Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Commission et délégation (Nominations)
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Délivrance des cartes nationales d'identité dans les communes nouvelles et les zones de montagne
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Frais de logement des rabbins et pasteurs
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Compétence scolaire lors de fusions d'EPCI
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Dysfonctionnements dans le système d'admission post-bac (APB)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Friches privées dans les centres-bourgs
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Technologie satellitaire et fracture numérique
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Élargissement du dispositif Pinel
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Politique éducative en milieu rural
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Centre de ressources autisme (CRA)
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Implantation d'un centre de protonthérapie à Toulouse
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Généralisation de l'autorisation de la PMA en France
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Baisse du nombre de contrats aidés
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Référencement des professionnels de tourisme
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Recrutés locaux des Affaires étrangères
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Victimes des effondrements de marnières
Nuisances de la ligne ferroviaire à grande vitesse Tours-Bordeaux
Projet de ligne à grande vitesse (LGV) Montpellier-Perpignan
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
Mme Florence Parly, ministre des armées
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont
Hommage à une délégation cambodgienne
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale (Suite)
M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois
M. Jacques Bigot, rapporteur de la commission des lois
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Redressement de la justice (Suite)
Discussion générale commune (Suite)
Discussion des articles de la proposition de loi
Discussion des articles de la proposition de loi organique
Ordre du jour du mercredi 25 octobre 2017
Commission des affaires européennes
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
SÉANCE
du mardi 24 octobre 2017
8e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Mireille Jouve.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Commission et délégation (Nominations)
M. le président. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes et qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.
Gelées noires
M. Jean-Yves Roux . - La filière arboricole a été très durement touchée par deux épisodes de gelées noires dans les Alpes-de-Haute-Provence. La capacité de production pour 2017 et 2018 est ainsi gravement affectée, ce qui menace la vitalité de la filière arboricole de ce département et en particulier ses exportations.
Or les procédures d'indemnisation des agriculteurs concernés ne prennent en compte qu'une petite partie des préjudices subis.
En effet, l'arrêté du 17 septembre 2010 déterminant les conditions générales d'indemnisation des calamités agricoles et de prise en charge des frais afférents prévoit des taux d'indemnisation par type et volume de perte qui ne correspondent pas à la réalité des dommages supportés lors de ces deux épisodes.
Des dispositions exceptionnelles ont déjà été mobilisées lors d'épisodes similaires dans d'autres départements. L'arrêté du 1er juin 2013 portant modification du taux d'indemnisation applicable aux pertes supérieures à 80 % subies par les arboriculteurs des Hautes-Alpes à la suite du gel des 16 et 17 mai 2012 a ainsi prévu que, pour une tranche de perte supérieure à 80 %, le taux d'indemnisation de base soit porté à 50 % au lieu de 35 %.
Je demande une adaptation similaire pour les arboriculteurs de Haute-Provence. Les agriculteurs de montagne sont les premières victimes du changement climatique. Comment comptez-vous les aider ? Allez-vous accélérer les procédures d'indemnisation ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Les services de l'État sont pleinement mobilisés pour évaluer les dommages et accompagner les exploitants.
Les agriculteurs peuvent avoir recours à plusieurs outils tels que la mise en activité partielle de leurs salariés, le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ou encore le report de cotisations à la MSA.
Pour la filière arboricole, les pertes de récolte sont éligibles au régime des calamités agricoles. La majorité des dossiers seront examinés au prochain CNGRA. L'arrêté du 17 septembre 2010 prévoit un taux d'indemnisation entre 20 et 35 %. Il n'est pas prévu de les majorer. Mais face à la multiplication des intempéries, nous devons développer d'autres solutions.
Les exploitants agricoles et notamment les arboriculteurs doivent assurer leur production contre les risques climatiques. L'État accompagne ces dispositifs assurantiels, jusqu'à 65 % de la prise en charge des primes d'assurance. Mais il est également important de mieux communiquer pour adapter les solutions à chaque situation individuelle, par exemple en abaissant les franchises.
M. Jean-Yves Roux. - Monsieur le ministre, une gelée noire c'est exceptionnel et une perte conséquente. Réfléchissez bien à nos demandes.
Insecticides bio
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Le fongicide polyvalent avec effet insecticide dénommé « bouillie sulfocalcique » ou « bouillie nantaise » et de l'insecticide biologique dénommé « neemazal » sont indispensables au traitement des vergers labellisés biologiques. Ils sont homologués par l'Union européenne et en vente depuis de nombreuses années en Allemagne, en Italie ou en Suisse où ils sont d'ailleurs commercialisés sans aucune restriction.
Or, en France, ces agents actifs font l'objet d'une dérogation annuelle délivrée sous couvert de la Direction générale de l'alimentation.
Il n'existe pas de produits de substitution pour lutter efficacement contre les pucerons des arbres fruitiers et sans ces produits de base, la pérennité de l'arboriculture biologique n'est pas assurée.
Je vous demande donc d'aligner la réglementation française sur celle des autres États membres de l'Union européenne afin que ces produits bénéficient d'une homologation permanente au titre de produits biologiques.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Le neemazal, approuvé en 2011 par l'Union européenne, permet de lutter contre le puceron cendré. Du fait de son origine naturelle, cette substance est utilisable en culture biologique. Six demandes d'autorisation de mise sur le marché ont été déposées à ce jour en France. Des décisions sont attendues dès 2018.
Le ministère de l'agriculture a délivré des autorisations dérogatoires de 120 jours pour le neemazal.
La bouillie nantaise est une préparation à base de soufre, efficace contre de nombreuses maladies de fruits. Il s'agit d'une alternative intéressante au cuivre. La plupart des préparations au soufre sont autorisées en France pour les cultures biologiques. À ce jour, seule une entreprise a montré son intérêt pour une telle préparation, mais elle a décidé de soumettre sa demande d'autorisation de mise sur le marché en Espagne afin de solliciter ultérieurement une mise sur le marché en France par la voie de la reconnaissance mutuelle. L'examen du dossier en Espagne n'est pas achevé : aussi, aucune demande d'autorisation de mise sur le marché n'a été sollicitée en France.
Mme Patricia Morhet-Richaud. - L'arboriculture est durement frappée par des crises structurelles et conjoncturelles. Les exploitants s'engagent dans une démarche qualitative, privilégiant le bio. L'État français ne peut tolérer de distorsions de concurrence, surtout pour la filière pomme-poire.
Délivrance des cartes nationales d'identité dans les communes nouvelles et les zones de montagne
M. Bernard Delcros . - La délivrance des cartes nationales d'identité a été réformée dans le cadre du programme « préfectures nouvelle génération », généralisée en France au mois de mars 2017, et impose que le recueil de la demande de carte d'identité s'effectue au moyen d'un dispositif technique appelé dispositif de recueil (DR).
À ce jour, seules 2 088 communes sont dotées du DR et donc habilitées à délivrer les cartes d'identité. Il convient d'envisager des évolutions pour tenir compte de la spécificité des territoires et de l'évolution de l'organisation territoriale.
Dans les territoires de montagne où les déplacements sont difficiles, le plan devrait être révisé. Dans le Cantal, 9 communes sur 247 sont actuellement équipées du DR, alors que d'autres jouent un rôle de bourg-centre. Une approche objective prenant en compte les temps de trajet et les difficultés d'accès justifierait d'autoriser ces communes à délivrer les cartes d'identité.
Par ailleurs, des communes rurales ont fait le choix difficile de se regrouper au sein d'une commune nouvelle pour optimiser leurs compétences et mutualiser leurs moyens. Cette modification confère à ces communes nouvelles de nouvelles offres de services qui justifieraient la délivrance de cartes d'identité.
La ruralité a besoin de messages positifs. J'espère que vous répondrez favorablement à ma demande de bon sens.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Dans un rapport publié en juin 2016, l'inspection générale de l'administration avait calculé le nombre de DR supplémentaires qu'il convenait d'installer pour répondre aux demandes, dans le respect de l'égalité des territoires : 278 stations supplémentaires ont ainsi été déployées fin 2016, auxquelles s'ajoutent les 250 dispositifs supplémentaires que le ministère de l'intérieur a débloqués en mars 2017. La répartition a été confiée aux préfets qui doivent prendre en compte le taux d'utilisation des stations existantes et la fréquence des délais de rendez-vous supérieure à 30 jours.
Dans le Cantal, le taux d'utilisation peu élevé des nouveaux dispositifs et les temps d'attente de rendez-vous satisfaisants ont conduit le ministère à reconduire le dispositif existant.
J'ai bien entendu vos objections sur l'accessibilité difficile en zone de montagne et sur les communes nouvelles. Un simple ordinateur équipé d'un scanner suffit à aider les usagers à effectuer la pré-demande, qui n'exclut pas la prise des empreintes digitales. En outre, un dispositif mobile itinérant a été mis en place dans chaque département, notamment à destination des personnes âgées et hospitalisées qui ne peuvent pas se déplacer. Les maires des communes intéressées peuvent signer une convention avec le préfet pour en bénéficier.
M. Bernard Delcros. - Malheureusement, les critères retenus sont purement urbains : taux d'utilisation et temps d'attente de rendez-vous ne sont pas pertinents pour la ruralité. La réponse juste, ce n'est pas la même pour tous, mais celle qui est adaptée à chaque territoire. Envoyons des messages positifs à la ruralité et réduisons la fracture territoriale.
Frais de logement des rabbins et pasteurs
Mme Christine Herzog . - Pour le culte catholique dans les trois départements d'Alsace-Moselle, les frais de logement du prêtre desservant et de réparation du presbytère sont répartis entre les conseils de fabrique dont le desservant a la charge et donc, indirectement, entre les communes concernées.
Quelles sont les règles applicables pour les frais de logement, de fonctionnement et de réparation du logement d'un rabbin ou d'un pasteur protestant ? Le cas échéant, quels sont les critères administratifs précis de délimitation du ressort territorial à prendre en compte pour définir les communes concernées par la répartition ?
Des interrogations du même type se posent au sujet de la répartition des dépenses de grosses réparations des temples protestants et des synagogues. Cette problématique a été évoquée en détail par la question écrite n°440 du 13 juillet 2017 de M. Masson, qui n'a malheureusement pas obtenu de réponse. Or il y a un vide juridique car les fabriques catholiques n'ont pas d'équivalent pour les cultes protestants ou israélites. Lorsque des travaux doivent être réalisés dans un temple ou dans une synagogue, la commune d'implantation doit-elle assurer seule le financement ou ce financement incombe-t-il à l'ensemble des communes concernées ? Le cas échéant, quel est le critère administratif précis qui délimite les communes concernées ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - S'agissant des frais de logement des ministres du culte d'Alsace-Moselle, les communes ont la charge exclusive du versement d'une indemnité de logement en l'absence de presbytère ou de logement mis à disposition. Ces modalités sont précisées par une ordonnance de 1842 qui prévoit l'intervention du préfet pour déterminer le montant d'indemnité logement et la répartition entre communes pour les ministres des cultes protestants et israélites.
En revanche, les frais de rénovation incombent à titre principal aux établissements publics du culte, à savoir la fabrique d'église, le conseil presbytéral ou le consistoire israélite départemental. Ce n'est qu'en cas d'insuffisance de ressources de ces établissements publics que les communes composant la circonscription religieuse sont appelées à participer à titre subsidiaire en application de l'article L. 2543-3 du CGCT.
Pour le culte catholique, les modalités de cette intervention communale sont précisées par l'article 4 de la loi du 14 février 1810. Cependant, aucune disposition équivalente ne s'applique aux autres confessions. Il est communément admis que pourrait être appliquée par analogie la règle de la répartition des charges selon la loi précitée. La fixation des ressorts rabbiniques a, en revanche, fait l'objet de mesures règlementaires permettant d'identifier les communes appelées à participer à ces frais.
Mme Christine Herzog. - Merci de cette réponse.
Compétence scolaire lors de fusions d'EPCI
Mme Anne-Catherine Loisier . - L'harmonisation de la compétence scolaire après la fusion de deux communautés de communes au sein d'une nouvelle intercommunalité pose problème. La mise en oeuvre de la compétence scolaire sur l'ensemble du périmètre d'une nouvelle intercommunalité s'avère parfois complexe, d'autant que la loi NOTRe prévoit des délais d'harmonisation des compétences hétérogènes ; d'un an pour les compétences optionnelles et de deux ans pour les compétences facultatives.
La compétence scolaire est très singulière et a de lourdes conséquences financières. Les trois étapes que sont le choix de la reprise, la définition de l'intérêt communautaire et la réunion de la CLECT ne peuvent être dissociées dans le débat mené avant le 31 décembre 2017. Chaque choix, étroitement lié l'un à l'autre, est d'autant plus complexe que, lors de certaines fusions, une communauté exerçait pleinement la compétence depuis de nombreuses années. On ne peut donc délibérer sur le choix de cette reprise sans être d'accord préalablement sur l'intérêt communautaire qui lui-même peut supposer une restitution partielle de la compétence à l'une des communautés de communes. En outre, un accord unanime de la CLECT est nécessaire.
En outre, ces discussions se déroulent alors que les élus doivent trancher d'autres débats comme la reprise de la compétence Gemapi, les zones d'activités ou encore la compétence eau.
Le calendrier proposé ne permet pas d'envisager un débat serein. En outre, dans beaucoup de communautés de communes, le personnel et l'ingénierie ne sont pas en place pour éclairer les élus.
Un délai supplémentaire est-il envisageable ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Les délais pour harmoniser la compétence scolaire à la suite de la fusion de deux communautés de communes au sein d'une nouvelle intercommunalité se distinguent selon que la compétence est facultative ou optionnelle.
Dans le cas de compétence facultative, une nouvelle communauté de communes dispose d'un délai de deux ans pour conserver ou restituer la compétence. En revanche, pour les compétences optionnelles - il s'agit des bâtiments pour les compétences scolaires - le délai n'est que d'un an. Si elle décide de conserver la compétence optionnelle, la communauté de communes doit ensuite décider de l'intérêt communautaire de la compétence dans les deux ans qui suivent la date de son arrêt de fusion. Jusqu'à la prise de délibération actant l'intérêt communautaire, et dans le délai d'un an après l'entrée en vigueur de la fusion, un exercice territorialisé temporaire de la compétence « bâtiments scolaires » peut être admis. Au-delà de ce délai, la définition de l'intérêt communautaire permet à la nouvelle communauté de déterminer les composantes de cette compétence qui seront exercées à son niveau.
En outre, jusqu'à la définition de cet intérêt communautaire, et au plus tard dans le délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la fusion, l'intérêt communautaire défini au sein de chacun des anciens EPCI ayant fusionné, est maintenu.
Si la nouvelle communauté restitue la compétence en matière de bâtiments scolaires à ses communes membres, mais que tout ou partie de ces communes ne souhaite pas exercer cette compétence en propre, elles peuvent confier cette compétence à un service commun créé par voie de convention avec l'EPCI dont elles sont membres. Il est alors souhaitable que la création du service commun soit menée rapidement.
Je pense ainsi répondre à votre préoccupation, madame la sénatrice : la compétence scolaire peut être conservée dans son ensemble, à l'échelle du périmètre antérieur, sans avoir recours à la création d'un syndicat.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Avouez que les délais sont courts pour mener ces réflexions ; il faut aussi tenir compte du calendrier scolaire.
Dysfonctionnements dans le système d'admission post-bac (APB)
Mme Chantal Deseyne . - APB est le portail centralisant l'ensemble des démarches d'inscription dans le supérieur. Depuis la mise en place du système « d'orientation des bacheliers vers différentes formations proposées au niveau supérieur », la complexité et l'opacité du système sont régulièrement critiquées.
Le médiateur de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur a présenté en juin 2017 un rapport où il souligne la nécessité d'améliorer l'information des familles sur la procédure, et rappelle que « l'algorithme utilisé doit être transparent pour tous ».
En juillet 2017, plus de 86 000 candidats n'avaient pas de place et plusieurs milliers d'entre eux étaient encore dans cette situation fin septembre. Beaucoup ont eu le sentiment de jouer leur avenir à la loterie. Plus de transparence est nécessaire.
Le Gouvernement a annoncé la fin du tirage au sort pour l'an prochain, mais la procédure d'admission continuera à utiliser un algorithme.
Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour donner plus de transparence au processus et répondre aux exigences de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). La loi informatique et liberté dispose « qu'aucune décision produisant des effets juridiques sur une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé destiné à définir le profil des intéressés ».
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Le 25 septembre 2017, la CNIL a critiqué l'absence de traitement personnalisé et humain des étudiants, ainsi que le manque d'information des lycéens quant aux droits qui leur sont reconnus par la loi informatique et liberté de 1978. Dès juillet, le Gouvernement a reconnu que le système APB était un immense gâchis.
Le rapport de la Cour des comptes du 19 octobre 2017 a déploré l'opacité du fonctionnement algorithmique d'APB et l'absence de fondement juridique à la procédure de tirage au sort. Le consensus est là. Il n'y aura désormais plus de tirage au sort. La transparence devra être garantie en introduisant davantage d'humanité.
La problématique du premier cycle est plus large. Deux tiers des étudiants échouent à obtenir leur licence en trois ans. C'est pourquoi le 17 juillet, j'ai lancé des consultations en vue d'une réforme systémique du premier cycle. Le 19 octobre, Daniel Filâtre m'a remis un rapport sur lequel je m'appuierai pour présenter un projet de loi : la réforme sera globale. Nous garantirons la transparence du nouveau système, grâce à un service national adossé à un comité d'éthique composé de scientifiques et de juristes.
Mme Chantal Deseyne. - Merci. Madame la ministre, il est temps de changer de système. L'orientation doit avoir lieu bien en amont. Des prérequis sont nécessaires : ils assureront une entrée plus juste et plus transparente en première année.
Friches privées dans les centres-bourgs
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Ma question porte sur les biens sans maître auxquels sont confrontées bien des équipes municipales. L'impossibilité de retrouver les héritiers ou le refus d'accepter certaines successions immobilières font que de nombreuses communes sont affectées par des biens non entretenus, souvent au sein même de leurs centres-bourgs.
Ces biens non entretenus se détériorant inexorablement, les maires sont conduits à prendre des arrêtés de péril, avant de devoir les faire démolir aux frais de la commune.
En effet, les domaines qui, in fine, deviennent propriétaires de ces biens « sans maître », répondent lorsqu'ils sont sollicités par les élus, qu'ils n'ont pas de ligne budgétaire pour financer ces démolitions. Les communes se retrouvent seules à assumer ces travaux qui viennent grever des finances locales déjà fortement pénalisées par les baisses de dotations.
À titre d'exemple, citons le cas de la commune de Magnac-Laval, en Haute-Vienne, qui compte 2 000 habitants et qui, avec un budget communal de 2 millions d'euros, doit assumer la démolition d'un bâtiment pour un coût de 100 000 euros.
Comment l'État peut-il accompagner les élus ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Je connais cette problématique à laquelle j'ai été directement concerné comme élu local. Il existe deux procédures. La première, celle de l'abandon manifeste, est réglée par l'article L. 22-43 et suivants du CGCT. Après le constat d'un bien non entretenu, l'expropriation simplifiée est prononcée avec versement d'une indemnité.
L'autre est celle des biens sans maître, qui permet une incorporation sans indemnité dans le domaine privé ou public de la commune. Ces deux procédures sont peu utilisées. J'ai demandé une réflexion sur celles-ci dans le cadre d'une réforme future.
Enfin, l'Anah peut disposer de moyens pour financer la démolition en cas de péril imminent.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Merci pour ce rappel. Les élus, auxquels on demande de maîtriser la dépense, se désolent de devoir faire face à de tels frais contraints et improductifs.
Technologie satellitaire et fracture numérique
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Depuis le dépôt de ma question en juillet dernier, votre communiqué de presse du 27 septembre dernier a annoncé une mobilisation de toutes les technologies disponibles, dont la solution satellitaire, pour assurer l'accès de l'ensemble des foyers au haut débit - de 8 à 30 mégabits - dès 2020.
La France dispose de grands champions en matière de technologie satellitaire comme Eutelsat. Cependant, cette technologie rencontre un problème de saturation. Les collectivités locales engagées dans l'aménagement numérique de leur territoire ont en effet besoin de visibilité sur la part des foyers que cette technologie pourrait permettre d'atteindre aux côtés des technologies autres que la fibre.
Dans quelle mesure le Gouvernement aura-t-il recours à cette technologie satellitaire et par quelles politiques publiques l'encouragera-t-il, compte tenu des échéances annoncées ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Merci de souligner que le Gouvernement s'est déjà engagé pour que la technologie satellitaire entre dans le mix technologique, au service de l'accès le plus large possible au très haut débit : nous sommes pragmatiques et notre objectif est d'assurer une connectivité effective de chaque foyer dès 2020. L'Agence du numérique a commencé un travail de diagnostic, département par département, pour identifier les foyers qui ne seront pas couverts par le haut débit à cette échéance - et pour lesquels le satellite sera une solution, pour le moment - je vous prie de m'excuser pour l'imprécision : le potentiel est évalué entre 500 000 et 800 000 foyers.
Quant aux mesures de soutien à cette technologie, les mesures prises dans le cadre du plan très haut débit seront adaptées aux progrès réalisés par l'industrie satellitaire.
Élargissement du dispositif Pinel
M. Cédric Perrin . - Rabotage, exclusion de certaines communes du dispositif de prêt à taux zéro : les coups durs se multiplient pour les territoires ruraux, que vous laissez mourir au lieu de les soutenir. Pourquoi exclure les zones B2 et C des avantages de la loi « Pinel » ? Ce faisant, vous faites encore perdre de l'attractivité à des milliers de zones rurales qui connaissent déjà les pires difficultés pour maintenir leur activité. Dans le même temps, avec la diminution des APL et du soutien au logement social, c'est la disparition de l'ensemble du parc social qui est en marche. Dans le Territoire de Belfort, le budget d'investissement des bailleurs sociaux passera de 20 millions à 5 ou 6 millions d'euros : les opérations neuves en seront stoppées et la dégradation du parc existant s'en trouvera aggravée.
Tout en vous prévalant de pragmatisme et de bon sens, vous menacez tout un écosystème, des constructeurs aux bailleurs, et vous confortez la désertification rurale. Pouvez-vous calculer les économies qui résulteront de ces mesures d'exclusion fiscale et les évaluer au regard des pertes dans les territoires ruraux ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Le bon sens, c'est de ne pas entrer dans la polémique, surtout quand elle est injustifiée - et je n'ai guère de leçons à recevoir sur la désertification rurale, surtout au vu des dégâts occasionnés par les deux derniers quinquennats.
L'article 68 de la loi de finances 2017 prévoyait une extension du dispositif « Pinel » à certaines zones C, sous réserve d'un agrément du préfet de région, après avis conforme du Comité régional de l'habitat et de l'hébergement ; ce décret a été publié au Journal officiel le 5 mai 2017, contrairement à ce que vous affirmez dans le texte de votre question. Or seulement vingt communes en ont bénéficié : c'est dire que cette extension n'a guère été incitative, voilà la réalité.
Quant au prêt à taux zéro, le président de la République a clairement dit qu'il sera mis en place dans les deux ans qui viennent pour toutes les communes en zone B2 et en zone C, c'est-à-dire avant la date initialement prévue.
Soyons précis. Le bon sens, c'est d'avoir une approche équilibrée et juste de ce qui est fait. Je poursuis le dialogue avec l'Union sociale pour l'habitat et les bailleurs sociaux pour trouver des solutions constructives, au service de l'intérêt général.
M. Antoine Lefevre. - C'est indispensable !
M. Cédric Perrin. - Vous privilégiez clairement les métropoles aux dépens des zones moins urbaines. Où est la politique juste ? Je n'ai pas mentionné la loi « Pinel » en zone C, mais en zone B2. Nous sommes dans des territoires difficiles. Dans la commune de Belfort, qui compte 42 % de logements sociaux, vos mesures auront des conséquences catastrophiques. Avec le plan Alstom, nous vivons une période compliquée : il faut requalifier de grandes friches industrielles, le logement doit y avoir sa place. Le Pinel est indispensable pour la construction de nouveaux logements, mais vous nous en privez l'usage, au seul bénéfice des métropoles.
Politique éducative en milieu rural
Mme Josiane Costes . - Avec la déprise démographique, les établissements scolaires du second degré perdent des élèves dans les territoires ruraux. C'est le cas dans le Cantal : il y avait 101 collégiens internes l'an passé, contre 128 l'année précédente, pour 600 places disponibles dont la moitié ont été rénovées récemment. Quel sera le rôle des nouveaux internats « liberté » ? De quelles marges de manoeuvre les collectivités territoriales disposeront pour faire prendre en compte les réalités de la ruralité ?
