SÉANCE
du vendredi 1er décembre 2017
29e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente
Secrétaires : Mme Mireille Jouve, M. Victorin Lurel.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Financement de la sécurité sociale pour 2018 (Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Agnès Buzyn qui se trouve en Guadeloupe après le violent incendie qui a ravagé le CHU de Pointe-à-Pitre.
La première lecture a dégagé des convergences sur de nombreux points avec 37 articles adoptés conformes, dont les articles d'équilibre. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale engage la transformation de notre système de santé appuyée sur la stratégie nationale de santé, dont les contours seront arrêtés dans quelques semaines après la concertation lancée début novembre. Cette stratégie privilégiera quatre axes : la prévention, l'accès aux soins, l'innovation, la pertinence et la qualité des soins.
Le primat de la prévention, d'abord, s'incarne dans l'extension de la vaccination obligatoire, le paquet à dix euros accompagné d'une action nationale et européenne contre le trafic et la contrebande et la taxe sur les boissons sucrées pour prévenir le surpoids, en particulier chez les jeunes. L'Assemblée nationale a adopté un barème qui correspond au souhait partagé d'une mesure incitative pour les producteurs sans peser sur les ménages. Ces trois mesures, auxquelles s'ajoute la prise en charge d'une consultation de prévention des cancers du sein et du col de l'utérus pour les femmes de 25 ans, sont les marqueurs d'une volonté politique forte et transpartisane d'agir sur les déterminants de santé. Ce mandat clair confortera la stratégie du Gouvernement.
Nous constatons également une large adhésion du Parlement pour faire évoluer notre système de santé par l'innovation : expérimentations organisationnelles, télémédecine.
Le Gouvernement entend donner le temps et les moyens nécessaires à la réforme du RSI. Elle n'impose pas de date butoir, pour une évolution graduée des systèmes d'information ; la spécificité des indépendants sera reconnue au sein du système général.
Cependant, un désaccord subsiste sur des points essentiels. L'Assemblée nationale a confirmé la baisse des cotisations salariales en contrepartie d'une hausse de la CSG, elle a cependant évolué sur les aidants et les artistes-auteurs. Cette mesure confortera le pouvoir d'achat des salariés sans avoir d'incidence sur les petites retraites. Il subsiste également une divergence forte sur la PAJE qui ne saurait résumer à elle seule la politique familiale que le Gouvernement entend mener. Une réflexion s'ouvrira dans les premiers mois de 2018.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Restent en discussion 38 articles, cela est relativement peu par rapport aux années précédentes où le Sénat rejetait souvent les tableaux d'équilibre et la trajectoire financière. Non seulement ce n'est pas le cas mais nous avons encore marqué notre adhésion aux grandes orientations du texte : prévention, expérimentation, pertinence des actions et innovation. J'en suis convaincu, le travail parlementaire aura contribué à la réforme du RSI.
Notre désaccord sur l'une des mesures-phares de ce texte a suffi à faire échouer la CMP. De fait, nous rejetons, non l'exonération des cotisations salariales, mais la hausse de la CSG sur les pensions de retraite et d'invalidité. Les effets collatéraux de l'augmentation de la CSG ne sont pas tous identifiés, nous nous interrogeons également sur le sens qu'il y a à financer l'assurance-chômage par l'impôt. De même, alors que s'ouvre une réflexion sur la politique familiale, la mesure sur la PAJE n'était ni impérative ni urgente.
Si les députés ont retenu des apports ponctuels du Sénat, ils ont supprimé l'extension des exonérations de cotisations aux EPCI pour l'aide à domicile, le cumul emploi-retraite des médecins retraités en zones sous-denses ou encore la durée des contrôles Urssaf.
L'Assemblée nationale a modifié les tableaux d'équilibre de la troisième partie pour tenir compte des modifications adoptées. Les règles d'arrondi et la présentation de ces tableaux à la centaine de millions d'euros près nuisent à la qualité de l'information apportée.
