Éthique du sport et compétitivité des clubs
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.
Discussion générale
M. Dominique Bailly, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que sur plusieurs bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Bernard Saugey applaudit aussi) Cette proposition de loi donne tout son sens au droit d'initiative parlementaire, et illustre ce que peut l'addition des bonnes volontés. Avec elle, c'est un grand nombre de haies que nous aurons fait franchir au développement du sport professionnel. Il y avait en la matière urgence à agir, car la distance s'accroît avec nos partenaires européens.
Un consensus se dessine aujourd'hui afin que tout progrès en faveur du développement du sport professionnel soit accompagné d'une avancée de même ampleur en faveur de l'éthique et de la transparence,
En juillet 2013, j'avais eu l'honneur de rendre publiques les conclusions et dix propositions d'un groupe de travail sur l'éthique du sport.
Deux autres rapports sénatoriaux - de M. Todeschini et de M. Savin - ont révélé que les clubs français pâtissaient du fait qu'ils n'étaient pas propriétaires de leurs enceintes, et souligné les dangers des partenariats public-privé. Ces rapports sénatoriaux ont constitué une base de travail utile à la concertation organisée entre les mois d'octobre 2015 et d'avril 2016, à votre initiative, monsieur le ministre, pour rassembler au sein de la Grande Conférence sur le sport professionnel français l'ensemble des acteurs (fédérations, ligues, sportifs, pouvoirs publics...).
Le constat de cette Grande Conférence - qui a rendu son rapport le 19 avril dernier, accompagné de plus de soixante propositions - est sans appel : en dépit de son intérêt médiatique et d'un engouement populaire, alors même qu'il constitue un facteur d'activité locale et d'animation territoriale, le sport professionnel français est en grande difficulté.
Les clubs, qui forment l'unité de base du sport professionnel, pâtissent de l'insuffisance de leurs recettes, en raison de la maigre culture sportive dans notre pays, où l'on a moins qu'ailleurs l'envie de se déplacer pour assister à un match - quoique les choses aient un peu changé depuis l'Euro. Les dérives de certains joueurs et agents ont en outre nourri la chronique des excès sportifs. Nous avons mésestimé la capacité du « sport business » bien encadré à être bénéfique.
Oui à davantage d'attractivité pour les investisseurs, de compétitivité pour les clubs, mais aussi à davantage d'éthique, de transparence, de contrôle, car aucun investisseur ne placerait son argent dans une structure jugée peu saine...
Après l'article premier, qui prévoit l'élaboration d'une charte d'éthique par les fédérations et les clubs, votre commission a ajouté un article premier bis qui soumet les dirigeants sportifs au contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ; l'article 2 renforce la lutte contre la fraude technologique ; l'article 3 renforce les interdits pesant sur les parieurs sportifs ; les articles 4 et 5 renforcent les contrôles ; l'article 6 améliore la compétitivité des clubs vis-à-vis des investisseurs ainsi que la sécurité juridique.
L'article 7 constitue la principale innovation du texte La rédaction adoptée par votre commission - qui a revu celle de la proposition initiale - prévoit la possibilité de rémunérer les attributs de la personnalité des sportifs au travers d'une redevance afin de mieux distinguer deux aspects de la rémunération des sportifs professionnels : le salaire qui doit d'abord dépendre des performances sportives et une rémunération de leur image qui dépendrait de leur notoriété et de leur attitude.
Cette redevance s'inspire des recommandations du rapport Glavany en l'entourant de plusieurs précautions. Cette part de rémunération serait plafonnée et soumise à l'adoption d'un accord collectif par discipline.
La constitutionnalité de l'article 7 bis, qui élargit la taxe dite Buffet aux compétitions internationales, seul point de divergence entre nous en commission, est douteuse - cela pourrait nuire à la retransmission télévisée des épreuves ; nous y reviendrons.
L'article 8 permet le salariat des arbitres, tandis que l'article 9 soutient le sport féminin, l'article 9 bis, le handisport. Les articles 10 et 11 font l'objet d'amendements de suppression de la part du Gouvernement - nous y reviendrons.
Enfin, les articles 11 et 12 visent à renforcer la lutte contre la diffusion de contenus sportifs illicites sur Internet.
Vous le voyez, ces dispositions visent à concilier exigences éthiques et économiques. Des amendements vous seront en outre proposés cet après-midi pour associer les collectivités territoriales au soutien du sport professionnel.
Le temps nous est compté pour adopter ce texte, mais j'ai confiance dans nos débats : la date de retour du texte devant le Sénat est déjà fixée au 16 février, avant la suspension de nos travaux. Nous pourrons ainsi nous montrer utiles au développement du sport professionnel français. (« Très bien ! » et applaudissements sur la plupart des bancs)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Notre commission de la culture et de l'éducation ne peut se désintéresser de la culture physique, ni de l'éducation physique, pas plus que de la dimension professionnelle du sport, des questions d'éthique et de transparence.
Le sport professionnel est devenu un spectacle et un business : il requiert donc des investissements importants, qui ne peuvent être le seul fait des diffuseurs audiovisuels. Il nous faut également, en tant qu'élus locaux, favoriser le maillage sportif du territoire, soutenir le sport féminin et le handisport.
Cette proposition de loi s'appuie sur de nombreux travaux sénatoriaux, et vise à donner un débouché législatif aux conclusions de la Grande Conférence dont vous avez, monsieur le ministre, été à l'initiative. Cette proposition de loi, débattue et enrichie en commission, est ainsi revêtue d'une grande force, et je veux remercier tous ceux qui ont contribué à ce travail partagé.
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. - Je ne doute pas que la Haute Assemblée saura conduire ce texte au bout de son parcours législatif avant la suspension des travaux, avec l'aide du Gouvernement. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Cette proposition de loi répond à une véritable attente du monde sportif. La crédibilité et l'attractivité du sport professionnel sont en jeu. Le Gouvernement partage votre souci de favoriser un sport exemplaire. Je veux ici saluer la détermination du rapporteur Dominique Bailly et remercier le président Didier Guillaume et son groupe d'avoir permis l'inscription de ce texte à l'ordre du jour sur leur temps réservé. Je remercie enfin la présidente Morin-Desailly pour le travail collectif qu'elle a conduit, preuve du caractère transpartisan de ce sujet.
Nous avons déjà prouvé, lors de l'examen de la loi du 27 novembre 2015 et de la loi du 10 mai 2016 sur le supportérisme que les questions sportives pouvaient transcender les clivages partisans. Les réflexions que le Sénat a contribué à faire émerger sont désormais partagées par tous. En vertu du principe de solidarité, sport amateur et sport professionnel sont fortement liés : soutenir le sport professionnel, c'est soutenir le sport pour tous, le sport de haut niveau, les équipes de France qui ont brillé à Rio : j'en veux pour preuve la magnifique réception offerte à tous les champions de Rio, valides et handisport, par les questeurs du Sénat.
Premier axe de ce texte : l'éthique. Préserver l'intégrité des compétitions est capital. Face à l'apparition de nouvelles formes de tricherie, il faut innover ; l'adoption de chartes de déontologie pour les ligues professionnelles sera un utile garde-fou.
L'article 2 rendra effective la sanction des atteintes aux règles de bonne conduite que les ligues édictent. Le Commissariat à l'énergie atomique y a récemment aidé, en fournissant des caméras thermiques pour inspecter les vélos de course...
La lutte contre la fraude aux paris sportifs est également confortée via le renforcement du délit spécifique créé par la loi du 1er février 2012.
Le contrôle renforcé des agents sportifs, l'échange d'informations, la régulation des compétitions sportives et la lutte contre le streaming illégal des compétitions vont dans le même sens.
Autre axe du texte : renforcer la compétitivité du sport professionnel dont le fragile modèle économique repose encore trop sur le soutien financier des collectivités territoriales. Améliorer la qualité du spectacle, faire venir le public dans les stades : il s'agit d'instaurer une dynamique vertueuse en libérant les clubs de la béquille du financement public.
Ce texte attirera les investisseurs et clarifiera les éléments de rémunération des sportifs professionnels. Le rapporteur proposera des amendements utiles insistant sur la dualité des contrats et des rémunérations.
Afin d'encourager leur structuration dans la durée, il faudra accompagner les clubs vers un modèle de financement essentiellement privé, donc plus durable. En assouplissant les garanties d'emprunt, nous leur offriront plus d'autonomie en soulageant les finances publiques. C'est l'objet d'un amendement du Gouvernement, qui instaure un partenariat privé-public.
Le texte améliore aussi le soutien au sport féminin. L'élargissement de ces dispositions au handisport ne me semble guère opportun.
Les acteurs du sport attendent un cadre juridique plus transparent et plus efficace. J'espère que vous saisirez la présente occasion de répondre à leurs préoccupations. (Applaudissements)