Dans un contexte de regroupements pédagogiques intercommunaux, là où la densité pédagogique est trop faible, les élèves ont un temps de trajet très long, particulièrement en zone de montagne. Envisagez-vous des mesures dérogatoires aux regroupements pour éviter des fermetures d'écoles ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - En juillet dernier, lors de la Conférence des territoires organisée au Sénat, le président de la République a clairement rappelé son attachement au service public de l'éducation dans les territoires ruraux.
Le ministre de l'éducation nationale a conforté le conventionnement entre l'État et les collectivités territoriales pour proposer, d'ici fin 2018, des solutions adaptées à chaque territoire, à partir de diagnostics partagés. Il souhaite également relancer le plan internat en milieu rural, qui concerne quelque 200 000 lits, dont un nombre trop important sont inoccupés ; une réflexion est lancée pour rapprocher écoles et collèges dans la ruralité, mettre en place des internats d'excellence.
Le président du conseil départemental de votre département, M. Faure, a souhaité se lancer dans cette expérience d'internats d'excellence, le ministre y est favorable et j'y veillerai personnellement.
Mme Josiane Costes. - Merci pour ces paroles encourageantes.
Centre de ressources autisme (CRA)
M. Philippe Mouiller . - Environ 8 000 enfants naissent chaque année avec un trouble du spectre autistique. Pour ces enfants repérés, la mise en oeuvre d'un diagnostic précoce et adapté a permis une réponse médicale avant que les effets ne deviennent irréversibles.
Cependant, nous ignorons tout de tous les autres enfants nés porteurs de ce handicap sans repérage préalable. Beaucoup de familles peinent à avoir accès au dépistage. En effet, les structures chargées du dépistage précoce de l'autisme, les centres de ressources autisme (CRA), d'après un récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), sont insuffisamment déployés sur le territoire national, parfois composés de personnes insuffisamment formées, surchargés au point de rendre leurs conclusions après des délais d'attente de près d'un an et demi. Ils peinent à remplir leur mission.
Le troisième plan autisme avait désigné la réorganisation du réseau des CRA et l'homogénéisation de leurs pratiques comme priorité. Le décret du 5 mai 2017 a posé quelques « conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement ».
Est-ce bien suffisant ? Peut-on se contenter d'un seul CRA par région et se satisfaire qu'un CRA doive parfois s'associer à un centre hospitalier spécialisé, autrement dit un hôpital psychiatrique, pour exister ? Comment peut-on tolérer que les recommandations de bonnes pratiques ne soient nulle part mentionnées ?
Les personnes atteintes d'un trouble du spectre autistique se trouvent davantage exposées aux ruptures de parcours, aux carences de l'offre médico-sociale, à l'inadaptation des solutions actuellement proposées. L'autisme est un handicap évolutif dont les impacts peuvent être limités lorsqu'un diagnostic médical suffisamment précoce est porté.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour favoriser la diffusion de ces diagnostics ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Le handicap et l'autisme sont une priorité du quinquennat. Les CRA sont des dispositifs majeurs de prise en charge. La publication tardive du décret que vous mentionnez traduit une réflexion approfondie. Il aura fallu trois ans pour confirmer la juste place des CRA comme centres experts et centres ressources, place essentielle pour garantir le bon fonctionnement du triptyque de prise en charge.
Notre ambition est de remédier aux insuffisances encore existantes dans le nouveau plan qui sera remis en 2018. Nous y travaillons avec la ministre Agnès Buzyn, qui est pleinement engagée sur ce sujet.
M. Philippe Mouiller. - Nous attendons avec impatience vos propositions. Nous restons ouverts pour participer aux réflexions sur le plan autisme.
Implantation d'un centre de protonthérapie à Toulouse
Mme Brigitte Micouleau . - Technique de radiothérapie utilisant des faisceaux de protons, la protonthérapie est reconnue comme la méthode permettant de cibler le mieux la tumeur tout en épargnant les tissus sains voisins. Moins toxique que la radiothérapie classique, elle permet ainsi de s'attaquer à des cancers développés par l'enfant, tels que des tumeurs neurologiques ou de la colonne vertébrale, mais aussi chez l'adulte, au cancer de la prostate ou encore des sinus.
Le troisième plan cancer, qui court sur la période 2014-2019, a prévu des autorisations pour l'ouverture d'un centre de protonthérapie.
Le grand quart sud-ouest de la France et celui de l'Europe sont dépourvus de toute offre de cette nature. Toulouse, première métropole de France en matière de développement démographique et économique et qui compte déjà plus de 760 000 habitants, jouit d'une situation géographique qui permettrait de répondre de la meilleure des façons aux enjeux d'égalité territoriale d'accès à ce traitement innovant, et ce aussi bien sur le plan national que continental du fait de sa proximité avec la péninsule ibérique.
Par ailleurs, forte de l'Oncopole, pôle de recherche sur le cancer et l'innovation médicale à dimension européenne, la métropole toulousaine peut déjà compter sur une dynamique médicale et scientifique de très haut niveau. Mobilisés depuis maintenant trois ans sur ce dossier, médecins, chercheurs, ingénieurs, industriels et collectivités territoriales rassemblés au sein du projet Pericles 2 ont réalisé un travail extraordinaire et n'attendent plus qu'un signe du Gouvernement pour engager les investissements provisionnés. Pouvez-vous nous préciser le calendrier prévu ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - L'accompagnement des évolutions technologiques et thérapeutiques est une des priorités du Gouvernement. Aucun projet d'implantation de centre de protonthérapie n'étant prévu dans le plan cancer 2014-2019, les agences régionales de la santé ont sursis à décision d'autorisation en la matière. Les démarches d'évaluation sont en cours devant la Haute Autorité de santé. Le centre Claudius Regaud, à Toulouse, fait preuve de volontarisme. Il devrait inscrire son projet dans le cadre du programme national de recherche de santé publique.
Mme Brigitte Micouleau. - Je reste inquiète sur la création de centres de protonthérapie. Je regrette ce qui ressemble à un abandon des engagements de l'État.
Prise en charge de l'AVC
Mme Maryvonne Blondin . - L'AVC fait une victime toutes les quatre minutes. Il constitue en effet un enjeu de santé publique majeur : affectant chaque année près de 130 000 personnes, il est la première cause de mortalité chez la femme et la troisième chez l'homme. Il est également la première cause de handicap physique acquis chez l'adulte. Son coût est estimé à 4,5 milliards d'euros par an. Ma région est particulièrement touchée. Face à ces risques, la pratique de la thrombectomie mécanique représente une avancée médicale capitale, elle réduit considérablement les risques de décès et de séquelles chez les personnes qui en sont victimes. Encore faut-il que cette technique soit disponible sur tout le territoire.
De nombreuses zones géographiques sont trop éloignées des centres où elle est pratiquée. Or le délai de prise en charge est fondamental : une minute de retard dans la prise en charge, c'est deux millions de neurones en moins. Il faut garantir une réelle égalité d'accès aux techniques les plus utiles.
Il faut, également, renforcer la prévention de l'AVC et la sensibilisation aux signes annonciateurs : difficulté à sourire, paralysies temporaires, fourmillements. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Les maladies cardio-neuro-vasculaires sont la deuxième cause de mortalité en France, avec 180 000 décès par an. Nous en renforçons la prévention et la prise en charge, avec des outils d'aide à la décision comme la télémédecine et la télésurveillance. La thrombectomie mécanique est aussi une solution intéressante, qui peut assurer une récupération quasi totale à trois mois chez les victimes : quelque 60 000 à 80 000 AVC seraient susceptibles d'être ainsi thrombolisés.
La prise en charge de cette technique d'intervention doit évoluer. En février 2016, le ministère, avec la CNAM et la HAS, a mis en place un comité de pilotage « Thrombectomie mécanique par voie endovasculaire des accidents vasculaires cérébraux ». Depuis novembre 2016, la Haute Autorité de santé a annoncé la reconnaissance de l'acte de thrombectomie et son inscription au remboursement de l'assurance maladie. Plus de trente projets de télé-AVC sont inscrits dans les projets régionaux de santé (PRS).
Tout cela devrait favoriser un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire.
Mme Maryvonne Blondin. - L'Union européenne a développé un dispositif expérimental - le Spices - pour prévenir les maladies cardiovasculaires en impliquant tous les acteurs de la communauté médicale et les acteurs du territoire dans l'objectif d'enseigner les signes de l'AVC au plus grand nombre - nous suivons cette expérimentation en Pays centre-ouest Bretagne.
Une action spécifique, cependant, doit être menée au sujet des femmes, qui développent des risques particuliers du fait des traitements hormonaux qu'elles connaissent, plus que les hommes, tout au long de leur vie.
Désertification médicale
Mme Catherine Troendlé . - Le Gouvernement n'envisage pas de mesures coercitives pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans les zones rurales. Le phénomène de désertification médicale, déjà sensible dans certains secteurs, est le résultat d'une conjonction de divers facteurs : un vieillissement des praticiens en activité, un recul des vocations de médecin généraliste, un moindre attrait de l'exercice libéral, l'installation de plus en plus tardive des nouveaux praticiens...
Ces réalités aboutissent à des situations extrêmement difficiles à gérer, telles des fermetures définitives de cabinets médicaux, entravant l'accès aux soins de nombreuses populations.
La ville de Huningue, dans le Haut-Rhin, avec ses 7 000 habitants, se voit à présent privée de toute présence médicale. L'équipe municipale avait entrepris la création d'un pôle médical, au coeur même de la commune, afin de pérenniser la présence des médecins généralistes. La municipalité s'est toujours montrée attentive aux requêtes formulées par ces professionnels de santé tant en matière d'aménagement des locaux que sur le calcul équitable des loyers et charges. Rien n'est fait, ce n'est pas acceptable pour les élus locaux !
Les deux pharmaciens de Huningue ont lancé une pétition pour alerter les pouvoirs publics sur la pénurie de médecins. Cette pétition a déjà recueilli plus de 1 150 signatures, elle propose une régionalisation des diplômes et une réflexion pour modifier la loi sur la libre installation des médecins.
Au vu de ces inquiétudes légitimes, quelles mesures envisagez-vous contre cette désertification médicale ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - L'accès aux soins est un enjeu majeur et contre la désertification, il n'y a pas de réponse unique - en particulier, il ne suffit pas de dire qu'il faudrait un médecin dans chaque village mais il faut revoir l'organisation de l'offre de soins dans sa globalité, pour trouver des solutions adaptées aux territoires. La coercition n'a pas été efficace dans les pays où elle a été tentée et mieux vaut construire des réformes avec les professionnels, plutôt que contre eux. D'où le plan pragmatique que nous proposons, sur quatre axes : redonner du temps médical aux soignants, notamment grâce au cumul emploi-retraite, mettre en place la révolution numérique, avec une généralisation de la télémédecine dès 2018, mieux coordonner les professionnels de santé, en multipliant par deux le nombre de centres de santé d'ici cinq ans, et mettre en place une méthode fondée sur la confiance et le dialogue à l'échelle des territoires.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018 devrait nous donner les moyens financiers nécessaires.
Mme Catherine Troendlé. - Les élus locaux sont prêts à développer les maisons de santé, mais ils ne peuvent rien faire sans la bonne volonté des médecins.
La télémédecine n'est pas l'alpha et l'oméga : attention à la déshumanisation des soins ! De plus, les plateaux de télémédecine sont très onéreux et ils demandent l'intervention de médecins, en plus d'une couverture effective du territoire en haut débit, ce qui n'est pas le cas, chacun le sait.
Généralisation de l'autorisation de la PMA en France
M. Daniel Chasseing . - Les femmes retardent l'âge de la maternité et leurs chances de réussite à la PMA décroissent avec l'âge car l'autoconservation ovocytaire ne donne pas accès à cette procréation. En 2016, le professeur Frydman a cosigné avec cent trente de ses confrères un manifeste demandant l'ouverture d'un droit à l'autoconservation ovocytaire en vue d'une PMA. Faute d'une telle procédure, quelque 6 000 femmes françaises se rendent chaque année en Belgique, en Espagne, en Italie, en Tchéquie ou au Canada, là où cette technique est autorisée. Les patientes les moins fortunées ne peuvent pas le faire, même si la CPAM contribue au financement.
Il faudrait élargir l'accès à ces nouvelles techniques tout en l'encadrant.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - L'extension de l'assistance médicale à la procréation relève de la loi et mérite un débat apaisé. Chaque année, deux à trois mille femmes ont recours à la PMA dans des pays limitrophes. L'opinion évolue. 61 % des Français y sont désormais favorables pour les couples de femmes, contre 55 % il y a trois ans. Dans son avis du 15 juin dernier, le Comité consultatif national d'éthique s'est prononcé pour une réflexion sur l'autoconservation ovocytaire, en précisant les questions d'ordre éthique à se poser.
La révision de la loi de bioéthique du 7 juillet 2011 aura lieu l'an prochain. Des états généraux sont prévus au premier trimestre 2018. Ils seront l'occasion d'un débat sur ces questions : il est encore trop tôt pour se prononcer.
M. Daniel Chasseing. - Si l'autoconservation des ovules et le diagnostic embryonnaire doivent, bien évidemment, être scrupuleusement encadrés, ils relèvent tout simplement d'une bonne pratique médicale. La législation, en l'état, nous semble incohérente puisqu'elle autorise l'analyse chromosomique en prénatal mais l'interdit sur l'embryon avant le transfert in utero.
Travail dominical chez Mylab
Mme Françoise Gatel . - Ma question porte sur une incongruité administrative et sanitaire : les laboratoires d'analyse de lait ne bénéficient pas du même régime de travail dominical que les laiteries. Les premiers ont besoin d'une dérogation renouvelable tous les ans pour travailler le dimanche, les secondes bénéficient en permanence d'une dérogation au titre des denrées périssables.
Le laboratoire d'analyses Mylab, situé dans ma commune de Châteaugiron, contrôle le lait de 65 laiteries et de 20 000 fermes dans la zone Grand Ouest. La dérogation qu'il demande est essentielle pour assurer la collecte des échantillons, la conformité à la réglementation sur le critère de résidus d'antibiotiques dans le lait et la surveillance vis-à-vis des critères bactériologiques. Pour l'obtenir, il faut en passer par une délibération du conseil municipal - une lourdeur administrative peu pertinente. Comment le Gouvernement entend-il résoudre cette anomalie juridique au regard de l'enjeu sanitaire ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Je vous prie d'excuser la ministre du travail, Mme Pénicaud.
L'activité d'analyse du lait peut bénéficier de la dérogation prévue par le code rural aux articles L. 714-1 et R. 714-1, à condition que l'organisme relève du régime agricole. Ce qui n'est pas le cas du laboratoire Mylab, qui relève du régime général. Dans ces conditions, sauf à changer d'affectation de régime, Mylab doit continuer à demander une dérogation au titre de l'article L. 3132-20 du code du travail.
Mme Françoise Gatel. - Je comprends l'argument juridique mais convenez que la situation est incongrue... Compte tenu de l'enjeu sanitaire, il conviendrait d'accorder une dérogation ad hoc au laboratoire.
Baisse du nombre de contrats aidés
M. Martial Bourquin . - La diminution drastique et immédiate du nombre de contrats aidés aura des conséquences profondes sur nos communes et nos territoires. Prenons le cas d'Audincourt, ville moyenne, qui compte 15 000 habitants. La MJC Saint-Exupéry, qui a perdu trois postes en septembre 2017, en perdrait trois autres au cours de l'année 2017-2018. L'association Réussir ensemble ne verra pas renouvelés deux contrats aidés. L'association Soli-cités doit normalement renouveler douze contrats aidés avant la fin de l'année 2017. Selon l'Ehpad, la perte de quinze contrats aidés devra être remplacée par des agents des services hospitaliers pour un coût supplémentaire de 65 600 euros et une augmentation du prix de la journée à 4,35 euros... Ce tableau dramatique signifie retour à la précarité pour les personnes employées en contrat aidé, coup porté à la cohésion sociale et aux services apportés aux plus fragiles d'entre nous.
Pouvons-nous, madame la ministre, tenir un débat sur ces contrats aidés qui sont si essentiels pour assurer le vivre ensemble dans les quartiers et éviter les drames ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pénicaud, retenue. Vous demandez le maintien des contrats aidés, monsieur le sénateur, mais c'est vous qui avez, pour 2017, non seulement sous-budgétisé le dispositif des contrats aidés - 280 000 contrats aidés en loi de finances pour 2017 contre 459 000 en 2016 - et encore consommé les deux tiers de l'enveloppe dès le premier semestre. Notre Gouvernement a pris ses responsabilités : 40 000 contrats aidés de plus seront recentrés sur les publics les plus éloignés du travail et les communes les plus rurales.
Une politique efficace du travail doit s'appuyer sur une politique de la formation et un accompagnement ciblé pour une insertion durable dans l'emploi. C'est le sens du « plan investissement compétences » doté de 15 milliards d'euros, de la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage ainsi que de la mission confiée par le président de la République à M. Jean-Marc Borello, président du groupe SOS.
M. Martial Bourquin. - Que feront les associations sans ces contrats aidés ? D'autres choix budgétaires étaient possibles. Vous avez décidé la suppression de l'ISF. Résultat, pour 80 % des Français, Emmanuel Macron est le président des riches. La ruralité sera impactée : au congrès des maires ruraux du Doubs, on a évoqué la disparition d'une grande partie des activités périscolaires. Écoutez, faites preuve de bon sens et renouez le dialogue sur cette politique décidée à la hâte qui présente un risque grave pour notre cohésion sociale.
Politique du tourisme
M. Cyril Pellevat . - La France est la première destination touristique mondiale avec plus de 84 millions de visiteurs en France métropolitaine en 2015. Il ne serait pas bon de se reposer sur nos lauriers, l'année 2016 a été très mauvaise à cause des attentats. Il faut, au contraire, renforcer notre attractivité en prêtant attention à la sécurité, au e-commerce, au tourisme des séniors, au boom du tourisme chinois ou encore à la qualité de l'accueil des étrangers sans oublier la simplification administrative. Il convient aussi d'adapter notre offre aux besoins des jeunes générations et de renforcer le réseau des transports individuels et collectifs.
Concernant la destination Savoie-Mont Blanc, la hausse de la DGF, la contribution au FPIC anormalement élevée - 3 millions d'euros exigés de la communauté de communes de la vallée de Chamonix en 2016, contre 2,7 millions l'année précédente et la nouvelle législation sur les unités touristiques nouvelles pénalisent les communes de montagne. J'y ajoute les normes françaises sur l'hôtellerie familiale - nous devrions nous inspirer de la Suisse et de l'Autriche - et la nécessité de poursuivre les efforts sur le calendrier scolaire pour la saison de ski.
Bref, quelle politique du tourisme pour atteindre l'objectif de 100 millions de touristes internationaux en 2020 ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Même si le tourisme se redresse en 2017, nous ne devons pas oublier la contre-performance de 2016. La compétitivité du site France n'est jamais acquise, nous travaillons de manière transpartisane à l'améliorer depuis des années.
Le comité interministériel du tourisme du 26 juillet dernier a fixé des priorités : qualité de l'accueil avec une délivrance plus rapide des visas ainsi que sécurité des sites à laquelle la clientèle chinoise est très sensible ; structuration de l'offre de tourisme qui mette en valeur tous les territoires avec les contrats de destination ; soutien étatique à l'investissement en mobilisant mieux le fonds France Développement Tourisme doté de 1 milliard d'euros sur cinq ans depuis 2015 et le lancement d'une mission sur la rénovation du parc privé d'hébergement dans les communes littorales et les communes de montagne qui vous sont chères ; formation et emploi avec la Conférence des grandes écoles françaises du tourisme, créée en 2016, et l'augmentation du nombre de contrats d'apprentissage ; soutien à la numérisation et au partage d'informations grâce à l'open data ; enfin, accès aux vacances pour le plus grand nombre et, notamment, aux personnes handicapées avec la marque « Tourisme et Handicap ».
La simplification administrative est une question transversale : au-delà du projet de loi qui lui sera consacré, elle est le fil rouge de notre action.
Le Gouvernement s'assurera de la mise en oeuvre de ces priorités dans le cadre des comités interministériels du tourisme et de leur comité de pilotage réunis tous les trois mois.
M. Cyril Pellevat. - Nous devons effectivement répondre de façon transpartisane aux enjeux si nous ne voulons pas être dépassés par nos concurrents. La France est passée de la première à la troisième place mondiale sur les ventes de forfaits de ski à la journée. On observe aussi un recul sur la neige de culture.
Référencement des professionnels de tourisme
Mme Gisèle Jourda . - Depuis novembre 2016, à cause du cloisonnement géographique mis en place par les groupes puissants que sont Booking ou TripAdvisor, l'ensemble des offres touristiques présentes sur un territoire ne sont plus référencées. Depuis un an, si vous tapez « Carcassonne » sur un de ces sites, on ne vous renseignera plus sur les établissements situés dans les communes voisines, même s'ils ne sont éloignés de la cité médiévale que de 1 km. Dans l'Aude, cela s'est soldé par une baisse de la fréquentation de 30 %. Or les acteurs touristiques continuent de payer pour être référencés, certains ont même choisi de s'appuyer principalement sur ces groupes pour assurer leur communication. Où en sont les discussions entre les services du ministère et les grands opérateurs ? Une solution rapide et pérenne s'impose.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Ces plateformes, qui sont entrées dans le quotidien des Français pour organiser leurs vacances, occupent désormais une place prépondérante. Le comité de pilotage, lors de sa réunion du 10 octobre dernier, a lancé une mission sur le financement de la promotion de la destination France et vise à associer plus étroitement les acteurs numériques qui bénéficient des actions de promotion d'Atout France.
Nos services ont été saisis de la situation préoccupante de Carcassonne, qui résulte d'un changement de mode de référencement sur le site TripAdvisor. C'est évidemment pénalisant pour les acteurs associés à la marque Carcassonne sans y être domiciliés, cela ne correspond pas à la logique du contrat de destination « Pays cathare » qui vise justement à dépasser les frontières administratives. L'opérateur a pris conscience du problème ; il fera des propositions dès novembre pour y remédier. Il a indiqué traiter le cas de Carcassonne, qui n'est pas isolé, en priorité. Nous travaillons sur mesure.
La place hégémonique des plateformes dans le tourisme, que l'on qualifierait d'oligopolistique dans les cours d'économie, impose à la fois une coopération étroite mais aussi un dialogue exigeant pour atteindre l'objectif des 100 millions de touristes en 2020 pour 50 milliards de retombées économiques.
Mme Gisèle Jourda. - Je relaierai votre réponse auprès des professionnels et élus concernés. Ne dressons pas de nouveaux remparts... Carcassonne a été l'une des premières villes à déposer un contrat de destination, grâce à notre député européen Éric Andrieu, pour un « effet marguerite » autour de Carcassonne et de Narbonne sur les chambres d'hôtes et les tables de l'arrière-pays.
Recrutés locaux des Affaires étrangères
Mme Hélène Conway-Mouret . - La France est connue pour les droits de l'homme, son niveau de protection sociale mais aussi la densité de son réseau diplomatique et consulaire.
Le ministère des affaires étrangères et européennes fait travailler près de 14 000 agents, dont un tiers en droit local. Ces derniers sont tenus de respecter le référentiel Marianne, comme les titulaires qu'ils remplacent de plus en plus souvent. Or leurs conditions de vie se dégradent dans les grandes villes comme Toronto, New York ou Istanbul, dont je reviens. Certaines situations individuelles, je peux en témoigner, sont critiques.
Je ne peux me résoudre à l'idée que des personnes travaillant pour la France ne puissent pas vivre dignement. Quelles mesures allez-vous prendre pour elles ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Les agents recrutés localement, qui représentent 40 % des effectifs du ministère des affaires étrangères, apportent une contribution essentielle au bon fonctionnement de notre réseau. Il convient d'adapter leurs conditions de travail à l'évolution du coût de la vie et à la politique salariale pratiquée par nos principaux partenaires.
Une revalorisation globale de 1,7 million d'euros a été consentie le 1er janvier 2017 pour 92 pays afin de compenser l'inflation calculée par le FMI et, contrairement aux années précédentes, sans déduction de l'inflation française.