Concernant l'assurance maladie, l'Assemblée nationale est revenue à son texte, à quelques exceptions près : le développement des modes d'exercice « coordonné », et non seulement « regroupé » ; l'extension de l'accès au dossier pharmaceutique aux pharmaciens biologistes et la reconnaissance du rôle des pharmaciens d'officine dans le déploiement de la télémédecine.
En revanche, ont notamment été supprimés la mention spécifique de la prise en charge des patients atteints d'insuffisance rénale chronique dans le champ des expérimentations, la création d'une procédure d'utilisation testimoniale éclairée et surveillée, les ajustements apportés à la régulation du secteur du dispositif médical.
Si nos désaccords avec l'Assemblée nationale ne sont pas nombreux, nous sommes parvenus au terme d'un dialogue utile. D'où le dépôt de la question préalable.
Nous entrons dans une nouvelle séquence, celle du contrôle de l'exécution de la loi de financement qui, je l'espère, débouchera sur une préparation plus concertée de la prochaine loi de financement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et Les Républicains)
M. Martin Lévrier . - À l'issue de la première lecture, la moitié des articles ont été adoptés conformes, dont les tableaux d'équilibre et la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux. Le Sénat a soutenu, parfois avec enthousiasme, la politique de prévention et d'innovation. M. Savary s'est même exclamé, à propos de l'article 35 ouvrant un champ d'expérimentations : « Mme la ministre, vous avez tout compris ! ».
Malheureusement, la suppression de la hausse de la CSG sur les retraites et pensions entraîne un déficit de 7 milliards d'euros...
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. - 4,5 milliards !
M. Martin Lévrier. - ... si l'on y ajoute d'autres mesures que le Sénat a votées. Tout nouveau déficit générera de la dette supplémentaire, rendant notre parole inaudible en Europe, obérant l'avenir de nos enfants. C'est pourquoi la proposition du Sénat sur la CSG n'est pas tenable, d'autant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale contient des mesures pour les plus fragiles : revalorisation du minimum vieillesse et de l'AAH, aide aux familles monoparentales.
Je le redis : les retraités touchant moins de 2 500 euros ne seront pas impactés par la hausse de CSG. L'effort collectif doit être réparti, en conservant l'objectif d'équilibre du budget.
Je suis convaincu de la possibilité d'un accord, qui mettra en valeur l'utilité du bicamérisme. Vérifier, améliorer si besoin, voire tempérer les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, c'est le rôle du Sénat. Tenons-nous-y.
Mme Laurence Cohen . - Que dire, sinon que ce texte tient peu compte du travail des sénatrices et sénateurs ?
L'hôpital public est maltraité. Il subit une nouvelle réduction de ses moyens : cette année, 1,2 milliard d'euros. Pourtant, quasiment chaque semaine, le personnel nous alerte sur la dégradation de leurs conditions de travail et la prise en charge des patients. Comme si cela ne suffisait pas, la Cour des comptes, dans son rapport de mercredi dernier, recommande de supprimer davantage de lits d'hospitalisation. Déjà, les hôpitaux de proximité ont été supprimés au profit de mégastructures, les GHT. Certes, l'hôpital doit évoluer mais comment ? En demandant aux équipes de tout codifier ? Cela réduit le temps passé auprès des patients. Développer l'ambulatoire nécessite de créer les conditions de la prise en charge à domicile. Dans notre rapport d'information sur la situation des urgences hospitalières, nous demandions qu'il soit mis fin aux suppressions de lits.
Parallèlement, il faut s'attaquer à la désertification médicale. Les jeunes médecins veulent exercer comme salariés. Pour encourager leur installation, il faut un établissement public hospitalier et un centre de santé public par bassin de vie. Or on va dans la direction inverse.
La hausse de 1,7 point de la CSG pour les retraités est toujours au menu. Vous avez accepté un taux de CSG à 9,2 % pour les aidants familiaux, contre 9,9 % aujourd'hui. Quelle générosité !
Comment se plaindre des 150 millions de crédits débloqués pour les hôpitaux ? On ne s'en plaindra pas mais une épidémie de grippe suffira à réduire ce reliquat. À Bastia, des milliers de personnes ont manifesté pour sauver leur hôpital, l'AP-HP va supprimer 180 postes. Les menaces qui pèsent sur deux services de l'hôpital Henri Mondor ont poussé les six sénatrices et sénateurs du Val-de-Marne, toutes sensibilités politiques confondues, à donner l'alerte. Je vous invite, en outre, à aller voir le documentaire de Raymond Depardon, « 12 jours », qui met en lumière le recours de plus en plus fréquent à la contention dans les hôpitaux psychiatriques à cause des réductions de personnel.
Plutôt que le zéro reste à charge pour les mutuelles, votons la gratuité des soins de base à 100 %. De l'argent, il y en a ; prenons-le pour bâtir une autre politique de santé. Vous l'avez compris, le groupe CRCE votera contre.
M. Yves Daudigny . - La nouvelle lecture, exercice qui sera écarté par la question préalable, n'est pas d'une utilité évidente. J'éprouve un peu de tristesse à la fin de ce voyage dans l'Ondam et les taux L où les participants ne visaient pas forcément le même point d'arrivée. Le climat a parfois été vif mais la discussion riche.
J'éprouve également des regrets devant cette discussion interrompue. Combien de nouvelles lectures ont été conduites à terme depuis dix ans ? L'Assemblée nationale est revenue, sans surprise, au texte voté en première lecture. On aurait pu attendre des ouvertures sur le cumul emploi-retraite pour les médecins retraités exerçant en zone sous-dense, la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique.
Quelques satisfactions, cependant, sur la taxe sur les boissons sucrées, les exonérations pour le bioéthanol de la taxe sur les véhicules de société, le cumul de l'ACCRE et l'exonération pour les jeunes agriculteurs ou encore l'exemption de hausse de la CSG pour les artistes-auteurs et les titulaires de la PCH.
Le groupe SOCR a soutenu les mesures de prévention - hausse du prix du tabac, extension de l'obligation vaccinale, taxe sur les boissons sucrées et consultations gratuites pour les jeunes femmes contre le cancer - comme celles portants sur les expérimentations organisationnelles et la télémédecine.
Nous réaffirmons notre opposition la plus résolue à la hausse de la CSG, à l'utilisation prévue de la CASA, à la réduction de la PAJE, à l'ajustement à la baisse des tarifs des dispositifs médicaux et tiers payant généralisé devenu tiers payant généralisable.
La Cour des comptes vient de porter un jugement sévère sur notre système de santé ; moins médiatisée, une étude conduite par la Commission européenne a jugé que ce système n'était plus un modèle. Nous en sommes venus à la fin de l'examen de la loi de financement mais le temps du repos n'est pas venu... (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Claude Malhuret . - Alors que le Premier ministre a fixé le cap d'un équilibre des finances de la sécurité sociale à l'horizon 2020, le Sénat a voté la suppression de l'augmentation de 1,7 point de la CSG pour les retraités, soit une perte de 4,5 milliards. Notre groupe Les Indépendants avait proposé une hausse limitée à 1,2 point, ce que l'Assemblée nationale aurait pu accepter. Cette solution de compromis n'a malheureusement pas prévalu.
Étudions ensemble ce texte pour arriver à l'équilibre en 2020. Il est courageux de prévoir une limitation de l'augmentation des dépenses de sécurité sociale de 2,1 % en 2018. C'est une première étape.
En deuxième lecture, les députés ont rétabli la hausse généralisée de 1,7 point de la CSG et détricoté les mesures votées par le Sénat sur l'article 7. Ce n'est pas notre vision du débat parlementaire, qui doit conduire à une écriture conjointe de la loi par les deux chambres.
