Économie circulaire
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d'emploi ».
Mme Marie-Christine Blandin, au nom du groupe écologiste . - (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste) Ce débat intervient à la suite de la mission commune d'information sur le devenir des composants de téléphones portables dont j'étais rapporteure, sous la présidence de M. Longeot. Ce petit sujet nous a révélé des lacunes énormes sur la prise en compte de ces composants précieux et parfois toxiques : un devenir des téléphones obsolètes laissé au hasard des tiroirs des particuliers, à la timide reprise des opérateurs, suivie de scandaleuses mises aux enchères descendantes.
Nous avons visité les Ateliers du Bocade, partenaires d'Emmaüs, qui réparent et revendent ce qui peut servir et envoient les matières recyclables aux fonderies spécialisées, ainsi qu'une usine vers Anvers d'où sortent des lingots...
Les moyens, publics et privés, manquent pour financer les recherches sur des filières industrielles durables comme l'hydrométallurgie. On compte 100 millions de téléphones portables usagés en France et 24 millions de nouveaux appareils sont mis sur le marché chaque année. Le recyclage de 3 millions d'appareils crée 120 emplois ; il y a 200 grammes d'or dans une tonne de cartes téléphoniques, contre 2 grammes dans une tonne de minerai d'or
Notre mission appelle de ses voeux la mise en place d'une véritable stratégie pour créer des emplois et récupérer ces métaux précieux.
Les fabricants s'ingénient à rendre irréparables les téléphones : la sanction pour non-conformité est risible. Entre stimulation exacerbée à acheter un nouveau modèle ou injonction à mettre à jour son appareil, le consommateur est prisonnier.
Détruire la planète au bénéfice des intérêts extractifs et accumuler les déchets toxiques est suicidaire. Selon le rapport 2013 de l'Organisation internationale du travail (OIT), les coûts économiques liés aux pollutions, à l'épuisement des ressources et à l'érosion de la biodiversité se traduisent par des pertes d'emploi.
Pourquoi persistons-nous ? Ce qu'il faudrait, c'est un gisement de courage politique face à des lobbies bien enracinés.
L'extractivisme en revanche est dopé par l'exploration de nouveaux territoires rendus accessibles par le dérèglement climatique. À peine réglé le problème du gaz de schiste et de houille, certains se précipitent vers les hydrates de méthane...
L'économie circulaire, c'est l'optimisation des ressources, les déchets se transformant en matières premières. Nous plaidons pour un système sobre, fondé sur le recyclage et l'analyse du cycle de vie des produits. Le réemploi et le recyclage, la durabilité des produits, c'est la préservation des écosystèmes mais aussi la préservation des gisements stratégiques et la réduction de notre dépendance géopolitique, sans parler de la baisse des charges pour l'État et les collectivités et la relocalisation d'emplois.
L'économie circulaire emploie déjà 600 000 personnes en France. On pourrait créer 400 000 emplois de plus.
Ne confondons pas la frugalité ou la sobriété heureuse avec un simple toilettage du modèle économique classique adossé sur la consommation effrénée et l'obsolescence programmée. L'éco-conception, le durable plutôt que le jetable, le recyclable plutôt que l'extraction sont des choix politiques : les atermoiements sur la mise à jour du code minier ont montré la difficulté que nous avons à nous saisir de ce problème de raréfaction des ressources.
L'économie circulaire peut aussi contribuer à la lutte contre la mafia, sachant que seuls 35 % des déchets électroniques vont dans le circuit légal. Traiter une tonne de déchets coûte dix fois moins cher en Roumanie qu'en Italie : comment s'étonner dès lors de l'immonde décharge de Glina, près de Bucarest, ou de celle de Tirana ?
Il serait injuste de ne citer que les autres. Rappelez-vous le scandale des déchets naphtalinés d'Arcelor à Dunkerque...
L'économie circulaire ne se résume pas à la gestion de recyclables, qui sont le dernier maillon de la chaîne. Gardons-nous du Greenwashing, en bon anglais ! (Sourires) Si cette chaîne est transparente et bien pensée, éthique et de bon sens, elle préservera notre environnement et nos emplois et contribuera à la démocratie. (Applaudissements à gauche)
M. François Commeinhes . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Dans un monde confronté à la raréfaction des ressources, l'économie circulaire s'impose comme un nouveau modèle de développement et de croissance. Elle apporte des réponses aux problématiques actuelles : comment générer de nouveaux gains de productivité pour les entreprises, comment relocaliser les emplois ? Il s'agit de créer de la valeur à chaque étape en repensant la conception et la vie des produits, en privilégiant l'usage plutôt que la possession de biens, la réutilisation et le recyclage des composants.
