Nombre d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (Procédure accélérée)
Discussion générale
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - J'ai le plaisir de vous présenter le projet de loi de ratification de l'ordonnance prise sur le fondement de l'article 23 de la loi du 20 décembre 2014 de simplification de la vie des entreprises. Celle-ci diminue de sept à deux le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, les soumettant ainsi au droit commun de l'article 1832 du code civil.
L'exigence de sept actionnaires remontait à la loi de 1863, inspirée du droit anglais, mais ne reposait sur aucune justification économique ni juridique ; elle poussait les entreprises à recourir à des actionnaires de complaisance et réduisait l'intérêt de cette forme. Elle n'était pas davantage adaptée aux groupes d'entreprises dont les filiales sont détenues à 100% par la société mère.
L'ordonnance renforce l'attractivité des sociétés anonymes et notre compétitivité en Europe. Nous étions en effet le seul pays à prévoir une telle contrainte : deux actionnaires suffisent au Royaume-Uni ou en Belgique, un seul en Allemagne ou au Luxembourg ; l'Espagne ne fixe pas de minimum. En fixant le plancher à deux, l'ordonnance suit l'avis des praticiens et des théoriciens de droit. C'est une simplification attendue. La création d'une SA unipersonnelle aurait impliqué des modifications autrement substantielles.
La commission a étendu cette diminution à deux actionnaires aux sociétés d'exercice libéral, rectifié une erreur de rédaction, procédé à une coordination avec la loi de transition énergétique et apporté une clarification sur le périmètre des sociétés cotées.
Je connais l'attachement du Sénat à la simplification du droit des sociétés. La commission des lois a d'ailleurs engagé un important travail, traduit par une proposition de loi sous la conduite de Thani Mohamed Soilihi, qui est très attendu.
Je vous invite à voter le présent texte de ratification.
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois . - Il est rare que le Gouvernement invite le Parlement à adopter un projet de loi de ratification d'ordonnance, rendu pourtant obligatoire par la Constitution sous peine de caducité de l'ordonnance considérée. Il est souvent procédé par ajout dans un autre texte d'amendements tardifs du Gouvernement... Je salue la démarche vertueuse dont le Gouvernement fait montre ici. Pour autant la commission, qui a eu le loisir d'examiner soigneusement le texte, a trouvé matière à amender...
L'habilitation a résulté d'un compromis entre les deux assemblées. La réduction du nombre minimum d'actionnaires a été validée sans que soit remise en cause l'architecture générale des sociétés anonymes ; en particulier la société anonyme à actionnaire unique n'avait pas paru souhaitable.
Conformément à l'intention du législateur, l'ordonnance réduit de sept à deux le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, ce qui correspond au droit commun. Le plancher de sept a, lui, été conservé pour les sociétés cotées.
La commission a adopté deux amendements et en présentera deux autres tout à l'heure ; le Gouvernement nous en a transmis un troisième, auquel je donnerai à titre personnel, la commission n'ayant pu l'examiner, un avis favorable. Les modifications sont essentiellement techniques, portant sur les sociétés dont l'État est le seul actionnaire et les sociétés d'exercice libéral.
La commission a réduit l'application du seuil de sept actionnaires aux seules sociétés dont les actions, et non tous les titres, sont cotées ; celles qui émettent des obligations bénéficieront de la réduction.
Ce texte peut être approuvé sans difficulté par notre assemblée. Mais le chantier de la simplification du droit applicable aux sociétés, cotées ou non, est loin d'être clos. C'est un travail permanent auquel nous devons nous livrer. La proposition de loi d'actualisation du code de commerce fondée sur les travaux de la commission, sous l'impulsion de Thani Mohamed Soilihi, pourra, je l'espère, être examinée au printemps.
Sous la responsabilité de Jean-Jacques Hyest puis de Christophe-André Frassa, la commission a examiné deux ordonnances de 2014. Je suis pour ma part celle de juillet 2015 relative aux marchés publics. Restera à se pencher sur l'ordonnance relative au droit des obligations, à laquelle le Sénat était très opposé.
Il est important que le Parlement contrôle la façon dont le Gouvernement utilise la délégation du pouvoir législatif qui lui est consentie. Il y va de notre responsabilité de législateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi . - Notre groupe est plutôt hostile par principe aux ordonnances qui privent la représentation nationale d'un authentique débat... Ce texte, inspiré par les milieux socio-économiques, a mis un an à être ratifié, ce qui en dit long sur les limites de l'article 38...
Il porte essentiellement sur le seuil minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Il devrait faciliter l'émergence d'une nouvelle catégorie de sociétés de capitaux, notamment de sociétés par actions simplifiées, et par là renforcer la sécurité des entrepreneurs en favorisant la distinction des patrimoines en cas de malheur. Sur la durée, l'architecture de notre système va être modifiée par la sociétisation de nombre d'entreprises individuelles. La mise en oeuvre de la loi devrait en particulier conduire à la rationalisation du secteur des auto-entrepreneurs.
Les conséquences sont aussi fiscales : les recettes de l'impôt sur les sociétés devraient augmenter et celles de l'impôt sur le revenu baisser.
N'étant pas hostiles à la sécurisation des entrepreneurs, nous voterons ce texte. (M. André Reichardt, rapporteur, s'en réjouit)
M. Alain Bertrand . - Depuis plusieurs années, les textes de simplification se multiplient. Dernier exemple en date, la loi Macron, qui porte un titre dédié à la simplification de la vie des entreprises. L'ordonnance dont il nous est demandé la ratification ne concerne pas les sociétés cotées, mais les petites, voire les très petites entreprises, familiales ou non. Pour respecter le seuil de sept, le recours aux actionnaires de complaisance était jusqu'à présent assez répandu. Ce seuil était pourtant arbitraire, l'article 1832 du code civil, qui fonde le droit des affaires, dispose que deux associés suffisent pour créer une société. La simplification ici opérée semble limitée, mais elle est réelle et très concrète.
