Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 30 (Suite)
À la demande de la commission, l'amendement n°894 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°373 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l'adoption | 145 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande de la commission, l'amendement n°874 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°374 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°875 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos876 et 732.
M. Dominique Watrin. - Le débat qui nous oppose au Gouvernement et à la majorité sénatoriale a été bien résumé par un représentant de la CFE-CGC que nous avons entendu en commission. D'après lui, le texte cherche à faciliter le licenciement économique en partant du principe que cela facilitera l'embauche ; mieux vaudrait explorer une alternative ! C'est cette alternative progressiste que nous défendons.
On nous cite l'exemple de pays étrangers où le licenciement est beaucoup moins contrôlé et régulé : l'Espagne, ses licenciements express et ses salariés jetables, la Grande-Bretagne chère à M. Cadic, les Pays-Bas ou encore la Suède où les employeurs n'ont rien à justifier... Le Medef en rêvait depuis des décennies, le Gouvernement l'a fait.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne sera pas complice de ce recul. Nous ne sommes d'ailleurs pas isolés puisque nos collègues socialistes ont joint 47 de leurs voix aux nôtres pour rejeter l'article 30. Le licenciement économique doit venir en dernier recours, après avoir tenté le chômage partiel ou investi dans le renouvellement de l'outil de production. La logique financière et les délocalisations ont suffisamment affaibli notre industrie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Nicole Bricq. - Le groupe socialiste et républicain est obligé de voter contre l'article 30, à regret. Avec le Gouvernement, nous voulions reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation sur le périmètre d'appréciation, celui du groupe, pour éviter les licenciements artificiels dans une filiale.
Sur les critères, la formule de départ était plus simple : le chiffre d'affaires est un critère transparent. Si le compte d'exploitation est négatif, c'est mortel pour l'entreprise. Nous aurions pu trouver un chemin ensemble.
Nous ne partageons pas la vision purement négative des employeurs qu'a le groupe communiste républicain et citoyen. (On ironise sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Bien sûr, les fraudes existent et doivent être sanctionnées mais il faut aussi protéger le plus grand nombre des employeurs et des salariés en donnant souplesse et sécurité. Vous n'avez pas voulu le comprendre.
C'est dommage de caricaturer le département de l'Isère où il y a tant d'entreprises innovantes et insérées dans la mondialisation.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Sans relancer le débat, la commission a trouvé un accord sur la philosophie du texte. Demeure un désaccord de fond sur le périmètre. De notre côté, nous avons voulu au maximum protéger notre attractivité...
Mme Nicole Bricq. - Et nous donc !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - ...en considérant que le gain serait supérieur aux éventuels effets pervers.
La commission a voulu une définition objective des difficultés économiques pouvant justifier un licenciement pour éviter les contentieux. Je ne prétends pas que le texte de la commission soit parfait, je le crois néanmoins meilleur.
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article 30 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°375 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°450 rectifié, présenté par Mmes Billon et Lamure, MM. Bouchet, Cadic, Canevet et Danesi, Mme Morhet-Richaud, M. Adnot, Mme Deromedi, M. P. Dominati, Mme Primas et M. Vaspart.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 1231-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les motifs et conditions de rupture peuvent être préalablement définis dans le contrat de travail à durée indéterminée. Ces motifs sont liés aux nécessités de fonctionnement de l'entreprise et peuvent être précisés et limités par une convention ou un accord. »
Mme Annick Billon. - Pour son rapport d'information Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin, la délégation aux entreprises a consulté près de 400 entrepreneurs.
Parmi les réformes jugées prioritaires par les entreprises, un contrat à durée indéterminée prédéfinissant des motifs et conditions de rupture est cité par 28 % d'entre eux.
Dans Un autre droit du travail est possible, Franck Morel et Bertrand Martinot plaident eux aussi pour un CDI conventionnel afin de combler « le terrible fossé qui sépare, en France, le monde du CDD de celui du CDI ».
Cet amendement crée une base légale pour ce type de CDI.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Je comprends l'intérêt de ce contrat, mais des questions demeurent : par exemple, quelle sera la nature de la rupture ? Quels seront les recours ?
Le Sénat, en adoptant le CDD à objet défini d'une durée de 18 à 48 mois à l'article 2 bis, a partiellement répondu à cette préoccupation. Retrait ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Beaucoup d'entreprises ont demandé la prédéfinition des conditions de rupture du contrat de travail. Si je fais confiance au dialogue social, je ne suis pas naïve. La négociation en face-à-face sur les conditions de rupture peut-elle être équitable ? Non, le contrat ne doit pas non plus se substituer au juge, qui apprécie le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement. Vous créerez plus de complexité et de contentieux. La rupture conventionnelle, dont j'ai dénoncé l'utilisation abusive ce matin, apporte déjà une réponse. Avis défavorable.
Mme Annick Billon. - Cet amendement est d'appel. Les entreprises veulent plus de flexibilité, elles méritent qu'on leur fasse confiance et qu'on les entende.
L'amendement n°450 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°128 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Commeinhes, Magras, Houel, Cambon, Vasselle, Longuet et Doligé, Mme Duranton, M. Laménie, Mmes Deromedi et Lopez et MM. Bouchet et Masclet.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l'article L. 1232-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette justification n'est pas requise pour les microentreprises définies à l'article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique économique. » ;
2° L'article L. 1233-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-1. - Les dispositions du présent chapitre sont applicables dans les entreprises et établissements privés de toute nature, à l'exception des microentreprises définies à l'article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique économique. Elles sont également applicables, sauf dispositions particulières, dans les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux. »
M. Philippe Dominati. - Le taux d'emploi est plus bas en France que dans les pays voisins dont la législation est plus souple et où les petites entreprises peuvent plus facilement licencier. En Allemagne, en 2004, un gouvernement social-démocrate a proposé de dispenser les entreprises de moins de 10 salariés des procédures de licenciement ; depuis, le taux de chômage a été ramené de 12 % à 4 %. Après la Suisse, l'Autriche, le Danemark, la Finlande et même la Suède, nous devons appliquer aux entreprises françaises de moins de 10 salariés la même souplesse.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - La France, contrairement à l'Allemagne, a ratifié la convention 158 de l'OIT, qui fait obstacle à cet amendement. Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Même avis. Prenons garde aux comparaisons. Qu'il s'agisse des mini-jobs allemands ou des contrats zéro heure au Royaume-Uni, si une personne travaille une heure, elle sort des statistiques. Toute comparaison fiable doit se fonder sur les chiffres du BIT - où il apparaît que la France est en deçà de la moyenne dans la zone euro.
Certes, nous devons faire mieux. C'est pourquoi je vous ai proposé les articles 2 et 11 sur les accords d'entreprise pour passer de la flexibilité externe, le licenciement, à la flexibilité interne, prendre les bonnes décisions aux bons moments par le dialogue social. Le chômage partiel ou la modulation ont facilité la résolution de la crise en Allemagne.
Si l'on regarde le nombre d'emplois créés ces vingt dernières années, l'Allemagne et la France affichent exactement les mêmes chiffres.
L'option que nous avons choisie pour les entreprises, et plus particulièrement les petites, est de leur apporter un meilleur appui avec la création d'un service public d'accès au droit et de clarifier la définition du licenciement économique.
M. Philippe Dominati. - Je ne savais pas que l'emploi allait aussi bien en France qu'en Allemagne... Outre-Rhin, 130 000 emplois non qualifiés ne sont pas pourvus. Le Premier ministre vient de dire que l'opposition dénaturait ce projet de loi quand vous cherchez la plupart du temps à revenir à sa copie initiale ! Vous ne nous avez pas écoutés sur le travail dominical : la plus belle avenue du monde, les Champs-Elysées, continuera de fermer ses portes aux touristes. Vous ne nous écoutez pas non plus sur cet amendement. Progressons au moins dans la social-démocratie ; le libéralisme, nous en sommes encore loin...
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. J'ai seulement dit que ceux qui travaillent une heure en Allemagne sortent des chiffres du chômage. Dans notre pays, nous avons fait le choix de lutter contre le temps partiel subi en fixant un plancher de 24 heures dans l'ANI de 2013.
Puisque vous effectuez des comparaisons, comparez tout, y compris le taux de précarité. Mon homologue allemande est d'ailleurs en train de revenir sur les mini-jobs.
Cela ne signifie pas que nous ne puissions pas nous inspirer de l'Allemagne où la formation professionnelle est, par exemple, bien meilleure qu'en France. Ils forment deux chômeurs sur dix, contre un sur dix chez nous. Pour 80 % d'entre elles, nos 150 à 250 000 offres d'emplois non pourvues le sont faute de qualification. C'est ce à quoi le plan 500 000 formations, inspiré de l'exemple allemand, tente de parer.
Autre différence avec l'Allemagne : notre démographie. Pour 700 000 départs à la retraite annuels, il y a 400 000 entrées sur le marché du travail en Allemagne, contre 850 000 en France. Tous les ans, l'économie française doit donc créer plus de 150 000 emplois pour réduire le chômage.
M. Philippe Dominati. - Prenez l'exemple suédois ou autrichien, si l'exemple allemand ne vous convient pas ! Ouvrez les yeux !
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Je suis prête à apprendre de l'Allemagne, sur la formation professionnelle, l'apprentissage et la culture du dialogue social.
Je ne suis ni idéologique ni obtuse. Je reconnais que le choix de la France, pendant la crise de 2008, a été celui de la flexibilité externe, c'est-à-dire du licenciement. L'article 11 y remédie avec les accords de développement de l'emploi.
Adaptons-nous tout en conservant les atouts de notre modèle sans quoi il disparaîtra ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Marc Daunis. - Très bien !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. - Monsieur Dominati, vous pourriez suggérer à un candidat à l'élection présidentielle de dénoncer la convention 158 de l'OIT que la France a signée en 1989. C'est le chemin qu'ont suivi tous les pays que vous avez cités en exemple.
L'amendement n°128 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°730, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1233-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d'emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l'entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d'exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.
« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d'emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l'entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock-options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d'actions. »
Mme Annie David. - Cet amendement interdit les licenciements sans cause réelle et sérieuse. J'invite Mme Bricq à visiter les entreprises high-tech de l'Isère. Elles sont sous perfusion d'argent public, on y organise beaucoup de plan de départs prétendument volontaires.
Nos vallées étaient bordées d'industries profitant de la houille blanche, dont Aristide Bergès a déposé le brevet : papeterie, chimie, aluminium. Aujourd'hui, ma vallée est saccagée : les entreprises ferment et leurs salariés n'entreront pas dans les entreprises high-tech. Eux aussi ont besoin de notre soutien !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Avis défavorable. L'exposé des motifs témoigne d'une méconnaissance de l'entreprise.
Mme Évelyne Didier. - Et vous d'une méconnaissance des salariés !
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Heureusement, une forte jurisprudence couvre les entreprises qui licencient pour optimiser leurs profits ou leur cours en bourse. La sauvegarde de la compétitivité obéit à des critères précis. Avis défavorable.
L'amendement n°730 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°735, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À l'article L. 1233-25, les mots : « Lorsqu'au moins dix salariés » sont remplacés par les mots : « Lorsque plusieurs salariés » ;
2° À l'intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie les mots : « dix refus ou plus » sont remplacés par les mots : « plusieurs refus ».
M. Bernard Vera. - Nous voulons remplacer le seuil de dix salariés par « plusieurs salariés ». Cela empêchera les entreprises de contourner leurs obligations en cas de licenciement économique en fractionnant et en étalant les licenciements.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Cet amendement est contraire à l'article 1er de la directive européenne du 20 juillet 1998. Un licenciement économique doit concerner au moins dix personnes. Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Le code du travail vous donne satisfaction : les obligations s'appliquent à partir de dix-huit licenciements sur une année civile, dix licenciements durant trois mois consécutifs. Avis défavorable.
L'amendement n°735 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°202 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Doligé, Frassa, Gremillet, Husson et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Masclet, Morisset, Pellevat et Soilihi.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1234-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans tous les cas, la durée du préavis ne peut excéder trois mois. »
Mme Jacky Deromedi. - Cet amendement fixe une durée raisonnable pour la durée du préavis.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Les partenaires sociaux ont retenu une durée qui ne peut pas être inférieure à deux mois pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté, et un mois pour les salariés ayant entre six mois et deux ans d'ancienneté. Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Le préavis est protecteur. La loi fixe un minimum que les accords de branche peuvent étendre. Cet amendement pourrait nous exposer à une condamnation pour non respect de la convention n°158 de l'OIT.
M. Jean-Louis Tourenne. - Jusqu'à présent, la durée du préavis est fixée selon la carrière des salariés. Ce n'est d'ailleurs peut-être pas la meilleure façon de procéder. À Sony Ericsson, la durée du préavis était égale au temps de la formation nécessaire pour entrer dans une autre entreprise.
En France, quand j'ai voulu défendre le site de Rennes, je n'ai trouvé que de l'opacité auprès de Carlos Tavarès et Philippe Varin quand, en Suède, les partenaires sociaux négociaient un an avant l'arrêt de la fabrication des téléphones portables. Résultat, 95 % des salariés de Sony Ericsson licenciés ont retrouvé un emploi avec une rémunération au moins égale.
L'amendement n°202 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°729, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 2 du chapitre V du titre III du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1235-7-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-7-... - Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d'emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l'entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou la suppression d'emplois envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d'emploi, l'employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts si son entreprise est déjà bénéficiaire, ou l'opportunité d'en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l'employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. »
Mme Laurence Cohen. - En 2015, le CICE a représenté une créance fiscale de plus de 7,7 milliards d'euros, le CIR de plus de 5 milliards, sans guère de résultats. Il serait légitime, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le juge puisse imposer un remboursement des aides publiques.
En début d'année, seules seize branches sur une cinquantaine avaient signé des accords sur l'utilisation du CICE dont seulement trois prévoyant des emplois.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Cet amendement est disproportionné. Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Je partage votre volonté de lutter contre les abus mais la loi autorise déjà le juge à demander un remboursement des aides, crédits d'impôt et allocations chômage perçues en cas de licenciements abusifs.
Les branches professionnelles ont pris des engagements sur l'apprentissage, le maintien dans l'emploi ou encore les contrats de génération, qu'il est parfois difficile d'évaluer en l'absence d'observatoire. Les outils se mettent en place, les résultats seront sans doute meilleurs à l'avenir.
Mme Laurence Cohen. - Je n'ai pas entendu le rapporteur aussi déterminé à éviter la quadruple peine pour les salariés...
À vous entendre, madame la ministre, tout va pour le mieux. À quoi donc sert cette loi, qui met tant de gens dans la rue ? Nous ne vivons pas dans le même monde. Certaines entreprises ne jouent pas le jeu !
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Ne caricaturons pas. Quand une proposition venue d'un côté ou de l'autre est contraire à une convention de l'OIT, il est légitime que je le dise. Il n'est pas moins légitime que je vous dise quel est, déjà, l'état du droit.
Mme Annie David. - Non, décidément, nous ne vivons pas dans le même monde, quand on sait que 1 653 entreprises, l'an dernier, ont distribué en 2015, 51 % de leurs bénéfices aux actionnaires, contre 46 % en 2013...Tous les entrepreneurs ne sont pas des voyous, bien sûr, mais il y en a ! Vous ne voulez pas amnistier les syndicalistes, ne dédouanez pas non plus les entrepreneurs qui abusent ! Seule la loi peut combattre ces abus.
L'amendement n°729 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°734, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1235-10 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-10. - Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements dont le motif doit être conforme à l'article L. 1233-3 concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.
« La réalité et le sérieux du motif économique sont appréciés au niveau de l'entreprise ou, de l'unité économique et sociale ou du groupe.
« La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe.
« Le respect des obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la nécessité d'informer le plus en amont possible les représentants du personnel doivent être également pris en compte.
« La nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l'information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu'elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation.
« Le premier alinéa n'est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires. »
Mme Évelyne Didier. - Cet amendement permet au juge de statuer sur les licenciements dans les entreprises de plus de dix salariés en fonction de la situation économique de l'entreprise.
Nous voulons empêcher les entreprises de contourner la législation et de licencier à seule fin d'augmenter leurs profits.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Cet amendement est incompatible avec l'article 30 dans sa rédaction actuelle. D'ailleurs, deux tiers des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) sont déjà définis par accord collectif, et tous doivent être homologués par la Direccte, sous le contrôle du juge.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Cet amendement remettrait en cause la réforme de 2013. L'un des éléments pris en compte par la Direccte est la loyauté des informations transmises aux instances représentatives du personnel, que vous mentionnez. Grâce à cette réforme, les contentieux ont diminué, passant de 20 % à 30 % de contestation des PSE, auparavant à 6 % en 2015.
L'amendement n°734 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°731, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 1471-1 du code du travail, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».
M. Michel Le Scouarnec. - La loi de sécurisation de l'emploi de juin 2013 a abaissé le délai de prescription pour intenter une action en contestation de la rupture de son contrat de travail, rendant l'accès au juge prud'homal toujours plus difficile pour les salariés. Il est donc proposé de ramener le délai de prescription à cinq ans, comme le prévoit le droit commun.
Dans un contexte de chômage massif, on ne peut accepter de voir restreindre les possibilités qu'ont les salariés de contester les décisions patronales.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Avis défavorable à cette proposition contraire à l'esprit de l'article 30, je ne comprends pas qu'il faille cinq ans pour se décider à contester un contrat, fût-il de travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Avis défavorable. L'équilibre est délicat mais la plupart des contentieux sont formés dans les six premiers mois. Les délais de prescription sont déjà plus longs en France qu'ailleurs.
L'amendement n°731 n'est pas adopté.
ARTICLE 30 BIS A
Mme la présidente. - Amendement n°57, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Cet amendement, introduit en commission, plafonne les indemnités prud'homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en dépit de la censure constitutionnelle. On entend ainsi faciliter les embauches, mais rien ne prouve qu'un employeur n'embauche pas de peur d'aller aux prud'hommes !
Restreindre la latitude des conseillers prud'homaux est d'autant plus incompréhensible qu'ils ne prononcent pas d'indemnités déraisonnables, et que le taux de recours est stable depuis les années 1970. Vous permettez aux employeurs de payer pour contourner la loi...
Mme la présidente. - Amendement identique n°866, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
M. Jean Desessard. - Le plafonnement, qui figurait dans l'avant-projet de loi, s'était heurté à l'opposition unanime des syndicats, même « réformateurs ». Le Gouvernement avait reculé, mais la commission a réintroduit l'article. Les indemnités minimales actuelles ont, pourtant, l'avantage d'être dissuasives.
Mme la présidente. - Amendement identique n°895 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier.
Mme Françoise Laborde. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°955, présenté par le Gouvernement.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Réintroduire cet article revient à ignorer le compromis trouvé avec les partenaires sociaux et les organisations de jeunesse. Pour lever les freins à l'embauche, nous nous sommes accordés sur un barème indicatif, qui exclut les cas les plus graves - harcèlement, etc.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Le « corridor » souhaité par certains présente l'inconvénient de mutualiser le risque : certains paieraient un peu plus, d'autres un peu moins... La commission a préféré un plafonnement qui exclut les cas de harcèlement et de discrimination. Avis défavorable.
Mme Nicole Bricq. - Il est dommage qu'il faille revenir sur cette question après la loi Macron, et que le rapporteur ignore le compromis trouvé avec les syndicats réformistes. C'est cela aussi, la politique ! Nous voterons ces amendements de suppression.
À la demande de la commission, les amendements identiques nos57, 866, 895 rectifié et 955 sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°376 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°740, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° La section 2 est ainsi modifiée :
a) L'article L. 1233-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les trois premiers critères sociaux sont privilégiés par l'employeur pour fixer l'ordre des licenciements. » ;
b) Est ajoutée une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Autorisation de l'inspection du travail
« Art. L. 1233-7-1. - Tout licenciement pour motif économique est soumis à l'autorisation de l'inspection du travail.
« Art. L. 1233-7-2. - La demande d'autorisation de licenciements dits "boursiers", envisagés dans des entreprises dont les difficultés ne relèvent pas d'un motif économique au sens de l'article L. 1233-3, requiert un avis conforme des représentants du personnel.
« Art. L. 1233-7-3. - Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application de la présente sous-section. » ;
2° La section 3 est ainsi modifiée :
a) Le premier alinéa de l'article L. 1233-15 est ainsi rédigé :
« Lorsque l'employeur, qui a obtenu l'autorisation de l'inspection du travail en application de l'article L. 1233-7-1, décide de licencier un salarié pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. » ;
b) L'intitulé de la sous-section 3 est ainsi rédigé :
« Autorisation de l'inspection du travail » ;
c) L'article L. 1233-19 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-19. - L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour -motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours adresse une demande d'autorisation à l'inspection du travail. » ;
d) La sous-section 3 est complétée par un article L. 1233-20-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-20-... - Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application de la présente sous-section. » ;
3° La section 4 est ainsi modifiée :
a) L'article L. 1233-39 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-39. - L'employeur qui a obtenu l'autorisation de l'inspection du travail en application de l'article L. 1233-7-1 notifie au salarié le licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception.
« La lettre de notification ne peut être adressée avant l'expiration d'un délai courant à compter de l'autorisation de l'inspection du travail. » ;
b) Les articles L. 1233-40 et L. 1233-41 sont rétablis dans la rédaction suivante :
« Art. L. 1233-40. - Le délai mentionné à l'article L. 1233-39 ne peut être inférieur à :
« 1° Trente jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;
« 2° Quarante-cinq jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;
« 3° Soixante jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante.
« Art. L. 1233-41. - Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais plus favorables aux salariés que ceux mentionnés à l'article L. 1233-40. » ;
c) L'intitulé de la sous-section 4 est ainsi rédigé :
« Autorisation de l'inspection du travail » ;
d) L'article L. 1233-46 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-46. - L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours adresse une demande d'autorisation à l'inspection du travail.
« Lorsque l'entreprise est dotée de représentants du personnel, la demande d'autorisation est faite au plus tôt le lendemain de la date prévue pour la deuxième réunion prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30.
« La demande d'autorisation est accompagnée de tout renseignement concernant la convocation, l'ordre du jour et la tenue de cette réunion. » ;
e) Au premier alinéa de l'article L. 1233-48, à la première phrase des articles L. 1233-49 et L. 1233-50, à l'article L. 1233-51, au premier alinéa de l'article L. 1233-53, à la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa de l'article L. 1233-56 et aux premier et dernier alinéas de l'article L. 1233-57, les mots : « autorité administrative » sont remplacés par les mots : « inspection du travail » ;
f) À la première phrase de l'article L. 1233-49 et à la seconde phrase de l'article L. 1233-50, les mots : « notification du projet » sont remplacés par les mots : « demande d'autorisation » ;
g) Les articles L. 1233-54 et L. 1233-55 sont rétablis dans la rédaction suivante :
« Art. L. 1233-54. - L'inspection du travail dispose, pour procéder aux vérifications et adresser sa décision, d'un délai courant à compter de la date de demande d'autorisation de licenciement.
« Art. L. 1233-55. - Le délai mentionné à l'article L. 1233-54 ne peut être inférieur à :
« 1° Vingt et un jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;
« 2° Vingt-huit jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;
« 3° Trente-cinq jours lorsque ce nombre est au moins égal à deux cent cinquante.
« Lorsqu'il existe une convention ou un accord collectif de travail, ce délai ne peut être inférieur au délai conventionnel séparant les deux réunions de représentants du personnel, prévu à l'article L. 1233-30, augmenté de sept jours.
« Le délai dont dispose l'inspection du travail peut être prolongé pour une durée égale si les nécessités de l'enquête le rendent nécessaire. » ;
M. Dominique Watrin. - Cet amendement entend lutter contre les licenciements boursiers. Peut-on accepter qu'Alsthom, deux mois après un rachat, supprime 6 500 postes en Europe, 765 en France ?
Cet amendement rétablit l'autorisation préalable de l'inspection du travail pour tout licenciement économique en cas de doute manifeste sur son motif.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - L'autorisation administrative a été supprimée en 1986... Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - En 1987, et l'autorisation était presque systématiquement accordée. Le rôle de l'administration en cas de PSE a été renforcé en 2013 : elle apprécie la pertinence des mesures d'accompagnement et peut suspendre l'application des PSE.
Rétablir l'autorisation préalable ne contribuerait en rien à réduire le chômage, d'autant que le licenciement boursier n'est pas admis par les tribunaux - souvent assez tard, il est vrai... Avis défavorable.
L'amendement n°740 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°741, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Les quatrième à dernier alinéas de l'article L. 1235-1 du code du travail sont abrogés.
Mme Évelyne Didier. - La loi Macron a étendu à la phase de jugement le barème institué en 2013 pour la phase de conciliation. Nous ne pouvons l'accepter. Le salarié licencié est souvent contraint par sa situation d'accepter une trop faible indemnité, plutôt que de faire valoir ses droits ! Songez au message que vous adressez aux employeurs !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Plafond et référentiel sont assez proches. Je note d'ailleurs que le référentiel actuel comporte des maxima plus bas... Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Même avis, les référentiels se multiplient dans le domaine judiciaire : pensions alimentaires, préjudices corporels, indemnisation des victimes de l'amiante. Dans le cas considéré, le référentiel apportera de la prévisibilité aux employeurs, mais il garantira aussi l'égalité de traitement entre salariés. Le référentiel tiendra compte de l'ancienneté et de l'âge du salarié, de sa situation vis-à-vis de l'emploi. Je le répète, il y va de l'égalité entre salariés. Aujourd'hui, l'écart-type, pour une même ancienneté de deux ans, est de trois mois : le salarié a autant de chances de percevoir un mois de salaire que sept mois !
Sans compter que les salariés les mieux rémunérés sont mieux traités que les autres, les chiffres le prouvent.
L'amendement n°741 n'est pas adopté.
L'amendement n°142 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°733, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéas 22 et 23
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 1235-14. - Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d'emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l'entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou la suppression d'emploi envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d'emploi, l'employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts si son entreprise en est déjà bénéficiaire, ou l'opportunité d'en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l'employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. » ;
M. Pierre Laurent. - Défendu.
L'amendement n°733 n'est pas adopté.
L'article 30 bis A est adopté.
ARTICLE 30 BIS B
Mme Élisabeth Lamure . - Merci à la commission d'avoir introduit cet article qui incitera le juge à s'interroger sur les conséquences économiques de ses décisions sur une entreprise ou une branche : souvenez-vous de la suppression de la convention Syntec.
