Kern, Jean-François Longeot, Hervé Marseille, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Henri Tandonnet, Mme Lana Tetuanui
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
Pour : 19
Groupe du RDSE (17)
Pour : 16
Contre : 1 - M. Gilbert Barbier
Groupe écologiste (10)
Abstentions : 10
Sénateurs non-inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier