SÉANCE
du jeudi 19 novembre 2015
27e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
Secrétaires : M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
La séance est ouverte à 11 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Projet de loi de finances pour 2016
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Dans les circonstances douloureuses que nous connaissons, la vie parlementaire reprend son cours - en prenant pleinement en compte la situation. Telle est le cas de la matière budgétaire, qui n'est pas une doctrine froide, mais un outil au service de l'action et des priorités publiques.
La responsabilité budgétaire n'est pas antagoniste avec la situation existante, c'est au contraire une condition sine qua non pour y répondre : 8 500 postes seront créés, le Gouvernement les financera. Pas question pour autant d'augmenter les impôts des Français, ni de réduire les crédits des autres ministères, qui concourent tous, d'une manière ou d'une autre, à la lutte contre le terrorisme. C'est pourquoi nous assumons, à ce stade, une dégradation du déficit. Les règles européennes, « ni rigides, ni stupides », selon les mots d'un commissaire européen, offrent des marges de manoeuvre adéquates.
L'examen du budget de la Nation est l'occasion de faire le point, de tracer les axes de la stratégie de notre pays, de prendre les décisions qui s'imposent.
Avec M. Eckert, nous souhaitons, cette année encore, engager un vrai débat et tenir un discours de vérité.
L'an dernier, nous avions pris des engagements précis : redressement de la croissance, réduction des déficits et baisse des prélèvements. Certains dans l'opposition s'étaient alors laissé aller à des prophéties bien sombres. Nous les avons démenties en respectant le mandat que nous avait donné le Parlement.
Pour la première fois, la prévision de croissance de 1 % sur laquelle nous avions bâti le budget est dès à présent acquise. La même prudence et le même réalisme nous ont conduits à retenir une hypothèse de croissance de 1,5 % pour établir le budget 2016. C'est le consensus des économistes. Le Haut Conseil des finances publiques la juge atteignable, quand il estimait celle de 2015 optimiste.
Cette reprise est le fait de notre politique : CICE, pacte de responsabilité, hausse du pouvoir d'achat avec des baisses de prélèvements. Elle s'explique aussi par des facteurs externes : division par deux du prix du pétrole, taux d'intérêt bas, un taux de change euro/dollar en ligne avec ses fondamentaux.
La reprise se chiffre : 750 000 emplois créés dans le domaine privé et un climat des affaires à son plus haut niveau depuis quatre ans. Engagement tenu aussi sur le redressement budgétaire. En 2014, le déficit public s'est réduit à 3,9 % grâce à une progression des dépenses contenue à 0,9 %. Cette dynamique se poursuivra cette année.
Avec 3,3 % de déficit public l'an prochain, la France respecte sa trajectoire. La Commission européenne vient d'ailleurs de le reconnaître.
Engagement tenu sur les baisses d'impôts. Pour la troisième année, l'impôt sur le revenu est allégé de plus de deux milliards d'euros, douze millions de ménages ont bénéficié de la baisse. Les classes moyennes ne sont pas oubliées : nous ferons baisser l'impôt sur le revenu pour le coeur des classes moyennes, le couple de salariés avec enfants, l'instituteur débutant. Ils sont les premiers en droit à bénéficier de cette politique, eux qui ont contribué à l'effort de redressement depuis 2011.
Une page est en train de se tourner en matière d'impôts. 2016 sera l'année du lancement du prélèvement à la source pour l'appliquer au 1er janvier 2018. Elle sera aussi celle de la généralisation de la télé-déclaration. Contrairement à la rumeur, le Gouvernement n'entend pas faire payer quinze euros à ceux qui ne pourraient pas déclarer par internet. Nous les accompagnerons.
La justice fiscale, c'est aussi l'intensification de la lutte contre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale abusive. Déjà, le service de traitement des déclarations rectificatives a recouvré 4,5 milliards d'euros en 2014 et en 2015. L'an prochain, nous prévoyons 2 milliards. Cela ne s'arrêtera pas : seuls 8 500 dossiers ont été traités sur 44 000.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Et la TVA ?
M. Michel Sapin, ministre. - Grâce à l'action de la France, nous progressons sur la transparence. L'échange automatique d'informations sera effectif entre 58 États en 2017 et 94 en 2018. La semaine dernière, un grand pas a été accompli au G20 d'Antalya, auquel j'ai participé, avec le reporting par pays.
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. - Notre politique envers les entreprises se bâtit sur la responsabilité et l'exigence. Chacun doit tenir parole pour créer les conditions de la croissance. Le CICE, arrivé à maturité, représente 17 milliards d'euros à ce jour avec 9 milliards d'euros d'allègements supplémentaires en 2016. La C3S prendra fin, comme prévu. À partir du 1er avril, de nouvelles exonérations de charges sur les salaires jusqu'à 3,3 Smic entreront en vigueur.
Engagements tenus enfin sur la dépense publique, tout en demeurant réactif. La lutte contre le terrorisme se traduira par des créations de postes dans les services de la police et la gendarmerie - 5 000 postes en deux ans, en plus de celles décidées depuis 2012 - de la justice - 2 500 postes supplémentaires sur la même période - des douanes - 1 000 postes - et le maintien de 2 300 créations de postes dans la défense. En tout, l'effort représente 600 millions d'euros en 2016. Et ce, tout en contenant la dépense publique à 1 %.
Enfin, un mot de l'Europe. Contrairement à ce que j'entends parfois, nous ne réduisons pas nos déficits « à cause de l'Europe ». En tenant nos engagements, nous avons restauré la crédibilité de la France. La confiance retrouvée après la crise grecque nous permet de dégager des marges pour financer nos priorités, tout spécialement la sécurité des Français. Dois-je rappeler que la France, au moment même où l'Allemagne ramenait son déficit sous la barre de 3 %, en affichait un de 5 %. C'était en 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Comme l'a exposé le ministre, le Gouvernement a immédiatement réagi à l'attaque sans précédent subie par la France, pour déployer tous les moyens nécessaires à la sécurité des Français.
Pour la première fois, nous avons stabilisé notre dette après huit années de hausse continue, le déficit est au plus bas depuis 2008, le niveau des dépenses publiques est maîtrisé. Faire des économies, c'est aussi garantir la pérennité de notre modèle social. En 2016, les déficits sociaux retrouvent leur niveau d'avant la crise.
Faire des économies, c'est aussi financer l'urgence pour assurer la sécurité des Français. A ce stade de la procédure budgétaire, nous prévoyons, comme vient de l'annoncer Michel Sapin, environ 600 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2016, par rapport au projet de loi de finances initiale. Ces chiffres vont être affinés avec les ministères concernés, sur la base d'une analyse précise des besoins. Des amendements seront déposés en deuxième partie sur chacune des missions budgétaires concernées. Il n'y aura pas de nouveau coup de rabot sur les crédits des ministères ni de hausse d'impôt.
Oui, les économies sont au rendez-vous : la dépense publique représentait 56,4 % du PIB en 2014, 55,8 % en 2015 et 55,1 % en 2016. Il suffit de revenir aux chiffres pour écarter les jugements à l'emporte-pièce.
Justice fiscale, lutte contre les inégalités, telle est notre ligne : tranche de l'impôt sur le revenu à 45 %, droits de succession et de donation, ISF...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Avez-vous voté l'amendement Ayrault ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Sans ces mesures, nous ne pourrions pas baisser les prélèvements sur les entreprises, avec le pacte de responsabilité et de solidarité, ni sur les ménages, avec la baisse de l'impôt sur le revenu, la baisse des impôts locaux...(Protestations à droite ; marques d'approbation sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Oui, nous menons une politique juste, en mettant fin aux niches fiscales disproportionnées, qui croissaient avec le revenu, en retrouvant le pourcentage de ménages exonérés de 2008, en allégeant l'impôt des classes moyennes et modestes, des ouvriers, des salariés...
M. Roger Karoutchi. - Pitié ! On dirait un discours des années 1950 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - ...Pour eux, nous menons une politique pour restaurer la compétitivité des entreprises et restaurer l'équité. D'emblée, quelques réponses aux critiques.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous n'avons encore rien dit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je vous ai entendu ! Vous nous disiez déjà entre 2012 et 2014 que nous ne baissions pas les déficits. Non seulement ils ont baissé, mais leur baisse s'accélère. Nous ne ferions pas d'économies « structurelles ». Quelles économies méritent le label de structurel ? J'attends que vous précisiez ce que vous entendez par là. Oui, j'aimerais des éclaircissements, quand certains veulent faire descendre les impôts par l'ascenseur, et les dépenses par l'escalier.
M. Philippe Dallier. - Trop facile !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Nous ne concentrons pas les impôts sur les 10 % des Français les plus riches. Tous les ménages paient la C3S.
Si la seule réforme structurelle que propose la droite est la suppression de l'ISF, les Français apprécieront. Il est juste que ceux qui gagnent plus contribuent davantage. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - Il en faudra plus pour nous convaincre... Le pacte de sécurité l'emporterait sur le pacte de responsabilité. Avec cette déclaration, le président de la République a-t-il voulu prévenir les reproches de l'Europe ? On peut se le demander. Des mesures supplémentaires de 600 millions d'euros représentent 0,03 % du PIB, 0,15 % du budget. Et l'on ne pourrait les gager par des économies ?
D'autant qu'engager ces dépenses nécessaires ne nous exonère nullement de notre devoir de réduction du déficit. En juillet dernier, la Commission européenne a simplement suspendu la procédure pour déficit excessif engagée à l'encontre de notre pays, qui fait donc partie des « mauvais élèves » de la classe européenne. (On le déplore à droite) Si nous avons bénéficié d'un report de l'objectif de réduction du déficit public en dessous des 3 % à 2017, c'est en échange d'efforts accrus de réduction de notre déficit structurel.
Or ce budget prévoit une contraction de notre déficit de 0,1 point de PIB seulement. En réalité, le Gouvernement s'en remet, puisqu'il ne réalise pas de réformes structurelles, à une conjoncture optimiste pour atteindre ses objectifs. La commission des finances l'engage à la prudence : le climat reste très instable, surtout après les attentats. Or le budget ne laisse aucune marge en cas de retournement.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Quel pessimisme !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est du réalisme ! (Approbation à droite)
Le Gouvernement annonce 50 milliards d'euros d'économies : toujours le même montant ! Un dogme, sans cesse répété, mais jamais documenté. Le président de la République prévoir pour sa part 600 millions d'euros d'effort pour la sécurité sans envisager de nouvelles économies. On peut légitimement s'en inquiéter.
Avant même les annonces de lundi, sur la création de 8 500 postes, les effectifs de l'État étaient repartis à la hausse avec plus de 9 000 emplois. Seulement la moitié d'entre eux concernent la priorité affichée en faveur de la Défense nationale ou sont liés à la crise des migrants, pour 900 postes. Or fixer des priorités n'interdit en aucune manière des redéploiements.
Nous sommes évidemment très favorables à une nouvelle révision de la loi de programmation militaire, après celle de juillet dernier : la faiblesse des moyens dévolus à nos armées, qui supportaient l'essentiel des réductions d'effectifs, avait conduit le Sénat, sur proposition de sa commission des finances, à rejeter les crédits de la mission Défense en loi de finances 2015.
Le Gouvernement refuse de choisir entre les missions qu'il assigne à l'État. Finalement, sa seule économie est le gel du point d'indice des fonctionnaires, ce qui a des effets sur le recrutement. Or, la Cour des comptes l'a noté, bien des marges existent sur la masse salariale. Elle a mis en évidence qu'un quart seulement des agents de l'État travaillent à temps plein.
La commission des finances a adopté des amendements relatifs à la convergence du temps de travail dans la fonction publique avec celui du secteur privé, au rétablissement des trois jours de carence, au gel de l'avancement automatique et à des efforts supplémentaires des opérateurs, dont les effectifs ont fortement augmenté depuis quelques années.
Elle proposera aussi des économies ciblées, pour supprimer de nouveaux contrats aidés dans le secteur public et renforcer les contrats aidés dans le secteur marchand.
Au total, ces mesures aboutiront à 5 milliards d'euros d'économies, comme celles pour contenir les dépenses des opérateurs de l'État qui ont explosé de 50 %.
M. Charles Guené. - Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La baisse des dotations aux collectivités territoriales, elle, est bien réelle : 10,7 milliards d'euros sur trois ans. Cette année, elle atteint 3,5 milliards d'euros. La baisse de la dotation globale de fonctionnement entraîne des effets redoutables sur l'investissement public local qui représente près de 60 % de l'investissement public.
Les collectivités territoriales, exsangues, devront augmenter leurs impôts locaux. Nous demanderons une réduction de l'effort de 1,6 milliard d'euros, le montant exact de l'évolution des dépenses contraintes.
Côté recettes, le Gouvernement n'a cessé d'alourdir les prélèvements : un impôt sur le revenu gonflé de 7 milliards d'euros, alors que le nombre de contribuables n'a cessé de se réduire. Résultat, les départs des ménages aisés s'accélèrent - 40 % de départs de plus en 2013 qu'en 2012. Le Gouvernement a également frappé les familles avec la baisse du plafond du quotient familial et la modulation des allocations familiales. Aussi proposerons-nous une refonte de l'article 2 qui, en l'état, menace le consentement à l'impôt, et de relever le plafond du quotient familial.
Ce budget 2016 est celui de l'immobilisme fiscal...
M. Richard Yung. - Il faut savoir ce que vous voulez !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Aucune réforme structurelle dans ce texte... L'inspection générale des finances avait proposé début 2014 de supprimer 192 taxes à faible rendement : le Gouvernement nous invite à en supprimer trois ! Je vous proposerai d'aller plus loin en abolissant plusieurs petites taxes supplémentaires, dont certaines n'ont aucun redevable.
Rien non plus sur le prélèvement à la source de la TVA, pour remédier ainsi à l'évaporation fiscale liée au commerce électronique... La commission des finances vous proposera de modifier profondément ce budget pour 2016 qui ne prépare pas l'avenir. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Le Parlement doit légiférer pour faire face à une situation nouvelle. La réponse à ceux qui veulent abattre la démocratie, c'est le fonctionnement de nos institutions, a dit justement le président Larcher.
Le budget, parce qu'il est le creuset où s'élabore notre bien commun, n'est pas un pur exercice budgétaire.
Depuis octobre, notre commission y travaille, elle se penchera sur la traduction de l'effort de guerre demandé par le président de la République pour préparer la paix. Le Gouvernement, face à l'urgence, agit dans la transparence.
M. Philippe Dallier. - Magnifique !
Mme Michèle André, présidente de la commission. - Priorité à la jeunesse : 43 000 emplois d'ores et déjà créés dans l'éducation nationale ; 100 millions d'euros de plus pour les universités ; protection judiciaire de la jeunesse avec le retour des crédits à leur niveau d'avant la RGPP ; développement du service civique et de l'apprentissage, auquel le président du Sénat est sensible, puisque notre institution accueillera des apprentis...
J'évoquerai également la hausse de plus de 4 % pour les crédits de la ville et les mesures de soutien aux collectivités territoriales : la dotation de soutien à l'investissement local d'un milliard d'euros, l'élargissement du bénéfice du FCTVA aux dépenses d'entretien de bâtiments publics pour 150 millions d'euros, ou encore le fonds de soutien aux collectivités victimes des emprunts toxiques, qui est doublé.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), malheureusement, ne s'appliquera pas en 2016, faute d'explications.
M. Philippe Dallier. - C'est sûr !
Mme Michèle André, présidente de la commission. - Parce que tous les acteurs n'ont pas joué le jeu. Le Sénat, la commission des finances, avec Jean Germain, ont beaucoup travaillé sur ce sujet pour faire de la DGF une dotation juste, en lien avec Christine Pires Beaune à l'Assemblée nationale.
La liste des réformes engagées depuis 2012 est longue, elles commencent à porter leurs fruits. Enfin, nous enrayons la spirale de la dépense publique sans verser dans la rigueur avec 40 milliards d'euros d'allègement pour les entreprises et 5 milliards d'euros de baisse d'impôt sur le revenu en deux ans pour les foyers modestes et les classes moyennes. Huit millions de foyers fiscaux bénéficieront de la mesure inscrite dans ce projet de loi de finances, dont trois millions qui n'avaient pas bénéficié de la mesure prise l'année dernière.
C'est cela qui nous permet de redresser nos comptes publics sans verser dans l'austérité. C'est cela qui nous permettra d'ajuster notre trajectoire afin que nos forces de sécurité disposent de tous les moyens nécessaires. La gouvernance budgétaire et les règles communes sont indispensables lorsque des États partagent une monnaie, comme la situation de la Grèce l'a montré et je tiens à saluer, à cet égard, l'engagement de Michel Sapin. (M. le ministre remercie)
Des règles communes sont nécessaires en Europe ; elles doivent être mises au service de la sécurité et de la croissance. Je salue l'engagement de M. Sapin pour assurer le maintien de la Grèce dans la zone euro. Avec Victor Hugo, quoi de plus naturel dans cet hémicycle, disons qu'il s'agit de relever la France - déjà ! -, d'avertir l'Europe : oui, la cause de la France se confond avec celle de l'Europe en cette période de crise.
Je voterai ce budget, qui sert au mieux les intérêts de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Yvon Collin . - Dans le contexte tragique que nous connaissons, et comme l'a dit le président de la République, le pacte de sécurité doit l'emporter sur le pacte de stabilité. Il faut renforcer les moyens de nos services de renseignement, de nos forces de sécurité. Il semble que Bruxelles le comprenne très bien... Le pacte de stabilité autorise d'ailleurs des déficits dits excessifs en cas d'événement exceptionnel - ce qui est, hélas, le cas. La France doit répondre à un acte de guerre dont elle a été victime, sans renoncer à l'objectif d'assainir les comptes publics. C'est bien grâce aux efforts que le Gouvernement a engagés depuis trois ans que nous pouvons lâcher un peu de lest aujourd'hui.
M. Didier Guillaume. - Exactement !
M. Yvon Collin. - Depuis 2012, la progression des dépenses publiques, hors crédits d'impôts, a été divisée par deux, ce qui pèse favorablement sur l'ajustement structurel. Cela est d'autant plus important que la conjoncture peine à s'améliorer nettement. Le taux du chômage demeure élevé, l'investissement peu dynamique en dépit du CICE. C'est pourquoi ce projet de loi de finances comprend de nouvelles mesures à l'égard des entreprises, et notamment des TPE-PME.
L'investissement public continue de chuter. Le RDSE s'emploiera à préserver l'investissement des collectivités territoriales ; il fera aussi des propositions pour une assiette plus large de l'impôt avec des aménagements pour les plus modestes, gage à ses yeux du consentement à l'impôt.
Une très large majorité des membres de notre groupe votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)
M. Vincent Delahaye . - Immobilisme et statu quo sont les maîtres mots de ce budget. Aucune réforme structurelle... En revanche, quelle remarquable communication ! À écouter Bercy, le déficit se réduit, les impôts baissent, la charge de la dette est stabilisée et les dépenses maîtrisées...
M. Didier Guillaume. - C'est bien ça !
M. Vincent Delahaye. - Je vois que certains s'y laissent prendre... Le déficit ne baisse quasiment pas. Le président de la République promettait le retour à l'équilibre en 2017. Ce ne sera pas le cas ; et le Gouvernement ne cesse de revoir à la baisse ses ambitions. Le déficit sera de 3,8 % en 2015, la pire performance de la zone euro.
Le pacte de sécurité doit l'emporter sur le pacte de stabilité, a dit le président de la République. Dans la situation budgétaire désastreuse du pays, la priorité donnée à la sécurité devrait s'accompagner d'économies drastiques dans les politiques de l'État, par exemple sur les milliards du logement. La France ne pourra pas financer cet effort uniquement par plus de dette, sauf à s'affaiblir encore.
Le Gouvernement poursuit le matraquage fiscal. Les recettes de l'impôt sur le revenu passeront de 69 milliards à 72 milliards en 2016. On est loin des promesses de début de quinquennat... 80 % des ménages ont vu leur pouvoir d'achat baisser depuis 2012. Et François Hollande promettait en 2013 qu'il n'y aurait plus d'augmentation d'impôt... Depuis, hausse de la TVA et des cotisations retraite, baisse du quotient familial, suppression de niches fiscales...
En 2016, 286 milliards sont prélevés sur l'économie, un record historique. Le hic, c'est que, malgré les 7 milliards d'euros de recettes supplémentaires et les 3,7 milliards d'économies sur les dotations aux collectivités territoriales, le déficit ne baisse que d'un milliard d'euros. Cherchez l'erreur...
L'erreur, c'est que la dépense publique ne baisse pas. Chaque année le Gouvernement annonce des économies sans les documenter. La rapporteure générale de l'Assemblée nationale l'a reconnu : seuls 11 milliards d'économies réalisés sur les 18 prévus en 2015. Les économies, on les cherche, les baisses d'impôt, on les cherche, les réformes structurelles, on les cherche... Que de temps perdu ! Surtout ne toucher à rien pour ne pas fâcher avant les élections présidentielles. Voilà la démarche qui semble guider la construction de ce budget. Nous paierons cher cet immobilisme. Quand on n'avance pas, on recule...
M. Didier Guillaume. - Quelles sont vos propositions ?
M. Vincent Delahaye. - Nous les avons déjà développées à plusieurs reprises, les 35 heures, les retraites, le droit du travail...
M. Didier Guillaume. - Et dans le budget ?
M. Vincent Delahaye. - Le groupe UDI-UC suivra les recommandations du rapporteur général pour améliorer ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Éric Bocquet . - « La surprise de ce projet de loi de finances est qu'il n'y a pas de surprises », avez-vous dit monsieur le ministre en ouvrant votre conférence de presse de présentation du budget. On ne peut certes vous reprocher l'inconstance de vos choix... Ce budget est dans la morne continuité de la baisse de la dépense publique, dans la droite ligne du traité européen enfanté par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy et dans celle des recommandations de la Cour des comptes. On aurait pourtant espéré un léger coup de barre à gauche...
Vous continuez de plaider pour une politique de l'offre. Pourtant, selon l'Insee, 40 % des entreprises souffrent d'un manque de demandes. Il eut été judicieux d'évaluer les effets des mesures d'allégements de cotisation des entreprises - pourquoi y aurait-il des cotisations pour les salariés et des charges pour les entreprises ?
Entre 2010 et 2015, les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 72 milliards selon l'OFCE, atteignant un niveau historique, alors que l'impôt sur les sociétés plafonnait à 33 milliards d'euros. La reprise est à l'horizon ? Anne, ma soeur Anne, que vois-tu venir ? Je ne vois que des dividendes qui prospèrent et des fortunes qui grossissent... (Sourires)
À cause du CICE et des aides aux entreprises, le déficit de l'État recule très peu. Les marges des entreprises se rétablissent mais les effets sur l'emploi tardent.
Côté recettes, nous aurions souhaité plus d'ambition contre la fraude et l'optimisation fiscales - des mesures ont été adoptées à l'Assemblée nationale, dont on peut espérer qu'elles passent la censure du Conseil constitutionnel. Quant aux dépenses, elles sont contenues, n'augmentent plus en volume. En 2016, l'effort sera de 16 milliards, soit plus que ce qui est prévu dans la loi de programmation des finances publiques. Les budgets de l'emploi, de l'agriculture ou du logement baissent.
Pourtant la politique de rigueur a pesé sur la demande. Il est temps de suspendre le plan d'économies de 50 milliards, de mettre un terme au gel du point d'indice, d'engager la transition énergétique, de soutenir l'investissement des collectivités territoriales. Il est temps de mener une réforme fiscale pour plus d'équité. Nul ne peut s'affranchir de l'impôt sous prétexte de matraquage fiscal. En cette période troublée, plus que jamais l'impôt citoyen prend son sens.
Ce budget n'est pas un budget de changement. Nous vous aiderons au cours du débat à l'infléchir, pour éviter la sanction des urnes en décembre prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. André Gattolin . - Le deuil suspend le temps et les controverses. Comment débattre quand le sang vient juste d'être versé, quand la douleur encore nous traverse ? Ne suivons pas l'exemple de la discorde affichée dans une autre assemblée. Le Sénat est la chambre de la sagesse, soyons à la hauteur de sa réputation.
Nourrissons l'espoir, quand nous avons tous loué les forces de sécurité, que chacun, ici, reconnaisse l'utilité de la dépense publique. À la présenter uniquement comme une charge, on ne réfléchit pas à son usage. Bien sûr la dette nous obère mais il ne faut pas se méprendre sur ses causes. Elle était stable à 70 % du PIB avant 2008 dans la zone euro, elle a atteint plus de 90 %, augmentation imputable à la crise. La régulation bancaire a fait des progrès au niveau européen mais il n'est pas acceptable d'entraver la directive Barnier ou la taxe sur les transactions financières pour ne pas risquer de pénaliser l'industrie financière...
N'oublions pas non plus la dette environnementale. Celle-ci s'accroît chaque jour. La COP21 est une grande opportunité de pédagogie et d'exemplarité.
Malheureusement, le Gouvernement a expurgé du projet de loi de finances toutes les mesures de fiscalité écologique. Dommage que la transition écologique soit oubliée, reléguée au projet de loi de finances rectificative, dont on sait dans quelles conditions il est examiné.
Notre proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en avril 2015 prévoit une évaluation de l'impact quantitatif et qualitatif des principales réformes de l'année sur de nouveaux indicateurs de richesse. Mais le rapport présenté est trop général. Il serait intéressant d'aller plus loin que d'affirmer que toute mesure favorable à l'activité a pour effet d'augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Ce rapport a toutefois le mérite d'exister. Saisissons-nous en.
La question de l'intelligibilité des documents budgétaires se posent. Le projet de loi de finances et ses annexes occupe un mètre de linéaire. Il est pourtant impossible de comprendre quel est le niveau consolidé à périmètre constant de nos dépenses, par exemple en matière d'écologie. Pourquoi ne dispose-t-on pas, en cas de réforme de l'impôt sur le revenu, d'une ventilation de ses effets en fonction des tranches d'imposition des ménages ? Thomas Piketty a pourtant su le faire avec des moyens bien moindres. La lisibilité est essentielle à la loi, il en va de la démocratie.
Le vote des écologistes dépendra du texte final voté par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous vous promettons des surprises.
M. Philippe Dallier . - Ce projet de loi de finances 2016 sera symboliquement le plus important du quinquennat. D'abord parce qu'il intervient après un acte de guerre qui appelle des réponses, que nous soutiendrons. Ensuite, parce que la France reste anormalement plongée dans la crise dont nos voisins sont sortis. 2016 sera la dernière année utile avant 2017 et les élections présidentielles. On pourrait résumer ce quinquennat d'une phrase : « À la recherche du temps perdu... » (Sourires)
« La surprise de ce budget est qu'il ne comporte pas de surprise » expliquait M. Sapin. En effet ! Et c'est malheureux.
Le déficit ne baissera que de 0,2 %. Souvenons-nous que le président de la République, en 2012, annonçait un déficit de 0,6 % pour l'an prochain, il sera plus de cinq fois supérieur, alors que le Gouvernement n'a subi aucune crise comparable à celle de 2008. L'Allemagne, elle, est revenue à l'équilibre l'an dernier et sera excédentaire cette année. C'est la conséquence du temps perdu en 2012 et 2013, avant que le président de la République ne comprenne que la croissance ne reviendrait pas seule et que la clé était la compétitivité de nos entreprises.
Si la prévision de croissance de 1,5 % est raisonnable, elle reste inférieure à la moyenne européenne, 1,8 %. Elle est surtout due pour une bonne part à des facteurs exogènes : taux d'intérêt bas, prix du pétrole, taux de change.
Le niveau des dépenses, 55,1 % du PIB, reste le plus élevé d'Europe après la Finlande. Elles ne baissent pas, leur rythme d'augmentation est seulement ralenti. Même la rapporteure générale de l'Assemblée nationale, Valérie Rabault, socialiste, émet des doutes sur les 16 milliards d'économies annoncés. Quant à la baisse de 3 milliards des dotations aux collectivités territoriales, elle pèsera sur l'investissement, donc sur l'activité économique. Est-ce vraiment un bon calcul ?
Sur les 5 milliards d'euros d'effort de l'État, seuls 2,3 milliards sont documentés. Le Gouvernement annonce, à l'approche de l'élection présidentielle, des dépenses nouvelles dont le financement est renvoyé après 2017. Bon courage pour ceux qui prendront la suite... Ainsi la revalorisation des régimes indemnitaires des fonctionnaires coûtera 5 milliards. Il est pourtant possible d'assumer le financement des Opex et des dépenses de sécurité sans laisser filer le déficit.
Le rapporteur général de la commission des finances propose 5 milliards d'économies supplémentaires, malgré nos marges de manoeuvre limitées par la Lolf.
La France ne respectera pas son engagement de réduire son déficit en-dessous de 3 % en 2017...
M. Michel Sapin, ministre. - On verra !
M. Philippe Dallier. - ...et ce ne sera pas dû aux mesures prises pour lutter contre le terrorisme. Dommage que le président de la République ait trop longtemps tergiversé, faisant perdre du temps à la France.
J'espère que le Sénat adoptera nos propositions. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Didier Guillaume . - Chacun l'a noté : le contexte est compliqué. Donnons l'image de la concorde, de l'unité, et non celle que l'Assemblée nationale a donnée mardi dernier... En dépit de nos désaccords, il est possible de discuter avec respect et avec le sens de l'unité nationale. Les Français l'attendent de nous.
En 2013, le Sénat avait repoussé la première partie ; l'an dernier, il avait supprimé neuf missions. Le rapporteur général propose cette année 5 milliards d'économies. Au vu du programme de l'opposition, il en manque au moins 95...
M. Éric Doligé. - Attendez 2017 !
M. Didier Guillaume. - ...Pourtant vous prétendez faire du Sénat le porte-parole de vos réformes. Le rapporteur général a semblé jouer les Cassandre ; le connaissant, je ne veux pas croire qu'il ait aussi sombré dans le dogmatisme... Je pense tout simplement qu'il ne peut pas comprendre qu'un gouvernement de gauche réussisse, redresse les finances publiques et le pays... (Exclamations ironiques à droite).
Un budget n'est pas un fantasme mais des chiffres. Le Gouvernement est fidèle à ses engagements européens. L'objectif de croissance de 1,1 % en 2015 sera tenu. La dette est désormais stabilisée - elle s'était accrue de 600 milliards entre 2008 et 2012, les deux tiers étant le fruit de la politique menée et non de la crise.
Nous soutenons un budget de justice : 3 millions de ménages supplémentaires verront leur impôt baisser en 2016.
M. Francis Delattre. - Vraiment ? C'est modeste...
M. Didier Guillaume. - Mais réel ! Pensez aux veuves qui ne paieront plus la taxe d'habitation... Grâce au CICE, les marges des entreprises se redressent.
Enfin, le Gouvernement soutient l'investissement. L'élargissement du PTZ est une mesure formidable qui soutiendra la construction et les entreprises du BTP.
La droite sénatoriale, elle, réclame des économies tout en réclamant une hausse des crédits de toutes les missions !
Les 600 millions de mesures de lutte contre le terrorisme seront certainement absorbées...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - À voir...
M. Didier Guillaume. - La somme représente 0,1 % du PIB.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Là, nous sommes d'accord !
M. Didier Guillaume. - Dès avant, le Gouvernement corrigeait, effaçait, redressait la situation antérieure, avec un budget pour la police nationale de 9,7 milliards en 2015, après 6,7 milliards pour 2013.
Enfin, ce budget montre l'attachement du Gouvernement aux questions climatiques avec l'organisation de la COP21. Ce sera aussi le moment pour tous les États de se serrer les coudes dans la lutte contre le terrorisme.
Le groupe socialiste votera ce budget, qui est celui des promesses tenues et du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
M. Jean-Claude Requier . - Kofi Annan, à propos des attentats du 11 Septembre, disait que le monde était entré dans le XXIe siècle par une porte de feu. Cette phrase trouve une grave résonance aujourd'hui...
Les attentats sans précédent de vendredi auront des conséquences budgétaires et les nouvelles mesures de sécurité coûteront entre 600 millions et 1 milliard d'euros, rendant caduc l'article d'équilibre de ce projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale mardi dernier. Les Français ne comprendraient pas que l'on mette en cause ces choix.
Les incertitudes économiques sont plus grandes que jamais. Le Gouvernement, prudent, prévoit une croissance d'1,5 % l'an prochain, contre 1,1 % cette année. La Commission européenne, d'habitude si soucieuse du respect des engagements, a déclaré que les traités n'empêchaient pas une approche intelligente et humaine des règles financières européennes.
La trajectoire budgétaire définie l'an dernier est la bonne. Nous saluons les mesures en faveur des TPE et PME ainsi que la suppression des taxes à faible rendement. Le texte est cependant perfectible. Nous proposerons des amendements pour mieux répondre aux besoins des territoires, notamment ruraux.
Fidèles à l'héritage de Joseph Caillaux et à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, nous continuerons à défendre un grand impôt citoyen sur le revenu, la défiscalisation des heures supplémentaires, un relèvement du plafonnement du quotient familial, un rétablissement de la demi-part des personnes veuves. Nous proposerons aussi de donner aux entreprises plus de marges de manoeuvre pour investir, d'inciter à la construction de logements et d'aider les associations d'aide à domicile.
Dans le domaine de la fiscalité écologique, nous poursuivons le mouvement. Comme le dit Mme Royal, l'écologie doit être incitative, et non punitive.
La baisse des dotations met les collectivités territoriales dans l'embarras. Nous proposerons d'étaler cette baisse sur quatre ans au lieu de trois. Nos amendements porteront également des mesures d'efficacité et d'équité sur la FCTVA et la taxe sur les ordures ménagères et la suppression des niches fiscales.
Pour la majorité du RDSE, les grands équilibres de ce projet de loi de finances sont bons. Puisse le Sénat y apporter sa marque, de manière constructive. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques bancs centristes)
M. Philippe Dominati . - Voici le dernier budget de la mandature, l'occasion de dresser un bilan.
M. Michel Sapin, ministre. - C'est un peu tôt !
M. Philippe Dominati. - Ce texte n'apporte aucune réponse aux questions des Français, rien pour retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi ni pour le pouvoir d'achat. Les engagements de rééquilibrage des comptes n'ont pas été tenus. Les réformes de structure manquent alors que le Premier ministre Ayrault en avait une sur le plan fiscal. Alors votre bilan ? Les bonnets rouges, les pigeons, puis les médecins, les avocats et les retraités dans la rue.
La dette est aussi une question de sécurité nationale : n'oublions pas que la France est débitrice de certains fonds proche-orientaux.
La mission « Sécurité » augmente de 0,9 % dans sa version actuelle, tandis que la mission « Culture » progresse de 4 %. Voilà votre perception des urgences !
Les événements vous ont obligés à revoir tout l'équilibre. Pourtant, vous aviez eu le temps de réagir depuis les attentats de janvier et la crise migratoire ! Toute l'année, la commission de la défense a réclamé des moyens pour nos armées. Vous n'avez rien anticipé. Vous nous disiez il y a 15 jours qu'il n'était pas possible de créer si vite des milliers de postes. Les recrutements ? 1 632 dans les forces de l'ordre, 11 651 dans l'éducation nationale. On voit où est votre vraie priorité !
Mieux vaut tard que jamais ! J'espère que ce Gouvernement sera aussi réactif que l'avait été le Gouvernement Fillon face à la crise financière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Et non en détériorant le ratio entre dépenses d'investissement et de fonctionnement ! Du personnel, oui, mais avec des moyens. Quelques milliers de recrutements dans la police, c'est peu.
M. Richard Yung. - C'est mieux que 10 000 suppressions d'emplois !
M. Philippe Dominati. - Avant 2012, les moyens affectés aux forces de l'ordre étaient supérieurs de 338 millions d'euros. « Le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité » a dit le président de la République. La formule n'est pas heureuse : avec vous, les Français n'ont ni l'un ni l'autre ! (Applaudissements)
M. Vincent Capo-Canellas . - C'est avec gravité que nous abordons ce débat budgétaire. Chacun a à l'esprit la question des moyens à apporter à la lutte contre le terrorisme et leur compatibilité avec la règle des 3 %. Dans l'urgence, nous devons redonner des moyens aux forces de sécurité alors que le Gouvernement aurait dû anticiper pour éviter une évolution à marche forcée - je le dis sans esprit polémique. La nécessité de la lutte contre le terrorisme ne doit pas devenir une facilité budgétaire qui nous préparerait des réveils douloureux. Au contraire, le budget de la France doit être recentré sur ses fonctions régaliennes.
Votre budget a une géométrie compliquée : carré pour Bruxelles, rond pour les frondeurs, plat pour ce qui est des réformes structurelles. Par la force des événements, lui qui devait être sans surprises en comportera.
Si vos hypothèses de croissance et d'inflation sont tenues, les dépenses publiques augmenteront de 14 milliards d'euros, leur part dans le PIB sera de 57 %.
La créativité fiscale du Gouvernement n'a pas de limites... La réalité vécue, c'est bien la concentration de l'impôt sur les classes moyennes ; Sortez la tête de vos statistiques et regardez les feuilles d'impôt !
Vous ne mesurez pas les effets défoliants de la baisse des dotations sur les collectivités territoriales.
Le CICE et le pacte de responsabilité montent en puissance, signe d'une conversion tardive mais bienvenue. Toutefois, nous sommes à la traîne en Europe, en matière de déficit comme de dette publique, de croissance, de prélèvements et de chômage.
Quelles réformes, alors ? Celle du temps de travail, d'abord, notamment dans la fonction publique. Une TVA sociale ensuite, même si la stabilité, avec le maintien du CICE, n'est pas la pire des solutions.
Ce budget est marqué par un remords tardif et partiel au sujet de la fiscalité, par une conversion encore trop timide à la politique de l'offre, par des dépenses encore excessives. Nous serons constructifs, au côté de la majorité sénatoriale. Il est temps, encore une fois, de recentrer l'État sur ses missions régaliennes. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marie-France Beaufils . - Cette loi de finances s'inscrit dans la continuité de la trajectoire pluriannuelle, que mon groupe CRC n'a pas votée. La baisse de la DGF se poursuit, mettant à mal la décentralisation : les collectivités territoriales ne toucheront même plus, au titre de la DGF, ce qu'elles percevaient au titre de la compensation de la suppression de la taxe professionnelle.
À l'origine, la DGF était fondée sur un partage des ressources fiscales nationales. On en est loin ! Que ne vous inspirez-vous des États plus décentralisés comme l'Allemagne ou la Belgique ?
Que d'inepties n'entend-on pas sur la dépense publique ! Certains ne l'aiment que sous forme de niches profitant aux grandes entreprises et aux foyers aisés !
Les dépenses des collectivités territoriales sont, pour l'essentiel, consacrées à des équipements publics. L'emprunt permet d'en alléger le poids - il ne serait pas normal de financer ces équipements pérennes sur le budget de fonctionnement d'un ou deux exécutifs budgétaires. Disons la vérité aux Français : même durant les Trente Glorieuses, même sous le général de Gaulle, la France émettait des titres d'emprunt. L'inflation, hantise des banquiers, allégeait la charge. C'est par l'endettement public que nous avons construit notre réseau d'électricité et de téléphonie, nos autoroutes, nos logements sociaux, de nombreux équipements culturels et sportifs. Loin que l'endettement soit malsain, nous lui devons des lieux de formation pour les jeunes, des conditions favorables à l'épanouissement de la vie économique et sociale, tout un patrimoine que nous léguerons à nos enfants, porteur d'emplois et donc de recettes fiscales.
L'insigne faiblesse de nos taux d'intérêt devrait nous engager à poursuivre dans cette voie. En deçà de trois ans, ils sont négatifs ; à 10 ans, inférieurs à 1 %. N'oublions pas que circulent sur le marché des titres de dettes dont l'échéance est en 2060 ! Cessons d'agiter l'épouvantail de la dette !
Poursuivre l'austérité, c'est programmer un suicide politique pour toutes les forces du progrès. Rendons aux jeunes des perspectives, si nous voulons qu'ils se laissent embrigader par Daech. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et républicain, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Richard Yung . - Au risque d'horripiler mes collègues de droite, quelques chiffres : croissance de 0,3 % au troisième trimestre, hausse de la consommation de 1,3 % sur l'année, hausse de l'investissement des entreprises de 2 %, redressement des marges des entreprises.
M. Ladislas Poniatowski. - Les Français ne le voient pas !
M. Richard Yung. - L'alignement des étoiles - parité euro-dollar, prix du pétrole, taux d'intérêt - n'explique pas tout. Toutes les mesures prises par le Gouvernement depuis trois ans commencent à produire leurs effets : 5 milliards restitués aux ménages, 20 milliards d'allègements pour les entreprises. L'hypothèse de croissance de 1,5 % est même peut être un peu pessimiste. Le Haut Conseil des finances publiques lui-même a jugé l'objectif accessible. L'impact des attentats sur la croissance reste douteux.
Deux incertitudes demeurent. L'inflation d'abord. Je suis d'une génération où il fallait la juguler. La mode est désormais de s'inquiéter de sa faiblesse. Votre prévision est de 1 %, on dit qu'il faudrait atteindre 2 % ; à l'heure actuelle, elle est à peu près nulle.
La croissance mondiale ensuite : le ralentissement chinois fait planer une menace, même si la France est relativement peu exposée, puisque sa croissance repose sur la consommation, contrairement à l'Allemagne vivant de ses exportations.
Ce budget est donc de continuité.
M. Dallier a parlé du « temps perdu ». N'oubliez pas que l'ouvrage de Proust se termine par Le temps retrouvé. Bientôt, la France connaîtra la croissance retrouvée ! (Exclamations amusées)
M. Albéric de Montgolfier. - Proust doit se retourner dans sa tombe !
M. Richard Yung. - Le Gouvernement entend ramener le déficit à 3,3 % en 2016, soit le niveau d'avant la crise.
Les mesures annoncées par le président de la République à la suite des attentats pourraient coûter 600 millions d'euros, c'est relativement peu par rapport au montant des dépenses publiques. Le Gouvernement s'est engagé à ce que les autres missions n'en souffrent pas.
M. Albéric de Montgolfier. - C'est bien là le problème.
M. Richard Yung. - Au sein de l'opposition, M. Mariton propose 10 milliards d'économies de plus pour les collectivités territoriales.
M. Francis Delattre. - M. Mariton n'est pas sénateur !
M. Richard Yung. - Et il attend 20 milliards d'euros d'économie de recouvrement des cotisations sociales par la DGFip... Ce n'est pas sérieux ? Les hypothèses du Gouvernement au contraire, paraissent raisonnables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Francis Delattre . - Le budget est insincère ; il se situe dans la continuité des précédents avec des résultats dont vous nous félicitez et que les Français déplorent.
Vos hypothèses économiques sont farfelues : une croissance incertaine, mais des dépenses sûres. On attend une remontée des taux aux États-Unis et bientôt en Europe ; notre dette deviendra alors insupportable. Une inflation de 1 %, comment serait-ce possible ?
Bercy ne cesse de le marteler : « la croissance revient ». Mais la réalité nous rattrape. Une croissance nulle, selon M. Sapin, conforte vos objectifs ! Les emplois aidés masquent un désastre sur le front de l'emploi. Ce n'est pas avec 1 % de croissance que nous combattrons le chômage et financerons notre modèle social ! Vous transférez en toute discrétion 24 milliards d'euros de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale pour la faire financer par l'emprunt...
La faible baisse de l'impôt sur le revenu sera compensée par l'inévitable hausse des impôts locaux. Malgré la promesse du président de la République, le budget contient trois nouvelles taxes...
Diminuer le nombre de foyers assujettis n'est ni juste ni habile : un bon impôt a une large base et un taux faible. Et que dire de l'amendement Ayrault ! Les classes moyennes paieront une nouvelle fois. Les gens qui travaillent, les familles, les retraités font les frais de votre politique. Des retraités s'expatrient au Portugal. Les chercheurs, les artistes, les entrepreneurs aussi fuient à l'étranger !
Alors, le Gouvernement communique... Les 16 milliards d'économies annoncées sont supportés par les collectivités territoriales et quelques administrations sociales. Vous affirmez vouloir renforcer l'apprentissage, qui a reculé de 20 % depuis 2012, et continuez de ponctionner les CCI...
Bref, les échecs, c'est maintenant ! Le changement, ce serait revoir la fiscalité du capital, mettre fin à la complexité et à l'instabilité qui freinent les entrepreneurs. Ce budget sans fil directeur ni ambition pour notre économie n'est qu'une occasion manquée de plus. (Applaudissements à droite)
M. Michel Canevet . - « Un budget sans relief » titrait à raison un quotidien économique.
La prudence s'impose pour ce qui est des prévisions de croissance et d'inflation. La courbe de chômage est censée s'inverser depuis des années... Les chiffres de septembre sont moins réjouissants qu'on ne le croit : le chômage des seniors continue d'augmenter, et si celui des jeunes diminue, n'est-ce pas en raison de la multiplication des emplois aidés ? Quant à la balance commerciale, le déficit de 45 milliards cette année, 40 milliards l'an prochain reste inquiétant.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - On a connu pire !
M. Michel Canevet. - Vous choisissez de réduire l'impôt sur le revenu de certains ménages. Ainsi, de plus en plus de contribuables préfèrent s'en aller à l'étranger. Contrairement à ce qu'a dit le ministre, tous les ménages ne paient pas d'impôt.
M. Daniel Raoul. - Et la CSG ?
M. Michel Canevet. - Des taxes peut-être, mais pas l'impôt. Il le faudrait, ce serait la justice. (On approuve à droite) Quant à la compétitivité, question cruciale, le CICE n'est pas mauvais...
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je croyais que ce budget était sans relief...
M. Michel Canevet. - ...mais mieux vaudrait des allègements réduits couplés à une réforme de la TVA. (Marques d'encouragement à droite) Enfin, la masse salariale de l'État reste bien lourde. Elle représente 40 % des dépenses des ministères... On peut craindre qu'elle n'enfle avec le GVT.
Ce budget rétablira-t-il la confiance ? Pour moi, la réponse est non. (Applaudissements au centre et à droite)
M. François Marc . - Le montant des recettes fiscales s'établira à 286 milliards d'euros, soit 8 milliards de plus que l'an dernier. C'est le signe d'un rétablissement de la confiance, d'un retour de la croissance, d'une trajectoire tenue grâce aux engagements que le Gouvernement a respectés. Le HCFP comme la Commission européenne l'ont souligné.
Malgré un budget contraint, la politique de réduction des prélèvements obligatoires se poursuit : moins 5 milliards d'euros.
Le nombre de contribuables se réduit pour revenir à son niveau de 2010. Je me réjouis de l'amendement n°2 bis adopté à l'Assemblée nationale sur les parachutes dorés qui seront soumis à prélèvement selon un plancher plus bas. Faut-il rappeler que les Français les plus modestes voient leur niveau de vie progresser en moyenne de 57 euros par an seulement ? La fiscalité sur les entreprises favorise l'investissement. La créance pour les entreprises se chiffrera à 19,4 milliards d'euros. Du fait du pacte de responsabilité, de la suppression de la C3S et de la suppression de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, les entreprises obtiendront une baisse d'impôt de 33 milliards d'euros en 2016 et de 41 milliards en 2017. Enfin, la lutte contre la fraude fiscale porte ses fruits.
En parallèle, s'engage une modernisation de notre fiscalité avec le prélèvement à la source.
Bref, comme le dit le proverbe africain, on entend l'arbre qui tombe, quand la forêt pousse, pas un bruit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Rires sur la plupart des bancs)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Qu'elle pousse lentement ! (Sourires)
M. Michel Bouvard . - Après l'horreur et la barbarie de Daech, n'oublions pas le pacte de stabilité. Dettes et déficits entament notre souveraineté, disait à raison Philippe Séguin en 1995. Ne faut-il pas s'interroger sur le coûteux dérapage des Opex au Mali et dans la bande sahélienne quand la dette atteint 95,6 % du PIB en 2014, 96.3 % en 2015 ? Entre le deuxième trimestre de 2014 et celui de cette année, la dette se sera accrue de 77,8 milliards d'euros, pour atteindre 2 105,4 milliards d'euros, dont 79 % correspond à la dette de l'État, en progression de 5 %, contre 3 % pour les collectivités locales.
Même si la croissance de la dette se ralentit, même si elle respecte l'engagement de la loi de programmation des finances publiques, je vous en donne volontiers acte, monsieur le ministre, (M. le ministre remercie) la France figurait l'an dernier parmi les plus mauvais élèves de l'Union européenne.
Le choix est venu d'établir des priorités, de procéder à des arbitrages. Malheureusement, et en dépit de la Lolf, la loi de finances n'est pas le moment de l'ensemble des décisions budgétaires.
Mme Michèle André, présidente de la commission. - C'est vrai !
M. Michel Bouvard. - Après celle pour 2015, les dépenses engagées entre deux lois de finances initiales sont de 1,5 milliard d'euros et s'élèveront à 6 milliards d'euros en 2016. Fallait-il créer 47 836 postes dans l'éducation nationale quand cela n'empêche pas le glissement de notre pays dans le classement international Pisa ? La Cour des comptes vient de pointer le coût du lycée, un record en Europe, semble-t-il. Le coût global de la réforme des rythmes scolaires pour le budget de l'État, sans compter son incidence sur celui des collectivités territoriales, avoisine le montant estimé des mesures récemment annoncées par le président de la République pour la sécurité, soit quelque 600 millions d'euros.
Quand aurons-nous, à droite comme à gauche, le courage de faire de l'efficacité l'alpha et l'omega de notre politique ? Aurons-nous le courage de bousculer les résistances, les structures héritées du passé ? Cela concerne la majorité comme l'opposition.
De la chancellerie des universités de Paris au centre de documentation pédagogique, à l'ère des cours sur internet, au refus d'adaptation de notre réseau postal ou de notre réseau ferroviaire, hérité du XIXe siècle, cela suppose une évaluation systématique de la dépense, dont la dépense fiscale qui repart à la hausse avec plus de 84 milliards d'euros cette année, et la fiabilité des informations données au Parlement.
Le rapporteur général a engagé une intéressante réflexion sur l'adaptation de notre système de collecte à l'économie numérique sans la casser. J'espère que le Sénat saura avancer ! C'est aussi une question de responsabilité collective. J'ai proposé des amendements dont j'espère qu'ils auront une suite positive. (Applaudissements à droite)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Très bien !
M. Maurice Vincent . - Je ne doute pas que le pacte de sécurité sera unanimement approuvé. Notre niveau de dépense publique est-il trop élevé ? À mon sens, il est équilibré : il faut à la fois redresser nos comptes publics et soutenir la croissance. Certains parlent de 100 milliards d'euros d'économies, elles ne pourront être réalisées sans casser les services publics. Lesquels ciblez-vous ? Le logement ? L'éducation ? On a bien compris que le rapporteur général avait les fonctionnaires dans le viseur.
M. Éric Doligé. - C'est la France qui a les terroristes dans le viseur !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je prône ce que j'applique dans mon département !
M. Maurice Vincent. - Ces 100 milliards d'économies ne sont ni crédibles, ni efficaces, ni justes.
Ce budget finance nos priorités : la jeunesse avec près de 12 000 créations de poste en 2016 dans l'éducation nationale, les assistants de vie scolaire (AVS), le plan numérique, la hausse du nombre de boursiers, la création de 1 000 postes dans les universités, l'appui à l'emploi des jeunes dans les TPE, la garantie jeune pour 60 000 jeunes... J'arrête là la liste car elle est longue. (Exclamations à droite) Retenons simplement que cette priorité donnée à la jeunesse éclaire notre avenir.
Évidemment, le budget de la sécurité nous inquiète. Cependant, le Gouvernement avait donné des gages de longue date. Dans sa vision initiale, le texte prévoyait 732 postes à l'intérieur, 943 à la justice et 35 dans les juridictions administratives.
Avec la révision de la loi de programmation militaire, le Gouvernement avait stoppé la déflation des effectifs de l'armée. Je ne peux laisser dire que le Gouvernement, et la gauche en général, considèrent les questions de sécurité comme des questions secondaires...
M. Daniel Raoul. - Très bien !
M. Maurice Vincent. - L'action de MM. Cazeneuve et Le Drian est exemplaire à cet égard. Ils ont notamment défendu une loi pour renforcer l'action des services de renseignement. Ils incarnent une continuité indéniable, continuité, que je revendique, de Pierre Joxe à aujourd'hui. Nous pouvons nous en réjouir ! C'est un budget positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-François Husson . - Ce budget manque singulièrement de relief et d'audace. Faut-il revenir sur le mauvais feuilleton de son élaboration ?
Cela n'a été que couacs et revirements. On a même entendu un secrétaire d'État au budget conseiller aux contribuables de ne pas payer le montant de l'impôt figurant sur leur avis d'imposition ! Le dernier atermoiement en date, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, sitôt annoncée serait reportée.
Le Sénat, représentant des territoires, dénonce les 11 milliards d'euros d'économies réalisés sur les collectivités territoriales jusqu'en 2017. Les dotations ne sont pas des cadeaux !
Le principe constitutionnel de neutralité budgétaire veut que les charges transférées soient compensées et les charges, il y en a : réforme des rythmes scolaires, alourdissement des normes pour un coût de 700 millions d'euros. L'investissement public a reculé de 14 % en 2015.
Ma ville de Nancy perdra entre 2014 et 2017 pas moins de 10 millions d'euros de recettes de fonctionnement, soit 28 % du produit de l'impôt direct. La réforme de la DGF - je me réjouis qu'elle soit reportée - retranchera 11 % de son produit fiscal selon certaines études. C'est donc 36 % du produit fiscal de la commune qui est concerné. Cette réponse serait déraisonnable. Le président de la République avait pourtant promis un pacte de confiance.
M. Jean Bizet. - Il a tout renié !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Promesse non tenue !
M. Jean-François Husson. - Est-ce un moyen de pousser les collectivités territoriales à augmenter les impôts locaux ? Pervers, quand l'État s'offre le luxe de diminuer les impôts de certains ménages...
Les impôts souffriront aussi de l'insuffisance des crédits, en baisse, alloués à l'écologie, malgré l'organisation de la COP21 et l'activisme médiatique de Mme Royal. L'écologie, qui doit être incitative et non punitive (M. Jean Bizet approuve), doit sauver notre maison commune, comme le dit le Pape François dans sa récente encyclique Laudato si'. Si nous relâchons l'effort, cela retombera sur les collectivités territoriales. Nous voulons une France debout et rassemblée pour faire vivre les valeurs de la République ! (Applaudissements à droite)
M. Claude Raynal . - En ces temps troublés, délicat exercice que la construction d'un budget. Le Gouvernement a annoncé un plan ambitieux de 50 milliards d'euros d'économies, dont 11 milliards pour les collectivités territoriales. Il était indispensable. La droite refuse d'évoquer le passé comme le futur.
M. Roger Karoutchi. - Laissez-nous le temps de revenir aux affaires !
M. Claude Raynal. - Je le ferai donc à sa place. (Mouvements divers) Quelle était la situation en 2012 ? (Exclamations à droite)
L'effort de 3,7 milliards d'euros demandé cette année aux collectivités territoriales n'est pas négligeable. Nous avions d'ailleurs demandé au Gouvernement des ajustements. Les nouveaux convertis à droite se livrent à un véritable concours Lépine.
M. Roger Karoutchi. - Tout de même !
M. Claude Raynal. - « Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent » disait l'un des vôtres...
M. Éric Doligé. - Vous savez de quoi vous parlez !
M. Roger Karoutchi. - ...« reçoivent » : soyez exact !
M. Claude Raynal. - Dans un monde où l'argent public se fera durablement rare, les collectivités territoriales doivent apporter leur contribution à l'effort à proportion de leurs moyens.
Bien sûr, cela entraînera un impact sur l'investissement public. Le Gouvernement, conscient, crée un fonds de soutien, élargit les remboursements de FCTVA que le groupe socialiste du Sénat propose d'élargir aux dépenses prévues dans le cadre du plan très haut débit, en sus des mesures de l'an dernier : hausse de 200 millions d'euros pour les maires ruraux ou pour les maires bâtisseurs, les facultés de trésorerie consenties notamment par la Cour des comptes pour préfinancer à 0 % le FCTVA. Enfin, n'oublions pas la progression de la péréquation de 1,7 milliard d'euros. La réforme de la DGF aurait dû prendre le même chemin que les propositions de prolonger les mesures de soutien aux communes nouvelles. Hélas, le groupe Les Républicains a refusé de participer à cette discussion qu'il estime pourtant nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Guillaume. - Bravo !
M. Daniel Gremillet . - En ces circonstances exceptionnelles, de nos choix budgétaires dépendront notre avenir. Or quel message envoyons-nous sur l'agriculture ? Seulement 2,5 milliards d'euros de crédits de paiement pour 2016, soit une baisse de 5 % par rapport à 2015. Rien sur l'élevage. Où est donc passé le plan de soutien de cet été ? Quand la Chine et les États-Unis définissent des stratégies agricoles et alimentaires, que faisons-nous ?
Quant aux entreprises, elles bénéficient certes de 9 milliards d'euros d'allègements supplémentaires, de la fin de la C3S et la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés. Nous sommes toutefois loin du compte : notre pays prélève 192 taxes dont 179 ont un rendement inférieur à 100 millions d'euros, contre seulement 17 en Belgique et 3 en Allemagne...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous allons en supprimer.
M. Daniel Gremillet. - La diminution de 119 millions d'euros du budget de la recherche est incohérente avec la sanctuarisation annoncée par le président de la République et avec votre politique affichée de renforcement de la compétitivité. C'est un signal négatif pour nos jeunes. D'après Louis Gallois, plus les pays seront robotisés, plus ils seront productifs.
Enfin, qui financera les pôles de compétitivité au sein des nouvelles grandes régions ? Quelle sera leur gouvernance ? Ce budget n'encourage pas les gens qui investissent, qui innovent, qui prennent des risques. Dommage, l'investissement d'aujourd'hui est la stabilité de demain. C'est un vrai rendez-vous manqué. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Georges Patient . - Je salue la stabilisation des crédits accordés à l'outre-mer dans ce budget de responsabilité : 14,5 milliards d'euros contre 14,1 milliards en 2015, déclinés dans l'éducation, l'emploi, l'insertion par l'activité et l'économie sociale et solidaire. Ce choix s'inscrit dans une politique de rattrapage par rapport à l'outre-mer. Pour certains, les transferts sont insuffisants compte tenu du poids démographique de l'outre-mer. L'heure, disent-ils, est à l'égalité réelle.
À mon sens, les outre-mer ont surtout besoin de développement local, accélérant leur intégration dans leur environnement, plutôt que d'être placés sous perfusion. M. Lurel, ancien ministre, travaille à un texte. C'était tout le sens du premier engagement de François Hollande pour les outre-mer. Il est préférable de consolider les dispositifs de soutien à la compétitivité des entreprises plutôt que de les réduire. J'ai déposé un amendement pour prolonger jusqu'au 31 décembre 2025 les dispositifs de défiscalisation ; certes, cela augmente le montant des dépenses fiscales, mais la fiscalité est un levier essentiel pour les outre-mer.
Monsieur le ministre, rappelez-vous votre engagement de traiter le sujet des grandes communes de Guyane, confrontées à des besoins d'équipement primaire. Je déposerai un amendement dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Éric Doligé . - Je veux dire d'abord toute mon admiration pour les services de sécurité et de renseignement ; quand on leur en donne la capacité, ils peuvent faire de grandes choses.
L'exercice de construction du budget était déjà difficile il y a quelques semaines... Nous n'avons plus de moyens financiers depuis longtemps, sauf à augmenter la dette. Mais la laisser dériver au-delà de 100 % du PIB est impensable. Il faut donc faire des économies équitablement partagées. Or les collectivités locales sont durement mises à contribution, de 15 milliards d'euros en quatre ans. Encore heureux que le Gouvernement ait intelligemment fait marche arrière sur la réforme de la DGF.
L'état d'urgence change la donne. Après les attentats de janvier, le Premier ministre avait annoncé un renforcement de la lutte antiterroriste passant par 2 680 recrutements et 425 millions d'euros de moyens supplémentaires sur la période 2015-2017. En avril, le président de la République avait annoncé 3,8 milliards d'euros de plus pour la défense et le maintien de 18 750 emplois qui devaient être supprimés. Où en sommes-nous ? Ces engagements figurent-ils dans les annonces faites au Congrès ? À ce jour, 1 370 postes sont vacants dans la justice - ce qu'expliquent sans doute des difficultés de recrutement et de formation - alors que 2 500 nouveaux emplois sont annoncés. Qu'en est-il ?
Je ne crois pas que le coût des dépenses nouvelles ne puisse pas être financé par de nouvelles économies, contrairement à ce que le président de la République a sous-entendu en mettant la sécurité au-dessus du pacte de stabilité.
L'effort de guerre, cela pourrait consister à remettre en cause les 35 heures et certains avantages acquis, la création d'une nouvelle chaîne de télévision, des agences au coût exorbitant, les 60 000 emplois promis à l'éducation nationale.
L'article 42-7 du traité de l'Union européenne a été invoqué pour requérir l'assistance de nos partenaires européens ; cela aura-t-il un impact sur les dépenses, et lesquelles ?
Une question plus terre à terre, les transferts de compétences et de charges aux collectivités locales... Afin d'accompagner les transferts de compétence prévus, il est envisagé de porter de 25 à 50 % la part de CVAE destinée aux régions à compter de 2017 - et de baisser en conséquence celle des départements. Le transfert du transport scolaire mérite examen. La prise en charge est variable selon les départements, c'est un choix politique de chacun d'eux. La compensation par la CVAE se justifie-t-elle ? D'autant que les régions peuvent d'ores et déjà prendre en charge le transport des lycéens. Dans cette affaire, il n'y a pas transfert de charge puisqu'il n'y a pas transfert de compétence obligatoire. L'analyse devra être revue. Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous éclairer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Sapin, ministre . - Je constate que le débat habituel, année après année, sur la sincérité du budget n'a pas eu lieu. Nos hypothèses de croissance pour 2015 se vérifient, celles pour l'an prochain ne sont pas moins réalistes, même si nous ne savons pas ce qui peut nous arriver, heureusement peut-être...
Nous avons prévu 1 % d'inflation pour cette année, alors qu'elle a été de 0,1 %, sans doute grâce aux efforts de la BCE. Notre prévision pour l'année prochaine, 1 %, est-elle trop optimiste ? Je ne crois pas : c'est celle de la BCE. Il ne faut pas oublier que le prix du baril de pétrole a été divisé par deux en 2015, ce qui ne se renouvellera pas l'an prochain. Oui, nous avons tenu nos engagements et les tiendront en 2016. Le débat sur la sincérité appartient au passé.
La continuité que d'aucuns tournent en dérision est pour moi une bonne chose. Une bonne politique ne zigzague pas en fonction des circonstances. Le Gouvernement maintient le cap. Pour la troisième année consécutive, nous diminuons à hauteur de 9 milliards les prélèvements sur les entreprises. Même chose pour les ménages : car chacun a besoin de savoir que le chemin est tracé. Je suis en conséquence fier de vous présenter un budget de continuité, sans aspérités sans doute, mais avec la force et la sagesse de la persévérance.
Je vous ai aussi entendu comparer la France aux autres pays européens. Faisons donc un effort de vérité... En un an, la France est passée de la catégorie des pays risquant de ne pas se conformer à leurs engagements à celle des pays qui s'y conforment globalement. Il faut cesser de dire par facilité que la France est la mauvais élève de l'Europe. Si la situation est ainsi, c'est bon pour la France, non pour une majorité ou un gouvernement... Le climat des affaires a changé ; nous n'en avions pas connu de pareil depuis la crise.
Je vous le dis, la France n'est pas regardée de la même manière ; elle y gagne en autorité. Lorsque je parle de la Grèce au Conseil des ministres de Bruxelles, je suis écouté comme je ne l'étais pas l'année dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, applaudit aussi)
Quant aux dépenses de sécurité supplémentaires...
M. Philippe Dallier. - Vous avez eu notre réponse !
M. Michel Sapin, ministre. - ...aucun principe budgétaire ne peut s'opposer aux nécessités de la sécurité publique : c'est le sens de la phrase du président de la République.
M. Éric Doligé. - Il fallait traduire !
M. Michel Sapin, ministre. - C'est notre sérieux budgétaire qui nous permet aujourd'hui de faire face. Il n'y a pas d'opposition entre sécurité et stabilité. Il est paradoxal que la majorité sénatoriale se montre moins compréhensive que nos partenaires européens. (Exclamations à droite) Il faut seulement savoir faire la part entre une nécessité supérieure, la sécurité, et les exigences de la réduction des déficits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Monsieur le rapporteur général, je vous trouve très angoissé : vous soulignez tous les risques - il y en a, la vie est ainsi faite, je préfère d'ailleurs parler d'aléas. La sincérité budgétaire nous conduira peut-être à revoir nos prévisions en fonction d'aléas négatifs, mais aussi positifs ! Il est possible que nous n'ayons pas que de mauvaises surprises... Les taux d'intérêt ? Nous prévoyons à fin 2016 2,4 % pour les taux à 10 ans, le triple de ce qu'ils sont aujourd'hui ; nous faisons preuve d'une certaine prudence...
Les engagements pris cette année en fait de sécurité ont été tenus par des décrets d'avance, des annulations de crédits et la révision de la loi de programmation militaire - les annonces de Versailles sont dans la continuité. Nous avons pu le faire parce que nous n'avions pas fait preuve, sur certains postes, d'un optimisme béat...
Une inflation très faible a certes des effets négatifs, comme la baisse des recettes de TVA - que nous n'avons pourtant pas constatée en 2015 ; mais certains de nos emprunts sont indexés sur l'inflation, la moindre charge de la dette s'explique aussi ainsi. Un faible niveau d'inflation facilite aussi le respect de la norme de dépenses.
La réforme de la DGF est nécessaire, tout le monde le dit. Certains ont refusé de se saisir du dossier, alors que les simulations étaient disponibles dès juillet - simulations dues à la DGLL, qui relève du ministère de l'intérieur et non des finances.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous avons eu bien du mal à les avoir !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le comité des finances locales n'a pas voulu les examiner. Les deux commissions des finances ont été destinataires il y a quelques semaines de simulations complètes. Nous avons pris en compte, monsieur le sénateur Patient, de la taille des communes de Guyane dans le projet de réforme de la DGF ; il faut encore travailler sur la dotation de superficialité pour éviter les effets d'aubaine en métropole.
L'endettement, madame Beaufils, peut-être vertueux, mais il est malsain lorsqu'il est excessif. On ne peut pas critiquer les économies sur les dépenses d'investissement de l'État et regretter que les collectivités locales soient forcées d'en faire de similaires.
Monsieur Canevet, vous dites que l'impôt sur le revenu augmente de 2,8 milliards d'euros. Vous oubliez que la PPE, dépense fiscale, a disparu pour être remplacée par une dépense budgétaire. La charge fiscale des ménages n'augmente donc que de 800 millions d'euros, soit de 1,15 % en volume, quand la masse salariale progresse de 1,6 %. Et il faudrait prendre en compte les produits du STDR. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.