Les mesures de rationalisation et de simplification - fusion de la C3S et de la C4S, généralisation du CESU, doublement du plafond des microentreprises, adossement du RSI au régime général - ont notre plein soutien. Je salue les mesures de prévention, bien qu'il faille aller beaucoup plus loin. Je ne comprends pas pourquoi les députés ont refusé le cumul emploi-retraite pour les médecins en zone sous-dense ; l'outil a été reconnu pertinent dans la loi Montagne.
Le groupe Les Indépendants est très sensible aux encouragements à l'expérimentation, notamment sur la télémédecine, la télé-expertise et la télé-radiologie.
Poursuivons l'examen de ce projet de loi dans une démarche constructive et sereine. (MM. Martin Lévrier et Yvon Collin applaudissent.)
Mme Véronique Guillotin . - Le rapporteur général propose d'arrêter là la discussion. Le groupe RDSE veut, lui, privilégier le débat à chaque fois que cela est possible à l'heure où certains mettent en question le bicamérisme. Nous avons été nombreux à saluer la qualité des échanges en première lecture. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, lors de la CMP, a remercié le Sénat pour la qualité de ses apports. Nous avons trouvé des solutions pour les artistes-auteurs, les titulaires de la PCH et les agriculteurs. Nous aurions pu trouver un compromis pour les pensions de retraite et d'invalidité en rehaussant le plafond à partir duquel la hausse de la CSG s'applique.
Vous avez notre soutien sur les mesures de prévention et d'innovation ainsi que sur la réforme de RSI. À titre strictement personnel, je partage la position de la ministre de la santé sur la généralisation du tiers payant : elle était prématurée.
Nous déplorons la suppression du cumul emploi-retraite pour les médecins en zone sous-dense et le plafonnement du nombre de prestations et d'appareillages fournis aux patients à domicile à l'article 41, qui peut limiter l'accès aux soins.
Je reste perplexe sur la taxation des boissons sucrées, qui touchera surtout les populations modestes, mieux vaudrait une politique ambitieuse d'éducation à la santé. En réponse à notre groupe, la ministre a évoqué un débat sur la généralisation de la vaccination contre le papillomavirus. Nous l'espérons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. René-Paul Savary . - Le rapporteur général de l'Assemblée nationale, que je suis allé écouter, a tout fait pour nous aider ; ses marges de manoeuvre étaient malheureusement limitées. L'Assemblée nationale et le Sénat ont une vision différente sur la CSG et les retraités ; chacun reste sur sa position, c'est légitime. Pour autant, faisons attention à envoyer un mauvais signal avant la réforme sur les retraites.
Ce texte entérine une réforme des cotisations salariales alors qu'on annonce une réforme de l'assurance-chômage. La question de la gestion paritaire se pose.
Nos divergences étaient claires sur la PAJE. Nous défendons l'universalité des prestations familiales, elle est mise en question dans le prolongement du gouvernement précédent. Dans le cadre de la réflexion qui sera lancée, voulez-vous étudier la proposition que j'avais faite de cibler l'allocation de rentrée scolaire ? L'idée est qu'elle soit distribuée sous forme de titres dédiés.
Sur le volet sanitaire, j'estime, en effet, que la ministre a tout compris. Un consensus est possible sur la prévention, à commencer par la lutte contre le tabagisme et la vaccination généralisée. Nul besoin d'imposer le tiers payant, qui se généralisera naturellement quand il fonctionnera : votre position est pragmatique, je m'en félicite.
Il aurait été utile d'adapter la fongibilité des APA 1 et 2, au bénéfice des départements, plutôt que de les faire remonter pour les personnes âgées dépendantes ; vous avez manqué une occasion.
Le rapport Milon sur l'investissement dans les hôpitaux n'a pas été suivi. Les crédits de l'assurance-maladie méritent d'être dédiés aux soins ; c'est la vocation de l'État de prendre en charge les bâtiments. Nous sommes parvenus à ce partage pour les bâtiments scolaires.