Aurons-nous le soutien du Gouvernement pour que cet article prospère ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Le juge administratif a déjà cette faculté, l'étendre au juge judiciaire exige un travail technique, je ne peux m'engager.
L'article 30 bis B est adopté.
ARTICLE 30 BIS
Mme la présidente. - Amendement n°58, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Annie David. - Il n'existe actuellement pas de clôture de la mise en l'état dans la procédure prud'homale, les documents étant souvent fournis au moment de l'audience. Introduire une telle clôture, alors que 10 % des salariés se présentent sans avocat, c'est restreindre les possibilités pour les salariés d'obtenir une juste réparation. Mieux vaudrait lutter contre les manoeuvres dilatoires de certains employeurs.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Avis défavorable, cet article est utile et précise le contenu du décret du 20 mai 2016.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Même avis, on ne peut se satisfaire des délais de jugement qui peuvent atteindre plusieurs années, et nous valent des condamnations de la CEDH. Les délais sont inacceptables, tant pour les salariés, que pour les employeurs.
La clôture de l'instruction permettra au conseil des prud'hommes d'accélérer les choses, à condition que les conseils de l'employeur et du salariés se soient mis d'accord.
Mme Nicole Bricq. - La loi Croissance et activité a donné plus d'importance au bureau de conciliation mais les employeurs font souvent de l'absentéisme... Ce projet de loi achève la réforme de la justice prud'homale dont on peut regretter le morcellement... (Mme la ministre en convient) De même qu'on peut regretter l'absence de la chancellerie !
Mme Annie David. - Si la justice prud'homale est surchargée, c'est que les employeurs utilisent des subterfuges pour éviter la phase de conciliation, sans compter le manque de moyens dont souffre la justice dans son ensemble.
L'amendement n°58 n'est pas adopté.
L'article 30 bis est adopté.
L'article 31 est adopté.
ARTICLE 31 BIS
Mme la présidente. - Amendement n°330, présenté par M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Marc Daunis. - Quel acharnement de la majorité sénatoriale contre le droit d'information des salariés ! Le rapporteur plaide pourtant contre l'instabilité législative...
On compte 50 000 emplois détruits chaque année dans des entreprises viables, souvent de petites entreprises qui irriguent le territoire. Et vous ne faites aucune proposition ! Un peu de bon sens. Laissons-nous le temps de tirer les conséquences de l'expérimentation. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Quel théâtre... (M. Marc Daunis proteste) La loi Croissance a modifié les sanctions prévues par la loi de 2014 et remplacé la nullité par une amende civile. C'est se donner bonne conscience à peu de frais...
Nous souhaitons que les entreprises se transmettent. J'ai moi-même négocié plusieurs transactions de ce type. Quand la situation de l'entreprise n'est pas mirobolante et que l'on apprend le projet de transmission, les banques et les fournisseurs s'affolent et l'on met en danger la transaction. On peut aussi tout ficeler avant l'échéance du délai de deux mois... S'il n'y a pas de repreneur, on peut être favorable à une information suffisamment précoce de salariés. Mais pas de façon systématique.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Avis très favorable. Les comités d'entreprise sont soumis à une obligation de confidentialité, monsieur le rapporteur. Cet article revient à supprimer l'obligation de chercher un repreneur...
M. Marc Daunis. - Du théâtre, monsieur le rapporteur, quand 50 000 emplois sont en jeu ? Vous nous reprochez de ne pas être allés jusqu'au bout. Le Gouvernement s'est, en fait, efforcé d'être pragmatique, parfois trop à mes yeux. Et vous, quelles propositions faites-vous ?
Vous avez une vision exclusivement patrimoniale de l'entreprise. Les salariés sont considérés comme des enfants, incapables de tenir leur langue, et même ravalés au rang de meubles ou de machines... C'est insupportable. Quand comprendrez-vous que les salariés sont des gens responsables ? Dans les entreprises de la nouvelle économie, parfois soumises à la prédation, ce droit d'information préalable est indispensable.
M. Pierre Laurent. - Nous voterons l'amendement. Le droit d'information préalable est ce qui est resté d'un engagement de campagne du président de la République, bien plus ambitieux... Non seulement il ne faut pas le supprimer, mais il faudrait aller plus loin.
M. Jean Desessard. - Le groupe écologiste votera aussi l'amendement si éloquemment défendu.
Mme Annick Billon. - Je voterai contre. Qui peut imaginer que le chef d'entreprise ne fera pas tout pour trouver un repreneur ? Il aime son entreprise, il est attaché à ses salariés. (Exclamations à gauche)
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Dans la réalité, lors des cessions d'entreprise, il y a accord entre le vendeur et le repreneur, et celui-ci souhaite avoir des contacts avec les salariés. Il y a aussi des cas où le repreneur peut souhaiter une certaine confidentialité. Il serait contreproductif de faire échouer une cession parce que l'on aurait voulu rendre obligatoire une telle information.
Mme Nicole Bricq. - Vous supprimez les dispositions créées par les lois de 2014 et 2015, et la possibilité pour l'administration de demander le remboursement des aides publiques si l'entreprise n'a pas fait d'efforts suffisants pour trouver un repreneur. C'est un acte lourd que vous commettez ainsi. Nous ne pouvons l'accepter et nous voterons l'amendement n°330.
Mme Françoise Laborde. - Nous le voterons aussi.
Mme la présidente. - Le groupe socialiste a demandé un scrutin public sur cet amendement.
M. Jean Desessard. - Quelle drôle d'idée : nous sommes majoritaires en séance ! Y a-t-il anguille sous roche ?
À la demande du groupe socialiste et républicain, l'amendement n°330 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°377 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande de la commission, l'article 31 bis est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°378 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°329, présenté par M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 31 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article 26-41 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, il est inséré? un alinéa ainsi rédigé? :
« Les coopératives d'activité? et d'emploi sont des sociétés coopératives de production, des sociétés coopératives d'intérêt collectif ou des coopératives de toute autre forme dont les associés sont notamment entrepreneurs salariés. Elles sont régies par la présente loi, par le livre III de la septième partie du code du travail, ainsi que par les dispositions des lois particulières applicables a? certaines catégories de société? coopérative. »
M. Marc Daunis. - Je regrette le vote précédent. La confiance dans l'intelligence est manifestement à géométrie variable : on croit ici à celle des territoires mais moins à celle des salariés...
Afin de clarifier et de sécuriser le cadre juridique des coopératives d'activité et d'emploi, cet amendement de consensus précise que celles-ci peuvent être constituées sous forme de Scop et de SCIC ou de coopératives de toute autre forme dont les associés sont entrepreneurs salariés.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. - Vous évoquez l'intelligence, Mme Bricq évoque le cerveau. Cela ne lui a pas réussi ! (Exclamations sur divers bancs)
Si le Gouvernement est favorable à cet amendement, nous le serons aussi.