Au 1er janvier 2018, 22 pays verront leurs cadres salariaux adaptés pour un coût total de 1,6 million d'euros. Les agents de droit locaux aux États-Unis ont bénéficié d'augmentations régulières et significatives ; une revalorisation uniforme de 2 % a été consentie à New York et San Francisco. Le cas canadien pourra être étudié en 2018.
Enfin, l'accès aux concours internes de la fonction publique pourrait être ouvert aux agents de droit local dont la contribution au quotidien est considérée comme déterminante.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Votre réponse est de nature à rassurer. La comparaison menée par certains postes locaux avec les salaires pratiqués par d'autres pays n'est pas à notre avantage. De ce fait, de nombreux agents de droit local, qui ont des compétences techniques et linguistiques recherchées, quittent leur poste ; nous avons besoin de les fidéliser.
Victimes des effondrements de marnières
Mme Agnès Canayer . - La craie, aussi appelée marne, a été exploitée durant des siècles en Normandie pour enrichir la terre agricole. En Seine-Maritime, les arbres qui signalaient l'existence des anciennes exploitations ou marnières, formant une véritable toile d'araignée souterraine, ont disparu au fil des remembrements et la mémoire des sites avec eux - on en compterait entre 60 et 80 000.
Les effondrements récurrents des cavités représentent un danger pour les hommes et les habitations. La législation, sous l'impulsion de mon collègue Revet, a évolué pour mieux prendre en compte les dommages. Cependant, l'aide aux victimes reste limitée. Comment le Gouvernement compte-t-il l'améliorer ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Entre Normands, nous connaissons bien le sujet... L'inventaire des marnières est encore en cours en Seine-Maritime, qui en compterait jusqu'à 120 000.
Merci de relayer l'inquiétude des habitants et la détresse des victimes. Ces dernières peuvent prétendre à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour obtenir le remboursement des frais de remise en état des biens endommagés. L'enjeu principal reste néanmoins la prévention. Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, est l'outil le plus adapté pour les opérations de reconnaissance et de comblement avec une subvention de 30 % et les études de réduction de la vulnérabilité avec une subvention de 40 % pour les habitations et de 20 % pour les biens à usage professionnel. Il convient avant tout d'améliorer le taux de recours à ce dispositif en informant mieux les élus et la population. Peut-être le fonctionnement du Fonds Barnier est-il trop complexe.
Mme Agnès Canayer. - Merci pour ces éléments. Reste que face à la détresse des victimes, les élus ne disposent pas de tous les outils pour les accompagner comme ils le souhaiteraient. Les mécanismes restent complexes à mettre en oeuvre ; simplifions-les.
Présence du loup
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Pour que les troupeaux et les loups cohabitent, l'État a instauré un arsenal d'interventions comme la dissuasion par effarouchement, le tir de défense ou le tir de prélèvement avec un quota de loups qu'il est possible d'abattre annuellement.
Selon le pastoralisme caractéristique des Alpes-Maritimes, les troupeaux restent en extérieur quasiment toute l'année. C'est pourquoi, en 2016, mon département a été celui qui a enregistré le plus d'attaques de troupeaux - près de trois mille bêtes - et le plus de tirs de prélèvement - quatorze -, selon un décompte de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.
Jusqu'au 1er janvier 2018, le quota de loups abattables est passé à quarante-deux, contre trente-huit jusqu'alors.
Nicolas Hulot a déclaré qu'il souhaitait rencontrer toutes les parties prenantes après l'été 2017 afin de pouvoir définir une stratégie claire pour les quatre prochaines années. Il y a plus qu'urgence. Les éleveurs sont très inquiets, d'autant que le plan loup 2018-2023 ne répond aucunement à leur première préoccupation, qui est de protéger les troupeaux. La première réunion nationale sur le loup, le 22 juin 2017 à Lyon, n'a pas été concluante.
Cette problématique n'est pas spécifique aux Alpes-Maritimes, d'autres départements sont régulièrement frappés par des attaques de grands prédateurs comme la Savoie, les Alpes-de-Haute-Provence, le Var, les Hautes-Alpes, l'Isère et la Drôme.
Le Gouvernement envisage-t-il d'amender son plan d'action ? Accordera-t-il une place aux collectivités locales qui ont à l'évidence un rôle spécifique à jouer dans le cadre de ce plan quinquennal ? Le Gouvernement écoutera-t-il enfin les éleveurs ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Vous posez la question de la cohabitation entre les éleveurs et le respect de la biodiversité qu'incarne le loup, dont les populations augmentent régulièrement depuis son retour naturel en France, en 1992. Je vous confirme que Nicolas Hulot, qui n'a pu être présent ce matin, suit personnellement ce dossier et valorise l'équilibre d'une cohabitation entre l'élevage et la biodiversité. Les plans nationaux loup ont mis en place des mesures afin de financer la protection des troupeaux, d'indemniser les éleveurs, mais aussi d'assurer le dialogue entre les différentes parties prenantes.
En 2016, une démarche prospective a été lancée. Et dès le début du quinquennat, de nouvelles mesures de protection ont été prises.
La méthode de Nicolas Hulot est de favoriser le dialogue sur un sujet devenu passionnel et de privilégier la coexistence plutôt que l'opposition. Tout n'a pas encore été tenté. Nous travaillons à améliorer les techniques d'effarouchement ainsi que les foyers d'attaque par exemple.
Les collectivités territoriales sont appelées à accompagner les éleveurs, dans un esprit de coconstruction.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - J'apprécie la volonté de dialogue du Gouvernement. Il y va de la survie du pastoralisme. La pression ne doit plus s'exercer sur les éleveurs mais sur les prédateurs, les loups. L'effarouchement n'est pas une solution appréciée des éleveurs.
Il faudrait une année sans quota achevée par une clause de revoyure. Le quota ne peut qu'être dépassé dans un département fortement touché comme les Alpes-Maritimes.
Déchets ménagers
M. Philippe Bonnecarrère . - Quelle est la stratégie à long terme du Gouvernement pour le traitement des déchets ménagers ?
La valorisation matière des déchets doit atteindre 65 % à l'horizon 2025 et l'enfouissement doit être réduit de 50 % à même échéance. Les collectivités intègrent la nécessité d'agir à la source en accordant la priorité à la prévention et à la réduction de la production des déchets pour parvenir à l'objectif de réduction de 10 % des quantités de déchets en 2020 par rapport à 2010.
Partout en France, des réflexions sont conduites pour adapter en conséquence les unités de traitement de nos territoires. Les investissements à prévoir engagent l'avenir de nos concitoyens qui assument le coût du service de collecte et de traitement des déchets au travers de la taxe ou de la redevance dédiée. Il importe pour faire les choix technologiques les plus performants que le Gouvernement donne ses intentions, sa position.
Dans un avis de mars 2017 intitulé « Quel avenir pour le traitement des ordures ménagères résiduelles ? », l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) semble faire la part belle aux usines d'incinération. Je ne comprends pas les fortes réticences à l'encontre des installations de prétraitement des ordures ménagères résiduelles. L'esprit de la loi de transition énergétique est au contraire d'encourager les initiatives innovantes...
M. Roland Courteau. - Absolument !
M. Philippe Bonnecarrère. - Donnez-nous aussi des éclaircissements sur la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) que vous prévoyez dans les années qui viennent. Les collectivités apprécieraient de pouvoir anticiper son évolution.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le recyclage est l'un des axes forts du plan Climat. Mme Brune Poirson présente en ce moment même la méthode qui présidera à l'élaboration de notre feuille de route sur l'économie circulaire. Une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes, dont les collectivités locales, dont certaines sont très engagées dans les syndicats de traitement des ordures ménagères. Nous progresserons fortement sur le tri des déchets. La TGAP augmentera d'ici la fin du quinquennat pour rendre le recyclage plus compétitif que la mise en décharge. Nous avons cependant un devoir de prévisibilité, aussi les augmentations ne doivent pas intervenir trop tôt, pour laisser le temps aux investissements, et il nous faut aussi réfléchir parallèlement aux outils d'incitation et d'accompagnement au financement de projets. Je souhaite que le Parlement soit associé à cette réflexion.
Les procédés de « tri mécano-biologique », afin d'extraire la fraction fermentescible des ordures ménagères collectées en mélange, ne sont actuellement pas satisfaisants : les composts produits contiennent encore de nombreux morceaux de plastique. C'est pourquoi la loi privilégie explicitement la mise en place du tri à la source des biodéchets.
L'Ademe, dans son avis de mars 2017, ne se montre absolument pas opposée aux installations innovantes dès lors qu'elles sont compatibles avec la possibilité du tri à la source.
M. Philippe Bonnecarrère. - Les mesures à prendre sur l'ensemble du territoire nécessitent des investissements à l'échelle d'une génération. Nous avons besoin d'une feuille de route. Quel sera le niveau final de la TGAP ? À quel rythme sera-t-elle augmentée ? Les combustibles solides recyclables (CSR) représentent-ils une filière d'avenir pour vous ? Encouragez-vous les collectivités territoriales dans ce sens ?
Dans le cadre d'une subvention, a-t-on le choix d'innover ? Nous attendons encore des réponses à toutes ces questions.
Nuisances de la ligne ferroviaire à grande vitesse Tours-Bordeaux
Mme Nicole Bonnefoy . - La Ligne à grande vitesse Sud-Europe Atlantique (Liséa) est entrée en service le 2 juillet 2017. Les riverains les plus proches de la ligne, mais également parfois ceux résidant dans des villages distants de la ligne, ressentent des nuisances occasionnées par le passage des TGV, nullement comparables à ceux ressentis lors des essais en amont.
Liséa, concessionnaire de la ligne, s'est engagée à réaliser un suivi acoustique « à l'échelle de l'ensemble de la ligne et sur les sites les plus sensibles », conformément aux normes en vigueur pour une telle situation.
La réglementation prévoit la prise en considération du niveau sonore moyen sur deux périodes de référence. Or les pics de bruit, qui sont en réalité ceux qui affectent le plus les riverains, n'entrent pas aujourd'hui dans les mesures retenues.
Liséa a également indiqué privilégier, dans sa sélection des sites de suivi pour réaliser les mesures, ceux situés à moins de cent mètres de la ligne à grande vitesse. Les élus et riverains des communes impactées demandent la mise en place de mesures dans des lieux situés au-delà de cette limite, notamment les hôpitaux, écoles et sites accueillant un public sensible, afin d'y prendre en considération les pics de bruit répétés au cours de la journée.
Ces deux points révèlent que le respect de la réglementation en vigueur, sur laquelle Liséa entend se fonder pour réaliser les infrastructures de protection acoustique des riverains, risque de ne pas suffire pour les protéger pleinement des nuisances.
Quelles sont les possibilités de prendre des mesures de protection complémentaires à celles existantes aujourd'hui et quelles sont celles susceptibles de faire évoluer la réglementation applicable afin d'apporter une meilleure réponse aux préoccupations des riverains de la ligne Tours-Bordeaux ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Cette LGV Tours-Bordeaux assure une nette amélioration de la desserte. Elle était très attendue par les riverains.
Le Gouvernement a pleine conscience du problème des nuisances sonores liées aux nouvelles infrastructures. La réglementation qui les encadre doit être scrupuleusement suivie par l'opérateur Liséa, qui a en la matière une obligation de résultat et non de moyens. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) s'assurera du bon respect des normes. Si des manquements étaient relevés, le concessionnaire devra mettre en place des mesures correctrices dans les délais les plus brefs.
La réglementation doit-elle être modifiée pour prendre en compte les pics sonores ? Le but du Gouvernement n'est pas d'organiser un débat d'experts mais de répondre au ressenti des populations. Les préfets ont été mobilisés à cette fin pour réunir des comités de suivi, recenser les difficultés et les secteurs sensibles.
Le Gouvernement est favorable à la mobilisation du Fonds de solidarité territoriale de la LGV, destiné à améliorer l'insertion environnementale de la nouvelle infrastructure, pour répondre aux situations particulières, sous la responsabilité du préfet coordonnateur et en lien avec les collectivités locales, dès le début de l'année 2018. Mme Borne est très attentive à cette question.
Mme Nicole Bonnefoy. - Je sais en effet que Mme Borne est soucieuse de cette question. Les riverains pensent qu'il n'y a que deux solutions : n'utiliser que des TGV neufs - comme lors des prémesures acoustiques avant l'ouverture de la ligne - mais l'acquisition de ces nouveaux matériels pourrait prendre au moins cinq ans, ou modifier le seuil de la réglementation, qui ne retient pas les pics mais une moyenne entre silences - qui ne sont pas significatifs évidemment - et pics. Les élus bondiront en entendant votre suggestion d'utiliser le Fonds de solidarité territoriale normalement affecté aux communes traversées pour les dédommager des nuisances subies. Je souhaite travailler avec vous sur ces sujets, ayant pu constater par moi-même chez les riverains le niveau très élevé des nuisances sonores.
Projet de ligne à grande vitesse (LGV) Montpellier-Perpignan
M. Roland Courteau . - Lors du débat qui s'est tenu ici même il y a quelques années sur la ratification de l'accord franco-espagnol sur la réalisation de la liaison transpyrénéenne Perpignan-Figueras, j'avais insisté, en ma qualité de rapporteur, sur l'urgence de la réalisation concomitante du tronçon Montpellier-Perpignan. Les années ont passé... La LGV Figueras-Perpignan a bien été réalisée, mais le segment qui devait relier Perpignan à Montpellier est resté au point mort.
Or la mission Querrien, dans les années quatre-vingt-dix, avait annoncé son avènement pour la décennie suivante ! Plus récemment, un calendrier était retenu par le précédent gouvernement prévoyant l'approbation du tracé fin 2015, déclaration d'utilité publique (DUP) en 2018, jusqu'à la réalisation du chantier d'une durée de quatre à cinq ans. Tout cela avait été précisé à la députée de Narbonne, Marie-Hélène Fabre.
Où en sommes-nous ? Est-ce encore une priorité du Gouvernement ?
Je rappelle qu'il s'agit d'un tronçon stratégique, enjeu local, régional, national, européen de développement durable, levier économique essentiel pour l'euro-région, située entre trois métropoles d'équilibre, dont Barcelone. Les collectivités territoriales ont réalisé une union sacrée sur ce projet de LGV, mais aussi sur la desserte des agglomérations, grâce à la gare de Narbonne-Montredon. Allez-vous me rassurer, monsieur le ministre ? Quelles sont les intentions du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La vraie question porte sur le financement. Or vous connaissez l'état des finances publiques.
La LGV Montpellier-Perpignan représente un investissement de 5,5 milliards d'euros, dont 1,9 milliard pour une première phase Montpellier-Béziers ; la liaison Bordeaux-Toulouse-Narbonne constitue un investissement de 5,9 milliards d'euros, soit plus de 10 milliards pour les deux projets, financés exclusivement par la puissance publique, la « règle d'or » empêchant désormais SNCF-Réseau de financer les nouveaux projets par sa dette, laquelle s'élèvera à 50 milliards d'euros en 2018.
Le Gouvernement est conscient des fortes attentes locales. Néanmoins, face aux difficultés financières, il a annoncé le 1er juillet un gel de tous les grands projets d'infrastructures. Ce gel est une pause et non une remise en cause de ces grands projets structurant le territoire.
En recherchant d'abord toutes les optimisations des réseaux existants, nous devons construire, à partir des assises de la mobilité et du comité d'orientation des infrastructures, une trajectoire pluriannuelle réaliste et équilibrée entre recettes et dépenses, de façon sincère - si ces projets ont connu des difficultés dans le passé, c'est aussi par manque de sincérité.
M. Roland Courteau. - Comprenez notre lassitude face à cet interminable feuilleton : ce projet de liaison ferroviaire à grande vitesse France-Espagne a été mentionné dès 1992 au sommet bilatéral d'Albi, puis en 1993 à celui de Tolède, puis en 1994 et par la suite encore... La mise en service était prévue pour la période 2002-2005 ! Cela explique notre exaspération.
CDG Express
M. Pierre Laurent . - Alors que le Gouvernement fait planer le doute sur la réalisation pleine et entière du Grand Paris Express, il fait preuve d'une obstination confinant à l'absurde concernant le CDG Express. Son billet coûtera aux passagers entre 27 et 29 euros, et sera hors tarification du syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF). Les infrastructures reposent entièrement sur les deniers publics, via la SNCF et Aéroports de Paris, pour un coût global de 2,120 milliards d'euros. Pourtant le CDG Express ne desservira ni les arrondissements de Paris, ni les communes traversées, ni les sites olympiques, où s'arrêteront les lignes B et D du RER, déjà saturées, et la ligne 17 du Grand Paris Express. Il utilisera le réseau existant, déjà saturé, portant préjudice aux usagers des lignes B, E, H, K et P notamment.
Il sera également néfaste d'un point de vue environnemental, avec 29 hectares de terres agricoles faisant l'objet d'expulsions d'urgence, la dégradation de l'environnement urbain avec un train qui passera 152 fois par jour sous les fenêtres des habitants de la Porte de la Chapelle.
Le déficit de recettes pour la ligne B du RER sera de 1,2 milliard d'euros, alors que 900 000 passagers l'utilisent chaque jour contre 20 000 seulement pour le CDG Express.
Le projet est en opposition exacte avec la politique des transports du quotidien affichée par le président de la République. Tous les organismes consultés déplorent l'impact négatif du CDG Express. Ce projet est inutile et coûteux. Ayez le courage de l'abandonner.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le Gouvernement ne partage pas votre point de vue. CDG Express est vital pour notre économie et pour l'attractivité de notre pays et de sa capitale, première destination touristique d'Europe. Le trafic de l'aéroport de Roissy CDG augmente de 3 % par an. Le trafic routier est saturé et le RER B ne suffira pas à absorber la hausse du nombre de passagers.
Ce projet entraînera un transfert de la route vers le fer. La pollution de l'air sera ainsi directement réduite grâce au CDG Express. Les voies rapides seront décongestionnées. Le confort sera amélioré, par rapport à celui des passagers des aéroports qui gênent avec leurs bagages ceux du quotidien.
Son financement, associant SNCF-Réseau, ADP et la CDC, sera assuré par la billetterie et une taxe affectée dont s'acquitteront à partir de 2024 les passagers aériens de l'aéroport CDG sans correspondance.
N'opposons donc pas CDG Express et la modernisation du RER B, qui se poursuit ! L'État et la région se sont engagés en faveur des transports du quotidien pour le contrat de plan 2015-2020 à hauteur de trois milliards d'euros, dont 1,3 milliard d'euros pour le schéma directeur du RER. Faute de vous avoir convaincu, j'espère au moins vous avoir rassuré ou avoir apaisé vos inquiétudes.
M. Pierre Laurent. - Absolument pas ! Ce projet est un non-sens absolu, une insulte à la dignité des habitants de Seine-Saint-Denis qui en subiront les nuisances sans pouvoir l'utiliser. Ce projet ne concerne qu'un faible nombre de passagers.
Il faudrait augmenter la fréquence de la ligne K, installer un véritable atelier de maintenance du matériel roulant à Mitry-Mory, doubler le tunnel du RER entre Châtelet et Gare du Nord, investir en matériel roulant neuf, plutôt que de vous entêter dans ce projet contraire à l'intérêt général.
Quand la ligne sera déficitaire - elle le sera -, qui épongera la dette ? Les usagers et le public...
La séance est suspendue à 12 h 30.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 35.
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. L'organisation en est inédite : le président de la commission interviendra pour dix minutes ; le Gouvernement répondra pendant un temps équivalent. Nous aurons ensuite une séquence de questions-réponses, chaque orateur disposant de deux minutes.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur certains bancs des groupes RDSE et SOCR) C'est dans un monde de plus en plus dangereux, où les terroristes frappent à notre porte et où la guerre est de nouveau possible partout dans le monde, que mon prédécesseur, Jean-Pierre Raffarin, a suggéré, dès juin dernier, une revue stratégique pour passer sans attendre à une nouvelle loi de programmation militaire (LPM). Dans un monde instable et incertain, les tendances en germe dans le Livre blanc de 2013 se sont accélérées.
Il faut rendre hommage à M. Arnaud Danjean, député européen, qui n'a pas compté son temps et a su si bien s'entourer pour livrer un diagnostic imparable.
Les deux composantes de la dissuasion sont hors du champ du débat, puisque le président de la République a dit vouloir les maintenir. La commission souscrit à cette approche.
Ce qui frappe, c'est le hiatus entre l'aggravation de la menace et l'état de nos armées, saturées d'engagements, éreintées, fragilisées par des décennies de sous-investissement. Nous en sommes tous responsables.
Au Mali, un engin improvisé explose chaque jour sous les pieds de nos soldats. En RCA, nos soldats ont été confrontés à l'horreur. Une attaque nucléaire n'est plus impensable.
Les crises sont dispersées, la menace est hybride, les postures ambiguës sèment le doute. La menace se numérise, entre guerre informationnelle et cyberattaques.
La revue stratégique met l'accent sur la priorité euro-méditerranéenne-sahélienne, et notamment sur notre voisinage immédiat, la rive sud de la Méditerranée. Le danger n'est pas loin.
Le maintien d'un modèle d'armée complet et équilibré implique des efforts sur les moyens : notre modèle est bon, mais exsangue. Le maintien de certaines de nos capacités est un défi. Pouvoir entrer seul sur un théâtre d'opérations, c'est conserver notre autonomie stratégique, mais suppose de combler des lacunes capacitaires. Durer, c'est avoir suffisamment de masse, de chair, pour tenir. Or entre 2008 et 2015, nos armées ont perdu 50 000 postes. Les forces opérationnelles de l'armée de terre ont moins d'effectifs que la RATP et rentreraient toutes entières dans le Stade de France ; nos fusils d'assaut ont 60 ans ; 20 % des pilotes d'hélicoptères n'ont pas le nombre d'heures suffisant pour voler... Nos équipements vieillissent irrémédiablement. Pendant ce temps, la Chine produit chaque année l'équivalent du quart de la marine française ! Nos ravitailleurs, d'âge canonique, ne sont pas aux normes. Les hélicoptères Alouette volaient déjà au temps de Fantômas. C'est comme si nous acceptions de voyager en caravelle lorsque nous prenons l'avion.
Et je ne dis rien du soutien, éternel sacrifié, ou de l'état déplorable du parc immobilier. Après avoir bradé l'Hôtel de l'Artillerie, que ne garde-t-on le Val-de-Grâce pour loger les soldats de Sentinelle ?
M. Dominique de Legge. - C'est vrai ! (On renchérit sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon, président de la commission. - Nous devons augmenter la proportion des logements sociaux pour les militaires dans l'îlot Saint-Germain.
Et pourtant, nos armées gagnent, elles sont respectées, grâce aux hommes et aux femmes qui les servent. Je salue leur courage et leur compétence, les efforts et les sacrifices de leurs familles.
La montée en puissance des moyens est indispensable ; c'est l'enjeu de la LPM. Le Sénat avait chiffré les besoins à 2 milliards d'euros et 4 500 recrutements par an à partir de 2018. Nous n'y sommes pas, même si la courbe descendante s'inverse enfin, après dix ans de déconstruction. Il faudra payer les ardoises du passé, les conséquences de la régulation budgétaire de 850 millions d'euros... Quand seront dégelés les 700 millions d'euros ? Qui va payer les 360 millions restants pour clore le budget 2017 ?
La loi de programmation des finances publiques organise un transfert de charge. Attention danger ! La « sincérisation » des OPEX est un outil pour siphonner les hausses de crédits annoncées par le président de la République. Or la défense, c'est aussi 200 000 emplois non délocalisables, le premier budget d'investissement de l'État, 14 milliards d'euros d'exportations par an : c'est un enjeu économique de premier plan, sans parler de sa dimension sociale et territoriale.
Madame la ministre, vous pouvez compter sur notre vigilance et notre combativité pour ne pas laisser nos armées entre les mains des comptables. La sécurité des Français l'exige. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, LaREM et RDSE ; Mme Marie-Françoise Perol-Dumont et M. Rachel Mazuir applaudissent également.)
Mme Florence Parly, ministre des armées . - Le président de la République a souhaité dès son élection une revue stratégique qui fasse une analyse fine et complète de la situation stratégique internationale et en tire les conséquences pour notre défense. Confiée à un comité d'experts présidé par Arnaud Danjean, elle a abouti à un constat lucide et ambitieux et fixe un cap clair pour la prochaine loi de programmation militaire. Je suis heureuse de répondre à vos interrogations selon une forme plus franche, plus libre, sans fausse pudeur.