La commission a apporté des ajustements techniques utiles. La question reste cependant ouverte sur leur rétroactivité éventuelle.
Le groupe RDSE votera ce texte.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Ce projet de loi ratifie l'ordonnance du 10 septembre 2015, prise en application de l'article 23 de la loi du 20 décembre 2014. Le seuil de sept actionnaires, peu adapté aux PME, a toujours été contesté. Il ne correspondait pas non plus aux pratiques des groupes de sociétés, où les filiales peuvent être détenues à 100 % par la société mère. Le recours aux actionnaires de complaisance était courant. Le texte accroîtra la compétitivité de la France en Europe et l'attractivité de la société anonyme.
Le groupe socialiste a accepté de retirer ses deux amendements, car la proposition de loi que j'ai déposée sera examinée bientôt en commission des lois. Le premier amendement dématérialise les assemblées générales ordinaires des actionnaires dans les sociétés non cotées. C'est une simplification très substantielle qui ne concerne ni les assemblées générales extraordinaires, ni les sociétés qui font appel public à l'épargne. Deux modalités sont prévues, visioconférence ou délibération exclusive par correspondance. Les statuts des sociétés pourraient écarter totalement ou partiellement cette faculté et un droit d'opposition être offert aux actionnaires représentant au moins 5 % du capital.
Le second amendement supprime une obligation formelle inutile, soit la présentation tous les trois ans à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires d'une résolution tendant à réaliser une augmentation de capital réservée aux salariés, dans l'hypothèse où ceux-ci détiennent moins de 3 % du capital. L'obligation de proposer une augmentation de capital réservée aux salariés à chaque fois qu'est présentée une augmentation de capital n'est pas remise en cause.
Ce projet de loi va dans le sens de la simplification du droit des entreprises souhaitée par le président de la République et mise en oeuvre par le Gouvernement depuis 2012. Le groupe socialiste le votera.
M. Christophe-André Frassa . - Nous devons apporter notre pierre à un édifice dont nous n'avons pas les plans, et dont l'architecte a déjà été remercié... Lorsqu'on est chargé de simplifier la vie des entreprises, comment ne pas agacer en déclarant que « la vie d'un entrepreneur est souvent plus dure que celle d'un salarié » ? « Ce qu'il fait comme ministre est plutôt au service du Medef, qui pour moi ne représente pas le patronat » a dit Alexis Corbière ; ou encore ces propos d'un charismatique postier de Neuilly : « le ministre ne connaît ni la vie des uns ni la vie des autres, il est le symbole d'un gouvernement qui est dans une bulle, coupé de la réalité ». Propos repris par notre collègue Pierre Laurent, le député Christian Paul et bien d'autres...
Mme Éliane Assassi. - Accusations sans fondements !
M. Christophe-André Frassa. - Et que dire de la venue de ce ministre à Davos, attendu comme une rock star, dont les propositions feraient pâlir les chantres du libéralisme réunis dans ces alpages enneigés... Je ne suis pas vraiment opposé à la vision d'un homme qui veut ainsi donner un coup de pied dans la fourmilière...
Mme Éliane Assassi. - Tout le monde n'a pas la chance d'être sénateur de Monaco !
M. Christophe-André Frassa. - Tout le monde ne peut pas être communiste... Il y en a d'ailleurs de moins en moins, bientôt on vous mettra dans une réserve... (Mme Éliane Assassi s'exclame)
Le monde du travail a changé : uberisation, crowdfunding... C'est de l'anglais, madame Assassi...
M. Alain Bertrand. - Soyez courtois avec notre collègue !
Mme Éliane Assassi. - Grossier personnage !
M. Christophe-André Frassa. - Je plaide pour une réforme profonde du droit des sociétés. Ce texte abaisse de sept à deux le nombre minimum d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. C'est bien, mais insuffisant.
La commission des lois a apporté d'utiles modifications. Mais une démarche plus ambitieuse est nécessaire. La commission des lois a ouvert ce chantier, avec une proposition de loi modernisant le code de commerce. Cette initiative a été saluée par l'Association française des entreprises privées, l'Association nationale des sociétés par actions et le Medef.
En attendant d'aller plus loin, le groupe Les Républicains votera ce texte.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Reichardt, au nom de la commission.
Alinéas 2 et 3
Compléter ces alinéas par les mots :
et, après le mot : « réglementé », sont insérés les mots : « ou sur un système multilatéral de négociation »
M. André Reichardt, rapporteur. - Le présent amendement ajuste le périmètre des sociétés anonymes tenues d'avoir au moins sept actionnaires.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°1 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, à compter du 11 septembre 2015
II. - Alinéa 4
Après le mot :
commerce
insérer les mots :
, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées,
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - Cet amendement organise la période transitoire entre la publication de l'ordonnance du 10 septembre 2015 et celle de la loi à venir, complétant ainsi l'ajout opéré par la commission des lois.
M. André Reichardt, rapporteur. - La commission n'a pu l'examiner, mais avis favorable à titre personnel. Il s'agit d'éviter des contentieux potentiels.
L'amendement n°3 rectifié est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Reichardt, au nom de la commission.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 2 et le II de l'article 3 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
M. André Reichardt, rapporteur. - Le présent amendement assure l'application à Wallis et Futuna des dispositions ajoutées par la commission au projet de loi de ratification.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°2 est adopté et devient un article additionnel.
L'ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.