Allons plus loin sur certains dispositifs expérimentaux : les malades s'impatientent ! Trop de temps passe entre la découverte des molécules sur les paillasses des laboratoires et leur présentation sur les étagères des pharmacies. J'avais proposé une utilisation testimoniale éclairée des médicaments. L'innovation, en Alzheimer, bénéficierait à un million de personnes ; 400 milliards d'euros sont en jeu. Je suis sûr que la ministre nous soutiendra sur ce point. Avançons ensemble, dans l'intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, applaudit également.)
Mme Nassimah Dindar . - En première lecture, les débats ont été riches, nourris, précis. La moitié des articles ont été adoptés conformes. Le débat a été serein et constructif. Je remercie la ministre de sa volonté de dialogue ainsi que les rapporteurs qui ont guidé nos réflexions.
L'échec de la CMP était annoncé : deux visions s'affrontaient sur la PAJE et la CSG. Un effort de pédagogie auprès des retraités, que le Sénat a entendus, aurait été salutaire. La hausse ne se justifiait pas pour les retraités qui ne bénéficiaient pas de la suppression de la taxe d'habitation. Cela dit, nous aurions pu trouver un compromis en étalant cette hausse sur plusieurs années. Vous avez fait le choix de remplir une promesse de campagne, personne ne peut vous le reprocher.
Sur la prestation d'accueil du jeune enfant, le principe d'universalité des prestations familiales doit prévaloir. Cela ne doit pas se réduire à une politique de lutte contre la pauvreté.
L'échec des discussions sur ces deux marqueurs forts était prévisible ; cependant, des compromis auraient pu être trouvés sur l'exemption des petites retraites agricoles ou la baisse des cotisations maladies des agriculteurs, qui était demandée par l'ensemble des sénateurs ; sur l'extension de l'exonération de charges sociales en faveur des EPCI qui ont un service d'accompagnement à domicile, ou sur le cumul emploi-retraite des médecins en zone sous-dense.
Je ne me livre pourtant à aucun réquisitoire, d'autant que la navette parlementaire a conservé certains apports du Sénat, comme l'expérimentation sur la télémédecine ou la fiscalité comportementale. Nous sommes déçus mais nous souhaitons que prévale un climat de confiance.
L'accès aux soins, la pérennisation du système de santé, les retraites, la concertation sur la politique familiale : autant de chantiers à poursuivre.
Je souhaite une refonte de la prise en charge du handicap et de la dépendance, en commençant par une simplification des prestations : souvent, les publics vulnérables ne s'y retrouvent pas.
Le groupe UC vous y aidera sur la base de nos expériences de terrain. Nous pourrons y travailler d'ici le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce sera aussi l'occasion de faire le bilan des actions que vous engagez. Sur le présent texte, le débat n'a plus lieu d'être : nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme la présidente. - La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission.
Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur deux nombreux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects aussi décisifs que le financement de la protection sociale ou les publics concernés par la politique familiale ;
Considérant que la compensation de l'augmentation de la CSG applicable aux pensions de retraite et d'invalidité par l'exonération de la taxe d'habitation est à la fois : incomplète puisqu'elle représentera 3 milliards d'euros en 2018 pour l'ensemble de la population alors que le prélèvement supplémentaire sur les retraités sera de 4,5 milliards d'euros, différée, puisqu'elle s'étalera sur trois ans et aléatoire puisque la taxe d'habitation diffère selon le lieu d'habitation ;
Considérant que la politique familiale traduit une solidarité envers les familles pour les soutenir dans l'éducation de leurs enfants et non une redistribution selon leurs revenus ;
Considérant que l'information du Parlement doit être renforcée lors de la modification des tableaux d'équilibre en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 121).