La revue stratégique actualise le Livre blanc de 2013. Depuis quatre ans, le monde a changé plus vite et plus fortement que nous pensions. Il fallait identifier les intérêts de la France dans un contexte imprévisible et changeant. La revue stratégique prépare l'avenir, établit notre vision pour la défense en France et en Europe et les aptitudes requises pour atteindre notre ambition.
Aujourd'hui, la France est plus sollicitée et plus engagée que jamais. La menace djihadiste reste centrale. Nos ennemis ont changé de visage mais ils sont encore plus violents et plus déterminés. La prise de Raqqa et la défaite proche de Daech ne signifient pas la fin du terrorisme. L'instabilité s'accroît aux portes de l'Europe : Sahel, crise migratoire, mais aussi risques pandémiques, dérèglement climatique, criminalité organisée. À chaque menace, la France répond. Nos armées sont très sollicitées, à l'extérieur et sur le territoire national, ce qui met sous tension nos capacités.
La revue stratégique prend acte de ce que nous savions déjà : l'équilibre issu de la guerre froide a laissé sa place à une multiplication de pôles où chaque État cherche à affirmer sa puissance.
Nos forces sont plus contestées ; nos ennemis mieux équipés, mieux armés. Certains acteurs non étatiques disposent de capacités réservées jusqu'ici aux seuls États.
L'espace et le cyberespace sont devenus des terrains de conflit à part entière, qui impliquent des acteurs inconnus dont les actions ont des conséquences dramatiques.
Les nouvelles technologies sont une formidable opportunité. Intelligence artificielle, robotique, biotechnologies permettront des applications militaires mais la révolution technologique peut aussi être une source de vulnérabilité. L'espace numérique doit être au centre de nos priorités.
La France est et restera une puissance majeure, elle continuera à intervenir partout où ses intérêts sont menacés. Sa voix sera forte, écoutée et respectée. Notre autonomie stratégique n'est pas négociable. Nous la consoliderons avec le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire.
Nous poursuivons nos efforts en matière de renseignement et assurerons les cinq fonctions stratégiques : dissuasion, prévention, protection, intervention, anticipation.
Notre modèle d'armée complet et équilibré est le gage de notre souveraineté et de notre liberté. Nous garantirons notre autonomie dans les domaines de la dissuasion, de la protection du territoire, du renseignement, du commandement des opérations, des opérations spéciales ou de l'espace numérique. Dans les autres domaines, nous mènerons les partenariats et les coopérations nécessaires.
Nous assumerons pleinement notre dimension européenne. Le président de la République l'a dit le 26 septembre, à la Sorbonne : la France sera à l'initiative de la dynamique de défense européenne. Nous avancerons avec ceux qui le souhaitent, en assumant nos responsabilités au sein de l'OTAN et en développant nos partenariats bilatéraux.
Nous devons accompagner et encourager le développement d'une industrie européenne de défense. Industrie et recherche doivent être au fondement de notre stratégie. Le même esprit d'innovation, d'audace doit inspirer le monde de la défense pour moderniser son action. C'est une condition sine qua non de l'attractivité, de l'efficacité, et donc de la sécurité et de la liberté.
Cette revue stratégique est un apport immense : identifier nos aptitudes prioritaires pour agir vite et fermement. C'est ce que fera la prochaine loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et RDSE ; M. Gilbert Roger applaudit également.)
M. Christian Cambon, président de la commission. - Merci, madame la ministre, de ces engagements forts. Mais je vous mets en garde : il faut absolument que le Gouvernement obtienne que les militaires soient exonérés de la directive temps de travail.
Le service national universel est une belle idée mais les armées ne peuvent porter seules le fardeau. Soyons vigilants pour reconstituer une belle armée, dont notre sécurité a besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, LaREM et RDSE)
Mme Hélène Conway-Mouret . - Dans le sillage du Livre blanc de 2013, cette revue stratégique traduit la volonté de jeter un regard lucide sur la situation. Retour des États-puissances, fragilisation croissante de certains acteurs étatiques, menaces terroristes ou cyber, fragilités climatiques ou sanitaires : face à ces défis, on ne peut que saluer la volonté de l'État de préserver un modèle de défense complet et équilibré.
Néanmoins, les intentions affichées se heurtent aux réalités des premières annonces. Coupe de 850 millions d'euros, budgétisation des OPEX : les contraintes sont nombreuses. Certes, le budget des armées est en hausse : 1,8 milliard d'euros en 2018, 1,7 milliard d'euros en 2019, autant en 2020. Mais la hausse est en réalité bien limitée.
Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur la question centrale des moyens, qui inquiète militaires et citoyens ?
Mme Florence Parly, ministre. - La revue stratégique a insisté sur la double nécessité de conserver l'autonomie de la France et de construire des partenariats.
L'une des premières décisions du président de la République a été d'augmenter un budget malmené par l'écart croissant entre les engagements et des moyens en forte déflation. Par rapport au quinquennat précédent, ce ne sont pas moins de 30 milliards d'euros supplémentaires alloués au budget des armées.
Les 850 millions d'annulation de crédits étaient le prix collectif à payer pour régler un certain nombre d'impasses budgétaires - sur les OPEX, entre autres. C'est en quelque sorte le coût d'entrée dans le quinquennat. Je veillerai à ce qu'elles n'aient aucun impact sur nos forces en opération.
M. Joël Guerriau . - La revue stratégique souligne à quel point nos armées sont de plus en plus sollicitées. La défense est une affaire d'hommes et de femmes qui s'engagent ; leurs familles en subissent les conséquences. Or, selon le récent rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire, il est de plus en plus difficile de fidéliser les militaires. L'un des écueils tient à l'hébergement.
Malgré une hausse des crédits en 2018, le parc immobilier du ministère est très dégradé, tant la maintenance a été sacrifiée. Il manque 400 logements de militaires en région parisienne. L'îlot Saint-Germain subit une forte décote, des deux tiers de son prix, alors que seuls 50 logements sur 250 sont réservés aux militaires. Dès lors, peut-on vraiment se passer du Val-de-Grâce alors que les enjeux de protection du territoire vont durer, notamment en Ile-de-France ?
Mme Florence Parly, ministre. - Je sais les difficultés qu'éprouvent les militaires et leurs familles. Selon le rapport du Haut comité, il n'y a pas de problèmes de recrutement mais bien de fidélisation. Le logement y contribue. L'immobilier est une de mes priorités. Pour preuve, l'augmentation du budget du ministère, en hausse de 1,2 milliard d'euros en 2017 et de 1,5 milliard en 2018. Le futur plan Famille comprendra un chapitre entier sur le logement.
Nos emprises ont fait l'objet d'une réorganisation en profondeur en Ile-de-France. Dans ce cadre, le Val-de-Grâce et l'îlot Saint-Germain ont été mis à la vente. Le premier sera cédé en bloc ; il fait l'objet d'un appel à projet géré par la Ville de Paris. L'îlot Saint-Germain sera cédé par sous-ensembles. Les décotes importantes sur les emprises déjà cédées sont la contrepartie des logements sociaux réservés aux militaires. À nous de trouver l'équilibre entre prix de cession et nombre de logements.
M. Joël Guerriau. - Je regrette la décision concernant le Val-de-Grâce. Les questions immobilières doivent s'inscrire dans la durée. Nous serons attentifs à ce que le plan Famille corresponde bien aux annonces.
M. Jean-Noël Guérini . - Dans un monde en mutation, de plus en plus dangereux, notre pays doit faire évoluer ses réponses en termes de défense et protection. Cette revue stratégique le fait avec mesure et intelligence.
L'Europe est notre histoire, notre identité, notre horizon, ce qui nous protège. Le Fonds européen de défense est un enjeu majeur. Les défis sont trop nombreux et complexes pour que la France les relève seule. Avec la création du Fonds européen de défense, annoncée le 7 juin dernier, il s'agira de coordonner intérêts nationaux et autonomie stratégique, industrielle et technologique de l'Europe, pour mettre en oeuvre une politique de coopération en matière de défense. Ce fonds sera financé selon le cycle budgétaire de l'Union, à partir de financement nationaux. Pouvez-vous préciser le calendrier de mise en activité de ce fonds et en estimer le coût et l'économie pour le budget national ?
Mme Florence Parly, ministre. - Le FED est l'une des premières pierres du projet défini par le président de la République à la Sorbonne. Il faut saluer les avancées récentes vers l'Europe de la défense, liées sans doute à la prise de conscience de l'importance de la menace.
Le FED est une étape décisive, il financera la recherche de défense et les phases de développement de programmes capacitaires, notamment de prototypes, que l'Union européenne financera à hauteur de 20 %. C'est une proposition phare de la Commission, qui souhaite un programme européen de développement industriel de défense.
Le règlement permettant d'engager des dépenses sera adopté dans les prochaines semaines ; une réunion se tiendra à Bruxelles en novembre. Il est envisagé d'y consacrer 500 millions d'euros en 2019 et en 2020, puis un milliard d'euros par an.
Il faudra être attentifs aux modalités de mise en oeuvre et nous assurer que les États définissent eux-mêmes les projets financés, qui devront bénéficier à la base industrielle européenne.
M. Bernard Cazeau . - La revue stratégique insiste sur la remise en cause des certitudes depuis la chute du mur de Berlin. Dans un monde complexe et incertain, notre diplomatie a besoin d'un cadre d'action clair. La revue stratégique préconise des axes forts : sécurité, indépendance, influence.
À cet égard, le renseignement économique et financier est un réel enjeu. Nos impératifs de sécurité nationale s'étendent à la défense du territoire et à la préservation des intérêts économiques de la nation. L'interdépendance et la concurrence à l'échelle mondiale sont sources de conflits. L'information est une condition essentielle de la compétitivité. Le développement de l'intelligence économique, qui reste sous-évalué en France, est primordial. Comment prenez-vous cela en compte ?
Mme Florence Parly, ministre. - Oui, le renseignement économique et financier est un enjeu majeur pour la protection de nos intérêts vitaux. Ce sujet est à l'intersection de l'action de plusieurs ministères ; il recouvre le renseignement économique, concurrentiel, technologique, financier. Nous nous intéressons tout particulièrement à la lutte contre l'ingérence économique extérieure. La Direction du renseignement et de la sécurité de la défense décèle et intercepte les menaces ; l'état-major des armées joue un rôle central dans le combat cybernétique.
Nos moyens sont en constante augmentation en matière de cyberdéfense et de renseignement : 1 800 emplois supplémentaires depuis 2014 et une augmentation prévue de 848 emplois en 2018.
Nous poursuivrons cette dynamique dans la LPM.
Mme Christine Prunaud . - Je reste perplexe sur le développement de programmes nucléaires en France. Au-delà du traité de non-prolifération, auquel la France a adhéré en 1992 seulement, 122 pays ont adopté en juillet un traité d'interdiction des armes nucléaires. Comment expliquer le refus de notre diplomatie de participer a minima aux discussions menées à l'ONU sur ce sujet ? Comment expliquer le poids croissant de la dissuasion dans notre budget ?
Mme Florence Parly, ministre. - Le désarmement nucléaire reste un sujet de préoccupation majeur pour notre pays. Le principe est encadré par le traité de non-prolifération qui reste la norme fondamentale en la matière. Le traité d'interdiction récemment signé ne tient pas compte de la réalité géostratégique actuelle. La démonstration de force de la Corée du Nord ne doit pas être négligée. Elle traduit l'émergence d'une menace vitale. Ne vous méprenez pas : la France adhère au traité de non-prolifération et mettra toute son énergie à ce qu'il soit respecté et mis en oeuvre.
Mme Christine Prunaud. - Merci de cette réponse, mais nous souhaitons que la France aille bien au-delà. Les superpuissances ont manqué une occasion historique avec le traité d'interdiction des armes nucléaires, qui a été signé par 122 pays. Bien sûr, le contexte joue. Malheureusement, l'escalade conduit toujours à renforcer la dissuasion... C'est cette logique que nous voulons remettre en cause.
Mme Sylvie Goy-Chavent . - La présence de l'armée sur le territoire national est appelée à durer : menace terroriste mais aussi enjeux migratoires, protection des frontières, des grands évènements sportifs... Or l'évolution récente de Sentinelle reste homéopathique : si l'armée de terre sort du surrégime, le totem des dix mille soldats demeure.
Au-delà des effectifs, le rôle même de l'armée en matière de sécurité intérieure est contestable. Doit-elle assurer des missions de police aux frontières ? Les forces de police et de gendarmerie sont à bout de souffle, et l'armée sert de palliatif ! L'opération Sentinelle devait être provisoire, comme l'état d'urgence... Or la menace terroriste se renforce chaque jour davantage, notamment avec le retour prévisible des djihadistes français. L'armée doit-elle se consacrer aux opérations extérieures ou renforcer la sécurité intérieure ?
Mme Florence Parly, ministre. - Chacun est dans son rôle lorsque l'armée apporte sa contribution aux forces de sécurité du ministère de l'intérieur. Savoir-faire et matériels spécifiques viennent en appui dans des situations particulières, comme la lutte contre les feux de forêt ou dans les Caraïbes après le passage de l'ouragan Irma ; la présence du bâtiment Tonnerre a été décisive.
L'opération Sentinelle a fait débat. Des moyens importants ont été accordés à l'armée de terre qui a vu ses effectifs croître pour répondre aux besoins. L'efficacité des interventions des hommes et des femmes engagés dans Sentinelle se passe de long discours : leur présence est sécurisante et dissuasive, ils font face à la menace avec professionnalisme.
Nous ne mélangeons pas les genres. Les soldats ont aussi une mission de protection du territoire national.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Merci, mais j'attire l'attention sur l'état d'épuisement de nos forces armées qui se dévouent pour défendre nos valeurs et protéger nos vies.
M. Cédric Perrin . - La revue stratégique est un document « solide », pour le président Christian Cambon. Il faudra définir des priorités et savoir quels pays européens peuvent agir et s'engager dans une coopération plus étroite. Je salue votre décision d'armer nos drones - je l'avais recommandé avec Gilbert Roger. La surveillance d'événements tels que Paris 2024 est à préparer dès à présent. Le matériel doit être renouvelé.
Quelle étape supplémentaire faut-il franchir ? Faut-il passer du drone armé au drone de combat ?
Mme Florence Parly, ministre. - Les drones sont désormais incontournables. Ils sont durables et d'une grande discrétion. J'ai fixé trois priorités : conforter la collecte de renseignements grâce aux drones aériens Reaper ; élargir leur champ de capacité en les armant - ce sera le cas des drones MALE ; explorer la possibilité d'utiliser des drones dans le combat aérien - c'est le sens de notre programme en coopération avec les Britanniques.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - La revue stratégique dresse un tableau global. L'analyse de la sécurité en Europe paraît particulièrement juste, notamment à l'égard de la Russie. Elle évoque également le comportement unilatéral du président Trump, qui va à l'encontre des intérêts européens.
N'y a-t-il pas contradiction entre la valorisation de l'alliance avec les États-Unis et le nécessaire développement de l'Europe de la défense ?
Mme Florence Parly, ministre. - Cette question est théorique. Aujourd'hui, les pays européens prennent conscience de la nécessité de se protéger et d'investir dans leur défense et l'OTAN appelle ses membres à participer davantage. Il y a là une grande cohérence. Il n'y a pas de contradiction mais des synergies. Être aux avant-postes de l'Europe de la défense ne signifie nullement un désengagement de l'OTAN. Nous étions présents cette année en Estonie ; nous le serons l'an prochain en Lituanie - toujours aux avant-postes de l'OTAN.
M. Raymond Vall . - Nos armées sont confrontées à des défis : les menaces s'accroissent ; il faut ménager l'outil pour durer ; il faut chercher des soutiens en Europe où nos partenaires ne partagent pas notre tropisme sahélien, à l'ONU, mais aussi dans la société civile, car toute intervention qui dure, suscite des oppositions. Seule une approche globale, comme l'indique bien la revue stratégique, peut répondre à ces défis en reliant les aspects militaires à la diplomatie et au développement. Comment allez-vous coopérer avec le ministre des affaires étrangères pour sortir de la crise au Sahel et prévenir son aggravation au Maghreb ?
Mme Florence Parly, ministre. - Il est effectivement plus difficile de faire la paix que de mener la guerre, on l'a vu en Afghanistan, en Irak - et on le craint au Sahel. Nos adversaires sont des groupes armés terroristes. La réponse ne peut pas être uniquement militaire : il faut de la diplomatie et de l'aide au développement pour prendre le mal à sa racine.
Sur le terrain, nous menons des actions civilo-militaires et délivrons une aide médicale partout où notre armée est présente. À l'échelle de la région sahélienne, nous agissons globalement avec l'Alliance pour le Sahel. Dans tout conflit, c'est l'État tout entier qui s'engage et non pas seulement l'armée.
Hommage à une délégation cambodgienne
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) J'ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de sénateurs du Cambodge, conduite par Mme Ty Borasy, présidente de la commission des affaires étrangères et de la coopération internationale du Sénat cambodgien.
La délégation effectue actuellement un séjour d'étude de deux jours en France sur le thème de la diplomatie parlementaire.
Après une journée d'entretiens au Sénat hier, au cours de laquelle elle a été reçue par notre collègue M. Vincent Éblé, président de notre groupe d'amitié France-Cambodge, la délégation s'est entretenue tout à l'heure avec notre collègue M. Jérôme Bignon, membre de la délégation du groupe français auprès de l'Union interparlementaire. Elle rencontrera tout à l'heure M. Philippe Mouiller, membre de la section française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt que la délégation porte à notre institution dans le cadre des relations anciennes et fructueuses entre nos deux assemblées.
Au nom du Sénat de la République, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France lui soit profitable et contribue à renforcer encore les liens qui unissent nos deux pays. (Applaudissements)
Revue stratégique de défense et de sécurité nationale (Suite)
M. Philippe Paul . - Je salue la qualité de la revue stratégique. Nous ne pouvons que partager le constat d'une France plus que jamais menacée. Cette revue stratégique étant le préalable à une nouvelle loi de programmation militaire, je vous engage à prévoir la construction d'un nouveau porte-avions. Près de vingt ans ont séparé les premières études sur le Charles-de-Gaulle et son lancement, en 2001. Ne perdons pas non plus notre savoir-faire. Enfin, cela enverrait un message fort à nos armées.
Mme Florence Parly, ministre. - Ce modèle d'armée complète que nous défendons, implique la capacité d'agir depuis la mer. Nous le faisons grâce à nos trois bâtiments de projection et de commandement (EPC). Cette capacité de projection passe aussi par le décollage d'avions depuis la mer. Le porte-avions est un outil d'action majeur mais aussi un outil de crédibilité à l'égard de nos alliés. Dès la prochaine loi de programmation militaire, nous lancerons des études pour assurer le renouvellement de cette composante. Le Charles-de-Gaulle, qui sera retiré du service actif en 2040, devra être remplacé. Il faudra aussi s'interroger sur l'éventuelle nécessité d'acquérir un nouveau porte-avions.
M. Claude Haut . - L'industrie spatiale française jouit de nombreux atouts. Elle est un facteur d'indépendance technologique et de rayonnement.
L'espace exo-atmosphérique est désormais stratégique car il peut devenir un espace de confrontation. Le problème de son « arsenalisation » se pose.
Quels seraient les contours de notre stratégie en la matière dans la prochaine loi de programmation militaire ?
Mme Florence Parly, ministre. - La revue stratégique aborde cette question en insistant sur les nouvelles menaces. Les nouvelles technologies banalisent l'accès à l'espace, l'ouvrant à des acteurs non étatiques. Le risque d'une militarisation existe également puisqu'il n'existe pas de réglementation sur son utilisation militaire.
L'espace est particulièrement approprié pour le développement de la coopération européenne. Dès 2018, nous mettrons en service trois satellites d'observation CSO d'une très grande précision. Nous travaillons à l'introduction d'autres systèmes spatiaux. Ce matin, au ministère de la recherche, nous avons conclu que nous avions besoin d'une équipe de France unie entre institutions et industriels.
Mme Christine Prunaud . - La revue stratégique évoque la dissémination toujours plus importante des armes. Leur vente a toujours aidé à équilibrer notre balance commerciale.
Le Gouvernement entend-il revoir notre politique d'exportation des armements ?
Mme Florence Parly, ministre. - Sans exportation, un certain nombre de programmes militaires ne pourraient être menés à bien : les exportations font partie intégrante de notre modèle industriel. L'industrie de défense contribue pour 14 milliards d'euros à la résorption du déficit commercial, elle représente 4 000 entreprises, petites et grandes, et 160 000 emplois.
Exporter ne signifie pas s'exonérer de toute règle : nous respectons les règles internationales en vigueur.
Mme Christine Prunaud. - Il est difficile d'appeler à la désescalade de l'armement quand on est l'un des plus gros vendeurs d'armes au monde... Une partie des armes que nous vendons sont détournées. Nous devrons avoir des exigences sur l'utilisation des armes que nous vendons - je pense au Yémen. Et je ne crois pas juste d'opposer le respect de nos règles et la défense de l'emploi.
M. Olivier Cigolotti . - Deux axes contradictoires ressortent de la revue stratégique : un enjeu sécuritaire et une concomitance des menaces qui épuise nos armées. Les matériels sont anciens : nos véhicules de l'avant blindés (VAB) ont 31 ans d'âge moyen... La situation est particulièrement tendue. Ne devrait-on pas concentrer les crédits sur le renouvellement des matériels plutôt que dépenser des sommes élevées en entretien ?
Ensuite, comptez-vous tenir compte de cette revue stratégique dans la définition des OPEX ?
Mme Florence Parly, ministre. - L'usure des matériels est liée à leur utilisation, en particulier aux conditions qu'ils subissent au Sahel. Dans le projet de loi de finances pour 2018, une enveloppe particulière sera consacrée à la protection, pour régénérer des matériels, en particulier le blindage des VAB. Cela fait partie des priorités.
Comment le dispositif OPEX peut-il évoluer ? Nous n'envisageons pas la réduction de nos engagements à très court terme. Mais nos victoires au Levant appellent à revisiter le dispositif en lien avec nos alliés. Le président de la République nous a demandé d'examiner une éventuelle adaptation du dispositif au Sahel.
M. Rachel Mazuir . - La principale nouveauté de cette revue stratégique tient à la prise en compte du cyberespace ; mais il faudra aller plus loin. Le Secrétariat général prépare une revue stratégique spécifique à ce domaine : je regrette que le cyberespace n'ait pas, plutôt, été mieux intégré à la revue dont nous parlons aujourd'hui. Cette revue annonce que la France se dotera d'une posture permanente de cyber-sécurité, avec notamment la mobilisation de l'article 51 de la Charte des Nations unies en cas de cyberattaque.
Madame la ministre, quelles conséquences organisationnelles ? Quels moyens, humains et financiers, vous paraissent-ils nécessaires pour doter nos armées d'une capacité cyber ?
Mme Florence Parly, ministre. - Les missions cyber sont trois : renseignement, protection défense et riposte neutralisation. Nous avons besoin du renseignement humain pour la première, la deuxième nécessite des murailles épaisses et une défense de l'avant ; la troisième, celle de la lutte offensive, mobilise l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et les armées.
La revue cyberdéfense rendra bientôt ses conclusions ; elle a apporté sa pierre à la présente revue. Les quelque 3 000 cyber-combattants verront leur nombre croître dans la prochaine LPM.
Mme Isabelle Raimond-Pavero . - La revue stratégique se fait l'écho de l'importance croissante des nouvelles technologies. Dans la sphère numérique - big data, numérisation des objets - ou robotique, les groupes terroristes peuvent profiter d'innovations qui servent aussi à nos forces. Comment le commandement militaire prend-il ces questions en compte ? Faut-il faire travailler ensemble start-up et chercheurs ?
Le projet « Intelligence Campus » vous paraît-il correspondre à ce nouveau mode d'organisation ?
Mme Florence Parly, ministre. - Vous mettez le doigt sur un des points les plus importants : l'innovation, qu'elle soit à court ou long terme. La Délégation générale à l'armement doit contribuer à un écosystème favorable à l'innovation pour permettre des fertilisations croisées entre mondes civil et militaire et pourquoi pas des technologies plus frugales et moins coûteuses.
J'ai parlé avec le directeur du renseignement militaire de l'initiative « Intelligence Campus », que je n'ai pas encore visitée.
Nous avons besoin de plateformes, pour simuler, et nous devons intégrer les outils cyber dans tous les nouveaux équipements. Il faut s'assurer qu'un tiers ne prenne pas le contrôle sur nos futurs navires, par exemple.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Nous devons mettre en adéquation nos moyens et nos ambitions.
M. le Président. - Je cède la place à notre collègue Catherine Troendlé, qui va tenir sa première présidence de séance plénière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-président
M. Olivier Cadic . - La photo est émouvante : à Saint-Martin, après le passage d'Irma, un militaire porte une petite fille endormie dans ses bras ; pourtant, l'image a provoqué une polémique, où l'on a accusé l'armée de « propagande », voire et même de « néocolonialisme ». Chacun sait, aussi, dans un autre registre, le peu de réalité que recouvrent les articles sur les prétendus avantages exorbitants et le train de vie des sénateurs. Pour autant, ces fausses informations ont une incidence et nous montrent que, quels que soient les efforts entrepris contre les cyberattaques, ils resteront sans effets réels s'ils ne sont pas complétés d'une stratégie de contre-influence.
Les sociétés européennes sont perméables à la propagande djihadiste, mais aussi aux actions menées par des puissances étatiques de premier rang qui manipulent les campagnes électorales, on l'a vu aux États-Unis. Le Pentagone estime que les réseaux sociaux sont la plus grande menace militaire actuelle. Je m'étonne que la revue stratégique n'en parle pas. Madame la ministre, quelle stratégie de contre-influence comptez-vous mettre en oeuvre ?
Mme Florence Parly, ministre. - Les réseaux sociaux sont le premier vecteur de diffusion du terrorisme. L'espace numérique est un espace de combat.
Aujourd'hui, des moyens croissants sont consacrés au cyber. Le Service d'information du gouvernement scrute quotidiennement les informations qui circulent. Nous demandons aux fournisseurs d'accès l'origine de la diffusion de fausses informations.
Je n'ai pas une réponse complète, je l'avoue. Si nous l'avions, nous pourrions contrer ces attaques.
M. Olivier Cadic. - « Pour gagner une guerre, mieux vaut un bon général, que deux mauvais ! » disait Napoléon - mais face aux fake news, nous n'en avons aucun !
M. Yannick Vaugrenard . - Vous faites état d'un risque de décrochage technologique - c'est vrai. Aujourd'hui, avec peu de moyens, des groupes terroristes peuvent mettre en échec nos troupes conventionnelles : il faut en tenir compte pour le renouvellement de nos systèmes d'armes.
Quelles nouvelles pistes proposerez-vous pour favoriser la nécessaire symbiose entre défense et recherche ? Il faut, également, une forte base industrielle : comment l'accord entre les chantiers de Saint-Nazaire, Naval Group et l'Italien Fincantieri, s'inscrit-il dans cet objectif ? Peut-on croire, ensuite, à un Airbus militaire ?
Mme Florence Parly, ministre. - La DGA dispose d'outils pour favoriser l'innovation à travers le programme 191 du ministère des armées : financement de thèses, recherche durable via le CNES, dispositif Astrid, contrats d'étude pour 700 millions d'euros, une mission pour l'innovation participative.
Je souhaite renforcer cet effort, en particulier pour l'amélioration de la collaboration avec l'écosystème et les start-up, mais aussi en prenant en compte l'innovation civile et en favorisant l'innovation de rupture.
La mission du budget concerné devrait passer de 730 millions d'euros à 1 milliard d'euros par an d'ici 2022.
Enfin, s'agissant de la reprise de STX et des chantiers de Saint-Nazaire, les équipes travaillent à un projet qui sera présenté à la fin du premier semestre 2018.
M. Dominique de Legge . - Cet état des lieux ne devait-il pas être complété par celui de la situation humaine et matérielle des armées ? Compte tenu de la gravité de celle-ci, la trajectoire est-elle suffisante ?
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Très bien !
Mme Florence Parly, ministre. - À partir de 2018, les moyens montent en puissance - c'était nécessaire pour faire face aux menaces nouvelles et reconstruire le potentiel. Mais il faut aussi préparer l'avenir, donc trouver le juste équilibre entre les priorités d'aujourd'hui et les perspectives de long terme - comme mes prédécesseurs ont su prendre, il y a trente ans, des décisions dont nous touchons aujourd'hui les dividendes.
J'ai conscience des contraintes qui pèseront. Mais la nécessité de faire face aux menaces ne doit pas nous empêcher de vérifier l'utilisation de chaque euro dépensé.
M. Dominique de Legge. - Je ne remets pas en question votre bonne volonté. Reconstituer le potentiel et préparer l'avenir, dites-vous ? Avec une impasse de 4 milliards sur le budget de cette année ? Les avions ont plus de 30 ans. Vous chiffrez à 2,5 milliards les investissements nécessaires sur le parc immobilier. Face à la menace et au vu de l'héritage qui est le vôtre, l'effort que vous proposez risque bien d'être insuffisant...
M. Henri Leroy . - La gendarmerie est indispensable à la sécurité et à la défense. Nous ne pouvons ignorer la porosité entre menace terroriste et trafics, sur lesquels la gendarmerie dispose d'une expertise certaine. Comment les valoriser ?
Il n'est point de défense sans ressources humaines. Or elles sont épuisées. Nos militaires ne mériteraient-ils pas une amélioration de leurs conditions ?
Mme Florence Parly, ministre. - La gendarmerie intervient sur 95 % du territoire, qui compte la moitié de la population. La gendarmerie est une force de souveraineté, qui intervient, notamment grâce à ses formations spécialisées, en complément des autres forces armées - en métropole, outre-mer et à l'étranger ; elle fait le lien entre les opérations intérieures et extérieures, un acteur clé de l'anticipation, de la résilience de la Nation et de la dissuasion. L'interopérabilité et la complémentarité des forces est donc un atout majeur.
Quant aux ressources humaines, vous rappelez avec raison qu'elles sont indispensables : c'est le sens du plan en faveur des militaires et de leurs familles, que je présenterai dans quelques jours - car sans famille heureuse, pas de soldat efficace.
M. Serge Babary . - À moi d'évoquer la question du maintien en condition opérationnelle de nos armées. Le président Cambon a parfaitement présenté la situation, la politique du toujours plus loin et du toujours plus longtemps avec toujours moins n'est plus tenable. Nos matériels sont plus qu'usés, nos soldats fatigués. Si des efforts budgétaires ont été fournis, c'est tout le volet soutien qui mérite d'être repensé. Qu'entendez-vous faire, madame la ministre ?
Mme Florence Parly, ministre. - C'est un sujet de préoccupation majeure, pour moi comme pour mes prédécesseurs. À très court terme, parce que nos matériels sont effectivement très sollicités, j'ai jugé indispensable, dans le cadre des arbitrages budgétaires au sein de l'enveloppe globale allouée pour 2018, d'augmenter de 400 millions d'euros les moyens consacrés au maintien en condition opérationnelle. M. Cambon a raison, le taux de disponibilité actuel n'est pas acceptable ; précisons toutefois qu'il n'est pas celui-là quand sont engagées des opérations.
M. Christian Cambon, président de la commission. - Heureusement !
Mme Florence Parly, ministre. - Le taux est particulièrement préoccupant dans le domaine aéronautique. D'où la demande d'audit que j'ai faite à M. Chabert qui nous fera des propositions dans quelques semaines. Il ne suffit pas d'investir, encore faut-il pouvoir utiliser les matériels dans lesquels la Nation a investi.
M. Serge Babary. - Merci, nous continuons toutefois d'avoir des inquiétudes sur la réalité de ce qui nous sera proposé pour 2018.
M. Ronan Le Gleut . - La revue stratégique affiche de très grandes ambitions que nous sommes nombreux à partager tout en nous interrogeant sur notre capacité budgétaire à y répondre. Comment la revue stratégique s'articule-t-elle avec la loi de programmation militaire ? Dans le milieu militaire, cela lui vaut d'être qualifiée de « rotule »... Quelle articulation aussi avec l'Initiative européenne d'intervention, voulue par le président de la République, et l'OTAN ?
Mme Florence Parly, ministre. - L'Initiative européenne d'intervention sera ouverte à tous les États européens volontaires qui partagent la même vision sécuritaire et veulent fournir les efforts nécessaires au lancement d'engagements communs, de l'évacuation de ressortissants à des opérations de haute intensité. L'Initiative ne se limite pas nécessairement au cadre de l'Union européenne, elle est parfaitement transposable à l'OTAN ou à des formats ad hoc. L'objectif est de dépasser les cadres institutionnels pour bâtir une culture stratégique commune entre Européens.
Mme le président. - Nous voici arrivés à la fin de ce débat. Je vous remercie pour votre participation à cette forme nouvelle de débat à caractère interactif. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
La séance est interrompue quelques instants.
Redressement de la justice
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice et la proposition de loi organique pour le redressement de la justice.
Discussion générale commune
M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique . - La justice va mal. En dix ans, les délais sont passés de sept mois et demi à un an dans les tribunaux de grande instance. Dans le même temps, le stock des affaires augmentait de plus d'un quart, le nombre de magistrats et de greffiers diminuait quand les vacances de postes devenaient endémiques avec près de 500 postes de magistrats et 900 postes de greffiers non pourvus.
Les juridictions sont proches de l'embolie. Chaque année, il y a plus de 2,6 millions d'affaires civiles et plus de 1,2 million d'affaires pénales nouvelles. Je veux rendre hommage au dévouement quotidien de tous ceux qui font que la justice est encore rendue dans notre pays. Qu'il s'agisse de saisies sur salaires, du recouvrement des créances ou de la garde des enfants, les tribunaux doivent d'abord répondre à des impératifs de service public - qualité, facilité d'accès, simplicité de fonctionnement, rapidité et effectivité de l'exécution des jugements. Il suffit d'énoncer ces exigences pour mesurer le chemin à parcourir.
Durant plus d'un an, la mission pluraliste de la commission des lois a entendu plus de 300 personnalités et effectué de nombreux déplacements avant de rendre son rapport fait de 127 propositions, dont 125 ont fait l'objet d'un accord. Le consensus est aussi bien politique que judiciaire : jamais la question de l'indépendance de la justice n'a été soulevée, sinon sur la question de la nomination des magistrats du parquet. Nous avons concentré nos débats sur l'organisation et les moyens de la justice plutôt que de nous enfermer dans des débats idéologiques dépassés qui sont souvent le prétexte à l'inaction.
La demande de justice a progressé plus rapidement que les moyens qui lui ont été consacrés bien que, contrairement à ce que l'on croit souvent, ils aient beaucoup augmenté, passant de 4,5 milliards en 2002 à 8,5 milliards en 2017. Cet effort s'est révélé insuffisant, sauf entre 2002 et 2007 où la hausse a été de 37 %. La raison ? Dès l'été 2002, une loi de programmation des moyens de la justice était votée. La volonté d'un gouvernement de réformer la justice se mesure à sa capacité à adopter une loi de programmation qui vaut pour tout le quinquennat.
Nous demandons une augmentation du budget de la justice de 5 % par an, lequel devra être préservé des annulations et mises en réserve de crédits. Sans doute cette initiative n'est-elle pas étrangère à la réflexion multiforme sur la justice que le Gouvernement vient de confier à cinq groupes de travail.
Si le Gouvernement pose de bonnes questions, le Sénat a de bonnes réponses à lui apporter. Si nous voulons redresser la justice, il faut faire vite. Pourquoi attendre ? Que le Sénat adopte ce texte dès à présent.
Le montant des crédits de la justice n'est pas seul en cause ; l'organisation des tribunaux et des prisons doit, elle aussi, être revue. La réforme doit être le corollaire de l'engagement financier de l'État. Parmi les mesures à prendre, citons la création d'un tribunal de première instance, le développement massif de la conciliation et de la médiation, la réforme de l'aide juridictionnelle, l'amélioration de la gestion des ressources humaines, le développement de l'équipe du juge, le renforcement des pouvoirs budgétaires des chefs de juridiction, l'accélération de la dématérialisation des procédures, la clarification du régime d'aménagement des peines - une peine de détention doit être exécutée ou alors le juge doit prononcer une autre peine.
Ce texte montre l'attachement profond du Sénat à l'État de droit. Sur un marché du droit en pleine expansion, les tribunaux n'ont plus le monopole. Des sites Internet proposent déjà un large éventail de services pour régler des litiges. Si la justice continuait à dépérir, si le sursaut était encore différé, une justice de substitution, qui risquerait d'être une justice au rabais, pourrait prospérer. Il y a urgence à adopter ces textes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, RTLI, UC)
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois . - Le président Bas a quasiment tout dit, comme à son habitude... (Sourires) Ces deux textes que nous examinons en première lecture sont le résultat d'un travail de fond effectué en 2016 et 2017 : 117 auditions au Sénat, 13 déplacements sur le terrain, de Marseille à Agen, de Metz à Brest. Nous sommes parvenus à 125 propositions consensuelles auxquelles un accueil favorable, sinon très favorable, a été réservé le 4 avril dernier.
La proposition de loi de programmation comprend un volet sur les crédits et postes accordés à la justice durant le quinquennat 2018-2022 ; un rapport y est annexé, il détaille l'ensemble des réformes à mener, qu'elles soient législatives ou réglementaires. La proposition de loi organique sanctuarise les crédits de la justice dans la LOLF tout en modifiant le statut de la magistrature.
Parmi les principales mesures, citons la progression des crédits de la justice, de 8,7 milliards d'euros en 2018 à 10,9 milliards d'euros en 2022, ce qui inclut les 15 000 places de prison supplémentaires, et des emplois qui passeraient de 85 700 ETP en 2018 à 97 000 en 2022 ; la progression de l'open data judiciaire et l'encadrement des sites offrant des services juridiques ; le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique dont seront exemptées les personnes éligibles à l'aide juridictionnelle ; la consultation obligatoire d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle pour assurer de façon effective le rôle de filtre ; la création d'un tribunal des affaires économiques compétent pour toutes les entreprises.
Si la réintroduction d'un droit de timbre ne fait pas l'unanimité à la commission des lois, n'oublions pas qu'il représente plus de 55 millions d'euros par an, sans priver d'aide juridictionnelle ceux qui en bénéficient. C'est loin d'être négligeable en temps de disette. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RTLI)
M. Jacques Bigot, rapporteur de la commission des lois . - Ce fut un plaisir d'accompagner le président de la commission des lois dans ce travail et de constater les accords auxquels nous sommes parvenus sur bien des points. Je remercie M. Buffet également : l'un de droite, l'autre de gauche, nous avons su travailler ensemble, répondant en partie, du moins, à l'appel du président de la République... (Sourires)
Je souhaite que ce travail, pour l'essentiel consensuel, vous donne, madame la garde des Sceaux, les moyens de vous battre pour redresser la justice, qui est au bord du burn-out. Il est urgent d'avoir des magistrats, des greffiers en nombre, des places d'incarcération supplémentaires.
Les réformes organisationnelles qui doivent être menées, pour la plupart, ne relèvent pas de la loi ; elles nécessitent un accompagnement et des moyens. Sur le numérique, le texte est relativement léger et protégera la justice d'officines qui pourraient se créer.
La création du tribunal de première instance, au moins un par département, nous paraît souhaitable. La distinction entre tribunaux de grande instance et tribunaux d'instance ne vaut plus.
Développons la conciliation et la médiation dans le droit fil de la loi Justice du XXIe siècle.
Pour redresser la justice pénale, il est fondamental de tisser des liens entre justice et administration pénitentiaire. Il manque grandement, cela nous a frappés, François-Noël Buffet et moi. Les juges des tribunaux correctionnels se déchargent sur le juge d'application des peines de l'exécution de la peine et ne se préoccupent pas du tout du fonctionnement des maisons d'arrêt. Cela n'est plus possible. Les articles 27 et 28 de la proposition de loi ouvriront le débat.
S'agissant de la proposition de loi organique et parce que nous avons été sensibles au turnover des juges, nous souhaitons que les magistrats restent dans leur poste entre trois ans - quatre pour les magistrats spécialisés - et dix ans.
Reste un débat, celui consistant à faire en sorte que les juges ne statuent pas seuls. Elle a choqué la magistrature, elle ne choque pas le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je me réjouis d'être au Sénat pour débattre de ces deux textes. Je salue très sincèrement le travail considérable mené par la commission des lois.
Cher Philippe Bas, vous m'avez remis votre rapport cinq jours après ma nomination ; ce fut un élément puissant de mon acculturation !
Ces proposition de loi et proposition de loi organique témoignent de l'intérêt constant du Sénat pour la justice. Le rapport dont elles sont issues montre que le souci de la transformation de la justice dépasse les clivages partisans. En tant que responsables politiques, nous devons apporter à la justice des solutions concrètes, loin des idées préconçues. Je partage en grande partie les idées émises dans le rapport : renforcement de la capacité de pilotage du ministère de la justice, modernisation du service public de la justice, volonté de rendre la justice plus proche des citoyens, maîtrise accrue des dépenses et volonté de redonner du sens à la peine d'emprisonnement.
Le rapport insiste sur les questions budgétaires. Le Gouvernement sait qu'il est nécessaire de donner sans délai des moyens supplémentaires à la justice. Le budget du ministère de la justice augmentera de 4 % en 2018, ce qui est significatif dans un contexte contraint. La hausse sera de 4,3 % en 2019 et de 5,1 % en 2020. Cela représente 900 millions d'euros supplémentaires en trois ans quand un de mes prédécesseurs avait fixé pour objectif 1 milliard en cinq ans.
Cela dit, la hausse des moyens ne suffit pas. Il faut aussi s'interroger sur l'adéquation de l'organisation de la justice au regard de ses missions. Dès son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé une loi de programmation de la justice qui vous sera présentée au printemps 2018. Monsieur Bas, vous souhaitez que la proposition de loi et la proposition de loi organique en soient la source. D'un point de vue institutionnel, il est plus logique que ce soit plutôt le Gouvernement qui détermine et conduit la politique du pays, selon les mots de l'article 20 de la Constitution, qui en soit à l'initiative. Comme vous, je souhaite aller vite, sans oublier méthode et pragmatisme.
Je sais que votre mission d'information a été à la rencontre des acteurs de la justice. Je souhaite aller plus loin en consultant tous ceux qui sont porteurs d'idées nouvelles, efficaces et réalistes. Ce sont ces acteurs, j'en suis persuadée depuis mon arrivée place Vendôme, qui apporteront les solutions, grâce à leur expérience, leur engagement et leur imagination.
Grâce à la transformation numérique, nous apporterons accessibilité, rapidité et transparence. Il n'est pas normal que les justiciables ne puissent pas suivre leur procédure en ligne ou encore saisir aussi une juridiction au moins pour les petits litiges.
La réflexion sur le numérique doit se conjuguer avec une réforme de la procédure pénale et de la procédure administrative. Nous devons alléger et fluidifier le travail des enquêteurs, renforcer le travail des magistrats en les laissant se concentrer sur le coeur de leur mission. Notre ordre républicain est fondé sur l'individualisation de la peine : cela doit demeurer. Toutefois, les conditions de l'efficacité de la peine sont son caractère adapté, sa certitude et sa promptitude. Une réflexion doit donc être engagée autour de trois objectifs : sécuriser la société, punir le coupable, assurer sa réinsertion.
Nous travaillerons sur la manière de donner aux magistrats de vrais moyens de prononcer des peines diversifiées en inscrivant, à côté de la peine d'emprisonnement, des peines autonomes telles que les travaux d'intérêt général et le bracelet électronique pour les courtes peines.
La simplification que j'appelle de mes voeux portera aussi sur la procédure civile. Simplifions les règles de saisine du juge, développons la déjudiciarisation. Expérimentons les procédures avec et sans avocat. Interrogeons-nous également sur l'office du juge et le rôle des parties, la revalorisation du juge de première instance. Aucune piste, aucune solution ne doit être écartée.
L'adaptation du droit est inéluctable. Simplification et numérisation ne peuvent rester sans incidence sur l'organisation du travail de l'ensemble des acteurs du droit. C'est le justiciable qui doit être notre préoccupation centrale, avec pour boussole, les principes de proximité et d'efficacité. La proposition de loi propose des solutions dignes d'intérêt. Le point de vue du Sénat qui est l'assemblée de la proximité est essentiel.
J'ai demandé une concertation avec l'ensemble des acteurs sur les principes qui sous-tendent notre organisation, tels que proximité et collégialité. Cela dit, aucun lieu de justice ne sera fermé.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Très bien !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je n'ai aucun schéma, aucune carte préétablie. Dès le 15 janvier 2018, je recevrai les conclusions du grand chantier que j'ai lancé. La transformation de la justice ne sera possible que par une action globale - comme le conclut votre commission des lois.
Nous avons des convergences, sur des mesures concrètes comme la création de services en ligne et d'amendes civiles pour les appels abusifs, mais aussi des divergences. Le Gouvernement présentera sa propre programmation dans quelques mois à laquelle sont liées les questions de l'aménagement des peines ou encore de l'organisation de la première instance.
Par respect pour le travail accompli, le Gouvernement a fait le choix de ne déposer aucun amendement sur ce texte. Il s'en tiendra à une sagesse souvent positive, parfois négative, toujours attentive. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs des groupes RTLI, UC et Les Républicains)
M. Alain Marc . - Ces deux propositions de loi font suite au rapport de la mission information présenté le 4 avril dernier. La hausse des moyens dévolus à la justice ne s'est pas traduite par des améliorations significatives, c'est que trop de réformes ont compliqué le fonctionnement de notre justice alors que l'activité juridictionnelle n'a cessé de croître. Notre système judiciaire est moins bien classé que celui de nos voisins par la Commission européenne pour l'efficacité de la justice. Le budget de la justice française est, en effet, relativement modeste.
La France consacre 64 euros par habitant en moyenne à la justice, contre 96 euros pour l'Autriche, 85 euros pour la Belgique ou encore 73 euros pour l'Italie. Rapporté au PIB par habitant, les Pays-Bas font un effort deux fois plus important que la France.
Les prisons françaises souffrent d'une surpopulation chronique. Au 1er mars 2017, le nombre de détenus était de 69 430, en hausse de 2,7 % en un an. Cette hausse constante depuis 2000 s'explique par la suppression de grâces présidentielles collectives, l'augmentation du nombre de condamnations à des peines de prison ferme ou l'allongement des peines prononcées.
La surpopulation exacerbe les tensions et nourrit les actes de violences contre le personnel et entre détenus. Le nombre de suicides est aussi en augmentation.
Il est essentiel d'accroître et de diversifier les places en prison pour assurer un hébergement digne et de meilleures conditions de travail pour les agents de l'administration pénitentiaire. La crédibilité de la réponse pénale passe par l'accroissement de la capacité du parc pénal. Il est inconcevable que l'exécution des peines soit retardée par manque de places de prison. Il est tout aussi inconcevable que des détenus bénéficiant de la présomption d'innocence soit incarcérés dans des conditions indignes dans nos maisons d'arrêt.
La prison doit jouer un double rôle de punition et de réinsertion. Il faut des établissements propices à la réinsertion, mais aussi des établissements très sécurisés.
L'effectivité de la peine est aussi en jeu. Si le condamné n'est pas déjà incarcéré, aucune condamnation à une peine inférieure à deux ans d'emprisonnement ne sera réellement exécutée... L'absence de sanction jette le discrédit sur la justice et suscite l'incompréhension. C'est pourquoi le juge d'application des peines doit disposer d'un éventail d'alternatives à l'emprisonnement, comme les travaux d'intérêt général.
La justice a besoin de crédits et de réformes. Le Sénat propose de très bonnes mesures ; notre groupe votera ces deux propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RTLI)
Mme Nathalie Delattre . - Ces propositions de loi ont pour mérite de mettre la justice au coeur des débats - elle fut trop éclipsée pendant les récentes campagnes électorales. Nouvelle sénatrice, je m'étonne d'ailleurs du peu d'élus présents dans l'hémicycle...
Ne croyons pas que la dégradation des conditions matérielles d'exercice de la justice, parce que tue, ne soit pas perçue ; mais nos concitoyens lui conservent leur confiance, constatant comme Gide, dans ses Souvenirs de la cour d'assises, « la conscience avec laquelle chacun, tant juges qu'avocat et jurés, s'acquittait de ses fonctions ».
Le président Bas a choisi de se placer à la hauteur des hommes qui rendent la justice et de s'atteler à leurs difficultés concrètes. L'article 25, qui dispense la cour d'assises de réexaminer toute l'affaire en appel, en est un bon exemple.
Il est fondamental de stabiliser les magistrats au moins trois ans dans une même juridiction et dans une même fonction.
L'association des avocats en amont de l'attribution de l'aide juridictionnelle est une bonne idée. La maîtrise des frais de justice ne sera efficace que si elle associe tous les acteurs. Dans un climat concurrentiel, le risque que les avocats alimentent les contentieux n'est pas nul. En parallèle d'une réflexion sur l'instauration d'un numerus clausus, la profession doit également être protégée de la concurrence déloyale des sites d'information en ligne.
Si les nouvelles technologies peuvent accélérer les délais, rien ne remplacera la vertu cathartique du procès. N'est-il pas paradoxal de vouloir redresser la justice en décourageant le justiciable d'accéder au prétoire, en instaurant des amendes dissuasives ? L'abus est difficile à caractériser à l'aune du droit d'ester en justice, droit fondamental.
Au regard de l'obsolescence des outils bureautiques, il serait incompréhensible de consacrer de si précieux crédits à un nouveau site Internet ou au développement d'outils de justice prédictive. Concentrons-nous sur la justice effective !
La Convention européenne des droits de l'homme, à l'article 6.1, consacre le droit à un procès équitable.
Il faut rassurer le citoyen sur l'effectivité de la conciliation, avec une homologation judiciaire.
Faut-il créer un tribunal de première instance unique par département ? Les tribunaux d'instance remplissent avec brio leur rôle de juge de proximité.
Qui trop embrasse mal étreint. Ces textes auraient gagné à se concentrer sur quelques objectifs prioritaires : exécution des peines, justice familiale, réforme des prudhommes et des tribunaux de commerce. Mais ils ont le mérite d'exister.
L'humain reste la matière première de la justice. Nous espérions que les effectifs des juridictions augmenteraient davantage, mais l'administration pénitentiaire absorbe la plus grande part des crédits. Commençons par désolidariser les budgets de l'autorité judiciaire et de l'administration pénitentiaire pour mieux distinguer crise juridictionnelle et crise carcérale.
Mme le président. - Veuillez conclure.
Mme Nathalie Delattre. - Enfin, le manque d'établissements psychiatriques ne doit pas non plus être tabou, afin que la justice remplisse correctement son oeuvre sociétale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Ces propositions de loi reprennent 42 des 127 propositions de la mission d'information de la commission des lois. Le constat, alarmant, est unanime : complexité et lenteur du système ont rendu la justice illisible.
L'amélioration de l'organisation juridictionnelle ou la justice numérique sont des propositions intéressantes. Mais est-il opportun de voter ces textes à la veille de l'examen du projet de loi de finances et alors que le Premier ministre a annoncé une vaste loi de programmation quinquennale sur les moyens de la justice pour le premier trimestre 2018 ?
Le Gouvernement compte bien faire de la justice une priorité. Les crédits augmenteront de 3,9 % en 2018, avant de nouvelles hausses prévues de 4,3 % en 2019 et de 5,1 % en 2020.
La garde des sceaux a engagé une vaste concertation avec les professionnels de la justice pour faire remonter les attentes et les initiatives innovantes ; les conclusions, attendues en janvier, seront intégrées dans la loi de programmation et les projets de loi de simplification civile et pénale.
Il est judicieux d'attendre, d'autant que certains points, comme le rétablissement de la contribution pour l'aide juridictionnelle ou l'extension du suivi socio-judiciaire, méritent que l'on recueille l'avis des acteurs.
Nous savons tous la situation de quasi-misère de l'institution judiciaire, nous mesurons l'épuisement des fonctionnaires. Il va de l'intérêt de tous de disposer d'une justice de qualité - cela dépasse les clivages partisans. En attendant la loi de programmation annoncée, et malgré l'intérêt des propositions de M. Bas, le groupe LaREM s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Quelle déception !
Mme Éliane Assassi . - Nous partageons le constat : il est urgent de redresser la justice et de sanctuariser son budget. Certes, ce dernier augmente depuis 2002, mais il n'échappe pas à la logique d'austérité.
Comment lire ces propositions de loi au vu de l'article 40 de la Constitution ? Dire qu'elles ne fixent que des cadres et ne sont donc pas contraignantes ne nous convainc pas. C'est là une première qui fera jurisprudence... dont je saurai me souvenir !
Sur le fond, nous sommes d'accord sur le principe d'un redressement budgétaire de la justice, mais la progression des moyens de 5 % par an est en réalité largement absorbée par l'administration pénitentiaire, au détriment des services judiciaires ou de l'accès à la justice.
Redresser la justice, oui, mais pour en faire quoi ? Il n'est pas vrai que ce texte est consensuel : il porte une vision de la société qui n'est pas la nôtre.
Monsieur Bas, vous prônez plus de proximité et d'accessibilité pour les justiciables, mais vous fermez des lieux de justice, vous rétablissez le droit de timbre et dressez des obstacles à l'aide juridictionnelle pour les plus précaires.
La proximité ne doit pas s'arrêter à la première instance mais aussi concerner le deuxième degré : comment accepter qu'un justiciable soit à quatre heures de sa cour d'appel ?
Le droit de timbre dissuadera les justiciables aux revenus modestes. S'attaquer à l'aide juridictionnelle, c'est s'attaquer à la fonction essentielle de la justice, qui est de rétablir l'égalité des armes entre les parties.
En matière pénale, il est urgent de réfléchir sur le sens de la peine. Celle-ci a trois vocations : punir, protéger la société, réinsérer. Or la réinsertion n'a aucune place dans ce texte. Seule la peine de prison est perçue comme efficace, sans prise en compte de ses effets délétères sur le condamné et sur la société. Nous demanderons la suppression de l'article 27 car le JAP doit intervenir systématiquement, avec un projet de sortie au cas par cas.
J'espère que les chantiers que vous avez lancés, madame la garde des sceaux, aboutiront à un texte d'une tout autre logique - même si je suis sceptique. Sans une justice qui fonctionne, c'est toute la société qui s'effondre.
Nous voterons contre ces deux propositions de loi, à peine modifiées par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
La séance est suspendue à 17 h 55.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Conférence des présidents
M. le président. - La Conférence des présidents, réunie à 18 heures, a décidé que nous pourrions siéger au-delà de minuit pour terminer l'examen des propositions de loi pour le redressement de la justice.
Les conclusions qu'elle a adoptées sont mises en ligne sur le site du Sénat et disponibles dans les couloirs d'accès à notre hémicycle et auprès des huissiers. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observations d'ici la fin de la séance.
Redressement de la justice (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice et la proposition de loi organique pour le redressement de la justice.
Discussion générale commune (Suite)
M. Yves Détraigne . - La justice va mal. Ses délais ne cessent de s'allonger, de sept mois et demi à plus d'un an pour les juridictions civiles, tandis que les effectifs de magistrats et de greffiers diminuent avec des vacances de poste endémiques. Ce constat sévère du président Bas, dans le rapport de la mission d'information, n'est pas une surprise pour quiconque s'intéresse aux moyens de la justice. Depuis des années, je lance des alertes. Nous ne pouvons plus attendre.
C'est pourquoi je salue ces propositions de loi. Les rapporteurs ont respecté l'esprit de la mission d'information sur le redressement de la justice. Le fond de la réforme est ici lié au financement, sans faire l'impasse sur les serpents de mer qui hantent la place Vendôme, par exemple l'aide juridictionnelle.
Sur l'organisation juridictionnelle, chacun se souvient des débats enflammés de la réforme Dati de 2007-2008. Ici, la commission des lois opte pour la création du tribunal départemental de première instance, c'est séduisant ; Sophie Joissains a préféré une première étape expérimentale pendant trois ans, elle proposera un amendement dans ce sens.
La situation des magistrats a évolué avec la loi du 8 août 2016, leur recrutement a été diversifié, c'est une bonne chose. Reste à explorer de nombreuses pistes en matière de ressources humaines, en particulier pour les affectations à la sortie de l'École nationale de la magistrature (ENM). À la sortie de l'école, un magistrat commence sa carrière par un rôle de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge d'application des peines, exactement les fonctions et les responsabilités qu'un juge avec dix ans d'expérience, regrettait Jean-Jacques Hyest, alors député, en 1994. C'est toujours le cas. Cela peut entraîner des découragements et alimenter le turnover. Il faudrait que les jeunes magistrats soient affectés à des postes adaptés à leurs capacités. Notre regretté collègue Fauchon suggérait une période probatoire de deux ans afin que les jeunes magistrats complètent leur formation ; ils ne devraient en aucun cas être nommés sur des postes à juge unique.
L'heure n'est plus aux rapports d'information, mais à l'action : j'espère, madame la ministre, que vous saurez entendre la voix constructive du Sénat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Antoine Lefèvre . - Votre prédécesseur, madame la ministre, a dit que l'institution judiciaire était « en voie de clochardisation » : l'expression est forte, pour une réalité des plus difficiles qui résulte d'une carence constante des moyens devant le recours croissant de nos concitoyens à la justice - je n'ai eu de cesse de le dire, comme rapporteur de la mission « Justice » et je souscris bien volontiers à la priorité pour la justice.
La commission des lois propose une trajectoire pluriannuelle d'augmentation sur cinq ans, assortie d'une condition de réformes structurelles, c'est équilibré. Il faudra, une fois le rattrapage effectué, voir aussi comment ce ministère peut contribuer aux économies budgétaires de l'État.
L'article 2 augmente de 25 % les moyens de la justice d'ici 2022 ; cette trajectoire diffère de celle du Gouvernement, qui ne s'engage manifestement qu'à un progrès de 9,6 % d'ici 2020. Je ne le voterai pas, malgré la peine que cela causera à M. le président Bas. Mais il faut bien que l'ancien commissaire des lois gagne son statut de commissaire des finances... (Sourires)
M. Jean-Pierre Sueur. - Restez plutôt fidèle aux lois !
M. Antoine Lefèvre. - Le texte, ensuite, interdit le gel de crédits votés pour les services judiciaires et le CSM. Or la constitutionnalité d'une telle interdiction n'est guère assurée ; ensuite, la régulation budgétaire appartient au Gouvernement plus qu'au Parlement, elle permet un pilotage des crédits pour s'adapter à des imprévus - et je ne crois pas opportun de priver le Gouvernement d'un outil utile à l'exécution du budget que nous votons - sans compter les initiatives de tous les secteurs de l'action publique que cela ne manquerait pas de provoquer. Je ne voterai donc pas non plus l'article premier.
Sous ces réserves, je salue de nouveau ce travail qui vous aidera, madame la ministre, à mener votre mission ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Patrick Kanner . - Cinq ans pour sauver la justice, tel est le mot d'ordre de ces propositions de lois. Nous en partageons une grande partie. Le groupe SOCR soutient ces textes qui sont dans la continuité du précédent quinquennat. Nous n'avons pas été, collectivement, à la hauteur de la justice pour notre pays. Bien des questions se posent : comment donner envie à de jeunes magistrats de rester à leur poste dans des juridictions difficiles ? Comment améliorer l'effectivité de la peine ? Comment conférer des moyens adaptés aux missions confiées à la justice ? Comment relever le défi de la numérisation ? Nous avons encore bien du pain sur la planche.
Il faut donc continuer la dynamique vertueuse entamée lors du précédent quinquennat - qui a connu un budget en hausse de 15 % et la création de 6 000 postes, dont 1 714 pour les services judiciaires.
M. François Bonhomme. - Avec quel résultat ?
M. Patrick Kanner. - Je salue l'action réalisée par Christiane Taubira et Jean-Jacques Urvoas, qui ont fait de l'augmentation des moyens, leur premier combat. Le vieux monde a montré la voie. Il faut cesser de prononcer des peines qui ne sont pas exécutées : les Français ne le comprennent pas et y voient un signe de faiblesse de notre République.
Il faut un système pénitentiaire qui prévienne la récidive. Quelque 8 000 places de prison ont été créées lors du précédent quinquennat, pour lutter contre la surpopulation carcérale et aller vers l'encellulement individuel. La contrainte pénale pourrait bénéficier d'une meilleure mise en oeuvre. Je continue à penser que la loi Justice du XXIe siècle allait dans le bon sens.
M. François Bonhomme. - Perseverare diabolicum !
M. Patrick Kanner. - Cette proposition de loi poursuit cette voie et nous l'approuvons, au service de l'individualisation de la réponse pénale. C'était le but de la suppression des peines plancher qui faisaient obstacle à l'individualisation des peines.
La création d'un tribunal départemental de première instance, sans remise en cause de la carte judiciaire, est intéressante, comme les dispositifs permettant aux juges de se décharger sur les conciliateurs de justice et les juristes assistants.
La proposition de loi organique, réduisant la mobilité des magistrats tout en laissant de la souplesse au Conseil supérieur de la magistrature, est à même d'améliorer l'organisation de la justice.
Madame la ministre, je suis heureux que l'examen de ce texte se télescope avec l'annonce de vos cinq grands chantiers. Mais pourquoi se contenter d'annonces ? Le diagnostic est connu. Le temps de l'action est venu. Je souhaite que ces propositions de loi prospèrent dans la navette. Vous nous répondrez par votre projet de loi à venir, mais il est urgent d'agir, plus loin, plus vite, plus fort - saisissez-vous de ces propositions de loi !
Des améliorations ont été abordées en commission, par exemple la suppression de la condamnation à une amende civile de 10 000 euros en cas d'appel ou de pourvoi jugé dilatoire ou abusif en matière pénale : c'était une atteinte aux règles du procès équitable. Je remercie aussi la commission d'avoir acté la création d'un groupe de travail sur la présomption irréfragable de non consentement des mineurs à un acte de pénétration sexuelle.
En revanche, il ne nous semble guère pertinent de réinstaurer une contribution à l'aide juridictionnelle, ni d'instituer une consultation juridique préalable à la demande d'aide juridictionnelle pour écarter les cas d'irrecevabilité manifeste : ce sont autant de barrière à l'accès à la justice. De même, il nous semble que baisser les seuils d'aménagement de peine n'est guère cohérent avec la volonté de rendre les peines plus applicables, nous y reviendrons.
Nous ne pourrons jamais être d'accord sur tout, c'est l'essence même de la démocratie, mais nous devons nous rassembler pour avancer sur les sujets qui sont les clés de voûte de la République. Madame la ministre, rejoignez-nous, au service d'une République forte et généreuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur le banc de la commission)
M. François Bonhomme . - Ces propositions de loi viennent à point nommé. Le constat d'une dégradation constante de la justice est partagé par tous. Une insuffisance demeure : regarder les problèmes de la justice sous le seul angle budgétaire. Preuve par l'absurde : malgré la hausse de 89 % des moyens de la justice, elle ne s'améliore pas.
Un objectif prioritaire est de réduire les délais, par le numérique et l'incitation à la conciliation notamment. Un meilleur travail, une moindre mobilité, des moyens collégiaux amélioreraient la qualité. Une plus grande proximité de la justice est également souhaitable.
Il est bon de réviser le financement de l'aide juridictionnelle par le rétablissement du droit de timbre et la consultation obligatoire d'un avocat avant toute demande d'aide.
Assurer l'effectivité de l'exécution des peines et diminuer la récidive constituent un autre objectif prioritaire. Il y a là matière à réflexion pour le ministère. Ces propositions de loi répondent aux préoccupations du Gouvernement qui a lancé cinq grands chantiers. Madame la ministre, inspirez-vous du travail de tisserand de Philippe Bas et des rapporteurs. Ils ne demanderont pas de droit d'auteur. Il s'agit bien là de construire une bonne justice - comme on disait au XIVe siècle le bon gouvernement, c'est-à-dire une justice qui garantisse les droits des plus faibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Laménie . - Je salue le travail important de la commission des lois. 28 articles pour la proposition de loi, 15 pour la proposition de loi organique... Depuis de nombreuses années, la justice se dégrade malgré une hausse de ses crédits de 89 % en 15 ans, jusqu'à 8,5 milliards d'euros en 2017 et 8,7 proposés pour 2018.
La première priorité est la maîtrise des délais ; la seconde, la qualité des décisions ; la troisième, le renforcement de la proximité de la justice et du justiciable ; la quatrième, l'effectivité accrue des peines et la lutte contre la récidive. La tâche est immense. Sur le terrain, dans les Ardennes, nous assistons aux audiences solennelles, ces temps forts qui nous permettent de rencontrer les nouveaux magistrats - et de constater qu'il manque des ressources. Saluons le dévouement de l'ensemble des personnels !
Je soutiendrai ces textes avec conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
La discussion générale commune est close.
Discussion des articles de la proposition de loi
ARTICLE PREMIER (Annexe)
M. le président. - Amendement n°42, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 36, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, ainsi que des mesures d'annulation de crédits en cours de gestion
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Je présente en même temps les sept amendements de coordination nos42 à 48 : ils ne visent qu'à assurer la coordination avec la proposition de loi organique.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable car nous n'avons pas examiné la proposition de loi organique à laquelle ils font référence. Sur le fond, je n'y suis pas non plus favorable. Je ne suis pas sûre qu'il soit constitutionnel d'interdire au Gouvernement de geler des crédits. En outre, le Gouvernement s'est engagé à ce que les réserves de crédits ne dépassent pas 3 % du budget de la mission.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je ne comprends pas l'argumentation de Mme la ministre. Nous allons parler de la proposition de loi organique. Rien n'empêche le rapporteur de coordonner les deux propositions de loi.
Vous estimez aussi qu'il ne devrait pas y avoir de gel. Si la loi de programmation se contraint elle-même du seul fait que la loi de finances existe... et qu'elle peut être exécutée à loisir par le Gouvernement, nous ne ferons rien. Nous en avons assez de la fantasmagorie qui consiste à adopter des lois de finances pour que les crédits soient ensuite annulés.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ceci ne signifie pas que le Gouvernement n'est pas décidé à se battre pour augmenter le crédit de la justice. Ce sera un budget en hausse. J'ai un désaccord constitutionnel sur la disposition qui contraint les prérogatives du Gouvernement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Le Gouvernement ne souhaite pas que cette proposition de loi soit adoptée, nous l'avons bien compris. Mais nous délibérons ici d'une annexe. Ne vous cachez pas derrière un argument constitutionnel sur une annexe.
M. le président. - Amendement n°43, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 66
Remplacer les mots :
est prévu
par les mots :
et les dérogations qu'il serait possible d'y apporter, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, sont prévus
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°44, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 137
Après le mot :
magistrats
insérer les mots :
, les greffiers
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 163, première phrase
Remplacer les mots :
ayant une activité économique, pour en
par les mots :
, pour les mesures et les procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, afin d'en
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°46, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
I. - Alinéa 168
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 169
Au début, insérer les mots :
Lorsque le conciliateur de justice intervient par délégation du juge,
III. - Après l'alinéa 169
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
À contrario, toutes les fois où la conciliation aura été engagée à l'initiative des parties, ou toutes les fois où la tentative de conciliation relèvera d'un préalable obligatoire à la saisine du juge, le conciliateur n'aura pas à adresser, au juge saisi, de proposition de règlement du litige.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°47, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 204
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il associera également les élus locaux, en particulier les conseils départementaux.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 226, première phrase
Remplacer le mot :
décision
par le mot :
demande
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Défendu.
L'amendement n°42 est adopté, de même que les amendements nos43, 44, 45, 46, 47 et 48.
L'article premier, ainsi modifié, est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°22 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Supprimer cet article.
Mme Josiane Costes. - Nous sommes en désaccord avec la clé de répartition proposée entre les crédits aux services judiciaires et ceux qui vont à l'administration pénitentiaire. La surpopulation carcérale est indéniable et la France a été condamnée. Mais la France a aussi été condamnée pour ses délais excessifs à rendre la justice : il faut donc bien améliorer les deux versants, plutôt que de privilégier l'un d'eux.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. L'article 2 est une des bases de la proposition de loi. Notre façon de faire a été approuvée par tous les acteurs interrogés et tient compte de la construction de 15 000 places de prison qu'il faut bien financer.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable. Le Gouvernement souhaite présenter son propre projet de loi, comme je le disais en discussion générale.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous payons ici le prix du fameux principe de l'annualité budgétaire, érigé en dogme. Ce culte est contraire à la politique qui porte sur le moyen et le long terme. Nous déplorons en France un retard considérable en matière pénitentiaire : notre pays compte parmi les 4 ou 5 derniers pays de l'OCDE ! Une hausse de 27 % du budget en cinq ans, comme le propose le président Bas, est souhaitable. Je serais tenté de dire qu'il faudra aller beaucoup plus loin même si je sais que l'augmentation des crédits n'a été que de 14 % au cours du dernier quinquennat. Allez dans les tribunaux, les prisons, pour voir combien il faut en finir avec la sous-évaluation du ministère de la justice !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Oui, il faut une loi de programmation pour la justice : à tel point que je vous en présenterai une !
M. Jean-Pierre Sueur. - Je serai là !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je m'étonne, ensuite, que vous souhaitiez préempter l'action des futurs parlementaires et des gouvernements pendant dix ans.
M. Jean-Pierre Sueur. - La dignité de la politique réside dans le long terme...
L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Supprimer cet article.
Mme Josiane Costes. - Nous sommes défavorables à la répartition des renforts d'effectifs proposée ici, au détriment des services judiciaires. En 2014, la France comptait deux fois moins de magistrats et quatre fois moins de procureurs que ses voisins européens.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Oui, il y a un important effort de recrutement - 1 500 places de surveillants pénitentiaires pour tenir compte de la création de 15 000 places en prison. Nous prévoyons en outre + 500 postes de magistrats, + 900 postes de greffiers, + 100 postes de greffiers assistants.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable, comme expliqué à l'amendement précédent.
L'amendement n°23 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Supprimer cet article.
Mme Josiane Costes. - Cet amendement conteste l'accroissement du nombre de conciliateurs de justice prévu à cet article. D'aucuns souligneront l'économie que représente l'emploi de conciliateurs qui sont bénévoles... comme d'assistants de justice rémunérés 450 à 500 euros nets mensuels.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. Il ne s'agit pas de supprimer des magistrats pour les remplacer par des conciliateurs mais mieux vaut un conciliateur rapide qu'une longue procédure judiciaire, pour des conflits de voisinage par exemple. Un amendement adopté en commission a précisé que le conciliateur ne peut proposer un règlement que si le juge le lui demande au préalable. Le but des conciliateurs est la réconciliation. Leur intervention ne gêne pas celle des juges.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable car si la conciliation mérite d'être développée, non pour réaliser des économies mais parce que ce mode de règlement alternatif des litiges permet d'éviter les procédures longues, coûteuses et anxiogènes, je ne veux pas m'engager sur des objectifs chiffrés tant que les chantiers de la justice n'ont pas rendu leurs conclusions.
M. Jean-Pierre Grand. - Les conciliateurs de justice sont de plus en plus considérés comme des juges par les justiciables qui en attendent un jugement. Cela se passe dans nos mairies gratuitement, ce qui n'est pas neutre... Attention aux dérives.
M. Jean-Pierre Sueur. - Si les conciliateurs de justice jouent un rôle utile, ils ne sauraient constituer un cataplasme pour dissimuler le manque de magistrats. La France consacre à la justice 72 euros par habitant, contre 146 euros en Allemagne et 155 euros au Royaume-Uni. Notre pays compte 10 magistrats pour 100 000 habitants, c'est moitié moins que la moyenne de l'Union européenne. Sur les 43 pays de l'OCDE, la France se situe au 39e rang ! Il faut une loi de programmation qui la fasse revenir à un classement plus digne de la République française.
L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Loisier, MM. Laugier et Kern, Mme Férat et MM. Mizzon, L. Hervé, Cigolotti, Vanlerenberghe, Cadic et Longeot.
Supprimer cet article.
M. Yves Détraigne. - L'article 6 impose des contraintes nouvelles dans la publication des jugements, dont l'anonymisation de ceux qui ont contribué à rendre la décision. Le Conseil national des barreaux y a dit son opposition formelle, comme le Premier président de la Cour de Cassation et les Premiers présidents des cours d'appel ; la CNIL s'est également prononcée contre. D'où cet amendement qui nous évitera un recul sur la transparence.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. L'open data est fait pour aider à connaître l'état de la jurisprudence et, surtout, à l'appliquer. Ce qui est important, c'est la nature de la décision, et pas le nom de ceux qui ont contribué à ce qu'elle soit rendue.
La majorité des magistrats est pour l'anonymisation, les greffiers également. Chez les avocats, les avis divergent : certains voient dans l'absence d'anonymisation une forme de publicité indirecte.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable parce que la Chancellerie attend les conclusions de la mission qu'elle a confiée à M. Loïc Cadiet sur l'application des articles 20 et 21 de la loi pour une République numérique.
L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°25 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Alinéa 2
Après le mot :
juridictions
insérer les mots :
actualisent régulièrement les contenus diffusés, en supprimant les informations obsolètes ou erronées de nature à entrainer des recours abusifs ou dilatoires. Elles
Mme Josiane Costes. - Précisons les obligations pesant sur les sites Internet relayant des informations et des renseignements juridiques pour qu'elles soient effectives le plus vite possible.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable : l'article 7 fixe les principes, les précisions seront dans le décret.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°25 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
sans recourir à un avocat
Mme Josiane Costes. - Il sera difficile, pour un justiciable, de s'assurer qu'un avocat a été associé aux actes proposés par un site Internet avant d'avoir souscrit au contrat, sauf à ce que le nom de l'avocat soit mentionné - ce qui n'est pas prévu. C'est pourquoi il faut interdire strictement aux personnes n'exerçant pas la profession d'avocat de proposer des services d'assistance ou de représentation juridique au sens de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Retrait, sinon rejet : l'objet de la proposition de loi est justement de respecter la loi du 31 décembre 1971 en empêchant que des sites n'empiètent sur les fonctions d'avocat. On ne peut pas interdire ces services ni en donner le monopole à des barreaux ou des sociétés d'avocats.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°26 rectifié est retiré.
L'article 7 est adopté.
ARTICLE 8
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Nous ignorons tout du contenu des règles de déontologie, renvoyées à un décret en Conseil d'État. Les auteurs de la loi semblent ne pas avoir d'idée précise à ce sujet. C'est pour le moins inquiétant.
Comme le dit le président du Syndicat de la magistrature, il semble que le président Bas voit dans le règlement des litiges en ligne un remède miracle à l'engorgement des tribunaux quand l'objectif devrait être d'assurer l'accès gratuit à la justice pour tous.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. Ces services commencent à apparaître. Nous devons en tenir compte, réagir et protéger les justiciables. D'où la proposition de créer un service public que l'Alsace et le Bade-Wurtemberg ont mis en place avec succès dès 1993 pour régler les litiges transfrontaliers de consommation. Autant j'aurais compris des propositions d'amélioration, autant je ne comprends pas cet amendement de suppression.
Mme Éliane Assassi. - Nous ne sommes pas dans la même logique !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Il est souhaitable d'encadrer le règlement des litiges sur Internet.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Mme Josiane Costes. - La modernisation est coûteuse et, parfois, contreproductive. On connaît les dysfonctionnements du logiciel Louvois... Le logiciel Cassiopee coûte 142 millions d'euros par an. Comment financer cet article ?
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Cette loi poursuit un objectif, le redressement de la justice. Elle programme un service en ligne sans préciser à quelle échéance. Ce n'est pas parce que la justice connaît quelques difficultés avec l'informatisation qu'il faut y renoncer. Les conciliateurs ont dit leur intérêt pour une expérimentation. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Sagesse. Il faudrait une réflexion plus approfondie sur la notion de service public en ligne. Le portail lajustice.fr prendra de l'ampleur. Quant à savoir s'il deviendra ce qui est demandé dans cet article et avec quels moyens....
L'amendement n°27 rectifié n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Dantec, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Supprimer cet article.
Mme Josiane Costes. - Nous retirons cet amendement bien que nous continuions de nous inquiéter de l'apparition d'une justice prédictive.
L'amendement n°28 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Leconte.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
et le procureur général veillent
par le mot :
veille
M. Jean-Yves Leconte. - Entre les statistiques et les algorithmes, des choses nouvelles peuvent apparaître... Nous devons être particulièrement vigilant sur l'open data judiciaire pour éviter d'aller, comme Mme Costes l'a dit, vers une justice prédictive. Cet amendement répond à l'inquiétude du premier président de la Cour de Cassation en lui réservant la supervision de l'open data.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Nous avons modifié le texte après une audition conjointe du Premier président de la Cour de Cassation et du procureur près de la Cour de Cassation. Le Premier président s'en est ému par une lettre qui a appelé une réponse du procureur général... N'entrons pas dans des conflits de personnes, que ces deux personnalités s'accordent pour un open data efficace.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Gouvernement s'en tient à l'avis de la commission.
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pierre Ouzoulias. - Si l'objectif du tribunal de première instance est de rapprocher la justice des justiciables, le cadre départemental n'est pas le plus approprié. L'exposé des motifs prévoit des exceptions aux compétences des chambres détachées. Elles se verraient affecter des compétences supplémentaires sur décision du chef de juridiction. In fine, c'est ce dernier qui décidera de l'affectation des effectifs, mettant à mal le principe d'inamovibilité du juge.
M. le président. - Amendement identique n°29 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Mme Maryse Carrère. - Les juridictions très grosses sont plus difficiles à piloter. Le tribunal départemental de première instance aggravera l'isolement des territoires les plus enclavés. D'après le rapport de la commission européenne pour l'efficacité de la justice, la France est parmi les onze pays à compter le moins de tribunaux par habitant alors qu'elle a le territoire le plus vaste de l'Union européenne.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - La loi Justice du XXIe siècle a donné les compétences du tribunal de police aux tribunaux d'instance. Paradoxalement, on ajoute de la complexité. Notre idée est tout simplement d'unifier le tribunal de première instance. Pour ne pas vider les lieux de justice, nous imaginons qu'un tribunal ait plusieurs implantations, où un juge pourrait se rendre et tenir des audiences. Il s'agit de penser l'organisation par département. Les préfets nous le disent : travailler avec trois procureurs est plus compliqué qu'avec un seul. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable. Dans le cadre des chantiers de la justice, j'ai lancé un chantier spécifique sur l'adaptation de notre réseau de juridictions. Je retiens les propositions du rapport de la mission d'information mais attention à la nécessaire spécialisation des juges, à la cohérence avec les autres missions de l'État et à la collégialité qui doit être développée.
M. Philippe Bas. - Je suis heureux d'entendre Mme la garde des Sceaux, dont les arguments plaident tous en faveur des tribunaux de première instance. Cette notion présente de nombreux avantages, dont la proximité. La répartition entre tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance est devenue si complexe qu'il n'est pas rare que le justiciable se trompe de porte. Avec le tribunal de première instance, il saura où frapper. Aucun piège derrière cette notion ! Aucune implantation ne sera mise en question. Au contraire, la qualité de gestion sera améliorée. Il suffisait d'un congé de maternité, dans un tribunal où siègent quatre juges, pour que la justice avance de façon erratique. Nous avons prévu, de plus, une mise en place progressive et seulement à mesure que les vacances de postes seront comblées.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je ne saurais mieux dire. Madame la garde des sceaux, je suis étonné que, s'agissant d'une proposition de loi - qui relève des parlementaires - vous arguiez qu'on ne saurait statuer sur un sujet avant que le Gouvernement n'ait étudié la chose. Vous auriez pu vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je reconnais bien volontiers le rôle primordial du législateur. Mon but est d'assurer la cohérence de mon action. Or j'ai lancé les chantiers de la justice il y a moins de dix jours. J'attends leurs conclusions pour vous présenter des propositions, que vous serez libres d'accepter ou non.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'initiative parlementaire existe !
Les amendements identiques nos4 et 29 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Alinéas 12 et 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 211 - 2. - Des tribunaux de première instance sont établis dans chaque département selon des critères démographiques, géographiques et sociologiques, en tenant compte du coût et de la facilité d'accès de la population à ces sièges. » ;
Mme Maryse Carrère. - Amendement de repli : il faudra tenir compte des spécificités des territoires pour définir l'implantation des tribunaux de première instance.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. Nous proposons un tribunal de première instance par département. Actuellement, dans certains départements, il n'y a qu'un tribunal de grande instance ; d'autres, comme le Nord, en compte six. Nous progresserons lentement vers notre objectif. Le principe d'inamovibilité des juges ? Il demeurera au sein du tribunal de première instance ou dans une fonction spécialisée.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable dans l'attente des solutions qui me seront proposées.
L'amendement n°30 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Après l'alinéa 70
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
... - Le second alinéa de l'article L. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution est supprimé.
... - Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l'article L. 1134-10, aux première et seconde phrase du premier alinéa et au second alinéa de l'article L. 1422-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° À la fin du dernier alinéa de l'article L. 1423-11, les mots : « d'instance » sont remplacés par les mots : « de première instance » ;
3° À la première phrase du premier alinéa et aux deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1454-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
4° Le 3° de l'article L. 1521-3 est abrogé ;
5° À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2323-4, à la première phrase du premier alinéa du II de l'article L. 2323-39, au dernier alinéa de l'article L. 2325-38, au second alinéa de l'article L. 2325-40, à la première phrase du deuxième alinéa et aux première et dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 2325-55, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
6° L'article L. 3252-6 est abrogé ;
7° Aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 7112-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
... - Aux articles L. 4261-2 et L. 4262-2 du code des transports, la référence : « L. 223-3 » est remplacée par la référence : « L. 215-4 ».
L'amendement de coordination n°49, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Joissains.
A. - Alinéa 71
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. - Le présent article entre en vigueur à titre expérimental à une date fixée par décret et jusqu'au 1er janvier 2022. Cette expérimentation a lieu dans une liste fixée par décret de trois départements présentant des configurations géographiques et démographiques variées.
B. - Alinéa 72
Remplacer les mots :
À cette date
par les mots :
Pendant cette période
Mme Sophie Joissains. - L'article 10 a suscité les réserves de nombreux magistrats, voire leur hostilité. De fait, ce texte pourrait constituer, avec la possibilité ouverte à l'article 17 de supprimer des chambres détachées, l'acte I de la disparition de lieux de justice. Mieux vaudrait expérimenter le dispositif dans quelques départements afin de s'assurer de sa pertinence. Le monde judiciaire connaît l'expérimentation ; il l'a pratiquée pour le service d'accueil unique du justiciable, qui a été pérennisé, ou encore l'introduction de citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels, qui a été abandonnée.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Retrait ? La mise en place des tribunaux de première instance se fera au fur et à mesure des capacités. Vous suivre reviendrait à compliquer l'accès des citoyens à la justice, en doublant les règles de répartition des compétences. Vous craignez la disparition des lieux de justice ? Le conseil départemental donnera son avis, les élus locaux seront consultés.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je comprends votre préoccupation, madame Joissains : nous la partageons et avons pris toutes les précautions utiles pour maintenir toutes les implantations en sollicitant un avis du conseil départemental.
L'alinéa 71 n'est pas anodin : le décret peut prévoir une date échelonnée selon les départements, au fur et à mesure de la mise en place des moyens humains.
Mme Sophie Joissains. - Si l'article 17 n'existait pas, je retirerais mon amendement.
Mme Lana Tetuanui. - L'application du décret du 6 mai 2017 n'a pas été étendue à la Polynésie alors que celle-ci vient d'être dotée d'un tribunal foncier pour résoudre ses nombreux litiges liés au problème du nom de famille.
En Polynésie, autrefois, la moitié de la fratrie portait le nom du père, l'autre celui de la mère. Autrefois, on pouvait changer de nom en saisissant le tribunal de Papeete ; désormais, il faut se perdre dans les dédales de l'administration parisienne... C'est un vrai problème ! À l'heure de la simplification, on complique la vie des Polynésiens. (M. Pierre Ouzoulias applaudit ainsi que Mme Sophie Joissains.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Gouvernement est attaché à ce que la question foncière soit réglée dans les meilleures conditions possibles en Polynésie française. Nous appuierons les résolutions des difficultés que vous rencontrez.
À la demande de la commission des lois, l'amendement n°11 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°2 :
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Pour l'adoption | 68 |
Contre | 224 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
ARTICLE 11
L'amendement n°5 est retiré.
L'article 11 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°31 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Avant l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement produit un rapport relatif à l'impact du recours à la conciliation sur l'évolution du contentieux devant les juridictions judiciaires.
Mme Maryse Carrère. - Il est défendu.
L'amendement n°31 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pierre Ouzoulias. - L'article 12 renforce les effets de la procédure de conciliation : en cas d'échec, le conciliateur pourrait transmettre au juge le bulletin de non-conciliation, accompagné de sa proposition de règlement du litige. Le juge statuerait alors sans entendre les parties, sauf s'il l'estime nécessaire ou si celles-ci le demandent.
Les modes alternatifs de règlement des litiges, pour bienvenus qu'ils soient, ne doivent pas être pensés comme une solution à l'engorgement des tribunaux. Avec cet article, le conciliateur est érigé en juge du fond. C'est une incongruité juridique qui foule au pied le principe du contradictoire.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. Nous avons fait évoluer la proposition de loi initiale. L'une des parties peut toujours demander une audience publique, le contradictoire est respecté. La possibilité qui est ici ouverte au juge est une piste pour accélérer le cours de la justice, dans les cas où le juge estime la conciliation utile - je pense aux retards de paiement de loyer ou aux conflits de voisinage. Le conciliateur fournit des éléments au juge, au même titre qu'un expert qui apporte des réponses techniques sur lesquelles fonder sa décision. C'est de bonne administration de la justice !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Le texte a évolué : initialement, il prévoyait de donner force exécutoire à l'accord. Il faut être prudent avec les entorses au contradictoire : les parties qui n'ont pas trouvé d'accord devant le conciliateur voudront vraisemblablement s'en expliquer devant le juge. Reste que cette piste est intéressante et sera examinée dans le chantier de simplification de la procédure civile.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est sûr !
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
ARTICLE 13
M. le président. - Amendement n°32 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement supprime la faculté de déléguer à des assistants de justice la mission de conciliation du juge. Aucune expérience n'est requise pour devenir assistant de justice : il s'agit d'étudiants très qualifiés qui se destinent aux concours de la magistrature. Préservons cette notion d'apprentissage.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Il y a confusion. Ici, nous parlons des juristes-assistants, créés par la loi Justice du XXIe siècle : ce sont des contractuels recrutés pour trois ans après un doctorat ou cinq ans d'études universitaires et deux ans d'expérience professionnelle, et non des assistants de justice. Retrait, sinon rejet.
L'amendement n°32 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié bis, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 123-6. - Les assistants de justice sont nommés par le président de la juridiction, à l'issue d'une procédure de recrutement rendue publique. Sous la responsabilité des magistrats, ils participent notamment à la mise en l'état et à l'instruction des dossiers ainsi qu'à la rédaction des jugements. Ils ne peuvent être affectés de façon permanente au service d'un unique magistrat. »
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement étoffe le statut des assistants de justice et précise les missions qui leur sont confiées. Il doit s'agir d'apprentissage, pas de pallier le manque de magistrats et de greffiers. À plus long terme, des passerelles vers l'ENM peuvent être envisagées.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Il faut distinguer les assistants de justice, les greffiers assistants du magistrat, et les juristes assistants, catégorie nouvelle. En termes de gestion des ressources humaines, il est logique de leur confier certaines tâches plutôt qu'à un magistrat en fin de carrière, qui coûte trois fois plus cher. Tout ceci concourt à une meilleure organisation de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je ne saurai mieux dire.
L'amendement n°33 rectifié bis est retiré.
L'article 13 est adopté, de même que l'article 14.
ARTICLE 15
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
I. - Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Aux première et troisième phrases du deuxième alinéa et à la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 234-1 du code de commerce, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
II. - Alinéa 16
Après le mot :
économiques
insérer le mot :
établit
III. - Après l'alinéa 58
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
... - À la fin du I de l'article L. 145 A du livre des procédures fiscales, les mots : « et au premier alinéa de l'article L. 611-2-1 du code précité » sont supprimés.
... - À la fin de la dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 2325-55 et au premier alinéa de l'article L. 7322-5 du code du travail, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».
L'amendement rédactionnel n°50, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
L'article 15, modifié, est adopté.
L'article 16 est adopté.
ARTICLE 17
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - La révision quinquennale du siège et du ressort des tribunaux de première instance et de leurs chambres détachées favoriserait une gestion plus fluide et locale ? Il n'en est rien ! Les professionnels de la justice ne peuvent devenir itinérants, les tribunaux de première instance ne peuvent être mus au gré des desiderata politiques !
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. Il est nécessaire que l'organisation judiciaire puisse donner lieu à un débat, sachant que ces questions relèvent du seul pouvoir réglementaire. Les élus locaux n'ont rien à dire - souvenez-vous de 2008. Ils pourront désormais s'exprimer, d'autant que la commission a rajouté l'avis du conseil départemental. Nous éviterons ainsi des suppressions d'office de lieux de justice maintenus ! C'est subtil, mais utile pour les élus locaux. Défavorable à défaut de retrait.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable. La justice a besoin de stabilité. La détermination du siège relève du pouvoir réglementaire. Le réexamen aurait aussi un coût financier. Attendons le résultat de la consultation des chantiers de la justice. Une refonte du réseau judiciaire ne peut être envisagée qu'au regard de critères objectifs, liés aux évolutions procédurales et numériques, notamment, qui n'ont aucun lien avec le rythme quinquennal prévu. Un réexamen régulier alimenterait enfin un climat d'inquiétude.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les observations ainsi présentées s'appuient sur des données statistiques établies par chaque juridiction selon une classification unifiée définie par un décret en Conseil d'État.
Mme Josiane Costes. - Il s'agit d'éviter les variations de comptabilisation statistique d'une juridiction à une autre, qui pourraient biaiser les résultats.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Je ne suis pas sûr que ce soit à la loi d'apporter ce genre de précision. Le Gouvernement sera contre ! Retrait ou avis défavorable.
Mme Josiane Costes. - Je le retire.
L'amendement n°38 rectifié est retiré.
L'article 17 est adopté.
ARTICLE 18
M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Patrick Kanner. - Nous sommes tous attachés à l'aide juridictionnelle, née en droit romain avec l'idée d'aider les indigents. Nous avons organisé cette aide depuis 1851 autour du principe selon lequel il ne peut y avoir d'égalité de droits sans un égal accès de tous au droit.
La loi de finances rectificative de juillet 2011 a instauré une contribution forfaitaire pour l'aide juridique de 35 euros : un droit d'ester en justice, acheté sous la forme d'un timbre fiscal. Cette contribution a été supprimée dans la loi de finances pour 2014 au motif qu'elle restreignait l'accès au droit, et la perte de recettes compensée par une dotation budgétaire. La proposition de loi rétablit une contribution de 20 à 50 euros. Certes, des exceptions sont prévues, mais le principe d'égalité justifie que l'aide juridictionnelle demeure une charge publique.
M. le président. - Amendement identique n°20, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Esther Benbassa. - Malgré les exceptions prévues, cette mesure participe d'une vision comptable de la justice. Cette taxe est un obstacle supplémentaire pour l'accès au droit des plus fragiles. La justice est exsangue, le manque de moyens criant - et on nous propose de faire porter l'effort sur les plus précaires ! Investir dans la justice ne doit pas se réduire à la construction de prisons.
M. le président. - Amendement identique n°34 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Mme Josiane Costes. - La France est avec le Luxembourg le seul pays à assurer la gratuité d'accès aux tribunaux. La réintroduction de cette contribution serait une régression. Elle instaure en outre un régime de financement des frais de justice complexe et peu compréhensible.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Le coût annuel net de l'aide juridictionnelle pour l'État est de 370 millions d'euros. Le droit de timbre permettra de récupérer 50 millions d'euros pour l'aide juridique, destinée à aider ceux qui ont le moins de moyens à ester en justice. De nombreuses exonérations sont prévues, à commencer, bien sûr, par ceux qui sont éligibles à l'aide.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable. La contribution pour l'aide juridique a certes l'avantage d'assurer un financement pérenne et constitue un instrument de régulation contre les recours abusifs. En outre, de nombreuses dérogations en atténuent la protée. Toutefois, une telle contribution peut freiner les recours de personnes démunies. Le Gouvernement ne souhaite pas la réinstaurer. L'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de la justice (IGJ) ont reçu mission d'étudier des solutions de financement pérenne, comme l'hypothèse d'une assurance juridique.
Les amendements identiques nos15, 20 et 34 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Mme Josiane Costes. - Cet amendement atténue l'effet de seuil. Il n'est pas sain de créer un système à deux vitesses où les uns contribueraient deux fois, comme contribuable et comme justiciable, quand les autres bénéficieraient de l'aide juridictionnelle et seraient exonérés de droit de timbre. Il serait plus juste que chacun contribue à hauteur de ses moyens.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Cela reviendrait à obliger les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle à payer le droit de timbre, or ils sont exonérés. Retrait, sinon rejet.
L'amendement n°39 rectifié est retiré.
L'article 18 est adopté.
ARTICLE 19
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pierre Ouzoulias. - Soumettre toute demande d'aide juridictionnelle à la consultation préalable d'un avocat porte atteinte au principe d'accessibilité de la justice en ajoutant un obstacle au parcours du justiciable. Par ailleurs, il est étrange de confier aux avocats, acteurs privés, une mission qui relève de l'autorité de l'administration, d'autant plus que leur rétribution serait prise en charge par l'aide juridictionnelle !
M. le président. - Amendement identique n°16, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Patrick Kanner. - Cette mesure est un frein à la mise en oeuvre de la justice. Cette démarche supplémentaire dans un parcours déjà long et difficile découragera les justiciables les plus démunis. Or il ne peut y avoir égalité de droits sans égal accès de tous au droit.
M. le président. - Amendement identique n°35 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Mme Josiane Costes. - Défendu.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Je vous invite à relire l'article 19. Il s'agit de passer d'une logique quantitative à une logique qualitative. Nous nous plaignons tous de l'engorgement des tribunaux : voilà une forme de filtre, qui ne sera pas à la charge du justiciable puisque la rétribution de l'avocat sera prise en charge par l'aide juridictionnelle.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable. La mission confiée à l'IGF et l'IGJ, espérons-le, nous proposera des solutions de financement pérenne sans recours préalable à un avocat. Il y a d'autres manières de traiter intelligemment la question.
Les amendements identiques nos8, 16 et 35 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 19 est adopté, ainsi que l'article 20.
L'article 21 demeure supprimé.
L'article 22 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Grand.
Avant l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l'avant dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 135-2, les mots : « avec l'accord de la personne et » sont supprimés ;
2° L'article 706-71 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « et de l'ensemble des parties » sont supprimés ;
b) La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée.
M. Jean-Pierre Grand. - L'utilisation de visioconférence au cours d'une procédure judiciaire nécessite le plus souvent l'accord des parties ou du détenu. Sans remettre en cause le droit d'accès au juge, je propose de pouvoir recourir à la visioconférence dans l'ensemble des cas prévus aujourd'hui par la loi sans qu'un détenu ne puisse s'y opposer. Cette simplification répondrait en partie au fiasco des extractions judiciaires, dont plus de 50 % ne sont pas exécutées.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. En matière pénale, la possibilité de ne pas comparaître, ou par vidéo, nécessite l'accord de la personne jugée. C'est un droit absolu.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Pour développer la visioconférence, il faut d'abord que le matériel fonctionne : cela incitera les prévenus à donner leur accord. Cet amendement pose des problèmes de constitutionnalité et de conventionalité.
L'amendement n°12 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Grand.
Avant l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 3332-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de transfert prévu à l'article L. 3332-11, il en transmet copie intégrale uniquement au représentant de l'État dans le département. »
M. Jean-Pierre Grand. - Le « livre noir » du ministère public de juin 2017 dénonce l'ampleur de la charge de travail des parquets et notamment celle des missions non assumées, alors qu'une autre autorité serait à l'évidence mieux placée. Supprimons pour commencer l'avis du parquet en matière de licence de transfert de débit de boissons : celui du maire doit suffire ! Allégeons les charges inutiles.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il est en effet urgent de décharger le ministère public. Mais qui vient à la place ? Le préfet ? Le maire ? Il faut apporter une réponse globale, dans la perspective du projet de réforme de la procédure pénale. À ce stade, retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
M. Jean-Pierre Grand. - Le rapporteur est ouvert à une réflexion sur le sujet, je souhaite y être associé le moment venu.
L'amendement n°13 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Grand.
Avant l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport évaluant l'opportunité d'instaurer constitutionnellement la fonction de procureur général de la Nation.
M. Jean-Pierre Grand. - C'est un amendement d'appel. L'instauration d'un procureur général de la Nation garantirait une véritable indépendance de la justice en régulant le lien entre le pouvoir politique et le parquet - lien qui rend toute décision suspecte aux yeux de l'opinion ! D'où cette demande de rapport sur l'opportunité d'une telle réforme constitutionnelle. Depuis l'affaire Clearstream, j'y suis très attaché.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable. La commission des lois a pour principe de rejeter les rapports. Cette idée chère à M. Fauchon n'a jamais prospéré... En tout état de cause, nous avons tous les éléments en main pour en apprécier l'opportunité.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ce débat pourra être abordé lors de la révision constitutionnelle qui n'oubliera pas la justice. Un chapitre concernera le statut du parquet.
Cela dit, nous nous inscrivons a priori dans le cadre de l'article 20 de la Constitution, selon lequel le Gouvernement conduit la politique de la Nation : la politique pénale en fait partie. Je ne sais si votre idée prospèrera, mais elle mérite d'être débattue.
M. Jean-Pierre Grand. - Les magistrats sont nommés par le président de la République : pour l'opinion publique, cela change tout. La réforme constitutionnelle ne doit pas se limiter à rabougrir le Parlement : montrons aux Français que l'on a entendu leurs inquiétudes. Ils ne croient plus en la justice. Nous avons une occasion historique de montrer que la justice est libre. Ne revivons pas l'affaire Clearstream !
L'amendement n°14 rectifié est retiré.
Les articles 23 et 24 demeurent supprimés.
L'article 25 est adopté, ainsi que l'article 26.
ARTICLE 27
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - La saisine obligatoire du JAP préalablement à l'exécution des condamnations inférieures ou égales à deux ans aurait dénaturé le sens de la peine ? Pourtant, l'article 27 fait l'unanimité contre lui chez les syndicats de magistrats ou d'avocats qui y voient une régression du droit de la peine.
Contrairement au président Bas, nous ne considérons pas que la seule peine qui vaille est la peine de prison effective. Au contraire, l'incarcération est facteur de récidive. Pour favoriser la réinsertion, la peine doit être individualisée. Encourager l'inflation de la surpopulation carcérale est irresponsable.
M. le président. - Amendement identique n°17, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Patrick Kanner. - L'article 27 supprime la saisine obligatoire du JAP pour les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement.
Les aménagements de peine contribuent à une meilleure réinsertion. Les sorties sèches ne préviennent pas la récidive. L'article 27 augmentera la surpopulation carcérale, alors que l'on dénombre actuellement plus de 84 000 détenus pour 58 561 places de prison. Certes la commission propose d'augmenter le parc pénitentiaire mais il y faudra bien dix ans. Comment, dans l'intervalle, gérer cette surpopulation ? Je regrette, comme le rapporteur, que les juridictions se désintéressent de la diversité des peines disponibles.
M. le président. - Amendement identique n°37 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Mme Josiane Costes. - Il est défendu.
M. Philippe Bas. - Mme Benbassa semble me croire partisan des peines de prison, alors que je suis partisan de la diversification des peines et de leur adaptation à la personnalité du condamné. Or je constate que, depuis 2012, la diversification des peines a subi un véritable coup d'arrêt, en particulier le bracelet électronique. Mais lorsqu'une peine de prison est prononcée, elle doit être appliquée.
Lorsqu'une peine de moins de deux ans ne donne pas lieu à une incarcération, c'est incompréhensible pour la victime, le public et même pour le condamné. C'est à cette anomalie qu'il faut remédier. Ce n'est pas normal que des milliers de condamnés attendent que le juge de l'application des peines statue. Le président de la République s'en était inquiété dans son programme.
M. Antoine Lefèvre. - Merci de la précision.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - La commission est défavorable à ces amendements qui rétablissent un texte de Mme Dati, lequel entendait lutter contre la surpopulation carcérale. Certains juges de l'application des peines nous ont dit qu'ils avaient l'impression que certains juges du fond se déchargent sur eux, et qu'ils deviennent des juges du prononcé de la peine.
L'article 27 fixe l'objectif que le juge puisse prononcer une peine en pleine connaissance de cause. L'ajournement - prononcé de la condamnation mais attente pour prononcer la peine afin de laisser le temps de l'enquête au service pénitentiaire d'insertion et de probation - n'est plus pratiqué. Il faut que la sanction soit efficace.
À titre personnel, je pense que l'article 27 ne saurait entrer en vigueur sans remplir encore plus les prisons : cela n'arrivera pas, parce qu'il faut que le texte prospère dans la navette, mais l'esprit est bien d'indiquer qu'il faudra des moyens pour que la peine adaptée soit décidée. Avant 2009, la grâce présidentielle du 14 juillet permettait de libérer des condamnés à des courtes peines. Nous ne voulons pas y revenir mais il faut trouver des solutions. Je ne prendrai pas part au vote.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - J'ai été très sensible à vos explications, monsieur le rapporteur. Je ne donnerai finalement pas un avis favorable, mais de sagesse.
La diversification des peines est insuffisamment utilisée. Le délai entre condamnation et application de la peine est insupportable. Les chantiers de la justice se penchent sur la nécessité de renforcer le rôle du tribunal correctionnel dans l'application des peines qu'il prononce.
Il faut une réflexion globale et approfondie, car si l'examen préalable du JAP n'est plus automatique, il faut que les tribunaux aient les moyens de se prononcer ab initio, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Les amendements identiques nos9, 17 et 37 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 27 est adopté.
ARTICLE 27 BIS
M. le président. - Amendement n°51, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 3
Remplacer le mot :
seconde
par le mot :
dernière
L'amendement rédactionnel n°51, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 27 bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 28
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Patrick Kanner. - Le suivi socio-judiciaire a été instauré pour prévenir la récidive et seconder les efforts de réinsertion sociale par des mesures de surveillance, assorties éventuellement d'une injonction de soins, et des mesures d'assistance. Le suivi est une peine complémentaire qui ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi : atteintes à la vie, disparition forcée, trafic d'armes, détournement de moyens de transport, corruption de mineur, terrorisme.
La proposition de loi fait du suivi socio-judiciaire une peine complémentaire de portée générale susceptible d'être prononcée pour tous les délits et les crimes afin de soumettre tous les condamnés, une fois leurs peines d'emprisonnement purgées, à des obligations particulières pendant une certaine durée.
Cette généralisation nous paraît inutile dans la mesure où un accompagnement est toujours possible dans le cadre d'un aménagement de peine et elle ferait perdre tout son sens au suivi socio-judiciaire qui était en principe prévu pour les infractions les plus graves.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
L'article 28 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 28,
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
I. - Après le chapitre Ier du titre Ier du livre V du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire
« Section 1
« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire et des conditions de sa mise en place
« Art. 712-1 A. - Aucune détention ne peut ni être effectuée ni mise à exécution dans un établissement pénitentiaire au-delà du nombre de places disponibles.
« Pour permettre l'incarcération immédiate des nouveaux condamnés, des places sont réservées dans chaque établissement, afin de mettre en oeuvre le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire prévu au premier alinéa. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en oeuvre de ce mécanisme.
« Section 2
« De la mise en oeuvre du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire par l'administration pénitentiaire et par le juge de l'application des peines
« Art. 712-1 B. - Lorsque l'admission d'un détenu oblige à utiliser l'une de ces places réservées, la direction doit :
« - soit mettre en oeuvre une procédure d'aménagement de peine pour une des personnes détenues condamnées à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est égal à deux ans ou condamnées à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans. Cet aménagement de peine peut prendre la forme d'un placement extérieur, d'une semi-liberté, d'une suspension de peine, d'un fractionnement de peine, d'un placement sous surveillance électronique, ou d'une libération conditionnelle ;
« - soit mettre en oeuvre la libération sous contrainte prévue à l'article 720 lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir.
« Le service d'insertion et de probation prépare sans délai cette mesure.
« Art. 712-1 C. - La décision d'aménagement de peine ou de libération sous contrainte doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la date d'écrou du détenu entré en surnombre. Elle doit être mise en oeuvre sans délai.
« Art. 712-1 D. - À défaut de décision dans le délai de deux mois, le détenu le plus proche de la fin de peine dans l'établissement, choisi parmi ceux condamnés à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à deux ans ou ceux condamnés à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans bénéficie d'un crédit de réduction de peine égal à la durée de l'incarcération qu'il lui reste à subir.
« Art. 712-1 E. - En cas d'égalité de situation entre deux ou plusieurs personnes condamnées, le crédit de réduction de peine prévu à l'article 712-1 D est octroyé, en prenant en compte les critères et l'ordre des critères suivants, à :
« - la personne détenue qui n'a pas fait l'objet de procédure disciplinaire, ou qui en compte le moins à son encontre ;
« - la personne détenue qui a été condamnée à la peine la plus courte.
« Art. 712-1 F. - La décision d'octroi du crédit de peine doit intervenir dans les huit jours à l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article 712-1 D. »
II. - Le I entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Chacun déplore la surpopulation carcérale. Mais les réponses ne sauraient être univoques. Le président de la République, comme le précédent gouvernement, propose de construire de nouvelles places de prison, mais cela prendra dix ans.
Cet amendement propose un mécanisme de prévention de la surpopulation carcérale inspiré par Dominique Raimbourg, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui consiste à identifier les détenus en fin de peine et à les accompagner dans une période transitoire, en dehors de l'établissement.
En mars, la directrice de la maison d'arrêt de Villepinte aurait annoncé aux juges de son ressort qu'elle n'accepterait aucun nouveau détenu, car la maison d'arrêt était occupée à 200 % : c'est dire combien la surpopulation carcérale est devenue insupportable !
M. Jacques Bigot, rapporteur. - La commission trouve votre proposition intéressante. Mais dans l'impossibilité d'avoir une étude d'impact et un débat long, je vous propose, chère collègue, de le considérer comme un amendement d'appel, qui propose des pistes à Mme la garde des sceaux.
Trop peu de magistrats se rendent dans les maisons d'arrêt de leur ressort. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je suis très attentive à cette proposition, mais on ne peut la retenir en l'état : elle pose un problème d'individualisation de la peine et d'égalité de traitement entre les détenus selon la surpopulation relative d'une maison d'arrêt à l'autre.
Il est exact que les magistrats ne connaissent pas tous bien la situation des établissements pénitentiaires. Mais votre numerus clausus à l'envers n'est pas pertinent. Il faudrait rechercher la solution dans des conditions de prise de décision pour les magistrats leur permettant de l'adapter aux personnes jugées. Avis défavorable.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 370 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur est abrogé.
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement met fin à une discrimination légale depuis plus de vingt-cinq ans. En effet, l'article 370 de la loi du 16 décembre 1992 a maintenu l'interdiction des droits civiques résultant d'une condamnation pénale prononcée en dernier ressort avant le 1er mars 1994. Il en résulte que les effets des incapacités de plein droit antérieures au 1er mars 1994 peuvent se poursuivre encore maintenant.
Quelque temps avant l'élection présidentielle de 2012, M. Delvigne demande son inscription sur les listes électorales. Mais vingt-cinq ans après les faits, celui qui aurait été condamné à douze ans de réclusion en 1988 demeure déchu à vie de son droit de vote.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il faut admettre que ce monsieur pourrait demander le relèvement de sa condamnation complémentaire. La difficulté, c'est que depuis 2010, le Conseil constitutionnel a une position constante : l'automaticité supprimée, on ne peut pas revenir sur une privation de droits civiques. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le nouveau code pénal est en effet plus respectueux du principe d'individualisation des peines, en ne contenant plus cette perte automatique des droits civiques. Si l'article 370 de la loi de 1992 n'avait pas été pris, il y aurait aussi eu rupture d'égalité, car les condamnés d'avant son adoption auraient été automatiquement réhabilités alors qu'on ne sait pas ce que le juge aurait fait s'il avait dû choisir de condamner, ou pas.
Si vous supprimez cet article, toutes les privations de droits civiques disparaissent.
Si les faits sont anciens et peu graves, le condamné peut demander son relèvement, prévu à l'article 702-1 du code de procédure pénale ; le relèvement lui est accordé si, aujourd'hui, il y a lieu de croire qu'il n'aurait pas été condamné à la privation de droits civiques.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
L'amendement n°29 est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Patrick Kanner. - Entre l'ancien et le nouveau monde, il y a un monde qui avance, ici au Sénat, qui propose des pistes très intéressantes : le groupe SOCR votera cette proposition de loi.
Mme Esther Benbassa. - « La justice va mal » dit l'exposé des motifs, je partage ce constat. Mais comme les membres du CRCE, je considère que ce texte remet en cause l'institution judiciaire. Certes, il faut plus de moyens ; mais il ne faut pas prendre cette question comme vous le faites.
L'État de droit est notre priorité - et nous nous sommes retrouvés bien seuls lors de la loi sur l'état d'urgence. Ici, la réhabilitation et la réinsertion doivent être au coeur de la politique pénale. Je ne le dis pas par angélisme, mais par pragmatisme : le tout carcéral, ça ne marche pas ! Le détenu reste membre de la cité, il doit donc conserver ses droits.
Nous voterons contre cette proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Discussion des articles de la proposition de loi organique
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, Costes et M. Carrère et MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini, Labbé, Menonville, Requier et Vall.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les crédits affectés à l'administration pénitentiaire sont rassemblés au sein d'une mission propre.
Mme Josiane Costes. - Nous proposons de créer une mission spécifique à l'administration pénitentiaire, à côté de la mission « justice ». Cela permettra peut-être de sortir du dilemme « Pierre ou Paul », lorsque le ministre doit arbitrer entre les deux budgets.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. Si cet amendement veut rendre plus visibles les crédits des deux institutions, les deux programmes y pourvoient.
En revanche, il ne faudrait pas risquer d'encourager la sortie de l'administration pénitentiaire de la compétence du garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pierre Ouzoulias. - Cet article établit le principe selon lequel les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction.
Comme le relève l'ensemble des syndicats de la profession, il ne convient pas d'inscrire ce principe dans la loi car cela interdirait toute exception due à des circonstances exceptionnelles. Le nombre des demandes de mise en disponibilité ne ferait que s'accroître.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Avis défavorable. Il est essentiel que les magistrats puissent rester en poste. Nous avons entendu les inquiétudes et nous avons prévu la possibilité pour le Conseil national de la magistrature de déroger à cette règle. Face à la difficulté de pourvoir certains postes, il est utile de proposer des incitations financières ou un avancement plus rapide pour y attirer des magistrats. Mais cela relève du pouvoir réglementaire.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Il y a dans certaines juridictions un turnover important, la raison est à rechercher du côté de la vacance de postes. Or elle a vocation à se résorber. Le défaut d'attractivité de certaines juridictions serait accru si l'affectation était fixée à trois ou quatre ans, sans compter le manque de souplesse dans la gestion des ressources humaines. Certaines fonctions connaissent déjà des restrictions temporelles. Avis favorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, Costes et M. Carrère et MM. Collin, Gabouty, Labbé, Menonville, Requier, Vall et Gold.
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
dans la même
insérer les mots :
fonction au sein de la même
Mme Josiane Costes. - Des gains de productivité pourraient être faits en étendant l'obligation portée par l'article 2 aux fonctions.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - La durée minimale est déjà de quatre ans pour les juges spécialisés. Ne rigidifions pas l'organisation interne des juridictions.
L'amendement n°5 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 6
1° Après le mot :
magistrats
insérer les mots :
dont la nomination est intervenue avant le 1er septembre 2018 et
2° Remplacer les mots :
au 1er septembre 2018,
par les mots :
à compter de cette même date
3° Compléter cet alinéa par les mots :
ou suivant l'expiration de leur dixième année d'affectation dans la même juridiction
L'amendement de cohérence n°6, rejeté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté, de même que l'article 3.
ARTICLE 4
L'amendement n°2 est retiré.
L'article 4 est adopté, ainsi que les articles 5, 6, 7, 8, 9 et 10.
L'amendement n°3 n'est pas défendu.
L'article 11 est adopté.
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. J. Bigot, au nom de la commission.
Alinéa 12
Remplacer le mot :
le
par les mots :
la seconde occurrence du
L'amendement rédactionnel n°7, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 12 est adopté, de même que les articles 13, 14 A, 14, 15, 16 et 17.
La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°3 :
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 286 |
Pour l'adoption | 271 |
Contre | 15 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. le président. - N'ayant été saisi d'aucune observation, les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées. L'ordre du jour est ainsi réglé.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 25 octobre 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à 1 h 30.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 25 octobre 2017
Séance publique
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
Secrétaires : Mme Agnès Canayer M. Victorin Lurel
(Ordre du jour réservé au groupe RTLI)
1. Débat : « Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux »
2. Débat : « Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives »
À 18 h 35
Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
3. Débat : « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité »
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°2 sur l'amendement n°11, présenté par Mme Sophie Joissains, à l'article 10 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice
Résultat du scrutin
Nombre de votants :307
Suffrages exprimés :292
Pour :68
Contre :224
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (78)
Contre : 78
Groupe UC (49)
Pour : 47
Contre : 1 - M. Yves Détraigne
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault
Groupe LaREM (21)
N'ont pas pris part au vote : 21 - MM. Michel Amiel, Julien Bargeton, Arnaud de Belenet, Bernard Cazeau, Michel Dennemont, André Gattolin, Abdallah Hassani, Claude Haut, Antoine Karam, Martin Lévrier, Frédéric Marchand, Thani Mohamed Soilihi, Robert Navarro, Georges Patient, François Patriat, Didier Rambaud, Mme Noëlle Rauscent, M. Alain Richard, Mme Patricia Schillinger, MM. Dominique Théophile, Richard Yung
Groupe RDSE (21)
Pour : 21
Groupe CRCE (15)
Abstentions : 15
Groupe RTLI (11)
N'ont pas pris part au vote : 11 - MM. Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Claude Malhuret, Alain Marc, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled
Sénateurs non inscrits (5)
Contre : 1
N'ont pas pris part au vote : 4 - Mmes Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier
Scrutin n° 3 sur l'ensemble de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 307
Suffrages exprimés : 286
Pour : 271
Contre : 15
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Pour : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (78)
Pour : 78
Groupe UC (49)
Pour : 48
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault, membre du Gouvernement
Groupe LaREM (21)
N'ont pas pris part au vote : 21 - MM. Michel Amiel, Julien Bargeton, Arnaud de Belenet, Bernard Cazeau, Michel Dennemont, André Gattolin, Abdallah Hassani, Claude Haut, Antoine Karam, Martin Lévrier, Frédéric Marchand, Thani Mohamed Soilihi, Robert Navarro, Georges Patient, François Patriat, Didier Rambaud, Mme Noëlle Rauscent, M. Alain Richard, Mme Patricia Schillinger, MM. Dominique Théophile, Richard Yung
Groupe RDSE (21)
Abstentions : 21
Groupe CRCE (15)
Contre : 15
Groupe RTLI (11)
N'ont pas pris part au vote : 11 - MM. Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Claude Malhuret, Alain Marc, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled
Sénateurs non inscrits (5)
Pour : 1
N'ont pas pris part au vote : 4 - Mmes Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier
Communications
Commission des affaires européennes
Mme Anne-Catherine Loisier, en remplacement de Mme Catherine Fournier, démissionnaire.
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
M. Max Brisson, en remplacement de M. Bernard Bonne, démissionnaire.
Conférence des présidents
Semaine de contrôle
Mercredi 25 octobre 2017
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe République et Territoires / Les Indépendants)
- Débat : « Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux »
- Débat : « Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives »
À 18 h 30
- Débat : « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité » (demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable)
Jeudi 26 octobre 2017
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe Union Centriste)
- Débat : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
- Proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d'eau potable, présentée par MM. Bernard Delcros et René Vandierendonck et plusieurs de leurs collègues.
Semaine sénatoriale
Mardi 31 octobre 2017
À 14 h 30
- Proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d'accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d'installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains) (rapport commun)
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45
- Suite de la proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d'accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d'installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains) (rapport commun)
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
Mardi 7 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement
Mercredi 8 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement
Jeudi 9 novembre 2017
À 10 h 30
- 5 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord de transport aérien entre les États-Unis d'Amérique, premièrement, l'Union européenne et ses États membres, deuxièmement, l'Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Gouvernement de l'État d'Israël, d'autre part
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse (procédure accélérée)
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (procédure accélérée)
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15
- Éventuellement, suite du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (procédure accélérée)
Projet de loi de financement de la sécurité sociale
Lundi 13 novembre 2017
À 16 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (discussion générale)
Mardi 14 novembre 2017
À 14 h 30
- Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (discussion des articles)
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Mercredi 15 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Jeudi 16 novembre 2017
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Vendredi 17 novembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Semaine de contrôle
Lundi 20 novembre 2017
À 16 heures
- Débat sur l'avenir de l'Institut français (demandes de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères)
- Débat : « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens » (demande de la commission des affaires économiques)
Mardi 21 novembre 2017
À 9 h 30
- 26 questions orales
À 15 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
À 16 h 30 et le soir
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
- Suite de la proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d'accueil des gens du voyage, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d'installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé, présentée par M. Loïc Hervé et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains) (rapport commun)
Mercredi 22 novembre 2017
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de loi tendant à garantir la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles, présentée par M. Alain Bertrand et plusieurs de ses collègues
De 18 h 30 à 20 h 00 et de 21 h 30 à minuit
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections
- Débat sur la thématique des collectivités locales
Projet de loi de finances
Calendrier d'examen du projet de loi de finances pour 2018 et ordre du jour des séances du jeudi 23 novembre au mardi 12 décembre
Jeudi 23 novembre 2017
À 11 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Discussion générale
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de la discussion générale
Examen de l'article liminaire
Examen de l'article 27 : débat sur la participation de la France au budget de l'Union européenne
Vendredi 24 novembre 2017
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de l'examen des articles de la première partie
Samedi 25 novembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de l'examen des articles de la première partie
Éventuellement, dimanche 26 novembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de l'examen des articles de la première partie
Lundi 27 novembre 2017
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de l'examen des articles de la première partie
Mardi 28 novembre 2017
À 14 h 30, à 17 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite et fin de l'examen des articles de la première partie
Explications de vote sur l'ensemble de la première partie
Scrutin public ordinaire de droit
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
Mercredi 29 novembre 2017
À 10 h 30, à 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 58 à 62)
. Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales
Enseignement scolaire
Sport, jeunesse et vie associative
Jeudi 30 novembre 2017
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Pouvoirs publics, Conseil et contrôle de l'État et Direction de l'action du Gouvernement
. Budget annexe : Publications officielles et information administrative
Santé
Solidarité, insertion et égalité des chances (+ article 63)
Défense
Vendredi 1er décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ou nouvelle lecture
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Écologie, développement et mobilité durables (+ articles 53 et 54)
. Budget annexe : Contrôle et exploitation aérien
. Compte spécial : Aides à l'acquisition de véhicules propres
. Compte spécial : Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale
. Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
. Compte spécial : Transition énergétique
Éventuellement, samedi 2 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Éventuellement, dimanche 3 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Lundi 4 décembre 2017
À 10 heures, à 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Travail et emploi
. Compte spécial : Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage
Culture
Médias, livre et industries culturelles
. Compte spécial : Avances à l'audiovisuel public
Aide publique au développement
. Compte spécial : Prêts à des États étrangers
Action extérieure de l'État
Mardi 5 décembre 2017
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Sécurités
. Compte spécial : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Immigration, asile et intégration (+ articles 56 et 57)
Administration générale et territoriale de l'État
Justice
Mercredi 6 décembre 2017
À 10 h 30, à 14 heures et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation (+ articles 50 et 51)
Cohésion des territoires (+ article 52)
Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Crédits non répartis et Action et transformation publiques
. Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Régimes sociaux et de retraite
. Compte spécial : Pensions
Engagements financiers de l'État (+ article 55)
. Compte spécial : Participation de la France au désendettement de la Grèce
. Compte spécial : Participations financières de l'État
. Compte spécial : Accords monétaires internationaux
. Compte spécial : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics
Investissements d'avenir et Remboursements et dégrèvements
Jeudi 7 décembre 2017
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ article 49)
. Compte spécial : Développement agricole et rural
Économie
. Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Outre-mer
Recherche et enseignement supérieur
Vendredi 8 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
Éventuellement, samedi 9 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de l'ordre du jour de la veille
Éventuellement, dimanche 10 décembre 2017
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de l'ordre du jour de la veille
Lundi 11 décembre 2017
À 10 heures, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Suite de l'examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
Mardi 12 décembre 2017
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2018
Éventuellement, suite et fin de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
Explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2018
Scrutin public à la tribune de droit