Les territoires sont des lieux d'expérimentation de l'économie circulaire. C'est à Kalundborg, au Danemark, que serait apparu dans les années soixante ce modèle de symbiose industrialo-environnementale, avec une chaîne de recyclage de déchets industriels. Dans ma ville de Sète, l'incinérateur s'est mué en unité de valorisation énergétique avec un réseau de distribution de vapeur surchauffée : l'investissement sera rentabilisé en cinq ans seulement.
Des solutions innovantes, génératrices d'économie et respectueuses de l'environnement existent, comme le dispositif « Actif » en Midi-Pyrénées ou l'accompagnement d'entreprises en Languedoc-Roussillon pour réaliser un diagnostic énergétique personnalisé ; la thalassothermie, qui chauffera le futur éco-quartier et le centre balnéaire ou encore le recyclage des coquilles d'huîtres et de moules, utilisées une fois broyées dans l'agriculture, l'alimentation des volailles, la fabrication de certaines peintures ou le remblaiement des chemins...
Des alternatives à l'économie gaspilleuse doivent être engagées si l'on ne veut pas arriver au bout du bout de nos ressources.
Ces exemples d'initiatives locales montrent que, quand le bon sens prime, l'économie circulaire peut devenir réalité, loin des grandes messes idéologiques et témoigner de l'inventivité des territoires. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Jean-Pierre Bosino . - Le programme des Nations unies pour l'environnement montre que le niveau de consommation des ressources naturelles sera inacceptable d'ici 2050. L'économie circulaire, qui rompt avec notre manière de produire et de consommer, serait créatrice de nouvelles activités. Selon France Stratégie, elle créerait 800 000 emplois temps plein.
Économie de la proportionnalité, consommation responsable, tels sont quelques-uns des principes à mettre en oeuvre.
Comment concilier massification des flux, réduction à la source et principe de proximité ? Comment prendre en compte la question sociale ?
Depuis quelques décennies, nos tonnes de déchets sont considérées comme des gisements de matières premières. Sur 37 000 tonnes de cartes électroniques en 2012, 10 000 seulement ont été traitées : la perte de valeur est évaluée à 124 millions d'euros pour ce qui concerne l'or, soit l'équivalent de 800 000 tonnes de minerais !
Le bon déchet est celui que l'on ne produit pas. Lutter contre l'obsolescence programmée, diminuer l'enfouissement et l'incinération, voilà nos objectifs.
Le traitement des déchets en France limiterait les transports, garantirait des normes sanitaires et sociales et créerait des emplois. Mme Didier avait proposé d'intégrer l'objectif de proximité dans la proposition de résolution de MM. Kern et Delebarre sur la proposition de directive Paquet « déchets ».
Une délégation de salariés du groupe Samsung nous a appris qu'en Corée, des représentants du personnel avaient été menacés, séquestrés et licenciés pour avoir dénoncé les conditions de travail effroyables et les maladies professionnelles : 223 victimes en 2016, et 76 décès. Le groupe fait travailler les ouvriers chez eux, sur un poste à soudure au nickel, sans aucune protection : on imagine ce que cela peut donner.
Notre consommation repose sur l'exploitation éhontée des salariés !
L'emploi dans le secteur des déchets est souvent peu qualifié et concerne un public fragile. Sans contrôle, on expose les salariés à des problèmes sanitaires graves. Les syndicats, loin de freiner l'activité économique, jouent un rôle d'alerte.
L'économie circulaire est un secteur plein de promesses. Aux régions désormais de développer des plans pour les déchets et la formation professionnelle. (Applaudissements à gauche)
Mme Mireille Jouve . - Jouques dans les Bouches du Rhône, 4 300 habitants, 140 chômeurs de longue durée. C'est dans cette commune qu'on expérimente le dispositif « zéro chômeur de longue durée ». Le financement suit une logique d'activation des dépenses sociales. Isabelle Loss, conseillère municipale, affirme que l'on réinvente le rapport à l'emploi. L'économie circulaire représente un vivier d'emplois. Un rapport de l'Institut de l'économie solidaire en atteste. C'est ce que l'on observe à Jouques.