Mme Myriam El Khomri, ministre. - Avis favorable. Cet amendement résoudra une difficulté d'interprétation.
L'amendement n°329 est adopté et devient article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°853 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Avant l'article 32 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 6223-1 du code du travail est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Cette déclaration est également caduque dans les cas suivants :
« - lorsqu'un manquement de l'entreprise à ses obligations de formation ou de rémunération d'un ou plusieurs apprentis est constaté par l'autorité administrative compétente ;
« - quand une proportion excessive des contrats d'apprentissage conclus par l'entreprise sont résiliés à son initiative durant la période des deux premiers mois de contrat. Un décret définit, en fonction de la taille de l'entreprise, la proportion de résiliations de contrats qui doit être considérée comme excessive ;
« Dans les deux cas précités, la déclaration est caduque au terme de l'exécution du dernier contrat signé par l'entreprise avant la constatation du manquement ou de l'excès de rupture de contrats. »
M. Pierre Laurent. - L'apprentissage, malheureusement, est une orientation par défaut, pour ceux en situation d'échec scolaire. Entre un quart et la moitié des apprentis ne vont pas au terme de leur contrat. Cet amendement vise à prévenir la dégradation des situations en cas de manquements des entreprises à leurs obligations de formation.
M. Michel Forissier, rapporteur. - En employant un apprenti, une entreprise doit s'engager à le former. Pendant les quarante-cinq premiers jours, les deux parties peuvent rompre le contrat ; il n'y a pas de raisons de sanctionner l'entrepreneur. Avis défavorable. La commission préfère privilégier la médiation précontentieuse. Les abus sont déjà sanctionnés par les articles L. 6225-1 et L. 6225-4 du code du travail.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. - Nous partageons le même objectif : assurer aux apprentis une bonne formation ; mais la voie de la sanction n'est pas la bonne. Nous préférons mettre l'accent sur la formation des maîtres d'apprentissage et l'accueil des apprentis. Avis défavorable.
M. Pierre Laurent. - Il ne s'agit pas de sanctionner mais de protéger les apprentis.
L'amendement n°853 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°744, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Avant l'article 32 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 244 quater G du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
... - En cas de manquement de l'entreprise à ses obligations de formation ou de rémunération d'un ou plusieurs apprentis constaté par une décision judiciaire, l'entreprise ne peut plus bénéficier du crédit d'impôt défini au présent article au titre des autres apprentis qu'elle continuerait d'employer. Elle est également tenue de rembourser la partie du crédit d'impôt perçue au titre du ou des apprentis envers lesquels elle a manqué à ses obligations de formation ou de rémunération.
Mme Évelyne Didier. - L'aide publique accordée aux entreprises pour l'embauche d'apprentis doit être conditionnée au respect des obligations élémentaires de formation et de rémunération résultant du contrat d'apprentissage. Le non-respect de ces obligations devrait exclure l'entreprise du bénéfice du crédit d'impôt pour les autres apprentis qu'elle emploie ou qu'elle pourrait employer.
M. Michel Forissier, rapporteur. - Les entreprises ne font pas appel à des apprentis uniquement pour bénéficier d'un crédit d'impôt de 1 600 euros par an. Un apprenti coûte beaucoup plus cher. Avis défavorable.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Là encore, avis défavorable ; sanctionner n'est pas une solution.
L'amendement n°744 n'est pas adopté.
ARTICLE 32 A
Mme Élisabeth Lamure . - Je me félicite que les propositions que j'avais formulées avec M. Forissier aient été reprises par la commission.
Les entreprises se plaignent d'une dilution de responsabilités et d'une multiplication des acteurs. De plus, elles déplorent l'écart entre l'enseignement scolaire et la réalité professionnelle. L'entreprise, ce n'est pas Zola et les maîtres d'apprentissage donnent aux jeunes une chance de trouver du travail.
D'autre part, nous nous félicitons de la suppression du contrat de génération, un dispositif qui a échoué.
M. Dominique Watrin . - L'apprentissage ne doit pas être déconnecté de l'Éducation nationale.
Un concours est ouvert entre les responsables politiques : c'est à celui qui annoncera le plus de contrats, d'aides, de primes... Pourtant le taux d'échec en apprentissage reste élevé. Il convient de revaloriser la filière professionnelle, de développer des sections pertinentes dans les lycées professionnels où le taux de réussite est plus élevé - de neuf points en CAP par exemple. En tout cas, ce n'est pas en autorisant l'apprentissage dès 14 ans pour 10 heures par jour, que l'on règlera les problèmes. Et pourquoi ne pas aussi les faire travailler la nuit ?
Cet article est un immense retour en arrière.
Mme la présidente. - Amendement n°745, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « sous la responsabilité du ministère de l'éducation nationale »
II. - Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
sous la responsabilité du ministère de l'éducation nationale
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Fin 2015, notre pays comptait 400 000 apprentis préparant des diplômes allant du certificat d'aptitude professionnelle au mastère professionnel, 670 000 lycéens scolarisés en LEP. Il y a chaque année 200 000 candidats au bac professionnel et 400 000 jeunes engagés en DUT, en section de technicien supérieur ou en licence professionnelle. Autant dire que l'apprentissage n'est pas la voie privilégiée d'accès à une formation professionnelle. Le taux de rupture précoce des contrats est assez élevé, faute sans doute que les conditions d'un accueil favorable à la bonne transmission des savoirs soient toujours réunies. Il faudrait une vraie évaluation des causes de ces difficultés.
M. Michel Forissier, rapporteur. - Nous avons rencontré tous les acteurs du secteur. Chacun souhaite un copilotage de l'apprentissage, dans un souci d'efficacité, entre l'Éducation nationale, les entreprises et le ministère du travail. Avis défavorable à cet amendement recentralisateur et idéologique.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Les apprentis sont à la fois des salariés et encore en formation initiale : ils relèvent donc du code du travail et dépendent de l'Éducation nationale. Avis défavorable.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le développement quantitatif de l'apprentissage s'accompagne d'une dégradation de la formation. Son rôle pour endiguer le chômage est contestable : il se développe dans les filières où les débouchés sont les meilleurs, et n'est ouvert qu'après sélection.
M. Jean Desessard. - Favorable au copilotage, je ne voterai pas cet amendement.
M. Michel Raison. - Beaucoup de CFA ne sont pas rattachés à l'Éducation nationale. Heureusement d'ailleurs car celle-ci semble parfois réservée à l'égard des apprentis. Le mépris pour l'apprentissage est injustifié. À son apprenti, le maître d'apprentissage enseigne la vie et il fait même parfois de la philosophie avec lui.