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Certains affirment que nous aurions pu continuer à discuter. On le peut toujours ! Mais j'ai écouté les députés, le rapporteur général de l'Assemblée nationale, le Premier ministre, les ministres : aucune évolution n'aurait été possible sur l'article 7. Certaines autres portes s'étaient aussi fermées. Nous avions émis des propositions acceptables, notamment pour rapprocher le taux normal de CSG des retraités et celui des actifs. Cette voie moyenne n'a pas été retenue. Rien ne sert de continuer à débattre.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - Trois séries d'observations peuvent résumer la position de la commission des affaires sociales.
La plupart des articles du texte ne suscitent pas de désaccord de fond : transformation du CICE en allègement de charges, taxation supplémentaire du tabac, vaccination, suppression de la généralisation du tiers payant, parcours de soins, etc.
J'étais très réservé en première lecture sur l'inclusion du RSI dans le régime général ; la commission des affaires sociales a choisi de compléter le texte et l'Assemblée nationale a conservé nombre d'amendements votés au Sénat.
Les points de désaccord concernent principalement deux dispositions. Le Sénat a supprimé du texte l'augmentation de 1,7 point de CSG sur les pensions de retraite et d'invalidité ; car ce sont 4,5 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires sur les retraités, que l'on ne saurait comparer avec les 3 milliards d'euros de suppression de taxe d'habitation, puisque celle-ci touche l'ensemble de la population. Le message est brouillé sur le financement de la protection sociale, quand on prend une mesure affectant le financement de l'assurance chômage avant même la réforme annoncée, et quand on transfère vers l'impôt des risques assuranciels. La part des prélèvements sur l'activité augmente, celle des prélèvements sur la consommation diminue. Cela ne nous va pas.
Deuxième point de désaccord, les règles d'attribution de la PAJE. Le périmètre de la politique familiale en est restreint et notre commission a voté contre.
Sur le reste, nous aurions pu aboutir à un accord. Le délai contraint, hélas, limite le débat. Je regrette que nos apports, certains votés chaque année par le Sénat au-delà des clivages partisans, n'aient pas reçu meilleur accueil par l'exécutif et les députés, et que nos propositions aient été écartées par principe.
C'est pour ces raisons que la commission des affaires sociales juge inutile d'aller plus loin dans la discussion et a adopté une question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Martin Lévrier . - À une époque où les citoyens débattent de l'utilité des élus et surtout du Sénat, je regrette cette question préalable. Je ne crois pas à la politique de la chaise vide.
En première lecture, signe que des accords étaient possibles, plus de cent amendements ont été retirés, parce que les arguments opposés ont été entendus ; il y a eu des consensus, sur la hausse du prix du tabac, la taxe sur les boissons sucrées, les obligations vaccinales, la fin du RSI, la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations.
Malgré cela, le rapporteur général a choisi de déposer une question préalable.
Jeune sénateur, peut-être un peu naïf, j'estime que choisir de ne pas examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale en nouvelle lecture, c'est nier notre rôle dans le travail parlementaire et l'importance des débats de notre démocratie. On ne peut s'exonérer de débattre ni d'analyser.
Dès le premier soir de l'examen au Sénat, nous étions à 6 milliards d'euros de dépassement des dépenses sociales, portés à 7 milliards à la fin : l'équilibre des comptes sociaux a été déstructuré. L'Assemblée nationale a donc pris en compte uniquement les propositions raisonnables du Sénat. Je pense à toutes les modifications sur l'article 11 et le RSI, à l'exonération pour le bioéthanol, qui ont été discutées, comprises et adoptées par l'Assemblée nationale.
Avec le groupe LaREM, je suis fier de soutenir ce texte tel que rédigé par le Gouvernement et amendé par le Parlement, en y incluant les apports du Sénat ; c'est une réforme structurelle importante pour un système solidaire, ambitieux, juste et responsable.
La position de la majorité sénatoriale sur l'article 7 est d'autant moins compréhensible qu'en 2008, cette majorité avait voté la suppression de la demi-part des veuves, suivie quelques années plus tard par la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions de retraite des personnes ayant eu au moins trois enfants.