Je remercie les collègues écologistes d'avoir proposé ce débat. La logique du jetable n'est pas soutenable, vu la croissance démographique, la hausse de la consommation.
Il est temps de s'interroger sur l'économie circulaire, où l'utilisation des ressources et la production des déchets sont réduites au minimum, créant de nouveaux emplois. Bref une économie fondée sur la sobriété et le recyclage. Plus de matière grise, moins de matières premières, telle est la devise des architectes Julien Choppin et Nicola Delon, créateurs du pavillon circulaire sur la place de l'Hôtel de Ville de Paris. Près d'Auxerre, une « Wagabox » collecte le biogaz issu d'un centre naturel d'enfouissement de déchets non dangereux, puis le traite avant de le réinjecter dans le gaz de ville.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Très bien !
Mme Mireille Jouve. - Après un retrait controversé par la commission Juncker, le paquet européen « Économie circulaire » décline une série de mesures devant être discutées et précisées pour un déploiement d'ici à 2019. Ses mesures ont été renforcées par la commission Environnement du Parlement européen, notamment à propos du recyclage et de la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Isabelle Delannoy parle d'une économie « symbiotique » qui réunit les récentes innovations sur l'économie circulaire, du partage, sociale et solidaire.
Je conclus en détournant une formule de Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». (Applaudissements)
M. Hervé Maurey . - Je salue l'intérêt de nos collègues écologistes sur ce sujet capital. L'Ademe, France stratégie ou l'Institut Montaigne ont publié des rapports appelant au développement de l'économie circulaire. Les ressources de la terre ne sont pas infinies. Nos prélèvements ne sont pas soutenables. Il est urgent de renoncer au modèle linéaire : extraction, fabrication, consommation, déchet.
33 entreprises d'importance se sont déjà engagées en faveur de l'économie circulaire, le 1er février auprès de la ministre Ségolène Royal, ce qui modifiera aussi les pratiques de leurs fournisseurs sous le contrôle de l'Ademe et du WWF ; je salue cette initiative.
Dans la loi pour la croissance verte, c'est le Sénat qui a inscrit le principe de hiérarchie dans l'utilisation des ressources dans le code de l'environnement. Il était aussi prévu, à l'article 69, un rapport du Gouvernement sur la programmation des ressources. Hélas, dix-huit mois plus tard, celui-ci n'a pas encore été publié.
L'économie circulaire représenterait 800 000 emplois équivalents temps plein dans la réparation, la location, l'assainissement de l'eau, le recyclage des déchets. Ces secteurs sont plus dynamiques que les secteurs industriels classiques et peu délocalisables. Il faut donc les encourager.
En France, 60 % des déchets ménagers sont recyclés : c'est mieux que la moyenne européenne, mais moins bien qu'en Allemagne.
Il reste beaucoup d'efforts à faire car trop de déchets finissent dans les décharges municipales. Pourtant, une tonne de papier recyclé permet d'économiser dix-neuf arbres !
L'économie circulaire est aussi un instrument dans la lutte contre le réchauffement climatique : une bouteille en plastique recyclé permet une économie de 70 % de CO2 par rapport à une bouteille produite. C'est ce schéma gagnant-gagnant, pour l'emploi et l'environnement que nous devons défendre. (Applaudissements)
M. Jean Desessard . - Je placerai mon intervention sous le signe du bon sens, du pragmatisme et du discernement. Nous n'avons qu'une planète. Attention à ne pas la rendre inhabitable. L'eau et le soleil travaillent pour nous. Profitons-en. Pourtant on produit, on consomme, on emballe, on jette ! Désormais, dès le mois d'août, l'humanité a consommé tout ce qui est renouvelable en un an. Elle vit donc à crédit et chaque année la date avance...
Le mercure, le plomb, visés par les directives européennes font plus de dégâts qu'ils ne rendent de services.
Mais l'éco-conception ne s'improvise pas. Elle doit être pensée dès le départ, à l'inverse du nucléaire avec le casse-tête de ses déchets. Ce n'est pas M. Sido qui me contredira sur ce point !
L'obsolescence programmée est un scandale. Les batteries inamovibles dans les téléphones portables sont l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Vous devriez être assistée du ministre de la recherche, madame la ministre.
Il faut aussi réfléchir au partage de la valeur des produits recyclés : l'économie circulaire permettrait d'économiser 240 milliards de dollars en Europe grâce à la réduction de l'achat des matières premières. Vous devriez être assistée d'un ministre de Bercy, madame la ministre.
Bientôt la discussion sur le paquet européen débutera à Bruxelles. Il serait bon que le ministre des affaires européennes vous assiste madame la ministre.
Attention à ne pas répandre les matières toxiques dans la nature, les boues rouges dans les remblais des routes, car elles polluent les nappes phréatiques.
Créer de l'emploi et recycler est un beau programme, mais il réclame une action sincère et décidée. Dessiner un futur à vivre n'est pas un luxe. Merci à Mme Blandin d'avoir proposé ce débat. Je constate avec bonheur que notre préoccupation est partagée. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Nelly Tocqueville . - L'économie circulaire est un concept récent mais crucial. C'est un système économique dont l'objectif est de produire des biens en limitant le gaspillage. L'économie circulaire, définie par les économistes américains Pearce et Turner, s'oppose à l'économie linéaire fondée sur la chaîne extraction des ressources, fabrication, accumulation des déchets, avec pour conséquence la pollution de l'eau et l'environnement, l'épuisement des ressources.
Les ressources terrestres ne sont pas infinies. La hausse de notre consommation et de la population, jusqu'à 10 milliards d'individus en 2050, rend urgent un autre système. La loi pour la croissance verte de 2015 reconnaît l'économie circulaire et crée une stratégie nationale de transition. Elle se fonde sur l'approvisionnement durable, l'éco-conception, l'allongement de la durée d'usage et le recyclage. Il ne s'agit donc pas seulement des déchets. Si l'on veut atteindre l'objectif fixé par la COP21, il est urgent de revoir notre système économique. Les collectivités territoriales se sont engagées dans des démarches vertueuses. Les entreprises ont aussi un rôle à jouer. C'est pourquoi il faut sensibiliser les acteurs économiques, pour diminuer les gaspillages. Il y a des progrès à faire dans la construction, les services, la gestion des déchets, etc...
Rien qu'en France, le recyclage représente la création de 135 000 emplois.
Les consommateurs doivent aussi prendre conscience des enjeux environnementaux de la planète.
Préserver la planète dans le cadre d'une économie durable, tel est l'enjeu. Madame la ministre, pourriez-vous nous dresser un bilan des expérimentations menées en France ? (Applaudissements sur les bancs écologistes ainsi que du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Mandelli . - L'économie circulaire relève du bon sens, c'est une mécanique vertueuse. Dès 1974, René Dumont s'inquiétait de la pénurie de ressources si nous ne changions pas nos modes de consommation.
Bien d'autres rapports ont été publiés depuis, mettant en avant l'économie circulaire, dont il avait été question lors du Grenelle de l'environnement organisé par le gouvernement Fillon avec pour objectif de réduire les déchets.
En 2013, l'Ademe a présenté une stratégie fondée sur l'approvisionnement durable, l'éco-conception, l'allongement de la durée de vie, le recyclage et l'éco-fonctionnalité. La France produit 345 millions de tonnes de déchets, dont seulement 17 sont recyclés.
La loi sur la transition énergétique a consacré l'économie circulaire. En septembre 2015, la Commission européenne a proposé un nouveau paquet, proposant des mesures pour l'éco-conception, le gaspillage alimentaire, un programme de gestion des déchets.
Selon France Stratégie, l'économie circulaire représente déjà 800 000 emplois soit 3 % de l'emploi global en France, dont 40 % pour l'assainissement de l'eau. De nouveaux emplois, non délocalisables, peuvent être créés. La réparation et le recyclage des déchets sont des secteurs porteurs.
Comment accélérer la transition vers la croissance verte ? Voici quelques pistes : une fiscalité incitative ou l'accélération de la recherche et du développement.
Mme la présidente. - Il faut conclure !
M. Didier Mandelli. - Je fais confiance à la capacité de l'homme à s'adapter aux évolutions de son environnement. (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur les bancs écologistes)
Mme Nicole Bonnefoy . - La loi sur la transition énergétique a reconnu l'économie circulaire.
L'économie linéaire, fondée sur le jetable, n'est plus satisfaisante ni soutenable car elle comporte trop d'externalités négatives pour l'environnement - surexploitation des ressources minières et agricoles, pollution - et est porteuse d'injustice avec la privatisation des profits quand les coûts sont supportés par tous.
L'économie circulaire implique des réallocations sectorielles vers l'approvisionnement durable, l'éco-conception des produits, l'agro-écologie, la vente d'occasion, la réparation, l'économie du partage... En un mot, la sobriété. L'ubérisation de l'économie est déjà en marche. Mais elle rime trop souvent avec précarisation.
De même, les taux de recyclage en Europe sont insuffisants. Dans le contexte de désindustrialisation, dans une économie marquée par les délocalisations, l'économie circulaire apparaît comme une solution. Le Gouvernement a lancé des initiatives concrètes : lutte contre l'obsolescence programmée, augmentation de la part des déchets valorisés, réduction du recours aux sacs plastiques...
L'interdiction des sacs plastiques ou les incitations financières en faveur des circuits courts sont des avancées importantes, qui devront être approfondies lors de la prochaine législature. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-François Husson . - Notre pays doit convertir son industrie pour évoluer vers une économie circulaire. Il faut lutter contre le gaspillage. L'économie de demain sera l'économie de la fonctionnalité, qui privilégie l'usage sur la production. C'est une question de bon sens. La consommation illimitée de ressources naturelles limitées ne peut plus être la seule voie de croissance.
L'enjeu est de réconcilier économie et environnement. Il serait judicieux de rendre éligible l'économie circulaire au programme des investissements d'avenir.
Limiter la ponction sur les ressources naturelles est source d'économies. L'économie circulaire permettra la création d'emplois grâce à la reconfiguration des chaînes de valeur. Elle représenterait en France 800 000 emplois.
Je salue la création de l'Institut de l'économie circulaire ainsi que l'initiative de trente-trois grandes entreprises en faveur de cent engagements pour la valorisation des déchets.
Je propose quelques pistes : la mise en place d'un prix du carbone suffisant pour inciter à une économie moins carbonée, une TVA réduite sur les matières issues du recyclage, des mesures d'amortissement des flux de matières premières ou un plan de financement de l'économie circulaire. Le taux de recyclage en Europe est insuffisant.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. Hervé Maurey. - L'économie circulaire sera gage d'emplois dans une économie de sobriété heureuse. (Applaudissements)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - Il n'y aura pas de transition écologique possible sans économie circulaire. L'ambition de la France est d'être en pointe sur ce sujet. Elle a pris un temps d'avance avec la loi pour la transition énergétique.
Pas moins de 3 millions de tonnes d'emballages sont recyclés en France évitant l'émission de 2,1 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Grâce au volet « économie circulaire » de la loi de transition énergétique, on évitera de gaspiller 8,6 millions de tonnes de matière et 4 200 gigawatts-heure d'énergie en 2025.
L'économie circulaire représente déjà 545 000 emplois en France et, grâce au recyclage, nous importons moins de matières premières. Les territoires à énergie positive couvrent déjà 153 territoires pionniers et 30 millions d'habitants.
Monsieur Husson, 80 millions d'euros dans le cadre des Programmes d'investissement d'avenir (PIA) ont déjà été utilisés pour financer 96 projets.
Fin 2016, les quatorze décrets du texte sur l'économie circulaire de la loi sur la transition énergétique ont été adoptés : l'interdiction des sacs en plastique est la mesure la plus visible : trois mille emplois seront créés dans la plasturgie en France pour fabriquer des sacs compostables, alors que nous réduisons les déchets plastiques, très dommageables pour les océans.
Les assiettes et gobelets jetables en plastique, les micro-billes dans les cosmétiques, ainsi que les cotons-tiges en plastique seront bientôt interdits - grâce à un amendement sénatorial. Avec Ségolène Royal, nous avons appelé la création d'une coalition internationale pour lutter contre les sacs plastiques.
Nous voulons découpler croissance économique et consommation des ressources naturelles. Nous avons défini une stratégie quinquennale notamment pour l'économie circulaire. La brochure sur la valorisation publiée en janvier est un premier pas.
Nous avons aussi défini un plan de valorisation de la biomasse et de lutte contre l'artificialisation des sols, qui sera soumis au Parlement. Le Conseil national des déchets reste consultatif. Il faudra améliorer la gouvernance, avec le concours du Parlement.
Autre objectif, la réduction des déchets mis en décharge. Nous voulons développer un recyclage de proximité. Grâce à Évelyne Didier, la loi en fait mention.
En 2015, toutes les collectivités territoriales devront proposer un recyclage à la source, comme le font déjà les territoires à énergie positive, les communes « Compost Plus » ou la Ville de Paris qui a lancé une expérimentation dans certains arrondissements.
La loi crée un réseau de déchetteries pour professionnels accueillant les déchets du BTP, aux frais des entreprises. Le Conseil constitutionnel a récemment confirmé cette mesure.
La loi réaffirme le principe de synergie au sein des zones industrielles, pour que les déchets des uns constituent les ressources des autres.
La taxe sur la mise en décharge et l'incinération sera progressivement augmentée. Il est important que les citoyens qui trient se voient récompensés de leurs efforts.
La loi prévoit que 15 millions d'habitants en 2020, 25 millions en 2025, seront concernés par une fiscalité incitative.
Nous développerons une approche intégratrice sur l'ensemble du cycle de vie des produits. Pas moins de 275 000 emplois devraient être créés dans les professions de la déconstruction et de la réparation automobile, qui seront locaux et non délocalisables ; de même, une filière de déconstruction des bateaux de plaisance est en cours de développement, dont le cahier des charges sera publié prochainement.
En 2016, avec Guillaume Garot, notre majorité a lutté contre le gaspillage alimentaire. Une convention de dons des invendus a été passée avec les distributeurs de produits alimentaires qui a inspiré plusieurs autres pays européens.
En ce qui concerne la durée de vie des produits, je confirme à M. Desessard la transversalité de l'économie circulaire.
Le Sénat a publié récemment un rapport sur le devenir des téléphones portables - je rends hommage à Marie-Christine Blandin. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)
Vos chiffres sont édifiants et appellent des réponses. Les Smartphones contiennent de grandes quantités de métaux rares ou stratégiques, dont l'approvisionnement peut être source de tensions entre les pays et de pollutions environnementales. Il est surprenant qu'on nous demande actuellement d'ouvrir de nouvelles mines d'or en Guyane, alors que les téléphones portables dans nos poubelles ou qui dorment dans nos placards en contiennent de très fortes quantités !
L'obsolescence programmée est définie pour la première fois dans la loi de transition énergétique et devient un délit. La loi prévoit aussi l'expérimentation de l'affichage de la durée de vie des produits en magasin. Le ministère y travaille.
Le rapport du Sénat recommande justement de structurer la filière de collecte et de recyclage des déchets d'équipements électriques et électroniques. La loi de transition énergétique oblige tous les opérateurs de traitement de ces déchets d'être en contrat avec un éco-organisme de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) concernée. Cela limitera l'exportation illégale des matériaux - les métaux sont parfois récupérés clandestinement à l'étranger.
Les producteurs de téléphone doivent s'assurer de la récupération et du traitement des anciens modèles. Les sanctions applicables ont été renforcées dans le cadre de la loi sur la reconquête de la biodiversité, afin de dissuader les producteurs n'adhérant pas à un éco-organisme, ne pratiquant pas la reprise « un pour un » des déchets en magasin, ou ne respectant pas les réglementations concernant l'export de déchets.
La question de l'opportunité d'augmenter les durées de garantie des produits de deux ans à cinq ans, voire dix ans, pour certaines catégories de produits, a été posée dans la loi de transition énergétique. Le rapport que le Gouvernement doit rendre au Parlement sur ce sujet est en cours de concertation interministérielle et sera publié très prochainement.
Le Sénat a proposé de passer de deux à quatre ans pour les téléphones portables. De tels débats doivent être organisés à l'échelle européenne pour éviter des distorsions de concurrence. La France souhaite renforcer la garantie légale de conformité, modifier la directive européenne pour donner la priorité à la réparation et renforcer l'affichage de la disponibilité des pièces détachées.
Je rejoins le sénateur Bosino sur le cas édifiant de Samsung.
Ce débat s'inscrit dans une réflexion longue et doit devenir également... circulaire. (Sourires)
M. Bruno Sido. - On tourne en rond ! (Rires)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. - Je reprendrai quelques citations : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », « Moins de matières premières, plus de matière grise ». Tout est dit ! (Applaudissements sur la plupart des bancs)
La séance est suspendue à 17 h 40.
Salle Clemenceau
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 17 h 45.