M. Robert del Picchia. - En Autriche, où je réside, l'apprentissage est très développé mais intégré au parcours scolaire. Grâce à cette fluidité, beaucoup de patrons sont d'anciens apprentis et le chômage est faible.
Mme Annick Billon. - C'est à l'apprenti de s'adapter au monde de l'entreprise, pas l'inverse. Pourquoi ne pas d'ailleurs coller les horaires de travail des apprentis sur ceux des maîtres de stage ?
L'amendement n°745 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°746 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un observatoire paritaire de l'apprentissage, rassemblant des représentants de collectivités territoriales et des partenaires sociaux investis dans la formation professionnelle initiale, est constitué sous l'égide du ministère de l'éducation nationale.
« Cet observatoire convoque tous les cinq ans, à compter de la parution de la présente loi, des assises de l'apprentissage afin de rendre un avis sur les orientations et la répartition des moyens concernant la formation professionnelle initiale. Cette consultation de tous les acteurs de la filière guidera les travaux des collectivités territoriales, de l'État et des centres de formations. »
Mme Annie David. - Nous proposons de créer un observatoire paritaire de l'apprentissage pour faire le bilan sur les formations proposées, proposer des améliorations en fonction des besoins des entreprises.
M. Michel Forissier, rapporteur. - Pourquoi faire compliqué lorsque l'on peut faire simple ? (Sourires) Ces instances d'évaluation existent déjà : le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) ou les Comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop) au niveau régional. Est-il utile de créer un nouvel organisme alors que nous savons déjà pourquoi l'apprentissage échoue ? Utilisons les outils existants.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Avis défavorable. La loi du 5 mars 2014 a créé le Cnefop. Inutile de créer une nouvelle instance d'évaluation.
Mme Annie David. - En effet, le Cnefop pourrait jouer ce rôle. Mais toutes les causes d'échec ne sont pas connues. L'essentiel est de bien encadrer les jeunes en apprentissage.
Heureusement, madame Billon, que l'apprenti n'est pas soumis aux mêmes horaires de travail que son maître d'apprentissage ! On ne peut imposer à un jeune de 16 ans les mêmes contraintes qu'à un adulte salarié.
L'amendement n°746 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°747, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 7, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le pacte est signé par l'État, les régions volontaires, les chambres consulaires, les organisations patronales d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi professionnel et les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Mme Évelyne Didier. - Ces organisations syndicales ont vocation à défendre l'ensemble des salariés de l'entreprise, quel que soit leur statut. Elles doivent cosigner le pacte pour l'apprentissage national.
M. Michel Forissier, rapporteur. - Les signataires sont les payeurs. Les syndicats seront consultés. Ils pourront s'impliquer davantage s'ils le souhaitent. Nous n'y sommes pas hostiles pourvu que le pacte ne soit pas mis en péril à cause de leurs divisions... En Allemagne, les fédérations de syndicats de salariés et de patrons arrivent à s'entendre. Parmi les décideurs, nous mettons les payeurs.
La principale cause d'échec reste liée au fait que l'apprentissage est une orientation par défaut. Développons plutôt les vocations - et je sais que la ministre me rejoint sur ce point.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Les partenaires sociaux sont déjà présents au sein des instances prévues par la loi. Avis défavorable.
Mme Évelyne Didier. - Réserver aux « payeurs » est assez restrictif. Les syndicats ne sont pas des empêcheurs de tourner en rond, ils savent concilier les intérêts de l'entreprise et ceux des salariés. C'est tout de même ces derniers qui créent de la richesse !
M. Dominique de Legge. - Je ne comprends pas la cohérence de cet amendement avec le précédent du même groupe, qui réaffirmait la tutelle de l'Éducation nationale...
L'amendement n°747 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1048, présenté par M. Forissier, au nom de la commission.
Alinéa 13
1° Remplacer les mots :
les engagements
par les mots :
l'implication
2° Après le mot :
professionnelles
insérer le mot :
volontaires
M. Michel Forissier, rapporteur. - J'ai dit que ceux participaient, paient ; non l'inverse.
Cet amendement précise que le pacte national pour l'apprentissage déterminera l'implication des branches professionnelles volontaires en matière d'embauche d'apprentis, car ni les organisations professionnelles d'employeurs, ni les syndicats représentatifs au niveau de la branche ne seront signataires du pacte. Les syndicats patronaux et de salariés sont traités à la même enseigne.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Avis défavorable. La définition du pacte ne relève pas du niveau législatif.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°1048, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
L'article 32 A est adopté.
ARTICLE 32 B
Mme la présidente. - Amendement n°748, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le même article L. 313-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le droit à l'information et à l'orientation intègre la formation au droit du travail. L'application de ce droit est effective via la mise en place d'un projet éducatif dans le cadre du premier cycle du secondaire. Il permet aux collégiens d'avoir une première approche du droit du travail par la découverte des institutions représentatives du personnel, des règles relatives au temps de travail, à la rémunération, aux différents types de repos et à la santé au travail. »
M. Dominique Watrin. - Avant d'envoyer les jeunes en entreprise, il convient de leur donner des notions sur la vie professionnelle, les conditions de travail et leurs droits. La JOC a enquêté sur les conditions des apprentis et elle a constaté que 68 % d'entre eux considèrent qu'ils ne sont pas respectés en entreprise.
M. Michel Forissier, rapporteur. - Proposition intéressante, mais les collégiens sont un peu jeunes pour une telle formation, qui s'adresserait plutôt à des lycéens au droit du travail. Aux futurs apprentis, le collège doit avoir enseigné les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, arriver à l'heure, avoir un comportement correct.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Le socle de connaissances du collège contient déjà des notions de droit et des stages de découverte de l'entreprise.
M. Jean Desessard. - Je comprends l'argument du rapporteur, à quoi la ministre répond qu'il y aura des filières dédiées... À terme, il n'y aura donc plus de militants syndicaux, mais des animateurs du dialogue social, comme il y a des animateurs de quartier ! Si l'on parie sur la vivacité du dialogue social, il faut une formation minimale à la vie en entreprise. Je voterai l'amendement n°748 qui va dans ce sens.
L'amendement n°748 n'est pas adopté.
L'article 32 B est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°787 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 32 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une expérimentation est menée en lien avec le ministère de l'éducation nationale pendant douze mois sur l'introduction de modules obligatoires sur le droit du travail dès la fin du collège dans les cours d'enseignement moral et civique
M. Michel Le Scouarnec. - L'Insep a accompagné la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) dans son enquête de 2014 sur 5 600 jeunes. Plus d'un sur deux déclarent ne pas connaître le droit du travail... L'école doit être le lien de l'éducation à ces questions ; 45 % des jeunes pensent que leur ignorance en la matière est un frein dans la défense de leurs droits.