Adoptons une vision à long terme, sans posture politicienne ni considérations électorales, car c'est la seule possibilité pour un système social protecteur de perdurer au bénéfice des générations futures. C'est le sens de notre travail.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - La ministre de la santé aurait souhaité que le débat se poursuive jusqu'à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale et regrette la probable adoption de la question préalable.
L'ensemble des propositions et des points de vigilance du Sénat ont été entendus par le Gouvernement qui met tout en oeuvre pour aboutir à une concorde. Avis défavorable à la motion. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme Laurence Cohen . - La justification apportée par le rapporteur général à sa question préalable m'amuse. En première lecture, notre groupe avait lui aussi déposé une question préalable. Le rapporteur général avait alors insisté sur la nécessité de débattre. Il touche du doigt aujourd'hui ce que nous avons vécu en première lecture : ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est tellement à l'encontre des valeurs de solidarité et d'universalité de la protection sociale que nous sommes amenés à défendre une question préalable.
M. Milon a exposé avec pédagogie les raisons de cette question préalable. Nous partageons les deux points de désaccord sur la CSG et la politique familiale. Mais, sur le fond, pour tout le reste du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre les majorités de l'Assemblée nationale et du Sénat. C'est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Claude Malhuret . - Sommes-nous en train de prendre l'habitude des questions préalables ? Nous en avons voté une sur le projet de loi de finances rectificative, en voici une autre aujourd'hui sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et peut-être demain sur le projet de loi de finances ?
La CMP n'a pas été conclusive sur tous les points, mais sur certains, oui. Si nous arrêtons le débat, cela sera préjudiciable pour le Sénat et pour notre pays.
Certes, l'article 7 sur la CSG est important, de même que la politique familiale, mais est-ce à dire que les autres sont insignifiants ? Continuons à nous exprimer jusqu'au bout.
Le groupe Les Indépendants votera contre cette question préalable. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. René-Paul Savary . - C'est le jeu des institutions, et non un refus de débattre ! Nous avons débattu, sur une base démocratique saine. Puis, il y a eu la CMP... Olivier Véran, le rapporteur général de l'Assemblée, semblait prêt à avancer. Nous avions l'impression d'une volonté de coconstruction. Cela n'a pas été possible, dont acte.
Pourquoi ce qui n'a pas été repris par les députés en première lecture le serait en deuxième lecture ? Le dialogue utile a eu lieu, comme disait Alain Milon. Évitons le dialogue inutile.
M. Jean-Claude Requier . - Nous aimons le débat, la confrontation, le compromis lorsqu'il est possible, et nous sommes hostiles par principe à une question préalable. Le groupe RDSE votera contre la motion.
M. Yvon Collin. - Bravo !
M. Yves Daudigny . - Nous avons une opposition totale sur deux points au centre du débat : l'augmentation de la CSG et la baisse de la PAJE. Nous constatons du côté du Gouvernement et de l'Assemblée nationale des lignes figées, en particulier sur ces deux points. À la majorité du Sénat de prendre ses responsabilités. Le groupe SOCR s'abstiendra.
M. Michel Canevet . - Le groupe UC votera pour la question préalable. Nous avons largement débattu durant la première lecture. Nous avons invoqué la rupture de l'égalité devant les charges, à propos de l'augmentation de CSG. Le recours à la TVA, lui, garantirait une égalité de traitement. Notre groupe est aussi attaché à une politique familiale équilibrée : pourquoi diminuer les prestations alors que la branche est excédentaire ? Arrivons à l'équilibre de l'ensemble des branches ; il ne convient pas que coexistent des branches déficitaires et excédentaires.
Nous voterons la question préalable pour réaffirmer ces positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme la présidente. - En application de l'article 59 du Règlement du Sénat, le scrutin public ordinaire est de droit.
La motion n°1 tendant à opposer la question préalable à l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, en nouvelle lecture, est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°35 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 249 |
Pour l'adoption | 196 |
Contre | 53 |
Le Sénat a adopté.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, en nouvelle lecture, n'est pas adopté.