Transport public particulier de personnes (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.
Discussion générale
M. Jean-François Rapin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Cette proposition est le fruit d'une large concertation, menée au premier chef par Laurent Grandguillaume, à qui je rends hommage. Très attendu, ce texte responsabilise les plateformes, protège les conducteurs et met fin aux détournements de la loi LOTI.
Le Sénat a amélioré et sécurisé le dispositif, dans des délais serrés. La majorité de nos apports ont été conservés par la CMP.
À l'article 1, nous avons exclu le covoiturage. À l'article 2, nous avons exclu la collecte relative aux données des passagers. Le compromis trouvé en CMP a été de réintroduire un volet statistique, plus encadré, plus respectueux des données personnelles. À l'article 4, nous avons avancé le début de la période transitoire à la date de promulgation de la loi, pour éviter tout effet d'aubaine. La CMP nous a suivis.
Après l'article 4, le Sénat avait introduit trois articles additionnels, conservés en CMP. Ils portaient sur la maraude, les services de transport organisés par les associations ou encore sur les outre-mer. Le Sénat avait supprimé l'article 6 et des dispositions réglementaires à l'article 5. La CMP a rétabli l'article 6 qui transfère aux chambres des métiers les examens d'aptitude. Nous n'y sommes pas opposés sur le fond. À l'article 8, la CMP a conservé l'obligation de résultat et celle de disposer d'un terminal de paiement électronique pour carte bancaire dans chaque véhicule. Le Sénat n'avait pas modifié les autres dispositions du texte.
Au total, le texte issu de la CMP, objet d'un échange constructif, est très proche de celui du Sénat. Il n'est globalement pas remis en cause par les acteurs concernés. C'est un vrai succès pour notre Assemblée. Si cette proposition de loi laisse certaines questions de côté, elle reste une étape indispensable et attendue, je vous invite donc à la voter. (Applaudissements)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Cette proposition de loi, déposée par le député Grandguillaume, fait suite à la médiation que le Gouvernement lui avait confiée en janvier 2016, à l'occasion de la crise entre VTC et taxis. Le texte est soutenu par les principales organisations de taxi et de VTC. Paradoxalement, une autre crise, de nature différente, est en cours, entre les chauffeurs VTC et les plateformes... Le Gouvernement fait tout pour inciter au dialogue, autour de Jacques Rapoport.
Cette proposition de loi marque de réelles évolutions. Les réponses ne peuvent venir que des taxis, des VTC et des LOTI : la solution doit être équitable. Ce texte contribuera à la simplification. Je remercie le rapporteur pour sa contribution déterminante, qui a permis de trouver un accord en CMP. Je pense à l'article premier, à la création de l'observatoire, au transfert des examens aux chambres des métiers qui renforcera la professionnalisation des chauffeurs. Le Gouvernement soutient pleinement l'adoption de la proposition de loi dans la rédaction issue de la CMP. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Bosino . - Je supplée Mme Didier aphone. (Celle-ci le manifeste par geste). La loi Grandguillaume nous semblait équilibrée. Autour de ce texte, taxis et VTC ont su renouer le dialogue pour sauver leur emploi et lutter contre le dumping social. Le texte final est un compromis acceptable, même s'il est en retrait par rapport au texte initial.
Le Sénat est revenu sur la suppression pure et simple de l'article 2 pour finalement accepter la mise en place d'une obligation restreinte de transmission des données. L'article 6 a aussi été rétabli. Enfin, la commission mixte paritaire a accepté la sortie du régime de la LOTI. Tant mieux. Ce texte pacifiera un secteur en plein désarroi économique, social et moral.
On ne peut passer sous silence le mouvement social des chauffeurs de VTC, auxquels on impose une commission relevée de 20 à 25 %, alors qu'ils gagnent 4 euros de l'heure ! Les actionnaires en veulent toujours plus... Au point que pour vivre de leur travail, les chauffeurs de VTC doivent travailler jusqu'à 14 heures par jour.
Outre qu'elle détruit progressivement le salariat, l'ubérisation pose bien des problèmes, notamment fiscaux. Point d'ubérisation heureuse ; elle n'entraîne que dépendance et paupérisation.
C'est pourquoi, le groupe communiste républicain et citoyen votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Guillaume Arnell . - Le 2 novembre dernier, lors de la première lecture du Sénat de cette proposition de loi, j'avais plaidé pour la régulation de ce nouveau secteur qui bouleverse les schémas traditionnels. La fiscalité applicable à ces plateformes, la paupérisation de la profession ne pouvaient être passées sous silence, disais-je alors et l'actualité me donne raison. Il n'est pas concevable que la mobilisation des chauffeurs de VTC reproduise des méthodes dénoncées il y a peu.
Un médiateur a été nommé pour travailler sur quatre thématiques : la tarification, les conditions de déconnexion des plateformes, la protection sociale et les charges. Un nouveau texte sera sans doute nécessaire pour traiter ces problèmes.
Derrière, se pose toute la question du projet de société que nous voulons : devons-nous nous plier aux exigences antisociales de certaines multinationales ou est-ce à elles de se plier à nos règles de protection des travailleurs ?
Ce texte a été définitivement adopté à l'Assemblée nationale ; le groupe RDSE confirme son regard différencié sur ce texte mais l'approuvera dans sa majorité. Il nous faut toutefois nous interroger, en tant que législateur, sur notre façon d'appréhender l'économie participative, qui évolue plus vite que le droit ! (Applaudissements à gauche)
M. Vincent Capo-Canellas . - Notre débat intervient en pleine grève des chauffeurs VTC, alors que la loi Grandguillaume devait régler les relations entre taxis et VTC. De crise en crise, les pouvoirs publics cherchent l'équilibre entre la modernisation des taxis et la régulation des VTC. Du fait du numerus clausus des taxis parisiens, le besoin est réel, car on manque de taxis et la demande va croissant. Il faut favoriser l'ouverture de la profession de taxi ; mais le système est ancien, rigide et pesant.
Cette proposition de loi procède à des rafistolages de la loi Thévenoud ; elle aura au moins apaisé, provisoirement, le secteur. Elle permet de conserver la paix sociale entre taxis et VTC loyaux en luttant contre le détournement du statut issu de la loi LOTI. Ce texte reste partiel, puisqu'il ne traite pas la question centrale du rachat des licences de taxi. Il semble que le Gouvernement ait abandonné l'idée du fonds de garantie. La question fondamentale n'ayant pas été résolue, le sujet reviendra forcément sur le tapis.
Cette proposition de loi nous laisse donc sur notre faim. Mais nous ne remettrons pas en cause l'accord trouvé en CMP, qui apporte tout de même certaines avancées pour les professionnels. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Guillaume Arnell applaudit également)
M. Jean Desessard . - Ce sujet, complexe, est revenu sur le devant de la scène ce week-end, sous une forme nouvelle : une grève des chauffeurs VTC contre Uber, accusé d'exploiter ses chauffeurs en augmentant de 20 à 25 % sa commission sur chaque course. Cet exemple est symptomatique des dérives de l'ubérisation : une économie ultralibérale, prédatrice pour ses employés.
Mme Évelyne Didier. - Ça, c'est vrai !
M. Jean-Pierre Bosino. - Absolument !
M. Jean Desessard. - Merci. (Sourires)
Le modèle économique d'Uber repose sur la précarité et le chômage de masse : on n'accepte que par nécessité de travailler dans de telles conditions ! D'ailleurs, Uber n'a pas réussi à s'implanter en Allemagne où il n'a pas trouvé un vivier de chômeurs suffisant ! Au Royaume-Uni, une décision de justice a obligé Uber à considérer ses chauffeurs comme des salariés. Dans les pays de droit romain, c'est le législateur plus que le juge qui s'est chargé de combler les vides juridiques.
Nous saluons le compromis trouvé par la CMP. Le Sénat a amélioré la rédaction de l'article premier. L'article 2, sur la transmission de données du secteur à l'administration, a été allégé. Dommage. L'article 6 confiant l'examen d'aptitude aux chambres de l'artisanat a été réintroduit, c'est heureux.
Ce texte devra être suivi d'une réflexion plus vaste sur le statut professionnel des chauffeurs. Le statut d'auto-entrepreneur ne peut continuer à être ainsi dévoyé ; le statut d'indépendant n'est pas adapté, celui de salarié n'offre pas la souplesse souhaitée... Il faudra aussi lutter contre des monopoles comme celui d'Uber. Nous préconisons la création d'un groupe de travail sur les plateformes collaboratives. Dans cette attente, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Yves Roux . - Je salue le travail et la ténacité qui ont permis l'adoption de cette proposition de loi. Merci à Jean-François Rapin, à Laurent Grandguillaume, qui ont fait aboutir ce texte de compromis sur un secteur en évolution permanente, avec une vingtaine d'organisations de taxis, une dizaine de VTC, une vingtaine de plateformes, toutes très différentes. Il fallait proposer des règles communes.
L'article 2 permet la transmission de données qui seront précieuses pour les autorités organisatrices de transports et les collectivités territoriales. L'article 3 interdit les clauses d'exclusivité ; l'article 4 mettra fin au détournement du statut issu de la LOTI ; l'article 6 met en place l'examen probatoire ; l'article 8 impose la possibilité de paiement par carte bancaire dans tous les taxis.
Il faudra aller plus loin sur le statut et les conditions de travail des chauffeurs. Le dialogue social ne doit être ni en option, ni à la carte. Preuve que l'État peut aussi être protecteur, régulateur et stratège ! J'en profite pour attirer l'attention sur la situation du régime social des indépendants. Nous devons parvenir à une harmonisation par le haut sur le plan fiscal et social. Le travail indépendant va rarement en ce sens. gagner 5 euros de l'heure et devoir travailler 80 heures par semaine, ce n'est pas une vie à proposer à nos jeunes. (M. Jean Desessard approuve)
Nous serons amenés à proposer d'autres outils de régulation. La totalité du secteur n'y perdra pas, tout le monde y gagnera ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)
Vote sur le texte élaboré par la CMP
Mme la présidente. - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme la présidente. - C'est l'unanimité !