Les lieux de ces formations peuvent être divers et complémentaires.
La campagne « Droit devant » initiée par la JOC montre l'importance de sensibiliser les jeunes à ces questions.
M. Michel Forissier, rapporteur. - Avis défavorable, pour les raisons dites précédemment.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Même avis, pour les mêmes raisons.
M. Dominique Watrin. - La JOC a mené un important travail, qu'il faut saluer je crois, sur le rapport des jeunes au droit du travail. Un sur deux dit ne pas le connaître ! La JOC, les syndicats CGT et CFDT et le ministère de l'éducation nationale ont même travaillé ensemble sur la formation des jeunes à la compréhension des relations de travail ; hélas, cette expérimentation semble avoir été arrêtée, d'où cet amendement important.
À la demande du groupe CRC, l'amendement n°787 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°379 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 29 |
Contre | 311 |
Le Sénat n'a pas adopté.
1
ARTICLE 32 TER
M. le président. - Amendement n°68, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - La proposition de loi de notre collègue Jean-Claude Carle sur les écoles de production ayant été rejetée à la suite du vote d'une question préalable déposée par le groupe socialiste, il récidive ici, soutenu cette fois par M. Collomb.
Ces écoles techniques privées, ouvertes dès 14 ans, préparent les jeunes à des CAP. La pratique se fait en atelier, sur des machines financées par les entreprises. Deux tiers du volume horaire correspondent à des enseignements en situation de production, sachant que ce qui est produit par les apprentis est commercialisé selon les normes du marché.
On tire un avantage financier - exonération de taxe d'apprentissage - d'un avantage législatif, sans être soumis aux mêmes contrôles. Nous sommes opposés à l'apprentissage à l'âge précoce. L'échec scolaire doit être traité le plus en amont possible. Il faudrait se focaliser en priorité sur une offre publique, laïque, gratuite, sur tout le territoire.
M. Michel Forissier, rapporteur. - L'article 32 ter est issu de deux amendements identiques de Jean-Claude Carle et Gérard Collomb.
La plus ancienne école de production est dans une banlieue sensible de Lyon, à Vaulx-en-Velin. Ce sont des établissements d'enseignement privé, à but non lucratif, qui accueillent des jeunes dès 15 ans, et les préparent au CAP, au baccalauréat professionnel ou à des certifications professionnelles inscrites au répertoire national.
Ce modèle original a fait ses preuves : 80 % de réussite en CAP et au bac professionnel, 73 % de mentions au bac, 45 % de jeunes qui poursuivent leurs études, un taux d'insertion professionnel avoisinant 100 % et un élève sur dix qui crée ensuite sa propre entreprise. Bref, ce modèle réussit ! On se doit de le pérenniser. Contractualiser ensuite avec l'Éducation nationale ? Pourquoi pas ?
Avis défavorable à cet amendement. Mme El Khomri a visité l'école de Vaulx-en-Velin, qui mérite d'être soutenue.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Avis favorable : j'ai dit tout le bien que le Gouvernement pense de ce modèle, qui doit être valorisé. Mais ces établissements bénéficient déjà du hors-quota. Puisqu'ils ne dispensent pas d'apprentissage, il n'y a aucune raison qu'ils bénéficient de la taxe d'apprentissage.
M. Olivier Cadic. - Merci, monsieur le rapporteur, pour la façon dont vous avez défendu notre position. Je suis perplexe en écoutant la justification du Gouvernement : valoriser les écoles de production en leur coupant les vivres ? Je ne voterai pas l'amendement.
M. Jean Desessard. - Je défends les expériences éducatives différentes, adaptées aux jeunes qui ne trouvent pas ce qu'ils cherchent à l'école. L'école d'aujourd'hui est déjà à deux vitesses... Je ne voterai pas l'amendement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Ces écoles fonctionnent comme des PME, elles répondent à un marché, vendant des produits à des clients. Ailleurs, la pratique sert exclusivement la pédagogie.
À la demande de la commission, l'amendement n°68 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°389 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l'adoption | 20 |
Contre | 305 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°769, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
1° Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
aux jeunes à partir de 15 ans
2° Deuxième phrase
Supprimer les mots :
répondent aux besoins locaux en termes de main d'oeuvre, et
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - C'est un amendement de repli qui recule l'âge d'entrée dans ces écoles de production. Prudence lorsqu'on évoque des bilans mirobolants : les salariés de Montceau-les-Mines ou de Montbéliard n'ont pas retrouvé de travail après la fermeture de leur entreprise...
M. Michel Forissier, rapporteur. - Je ne vais pas recommencer mon argumentaire : pourquoi interdire à des jeunes d'accéder à un système qui marche ? Avis défavorable.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Même avis.
Mme Annie David. - Le groupe socialiste, il n'y a pas si longtemps, était hostile aux écoles de production... On change donc d'avis. Chacun est libre de présenter des amendements et de voter comme il le souhaite.
M. Olivier Cadic. - On voit que certains ont du mal à évoluer... (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
L'amendement n°769 n'est pas adopté.
L'article 32 ter est adopté.
ARTICLE 33 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°331, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2017, par dérogation au premier alinéa de l'article L. 6325-1 du code du travail, le contrat de professionnalisation peut être conclu par les demandeurs d'emploi y compris ceux écartés pour inaptitude et ceux qui disposent d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, notamment les moins qualifiés et les plus éloignés du marché du travail, en vue d'acquérir des qualifications autres que celles mentionnées à l'article L. 6314-1 du même code.
Mme Dominique Gillot. - Cet amendement rétablit l'article 33 pour déroger à titre expérimental aux conditions d'éligibilité au contrat de professionnalisation pour le bénéfice de certains demandeurs d'emploi.
Les personnes handicapées sont deux fois plus nombreuses à pointer au chômage. Certaines entreprises font l'expérience réussie d'intégrer un salarié handicapé. Souvent, les personnes handicapées manquent de formation et le poste de travail n'est pas toujours assez adapté. Aidons les personnes les plus éloignées de l'emploi. Permettons-leur de bénéficier des mêmes droits. Construisons ainsi un écosytème social d'inclusion !
M. Michel Forissier, rapporteur. - La commission a supprimé cet article 33, jugeant que cela dévoyait cet outil de formation, qui avait pour but une qualification. Les partenaires sociaux et les experts du droit à la formation y sont unanimement opposés.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Avis favorable à cet amendement qui rétablit une expérimentation destinée à manifester notre attention à la situation professionnelle des personnes handicapées.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°331, mis aux voix par assis et levé, est adopté et l'article 33 est rétabli.
M. le président. - Nous avons examiné aujourd'hui 85 amendements, il en reste 175.
Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 24 juin 2016, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit et demi.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus